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2011 CCI 92
TCC
2,011
RNC Média Inc. c. La Reine
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2011-02-16
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2022-09-04
RNC Média Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-02-16 Référence neutre 2011 CCI 92 Numéro de dossier 2009-1785(IT)G Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-1785(IT)G ENTRE : RNC MÉDIA INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 18 octobre 2010, à Montréal (Québec) Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Dominic C. Belley Avocats de l'intimée : Me Claude Lamoureux Me Nathalie Labbé ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition se terminant le 31 août 2003 est accueilli, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 2011. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2011 CCI 92 Date : 20110216 Dossier : 2009-1785(IT)G ENTRE : RNC MÉDIA INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] Il s’agit d'un appel par l’appelante, RNC Média Inc., anciennement Radio Nord Communications Inc., à l’encontre d’une cotisation établie le 18 avril 2007 par le ministre du Revenu national (le « ministre »), en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), pour son année d’imposition terminée le 31 août 2003. Un avis d’opposition a été dûment produit le 12 juillet 2007. La cotisation a été ratifiée le 26 février 2009. Le total des montants en cause est inférieur à 50 000 $ (Catégorie A). [2] Le 15 février 2001, l’appelante congédie son président et chef de l’exploitation, monsieur Gilles Poulin. L’appelante a notamment versé une somme de 135 843 $ à monsieur Poulin dans le cadre de son congédiement. L’appelante a déduit dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2003 la somme de 135 843 $. L’appelante soutient qu’elle était en droit de déduire dans le calcul de son revenu la somme de 135 843 $ puisqu’elle avait été versée à monsieur Poulin à titre d'indemnité en regard des services que ce dernier lui avait rendus. Par ailleurs, par la cotisation établie le 18 avril 2007 et ratifiée le 26 février 2009, le ministre a refusé d’allouer la dépense déduite par l’appelante à titre d'indemnité en regard des services rendus. Le ministre a considéré que cette somme avait plutôt servi à acheter les 75 actions que monsieur Poulin détenait dans le capital‑actions de l’appelante et qu’il en est résulté un dividende présumé en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi. En l’espèce, la seule question en litige est la suivante : l’appelante a‑t‑elle versé la somme de 135 843 $ à monsieur Poulin pour acheter ses propres actions détenues par ce dernier ou à titre d'indemnité pour services rendus? [3] Monsieur Martin Leblanc, fiscaliste de la firme Samson, Bélair (le vérificateur externe de l’appelante) et monsieur Pierre Brosseau, président du conseil d’administration de l’appelante, ont témoigné à l’appui de la position de l’appelante. Seul monsieur Poulin a témoigné à l’appui de la position de l’intimée. Contexte [4] L’appelante oeuvre dans le milieu des télécommunications depuis plus de 50 ans. Elle a commencé ses activités en exploitant des stations radiophoniques dans le nord‑ouest québécois. Elle a depuis fait l’acquisition de plusieurs stations de radio ainsi que de certaines chaînes régionales de télévision. [5] Jusqu’au 15 février 2001, monsieur Poulin occupait les fonctions de président et chef de l’exploitation de l’appelante. Il était responsable des activités de toutes ses unités radio et télé. Pendant ses 24 années de services, monsieur Poulin a occupé les postes de directeur général, de vice-président, développement, de vice-président exécutif, de président directeur général et de président et chef de l’exploitation (à partir de 1998) de l’appelante. À compter de 1982, il a agi comme administrateur et officier à titre de président. En 1987, il est devenu actionnaire de l'appelante. Il détenait 2 575 actions ordinaires, soit 5 % du capital‑actions de l'appelante. [6] Le 19 mars 1998, l'appelante a conclu un contrat d’emploi avec monsieur Poulin (pièce A‑1, onglet 10) pour retenir les services de ce dernier à titre de président et de chef de l’exploitation. La date d’entrée en vigueur de ce contrat était le 1er septembre 1997. Lors de la signature de ce contrat, comme au moment du congédiement de monsieur Poulin, l’appelante était représentée par Pierre Brosseau, un avocat de formation, consultant auprès du Groupe Radio‑Nord Inc. et de Radio‑Nord Communications Inc. en 1996, président et chef de la direction du Groupe Radio‑Nord Inc. en 1997 dont il détient 50 % des actions depuis l’automne 2000. [7] Une entente spécifique sur l’intéressement de monsieur Poulin au capital‑actions de l’appelante (l’« Entente ») a été conclue le 19 mars 1998 (pièce I‑1, onglet 1). La date d’entrée en vigueur de l'Entente est le 1er septembre 1997. L’article 1 de l’Entente stipule ce qui suit : ARTICLE 1 – INTÉRESSEMENT AU CAPITAL 1.1. Compte tenu que l’Intervenant procédera à une réorganisation corporative sous forme de « gel », le PCE souscrira à soixante‑quinze (75) des mille (1 000) actions votantes et participantes à être émises par la Compagnie après le « gel » représentant les seules actions participantes alors en circulation pour une considération de un dollar (1,00 $) par action payable comptant, ou pour une fraction similaire d’un nombre différent d’actions également votantes et participantes. 1.2. Dans le cas où le PCE ne demeurerait pas à l’emploi de Radio Nord inc. pour une période de trois (3) ans commençant en Date d’entrée en vigueur, il retournera à la Compagnie ou aux personnes déterminées par le conseil d’administration de celle‑ci vingt‑cinq (25) des actions votantes et participantes qu’il détient pour une considération de un dollar (1,00 $) chacune payable à demande. Le solde de cinquante (50) actions sera traité de la même manière que si le PCE était demeuré à l’emploi de la Compagnie pour une période minimum de trois (3) ans. 1.3. Dans le cas où le PCE demeurerait à l’emploi de la Compagnie pour une période de trois (3) ans à compter de la Date d’entrée en vigueur, la Compagnie, ou les personnes désignées par son conseil d’administration, procéderont à l’achat ou au rachat des actions en circulation à leur valeur aux livres du dernier exercice financier de la Compagnie arrêté par les vérificateurs de la Compagnie et payable dans les trente (30) jours de la réunion du conseil d’administration de celle‑ci approuvant les états financiers de l’exercice précédent. 1.4. Aux fins d’assurer l’exécution des obligations de chacune des parties en vertu du présent paragraphe, les certificats d’actions de la Compagnie souscrits par le PCE seront remis à un mandataire‑dépositaire qui sera l’étude d’avocats Lapointe, Rosenstein et dont le mandat sera le suivant : 1. détenir les certificats d’actions susdits dûment endossés de la Compagnie (ou éventuellement de l’Intervenant); 2. remettre les certificats d’actions susdits ou toute fraction de ceux‑ci à leur propriétaire selon les dispositions prévues aux présentes; 3. dans le cas d’un litige entre les parties, détenir les actions jusqu’à jugement final, étant entendu que : a. le mandataire‑dépositaire n’encourra aucune responsabilité autrement que pour ses actes faits ou consentis de mauvaise foi, b. sera libéré de toute obligation s’il agit conformément à une opinion obtenue d’une étude d’avocats québécois regroupant au moins vingt (20) avocats au sein d’une société en nom collectif, c. pourra démissionner de ses fonctions sur simple avis de quinze (15) jours ou être remplacé de consentement par les parties, d. ne sera pas tenu de faire quelque démarche pour s’assurer de l’exécution des obligations respectives des parties et pourra exiger toute garantie d’indemnisation qu’il jugera suffisante. Tous les frais et honoraires du mandataire‑dépositaire seront assumés en parts égales par la Compagnie et/ou l’Intervenant d’une part et par le PCE d’autre part. [8] Monsieur Poulin allègue qu’il a souscrit à 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante pour une contrepartie de 0,10 $ par action et qu’il a payé le montant de la souscription au moyen d’un chèque tiré à l’ordre de l’appelante au montant de 7,50 $, et ce, en date du 15 août 2000. Je souligne immédiatement que les états financiers de l'appelante (voir pièce A‑1, onglet 2, page 99, note 10) pour son exercice financier se terminant le 25 août 2002 indiquent que les actions de l'appelante souscrites par monsieur Poulin n’avaient pas été émises. On peut aussi déduire de ces états financiers que le chèque de 7,50 $ a été encaissé à un moment donné par l’appelante puisqu’un montant de 8 $ (7,50 $ arrondi à 8 $) apparaît sous la rubrique « autres actions souscrites » en date du 25 août 2002. À cet égard, je souligne immédiatement que l’appelante soutient que, bien que les 75 actions ordinaires de catégorie C de son capital‑actions avaient été souscrites par monsieur Poulin, ces dernières n’ont jamais été émises. L’intimée, elle, soutient que ces actions avaient été émises, d’où le présent litige. [9] Le 15 février 2001, monsieur Pierre Brosseau faisait parvenir une lettre à monsieur Poulin (pièce I‑1, onglet 3) aux termes de laquelle l’appelante l’avisait qu’il était congédié à la suite de la restructuration de l'entreprise. Cette lettre était accompagnée du texte d’une transaction et quittance qui énonçait les différents indemnités et avantages que consentait l’appelante afin de mettre fin à ses relations avec monsieur Poulin. L’appelante avait accordé à monsieur Poulin un délai de 6 jours pour lui signifier son consentement à la conclusion d'une telle entente. Le deuxième « Attendu » de cette entente se lit comme suit : Attendu que monsieur Poulin a souscrit à soixante‑quinze (75) actions volantes et participantes de RNCI en vertu d’une Entente d’intéressement au capital conclue le 19 mars 1998; (je souligne) À l’égard des 75 actions avec droits de vote et de participation souscrites par monsieur Poulin, l’appelante proposait notamment aux termes du paragraphe 2.4 de cette entente que : « RNCI rachète les soixante‑quinze (75) actions votantes et participantes du capital‑action de RNCI acquises par Monsieur Poulin en vertu de l’Entente d’intéressement au capital conclue entre les parties le 19 mars 1998 et verse à Monsieur Poulin, en considération dudit rachat, la somme de cinquante-neuf mille cent quatre-vingt-treize dollars (59 193 $); ». Monsieur Poulin a rejeté la proposition de transaction de l’appelante. [10] Le 21 juin 2001, monsieur Poulin intentait une action en justice contre l’appelante notamment dans le but de faire reconnaître ses droits aux termes de l’Entente (pièce I‑1, onglet 1). L’action en justice initiale comportait notamment un volet déclaratoire et en passation de titre concernant les 75 actions ordinaires de catégorie « C » qu’il avait souscrites. À cet égard, les paragraphes 45 et 46 de la Déclaration Re-Amendée et Retraxit méritent d’être cités (voir pièce I‑1, onglet 4). Ils se lisent comme suit : 45 Aussi, le demandeur demande-t-il à cette Cour de déclarer si, effectivement, lui ou la société défenderesse, pouvaient, au 15 février 2001, après reconduction de son contrat d’emploi pour deux (2) ans, exiger la vente, l’achat ou le rachat de ses actions; 46 Dans l’affirmative, le demandeur demande passation des titres, pour le prix à être établi par cette honorable Cour, soumettant que la juste valeur marchande de ses actions s’établit à 3 000 000 $, et que leur valeur aux livres s’établit non pas aux 59 193 $ proposés par la société défenderesse, mais bien à 279 127,00 $. (…) Au soutien de ses prétentions à cet égard, le demandeur a déposé une expertise comptable (pièce P-36) (…) [11] À la suite de cette action en justice initiale, l’appelante versait, dans le cadre d’une offre de règlement le 22 août 2002, une indemnité de 468 986 $ à monsieur Poulin. À la lecture de la lettre de Me Alain Gascon (pièce I‑1, onglet 7), qui représentait l’appelante dans le cadre de ce litige, à laquelle étaient joints des chèques totalisant la somme de 468 986 $, on constate qu’un chèque de 67 880,37 $ avait été tiré sur le compte bancaire de l’appelante à l’ordre de monsieur Poulin à l’égard des 75 actions ordinaires de catégorie « C ». Le texte de cette lettre à cet égard mérite d’être reproduit textuellement. Il se lit comme suit : RACHAT D’ACTIONS : 59 193,00 $ DIVIDENDES : 69 559,00 $ Chèque no 003987 À l’ordre de M. Gilles Poulin 67 880,37 $ Rachat d’actions : 59 193,00 $ (Valeur des 75 actions ordinaires non émises Dividendes : 69 559,00 $ Total brut : 128 752,00 $ Moins retenues d’impôts - 60 871,63 $ [Je souligne] [12] L’action en justice initiale a été modifiée pour tenir compte du paiement de 468 986 $ fait le 22 août 2002 (voir la pièce I‑1, onglet 4). Compte tenu du montant de 59 193 $ reçu par monsieur Poulin à l’égard des 75 actions ordinaires de catégorie « C » souscrites après l’introduction de son action en justice initiale, monsieur Poulin demandait, dans son action en justice modifiée, jugement pour le solde, alléguant que la valeur de ses actions était de 279 127 $ et non pas de 59 193 $. [13] Le 28 août 2003, la juge Nicole Morneau de la Cour supérieure du Québec rendait le jugement suivant à l’égard des 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante souscrites par monsieur Poulin (voir pièce A‑1, onglet 6, page 14) : […] ÉTABLIT à cent quatre-ving-quinze mille trente-six dollars (195 036,00$) la valeur des 75 actions ordinaires du demandeur dans Radio Nord Communications Inc. au 31 août 2000; CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de cent trente‑cinq mille huit cent quarante‑trois dollars (135 843,00$) pour le solde de ses actions avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. sur la somme de cent quatre‑vingt‑quinze mille trente-six dollars (195 036,00$) du 15 février 2001 au 22 août 2002 et sur le solde de centre trente-cinq mille huit cent quarante‑trois dollars (135 843,00$) à compter du 23 août 2002; DÉCLARE bonnes et valables les offres réelles et consignation des actions du demandeur à l’intention de la défenderesse et ordonne leur transfert à la défenderesse contre paiement du prix établi ci‑dessus; […] [14] Par ailleurs, la preuve a révélé que : a. Le règlement (Règlement spécial No 29) modifiant les statuts de l'appelante et visant notamment à donner effet au gel envisagé par l’appelante dans l’Entente et à créer une catégorie d’actions ordinaires de catégorie « C » avait été adopté le 9 août 2000 (voir pièce A‑1, onglet 14, pages 159-160). Le certificat de modification des statuts a été déposé auprès de l’Inspecteur général des institutions financières le jour même de l’adoption du Règlement spécial No 29 (voir pièce A‑1, onglet 14, pages 161-175); b. L’appelante avait produit un feuillet de renseignements T‑4 (pièce A‑1, onglet 8) à l’égard de la somme de 135 843 $ versée à monsieur Poulin. Ce feuillet de renseignements indique notamment que cette somme de 135 843 $ avait été versée à monsieur Poulin à titre de revenu d’emploi et que les retenues à la source appropriées avaient été faites par l’appelante. Je souligne immédiatement que monsieur Poulin a témoigné qu’il avait traité dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003 la somme ainsi reçue de l’appelante comme un revenu d’emploi (voir page 64 des notes sténographiques); c. Les états financiers de l’appelante pour son exercice financier se terminant le 31 août 2003 indiquent que la souscription de 75 actions ordinaires de catégorie « C » avait été annulée (voir pièce A‑1, onglet 2, page 99); d. La somme de 135 843 $ versée à monsieur Poulin en 2003 avait été traitée par l’appelante comme une dépense en vue de tirer un revenu de son entreprise à la fois pour les fins comptables et fiscales; e. Le règlement no 21 de l’appelante (pièce A‑1, onglet 15, pages 194‑195) indique notamment que : 1) « les actions du capital‑actions de la compagnie peuvent être reparties aux époques et de la manière et aux personnes ou catégories de personnes que les administrateurs peuvent à l’occasion déterminer par résolution »; 2) la compagnie devait tenir des registres à son siège social où étaient consignés notamment le nom par ordre alphabétique de toutes les personnes qui sont ou qui ont été actionnaires de la compagnie, le nombre de valeurs mobilières possédées par chaque actionnaire et les particularités de l’émission et du transfert de chaque action du capital de la compagnie; 3) Chacun des certificats d’actions de la compagnie doit être donné sous le sceau de la compagnie et signé par le président ou vice‑président et contresigné par le secrétaire ou un secrétaire adjoint. Il convient immédiatement de souligner à cet égard que monsieur Jacques Lavallée (le vérificateur de l’Agence des douanes et du revenu du Canada qui a procédé à la vérification des livres de l’appelante qui a donné lieu à la cotisation du 18 avril 2007 établie par le ministre) a déclaré lors de son interrogatoire au préalable (voir pièce A‑2) qu’à l’occasion de sa vérification des livres de l'appelante, il n’avait pas vu de résolution des administrateurs autorisant l’émission à monsieur Poulin de 75 actions ordinaires de catégorie « C », de certificat d’actions constatant l’émission de ces actions ou d’inscriptions au registre des actionnaires de l’appelante indiquant que ces mêmes actions avaient été émises à monsieur Poulin. Monsieur Lavallée a ajouté que c’est après l’établissement de la cotisation établie le 18 avril 2007 et de sa ratification qu’il avait pris connaissance de la photocopie d’un chèque (pièce A‑1, onglet 11) indiquant que, le 15 août 2000, monsieur Poulin avait tiré un chèque de 7,50 $ sur son compte bancaire à l’ordre de l’appelante. Monsieur Lavallée a expliqué lors de cet interrogatoire au préalable que sa décision à l’effet que les 75 actions ordinaires de catégorie « C » avaient été émises par l’appelante à monsieur Poulin était uniquement basée sur son interprétation de l’Entente et sur les dispositions du jugement citées au paragraphe 13 ci‑dessous. Il convient aussi de souligner à cet égard que monsieur Poulin, tout comme monsieur Brosseau, a témoigné qu’il n’avait pas assisté ni été convoqué à une réunion du conseil d’administration à laquelle il aurait été résolu d’émettre à monsieur Poulin 75 actions ordinaires de catégorie « C », et qu'il n'avait même pas connaissance qu’une telle résolution avait été adoptée; f. Le registre des valeurs mobilières de l’appelante (pièce A‑1, onglet 12) indique que le 5 % des actions ordinaires détenues par monsieur Poulin avait été racheté le 15 juin 1998 pour 375 000 $ conformément au paragraphe 10.1.4 de son contrat d’emploi (pièce A‑1, onglet 9) et que ce dernier ne détient plus d’actions dans le capital de l’appelante; g. L’État des informations sur une personne morale (pièce I‑1, onglet 5) obtenu de l’Inspecteur général des institutions financières daté du 22 février 2001 indique notamment qu’en date du 19 décembre 2000 (date à laquelle la dernière déclaration annuelle de l’appelante avait été produite) monsieur Poulin était administrateur et deuxième actionnaire de l’appelante. Il convient de souligner que la preuve soumise par les parties ne permet pas d’établir le nom de la personne qui a produit la déclaration annuelle du 19 décembre 2000 ou le nom de la personne qu’il l’aurait révisée ou encore le nom de la personne qui l’avait fait parvenir à l’Inspecteur général des institutions financières; Témoignage de monsieur Martin Leblanc [15] Le témoignage de monsieur Leblanc pourrait se résumer ainsi : i. Lors de son examen du registre des procès-verbaux et du registre des actionnaires de l’appelante, il n’avait pas retracé de procès-verbal du conseil d’administration (ou encore une résolution des administrateurs) ni d’inscription dans le registre des actionnaires à l’effet que 75 actions ordinaires de catégorie « C » du capital de l’appelante avaient été émises; ii. Lors de son examen des livres et registres de l’appelante, il n’avait pas retracé l’original du certificat d’actions constatant la prétendue émission de ces 75 actions ordinaires de catégorie « C », certificat qui aurait dû se trouver dans les livres de l’appelante dûment endossé par monsieur Poulin à la suite du prétendu achat ou rachat par l’appelante des actions concernées; iii. Il avait examiné le contrat d’emploi et l’Entente intervenus entre l’appelante et monsieur Poulin, l’action en justice intentée par monsieur Poulin contre sa cliente et le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec à la suite de cette action en justice; iv. Il savait que monsieur Poulin avait tiré un chèque de 7,50 $ à l’ordre de l’appelante; v. Il avait examiné les règlements de l’appelante; vi. Monsieur Brosseau lui avait fait remarquer que l’appelante et monsieur Poulin avaient conclu l’entente verbale suivante : les 75 actions ordinaires de catégorie « C » ne seraient pas émises. Toutefois, l’appelante verserait à monsieur Poulin, en contrepartie des services qu’il lui avait rendus, une somme égale à celle qu’il aurait été en droit de recevoir aux termes de l’Entente à l’égard des 75 actions ordinaires de catégorie « C » auxquelles il avait souscrites; vii. à la suite de son examen de tous les documents, il avait conclu que : 1. monsieur Poulin avait souscrit à 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante, mais que les actions n’avaient pas été émises pour autant puisque les administrateurs de l’appelante n’avaient pas adopté de résolution à cet effet; 2. la juge Nicole Morneau n’avait pas ordonné dans son jugement l’émission de ces 75 actions ordinaires de catégorie « C »; 3. l’appelante n’avait pas versé la somme de 135 843 $ à monsieur Poulin en contrepartie de l’achat de ses actions détenues par ce dernier puisqu’elles n’avaient jamais été émises; 4. la somme de 135 843 $ versée à monsieur Poulin devait plutôt être traitée du point de vue fiscal et comptable comme une dépense encourue par l’appelante en vue de tirer un revenu de son entreprise puisqu’elle avait été versée à monsieur Poulin à titre d'indemnité en regard des services qu’il avait rendus à l’appelante. Témoignage de monsieur Brosseau [16] Le témoignage de monsieur Brosseau pourrait se résumer ainsi : a. Le conseil d’administration de l’appelante (dont il avait été administrateur pendant toutes les périodes pertinentes) n’avait jamais adopté de résolution pour émettre les 75 actions ordinaires de catégorie « C » souscrites par monsieur Poulin; b. Après la signature des contrats d’emploi (pièce A‑1, onglets 9 et 10), il avait convenu verbalement avec monsieur Poulin que l’appelante ne lui émettrait pas les 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante auxquelles il avait souscrites, et ce, nonobstant l’engagement de cette dernière de les émettre aux termes de ces contrats. Monsieur Brosseau a expliqué qu’il avait plutôt convenu verbalement avec monsieur Poulin que l’appelante lui verserait en contrepartie des services qu’il avait rendus à l’appelante une somme égale à celle qu’il aurait été en droit de recevoir aux termes des contrats d’emploi à l’égard des actions. Monsieur Brosseau a ajouté qu’un régime d'actionnariat fantôme avait été en quelque sorte mis sur pied en faveur de monsieur Poulin aux termes duquel les 75 actions ordinaires de catégorie « C » sont utilisées comme un référentiel pour calculer le montant de l'indemnité (pour services rendus) à être versée par l’appelante à monsieur Poulin. Il convient de souligner que monsieur Brosseau a admis que le terme « rachat » à l’égard des 75 actions ordinaires de catégorie « C » utilisé dans l’offre de transaction (pièce I‑1, onglet 3) et dans la lettre de Me Gascon (pièce I‑1, onglet 7) avait été maladroitement utilisé compte tenu que les actions souscrites n’avaient pas été émises aux termes de l’entente verbale intervenue entre lui et monsieur Poulin. Monsieur Brosseau a expliqué en quelque sorte qu’il n’avait pas porté une grande attention au langage utilisé dans ces deux offres de règlement compte tenu que l’entente verbale qu’il avait conclue avec monsieur Poulin prévoyait que l'indemnité serait calculée en fonction des actions souscrites mais non émises en question. Témoignage de monsieur Poulin [17] Le témoignage de monsieur Poulin pourrait se résumer ainsi : a. le 22 juin 2000, il avait assisté à une réunion du conseil d’administration de l’appelante à laquelle il avait été résolu de donner effet à l’engagement de cette dernière (aux termes de l’Entente) de réorganiser son capital (gel) de façon à lui permettre de souscrire à 75 des 1 000 actions avec droits de vote et de participation à être émises après la réorganisation. Je souligne que l’intimée a voulu déposer en preuve, à l’appui du témoignage de monsieur Poulin à cet égard, une copie du procès‑verbal de la réunion du conseil d’administration de l’appelante tenue le 22 juin 2000 (pièce I-2). Je souligne que l’appelante s’est opposée au dépôt en preuve de ce document compte tenu qu’il ne faisait pas partie de la liste des documents de l’intimée et compte tenu que ce document avait été porté à sa connaissance peu de temps avant le début de l’audience. À mon avis, l’autorisation de produire ce document doit être accordée à l’intimée en ce qu’il ne s’agit pas d’un élément inconnu de l’appelante et parce que sa production n’est pas susceptible de lui causer un préjudice. En effet, l’appelante connaissait l’existence de cette résolution. De plus, je ne vois pas en quoi la production en preuve de cette résolution peut causer préjudice à l’appelante compte tenu qu’elle enclenche tout au plus le gel sans pour autant autoriser spécifiquement et automatiquement l’émission des 75 actions ordinaires de catégorie « C » en faveur de monsieur Poulin une fois le gel en vigueur (c’est‑à‑dire dès que le certificat de modification des statuts est déposé auprès de l’Inspecteur général des institutions financières). b. le 15 août 2000, monsieur Hertel, le secrétaire de l’appelante, lui avait remis une copie du recto de l’original (pièce I‑1, onglet 2) du certificat d’actions constatant qu’il détenait, depuis le 15 août 2000, 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante, et ce, après avoir signé l’original du certificat à titre de président de l’appelante, tel qu’exigé par le règlement no 21 de l’appelante; c. il ne se souvenait ni d’avoir assisté à une réunion du conseil d’administration de l’appelante à laquelle il aurait été résolu de lui émettre 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante, ni d’avoir été convoqué à une telle réunion et ni même d’avoir signé une résolution de tous les administrateurs à cet effet. Je rappelle que monsieur Poulin était, en avril 2000 (mois pendant lequel l’appelante avait réorganisé son capital et pendant lequel les 75 actions ordinaires de catégorie « C » auraient été émises selon monsieur Poulin), administrateur de l’appelante et son président et qu’il avait été congédié en 2001; d. il ne se souvenait pas si son chèque de 7,50 $, tiré à l’ordre de l’appelante en regard des 75 actions ordinaires de catégorie « C » souscrites, avait été encaissé; e. il ne savait pas qui avait préparé et fait parvenir à l’Inspecteur général des institutions financières la déclaration annuelle de l’appelante de l’année 2000; f. il n’avait jamais convenu verbalement avec monsieur Brosseau de la non-émission des 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante auxquelles il avait souscrites en contrepartie d’une somme égale à celle qu’il aurait par ailleurs reçue aux termes de l’Entente si les actions concernées avaient été émises; g. il se souvenait (voir page 64 des notes sténographiques) avoir indiqué, dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2003, que la somme de 135 843 $ était du revenu d’emploi, et ce, conformément au feuillet de renseignements T‑4 qu’il avait reçu de l’appelante (pièce A‑1, onglet 8). Analyse et conclusion [18] L’intimée soutient essentiellement que la somme de 135 843 $ versée à monsieur Poulin en 2003 par l’appelante avait servi à acheter les 75 actions ordinaires de catégorie « C » que monsieur Poulin détenait dans le capital‑actions de l’appelante et qu’il en était résulté un dividende présumé en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi. Par ailleurs, l’appelante soutient que le montant versé à monsieur Poulin doit être considéré comme une indemnité en regard des services rendus, laquelle est pleinement déductible en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, et non pas un dividende puisque monsieur Poulin n’avait jamais détenu les 75 actions ordinaires de catégorie « C » de l’appelante auxquelles il avait souscrit et qu’il n’avait, par conséquent, jamais pu recevoir de dividende. Donc, il m’apparaît que la seule question à laquelle il faut répondre est la suivante : est-ce que les 75 actions ordinaires de catégorie « C » du capital‑actions de l’appelante souscrites par monsieur Poulin avaient été émises? [19] Aux termes de l’Entente (pièce I-1, onglet 1), l’appelante octroyait à monsieur Poulin une option de souscrire à 75 des 1000 actions avec droits de vote et de participation à être créées à la suite du gel pour une contrepartie de 1 $ l’action. Aux termes de l’Entente, l’appelante s’engageait d’avance et de façon irrévocable à émettre ces actions à monsieur Poulin dès la levée de l’option par ce dernier. L’entente correspond en quelque sorte à une promesse de vente à laquelle l’appelante est tenue de donner suite. Dès la levée de l’option, l’appelante et monsieur Poulin étaient obligés de conclure le contrat, c’est‑à‑dire d’une part émettre les 75 actions avec droits de vote et de participation et d’autre part les prendre et les payer. La preuve a révélé hors de tout doute que monsieur Poulin avait levé l’option. Toutefois, la question suivante demeure : est-ce que les actions ainsi souscrites avaient pour autant été émises? [20] L’émission et la répartition d’actions entraînent en général trois opérations : une résolution du conseil d’administration décrétant l’émission, des inscriptions dans le registre des actionnaires les décrétant et, finalement, la livraison des certificats d’actions qui, en quelque sorte, constitue une preuve prima facie qu’elles sont émises et qui facilite le transfert des actions. En l’espèce, le Règlement no 21 de l’appelante (pièce A‑1, onglet 15) spécifie clairement que : i) les actions du capital‑actions de l’appelante peuvent être réparties aux époques et de la manière et aux personnes ou catégories de personnes que les administrateurs peuvent à l’occasion déterminer par résolution; ii) l’appelante doit tenir des registres à son siège social où sont consignées notamment par ordre alphabétique le nom de toutes les personnes qui sont et qui ont été actionnaires de l’appelante, le nombre de valeurs mobilières possédées et les particularités de l’émission et du transfert de chaque action du capital de l’appelante; et iii) chacun des certificats d’actions de l’appelante doit être donné, sous le sceau de l’appelante et signé par son président ou son vice‑président et contresigné par le secrétaire ou un secrétaire‑adjoint. [21] En définitive, il faut répondre à la question suivante : est‑ce que le conseil d’administration de l’appelante a validement adopté une résolution décrétant l’émission des 75 actions ordinaires de catégorie « C » souscrites par monsieur Poulin? [22] La preuve de l’appelante à l’effet que les actions concernées n’avaient pas été émises repose essentiellement sur le témoignage de monsieur Brosseau à l’effet qu’il avait convenu verbalement avec monsieur Poulin que l’appelante ne lui émettrait pas les actions concernées auxquelles il avait souscrites et qu’elle lui verserait plutôt une indemnité (en regard des services qu’il lui avait rendus) calculée en fonction de ces actions non émises. La question qu’il faut se poser m’apparaît conséquemment être la suivante : est‑ce que le témoignage de monsieur Brosseau est crédible et vraisemblable? Pour répondre à cette question, il faut tenir compte des éléments de preuve suivants portés à ma connaissance qui semblent contredire son témoignage : i. d’abord, monsieur Poulin a témoigné qu’il n’avait jamais convenu avec monsieur Brosseau que l’appelante ne lui émettrait pas les actions auxquelles il avait souscrites; ii. l’appelante avait, le 15 février 2001, offert à monsieur Poulin (pièce I‑1, onglet 3) « de racheter les soixante‑quinze (75) actions votantes et participantes du capital‑actions de RNCI acquises […] en vertu de l’Entente d’intéressement au capital conclue entre les parties le 19 mars 1998. » En effet, l’utilisation du mot « racheter » pourrait nous permettre de conclure que les actions concernées avaient été émises; iii. l’utilisation des mots « rachat » dans l’offre de règlement datée du 22 août 2002 (pièce I‑1, onglet 6) pourrait aussi nous permettre de conclure que les actions concernées avaient été émises; iv. l’État des informations sur l’appelante obtenue de l’Inspecteur général des institutions financières (pièce I‑1, onglet 5) indique notamment qu’en date du 19 décembre 2000 (date à laquelle la dernière déclaration annuelle de l’appelante avait été alors produite) monsieur Poulin était administrateur et le deuxième actionnaire de l’appelante. [23] Compte tenu de ce qui suit, quelle est la valeur probante du témoignage de monsieur Poulin? i. Il n’avait pas convenu avec monsieur Brosseau de la non-émission par l’appelante des actions auxquelles il avait souscrites, la preuve de ce fait étant, selon lui, que monsieur Hertel, le secrétaire de l’appelante, lui avait fait signer (à titre de président de l’appelante tel que l’exige le Règlement no 21 de cette dernière), le 15 août 2000, l’original du certificat d’actions attestant l’émission des actions concernées et lui avait aussi remis une copie du recto de l’original de ce certificat. Monsieur Poulin a expliqué qu’il n’avait pas vérifié si les formalités pour émettre les actions concernées avaient été respectées, compte tenu qu’on lui avait fait signer l’original du certificat d’actions attestant l’émission des actions concernées. Le témoignage de monsieur Poulin à cet égard mérite d’être cité : Je n’ai fait aucune vérification, le certificat m’a confirmé que j’avais soixante‑quinze (75) actions. J’étais confortable avec ça, moi j’étais certain de cette acquisition‑là. ii. Il n’avait ni participé ni été convoqué à une réunion du conseil d’administration de l’appelante à laquelle l’émission des actions concernées aurait été décrétée. Il résulte du témoignage de monsieur Poulin que la réunion du conseil d’administration de l’appelante, au cours de laquelle l’émission des actions concernées aurait été décrétée, aurait été tenue à son insu. Il m’est tout simplement difficile de croire qu’une telle réunion puisse avoir été tenue à l’insu de monsieur Poulin en raison de ses fonctions au sein de l’entreprise de l’appelante et de ses relations harmonieuses avec cette dernière jusqu’à la date de son congédiement. De plus, il m’apparaît tout aussi difficile de croire que monsieur Poulin (qui, nécessairement, était administrateur et le principal dirigeant de l’appelante au moment où une telle réunion du conseil d’administration de l’appelante aurait été tenue) ait présumé que toutes les formalités pour émettre les actions concernées avaient été respectées du simple fait qu’on lui avait fait signer l’original d’un certificat d’actions. De toute façon, un administrateur qui est aussi le principal dirigeant d’une compagnie constituée en vertu de la Loi sur les compagnies ne peut dans de telles circonstances se prévaloir de la règle de la régie interne prévue à l’article 123.32 de cette loi. Enfin, le comportement inconséquent de monsieur Poulin n’a fait que confirmer mes doutes quant à sa crédibilité. En effet, pourquoi monsieur Poulin ne s’est‑il pas opposé à ce que l’appelante fasse des retenues à la source dans l’offre de règlement du 22 août 2002 et à ce qu’elle émette par la suite un feuillet de renseignements T‑4 faisant état que la somme de 135 543 $ était du revenu d’emploi, si ce n’est qu’il avait convenu avec monsieur Brosseau que l’appelante ne lui émettrait pas les actions auxquelles il avait souscrites et qu’elle lui verserait plutôt une indemnité en regard des services rendus, indemnité calculée en fonction des actions qui auraient dû être émises? Pourquoi monsieur Poulin a‑t‑il déclaré en 2003 le revenu de 135 843 $ conformément au feuillet de renseignements T‑4 si ce n’est pour la même raison? Pourquoi monsieur Poulin n’a‑t‑il demandé (dans son action civile) à la juge Morneau d’ordonner l’émission des actions concernées bien que monsieur Brosseau lui avait appris le 1er novembre 2001 que les actions concernées n’avaient pas été émises (voir pièce A‑1, onglet 6, paragraphe 6)? À mon avis, seul le fait que monsieur Poulin avait convenu avec monsieur Brosseau de la non‑émission par l’appelante des actions concernées peut expliquer un tel comportement. L’invraisemblance du témoignage et du comportement inconséquent de monsieur Poulin à ces égards n’a fait que renforcer ma conviction que le témoignage de monsieur Brosseau (à l’égard de ce qui avait été convenu avec monsieur Poulin) est crédible et vraisemblable malgré une certaine documentation portée à ma connaissance qui semble plutôt appuyer la thèse de l'émission des actions concernées. [24] En définitive, la version des faits donnée par monsieur Brosseau m’apparaît plus crédible que celle donnée par monsieur Poulin. Les explications de monsieur Brosseau à l’égard du choix inapproprié des mots « rachat d’actions » (alors qu’elles n’avaient pas été émises) dans les offres de règlement du 15 février 2001 et du 22 août 2002 m’ont aussi paru crédibles. Je rappelle que monsieur Brosseau a expliqué en quelque sorte qu’il n'avait pas porté une grande attention au langage utilisé dans ces deux offres de règlement compte tenu que l’entente verbale qu’il avait conclue avec monsieur Poulin prévoyait que l'indemnité convenue serait calculée en fonction des actions non émises. À cet égard, l’offre de règlement du 22 août 2002 démontre très bien la confusion résultant du langage utilisé : les mots « rachat d’actions » y sont utilisés alors que le même document indique que les actions ne sont pas émises. [25] L’État des informations sur l’appelante obtenu de l’Inspecteur général des institutions financières (pièce I‑1, onglet 5) semble aussi indiquer que les actions concernées ont été émises. Compte tenu qu’il a été impossible d’obtenir de monsieur Brosseau et de monsieur Poulin le nom de la personne qui avait préparé et fait parvenir ce document à l’Inspecteur général des institutions financières, je suis d’avis qu’il ne faut pas lui accorder trop de force probante dans les circonstances. [26] Il convient de souligner que la thèse du ministre à l’effet que ces actions avaient été émises ne repose pas sur les livres et registres corporatifs de l’appelante. À cet égard, je rappelle les déclarations de monsieur Lavallée. Il a affirmé ne pas avoir retracé, lors de son examen des livres et registres de l’appelante, la résolution écrite des administrateurs de cette dernière décrétant l’émission de ces actions (ou encore le procès‑verbal d’une réunion du conseil d’administration où il est fait état d'une décision de ses membres de les émettre et de la contrepartie exigée de monsieur Poulin), des inscriptions dans le registre des actionnaires de l'appelante indiquant que ces actions avaient été émises à monsieur Poulin ni, finalement, l’original du certificat d’actions qui aurait été émis à monsieur Poulin et qui nécessairement aurait été annulé à la suite du prétendu rachat de ces actions. En fait, je rappelle que la position du ministre est à l’effet que l’émission de ces actions découle du jugement de la Cour supérieure. À cet égard, les allégations du ministre aux paragraphes 7 et 25.1 de la Réponse à l’avis d’appel méritent d’être citées. Le paragraphe 7 se lit comme suit : Il nie, tel que rédigé, le paragraphe 11 de l’avis d’appel. Il précise que l’appelante a fait défaut d’émettre les actions à M. Poulin suite à la conclusion du contrat d’acquisition d’actions. Selon le jugement de la Cour supérieure, suite à l’action intentée par M. Poulin contre l’appelante, il découle que les actions ont été émises, car l’appelante a été condamnée à les racheter et à verser la somme de 135 843 $ à M. Poulin. Par ailleurs, le paragraphe 25 se lit comme suit : Il est vrai que l’appelante a fait défaut d’émettre les 75 actions ordinaires de catégorie « C » à M. Poulin après l’acceptation de la souscription le 15 août 2000. Or, en ordonnant à l’appelante de racheter les 75 actions pour la somme de 135 843 $, la Cour supérieure l’a obligé à corriger son défaut. L’appelante ne peut plaider aujourd’hui que les 75 actions n’ont pas été émises. [27] À mon avis, le jugement de la juge Morneau n’ordonne nullement (comme le soutient le ministre) à l’appelante de corriger son défaut, c’est‑à‑dire d’émettre les 75 actions de catégorie « C ». Le jugement ordonne essentiellement à l’appelante de racheter les 75 actions de catégorie « C » pour la somme de 135 843 $. Je suis d’opinion que la juge Morneau a présumé que les actions souscrites par monsieur Poulin avaient été émises par l’appelante, compte tenu que : 1. l’appelante avait, le 15 février 2001, offert à monsieur Poulin (pièce I‑1, onglet 3) de racheter « les soixante‑quinze (75) actions votantes et participantes du capital‑actions de RNCI acquises […] en vertu de l’Entente d’intéressement au capital conclue entre les parties le 19 mars 1998 et [nie] verse[r] à monsieur Poulin, en considération dudit rachat, la somme de Cinquante Neuf Mille Cent Quatre‑Vingt‑Treize Dollars (59 193 $) »; 2. l’appelante avait versé dans le cadre d’une offre de règlement datée du 22 août 2002 une indemnité de 468 986 $ à monsieur Poulin (pièce I‑1, onglet 6). [28] En définitive, l’appelante m’a convaincu qu’elle avait versé à monsieur Poulin une somme de 135 843 $ en 2003 à titre d'indemnité en regard des services qu’il lui avait rendus. Par conséquent, l’appelante était en droit de déduire dans le calcul de son revenu pour l’année concernée la somme de 135 843 $. [29] Pour ces motifs, l’appel est accueilli, avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 2011. « Paul Bédard » Juge Bédard RÉFÉRENCE : 2011 CCI 92 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-1785(IT)G INTITULÉ DE LA CAUSE : RNC MÉDIA INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 18 octobre 2010 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : le 16 février 2011 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Dominic C. Belley Avocats de l'intimée : Me Claude Lamoureux M e Nathalie Labbé AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Me Dominic C. Belley Cabinet : Ogilvy, Renault Montréal, Québec Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2011 CCI 97
TCC
2,011
2536-5412 Québec Inc. c. M.R.N.
fr
2011-03-01
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30238/index.do
2022-09-04
2536-5412 Québec Inc. c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-03-01 Référence neutre 2011 CCI 97 Numéro de dossier 2010-179(EI) Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2010-179(EI) ENTRE : 2536-5412 QUÉBEC INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 9 février 2011, à Ottawa (Ontario) Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Roger Paradis Avocate de l'intimé : Me Marie-France Camiré ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2011 CCI 97 Date : 20110301 Dossier : 2010-179(EI) ENTRE : 2536-5412 QUÉBEC INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») rendue en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). Le ministre a décidé que monsieur Paul Séguin fils (le « travailleur ») n’occupait pas un emploi assurable lorsqu’il était au service de 2536-5412 Québec Inc. (le « payeur ») pendant la période allant du 6 juillet 2008 au 4 juillet 2009 (la « période pertinente »), puisqu’il a conclu qu’il s’agissait d’un emploi exclu, parce qu’un contrat de travail semblable n’aurait pas été conclu s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre le travailleur et le payeur. [2] Le ministre a rendu sa décision après avoir déterminé que le travailleur et le payeur étaient des personnes liées au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « L.I.R. »). Il est arrivé à cette conclusion en s’appuyant sur les hypothèses de faits suivantes, lesquelles ont été admises : a) l’actionnaire unique de l’appelante était Paul Séguin; (admis) b) Paul Séguin est le père de Paul Séguin Jr, le travailleur; (admis) c) le travailleur est lié à une personne qui contrôle l’appelante; (admis) [3] En rendant sa décision, le ministre a aussi déterminé que le travailleur et le payeur « avaient un lien de dépendance entre eux dans le cadre de l’emploi » et qu’il n’était pas raisonnable de conclure que le travailleur et le payeur « auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance, compte tenu des circonstances suivantes » : a) l’appelante a été constituée en société le 17 juin 1987; b) l’appelante exploitait un bar connu sous le nom Bar La Ronde; c) l’actionnaire est le seul signataire des chèques émis par l’appelante; d) les actions de l’appelante ont été vendues le 14 juillet 2009; e) les heures d’ouverture du bar étaient de 8 h à minuit du lundi au vendredi; f) l’appelante engageait 5 employés, soit l’actionnaire, son épouse, le travailleur et 2 autres personnes non liées à l’appelante; g) le travailleur travaillait à temps plein pour l’appelante depuis une vingtaine d’années; h) le travailleur était gérant du bar et à ce titre il s’occupait du service aux clientes, de l’entretien ménager et des commandes en plus d’être responsable de l’organisation de certaines activités sociales dont le but était d’attirer la clientèle, tels des tournois de golf et de pêche ou des ligues de poche, de billard et de quilles et de la machine vidéo poker; i) les heures régulières du travailleur étaient de 8 h à 17 h du lundi au vendredi; j) les activités sociales se déroulaient surtout le soir à raison de 3 par semaine; k) le travailleur était présent pendant quelques heures lors des activités; l) le travailleur et l’actionnaire étaient les seuls autorisés à s’occuper de la machine vidéo poker; elle devait être vidée plusieurs fois par jours et le papier changé autant de fois; m) le travailleur se rendait régulièrement au bar en soirée et les fins de semaines pour s’occuper de la machine vidéo poker; n) le temps requis pour s’occuper de la machine était d’environ 5 minutes et la résidence du travailleur était à une distance de 2,8 kilomètres du bar; o) le travailleur était disponible 24 h sur 24 7 jours sur 7; p) aucun des travailleurs n’avaient à inscrire leurs heures travaillées; q) le travailleur était payé sur une base hebdomadaire; r) le travailleur recevait une rémunération fixe de 650 $ par semaine pour 40 heures de travail; s) cette rémunération a été déterminée par l’appelante; t) le travailleur conservait ses pourboires qui représentaient 8 % des ventes et étaient estimés à 650 $ par semaine; u) le travailleur était payé par chèque chaque semaine comme les autres travailleurs; v) en plus de son salaire le travailleur a reçu les bonis suivants : 2007 : 35 000 $ versé le 1er avril et 15 000 $ versé le 20 décembre pour un total de 50 000 $ 2008 : 15 000 $ versé le 1er juin et 2 000 $ versé le 26 décembre pour un total de 17 000 $ 2009 : 30 000 $ versé en juin lors de la vente des actions de l’appelante; w) l’appelante affirme que ces bonis étaient versés au travailleur afin de le récompenser de sa grande disponibilité à travailler les soirs et les fins de semaine et pour s’occuper de la machine à vidéo poker; x) aucun des autres travailleurs non liés n’a reçu de bonis aussi élevé ni même de bonis; y) aucun autre travailleur ne recevait des bonis, sauf l’épouse de l’actionnaire de l'appelante qui a reçu les montants suivants : 2007 : 46 000 $ 2008 : 15 000 $ versé le 26 décembre 2009 : 30 000 $ versé en juin lors de la vente des actions de l’appelante; z) l’épouse de l’actionnaire travaillait entre 20 et 25 heures par semaine et recevait une rémunération de 450 $; aa) le travailleur était supervisé par l’actionnaire de l’appelante; bb) le travailleur devait aviser l’appelante lors d’absence; cc) le travailleur bénéficiait de 2 semaines de vacance par année; dd) le travailleur était tenu de rendre personnellement les services pour lesquels il avait été engagé. [4] Tous les faits (énumérés au paragraphe précédent) sur lesquels le ministre s’est appuyé pour rendre sa décision ont été admis par l’appelante, à l’exception de l’utilisation du mot « bonis ». En effet, l’appelante soutient qu’il ne s’agissait pas de « bonis » mais bien de rajustements de salaire. [5] Le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout fait nouveau, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Dans le cadre de cet exercice, la Cour doit accorder une certaine déférence au ministre. [6] Le témoignage du travailleur pourrait se résumer ainsi : i) En plus d’accomplir les tâches décrites au paragraphe 6h) de la Réponse à l’avis d’appel, le travailleur s’était occupé de l’entretien paysager, de remplir les réfrigérateurs, d’engager et de remplacer les serveurs (et de s’assurer de leur présence), de réparer les améliorations locatives et l’équipement défectueux et de répondre aux alarmes. Le travailleur a ajouté qu’il avait lui‑même construit la terrasse extérieure et rénové entièrement les locaux de l’appelante. Le travailleur a expliqué que seules les tâches administratives ne lui avaient pas été confiées par le payeur. Il convient de souligner que le travailleur a été incapable de préciser le nombre d’heures de travail qu’il avait accumulé en dehors de ses heures régulières de travail qui, je le rappelle, étaient de 8 h à 17 h, du lundi au vendredi; ii) N’eût été de sa participation constante, de sa présence assidue, de ses qualités d’animateur et de l’accueil chaleureux qu’il réservait à tous les clients du payeur, la fréquentation du bar du payeur aurait baissé d’au moins de moitié; iii) Il méritait amplement les bonis que lui avait versés le payeur, bonis qu’il considérait plutôt comme des rajustements de salaire, compte tenu de sa participation dans l’entreprise du payeur. Il convient de souligner immédiatement que le travailleur n’a pas été en mesure de préciser les bases sur lesquelles le rajustement de salaire (ou les bonis) avait été déterminé. [7] Par ailleurs, la preuve a révélé les éléments suivants à l’égard des revenus du payeur, des frais d’exploitation du payeur et des revenus du travailleur, de madame Marguerite Séguin, de monsieur Maxim McDonough et de monsieur Marc Huard pendant qu’ils travaillaient pour le payeur, et ce, en 2007, 2008 et 2009 : Total des revenus du payeur Frais d’exploitation du payeur (inclus les salaires) Pertes de l’année du payeur Revenu d’emploi du travailleur (T4) Bonus versés au travailleur 2007 359,552$ 431,279$ (71,727)$ 93,814$ 50,000$ 2008 356,495$ 364,126$ (7,631)$ 60,973$ 17,000$ 2009 434,047$ 294,524$ (46,542)$ 55,536$ 30,000$ Comparatif des salaires annuels des employés du payeur Travailleur (excluant les bonis) 40H par semaine Marguerite Séguin (épouse de Paul Séguin père) 20H à 25H par semaine Maxime McDonough (sans lien) 40H par semaine Marc Huard (sans lien) 20H à 25H par semaine 2007 43,814$ 0$ (boni était de 46,000$) 20 684$ 10 253$ 2008 43,973$ 22,950$ (boni était de 15,000$) 21 619$ 10 704$ 2009 (pour 6 mois) 25,536$ 42,150$ (boni était de 30,000$) 24 910$ 12 357$ [8] Je retiens essentiellement du témoignage de monsieur Paul Séguin père, que les tâches de madame Marguerite Séguin (sa conjointe), au sein de l’entreprise du payeur pendant les années concernées, avaient consisté à faire l’entretien ménager des locaux du payeur et qu’elle y avait consacré entre 20 et 25 heures par semaine. Monsieur Séguin a ajouté que le payeur avait versé à madame Séguin un salaire hebdomadaire de 450 $ pendant les années concernées et des bonis de 46 000 $, 15 000 $ et de 30 000 $ en 2007, 2008 et 2009, respectivement. Il est fort intéressant de souligner que monsieur Séguin a précisé que le comptable externe du payeur lui avait conseillé de vider le compte bancaire du payeur avant la vente de ses actions du payeur en juin 2009 en versant notamment un boni de 30 000 $ à madame Séguin. Cet aveu a tout simplement renforcé ma conviction que la décision de verser des bonis au travailleur et à madame Séguin avait été prise par monsieur Séguin de façon purement arbitraire et que le montant de ces bonis avait été déterminé par ce dernier de façon toute aussi arbitraire. Je tiens à préciser que monsieur Séguin a été incapable de préciser sur quelles bases avaient été versés les bonis du travailleur pendant les années concernées. Analyse et conclusion [9] Il convient de souligner que le débat portait uniquement sur la rémunération du travailleur. Le ministre a admis que la rémunération fixe de 650 $ par semaine (plus les pourboires) pour 40 heures de travail effectuées de 8 h à 17 h, du lundi au vendredi, constituait une rémunération raisonnable dans les circonstances. Toutefois, le ministre soutient que, n’eût été du lien de dépendance entre le payeur et le travailleur, ce dernier n’aurait jamais accepté d’assumer autant de responsabilités et de consacrer autant d’heures et d’énergie au payeur en dehors de ses heures régulières de travail (ces heures étant de 8 h à 17 h, du lundi au vendredi) sans être assuré d’avance d’être rémunéré pour ce faire puisque la décision de verser un boni au travailleur était prise par monsieur Séguin de façon purement arbitraire et puisque le montant du boni était déterminé par ce dernier de façon toute aussi arbitraire. [10] La preuve a révélé très clairement que la décision de verser un boni au travailleur avait été prise par monsieur Séguin de façon purement arbitraire et que le montant du boni avait été déterminé par ce dernier de façon toute aussi arbitraire. La preuve a aussi révélé en l’espèce très clairement que le travailleur avait assumé de multiples responsabilités et avait consacré de nombreuses heures à les assumer, et ce, en dehors de sa semaine régulière de travail. Par conséquent, la décision dont le ministre était convaincu à l’effet qu’un tiers non lié au payeur n’aurait jamais accepté d’assumer autant de responsabilités et de consacrer autant d’heures à les assumer, et ce, en dehors de sa semaine régulière de 40 heures, du lundi au vendredi, sans être assuré d’avance d’être rémunéré ou, à tout le moins, sans connaître les objectifs à atteindre pour être rémunéré pour ce faire, me paraît toujours raisonnable compte tenu de la preuve soumise. [11] Pour ces motifs, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011. « Paul Bédard » Juge Bédard RÉFÉRENCE : 2011 CCI 97 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-179(EI) INTITULÉ DE LA CAUSE : 2536-5412 QUÉBEC INC. ET M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : le 9 février 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : le 1er mars 2011 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Roger Paradis Avocate de l'intimé : Me Marie-France Camiré AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelante: Nom : Me Roger Paradis Cabinet : Legault, Roy Gatineau, Québec Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2011 CCI 99
TCC
2,011
Bernier c. M.R.N.
fr
2011-02-17
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30222/index.do
2022-09-04
Bernier c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-02-17 Référence neutre 2011 CCI 99 Numéro de dossier 2010-848(EI) Juges et Officiers taxateurs Pierre Archambault Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2010-848(EI) ENTRE : JACQUES BERNIER, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et Florence Productions Inc., intervenante. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Josée Mongeau, 2010-992(EI) le 24 septembre 2010, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Pierre Archambault Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Louis Sirois Avocate de l'intimé : Me Anne-Marie Desgens Représentant de l’intervenante : Allan Joli-Coeur ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de M. Bernier est accueilli et la décision du ministre est modifiée de la façon suivante : M. Jacques Bernier occupait un emploi assurable durant la période du 12 juillet 2008 au 16 août 2008. Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011. « Pierre Archambault » Juge Archambault Dossier : 2010-992(EI) ENTRE : JOSÉE MONGEAU, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Jacques Bernier, 2010-848(EI) le 24 septembre 2010, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Pierre Archambault Comparutions : Avocate de l'appelant : Me Louis Sirois Avocate de l'intimé : Me Anne-Marie Desgens ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de Mme Mongeau est accueilli et la décision du ministre est modifiée de la façon suivante : Mme Josée Mongeau occupait un emploi assurable durant la période 27 juillet 2009 au 31 juillet 2009. Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011. « Pierre Archambault » Juge Archambault Référence : 2011 CCI 99 Date : 20110217 Dossier : 2010-848(EI) ENTRE : JACQUES BERNIER, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. et Florence Productions Inc., intervenante, et Dossier : 2010-992(EI) JOSÉE MONGEAU, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, Intimé. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Archambault [1] M. Jacques Bernier et Mme Josée Mongeau interjettent appel de décisions du ministre du Revenu national (ministre), qui a déterminé qu’ils n’exerçaient pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services (contrat de travail) auprès de leur payeur respectif. Relativement à M. Bernier, le payeur est Florence Productions Inc. (FPI) et la période en cause est celle du 12 juillet 2008 au 16 août 2008 (période pertinente Bernier). FPI a également produit un avis d’intervention. Quant à Mme Mongeau, le payeur dans son cas est Les Productions Kinesis inc. (PKI) et la période visée par la décision du ministre est celle du 27 juillet 2009 au 31 juillet 2009 (période pertinente Mongeau). PKI n’a produit aucun avis d’intervention et aucun représentant de cette société n’a témoigné à l’audience. [2] Les appels de M. Bernier et de Mme Mongeau ont été entendus sur preuve commune parce qu’il s’agit d’appels qui présentent des éléments factuels communs, notamment le fait que le contrat d’engagement de l’un et l’autre était régi par une « entente collective vidéo ». Cette entente est intervenue entre l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) et l’Association des professionnel-les de la vidéo du Québec (APVQ), représentée par l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS). Elle stipule notamment des conditions minimales de travail. Les deux appelants sont des techniciens vidéo, plus précisément des assistants à la caméra qui travaillaient pour des maisons de production cinématographique ou de production d’émissions télévisuelles. [3] Les deux appelants contestent la décision du ministre et affirment avoir exercé un emploi aux termes d’un contrat de travail et avoir occupé un emploi assurable durant leur période pertinente. [4] Pour rendre sa décision à l’égard de M. Bernier, le ministre s’est appuyé sur les présomptions de fait suivantes énoncées au paragraphe 16 de la Réponse à l’avis d’appel : 16. Pour rendre sa décision, le ministre a déterminé que l’appelant n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, en s’appuyant sur les présomptions de faits suivantes : a) le payeur a été constitué en société le 4 février 2008; (prend acte) b) l’actionnaire majoritaire du payeur inc [sic] est Appartement 11 Productions Inc; (prend acte) c) l’actionnaire majoritaire de Appartement 11 Productions Inc est Jonathan Finkelstein qui est également administrateur du payeur; (prend acte) d) le payeur exploitait une entreprise dans le domaine de la production d’émissions de télévision; (admis) e) pendant la période en litige, le payeur était le producteur d’une des créations de Jonathan Finkelstein dont Nathalie Mayotte était la directrice du projet et Lori Brau[n] la directrice de production; (admis) f) l’appelant a été engagé pour remplacer Sébastien Cassou dont le statut de travail a été déterminé par l’ARC comme travailleur autonome sans que M. Cassou en appelle de cette décision; (ignoré) g) l’appelant a été engagé avec les mêmes conditions de travail que celles de M. Cassou et pour une durée déterminée pour un projet de tournage d’émissions pour enfants pour la télévision dont 5 épisodes de la série ont été tournés au États-Unis, d’autres en Colombie Britannique et au Québec; (ignoré) h) l’appelant a été engagé principalement à tire de directeur technique et aussi comme assistant cameraman; (nié) i) cette dernière attribution de travail avait pour but de permettre à l’appelant de travailler des journées entières; (ignoré) j) un contrat écrit liait les parties; (admis) k) à titre de directeur technique, l’appelant devait, entre autre [sic], se rendre sur les lieux du tournage avant l’équipe pour faire le repérage des lieux et il avait à superviser d’autres travailleurs; (nié) l) à titre d’assistant cameraman, l’appelant devait s’assurer que le matériel, caméras, radios à ondes courtes, soit disponible pour le personnel artistique sur les sites de tournage; (admis) m) l’appelant était sous la supervision de la directrice de production; (admis) n) comme toutes les personnes impliquées dans le projet en incluant les directeurs, le payeur remettait journellement à l’appelant une cédule de travail qui indiquait les heures de pauses et surtout les différentes activités heure par heure afin de s’assurer que le travail soit fait dans l’ordre en respectant le synchronisme du tournage et l’échéancier; (admis) o) l’appelant devait travailler en équipe afin que le projet soit mené à bien; (admis) p) la rémunération de l’appelant a été déterminée par le payeur; (nié) q) pour son travail de directeur technique (nié), la rémunération a été déterminée suite à une négociation entre les parties; (admis) r) quant à la rémunération d’assistant caméraman, le payeur a respecté le taux établi par l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); (admis) s) Le travail d’assistant caméraman est syndiqué (admis), alors que le travail de directeur technique ne l’est pas; (nié) t) bien que le payeur soit uniquement tenu de payer tous les bénéfices reliés à la rémunération du poste d’assistant caméraman, il a payé lesdits bénéficies [sic] sur l’entièreté de la rémunération versée à l’appelant. (nié) [Je souligne.] [5] Les faits tenus pour acquis par le ministre pour rendre sa décision dans le dossier de Mme Mongeau sont énoncés au paragraphe 15 de la Réponse à l’avis d’appel modifiée : 15. Pour rendre sa décision, le ministre a déterminé que l’appelante n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, en s’appuyant sur les faits présumés suivants : a) Les Productions Kinesis inc a été constitué [sic] en société le 14 août 1997; (pas de preuve contraire) b) les actionnaires à parts égales du payeur sont Stéphane Tanguay et Cédric Bourdeau; (pas de preuve contraire) c) le payeur est une société de production cinématographique spécialisée dans le cinéma d’auteur à court et long métrage; (ignoré) d) la place d’affaires du payeur est à Montréal; (ignoré, pas de preuve contraire) e) le payeur a engagé l’appelante à titre d’assistante à la caméra; (admis) f) un contrat écrit liait les parties; (admis) g) le contrat a été signé le 27 juillet 2009; (ignoré) h) par ce contrat, le payeur garantissait 5 jours de travail à l’appelante; (admis) i) les fonctions de l’appelante étaient, entre autres, d’aider aux prises de vues (admis), d’estimer l’éclairage; (nié) j) l’appelante était l’assistante de François Messier, caméraman principal, et suivant les directives de ce dernier; (admis) k) l’appelante devait travailler en étroite collaboration avec l’équipe de production afin d’assurer la haute qualité du produit cinématographique tout en respectant l’échéancier établi par le payeur; (admis) l) l’appelante devait se présenter sur le plateau de tournage aux heures fixées par le réalisateur ou producteur, généralement en fin de journée de travail pour le lendemain; (admis) m) l’appelante a travaillé à des heures variables pendant la période en litige; (admis) n) l’appelante ne pouvait quitter le plateau de tournage que lorsque le producteur lui en donnait l’ordre; (admis) o) l’appelante utilisait le matériel du payeur, sauf son clap de caméra; (admis) p) l’appelante est membre de l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); (admis) q) l’appelante était rémunérée au taux horaire de 25.25 $ dont 50 % lui serait remis si la production était rentable tel que l’exige l’AQTIS; (admis) r) des déductions à la source ont été faites par le payeur sur la rémunération de l’appelante, tel que spécifié au contrat et comme l’exige l’AQTIS, soit 7.5 % de sa rémunération à titre de contribution au REER collectif de l’AQTIS, au régime d’assurance collective de l’AQTIS ainsi que sa cotisation syndicale de 2.5 %; (admis) s) l’appelante a déclaré sur sa déclaration d’impôt 2009 les revenus du payeur comme étant du revenu de travailleur indépendant et a réclamé des dépenses à l’encontre de ce revenu; (nié) t) le payeur ne contrôlait pas la façon dont l’appelante exécutait ses fonctions; (nié) u) l’appelante n’était pas intégré [sic] à l’entreprise du payeur; (nié) v) les prestations de services de l’appelante ne se limitaient pas à ceux qu’elle offrait au payeur; (nié) w) la relation entre le [sic] l’appelante et le payeur ne présentait pas un degré de continuité, ni de loyauté. (nié) [Je souligne.] [6] Pour décrire le rôle de l’AQTIS et certaines pratiques existant dans le milieu de la vidéo au Québec, les appelants ont fait témoigner M. Frédéric Lussier‑Cardinal, un conseiller en relations industrielles qui était au service de l’AQTIS depuis quelques mois. Ce dernier détient un diplôme en relations industrielles obtenu en 2010. Il est aussi membre de l’ordre professionnel des conseillers en relations industrielles du Québec. [7] M. Lussier-Cardinal a décrit l’AQTIS comme un regroupement de pigistes[1] agissant comme techniciens de l’image et du son. L’AQTIS vise à défendre l’intérêt de ses membres, notamment en négociant et en signant des conventions collectives. Elle réunit 126 catégories de professionnels ou techniciens et compte environ 3 000 membres en règle. [8] Selon M. Lussier-Cardinal, l’APftq regroupe de 150 à 170 maisons de production, dont notamment FPI et PKI. Le régime juridique applicable à l’entente collective vidéo est décrit à l’article 1.01 de l’entente : a) La présente entente est conclue, en partie, selon la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (L.R.Q. c. s-32.1) (ci-après « la Loi [2]»), à la suite de la reconnaissance accordée à l’APVQ par la Commission de la reconnaissance des associations d’artistes et des associations de producteurs (ci-après la « commission ») par sa décision du 12 juillet 1993 pour tous les postes reconnus comme ceux d’artistes le 12 juillet 1993, ou par de décisions subséquentes; b) En ce qui concerne les postes qui ne sont pas reconnus comme ceux d’artistes par la commission, la présente entente est conclue en vertu du Code civil du Québec. [Je souligne.] [9] Plusieurs dispositions de l’entente collective vidéo décrivent le champ d’application de l’entente. Les plus pertinents pour les fins du litige sont les articles 1.03 et 1.05 : 1.03 La présente entente vise et s’applique aux techniciens, incluant ceux qui offrent leurs services par l’intermédiaire d’une personne morale, que le producteur engage dans le cadre de la production d’œuvres audiovisuelles sur support magnétoscopique, vidéographique ou électronique dont le premier marché est la télédiffusion (en direct ou en différé) ou la projection en salle, pour les postes suivants : a) pour les œuvres dramatiques enregistrées à la manière d’un film, l’entente s’applique aux postes énumérés au tableau 1 de l’annexe D. b) pour les autres œuvres audiovisuelles, l’entente s’applique aux postes énumérés au tableau 2 de l’annexe D. 1.05 La présente entente ne s’applique pas aux employés permanents du producteur[3]. [Je souligne.] [10] Finalement, l’article 1.09 de cette entente décrit les buts poursuivis : 1.09 La présente entente collective a pour but de fixer les conditions minimales de travail pour des techniciens occupant l’un des postes auxquels elle s’applique, de favoriser de bonnes relations entre les parties et de mettre en place un mécanisme de règlement pour les griefs. [Je souligne.] [11] Parmi les conditions minimales de travail, l’entente adopte une échelle salariale minimale, qui figure aux pages 81 à 83 de l’entente (pièce A-1). M. Lussier-Cardinal a aussi confirmé que l’AQTIS encourage ses membres à négocier une rémunération supérieure aux normes minimales prévues par l’entente collective. [12] L’entente collective prévoit la signature d’une entente individuelle écrite entre un producteur et un technicien. On trouve à l’annexe A de l’entente collective un formulaire de contrat d’engagement. Sur ce formulaire sont indiqués le poste, la rémunération ainsi que les conditions de travail. Le contrat d’engagement liant M. Bernier à FPI ainsi que celui liant Mme Mongeau à PKI correspondent à ce formulaire. Il est stipulé au contrat d’engagement individuel que les parties reconnaissent que l’entente collective est incorporée au contrat et en fait partie intégrante (voir pièces A-3 et A-6, ainsi que la pièce A-1 page 51). Ce contrat individuel est généralement signé par le directeur de la production et le technicien. Il prévoit notamment le taux horaire de rémunération, le nombre de jours garantis de travail ainsi que les dates d’exécution du travail. Dans ce contrat individuel, le technicien autorise le producteur à prélever sur chacune de ses paies une somme équivalant à un pourcentage spécifié de sa rémunération, incluant la paie de vacances, sa cotisation au REER collectif de l’APVQ, les primes du régime d’assurance collective de l’APVQ ainsi que sa cotisation syndicale. [13] Cette disposition du contrat individuel est conforme à l’article 14.09 de l’entente collective, qui stipule : Le producteur s’engage à retenir toutes les déductions à la source sur la rémunération du technicien et à verser l’indemnité afférente au congé annuel conformément aux lois applicables. Cet article ne s’applique pas au technicien qui offre ses services par l’intermédiaire d’une personne morale. [Je souligne.] [14] Parmi les lois applicables visées par cet article 14.09, M. Lussier-Cardinal a mentionné la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, et LRQ. ch. D-8.3 (Loi sur les compétences)[4]. [15] Il est intéressant de souligner l’article 1, qui décrit l’objet de la loi : 1. La présente loi a pour objet d’améliorer la qualification et les compétences de la main-d’œuvre par l’investissement dans la formation, par l’action concertée des partenaires patronaux, syndicaux et communautaires et des milieux de l’enseignement, ainsi que par le développement des modes de formation et la reconnaissance des compétences des travailleurs en emploi. […] [Je souligne.] [16] L’article 3 de la Loi sur les compétences vise les employeurs : Tout employeur, dont la masse salariale à l’égard d’une année civile excède le montant fixé par règlement du gouvernement, est tenu de participer pour cette année au développement des compétences de la main-d’œuvre en consacrant à des dépenses de formation admissibles un montant représentant au moins 1% de sa masse salariale. [Je souligne.] [17] Il est prescrit par règlement que seulement les employeurs dont la masse salariale dépasse un million de dollars doivent contribuer. Sur les 150 ou 170 membres de l’APFTQ, il y a une cinquantaine de maisons de production que l’on considère comme des maisons majeures et, selon M. Lussier-Cardinal, la grande majorité de celle-ci contribue au financement du Regroupement pour la formation en audiovisuel du Québec (RFAVQ), qui a été reconnu en 2008 sous le régime de la Loi sur les compétences. Le président du RFAVQ est membre de l’AQTIS et le vice-président est membre de l’APFTQ. [18] Selon l’interprétation qu’adopte M. Lussier-Cardinal des contrats d’engagement individuels, ces contrats créent un lien d’emploi entre les techniciens et la maison de production. À l’appui de cette prétention, il a fait référence à l’annexe B de l’entente collective vidéo, où l’on trouve un formulaire de feuille de temps sur lequel sont présentées de façon détaillée plusieurs données qui permettent aux comptables de la maison de production de calculer et de verser la rémunération due au technicien. Notamment, on y indique l’heure du début du travail, l’heure des pauses-repas, le temps de transport, le type d’enregistrement et le total des heures travaillées et des heures garanties. On y inscrit également les 4 % pour les vacances, calculés par rapport au total de la rémunération. Par contre, je constate qu’on y trouve également le calcul de la TPS et de la TVQ, « si applicable » (voir p. 52 de l’entente collective vidéo). [19] Parmi les déductions qui ont été faites conformément aux lois applicables, M. Lussier-Cardinal a indiqué la contribution que les maisons de production doivent verser en vertu de la Loi sur les compétences. [20] Pour appuyer son affirmation que l’AQTIS considère les contrats d’engagement individuels comme des contrats de travail et non pas comme des contrats de service, il a signalé l’intervention de l’AQTIS dans la faillite de la production Loft Story IV, émission produite pour la saison 2008 de TQS. L’AQTIS a réussi à obtenir que 115 de ses membres (qui n’offraient pas leurs services par l’intermédiaire d’une personne morale) soient considérés, lors de la distribution des biens de la faillite, comme des créanciers privilégiés à titre de salariés, en vertu de l’alinéa 136 (1)(d) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 (voir pièce A-2). [21] Lors de son contre-interrogatoire, M. Lussier-Cardinal a reconnu que les contrats d’engagement individuels ne stipulaient pas que la rémunération versée constituait un salaire ou que les techniciens étaient des salariés. En effet, le contrat d’engagement individuel ne précise pas la nature du contrat. On ne le qualifie que de « contrat d’engagement ». [22] L’entente collective[5] prévoit les modalités suivantes quant au remplacement des techniciens : Remplacement 6.18 À moins d’indication contraire au contrat d’engagement, un technicien ne peut pas se faire remplacer par un autre technicien sans avoir préalablement obtenu l’autorisation écrite du producteur, laquelle ne peut être refusée sans motif raisonnable. La demande de remplacement doit être formulée dans un délai minimal de sept (7) jours avant la journée de travail prévue. Absence motivée 6.19 Le technicien peut s’absenter pour motifs sérieux, pendant la durée de son contrat. Le technicien doit avertir le producteur au moins vingt-quatre (24) heures à l’avance, sauf en raison de maladie ou de circonstances imprévisibles ou hors de don contrôle nécessitant une action immédiate, auquel cas le technicien doit aviser le producteur le plus tôt possible, à défaut de quoi les dispositions du paragraphe c) de l’article 6.17 s’appliquent. [Je souligne.] Ÿ M. Jacques Bernier [23] Tel qu’il a été mentionné précédemment, M. Bernier et Mme Mongeau ont signé chacun un contrat d’engagement individuel. Toutefois, aux fins de ces motifs, il est préférable de traiter séparément les faits se rapportant à chacun des dossiers. Le rapport sur un appel préparé par l’agente des appels expose les faits pertinents relatifs au dossier de M. Bernier (pièce A-4) : Information obtained from the worker, Jacques Bernier: 1. The payer is the producer of a children’s television show called “In the Real World.” The program was later renamed “Real World.” 2. There were several persons in charge of the daily activities of the payer: Jonathan Finkelstein, the head producer, Allan Joli-Coeur, Nathalie Mayotte and Lori Braun. 3. The worker was hired to provide services as a technical director and assistant camera man. 4. It was the payer that had contacted the worker to offer him the position. The worker’s name appears on a list of unionized employees. These lists are used as [sic] by potential employers to recruit for certain positions.[6] 5. The worker has 30 years of experience in the film industry. 6. The worker was hired to replace Sébastien Cassou who took time off after the birth of his child. An insurability decision rendered for Sébastien Cassou found him to be an independent worker. Mr. Cassou did not appeal the decision. 7. The worker was hired under a written, formal AQTIS (Alliance québecoise [sic] des techinciens [sic] du [sic] l’image et du son) contract. The contract was signed in Montréal, Québec. The contract was presented to the worker by Lori Braun. She explained the terms and conditions to the worker. (TAB 1) 8. The worker was hired for a determined period of time. He was to provide services from July 12 to August 16, 2008 for approximately 12 working days. 9. The worker performed services for the payer on location, in Québec, British Columbia and in the USA. 10. The working schedule was set by the payer. The worker received from the payer every morning an instruction sheet which outlined the daily working plan and schedule. 11. The worker’s daily activities were supervised by the payer. Lori Braun, the director of production, was the worker’s immediate supervisor. 12. The worker had to fill out time sheets on a weekly basis. These were handed in to Lori Braun. The payer kept track of the worker’s hours because he was remunerated for his overtime. 13. The worker was remunerated every two weeks by a check made out to his name. 14. As per contract, he was paid at the rate of 375 $ per day for a 12 hour workday. Any hours worked above that were paid at the overtime rate. 15. The rate of remuneration used by [sic] determined by the artist’s union (AQTIS). The union sets the minimum daily rate. It is possible to negotiate a higher amount with the payer. The worker was receiving about 25$ more per day than the going union rate. 16. As per contract and union regulations, the payer paid a portion of the union dues, medical insurance and the worker’s RRSP contributions. 17. Initially, the worker did not receive any compensation for his vacations. However, following a decision by the Commission des norms [sic] de travail, the payer paid the worker his 4% vacation entitlement. 18. As per contract, the payer paid all of the worker’s travelling expenses. He was remunerated at a special rate for his travelling days. In addition, the worker received a per diem from the payer when travelling. 19. The payer supplied all of the tools and equipment required for the job. 20. The only [sic] worker provided his own tool belt and small tools, such as a screw driver, etc… 21. The worker raised the question of his status several times. He discussed the issue with Lori Braun. He remembers how surprised everyone was when there were no deductions made on the paychecks. 22. Lori Braun had told the worker that his status could be modified to that of an employee if he accepted a 15% cut in salary. The worker needed the money and did not accept the cut.[7] 23. On another occasion, in order to explain his status the worker was told by Ms. Mayotte who got the information from the payer’s lawyer, that contracts under 14 weeks were treated as independent contracts[8] those longer than 14 weeks were treated as salaried contracts.[9] 24. The worker believes that he was an employee because he was always treated as such by other payers when providing the same service. He also feels that the fact that he signed a union contract, that the payer set his schedule, provided the tools for the jobs, supervised him and that he was remunerated as per union rules for overtime, medical insurance, union dues and RRSP contributions, made him an employee. Information received from the payer’s representative, Alan [sic] Joli-Coeur: 25. The payer’s representative confirmed much of the information provided by the payer. He clarified some of the facts: 26. Jonathan Finkelstein is the sole shareholder of the payer. He is also the creator of the program. Nathalie Mayotte was the project producer and Lori Braun was the director of production. 27. The worker was hired to provide services as an independent. It is the payer’s policy to always fully explain to all workers the type of contract they are signing and their status. Lori Braun met with the worker. She presented the contract to him and explained the status of independent. The payer has no doubt that the worker with his numerous years of experience in the industry understood his status and the contract that he was signing. 28. It is an accepted practice in the filming industry that those who are hired for “director” positions are hired as independents and those that are hired as executors, i.e. cameramen are hired as employees. In addition, participants in short filming projects use mostly independent workers; long television series usually hire employees. The worker was hired for a short television project. 29. The worker was referred to the payer. He replaced Sébastien Cassou, who was initially hired for the project. The terms of hiring were the same for both individuals. 30. The worker was hired to provide services primarily as a technical director and second as an assistant cameraman. The assistant cameraman position was used as a “filler” to allow the worker to do a full day’s work. The position of technical director is not a unionized position; whereas that of the assistant cameraman is. Had the worker been hired to work as an assistant cameraman only, he would have been considered an employee.[10] 31. The payer gave the worker an active AQTIS contract to sign because it outlined all of the conditions set for the assistant cameraman position. The AQTIS does not have a contract for the technical director because it is not a unionized position. 32. The fact that the worker signed a union contract should not be used as a determining factor to establish the worker’s status. The worker’s situation was particular in that he was hired to fill two positions. His primary duty was that of the technical director and his secondary duty was that of the assistant cameraman. Therefore, the fact that the primary position is that [sic] of an independent nature should be considered when determining status rather than the fact that a union contract was used. 33. Everyone involved in the project, including all director [sic] and workers, received a daily “call sheet.” This is standard practice in the industry. The call sheet outlines the daily schedule, breaks and activities. This is done in order to ensure that the work is carried out in an orderly, synchronized and timely manner. 34. The daily schedule was determined by the payer based on the required shooting time. 35. The worker worked as part of a team. The work done by the worker was supervised by the producer. The worker as a technical director, in turn, supervised the work of other individuals. 36. The worker’s remunerated [sic] was determined in the following manner: for his work as an assistant cameraman the rate set by the AQTIS was used and the rate of pay for his was [sic] as a technical director was negotiated. It was Nathalie Mayotte and Lori Braun that negotiated the pay of technical director with the worker. 37. Although the payer was only required to pay all of the benefits as set by the AQTIS for the assistant cameraman portion of remuneration only, the payer paid the benefits on the entire amount paid to the worker.[11] 38. The payer’s representative, who is the in-house legal advisor, never told anyone that a 14 week criterion was used to determine the status of contracts. He never heard of this. 39. Although the payer’s representative is unaware as to whether the worker was made an offer to accept a 15% salary cut in order to become salaried, it is an offer that was made to someone in the past. 40. The worker had contested his employment status with the Quebec Minister of Revenue. The decision was that the position held by the worker was that of an independent.[12] 41. There exists a possibility of filing a grievance with the AQTIS regarding any irregularities. The worker who is well aware of this option did not choose to exercise it.[13] 42. The payer agreed to pay the worker his 4% following the Commission des norms [sic] de travail decision because the amount was minimal and not worthwhile contesting. As well, the payer wanted closure and was looking to put the issue behind him. 43. The reality that the film industry does not fall into the usual labour norms should be considered when determining the worker’s status. The fact that the worker held a position which consisted of two different job descriptions, the primary one being a non unionized position and the fact that the worker accepted independent status at the signature of the contract should be used as the determining factors in deciding the worker’s status. The payer does not feel that [it] is fair that the worker who benefited from a tax free full pay and enjoyed benefits paid on the full amount, even though he was entitled for only a portion of the remuneration, should now also be able to collect employment insurance premiums. [Je souligne et les caractères gras sont les miens.] [24] Durant son témoignage, M. Joli-Coeur a décrit les différentes étapes de la production de la série télévisuelle Real World. Il s’agissait d’une série de téléréalité de treize émissions d’une heure. Cette production a requis beaucoup d’équipement, dont notamment 18 caméras, et la présence de 60 personnes sur le plateau. Pour cette raison, on avait besoin de gérer l’équipement de façon efficace. C’est le motif pour lequel on a décidé d’engager un directeur technique pour une durée prévue de deux mois, de juin 2008 au 16 août 2008. Quand M. Cassou est parti, on l’a remplacé par M. Bernier. Le témoignage de M. Joli-Coeur, de même que celui de M. Bernier, m’a convaincu que M. Bernier avait été engagé principalement à titre de directeur technique, et qu’il a agi également comme assistant à la caméra, au besoin. [25] Si on a combiné les rémunérations pour les deux fonctions et adopté les normes et les conditions de travail prévues à l’entente collective vidéo, c’était pour simplifier la tâche du comptable de la production, a dit M. Joli-Coeur. Il a expliqué qu’une rémunération plus élevée avait été payée à M. Bernier en raison de ses responsabilités de directeur technique. [26] Lors de son contre-interrogatoire par l’avocat de M. Bernier, M. Joli-Coeur a reconnu que, si un technicien ne faisait pas ce qu’il fallait, le producteur délégué se chargeait de le lui dire. Il a donc reconnu qu’un assistant à la caméra était subordonné au producteur. En ce qui a trait aux fonctions de directeur technique, M. Joli-Coeur a reconnu que les directives adressées à M. Bernier venaient de la productrice déléguée, Mme Mayotte. [27] M. Joli-Coeur a raconté que la période de préproduction s’était étendue de septembre 2007 à juin 2008, et la production, de juin à août 2008. La période de production est décrite comme la période de tournage. Il a défini la période de préproduction comme tout ce qui se passe avant le tournage, et celle de la postproduction comme tout ce qui se passe après le tournage. Durant la période de préproduction, on avait rédigé le synopsis et le scénario et déterminé les lieux de tournage. [28] Au cours de la première journée de tournage, il y avait 75 personnes sur le plateau. M. Joli-Coeur a reconnu que, si le travail n’était pas terminé à la fin des périodes établies par les « call sheets », il fallait verser une rémunération pour les heures supplémentaires et il en était de même si la prise des repas était retardée. [29] M. Joli-Coeur a raconté que FPI avait à son service quatre ou cinq personnes engagées à titre permanent. Pour la réalisation de productions cinématographiques ou télévisuelles, il fallait engager un réalisateur, des scénaristes et tous les techniciens nécessaires pour mener le projet à bien. Toutes ces personnes étaient considérées comme des pigistes. [30] Il a reconnu que certains techniciens étaient considérés comme des salariés s’ils en faisaient la demande et que le budget le permettait, sans pour autant qu’il y ait de changement dans les tâches que ces techniciens pouvaient exécuter. [31] Lors de son témoignage, M. Bernier a confirmé qu’il avait oeuvré dans le domaine des productions audiovisuelles pendant une trentaine d’années et que, de façon générale, les maisons de production retenaient à la source non seulement sa cotisation à son RÉER, mais aussi l’impôt dû aux autorités fiscales ainsi que les cotisations au Régime des rentes du Québec (RRQ) et les cotisations d’assurance‑emploi. Il a ajouté qu’il touchait régulièrement des prestations d’assurance-emploi dès qu’il y était admissible. Il a indiqué qu’il arrivait qu’il soit tenu de rembourser une partie de ces prestations lorsqu’il avait reçu une rémunération trop élevée. Par contre, il a reconnu qu’il n’y avait pas eu de retenue à la source à l’égard du RRQ, de l’assurance-emploi et de l’impôt dans le cas de son contrat avec FPI. [32] Durant la période de production, a indiqué M. Bernier, c’est le producteur qui décidait du « où », du « quand » et du « comment » du travail à faire. Notamment, l’horaire du tournage était décidé par le producteur ou le réalisateur sans que M. Bernier soit consulté. L’horaire prévoyait exactement la période d’exécution des travaux et les temps d’arrêt pour les repas. Par contre, il a reconnu que, comme technicien d’expérience, il savait comment faire son travail. Mais, ce n’était pas lui qui décidait de l’emplacement des caméras lors du tournage. selon lui, son patron était d’abord le producteur délégué, suivi du réalisateur et du régisseur. Lors de son témoignage, il a confirmé la description de ses tâches qu’il avait faite au paragraphe 3 de son avis d’appel, paragraphe dont l’intimé a admis l’exactitude : 3. L’Appelant travaille à titre d’assistant à la caméra, notamment, dans le cadre de son travail, il effectue les tâches suivantes : - Préparer les caméras. - Installer ou changer les objectifs. - Installer et changer au besoin le ruban vidéo. - Changer les batteries au besoin. - Identifier les rubans vidéo. - Transporter l’équipement. - Faire l’identification des prises avec les claquettes. - Aider dans l’installation de caméras. -.Aider à serrer l’équipement. - Vérifier régulièrement le time-code. - Être collé sur le plateau de tournage et aider les cadreurs[.] - Conduire le camion d’équipement. - Charger les batteries. - Distribuer la dizaine de caméras aux assistants à la caméra et aux cadreurs. - Faire du transfert de donner [sic] vidéo numérique aux disques durs. - S’assurer que tout l’équipement fonctionne bien. - Être le "gars dans le truck caméra". - Prendre soin des walkies talkies. - Arranger les problèmes techniques mineurs. - S’assurer que toutes les caméras soient synchronisées. - Quand le temps le permettait, aller sur le plateau de tournage et accomplir les tâches d’assistant à la caméra. [Je souligne.] [33] M. Bernier a aussi indiqué qu’il avait exécuté entre vingt et trente contrats d’engagement au cours de l’année 2008, principalement à titre d’assistant à la caméra. [34] S’il y avait des retards dans la réalisation d’une production télévisuelle, les risques pesaient, selon M. Bernier, sur le producteur, notamment en ce qui a trait à la rémunération pour les heures supplémentaires qu’il fallait verser. Durant la période pertinente, M. Bernier n’a jamais été remplacé par quelqu’un d’autre. [35] Il a aussi confirmé qu’il avait négocié sa rémunération. On lui avait offert 350 $ pour 12 heures, alors qu’il avait demandé 375 $, ce qu’il a obtenu. Selon M. Bernier, sa sécurité financière dépend de sa réputation et de son droit d’obtenir des prestations d’assurance‑emploi. Ÿ Mme Josée Mongeau [36] Mme Mongeau est assistante à la caméra, davantage deuxième que première assistante. Elle est dans ce métier depuis une quinzaine d’années. En 2009, elle a exécuté entre quinze et vingt contrats, dont la durée pouvait aller d’une journée à trois mois. Selon elle, depuis quinze ans qu’elle exerce son métier, le contrat avec PKI est le premier en vertu duquel elle n’a pas été reconnue comme une salariée. De façon générale, elle reçoit un relevé d’emploi à la fin de ses contrats d’engagement établis selon le formulaire de l’AQTIS. Elle refuse d’ailleurs les contrats qu’elle décrit comme étant « par facture ». Ces contrats sont différents de ceux signés sur le formulaire de l’AQTIS. [37] On a produit le rapport sur un appel (pièce A‑7) qui expose les faits présentés lors de conversations qu’a eues l’agent des appels avec Mme Mongeau. Le rapport relate également les conversations avec un représentant de PKI, M. Bourdeau. Certains des faits sont bien exposés dans la Réponse à l’avis d’appel modifiée, dont j’ai reproduit une partie plus haut. Je n’ajouterai que certains extraits tirés du rapport qui m’apparaissent plus importants : [...] Conversation avec Josée Mongeau (l’autre partie/la travailleuse) […] 15. Tout le travail effectué par Josée Mongeau à titre d’assistante à la caméra était exécuté sur les différents plateaux sous la supervision et le contrôle du directeur photo, François Messier. 15.1 François Messier est le caméraman principal de la production vidéo et il s’occupe également de l’éclairage et de la photo en plus de donner ses directives à Josée Mongeau à titre d’assistante caméraman. 16. Le travail de Josée Mongeau consistait à aider aux prises de vues, estimer l’éclairage, les angles[14], etc. 17. À la question de savoir si son travail avait été supervisé ou contrôlé; elle m’a répond [sic] « Toutes mes directives provenaient du directeur photo. Je devais quitter le plateau seulement lorsqu’on en recevait l’ordre du producteur. Je devais me présenter aux endroits et aux heures qu’on me fixait. J’avais à compléter des feuilles de temps. 18. Je me considérais une employée et non une sous-traitante. Je n’avais aucune dépense à engager. J’étais payée à l’heure ». 18.1. J’ai demandé à Josée Mongeau de m’expliquer pourquoi déclare-t-elle ses revenus provenant de Les Productions Kinesis Inc comme du revenu d’entreprise et pourquoi déduit-elle des dépenses d’entreprise. Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas le choix car Les Productions Kinesis Inc ne voulait pas lui donner de T4 et de Relevé d’emploi donc lors de la production de son rapport d’impôt, il lui restait qu’une façon de déclarer ses honoraires soit comme du revenu d’entreprise et ainsi réclamer ses dépenses de bureau à la maison (voir pièce 7 jointe au dossier)[15]. […] 19. Elle nous explique que le payeur a refusé d’émettre un RDE sous le prétexte que cela lui aurait coûté trop cher de retenir de l’AE à la source. 20. À la question de savoir de quelle manière elle avait obtenu ce travail; elle m’a répond [sic] « C’est une connaissance qui m’a dit qu’ils avaient besoin d’une assistante. J’ai communiqué avec eux et ils m’ont fait signer un contrat » (Montréal, P.Q.).[16] [...] 21.1 Les heures de travail sont décidées par le réalisateur/producteur et il les annonces [sic] généralement après la journée de travail pour le lendemain. L’horaire de travail peut aussi bien être en matinée qu’en soirée ou même de nuit dépendant des intentions de tournage du réalisateur. 22. Le payeur considère Josée Mongeau comme une travailleuse autonome alors que celle‑ci se considère une employée. 22.1 Josée Mongeau me dit que si les travailleurs n’acceptent pas les conditions d’emploi, ils n’auront pas le contrat et c’est pourquoi elle a accepté que son statut soit autonome même si elle était en désaccord.[17] 23. Les deux parties ont reconnu l’existence d’un lien de subordination entre elles. Conversation avec Cédric Bourdeau de Les Productions Kinesis Inc (l’appelante/le payeur) 24. Cédric Bourdeau a corroboré en totalité les affirmations de Josée Mongeau à l’exception de l’intention initiale qui n’a jamais été qu’elle soit l’employée de l’entreprise mais plutôt travailleuse autonome/pigiste. 25. Les déductions effectuées sur son talon de paie représentent les déductions obligatoires que le payeur doit faire à tous ceux qui sont membres du Syndicat « AQTIS », comme l’est Josée Mongeau (numéro de membre 20715). Le payeur doit prélever le coût du permis, la cotisation syndicale, les assurances-collectives et le REER collectif. Ces déductions ne signifient nullement que Josée Mongeau est une employée pour autant. [...] (VI) CONTRADICTIONS : La seule contradiction entre les parties se situe au niveau de leur intention initiale malgré que Josée Mongeau fût parfaitement consciente de l’intention du payeur au moment de l’embauche de la considérer comme une travailleuse autonome/pigiste. [Je souligne. Les caractères gras sont de l’agent des appels.] [38] Contrairement à ce qui s’est produit dans le dossier de M. Bernier, l’agent d’assurabilité avait déterminé que le travail de Mme Mongeau était assurable. [39] Lors de son témoignage, Mme Mongeau a apporté certaines précisions, notamment en ce qui concerne l’exécution de ses tâches. Elle a mentionné qu’elle recevait des directives quant à l’endroit où mettre les caméras et que c’était le réalisateur qui décidait de la scène à tourner et du degré de netteté de l’image. [40] Elle a confirmé la description de ses tâches, telle qu’elle apparaît au paragraphe 3 de son avis d’appel, paragraphe dont l’intimé admet les énoncés : 3. L’Appelante travaille à titre de 1ière assistante à la caméra, notamment, dans le cadre de son travail, elle effectue les tâches suivantes : a) montage de toutes les pièces de la caméra le matin. b) faire le point au moment du tournage pour avoir une image nette à moins d’avis contraire. c) entretenir le mieux possible l’équipement de tournage. d) assister le directeur photo pour son confort ergonomique en le soulageant de la caméra entre les prises si on tourne caméra épaule par exemple. e) assure la sécurité de la caméra lors des déplacements. f) range l’équipement caméra dans les caisses en fin de journée. g) recharger les batteries de la caméra. [41] Mme Mongeau considère que le travail de technicien n’en est pas un de création. Son travail consiste à répondre aux besoins du réalisateur. Selon elle, elle reçoit des directives au fur et à mesure que la production se réalise, car il y a beaucoup de modifications en cours de réalisation : « Ça change beaucoup d’idées ». [42] Elle a décrit les patrons sur le plateau comme étant tout d’abord le producteur, ensuite le réalisateur, et puis le régisseur. Quoique le réalisateur soit le chef d’orchestre relativement à la création, les décisions quant aux lieux de tournage sont souvent les décisions du producteur, et elle a expliqué qu’un réalisateur peut souvent se faire renvoyer avant la fin de la production d’un film. [43] Mme Mongeau a indiqué qu’elle avait déjà refusé des contrats parce qu’on ne voulait pas la traiter comme une salariée. Elle a aussi ajouté qu’elle pouvait être considérée comme une salariée même dans le cas d’un contrat pour lequel on n’avait pas utilisé le formulaire prévu à l’entente collective. [44] Elle a reconnu qu’elle fournissait certains petits outils, comme un tournevis, des ciseaux, un crayon et de la craie. Mme Mongeau s’est considérée comme intégrée à l’entreprise de PKI, quoiqu’elle ne soit pas reconnue comme une employée permanente de cette entreprise. Finalement, elle a indiqué qu’elle n’avait travaillé pour aucun autre producteur pendant la durée de son contrat avec PKI. [45] L’agent des appels a cité comme précédents les décisions 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CAF 334 (CanLII) (Tambeau) et Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (M.R.N.), 2004 CAF 54, (2004), 323 N.R. 356, [2004] A.C.F. no 238 (QL). Quant à l’agente des appels dans le dossier de M. Bernier, elle n’a cité que l’affaire Tambeau. Analyse [46] La question soulevée par ces appels n’est pas nouvelle. Il s’agit de déterminer si les deux appelants occupaient un emploi assurable aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Les principes que doit appliquer la Cour pour régler cette question ont fait l’objet de nombreuses discussions dans la jurisprudence. On m’a remis lors des plaidoiries la décision que j’ai rendue dans l’affaire Beaucaire c. Canada, (M.N.R.) 2009 CCI 142, [2009] A.C.I. no 207, 2009 6 C.T.C. 2347 (angl.). Dans cette affaire, j’avais conclu que le travailleur était lié par un contrat de service et non par un contrat de travail. Par conséquent, il n’occupait pas un emploi assurable. Voici comment j’y avais décrit l’approche que doit adopter la Cour en semblable matière : 17 La question en litige est de savoir si monsieur Beaucaire occupait un emploi assurable aux fins de la Loi. La disposition pertinente est l’alinéa 5(1)a) de la Loi, qui édicte ce qui suit : 5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable : a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; [Je souligne.] 18 Cet article définit un emploi assurable comme comprenant l’emploi exercé en vertu d’un contrat de louage de services (ou, pour employer une expression plus moderne, un contrat de travail). Or, la Loi ne définit pas ce qui constitue un tel contrat. Voici ce que prévoit l’article 8.1 de la Loi d’interprétation relativement à une telle circonstance : Propriété et droits civils 8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte. [Je souligne.] 19 Les dispositions les plus pertinentes pour déterminer l’existence d’un contrat de travail au Québec et le distinguer du contrat de service sont les articles 2085, 2086, 2098 et 2099 du Code civil du Québec (Code civil ou C.c.Q.) : Contrat de travail 2085 Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. 2086 Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée. Contrat d'entreprise ou de service 2098 Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. 2099 L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. [Je souligne.] 20 Lorsqu'on analyse ces dispositions du Code civil, il en ressort clairement qu'il y a trois conditions essentielles quant à l'existence d'un contrat de travail : i) une prestation de travail fournie par le salarié; ii) une rémunération pour ce travail payée par l'employeur; iii) un lien de subordination. Ce qui distingue nettement le contrat de travail du contrat de service, c'est l'existence du lien de subordination, c'est‑à‑dire le fait pour l'employeur d'avoir un pouvoir de direction ou de contrôle sur le travailleur. 21 Dans la doctrine, les auteurs se sont interrogés sur la notion de « pouvoir de direction ou de contrôle » et son revers, le « lien de subordination ». Voici ce qu'écrit Robert P. Gagnon : c) La subordination 90 — Facteur distinctif — L'élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C'est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d'autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d'une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d'entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants C.c.Q. Ainsi, alors que l'entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l'article 2099 C.c.Q., « le libre choix des moyens d'exécution du contrat » et qu'il n'existe entre lui et son client « aucun lien de subordination quant à son exécution », il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l'employeur et dans le cadre établi par ce dernier. [...] 92 — Notion — Historiquement, le droit civil a d'abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d'application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l'exécution de ses fonctions (art. 1504 C.c.B.‑C.; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l'employeur sur l'exécution du travail de l'employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s'est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l'employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l'exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu'on reconnaîtra alors comme l'employeur, de déterminer le travail à exécuter, d'encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s'intégrer dans le cadre de fonctionnement d'une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d'un certain nombre d'indices d'encadrement, d'ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d'activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n'exclut pas une telle intégration à l'entreprise. [Je souligne.] 22 Soulignons que ce qui est la marque d'un contrat de travail, ce n'est pas le fait que la direction ou le contrôle a été exercé effectivement par l'employeur (la notion stricte ou classique), mais le fait qu'il avait le pouvoir de l'exercer (la notion élargie). Dans Gallant c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 330 (QL), le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale affirme : [...] Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions. [...] [Je souligne.] 23 Il faut également ajouter ces commentaires du ministre de la Justice du Québec au sujet de l’article 2085 C.c.Q., qui accompagnaient le projet du Code civil et que j’ai rapportés aux pages 2:26 et 2 :27 d’un article (mon article) que j’ai écrit et qui est intitulé « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » : L’article reprend la règle édictée à l’article 1665a) C.C.B.C. La définition contenue dans cet article nouveau permet de cerner avec plus de précision la différence entre le contrat de travail et le contrat d’entreprise ou de service. La ligne de démarcation parfois ténue entre ces contrats a suscité des difficultés tant en doctrine qu’en jurisprudence. Cette définition indique le caractère essentiellement temporaire du contrat de travail, consacrant ainsi le premier alinéa de l’article 1667 C.C.B.‑C., et met en relief l’attribut principal du contrat de travail : le lien de préposition caractérisé par le pouvoir de contrôle, autre que le contrôle économique, de l’employeur sur le salarié, tant dans la fin recherchée que dans les moyens utilisés. Il importe peu que ce contrôle soit ou non effectivement exercé par son titulaire; il importe peu également que le travail soit matériel ou intellectuel. [Je souligne.] 24 Au Québec, contrairement à la situation en common law, la question centrale est de savoir s'il existe un lien de subordination, à savoir un pouvoir de contrôle ou de direction. Un tribunal n'a pas d'autre choix que de conclure à l'existence ou à l'absence du lien de subordination pour pouvoir conclure qu'un contrat constitue un contrat de travail ou bien un contrat de service. C'est l’approche que le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale a adoptée dans l'affaire D & J Driveway, où il a conclu à l'absence d'un contrat de travail en se fondant sur les dispositions du Code civil et, en particulier, en constatant l'absence d'un lien de subordination, lequel il a décrit comme « la caractéristique essentielle du contrat de travail ». 25 À la décision D & J Driveway, j’ajouterai celle rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire 9041‑6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.F. no 1720 (QL), 2005 CAF 334 (Tambeau). Voici ce que le juge Décary écrit aux paragraphes 2 et 312 : 2 En ce qui a trait à la nature du contrat, le juge en est arrivé à la bonne solution, mais il y est parvenu, à mon humble avis, de la mauvaise manière. Nulle part, en effet, ne traite-t-il des dispositions du Code civil du Québec, se contentant, à la fin de son analyse de la preuve, de référer aux règles de common law énoncées dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. Sagaz c. Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Cette méprise, je m'empresse de le souligner, n'est pas nouvelle et trouve son explication dans un flottement jurisprudentiel auquel le temps est venu de mettre un terme. 3 L'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, puis l'adoption par le Parlement du Canada de la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil (c. 2001, ch. 4) et l'adjonction par cette Loi de l'article 8.1 à la Loi d'interprétation (L.R.C., ch. I‑21) ont redonné au droit civil du Québec, en matière fédérale, ses lettres de noblesse que les tribunaux avaient eu parfois tendance à ignorer. Il suffit, à cet égard, de consulter l'arrêt de cette Cour, dans St-Hilaire c. Canada, [2004] 4 C.F. 289 (C.A.F.) et l'article du juge Pierre Archambault, de la Cour canadienne de l'impôt, intitulé « Contrat de travail : pourquoi Wiebe Door Services Ltd ne s’applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » et publié récemment dans le Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, pour se convaincre que le concept de « contrat de louage de services », à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, doit être analysé à la lumière du droit civil québécois lorsque le droit provincial applicable est celui du Québec. [Je souligne.] ____________ 12 Il faut mentionner que les juges Pelletier et Létourneau ont manifesté leur adhésion à cette décision du juge Décary. Par contre, dans une décision subséquente, Combined Insurance Company of America c. M.N.R. et Mélanie Drapeau, 2007 CAF 60, écrite par le juge Nadon, à laquelle, d'ailleurs, les juges Pelletier et Létourneau ont souscrit, on se réfère à nouveau à la décision Wiebe Door. Toutefois, il n'est aucunement fait référence dans l'arrêt Combined Insurance à la décision Tambeau et il n'y est pas dit que l'interprétation adoptée par le juge Décary ne faisait plus loi au Québec. La demande d'autorisation d'en appeler de l’arrêt Combined Insurance à la Cour suprême du Canada a été rejetée le 25 octobre 2007. Le juge Létourneau a eu l'occasion de revenir sur cette question dans une récente décision, Grimard c. Sa Majesté la Reine, 2009 CAF 47. Au paragraphe 37, il écrit : « […] la notion de contrôle est, en vertu du droit civil québécois, plus qu'un simple critère comme en common law. Elle est une caractéristique essentielle du contrat de travail […] ». Il a cité alors à l'appui de ses dires la décision Tambeau. 26 Tel qu’il est mentionné ci-dessus, la ligne de démarcation entre un contrat de travail et un contrat de service peut être ténue. Il m’apparaît important, comme point de départ, de constater comment les parties ont elles-mêmes qualifié la nature de leurs rapports contractuels. [...] [47] En outre, comme l’avocat des appelants a cité à plusieurs reprises des extraits de mon article mentionné au paragraphe 3 de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Tambeau, je me permettrai d’en citer de larges extraits qui à mon avis, sont pertinents pour la recherche de la solution au problème soulevé par ces appels. [48] Au paragraphe 51 de ses motifs dans l’affaire Grimard c. Canada, 2009 CAF 47, [2009] 4 R.C.F. 592, le juge Létourneau écrit : 51 Une lecture des paragraphes 37 à 46 révèle que le juge a recherché et analysé des indices soit d'encadrement, soit de libre exécution du travail. Il est intéressant de voir, contrairement à ce que lui reproche l'appelant, qu'à ce titre le juge a examiné les critères de common law. 52 Ainsi, au paragraphe 39, le juge retient le fait que l'appelant se voyait fournir par la CLP « un bureau doté de tous les outils nécessaires pour exercer ses fonctions ». En d'autres termes, il s'est préoccupé de la propriété des outils de travail. [Je souligne.] [49] Lorsque j’ai rédigé mes motifs dans l’affaire Grimard, j’ai volontairement omis d’examiner les critères de common law. La raison pour laquelle je ne l’ai pas fait est que j’appliquais l’approche suivie par la Cour suprême du Canada dans plusieurs décisions dans lesquelles on a jugé qu’il était inopportun de recourir aux précédents du droit commun anglais et qu’il fallait interpréter les dispositions du droit civil d’après ses propres règles. Voici comment je décris cette approche de la Cour suprême du Canada (et même de la Cour fédérale) au paragraphe 4 de mon article ainsi qu’aux paragraphes 57 et suivants : [4] Soutenant qu’il fallait s’en remettre strictement au droit commun du Québec pour établir cette distinction, nous écrivions, à la page 301 : [...] Ceci constitue une autre raison pour accueillir favorablement la démarche du juge Brossard dans Dennis Sport Import. On devrait, comme il l’a souligné, « s’en remettre au droit commun du Québec ». D’ailleurs, cette approche qui respecterait l’intégrité du droit civil québécois est conforme à celle confirmée récemment par la Cour suprême du Canada dans Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd. [[1982] 1 R.C.S. 452, à la page 469] dans lequel jugement le juge Beetz a rappelé les propos suivants du juge Mignault [dans Desrosiers c. Le Roi (1920), 60 R.C.S. 105, à la page 126] : [...] il est temps de réagir contre l’habitude de recourir, dans les causes de la province de Québec, aux précédents du droit commun anglais, pour le motif que le code civil contiendrait une règle qui serait d’accord avec un principe du droit commun anglais … Le droit civil constitue un système complet par lui‑même et doit s’interpréter d’après ses propres règles. [Je souligne.] […] 1.2.1. Des précédents civilistes pour interpréter les dispositions du Code civil [57] Tout d’abord, sur le plan des principes, il est inopportun d’appliquer des décisions de la common law pour interpréter le droit civil du Québec. En plus de l’opinion du juge Mignault citée par le juge Beetz dans l’affaire Gray Rocks Inn Ltd. et mentionnée dans l’introduction du présent article, il y a ces propos du juge Mignault dans l’arrêt Curley c. Latreille (pages 176‑177)59 : On me permettra de faire encore une observation générale parce que plusieurs des honorables juges de la cour d’appel me paraissent avoir assimilé notre droit, quant à la responsabilité des maîtres et commettants, au droit anglais sous l’empire duquel on décide que le maître est responsable du fait dommageable accompli par son serviteur “in the course of his employment”, expression qui, dans leur opinion, rend la même idée que “dans l’exercice des fonctions auxquelles ces derniers sont employés” ou, pour citer encore la version anglaise de l’article 1054 CC. “in the performance of the work for which they are employed”. Et ayant constaté, à leur avis, une identité de signification, les savants magistrats ont cité quelques décisions anglaises, et notamment l’arrêt rendu par cette cour dans la cause de Halparin v. Bulling [(1914) 50 R.C.S. 471] qui venait de la province du Manitoba. Il est quelquefois dangereux de sortir d’un système juridique pour chercher des précédents dans un autre système, pour le motif que les deux systèmes contiennent des règles semblables, sauf bien entendu le cas où un système emprunte à l’autre une règle qui lui était auparavant étrangère. Alors même que la règle est semblable dans les deux, il est possible qu’elle n’ait pas été entendue ou interprétée de la même manière dans chacun d’eux, et, comme l’interprétation juridique — je parle bien entendu de celle qui nous oblige — fait réellement partie de la loi qu’elle interprète, il peut très bien arriver que les deux règles, malgré une apparente similitude, ne soient pas du tout identiques. Je ne fonderai donc pas les conclusions que je crois devoir adopter en cette cause sur aucun précédent tiré du droit anglais, pas même sur la cause de Halparin v. Bulling, mais je me baserai uniquement sur le texte de l’article 1054 C.C. [Je souligne.] ____________ 59 (1920), 60 R.C.S. 131. Dans cette affaire, il s’agissait de décider si un maître (employeur) était responsable du fait dommageable commis par son serviteur (employé) « dans l’exécution des fonctions auxquelles [ce dernier était] employé [...] », suivant l’art. 1054 C.c.B‑C (maintenant art. 1463 C.c.Q.). [58] Le juge Brodeur, quoique dissident, a adopté la même approche que celle du juge Mignault, s’exprimant dans les termes suivants à la page 173 : [...] Les remarques que je viens de faire dans la présente cause et l’esprit de la loi dans les deux systèmes nous démontrent combien il est dangereux de sortir d’un système pour aller chercher dans un autre des précédents qui reposent parfois sur des principes assez faiblement reconnus et parfois opposés, malgré que le texte peut paraître à peu près identique. Pour ma part, je préfère baser ma décision sur la décision de la Cour de Cassation, parce qu’elle a été rendue sous une loi que nos codificateurs déclarent eux-mêmes avoir adoptée. [Je souligne.] […] [60] Le juge Mignault est revenu sur la question de l’utilisation de la jurisprudence de common law en droit civil dans une conférence présentée aux étudiants de l’Université McGill et publiée par l’Association du Barreau canadien60: And as to precedents where you seek to establish a rule of law, do not go outside of decided cases or authorities of our own jurisprudential system. Cases from Quebec often come before the Supreme Court full of references taken from the common law. It is perhaps easier to find these references on account of the English and American encyclopedias of law which are in very common use in our province, and which are very convenient for handy reference. Remember however that the civil law is a distinct and entirely self sufficing system, that its legal literature is extremely rich and abundant, that monumental works of reference like Fuzier-Herman, the repertories of Dalloz and Sirey and the Pandectes Françaises are on the shelves of our libraries, and that, even where the common law and the civil law have a similar rule, as in many cases of mandate, suretyship and torts, to mention these only as typical of many others, it can only lead to confusion to go outside of our system to seek authorities in other systems of law where the rule in question may well be a deduction from another rule which does not exist in our code. I feel very strongly on this subject and I have lost no opportunity in my humble way since I have had the honour of a seat on the bench of our highest appellate court, to insist that each system of law be administered according to its own rules and in conformity with its own precedents. [Je souligne.] ____________ 60 « The Authority of Decided Cases » (1925), 3 Can. Bar R. 1, aux pp. 22 et 23. Un autre passage de cet article a été cité par le juge Beetz dans l’arrêt Banque Nationale du Canada (successeur de la Banque Canadienne Nationale) c. Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339, à la p. 361. [61] Finalement, il y a ces propos du juge Addy dans l’affaire Olympia and York, précitée (par. 16), à la page 702 : [...] Chercher une solution au litige en l’espèce dans la jurisprudence de common law équivaut donc à entreprendre un voyage périlleux sur des chemins rocailleux et tortueux, pleins d’embûches, qui (avec de la chance) conduiraient à un cul‑de‑sac. [Je souligne.] [50] J’ai été surpris de constater, à la lecture des motifs de la décision Grimard de la Cour d’appel fédérale, que le contribuable avait invoqué comme argument que le juge aurait dû « se récuser pour éviter d’être taxé de partialité en raison du fait qu’il s’était référé à son article ». Les propos du juge Mignault reproduit au paragraphe 60 de l’extrait cité plus haut tiré de mon article ont été tenus en avril 1921 et publiés dans le Canadian Bar Review de janvier 1925 alors qu’il était juge à la Cour suprême du Canada[18]. L’argument avancé était d’autant plus surprenant que M. Grimard était un médecin qui fournissait une prestation de travail comme assesseur auprès de la Commission des lésions professionnelles, un tribunal administratif du Québec. Le monde judiciaire lui était donc familier. Tout ce que j’ai écrit dans mon article, j’aurais pu l’écrire dans une décision. Cet article me donnait l’occasion de passer en revue de façon globale et détaillée l’ensemble de la question soulevée par l’application de l’article 5 de la Loi au Québec. En outre « [s]elon une longue et louable tradition, les magistrats participent à l’enseignement du droit, publient des ouvrages de droit, des articles dans les revues juridiques et prononcent des conférences ou discours sur le droit » (Je souligne.) écrit le très honorable Gérald Fauteux, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada dans Le livre du magistrat (à la p. 20), un ouvrage parrainé par le Conseil canadien de la magistrature paru en 1980. [51] S’il fallait qu’un juge se récuse chaque fois qu’il adopte une interprétation juridique de dispositions législatives et énonce des principes jurisprudentiels, la Cour canadienne de l’impôt ne pourrait plus fonctionner. En effet, la Cour est souvent saisie de centaines d’appels reliés au même type de problèmes. On n’a qu’à penser aux appels en matière de recherche et de développement et à ceux relatifs au stratagème consistant en la vente de reçus de dons de bienfaisance, qui a fait l’objet de beaucoup de débats devant cette Cour et plusieurs appels s’y rapportant ont été entendus par le même juge. [52] De plus, un juge doit toujours aborder les questions en litige avec ouverture d’esprit, sans parti pris, et même envisager la possibilité qu’il ait pu rendre une décision mal fondée en droit et en faits. Les juges sont souvent tributaires des faits et des arguments qui sont présentés devant eux. Un bel exemple se trouve dans la décision que j’ai rendue récemment dans l’affaire Bombardier, 2011 CCI 48, une affaire qui soulevait la question de la valeur, aux fins du calcul de l’impôt sur le capital des grandes sociétés, des avances sur contrats inscrites au bilan. Dans l’affaire Oerlikon Aérospatiale Inc. c. La Reine, 97 DTC 694, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 1999 CarswellNat 534, 99 DTC 5318 (angl.), j’avais rejeté l’appel de la société Oerlikon en concluant que les avances faites sur des contrats constituaient des avances aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, y compris celles inscrites dans les notes complémentaires. Dans Bombardier, j’ai conclu, sur la foi d’une preuve d’expert différente de celle qui avait été présentées dans Oerlikon, que seules les avances figurant dans le corps du bilan constituaient des avances aux fins de l’impôt en question. [53] Après avoir expliqué aux paragraphes 75 et suivants de mon article pourquoi les règles de preuve en vigueur au Québec sont applicables dans les litiges où il s’agit d’appliquer l’article 5 de la Loi, j’ai énoncé aux paragraphes 82 et suivants les différents moyens de preuve, dont la preuve par présomption de fait, qui peuvent être utilisés pour établir qu’il existe un lien de subordination aux fins de la détermination de l’existence d’un contrat de travail. Seulement les notes infrapaginales les plus importantes sont reproduites: 2.1.2. Preuve par présomption de fait [82] L’article 2811 C.c.Q. édicte que la « preuve d’un acte juridique ou d’un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d’un élément matériel ». Il n’est pas nécessaire d’étudier ici chacun de ces cinq moyens de preuve. Par contre, il conviendrait d’analyser la preuve par présomption de fait89, puisque cette méthode de preuve est d’une grande utilité pour établir l’existence d’un contrat de travail. Comme on le verra plus loin, la preuve du contrat lui‑même, de l’acte juridique, pourra être faite par preuve directe, à savoir par la production du document qui le constate, ou sinon, par la preuve testimoniale de ce que les parties ont convenu au moment de conclure leur entente. La preuve directe de la prestation de travail fournie par le salarié et du salaire versé par l’employeur pourra être faite de la même manière, c’est‑à‑dire par écrit ou par témoignage. Quant au lien de subordination, soit le revers du pouvoir de direction ou de contrôle, une preuve directe pourra être faite si ce pouvoir a été exercé ou s’il est stipulé au contrat. Dans les cas où il n’a été ni exercé ni stipulé, ou n’a été exercé que dans une faible mesure, on doit faire la preuve de l’existence de ce « pouvoir » de direction ou de contrôle, c’est‑à‑dire établir un fait non apparent ou inconnu, ce qui nécessite une preuve indirecte ou indiciaire. C’est ce que le Code civil appelle preuve par présomption de fait. La même approche pourrait d’ailleurs s’avérer nécessaire si les parties n’ont pas manifesté dans leur entente leur intention quant à la nature du contrat. [83] Paraphrasant le texte de l’art. 2846 C.c.Q., le professeur Ducharme90 décrit ce moyen de preuve comme « un processus intellectuel par lequel, de l’existence de faits connus, on induit l’existence d’un fait inconnu ». Voici d’ailleurs l’analyse qu’il fait dans son ouvrage91 : ____________ 89 Les règles se trouvent aux art. 2846 à 2849 C.c.Q. 90 Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2001, à la p. 159. 91 Ibid., p. 182 et s. Par. I — L’analyse de la présomption de fait 599. Si nous décomposons le processus par lequel le juge passe de faits connus à un fait inconnu, on s’aperçoit que cette induction comprend trois étapes différentes. Premièrement, l’établissement des faits connus ou la recherche des indices; deuxièmement, l’intervention d’un principe qui sert de lien entre les faits connus et celui qu’on recherche; et enfin, le terme de l’induction qui est la certitude plus ou moins grande du fait induit. Nous allons analyser chacune de ces étapes brièvement. A — La recherche des indices 600. Tout fait ou acte, pourvu qu’il soit valablement établi devant le tribunal, peut servir d’indice. Aucune règle précise ne peut donc être formulée quant à la nature des faits susceptibles de servir de base à une induction, si ce n’est que les faits doivent être graves, précis et concordants comme l’affirment l’article 2849 C.c.Q. ainsi qu’une jurisprudence constante. 601. Que faut-il entendre par cette expression? À notre avis, elle veut simplement dire que les faits connus doivent être tels qu’ils rendent au moins probable l’existence du fait qu’on veut en induire. Si les faits connus sont aussi compatibles avec l’existence que la non‑existence de ce fait, ils ne peuvent servir de fondement à une présomption et l’on dira alors qu’ils ne sont pas suffisamment graves, précis et concordants. Il faut bien remarquer qu’une simple probabilité est suffisante et qu’il n’est pas nécessaire que la présomption soit tellement forte qu’elle exclue toute autre possibilité. Nous étudierons plus loin le problème de la recevabilité des procédés de preuve pour prouver les indices. B — L’intervention d’un principe 602. Les indices en eux‑mêmes ne prouvent rien; leur valeur repose sur l’interprétation qu’on en donnera, et c’est au moyen d’un principe tiré de la science, de la psychologie, de la physiologie, etc., qu’on pourra les interpréter. 603. Le principe de causalité joue un très grand rôle en ce qui concerne les présomptions. Suivant ce principe, on sait qu’il n’y a pas d’effet sans cause; en partant d’un effet, il est donc possible de remonter à la cause qui l’a produit. Ainsi, dans une affaire particulière, le tribunal a présumé que des moutons avaient été tués par des chiens errants, à partir de la nature des blessures qui leur avaient été infligées. Le principe de causalité permet dans d’autres cas de voir dans un certain fait la cause d’un autre événement, de désigner, par exemple, comme cause d’un incendie, les vapeurs de pesticide qui avaient été répandues dans un immeuble quelques heures auparavant. [Je souligne.] [84] C’est donc par l’analyse et la pondération d’une série d’indices factuels qu’il sera possible de conclure à l’existence ou à l’absence de faits non apparents ou non manifestés, comme le pouvoir de direction ou de contrôle ou encore l’intention des parties quant à la nature du contrat. [54] Ici, les parties n’ont pas décrit clairement dans leur entente écrite la nature de cette entente. Ils ont simplement décrit l’entente comme étant un contrat d’engagement. Ils n’ont pas spécifié s’il s’agit d’un contrat de travail ou un contrat de service. Il n’est donc pas surprenant que la preuve soit contradictoire quant à la nature de leur relation contractuelle. Les deux appelants insistent pour dire qu’ils se sont toujours considérés comme des salariés quand ils signaient ce genre de contrat. Quant à M. Joli-Coeur, il affirme que la pratique de sa maison de production était de bien informer leurs techniciens s’ils étaient engagés comme des travailleurs autonomes. [55] On doit donc s’en remettre à l’analyse de leur conduite pour déterminer la véritable nature de leur relation contractuelle. De toute façon, même si cette nature était exprimée dans l’entente écrite, il faudrait quand même examiner leur conduite. Voici ce que j’ai écrit aux paragraphes 97 et suivants de mon article : 2.3. Preuve de l’exécution du contrat de travail [97] Même si les parties contractantes ont manifesté leur intention dans leur contrat écrit ou verbal ou qu’une telle intention peut être induite de leur comportement, cela ne signifie pas que les tribunaux vont nécessairement considérer ce fait comme décisif. Comme l’indique le juge Décary dans l’arrêt Wolf précité, il faut que le contrat soit exécuté conformément à cette intention. Ainsi, ce n’est pas parce que les parties ont appelé leur contrat un « contrat de service » et qu’elles ont stipulé que le travail sera exécuté par un « travailleur autonome » et qu’il n’existe pas de relation employeur‑employé, qu’il s’agit nécessairement d’un contrat de service. Le contrat pourrait correspondre à un contrat de travail. Tel que l’édicte l’article 1425 C.c.Q., on doit rechercher quelle est la véritable commune intention des parties et non pas s’arrêter au sens littéral des termes utilisés dans le contrat. Les tribunaux doivent également vérifier la conformité de la conduite des parties avec les prescriptions législatives relatives aux contrats. Voici ce qu’écrit Robert P. Gagnon108 : 91 — Appréciation factuelle — La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s’est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties : Dans le contrat, le distributeur reconnaît lui‑même qu’il agit à son compte à titre d’entrepreneur indépendant. Il n’y aura pas lieu de revenir sur ce point, puisque cela ne changerait rien à la réalité; d’ailleurs ce que l’on prétend être est souvent ce que l’on n’est pas. [Je souligne.] [98] Dans l’affaire D & J Driveway, le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale écrit109 : 2 Nous reconnaissons d’emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n’est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d’examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada inc. c. Canada, (2003), 305 N.R. 295 (C.A.F.). Mais cette stipulation ou l’interrogatoire des parties sur la question peuvent s’avérer un instrument utile d’interprétation de la nature du contrat intervenu entre les participants. [Je souligne.] ____________ 108 Op. cit. (note 31), à la p. 66. 109 Précitée (note 4). Voir aussi les propos du juge Noël dans Wolf reproduits au par. 90 ci‑dessus. Voir également note 93. [99] Les juges peuvent donc requalifier le contrat pour que sa dénomination corresponde à la réalité. En France, la requalification du contrat résulte de l’application du principe de la réalité110. La Cour de cassation adopte une approche semblable à celle suivie au Canada111 : Attendu que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs; [...] ____________ 110 Verdier, Coeuret et Souriac, op. cit. (note 49), à la p. 315. 111 Cass. soc., 19 décembre 2000, Bull. civ. 2000.V.337, no 437 (locataire d’un taxi : salarié). Voir également Cass. soc., 23 avril 1997, Bull. civ. 1997.V.103, no 142 (pasteur des églises adventistes : renvoi à la Cour d’appel). [100] À mon avis, cette vérification de la conformité est nécessaire en matière d’interprétation de contrats de travail, puisqu’il peut y avoir intérêt à maquiller la nature véritable d’une relation contractuelle entre un payeur et un travailleur. L’expérience révèle en effet qu’il arrive que des employeurs, désirant diminuer leurs charges fiscales à l’égard de leurs salariés, décident de les traiter comme des travailleurs autonomes. Cette décision peut intervenir tant au début de la relation contractuelle que par la suite112. Pareillement, certains salariés pourraient avoir intérêt à maquiller leur contrat de travail en contrat de service parce que les circonstances sont telles qu’ils ne prévoient pas avoir besoin de prestations d’assurance‑emploi et qu’ils désirent éliminer leurs cotisations d’employé au régime d’assurance‑emploi, ou encore parce qu’ils veulent avoir plus de latitude pour déduire certaines dépenses aux fins du calcul de leur revenu en vertu de la Loi de l’impôt113. [101] Comme la LAE, de façon générale, n’autorise le versement de prestations d’assurance‑emploi qu’aux salariés qui perdent leur emploi114, la vigilance des tribunaux est requise pour démasquer les faux travailleurs autonomes. Les tribunaux doivent également s’assurer que la caisse de l’assurance‑emploi, d’où sont tirées ces prestations, reçoit les cotisations de tous ceux qui y sont tenus, y compris les faux autonomes et leurs employeurs. ____________ 112 Pour une étude des problèmes suscités par ce phénomène, voir un document de discussion de la Commission du droit du Canada, Travailler, oui mais ... Le droit du travail à retravailler, décembre 2004, en ligne : Commission du droit du Canada, http://www.lcc.gc.ca/pdf/work_f.pdf. 113 Le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt dispose qu’en dehors des déductions prévues par cette loi, aucune déduction ne peut être faite. Si un travailleur est autonome, il pourra généralement déduire toute dépense courante engagée en vue de tirer un revenu d’une entreprise. 114 Voir note 7. [102] La nécessité de prouver l’exécution du contrat existe non seulement dans les cas où les parties ont manifesté expressément ou implicitement leur intention d’adopter l’un ou l’autre du contrat de travail et du contrat de service, mais aussi dans tous les cas où la preuve de cette intention est insuffisante ou absente. Cette preuve de l’exécution du contrat porte sur les trois éléments constitutifs essentiels à l’existence du contrat de travail. Généralement, la preuve des deux premiers éléments (le travail et la rémunération) ne fera pas trop problème, puisqu’il s’agit de faits matériels relativement faciles à établir. Faire la preuve du lien de subordination juridique, à savoir le pouvoir de direction ou de contrôle qu’a exercé ou aurait pu exercer un employeur, constitue, par contre, une tâche très délicate. Elle sera d’autant plus délicate que l’employeur aura exercé peu ou point de direction ou de contrôle. [56] Voici la demarche que je décris aux paragraphes 103 et suivants de mon article pour déterminer la nature véritable d’une relation contractuelle entre un payeur et un travailleur, et en particulier pour déterminer l’existence d’un lien de subordination : 2.3.1. Preuve directe du pouvoir de direction ou de contrôle [103] La meilleure preuve sera la preuve directe de faits établissant que le travail s’est réellement effectué sous la direction et le contrôle du payeur. Cette preuve pourra être faite par des documents ou témoignages révélant des directives précises données au travailleur non seulement sur le travail à accomplir (le « quoi »)115, mais aussi sur la manière de le faire (le « comment »)116, l’endroit où il doit être exécuté (le « où »), et le moment où il doit être effectué et dans quel délai (le « quand »). À ces faits, pourront s’ajouter ceux démontrant que le payeur a supervisé le travail117, notamment en exigeant que le travailleur rende des comptes régulièrement, en remplissant régulièrement des fiches d’évaluation du travail accompli par le travailleur, en rencontrant celui‑ci pour lui communiquer les résultats de l’évaluation et, peut‑être, en le sanctionnant118. Avec l’ensemble de tels éléments de preuve, il pourrait être relativement facile de conclure à l’existence d’un lien de subordination. [104] Comme exemple d’un travail où un travailleur reçoit en grand nombre des directives sur le « quoi », le « comment », le « où » et le « quand » et où l’exécution personnelle du travail (le « qui ») a son importance, on peut penser au cas des acteurs et comédiens engagés par une troupe de théâtre ou une maison de production cinématographique. De façon générale, leur travail est effectué sous la direction et le contrôle d’un réalisateur ou metteur en scène. Comme le contrat de travail peut être pour une durée déterminée et qu’il est « essentiellement temporaire », rien ne s’oppose à ce que l’emploi ne dure que quelques semaines119 (2086 C.c.Q.). ____________ 115 Services Barbara‑Rourke Adaptation Réadaptation c. Québec (Sous‑ministre du Revenu), [2002] J.Q. no 470 (QL) (C.A. Qué.), par. 10, 44 à 48 (responsables de la prestation de services de famille d’accueil (dans une résidence d’un tiers) recrutées par un centre de réadaptation pour déficients intellectuels: salariés); Guérette c. Lapierre, [2003] J.Q. no 4952 (QL) (C.S. Qué.), par. 25 et 26 (travaux de construction de balcon au chalet du payeur par un ouvrier à la retraite : salarié). 116 À mon avis, quand un payeur impose à un travailleur les méthodes ou les moyens d’exécution d’un travail, il exerce une direction sur lui. La preuve que le payeur a agi de la sorte constitue une preuve directe de l’exercice du pouvoir de direction et non une simple preuve indiciaire. Il convient de noter, toutefois, que la ligne de démarcation entre une preuve directe et une preuve indirecte ou indiciaire peut être ténue. Dans la mesure où la preuve directe des faits n’est pas considérée comme suffisamment probante (notamment en raison du nombre limité des directives), ces faits pourraient être traités comme des indices à être considérés avec les autres indices décrits plus bas. Pour des exemples jurisprudentiels de l’appréciation du pouvoir de contrôle exercé sur le « comment », voir : Sauvé, précité (note 4), par. 19 et 22; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 21; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 5, 14, 16; Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 12, 16, 24, 25, 30, 50, 70 à 74; Québec (Commission des normes du travail) c. Desrochers, 2001 IIJCan 8641 (C.Q.), par. 23 à 26 (travail dans une cordonnerie : salariée); Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 6, 33 (nos 6 à 8), 36, 49 à 52. 117 Services Barbara‑Rourke, précité (note 115), par. 44; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 10, 15 et 21; Importations Jacsim, précité (note 100), par. 22; Guérette, précité (note 115), par. 25; Services de santé Marleen Tassé inc., précité (note 31), par. 12, 20 à 22, 27 à 29, 73, 87; Seitz, précité (note 98), par. 15, 22, 25, 45, 62. 118 Immeubles Terrabelle, précité (note 31), pp. 1309 et 1310; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 14; Ménard, précité (note 98), par. 8; Importations Jacsim, précité (note 100), par. 22; Services de santé Marleen Tassé inc., précité (note 31), par. 12, 27 à 29, 73 et 83; 9088‑8454 Québec, précité (note 96), par. 26; Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 33 (no 16); Ellefsen Lebel Inc. c. Bolduc, [1997] A.Q. no 505 (QL) (C.Q.), par. 19 (travail d’étude et d’analyse de marché et de sollicitation de clients pour une entreprise de « chasseurs de têtes » : salarié); Seitz, précité (note 98), par. 15, 22, 62; Québec (Commission des normes du travail) c. 9044‑6337 Québec inc. (f.a.s. Les Autos Fleurimont), [1999] J.Q. no 6008 (QL) (C.Q.), par. 18 (vendeur d’autos d’occasion rémunéré exclusivement par commission : prestataire); Beauport (Ville), précité (note 31), par. 48; IMS of Canada, précité (note 101), par. 9 et 11; Cass. soc., no 196, précité (note 106); Dupuis c. Pro Vie Assurances, [2004] J.Q. no 9123 (QL) (C.S. Qué.), par. 58 (vendeur de deux types d’assurance : prestataire). 119 Selon Pélissier, Supiot et Jeammaud, op. cit. (note 50), à la p. 197, par. 129, « la durée [peut être] prolongée ou fort brève ». (Voir les passages reproduits au par. 109 de cet article.) De plus, selon ces mêmes auteurs, le travail visé par le contrat de travail peut revêtir la forme artistique (p. 181, par. 120) et être accompli par un artiste (p. 183, par. 121b)) ou même par un réalisateur de film (p. 200, par. 132). Le statut juridique d’employé ou de prestataire (de services) des acteurs et comédiens a fait l’objet d’une vive controverse au Canada et donné lieu à de nombreuses démarches auprès des autorités fiscales canadiennes. Voir le Bulletin d’interprétation IT‑525R et Canada Tax Service (Carswell), commentaire sur l’article 9, sous la rubrique « Artists and Writers ». De plus, dans Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (M.R.N.), 2004 CAF 54, (2004), 323 N.R. 356, [2004] A.C.F. no 238 (QL), la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour de l’impôt n’avait pas commis d’erreur manifeste en concluant que des techniciens oeuvrant dans le domaine de la production d’émissions de télévision au Québec étaient des travailleurs autonomes. Il faut toutefois mentionner que ce sont les principes des arrêts Wiebe Door et Sagaz qui ont été appliqués par le juge de la Cour de l’impôt dans cette affaire. On peut alors s’interroger si le résultat aurait été le même si ce juge avait appliqué comme seul critère celui du lien de subordination (direction ou contrôle), selon les dispositions l’approche du Code civil.[19] [105] Une autre preuve directe de l’exercice du pouvoir de direction d’un employeur pourrait être celle établissant que le payeur forme le travailleur, à moins que la formation ne porte que sur la connaissance des produits à vendre120. L’imposition de règles de conduite ou de comportement constitue aussi une preuve directe, sauf si les règles correspondent à des normes applicables peu importe le statut du travailleur, notamment des normes légales121. ____________ 120 Sarrazin c. Canada (M.R.N.), [1997] A.C.I. no 320 (QL), par. 10 et 13 (attrapeurs de poulets dans les poulaillers des producteurs : prestataires); Services Barbara‑Rourke, précité (note 115), par. 44; Yunes c. Garland Canada Inc., [2004] J.Q. no 8434 (QL)(C.S. Qué.), par. 17 (démarcheur : prestataire); Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 30, 74 et 87; Desrochers, précité (note 116), par. 24 à 26. 121 Charbonneau, précité (note 4), par. 7 et 11; Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 33 (no 8); Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 16, 25, 63; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 5, 14, 16; Ménard, précité (note 98), par. 8. 2.3.2. Preuve indiciaire du pouvoir de direction ou de contrôle (indices de subordination) [106] Il faut rappeler que ce qui est la marque du contrat de travail, ce n’est pas le fait que la direction ou le contrôle a été exercé effectivement par l’employeur, mais le fait que l’employeur avait le pouvoir de les exercer. Dans des circonstances où l’employeur n’a pas exercé de façon régulière son pouvoir de direction ou de contrôle, il n’est pas aisé de faire la preuve de ce « pouvoir ». Ce n’est donc pas étonnant que, pour résoudre ce problème, les tribunaux de common law ont opté pour des critères autres que celui du contrôle. Par contre, au Québec, les tribunaux n’ont pas cette latitude. Ils doivent conclure à l’existence ou à l’absence du lien de subordination pour qualifier une entente soit de contrat de travail ou de contrat de service. Il faut donc avoir recours au moyen de la preuve par présomption de fait, soit celui de la preuve indirecte ou indiciaire. [107] Dans le choix et la pondération des indices, on doit avoir présentes à l’esprit les dispositions du Code civil elles‑mêmes qui distinguent le contrat de travail du contrat de service. La question qu’il faut se poser est la suivante : est‑ce qu’un fait indiciaire rend probable l’existence d’un pouvoir de direction ou de contrôle ou, au contraire, rend‑il probable l’autonomie du travailleur dans l’exécution du contrat? Ce qui suit ne constitue qu’une liste bien partielle d’indices, qui pourra être modifiée et complétée. L’utilité, la pertinence et la valeur probante (faits « graves, précis et concordants ») de ces indices et de ceux qu’on pourra y ajouter devront être appréciées selon les circonstances particulières de chaque cas. [108] Avant de proposer ou commenter des indices qui pourraient se révéler utiles, il convient de rappeler ceux décrits dans la doctrine, tout d’abord, ceux suggérés par Robert P. Gagnon, au paragraphe 92 de son ouvrage précité : [...] En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise. [Je souligne.] [109] En outre, il y a les indices décrits dans la doctrine française122 : 2. Les indices Pour identifier les éléments dont la réunion conditionne la qualification, les juges recourent à des indices. Ces derniers sont tirés des stipulations du contrat, mais plus encore des « conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs », qui sont, au fond, des modalités adoptées ou acceptées pour l’exécution du contrat. Sont examinés le comportement des parties, les relations qu’elles peuvent entretenir, le lieu et le temps de l’activité, le fait que l’intéressé travaille seul ou avec le concours d’autrui, la propriété du matériel et des matières premières, et bien sûr l’existence ou l’absence de direction et de contrôle de la part du bénéficiaire de la prestation, comme l’existence et les modalités d’une rémunération. Il y a contrat de travail dès lors qu’un faisceau d’indices oriente vers cette qualification, sans que l’absence de tel d’entre eux suffise à la faire écarter. Les motifs de certains arrêts de la Cour de cassation illustrent très clairement cette méthode. ____________ 122 Pélissier, Supiot et Jeammaud, op. cit. (note 50), aux pp. 193, 196 et s. (N.B. Les notes infrapaginales sont les miennes; celles des auteurs ont été omises.) [...] 128 Le lieu de travail123 ◊ Le salarié effectue habituellement la prestation de travail chez l’employeur ou dans les locaux de son entreprise, au poste qui lui a été confié. L’impératif géographique constituera donc un indice de subordination. ____________ 123 Pour des exemples de décisions de la Cour de cassation, voir : Cass. soc., 20 juin 1995, Bull. civ. 1995.I.186, no 268 (professeur faisant la mise à jour d’un ouvrage pour un éditeur : prestataire) et Cass. soc., no 196, précitée (note 106). Ainsi a‑t‑il été jugé qu’étaient des salariés : l’agent qui reçoit la clientèle dans un bureau mis à sa disposition par l’employeur, le médecin d’entreprise tenu de se rendre dans ses locaux, la tenancière d’un kiosque installée dans un local à elle assigné par l’employeur, qui demeure maître de lui refuser l’accès et acquitte une redevance pour son usage, le professeur donnant des leçons au domicile de ses élèves ou dans un établissement d’enseignement, le métreur travaillant en partie dans les locaux de l’entreprise. Lorsque l’activité du travailleur s’exerce par nature à l’extérieur, on retiendra comme indice de subordination le fait que le vendeur de journaux doit suivre l’itinéraire qui lui a été assigné, que le sportif professionnel doit déférer à la convocation au lieu de la compétition, que la démonstratrice plaçant des commandes d’articles ménagers ou de produits cosmétiques participe dans l’entreprise à des réunions organisées, des stages de formation et assure un service après vente. En revanche, la qualité de salarié a été refusée au vendeur de journaux qui fixe librement son secteur d’activité, à un agent encaisseur travaillant dans ses propres locaux, ou encore à un professeur de droit n’ayant aucune obligation de présence dans l’entreprise d’édition pour laquelle il travaille. La fixation du lieu de travail n’est évidemment pas à elle seule décisive. En raison de la nature de son activité, il peut arriver qu’un indépendant soit conduit à accomplir sa prestation dans l’entreprise de celui qui reste pour lui un client, tel l’expert‑comptable ou l’ingénieur conseil, ou dans le lieu où ce client organise sa manifestation, comme dans le cas de l’interprète de conférences. Le développement du télétravail, la pratique des astreintes (obligation de rester chez soi à la disposition de l’employeur), celle du travail à la demande, affaiblissent la signification traditionnelle du lieu de travail. 129 L’horaire de travail124 ◊ La durée dans l’exécution de la prestation du travailleur est inhérente à ce contrat successif. Peu importe qu’elle soit déterminée ou non, prolongée ou fort brève, encore qu’une collaboration régulière et sur une assez longue période puisse constituer, en soi, un indice de subordination. ____________ 124 Cass. soc., no 268, précité (note 123); Cass. soc. no 196, précité (note 106). La subordination se marquera concrètement par l’obligation faite au travailleur de demeurer à la disposition de l’employeur conformément à l’horaire établi par ce dernier. Seront donc considérés comme des salariés : le vendeur de journaux tenu de commencer sa distribution aux abonnés à une heure imposée, le médecin assurant le service médical d’une entreprise et tenu par son contrat de s’y rendre à des heures déterminées, ainsi que l’enseignant soumis à des horaires. Lorsque la prestation n’est pas effectuée de façon continue suivant un horaire régulier, la subordination peut résulter de l’obligation de répondre à toute convocation du créancier de cette prestation. En revanche, il a été jugé que n’étaient pas liés par un contrat de travail : le vendeur de journaux auquel aucun horaire n’est imposé, le porteur aux Halles travaillant aux heures qui lui conviennent, le « conseiller » faisant profiter l’entreprise de ses relations en les contactant, sans être tenu par un horaire. Quand le travailleur est tenu de se rendre au lieu assigné, et suivant un horaire imposé, le juge admettra aisément qu’il y a « subordination juridique », donc contrat de travail. Cet acte de soumission est en lui‑même significatif, et cette localisation à heures fixes paraît constituer une condition de l’exercice effectif par l’employeur de son pouvoir de direction et de contrôle. Les tendances nouvelles en matière de durée du travail (horaires individualisés, travail à temps partiel et intermittent, variabilité de l’horaire au cours de l’année) ne semblent pas de nature à rendre ces indices moins significatifs. 130 La fourniture d’une prestation personnelle et exclusive ◊ Le contrat de travail oblige le salarié à fournir en personne une prestation de travail, sans pouvoir se substituer quiconque, et notamment un salarié qu’à son tour il embaucherait. L’imposition, directe ou indirecte, d’une telle fourniture personnelle du travail oriente fortement vers la qualification de contrat de travail. Au contraire, n’est pas lié par un contrat de travail au bénéficiaire de son activité l’entrepreneur faisant appel à des ouvriers recrutés par lui, travaillant sous sa direction et sa responsabilité exclusive. Le problème s’est notamment posé en matière de représentation commerciale, et le législateur l’a réglé pour certains en imposant expressément la qualification de contrat de travail. En revanche, la Cour de cassation a refusé la qualité de salarié de la firme à l’agent général ayant la direction de sous‑agents salariés, rémunérés par lui et travaillant pour son compte, et qui utilise donc le travail d’autrui à son profit personnel. Il en va de même pour le chirurgien libre de son activité, opérant dans une clinique avec des infirmières qu’il embauche, rémunère et dirige seul. Par ailleurs, en renonçant pour un temps à la liberté de son travail, en acceptant de réserver son activité à un seul employeur, le salarié manifeste sa soumission à l’autorité patronale. Tel peut être le cas d’un expert‑comptable, d’un sportif professionnel s’engageant à ne pas courir ou ne pas jouer pour un autre groupe sportif ou un autre club. Faute de semblable engagement, se sont vu refuser la qualité de salarié le colporteur libre de vendre d’autres journaux ou l’organisatrice de stages de formation intervenant pour plusieurs organismes. Si l’exclusivité fait habituellement présumer l’existence d’un lien de subordination, la proposition inverse n’est pas exacte : l’activité non exclusive, exercée au profit de plusieurs employeurs ou d’une clientèle, n’est pas nécessairement incompatible avec la qualité de salarié. Le cumul d’un contrat de travail avec une profession libérale indépendante est possible, de même bien entendu que l’exécution simultanée de plusieurs contrats de travail (à temps partiel, en principe, afin de respecter la réglementation de la durée du travail) avec des employeurs différents. La pluri‑activité, ou exercice simultané par une même personne de plusieurs activités professionnelles différentes, se répand. Elle ne doit pas évoquer quelque blâmable « cumul » et n’est qu’exceptionnellement interdite. 131 La fourniture du matériel, des matières premières, ou des produits ◊ L’employeur fournit normalement au salarié les outils et matériaux nécessaires à l’exécution de sa tâche. Par là s’affirme la dépendance du travailleur en économie capitaliste à l’égard d’un employeur détenteur des moyens de production. Sur le plan de la subordination, l’autorité du bénéficiaire de la prestation s’estompe quand le matériel est la propriété du travailleur qui en dispose à son gré, car ce dernier cesse d’être un pur locateur de services. Ainsi des décisions ont‑elles refusé la qualité de salarié : à l’entrepreneur utilisant son outillage et sa bétonnière, à un entrepreneur de battage restant maître de la conduite de ses engins, au représentant propriétaire d’un entrepôt et d’un matériel de transport livrant à des détaillants les produits d’une société, à l’artisan faisant l’avance de diverses fournitures. Sont au contraire liés par contrat de travail la tenancière d’un kiosque vendant aux prix indiqués les marchandises fournies exclusivement par l’employeur et rapportant les invendus, ou les maçons auxquels le mortier est fourni. Une donnée du même ordre pèse, avec d’autres indices, en faveur de la qualité de salariés de médecins d’établissements privés de soins utilisant les installations de ceux‑ci. Dans le cas de certains coursiers ou chauffeurs routiers propriétaires de leur véhicule, l’exclusion de la qualification de contrat de travail est a priori très probable. Mais les intéressés pourront parfois, en fonction de diverses conditions de l’exercice de leur activité, bénéficier des dispositions du code du travail par l’effet de l’article L. 781‑1 C. trav. 132 La direction et le contrôle du travail125◊Il s’agit là d’un facteur décisif. Les juges ont considérés [sic] comme salariés : l’ouvrier maçon travaillant « au noir » au profit d’un propriétaire qui lui donne des instructions; le plongeur sous‑marin prospectant des fonds marins moyennant une rémunération et adressant des comptes rendus, malgré la liberté inhérente à son éloignement et à la technicité de son travail; le directeur technique et commercial d’un domaine agricole, aux fonctions précisées, limitées et contrôlées; le responsable d’un service commercial recevant des consignes précises; la tenancière de kiosque recevant des instructions précises et impératives sur la vente des publications, à laquelle aucune initiative n’est laissée, et inspectée deux fois par jour; l’agent immobilier rendant compte de son activité, recevant des critiques et des instructions; le réalisateur d’un film engagé par le producteur, subordonné à ce dernier malgré une certaine liberté sur le plan artistique; le joueur de football respectant la discipline du club; l’expert‑comptable recevant des instructions et de véritables ordres par notes de service; le chauffeur routier « mis à son compte » par l’employeur dont il continue cependant de dépendre; le mandataire social d’une filiale que son contrat soumet aux ordres et directives de la société mère. ____________ 125 Il faut rappeler qu’une définition du contrat de travail n’existe pas dans le Code civil français. Comme cela était le cas au Québec avant 1994, il n’y a en France que le contrat de louage d’ouvrage, qui comprend le contrat de travail et le contrat de service. La distinction entre les deux a été décidée par la doctrine et la jurisprudence. Comme le législateur québécois a adopté comme critère pour déterminer l’existence du lien de subordination le pouvoir de direction ou de contrôle, la preuve de l’exercice de ce pouvoir constitue la preuve directe du lien de subordination. Il ne s’agirait pas, à proprement parler, comme cela est le cas en France, d’un simple indice du lien de subordination. Les juges français, contrairement aux juges canadiens siégeant au Québec, pourraient avoir la latitude nécessaire pour modifier la notion de lien de subordination. L’analyse de la jurisprudence fait donc ressortir l’importance, parmi les divers indices de la subordination, de l’intégration de l’intéressé dans un service organisé, même si, effectivement, il ne s’agit plus que d’un indice et non d’une modalité possible et suffisante de subordination. Ainsi est un salarié le professeur d’enseignement privé, travaillant dans des locaux et suivant un horaire assigné, enseignant des matières suivant un programme déterminé, tenu d’observer les directives de l’établissement concernant notamment les bulletins de présence et les carnets de notes, peu important son irréductible autonomie intellectuelle. De même, un distributeur d’hebdomadaire publicitaire gratuit sera considéré comme salarié, notamment parce qu’il travaille pour le compte d’autrui dans le cadre d’un service organisé, et l’intégration du médecin dans le « cadre d’un service organisé » d’un hôpital ou clinique contribue à en faire un salarié. L’avocat, qui peut être salarié depuis la loi [du] 31 décembre 1990, a cette qualité dès lors qu’il n’exploite pas ou ne peut développer une clientèle personnelle. Peu importe que le travailleur exerce son activité professionnelle à l’extérieur s’il s’intègre dans le cadre d’un service organisé dans l’entreprise, ou qu’il n’intervienne dans l’entreprise qu’à titre de vacataire en bénéficiant de la liberté inhérente à l’activité de chercheur. Le point décisif apparaît être le contrôle de l’activité, se traduisant par exemple par l’obligation de rendre compte. Cette obligation constitue un indice particulièrement utile et significatif face aux formes modernes de management par « conventions d’objectifs », qui donnent aux travailleurs une large autonomie moyennant l’obligation de rendre compte de l’usage qu’ils en font, et qui, loin de faire disparaître la subordination, lui donnent un nouveau visage. Au contraire, c’est parce qu’ils jouissent d’une entière liberté dans l’organisation de leur travail que ne se trouvent pas liés par un contrat de travail : l’artisan œuvrant sans contrôle sur le chantier; l’interprète de conférence en l’absence de subordination et de véritable intégration dans un service organisé; l’organisatrice de stages de formation se comportant comme un chef d’entreprise; le médecin d’une société de secours minière fixant librement ses horaires de consultations et de visites et organisant son travail à son gré; celui qui, quoique membre d’une association (SOS médecins), ne lui est pas subordonné, mais exerce à son profit propre. L’expert d’assurance expertisant les véhicules accidentés, le conseiller technique jouissant d’une totale liberté d’action, l’universitaire animant des séminaires qui n’a pas à rendre compte de ses activités et qui n’a pas bénéficié d’une manière quelconque des structures de la société, l’arbitre sportif, échappent également à toute subordination parce que leur travail n’est pas contrôlé. L’absence de réelle direction et de contrôle fait douter que les conventions entre les sociétés dites de « portage salarial » et les consultants qu’elles abritent et « gèrent » mais ne dirigent en rien, soient, malgré l’apparence créée, des contrats de travail. [...] [Je souligne.] Application aux faits des appels [57] Comme nous venons de le voir, la question de droit à trancher est claire. Pour déterminer si M. Bernier et Mme Mongeau occupaient un emploi assurable durant les périodes pertinentes, il s’agit d’établir s’ils ont fourni leurs services aux termes d’un contrat de louage de services (contrat de travail). Comme l’article 5 de la Loi ne définit pas ce que c’est qu’un tel contrat, il faut, selon les dispositions de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation et du Code civil du Québec, déterminer s’il existait un lien de subordination entre eux et leur payeur respectif, ou si, au contraire, ils avaient le libre choix des moyens en effectuant leur prestation de services. Une fois que la bonne question à trancher a été précisée, il devient plus facile d’y répondre. Comme le contrat d’engagement ne détermine pas la nature du contrat et qu’il y a contradiction entre les témoignages des parties sur cette question, il faut s’en remettre à la conduite de celles-ci pour la résoudre. [58] La preuve, tant la directe que celle par présomption de fait, démontre clairement, à mon avis, qu’il existait entre les parties aux contrats en l’espèce un lien de subordination. Dans beaucoup des appels entendus par cette Cour, il y a souvent très peu de preuve directe. Ceux dont la cour se trouve saisie ici font exception, tout comme celui dans l’affaire Financière Banque Nationale Inc. c. Ministre du Revenu national et Carlo Massicolli, 2008 CCI 624. [59] Ici, il existe de nombreux éléments de preuve directe établissant que le travail a été fourni sous la direction ou le contrôle des employeurs. D'ailleurs, certains éléments de cette preuve ressortent des rapports sur un appel (rapports) préparés par les agents des appels qui ont rendu les décisions dans les deux dossiers. Les faits énoncés dans ces rapports correspondent en très grande partie à ceux qui ont été établis par la preuve présentée lors de l’audience. [60] Je m’explique mal comment les deux agents des appels ont pu conclure qu’il n’existait pas de contrat de travail dans ces deux cas. Le cas le plus flagrant est celui de Mme Mongeau. Dans son rapport relatant les explications fournies par Mme Mongeau, l’agent indique au paragraphe 23 : « Les deux parties ont reconnu l’existence d’un lien de subordination entre elles ». Cela est confirmé par le paragraphe 24, où l’agent indique que le représentant du payeur a corroboré en totalité les affirmations de Mme Mongeau, à l’exception de celle quant à l’intention initiale. [61] Parmi les faits tenus pour acquis par le ministre pour rendre sa décision, il est indiqué au paragraphe 15 j) de la réponse à l’avis d’appel modifiée dans le dossier de Mme Mongeau que celle-ci suivait les directives du caméraman principal, M. François Mercier. Au paragraphe k), il est dit qu’elle devait travailler en étroite collaboration avec l’équipe de production tout en respectant l’échéancier établi par le payeur. Selon le paragraphe l), Mme Mongeau devait se présenter sur le plateau aux heures fixées par le réalisateur ou le producteur. Au paragraphe n), on affirme que Mme Mongeau ne pouvait quitter le plateau de tournage que lorsque le producteur lui en donnait l’ordre. [62] Au paragraphe 15 de son rapport, l’agent écrit que Mme Mongeau a exécuté son travail « sous la supervision et le contrôle du directeur photo ». Au paragraphe 15.1, il réitère que le caméraman principal donnait des directives à Mme Mongeau. Au paragraphe 17, il est écrit : «À la question de savoir si son travail avait été supervisé ou contrôlé [,] elle m’a répond[u] " Toutes mes directives provenaient du directeur photo. Je devais quitter le plateau seulement lorsqu’on en recevait l’ordre du producteur. Je devais me présenter aux endroits et aux heures qu’on me fixait. J’avais à compléter des feuilles de temps. " Au paragraphe 21.1, l’agent des appels indique ce qui suit : « les heures de travail sont décidées par le réalisateur producteur […] L’horaire du travail peut aussi bien être en matinée qu’en soirée ou même de nuit dépendant des intentions de tournage du réalisateur. » [63] Ayant obtenu confirmation des parties qu’il existait un lien de subordination entre Mme Mongeau et PKI, et ayant constaté que leurs affirmations à ce sujet étaient conformes aux faits relatifs à l’exécution du travail, l’agent des appels n’avait pas d’autre choix, à mon avis, que de conclure à l’existence d’un contrat de travail, donc à l’existence d’un emploi assurable. Toutefois, de façon stupéfiante, il écrit ce qui suit à la dernière page de son rapport pour justifier sa conclusion contraire : Il s’agit ici davantage d’un travail d’équipe dont le but est la production cinématographique de haute qualité et dans un certain délai et où chacun des intervenants s’assure de faire son travail au bon moment sous le contrôle du producteur et sans nécessairement dire à chacun comment le faire. Le tout se passe dans un climat de collaboration entre professionnels. La situation des travailleurs en l’espèce, s’apparente donc davantage à celle de travailleurs indépendants. Pour tous ces motifs, il me serait difficile voire [sic] impossible de convaincre quelconque instance juridique que Josée Mongeau n’était pas travailleur autonome et qu’il n’existait pas de lien commercial entre les deux parties. [Je souligne.] [64] Quant à l’agente dans le dossier Bernier, voici ce qu’elle écrit au paragraphe 10 de son rapport : « The worker received from the payer every morning an instruction sheet which outlined the daily working plan and schedule. » Au paragraphe 11 elle dit : « The worker’s daily activities were supervised by the payer. » Selon le paragraphe 12 du rapport : « The worker had to fill out time sheets on a weekly basis ». Au paragraphe 25, l’agente des appels écrit que le payeur a confirmé « much of the information » fournie par le représentant du payeur. Toujours selon le rapport, au paragraphe 35, le représentant du payeur a confirmé : « The work done by the worker was supervised by the producer. » [65] Il n’est pas dit noir sur blanc, comme dans le cas de Mme Mongeau, qu’il existait un lien de subordination entre M. Bernier et FPI, mais l’agente des appels aurait pu l’écrire. Après avoir énoncé les faits mentionnés ci-dessus, l’agente dans le dossier Bernier formule des conclusions aussi stupéfiantes que celle de l’agent dans le dossier Mongeau : Relationship of subordination: In this particular situation it is important to consider the uniqueness of the film industry when examining the relationship of subordination. While it is true that the payer set the daily schedule, it is important to note that is a common practice on shooting locations. The worker did not perform his duties in isolation. He was part of a team. As such his activities had to be synchronized with the rest of the crew. As pointed out by the payer’s representative, the purpose of the “call sheet” was to ensure an orderly working day. I should not be looked at as a measure of control. The nature of the work performed by the worker was such that he could not be unsupervised or undirected. All workers, regardless of their status, have to follow the lead and instructions of the producers and project directors. The final product represented a collaborative guided effort. It cannot be said that the worker could not contribute his expertise as a technical director who acted as an independent contractor just because he followed the lead of the producers and directors. An analysis of the three essential elements: performance of work, remuneration and relationship of subordination, leads us to conclude that there did not exist between the parties a contract of service as defined by article 2085 of the Civil Code of Quebec. Therefore, we can conclude that for the period under review the worker was not employed in insurable employment pursuant to paragraph 5(1)(a) of the Employment Insurance Act. [Je souligne.] [66] Devant de telles conclusions, aussi illogiques que stupéfiantes, c’est la maxime citée par mon ancien collègue, le juge Mogan, dans Sanford c. Canada, [2000] A.C.I. no 801 (QL), [2001] 1 C.T.C. 2273 (angl.), qui me vient à l’esprit: 17 Un vieux cliché me vient à l'esprit. En anglais, on dit que si une créature à deux pattes et avec des plumes se dandine comme un canard, cancane comme un canard et ressemble à un canard, ce doit être un canard. [Je souligne.] [67] Dans Dynamex Canada Corp. v. M.N.R., [2010] 3 C.T.C. 2233, au paragraphe 31, j’ai cité une décision de la Cour d’appel de la Californie, qui adopte la même maxime pour décrire la pensée de la cour de première instance relativement au travail des employés de FedEx. Je crois qu’elle s’applique fort bien en l’espèce également. Si un directeur technique et une assistante à la caméra fournissent leur prestation de services sous la direction ou le contrôle d’un payeur, et qu’il existe ainsi un lien de subordination entre eux et ce payeur, le contrat qui les lie doit être un contrat de travail selon l’article 2085 C.c.Q. [68] Selon le témoignage des deux appelants et de M. Joli-Coeur, les deux appelants étaient supervisés par leur payeur respectif, soit par le directeur de la production, le réalisateur ou le régisseur et, dans le cas de Mme Mongeau, son caméraman. Les deux appelants recevaient des directives sur la tâche qu’ils devaient accomplir (le « quoi »), sur l’endroit où ils devaient faire leur prestation (le « où ») et sur l’horaire auquel ils devaient se plier (le « quand »), tel qu’en fait foi les « call sheets » qui étaient distribuées chaque jour durant la période de production. Mme Mongeau a confirmé qu’elle n’avait pas le droit de quitter le plateau de tournage tant qu’elle n’en avait pas obtenu l’autorisation du réalisateur. Je suis persuadé qu’il en était de même pour M. Bernier, à tout le moins quand il agissait comme assistant à la caméra. Ni l’un ni l’autre appelant ne pouvait s’absenter sans motif sérieux et il fallait alors avertir le producteur. La période au cours de laquelle ils pouvaient prendre leur repas était décidée par leur réalisateur. Les deux appelants étaient soumis à un degré de contrôle que l’on ne trouve pas de façon générale dans bien d’autres champs d’activité. Pensons notamment aux professeurs à temps partiel ou agissant comme tuteurs qui, a-t-il été jugé dans NCJ Educational Services Limited c. Canada (M.R.N.), 2009 CAF 131 sont des salariés, ou au cas de M. Grimard (mentionné plus haut), médecin spécialiste dont la tâche consistait à agir comme assesseur auprès de la Commission des lésions professionnelles. [69] En plus de la preuve directe du droit de direction et de contrôle exercé par les deux payeurs en l’espèce, il y a la preuve par présomption de fait, à savoir la preuve indiciaire. Il y a notamment le fait que les travailleurs n’avaient pas le droit de se faire remplacer, à moins que ce soit avec l’autorisation du payeur. Il y a aussi les indices d’encadrement décrits par feu Robert P. Gagnon, à savoir la présence obligatoire à un lieu de travail, l’assignation régulière du travail, l’exigence de rapports d’activité. Le fait que la plupart des outils nécessaires à la production ont été fournis par les maisons de production favorise la thèse selon laquelle le payeur exerçait un droit de direction ou de contrôle sur les travailleurs. Le fait que ces derniers ont fourni de petits outils, notamment un tournevis, des ciseaux, une craie et un clap, ne constitue pas un bon indice qu’ils avaient le libre choix des moyens d’exécution du contrat. Le fait que les deux travailleurs devaient s’insérer dans une équipe pour la réalisation du travail constitue, selon moi, un excellent indice d’encadrement, qui élimine, ou du moins diminue considérablement, la possibilité que le directeur technique (M. Bernier) et l’assistante à la caméra (Mme Mongeau) ait eu le libre choix des moyens d’exécution. Au contraire, le fait pour le travailleur de s’insérer dans une équipe de tournage entraîne une subordination inhérente et dès lors démontre que le travailleur est tenu de fournir sa prestation sous la direction ou le contrôle du payeur. [70] Comme précédents, l’agent des appels dans le dossier Mongeau a mentionné les arrêts Tambeau et Productions Petit Bonhomme Inc. L’agente dans le dossier Bernier n’a cité que l’arrêt Tambeau. À mon avis, ces agents ont commis une erreur de droit dans l’application des règles pertinentes. Que le premier, alors qu’il a reconnu que ce qui est la marque d’un contrat de louage de services n’est pas le fait que le contrôle soit exercé effectivement, mais bien le fait que le payeur ait le pouvoir de l’exercer, affirme que les membres de l’équipe technique effectuaient leur travail sous le contrôle du producteur, sans nécessairement que ce dernier dise à chacun « comment » le faire, est tout à fait surprenant et vient appuyer ma conclusion. En effet, ce n’est pas parce que la preuve sur le « comment » est faible ou peu présente que cela signifie que le payeur n’avait pas le droit de donner des directives sur le « comment ». D’ailleurs, lorsqu’elle a été interrogée sur la question, Mme Mongeau a indiqué qu’elle recevait des directives sur « comment » disposer la caméra et que le réalisateur pouvait changer plusieurs fois d’idée. En outre, je n’ai aucun doute que, si le producteur avait vu Mme Mongeau transporter la caméra d’une façon dangereuse qui aurait pu l’endommager, il n’aurait pas hésité à lui dire comment la transporter. Cet appareil n’était pas fourni par Mme Mongeau. [71] Une explication possible de la conclusion de l’agent que la conduite de Mme Mongeau s’apparentait davantage à celle de travailleurs indépendants est qu’il s’est senti lié par la décision Productions Petit Bonhomme Inc. de la Cour d’appel fédérale. Or, tel qu’il est mentionné plus haut, cette décision a été rendue avant la décision Tambeau, dans laquelle le juge Décary, avec l’accord des juges Pelletier et Létourneau, a conclu à l’existence d’un flottement jurisprudentiel « auquel le temps est venu de mettre un terme » (paragraphe 2 de la décision). À mon avis, non seulement la preuve directe, mais également la preuve par présomption de fait (la preuve indiciaire), établit clairement qu’il existait un lien de subordination entre les appelants et leur payeur respectif. [72] Une autre explication possible de la décision des deux agents des appels est la controverse de vieille date qui existe au Canada quant au traitement des artistes, comédiens et techniciens dans le domaine de l’audiovisuel. On a d’ailleurs dû adopter des lois spéciales comme la LSP pour protéger ces personnes, auxquelles on refusait le statut de salarié. Cette même loi vise à accorder aux « artistes » aux sens de cette loi le droit de se regrouper aux sein d’une association semblable à un syndicat de façon à défendre et à promouvoir leurs intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels, notamment en négociant une entente collective (articles 24 et 27 LSP). Aux fins de l’application de la LSP, les articles 6 et 12 assimilent à un artiste les personnes qui s’obligent habituellement envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats portant sur des prestations déterminées. Cette loi ne prévoit pas que les dispositions de droit commun du Code civil ne sont pas applicables à ces personnes. Tout comme les dispositions de la Loi sur les normes du travail, L-R.Q., ch. N-1.1, et celles du Code du travail, L-R.Q., ch. C-27, celles de la LSP ne sont pas pertinents pour l’application de l’article 5 de la Loi. Ces lois visent à accorder une plus grande protection aux travailleurs en leur permettant de bénéficier de normes plus généreuses de travail et de se regrouper pour mieux défendre leurs intérêts économiques. Elles ne visent pas à dépouiller les « artistes » de leur droit d’être considérés comme des « salariés » aux fins du Code civil et à les rendre inadmissibles aux prestations d’assurance-emploi qu’offre la Loi. [73] Même si cela n’a pas été évoqué dans les rapports pour justifier la conclusion des deux agents des appels, une autre hypothèse qui pourrait expliquer leur décision est que les appelants sont des techniciens en l’audiovisuel, dont les contrats de travail sont souvent de très courte durée. Mme Mongeau a indiqué que cela pouvait aller d’une journée à trois mois. Son contrat avec PKI n’a duré que cinq jours. Pourtant, lorsque l’on prend connaissance des dispositions pertinentes du Code civil, on constate à l’article 2086 qu’un contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée. Par conséquent, rien ne s’oppose à ce qu’un contrat exécuté par les appelants soit d’une courte durée. Comme on le reconnaît volontiers dans les ouvrages de doctrine : « la durée [d’un contrat de travail peut être] prolongée ou fort brève[20] ». De plus il n’existe dans le Code civil aucune règle précisant que, s’il est d’une durée inférieure à quatorze semaines ou à six jours, le contrat de travail devient un contrat de service. [74] J’aimerais quand même souligner que, si la preuve directe de l’existence d’un lien de subordination est déficiente, la durée d’un contrat pourra devenir un élément de preuve indiciaire. En effet, plus le contrat sera de longue durée, plus on peut croire qu’il s’agit d’un contrat de travail. Plus un contrat sera de courte durée, plus on pourra penser qu’il pourrait s’agir d’un contrat de service. En effet, une courte durée pourrait laisser penser que le travailleur n’est pas soumis à la direction ou au contrôle du payeur. Toutefois, cela ne constituerait que l’un des indices de l’existence ou de l’absence d’un lien de subordination. La présence d’un indice donné n’est pas déterminante comme preuve. Comme le dit le professeur Ducharme dans le passage cité plus haut : « Les indices en eux-mêmes ne prouvent rien ». Par exemple, si la présence d’un chauffeur de taxi était exigée pour transporter un des membres de l’équipe de production ou une vedette lors du tournage, une courte présence sur le plateau pourrait être un indice d’autonomie, alors qu’une présence continuelle lors du tournage sur le plateau pourrait être un indice de subordination. [75] En outre, les personnes exerçant les activités de technicien en audiovisuel, y compris celles d’un directeur technique, sont assujetties aux mêmes règles de droit commun que les autres travailleurs. Il n’y a rien dans le Code civil pour exclure du contrat de travail le travail fourni par des acteurs et des techniciens en audiovisuel. Il n’y a aucune distinction fondée sur la nature de la prestation à être fournie. Par conséquent, comme il a été vu dans la doctrine citée plus haut, un réalisateur de cinéma et un artiste peuvent être considérés comme des salariés, tout comme un sportif professionnel (comme un joueur de hockey ou de soccer). Il va de soi qu’un directeur technique engagé dans une production cinématographique peut, lui aussi, être considéré comme un salarié s’il existe un lien de subordination, et cela, même s’il ne peut faire partie d’aucun syndicat. [76] Alors, il faut se demander : pourquoi cette attitude qui fait que l’on veut traiter les personnes de l’industrie du cinéma, du théâtre ou de la danse comme des personnes différentes des travailleurs des autres secteurs d’activité économique? Pourquoi ne pas les traiter comme les autres travailleurs puisque le Code civil ne crée pas de distinction? Je crois que la réponse donnée il y a 81 ans, le 18 octobre 1929, par le Conseil privé dans la célèbre affaire Edwards v. A.G. for Canada, [1930] A.C. 124, à la page 138, est applicable ici. Dans cet arrêt, le Conseil privé, qui a décidé que les femmes étaient des « personnes » et pouvaient par conséquent être nommées sénatrices, a tenu les propos suivants : « The word « person » as above mentioned, may include members of both sexes, and to those who ask why the word should include females the obvious answer is why should it not? » (Je souligne.) Ici M. Bernier a témoigné que son travail était supervisé par la directrice de la production et qu’il pouvait recevoir ses directives soit de cette personne, soit du réalisateur ou du régisseur. Pourquoi un directeur technique ne pourrait-il pas être traité comme tout directeur d’un service d’une entreprise de fabrication et être considéré comme un salarié? [77] Si M. Bernier et Mme Mongeau avaient fourni exactement la même prestation de services — l’un comme directeur technique et l’autre comme assistante à la caméra — dans les mêmes circonstances, sauf à titre de salariés permanents d’une société d’État, comme la Société Radio-Canada, personne n’aurait cru que ces deux travailleurs étaient des travailleurs autonomes. Le fait qu’ils acceptent de travailler en vertu de contrats à durée déterminée, pour de brèves périodes, ferait en sorte qu’ils ne seraient plus considérés comme des salariés? Si un lien de subordination existe, comme cela est le cas ici, pourquoi ces deux personnes ne bénéficieraient-elles pas de la protection de la Loi compte tenu de la précarité de leur travail? S’il y a un type de contrat de travail qui mérite la protection de l’assurance-emploi, c’est bien celui de ces travailleurs qui oeuvrent dans un contexte régi par le modèle d’affaires adopté pour la production de séries télévisuelles ou pour des productions cinématographiques. [78] À la lumière du témoignage de M. Joli-Coeur, il est plutôt révélateur de constater que FPI était prête à considérer les assistants à la caméra comme des salariés dans la mesure où son budget le permettait. Or, la détermination de la nature d’un contrat ne dépend pas de l’existence d’un budget, mais de la réunion de conditions spécifiques dont, en l’occurrence, l’existence d’un lien de subordination. Dès que ce lien de subordination existe et que les deux autres conditions nécessaires à l’existence d’un contrat de travail sont réunies, il y a un tel contrat. Tel qu’il est énoncé à l’article 2099 du Code civil, l’existence d’un lien de subordination empêche l’existence d’un contrat d’entreprise ou de service. L’existence d’un contrat de travail, je le rappelle, n’a rien à voir avec la durée du travail ni avec la nature du travail fourni. [79] Pour tous ces motifs, les appels de M. Bernier et de Mme Mongeau sont accueillis et les décisions du ministre sont modifiées de la façon suivante : M. Jacques Bernier occupait un emploi assurable durant la période pertinente Bernier et Mme Mongeau occupait un emploi assurable durant la période pertinente Mongeau. Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011. « Pierre Archambault » Juge Archambault RÉFÉRENCE : 2011 CCI 99 Nºs DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-848(EI) et 2010-992(EI) INTITULÉS DES CAUSES : Jacques Bernier c. M.R.N.et Florence Productions Inc. et Josée Mongeau c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 septembre 2010 MOTIFS DES JUGEMENTS PAR : L'honorable juge Pierre Archambault DATE DES JUGEMENTS : Le 17 février 2011 COMPARUTIONS : Avocat des appelants : Me Louis Sirois Avocate de l'intimé : Me Anne-Marie Desgens Représentant de l’intervenante : Allan Joli-Coeur AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour les appelants: Nom : Me Louis Sirois Cabinet : Sirois & Tremblay, Avocats, Québec Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Le Petit Robert définit « pigiste » comme signifiant « compositeur, rédacteur, journaliste payé à la pige ». et « pige » signifie « mode de rémunération d'un journaliste, d'un rédacteur rétribué à la ligne, à l'article ». Cette acception est issue de l’argot de la typographie, dans lequel, toujours selon le Petit Robert, le terme a le sens de « quantité de travail qu'un typographe doit exécuter dans un temps donné, et qui sert de base à sa paye ». [2] Ci-après la LSP. Cette loi s’applique aux artistes et aux producteurs qui retiennent leurs services dans le domaine de la production artistique, dont le film. La Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et d’autres dispositions législatives (L. Q. 2009, ch.32, entrée en vigueur le 1er juillet 2009), est venue modifier la LSP par l’insertion des articles 1.1 et 1.2., qui édictent ce qui suit : 1.1. Pour l'application de la présente loi, un artiste s'entend d'une personne physique qui pratique un art à son propre compte et qui offre ses services, moyennant rémunération, à titre de créateur ou d'interprète, dans un domaine visé à l'article 1. 1.2. Dans le cadre d'une production audiovisuelle mentionnée à l'annexe I, est assimilée à un artiste, qu'elle puisse ou non être visée par l'article 1.1, la personne physique qui exerce à son propre compte l'une des fonctions suivantes ou une fonction jugée analogue par la Commission, et qui offre ses services moyennant rémunération : 1o les fonctions liées à la […] réalisation […] de prises de vues, de sons, d'effets visuels ou sonores […] [Je souligne et caractères gras ajoutés.] [3] A contrario, elle pourrait ainsi s'appliquer aux employés temporaires. [4] Cette loi est communément appelée la loi du 1%. En plus d’extraits de la Loi sur les compétences, les appelants ont produit un « Bulletin d’information aux entreprises » publié par la Commission des partenaires du marché du travail, organisme du gouvernement québécois, et dans lequel on utilise l’appellation « loi sur les compétences » pour désigner cette loi. [5] Page 19 de la pièce A-1. [6] Lors de son témoignage, M. Bernier a indiqué qu’il avait passé une entrevue pour obtenir le poste, mais c’était un autre travailleur, Sébastien Cassou, qui l’avait obtenu. Finalement, il a eu le poste lorsque M. Cassou a décidé de prendre un congé tel qu’il est expliqué au paragraphe 6, reproduit ci‑après. [7] Lors de son témoignage, l’agente des appels a pu comparer cet énoncé avec l’énoncé apparaissant au paragraphe 39 du rapport sur un appel, reproduit ci-après. En plus de l’énoncé apparaissant au paragraphe 39, qui laisse entendre qu’il est possible que M. Bernier ait reçu l’offre qui y est mentionnée, il y a le fait que M. Joli-Coeur a indiqué, lors de son témoignage à l’audience, que sa maison de production pouvait considérer certains techniciens comme des salariés si la demande en était faite à la maison de production. De façon générale, M. Joli-Coeur a reconnu que cela ne lui pose pas de problème de considérer les techniciens comme des salariés s’il a le budget nécessaire pour les rémunérer. [8] Cet énoncé peut être comparé à une position contradictoire offerte par M. Bernier au paragraphe 21 du « rapport sur appel » énoncé plus haut. [9] Il faut comparer cet énoncé avec celui au paragraphe 38 selon lequel M. Allan Joli-Coeur a dit ne pas avoir entendu parler d’un tel critère. Toutefois, il faut noter que ce n’est pas M. Joli-Coeur qui aurait fait une affirmation à cet égard, mais Mme Mayotte. [10] Lors de son témoignage, M. Joli-Coeur a affirmé que tous les techniciens engagés pour le projet avaient été considérés comme des travailleurs autonomes, ce qui est en contradiction avec ce qu’il avait indiqué à l’agente des appels. En outre, il a indiqué qu’il était usuel que les techniciens soient traités comme des travailleurs autonomes, et il n’était pas d’accord avec M. Lussier-Cardinal, qui a témoigné que les pigistes membres de l’AQTIS sont toujours considérés comme des salariés. [11] Toutefois, comme on verra au paragraphe 42 du rapport sur un appel, FPI n’avait pas payé les 4 % au titre du congé annuel. [12] Cette question n’a pas été abordée lors de l’audience. [13] Je ne comprends pas la pertinence de ce fait. M. Bernier a choisi de porter plainte devant la Commission des normes du travail et il a eu gain de cause. [14] Mme Mongeau a indiqué que le travail relatif à l’éclairage se fait par le directeur photo et non par un assistant à la caméra. [15] Mme Mongeau a nié avoir déclaré ses revenus comme des revenus d’emploi au moment de l’entrevue, car elle n’avait pas encore produit sa déclaration de revenus. La conversation téléphonique avec Mme Mongeau a eu lieu le 26 février 2010 (voir pièce A‑7, page 2). Le rapport a été signé par l’agent des appels le 3 mars 2010. Le témoignage de Mme Mongeau est donc tout à fait plausible. [16] Mme Mongeau conteste cette version des faits. Lors de l’audience, elle a soutenu que ce sont les représentants de PKI qui l’avaient sollicitée. [17] Mme Mongeau ne semble pas accepter cet énoncé. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas été engagée comme pigiste, car elle aurait refusé. Selon elle, c’est la première fois qu’elle n’était pas reconnue comme une salariée en vertu d’un contrat d’engagement prévu à l’entente collective. Par contre, je constate qu’au contrat d’engagement AQTIS qu’elle a signé, il est écrit : « Le technicien ou la technicienne pigiste soussigné(e) autorise […] le producteur à prélever » les retenues à la source prévues à l’entente collective. [18] Selon Wikipedia, il l'a été du 25 octobre 1918 au 30 septembre 1929. [19] À ces commentaires que j’exposais dans mon article, j'ajouterais que la décision Productions Petit Bonhomme Inc. de la Cour d’appel fédérale avait été rendue le 4 février 2004, soit avant sa décision dans l'affaire Tambeau qui a été rendue le 17 octobre 2005. En outre, l'application de l'art. 8.1 de la Loi d'interprétation, entré en vigueur le 1er juin 2001, n'avait pas été évoquée dans Productions Petit Bonhomme Inc., que ce soit la décision de la Cour d’appel fédérale ou celle de cette Cour. [20] Voir par. 104, note 119, de mon article reproduit plus haut.
2011 TCC 85
TCC
2,011
Combined Insurance Company Of America c. M.R.N.
fr
2011-02-25
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30232/index.do
2022-09-04
Combined Insurance Company Of America c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-02-25 Référence neutre 2011 TCC 85 Numéro de dossier 2008-3975(EI) Juges et Officiers taxateurs Réal Favreau Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2008-3975(EI) ENTRE : COMPAGNIE D'ASSURANCE COMBINED D'AMÉRIQUE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et MICHEL A. PAQUETTE, intervenant. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Compagnie d'assurance Combined d'Amérique (2008-3974(EI)) les 29 et 30 septembre et les 28, 29 et 30 octobre 2009, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Réal Favreau Comparutions : Avocats de l'appelante : Me Dominic C. Belley Me Vincent Dionne Avocats de l'intimé : Me Simon Petit Me Laurent Brisebois Pour l'intervenant: L'intervenant lui-même ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté de la décision du ministre du Revenu national portant que monsieur Michel A. Paquette exerçait auprès de l'appelante un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance‑emploi durant la période du 25 janvier 2007 au 27 janvier 2008 est accueilli par les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2011. « Réal Favreau » Juge Favreau Dossier : 2008-3974(EI) ENTRE : COMPAGNIE D'ASSURANCE COMBINED D'AMÉRIQUE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Compagnie d'assurance Combined d'Amérique (2008-3975(EI)) les 29 et 30 septembre et les 28, 29 et 30 octobre 2009, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Réal Favreau Comparutions : Avocats de l'appelante : Me Dominic C. Belley Me Vincent Dionne Avocats de l'intimé : Me Simon Petit Me Laurent Brisebois ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté de la décision du ministre du Revenu national portant que madame Suzanne Gisbert exerçait auprès de l'appelante un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance‑emploi durant la période du 1er janvier 2004 au 21 janvier 2005 est accueilli par les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2011. « Réal Favreau » Juge Favreau Référence : 2011 CCI 85 Date : 20110225 Dossier : 2008-3975(EI) ENTRE : COMPAGNIE D'ASSURANCE COMBINED D'AMÉRIQUE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et MICHEL A. PAQUETTE, intervenant. ET ENTRE : Dossier : 2008-3974(EI) COMPAGNIE D'ASSURANCE COMBINED D'AMÉRIQUE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Favreau [1] La Cour est saisie de deux appels entendus sur preuve commune de décisions du ministre du Revenu national (le « ministre ») datées du 9 et du 22 octobre 2008 selon lesquelles monsieur Michel A. Paquette et madame Suzanne Gisbert (collectivement désignés comme les « travailleurs ») exerçaient auprès de l’appelante un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, C-23 (la « Loi ») durant la période du 1er janvier 2004 au 21 janvier 2005 dans le cas de madame Gisbert, et du 25 janvier 2007 au 25 janvier 2008 dans le cas de monsieur Paquette. [2] La Compagnie d’assurance Combined d’Amérique (ci‑après désignée comme « Combined ») est une compagnie d’assurance dont l’objet social est la vente dans tout le Canada de différentes polices d’assurance, y compris les polices d’assurance vie/maladie et d’assurance accident/maladie. Le siège social de l’appelante est situé à Chicago dans l’État de l’Illinois tandis que le siège social pour les opérations au Canada est situé à Markham (Ontario). L’appelante a également un bureau régional à Boucherville (Québec). [3] La Cour d’appel fédérale a renversé une décision de la Cour canadienne de l’impôt et a conclu qu’un représentant des ventes n’exerçait pas un emploi assurable auprès de l’appelante (Combined Insurance Company of America v. The Minister of National Revenue, [2007] F.C.J. No. 124 (F.C.A.) (QL) et [1999] T.C.J. No. 113 (T.C.C.) (QL). Les états de service de monsieur Paquette auprès de l’appelante [4] Monsieur Paquette est entré au service de l’appelante le 2 mai 2003, date à laquelle il a complété ou signé divers documents dont un document intitulé « Déclaration et Autorisation », un questionnaire du représentant éventuel, un contrat de garantie et une convention de formation. Aux termes d’une entente, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, monsieur Paquette est devenu représentant chargé de la vente de produits d’assurance de l’appelante (ci‑après désignée comme l’« entente du 1er janvier 2004 »). Aux termes d’un ajout (« addendum ») à l’entente du 1er janvier 2004, monsieur Paquette est devenu à compter du 12 janvier 2004, gérant de ventes (sur le terrain) chargé du recrutement de représentants indépendants des ventes et de collaborer avec des équipes de représentants indépendants des ventes de l’appelante. À compter du 12 juin 2006, monsieur Paquette est devenu gérant de district et, à compter du 11 juin 2007, il a été promu au poste de gérant de district urbain (cette désignation de poste n’est plus utilisée). Le 28 janvier 2008, il a été rétrogradé au poste de représentant des ventes, poste qu’il occupait toujours. Au cours de la période pertinente pour monsieur Paquette, il exerçait les fonctions de gérant de district et de gérant de district urbain pour le compte de l’appelante. [5] Le gérant régional de monsieur Paquette était monsieur Daniel Verdier alors que l’administrateur sous‑régional était monsieur André Paquin. Messieurs Verdier et Paquin étaient employés permanents de l’appelante. Monsieur Paquette faisait partie de la division de l’assurance accident et maladie. Les états de service de madame Gisbert auprès de l’appelante [6] Madame Gisbert est devenue représentante de l’appelante le 3 juin 1996 suite à la signature de l’entente intitulée « Entente standard d’Agence de Combined » (ci‑après désignée comme l’« entente de 1996 »). Elle est devenue gérante à compter du 4 août 1997 suite à la signature d’un ajout à l’entente de 1996. Au cours de la période du 24 août 1998 jusqu’au 16 octobre 2000, madame Gisbert est intervenue à titre de représentante de l’appelante de manière occasionnelle. Par un autre ajout à l’entente de 1996, prenant effet à compter du 1er janvier 2001, madame Gisbert est redevenue gérante à son retour d’un congé de maternité. Madame Gisbert a signé la nouvelle entente avec l’appelante entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2004 en tant que représentante de même, qu’un ajout à ladite entente par lequel elle a retrouvé son titre de gérante avec effet à compter du 1er janvier 2004. Elle a exercé ses fonctions de gérante du 1er janvier 2004 au 20 juin 2004 et du 7 septembre 2004 au 21 janvier 2005. Elle a été remerciée le 23 novembre 2005. Au cours de la période pertinente pour madame Gisbert, elle a exercé les fonctions de gérante des ventes pour le compte de l’appelante. [7] Le gérant de district de madame Gisbert était monsieur Robert Bourassa, son conjoint, tandis que son gérant régional était monsieur Jacques Déry. Madame Gisbert faisait partie de la division de l’assurance vie et maladie. Les témoignages [8] Outre madame Gisbert et de monsieur Paquette, ont témoigné pour le compte de l’appelante, messieurs Michel Rivest, Daniel Aubé, Yves Crevier et André Dufresne, tandis que messieurs Robert Bourassa et Jean‑Claude Lévesque ont témoigné pour le compte de l’intimé et que mesdames Céline Gratton, Mylène Ruel et monsieur Philippe L’Espérance ont témoigné pour le compte de l’intervenant. Les opérations de l’appelante au Québec [9] Monsieur Michel Rivest, administrateur divisionnaire de l’appelante, a témoigné à l’audience et il a donné des précisions concernant les opérations de l’appelante au Québec. Il a expliqué que l’appelante comptait de 65 à 70 employés au Québec et quelques 325 représentants au Québec. Le chiffre d’affaires de l’appelante au Québec pour l’année 2008 était de l’ordre de 100 millions de dollars. De 90 à 94 % du chiffre d’affaires provenait de la vente de polices d’assurance accident/maladie, alors que les polices d’assurance vie/maladie constituaient environ 8 % du chiffre d’affaires. Il a de plus expliqué que le Québec était divisé en 10 régions qui étaient administrées par trois gérants régionaux dont les principales fonctions consistaient à gérer les budgets régionaux, à répartir les dossiers/clients et à assister les quelques 40 à 42 gérants de district dans leurs activités de recrutement de nouveaux représentants. Les gérants de district supervisaient de trois à cinq gérants des ventes, soit environ 90 gérants des ventes au total pour le Québec. Les gérants des ventes quant à eux exerçaient les mêmes activités que celles exercées par les représentants des ventes sauf qu’ils étaient, en outre, responsables des 3 à 5 représentants qui faisaient partie de leur équipe. Les attributions du gérant de district [10] Selon les témoignages de messieurs André Dufresne et Michel Paquette, les principales attributions du gérant de district étaient les suivantes : a. établir avec le gérant régional les objectifs de ventes (renouvellements et nouvelles ventes) et assurer le suivi mensuel et hebdomadaire; b. recevoir les cartes de référence « leads » des clients de son territoire et procéder à l’attribution de ces cartes aux gérants des ventes et aux représentants de son équipe; c. s’assurer que les affidavits confirmant le retour des documents universels des clients soient dûment signés et assermentés; d. établir un plan de travail pour le recrutement de nouveaux représentants et participer au recrutement des représentants et signer les questionnaires remplis par les candidats; e. superviser les gérants des ventes et les représentants de son équipe, organiser les réunions d’équipe et les stages sur le terrain, qui seront appelés à appuyer les membres de leur équipe; f. assurer une formation aux représentants; g. compléter les rapports des ventes et calculer les commissions et surcommissions; h. gérer les demandes de vacances des gérants des ventes et des représentants de leur équipe; i. effectuer les dépôts à la banque des chèques des clients; j. participer aux réunions régionales avec toute l’équipe de vente (une réunion par trimestre) Les attributions du gérant des ventes [11] Selon les témoignages de mesdames Suzanne Gisbert et Mylène Ruel, les principales attributions d’un gérant des ventes étaient les suivantes : a. remplir les mêmes tâches qu’un représentant des ventes et superviser de trois à cinq représentants; b. garantir les sommes dues à l’appelante par les représentants de l’équipe; c. préparer les rapports de ventes du gérant à toutes les semaines; d. prendre le petit déjeuner tous les matins avec les représentants de l’équipe pour les motiver et s’assurer de leur présence – seuls les petits déjeuners du vendredi matin étaient obligatoires (le gérant de district y était systématiquement présent alors que le gérant régional y assistait souvent); e. s’assurer que chaque représentant gagne au moins 100 $ de commission par semaine; f. participer avec son équipe de représentants aux concours de vente; g. attribuer aux représentants les fiches/clients obtenues du gérant de district; h. vérifier que les objectifs de ventes fixés pour l’équipe soient atteints. Les textes législatifs et réglementaires pertinents [12] Monsieur Daniel Aubé, directeur national de la conformité et des pratiques commerciales chez Combined, a fourni des explications concernant l’environnement juridique de l’industrie de l’assurance au Québec. [13] Elle est encadrée par un certain nombre de lois, règlements et guides; on signalera les suivants : i. la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D‑9.2; ii. la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, L.R.Q., c. P‑39.1; iii. la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C., 2000, ch. 5; iv. le Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. D‑9.2, r. 1.3; v. le Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de la sécurité financière, c. D‑9.2, r.1.4.0.2; vi. le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, c. D‑9.2, r.0.2; vii. le Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, c. D‑9.2; viii. le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D‑9.2, r.1.01; ix. les Lignes directrices de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes Inc.; x. le Guide conjoint de la Chambre de l’assurance de dommages, de l’Autorité des marchés financiers et de la Chambre de la sécurité financière concernant les règles pour les représentations, les bannières ou les cartes d’affaires. [14] Au Québec, la personne qui veut offrir des polices d’assurance de personnes est tenue de détenir un certificat de l’Autorité des marchés financiers après avoir satisfait aux conditions prescrites, notamment en matière de formation, et avoir acquitté les droits et frais relatifs à la délivrance du certificat. Elle doit être rattachée à un cabinet d’assurance et avoir souscrit à une police d’assurance responsabilité suffisante. [15] La formation annuelle en matière de principes de conformité, d’éthique et de confidentialité suivis au Québec est obligatoire et dispensée par Combined pendant une durée d’environ trois à quatre heures. Suite à la séance de formation, chaque participant doit signer un document par lequel il confirme avoir assisté à ladite séance, avoir reçu un exemplaire du manuel intitulé « Conformité, éthique et confidentialité de Combined » et savoir qu’il est tenu de se conformer à la réglementation provinciale en matière d’assurances et au code de déontologie de Combined. L’entente du 1er janvier 2004 et les ajouts [16] L’entente du 1er janvier 2004 est une entente-type pour le Québec que tous les représentants des ventes devaient signer pour pouvoir exercer leurs activités de vente de produits d’assurance de Combined. Madame Gisbert et monsieur Paquette ont signé cette entente et certains autres arrangements collatéraux. Lorsqu’un représentant des ventes devenait gérant des ventes, il devait signer un ajout à cette entente qui restait en vigueur. Voilà pourquoi il est nécessaire d’y faire référence même lorsqu’un représentant est promu gérant des ventes. [17] L’entente du 1er janvier 2004 est exhaustive; elle tient sur six pages; aucune clause n’était négociable, nulle modification n’était possible. Voici les principales stipulations qui ont retenu mon attention: Statut 1. le représentant déclare qu’il est un entrepreneur indépendant et qu’il intervient à ce titre sur une base non exclusive; le représentant reconnaît qu’il n’est pas salarié, ni au sens de la Loi sur les normes du travail, ni du Code du travail du Québec; 2. le représentant est autorisé à signer les polices de même que les renouvellements au moment de la conclusion du marché; 3. le représentant convient qu’il n’a le droit de participer à aucun des régimes offerts par Combined à ses salariés et convient que Combined n’est pas tenue de lui accorder des avantages sociaux; Commissions 4. sur production d’un état de compte indiquant la nature des services rendus et la période couverte, Combined s’engage à verser dans les 30 jours de la réception de l’état de compte, des commissions sous une forme et pour un montant conformes aux politiques de Combined. Combined se réserve le droit de changer les barèmes de commissions en tout temps moyennant un préavis de dix jours; 5. le représentant assume tous les frais découlant directement ou indirectement de l’exécution de l’entente; Conditions générales 6. le représentant a toute latitude quant au choix des personnes de qui il sollicitera des propositions d’assurance, ainsi que du moment, du lieu et de la manière de les solliciter. Combined peut prescrire des instructions et exigences de souscription, incluant des formulaires de polices, des barèmes de primes et du matériel de même ordre; 7. le représentant est entièrement tenu de se conformer aux exigences en vertu de toute loi, règlement ou ordonnance qui lui sont applicables. Le représentant s’engage à être, en tout temps, en règle vis‑à‑vis des autorités gouvernementales compétentes et à maintenir valides, à ses frais, tous les documents et permis requis par ces autorités; 8. conformément à la Loi sur la distribution de produits et services financiers du Québec, le représentant doit, en tout temps, détenir, à ses frais, une police d’assurance appropriée couvrant sa responsabilité civile personnelle; Propriété des polices 9. toutes les polices établies, vendues ou renouvelées, conclues par suite des services rendus par le représentant sont la propriété exclusive de Combined; 10. les primes sur les affaires sont facturées à l’assuré et tous les chèques et traites bancaires reçus par le représentant doivent être faits à l’ordre de Combined ou de toute autre entité qu’elle peut désigner et toutes les primes doivent être encaissées par le représentant au nom de Combined ou de cette autre entité; Responsabilité des polices et des primes 11. le représentant doit rendre compte du statut des renouvellements qui lui sont assignés et remettre à Combined la prime encaissée par lui à leur égard; 12. les primes encaissées pour des renouvellements sont la propriété exclusive de Combined. Les montants sont détenus en fidéicommis par le représentant pour le compte de Combined. Combined peut faire dresser un inventaire de tous renouvellements assignés au représentant. S’il ressort de cet inventaire que le montant des primes remis à Combined est inférieur à la prime due pour les renouvellements, le représentant doit payer la différence en argent comptant à Combined; Responsabilité financière 13. le représentant est responsable de tous les montants dus à Combined et convient de les lui verser sur demande. Le représentant doit, à ses frais, garder en dépôt auprès de Combined une assurance contre les détournements. Le représentant déclare être lié par les engagements stipulés dans le formulaire relatif au compte d’exploitation 10 % et dans le formulaire d’assurance contre les détournements; Ententes de crédit, dépenses, frais et débours 14. la responsabilité de Combined n’est nullement engagée quant à toute entente de crédit prise par un représentant avec quiconque, ni quant aux frais et débours du représentant. Advenant paiement par Combined de tels frais et débours pour le compte du représentant, il s’engage à les lui rembourser; Primes remboursées 15. en cas d’annulation ou de résiliation d’un contrat d’assurance ou de toutes autres opérations entraînant un remboursement de primes, le représentant se verra imputer, et il en sera redevable, toute commission portée au crédit de son compte pour la police ou le renouvellement en question; Matériel 16. advenant résiliation de l’entente, le représentant doit sans délai remettre à Combined tout matériel et tous objets contenant des informations confidentielles exposées à ladite entente de même que tous les autres formulaires, directives ou autres documents fournis par Combined; Confidentialité 17. le représentant convient que, pendant la durée de l’entente, il prendra connaissance d’informations confidentielles concernant les personnes ou les entreprises clientes, les affaires de Combined et les activités de celle‑ci, et il s’engage à ne pas utiliser ces informations confidentielles autrement qu’aux fins nécessaires dans le cadre de l’exécution des services qu’il assure à Combined, ni à la divulguer à des tiers, à moins d’être autorisé à cette fin par écrit par Combined; Frais de permis 18. le représentant s’engage à rembourser à Combined les dépenses qu’elle a engagées pour lui permettre d’obtenir son permis en vertu de la réglementation gouvernementale applicable s’il résilie l’entente et exerce des activités de vente de produits d’assurance dans la période de 12 mois suivant la date à laquelle il a terminé le programme de formation menant à l’obtention du permis; Clauses restrictives 19. le représentant convient que, pendant la durée de l’entente et pour une période de deux ans suivant sa résiliation, il ne vendra pas dans le territoire qui lui a été assigné de produits concurrents, n’acceptera pas de proposition, ne touchera pas de chèque, ni n’établira de garantie provenant d’une autre société non affiliée à Combined, à l’un ou l’autre des clients de Combined, à moins d’avoir d’abord donné un avis préalable par écrit à Combined; Résiliation 20. l’entente peut être résiliée au gré de l’une ou l’autre des parties moyennant un avis écrit de deux semaines. Nonobstant ce qui précède, l’entente peut être résiliée par Combined sans avis préalable pour motifs valables, auquel cas le versement de tout montant au représentant par Combined cessera et ne sera plus exigible; Publicité 21. le représentant peut, à ses propres frais, diffuser des lettres, circulaires, des émissions de radio ou de télévision, des communications par internet et avoir recours à toute autre forme de publicité concernant Combined, les polices vendues et les renouvellements faits, mais seulement après qu’une copie identique de cette publicité ait été soumise à Combined et approuvé par écrit par une personne autorisée. [18] Ainsi que cela est précisé plus haut, lorsqu’un représentant devenait gérant des ventes, Combined exigeait qu’il signe un ajout à l’entente du 1er janvier 2004. Madame Gisbert et monsieur Paquette ont signé cet ajout qui ne modifie que quelques éléments de l’entente du 1er janvier 2004. Le préambule de l’ajout qualifie les modifications d’additions à l’entente du 1er janvier 2004. [19] Les stipulations de l’ajout sont numérotées selon l’entente du 1er janvier 2004; en voici le texte : a. Combined confirme la nomination du représentant comme gérant des ventes (sur le terrain) chargé d’intervenir au nom de Combined pour recruter des représentants indépendants de vente et travailler avec des équipes de représentants de vente indépendants de Combined; b. le gérant convient de se conformer aux règles et règlements de souscription eu égard à la vente, l’établissement ou le renouvellement des polices de Combined. Les conséquences découlant de la vente ou du renouvellement d’un formulaire de police en violation des règles, règlements ou directives de souscription de Combined y sont prévues; c. les surcommissions applicables aux polices vendues ou renouvelées par les représentants de l’équipe auxquelles le gérant a droit pendant qu’il est soumis à l’ajout sont indiquées à l’annexe B de l’ajout. Combined se réserve le droit absolu de réviser en tout temps les éléments contenus à l’annexe B; d. les procédures de versement des surcommissions au gérant y sont énoncées de même que les ajustements qui peuvent être opérés pour déterminer le revenu net en surcommissions à verser au gérant; e. Combined peut, à son entière discrétion, fournir des renouvellements au gérant pour qu’ils soient attribués aux représentants de l’équipe. Le gérant est redevable envers Combined de la prime entière relative à chaque renouvellement fourni ou du retour des polices qui n’ont pas été renouvelées; f. Combined se dégage de toute responsabilité quant à toute entente de crédit prise par le gérant avec quiconque et quant aux frais et débours du gérant ou des représentants de l’équipe, incluant les montants garantis payés aux nouveaux représentants, ou les frais de publicité ou de recrutement visant les représentants indépendants de vente et toutes autres dépenses du gérant ou des représentants de l’équipe. [20] Outre l’entente du 1er janvier 2004 et l’ajout mentionné au paragraphe précédent, monsieur Paquette a signé à plusieurs reprises une entente intitulée « Arrangements collatéraux », la dernière produite étant celle du 17 juillet 2006. En voici les principaux éléments : i. il est d’abord indiqué que le contrat du gérant de district de Combined l’oblige au remboursement de commissions résultant de polices annulées, de manquants, de garanties de perception de tous les chèques payés ou remis à Combined et pour d’autres éléments se rapportant à ses affaires et à son rendement de même qu’aux affaires et au rendement de tous les gérants et agents qui sont sous ses ordres; ii. pour minimiser les inconvénients financiers pouvant résulter de ces obligations, pour établir une provision pour toute dette future envers Combined et pour aider à établir un budget bien ordonné des revenus personnels, le gérant de district demande à Combined de retenir 10 % des surcommissions auxquelles il a droit dans un compte collatéral ouvert, et ce, jusqu’à ce que le montant accumulé atteigne un minimum variable, soit 15 000 $ en l’occurrence, et ce, tant que le contrat standard de gérant de district demeure en vigueur; iii. Combined peut augmenter à n’importe quel moment la susdite somme minimum collatérale afin qu’un équilibre adéquat puisse être maintenu; iv. le gérant de district demande aussi à Combined de retenir pour son compte 10 % des commission hebdomadaires attribuables à son rendement personnel et que cette somme soit créditée à un compte « divers » ouvert à son nom sous le gérant qui aura enregistré son rapport de commissions hebdomadaires; Combined étant autorisée à payer à même ce compte « divers » les sommes égales aux obligations qu’il a contractées envers Combined; v. les gérants et agents qui sont sous les ordres du gérant de district doivent s’obliger envers lui, en vertu de leur contrat respectif, quant au remboursement de commissions résultant de chèques qu’ils ont reçus et qui ne sont pas honorés ou de charges pour le programme de sécurité. Dans l’intérêt supérieur des gérants et des agents, le gérant de district déclare avoir pris des arrangements avec eux pour qu’ils lui remettent à chaque semaine 10 % de leurs commissions hebdomadaires. Le gérant de district demande à Combined la permission de lui remettre une somme égale à ce qu’il reçoit chaque semaine de ses gérants et agents pour qu’elle les portent au crédit du compte « divers » ouvert à son nom par Combined pour liquider toute obligation que les agents pourront contracter; vi. Combined est autorisée à retenir, pour une durée de 90 jours suivant la fin du mois au cours duquel le gérant de district cesse d’agir à ce titre, le montant global de toutes les sommes qui auront été accumulées en son nom et à les affecter au remboursement de primes, chèques annulés ou autres obligations qu’il aura contractées envers Combined. [21] En devenant gérant de district, monsieur Paquette a également signé une entente par laquelle il acceptait l’entière responsabilité de toute dette qu’un représentant relevant directement, ou indirectement, de lui pouvait contracter envers Combined. Le mot « dette » s’entend de toute somme d’argent due à Combined pour des commissions annulées, pour le programme de sécurité, pour du matériel appartenant à Combined ou pour tous les autres frais portés à son compte, à concurrence du pourcentage y indiqué, soit de 50 % ou de 100 %. Le témoignage de madame Gisbert [22] Lors de son témoignage, madame Gisbert a fait référence au fait qu’elle était rémunérée sur une base de commissions seulement; elle ne percevait pas de rémunération fixe. En cas d’annulation d’une police, sa commission était remboursée à même son compte de 10 %. [23] Madame Gisbert a aussi indiqué que Combined fournissait tout le matériel de vente des polices d’assurance dont le programme de primes de rendement pour les gérants des ventes, les questions et réponses sur la rémunération d’un représentant des ventes, le manuel des réponses aux clients qui formulent des objections, les présentations de vente des différentes polices, les présentation de vente chez les clients et les cartables de ventes pour les polices d’assurance vie et d’assurance maladie, (le coût de ces cartables n’était pas remboursé à Combined à même le compte de 10 %). [24] Madame Gisbert a déclaré avoir été sous la supervision de son gérant de district et de son gérant régional. Ses demandes de vacances devaient être approuvées par le gérant régional. Elle a aussi indiqué que les objectifs de ventes par équipe étaient fixés par Combined et que, lorsque ces objectifs de ventes n’étaient pas atteints, il pouvait en résulter des coupures du territoire, une rétrogradation au poste de représentant des ventes ou même une scission de l’équipe. [25] Madame Gisbert a reconnu que, dans ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005, elle a assimilé les revenus tirés de ses activités de vente de polices d’assurance à un revenu d’entreprise. Elle a réclamé à l’égard de l’année d’imposition 2004 la déduction de ses dépenses pour frais de publicité, taxes d’affaires, droits d’adhésion, permis et cotisation, frais de livraison, transport et messageries, des frais d’intérêts, des frais de gestion et d’administration, des repas et frais de représentations, des dépenses relatives aux véhicules à moteur, des dépenses de bureaux et fournitures, frais d’honoraires professionnels, frais de voyage et frais de téléphone et services publics de même qu’un montant de 1 200 $ en vertu d’un contrat de sous‑traitance. Suivant ces mêmes déclarations de revenu, madame Gisbert a payé des cotisations au Régime des rentes du Québec au titre de revenu d’un travail indépendant. [26] Madame Gisbert a également indiqué qu’elle participait au régime d’assurance collective de Combined souscrite auprès de la Financière Manuvie (soins dentaires, médicaments, chirographie mais à l’exclusion des lunettes et verres de contact) de même qu’au régime d’épargne‑retraite de Combined géré par la Sun Life du Canada. Les cotisations au régime d’assurance collective sont entièrement assumées par Combined alors que les cotisations au régime d’épargne‑retraite sont versées par Combined mais il y a certaines restrictions concernant la dévolution des sommes d’argent émanant de Combined. En tant que bénéficiaire du régime d’épargne‑retraite, madame Gisbert peut également contribuer au régime. [27] Madame Gisbert a aussi signalé que les clients appelaient directement Combined pour tout problème concernant les représentants ou les polices d’assurance ou pour toute autre réclamation. Les numéros de téléphone inscrits sur la carte d’affaire de madame Gisbert sont ceux de Combined et non les siens. On y trouve aussi le nom et le sigle de Combined de même que l’adresse de Combined à Boucherville. Le témoignage de monsieur Paquette [28] Monsieur Michel Paquette a longuement témoigné à l’audience et il s’est exprimé sur plusieurs sujets. Il a confirmé être rattaché au cabinet d’assurances de Combined. Il a produit les 5 manuels de vente que Combined remet aux nouveaux représentants des ventes de même qu’un guide de l’instructeur dans lequel sont rassemblées 50 réunions d’animation à utiliser chaque jour de travail et comportant également un cahier contenant 26 modules de formation hebdomadaire. Il a fait référence aux programmes de formation dispensés aux représentants dont le coût est assumé par Combined (programmes JET I à VII). Pour être promu gérant, le représentant devait avoir suivi la Phase I du JET IV. Monsieur Paquette a été l’un des deux seuls Canadiens à être sélectionné en 2006 pour suivre la Phase I du JET VII à Chicago, toutes dépenses payées. Ce cours devait lui permettre de devenir gérant sous‑régional ou même régional. [29] Monsieur Paquette a exposé la procédure de recrutement des nouveaux représentants. En tant que gérant de district, il plaçait des annonces dans des journaux. Les annonces devaient être approuvées par Combined et le coût en était toujours réglé par Combined. Les curriculum vitae reçus étaient examinés par le témoin et par son gérant sous‑régional, monsieur André Paquin et par son gérant régional, monsieur Daniel Verdier; une salle de conférence dans un hôtel local était réservée par monsieur Paquin ou monsieur Verdier et c’est le témoin et monsieur Paquin qui rappelaient les candidats pour fixer des rendez‑vous aux demi‑heures. Les entrevues étaient effectuées par le témoin en compagnie de messieurs Paquin et Verdier. Les candidats devaient passer un test d’aptitude pour s’assurer qu’ils pouvaient satisfaire aux exigences de l’Autorité des marchés financiers. Le témoin proposait des candidats mais tous les candidats retenus devaient être approuvés par monsieur Paquin et/ou monsieur Verdier. Les résultats de l’entrevue et du test d’aptitude étaient communiqués aux candidats le soir même. Par la suite, le témoin fixait une première réunion avec chacun des candidats retenus pour la signature du compte de 10 %, pour offrir la garantie de salaire de 400 $ par semaine pour un maximum de 3 600 $ et pour signer une demande d’inscription après de l’Autorité des marchés financiers. Si le gérant de district n’était pas un recruteur certifié ou n’était pas un maître de stage, monsieur Paquin signait alors la demande d’inscription. À cette même occasion, des informations étaient fournies aux futurs représentants concernant la journée de formation (date, lieu, heure). Après cette formation, le témoin accompagnait le futur représentant sur le terrain pour évaluer les interventions de celui-ci. Un rapport de formation sur le terrain devait être produit par le formateur. [30] Monsieur Paquette a produit, à titre d’exemple, un calendrier des activités pour les six premiers mois de l’année 2008, tel qu’établi par Combined. Durant cette période, 16 concours et 23 semaines d’activités sur un total de 26 semaines étaient prévus par Combined. Pour toutes ces activités, il devait être présent et intervenir. Lors des « blitz » hors district, il devait s’assurer qu’un ou deux représentants par équipe y participe, et ce, même si les ventes hors district ne résultait en aucune rémunération. Pendant les semaines de concours, les représentants ne pouvaient pas prendre de vacances. Les demandes de vacances et les demandes de congés de monsieur Paquette devaient être approuvées par monsieur Verdier. [31] Monsieur Paquette a produit une note datée du 30 avril 2007 de Combined adressée à tous les participants au régime des agents canadiens et qui précise que, pour 2006, la cotisation de Combined au régime a été de 312 000 $ et que la répartition des soldes non acquis au compte des représentants qui ont quitté Combined a produit un supplément de 53 000 $ qui a été réparti entre les représentants. Monsieur Paquette a expliqué que les participants contribuaient 3 % de leur revenu au régime et que Combined égalait le montant de leurs contributions. Par contre, comme la contribution de Combined n’était acquise que sur une période de 10 ans (c’est-à-dire 1/10 par année), le solde des contributions non acquises par les représentants ayant quittés Combined était réparti entre les autres participants. Seules les contributions dévolues aux participants apparaissaient au T‑4. En plus, de ce régime, monsieur Paquette jouissait d’une couverture complète d’assurance collective (vie, dentaire, médicaments, etc.). [32] En contre-interrogatoire, monsieur Paquette a confirmé avoir défrayé, au cours de la période du 25 janvier 2007 au 25 janvier 2008, les frais de son permis d’exercice à même son compte de 10 % de même que le coût de son assurance responsabilité. Il assumait ses frais de déplacements de même que ses frais de bureau à sa résidence. Pour son bureau à Ste‑Thérèse, le loyer était assumé par Combined mais remboursé à même ses commissions. En tant que gérant de district, il a confirmé avoir travaillé souvent les fins de semaine, avoir perdu des commissions suite à l’annulation de polices et avoir consenti des garanties de salaires à des représentants avec des gérants des ventes. Suite à sa rétrogradation, il est toujours représentant de Combined et son entente du 1er janvier 2004 est toujours en vigueur. La thèse de l’appelante [33] Selon l’appelante, les deux litiges se nouent autour des trois questions suivantes : 1. les faits ayant abouti à l’arrêt rendu le 30 janvier 2007 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Combined Insurance Company of Canada c. Canada (Ministère du Revenu national – M.N.R.) 2007 CAF 60 sont-ils analogues à ceux de la présente espèce? 2. en l’espèce, l’intention des parties est-elle le facteur déterminant? 3. les critères énoncés aux pages 12 à 17 de l’arrêt Combined Insurance Company of Canada, précité, sont-ils déterminants en l’espèce? Les voici : a. la propriété des instruments de travail b. les chances de profits et les risques de pertes c. l’intégration d. le degré de contrôle e. la présence obligatoire au lieu de travail et le respect de l’horaire de travail f. le contrôle des absences pour vacances g. les pouvoirs de sanction h. l’imposition des moyens d’exécution de travail i. la remise de rapports d’activités j. le contrôle de la qualité et de la quantité de travail. [34] Selon l’appelante, les faits de la présente espèce sont analogues à ceux de l’affaire Combined Insurance Company of Canada, précitée; on constate qu’il y a identité : i. de donneur d’ouvrage ii. de modèle d’affaires iii. de techniques de ventes iv. de manuels de vente v. de textes applicables, et vi. de contrats avec des ajouts. [35] Concernant l’intention des parties, l’appelante soutient que celle-ci, telle qu’exprimée à l'entente du 1er janvier 2004, est reflétée par les témoignages de madame Gisbert et de monsieur Paquette et les déclarations de revenu qu’ils ont produites. Il faudrait donc savoir si la mise en oeuvre des contrats a été contraire à l’intention d’origine des parties. [36] L’on fait valoir que l’industrie est très réglementée et que plusieurs mesures d’encadrement visaient davantage à assurer le respect des lois et de la réglementation applicables plutôt que le contrôle des gérants des ventes et les gérants de district. À titre d’exemple, il y a lieu de référer au traitement des plaintes, à la protection des renseignements confidentiels des clients et à l’application des techniques de vente. Les rapports d’activités servent au calcul des commissions dues aux représentants et non pas à des fins de contrôle. Il est soutenu que les critères à suivre aux fins de détermination du statut des travailleurs ne sont pas ceux qui sont suivis par la Cour du Québec en vertu de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N‑1.1 parce qu’il s’agit d’une loi d’ordre public, contrairement à la Loi sur l’assurance‑emploi. Les définitions des mots « salarié » et « travailleur » sont différentes de celles qui figurent dans la Loi sur l’assurance‑emploi et les objets de ces lois ne sont pas les mêmes. [37] Selon l’appelante, ne sont ni cohérents ni fiables les témoignages de madame Gisbert et de monsieur Paquette et elle fait valoir que monsieur Paquette n’était pas au service exclusif de Combined. La thèse de l’intimé [38] L’intimé fait valoir que les attributions des collaborateurs concernés sont différentes de celles des représentants visés par l’arrêt Combined Insurance Company of Canada, précité, en ce qu’ils exerçaient des fonctions de gestion. La controverse ne porte pas sur le représentant mais bien sur le gérant des ventes et le gérant de district. [39] Selon l’intimé, si un lien de subordination existe entre l’appelante et les collaborateurs, cela suppose nécessairement l’existence d’un contrat de travail. Le concept de subordination a été élargi avec le temps et il connote le pouvoir de contrôler, qu’il soit exercé ou non. Il est aussi soutenu que la notion de « contrôle » est plus importante en droit civil québécois qu’en common law. [40] En ce qui a trait à l’élément de subordination, on signale: a) la formation hebdomadaire assurée aux représentants : les gérants étaient tenus d’organiser ces réunions et d’y participer à la demande du gérant régional ou du gérant sous‑régional; b) le recrutement : les frais d’annonces étaient assumés par Combined après approbation; les candidats devaient être acceptés par le gérant régional et Combined décidait des affectations des nouveaux représentants, de la composition des équipes et de leur territoire; c) les sanctions : les gérants pouvaient se voir imposer des sanctions s’ils n’atteignaient pas leurs objectifs en termes de ventes et d’équipes de vente; d) les attributions des fiches clients : elles étaient faites par Combined; les gérants ne décidaient pas du territoire à l’égard duquel des fiches clients leur étaient transmises; e) le « mot à mot » : les gérants devaient s’assurer que les représentants utilisaient le « mot à mot »; f) le code vestimentaire : les gérants devaient faire respecter le code vestimentaire dicté par Combined (vêtements propres non froissés); g) les obligations de Combined et les obligations réglementaires : les exigences de Combined dépassaient parfois les exigences des organismes réglementaires (ex. la vente de polices d’assurance à des assistés sociaux); h) encadrement précis et explicite des gérants : les gérants faisaient partie de la structure, ils devaient s’assurer du bon fonctionnement des opérations sous peine de rétrogradation. [41] Pour ce qui est des autres critères pertinents, l’intimé fait valoir les éléments suivants : a) la propriété des instruments de travail : tout le matériel de vente appartenait à Combined, y compris les fiches clients; b) les chances de profits et les risques de pertes : aucun élément de preuve n’a été produit à ce sujet; madame Gisbert a encouru les mêmes dépenses que si elle était une employée rémunérée à commission; c) l’intégration : théoriquement, selon l'entente du 1er janvier 2004, les représentants n’étaient pas au service exclusif de Combined, mais la réalité est toute autre : en pratique, ils ne pouvaient représenter d’autres compagnies d’assurance; l’actif le plus précieux pour un représentant est sans aucun doute le portefeuille clients; comme il était la propriété de Combined, le critère d’intégration milite en faveur de l’existence d’un contrat d’emploi; d) l’intention des parties : le lien de subordination entre Combined et les gérants et le contrôle exercé par Combined sur ces derniers sont plus importants que l’intention des parties lors de la signature de l'entente du 1er janvier 2004. L'entente du 1er de janvier 2004 était signée par les représentants en début de carrière et n’était pas adaptée aux fonctions du gérant; e) la participation des travailleurs aux avantages sociaux de l’appelante constitue un indice d’encadrement. La thèse de monsieur Paquette [42] Monsieur Paquette a souligné que, en tant que gérant de district, il exerçait des activités de ventes à temps limité seulement. Il a rappelé que le portefeuille clients appartenait à Combined, que les commissions n’étaient pas négociables et n’étaient pas acquises en cas de licenciement. Selon lui, à chaque échelon de la hiérarchie, on gérait un certain nombre de personnes, c’est-à-dire que l’on assurait le recrutement, la formation, le contrôle et la supervision, et chaque représentant était au service exclusif de Combined, contrairement à ce qui était prévu à l'entente du 1er janvier 2004. La formation sur le terrain avec les représentants était obligatoire et les gérants de district devaient s’assurer que tous les représentants suivent les programmes de formation JET. Les dates de concours et les lieux des « blitz » de vente n’étaient pas fixés par les gérants. Il conclut donc qu’il n’était pas traité comme un travailleur autonome. Les textes pertinents [43] L'expression « emploi assurable » est définie au paragraphe 5(1) de la Loi: 5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable : a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; b) l'emploi du genre visé à l’alinéa a), exercé au Canada au service de Sa Majesté du chef du Canada; c) l'emploi à titre de membre des Forces canadiennes ou d’une force policière; d) un emploi prévu par règlement pris en vertu des paragraphes (4) et (5); e) l'emploi d’un particulier au Canada à titre de promoteur ou coordonnateur d’un projet dans le cadre d’une prestation d’emploi. [44] Comme les ententes exposées ci-dessus sont régies par les lois de la province de Québec, il y a lieu de s'en remettre aux dispositions du Code civil du Québec (le « CCQ ») afin de rechercher s'il s'agit d'un emploi au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi, et ce, en conformité avec l'article 8.1 de la Loi d'interprétation (L.R.C. 1985, ch. I‑21). Cette disposition reconnaît la tradition bijuridique du Canada et fait jouer le droit provincial québécois en l'occurrence en matière de propriété et droits civils: 8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte. [45] Le CCQ définit le contrat: Art. 1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation. [46] Le CCQ précise aux articles 1425 et 1426 les règles d'interprétation applicables aux contrats : Art. 1425. Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés. Art. 1426. On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages. [47] Le « contrat de travail » est défini à l'article 2085 du CCQ: Art. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. alors que le « contrat d'entreprise ou de service » est ainsi défini à l'article 2098 du CCQ: Art. 2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. [48] Le CCQ énonce à l'article 2099 les conditions d’existence d’un contrat d'entreprise: Art. 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. [49] L'article 2827 du CCQ vise la signature des actes sous seing privé : Art. 2827. La signature consiste dans l'apposition qu'une personne fait à un acte de son nom ou d'une marque qui lui est personnelle et qu'elle utilise de façon courante, pour manifester son consentement. Discussion et conclusion [50] Il faut d’abord rechercher si, en l’espèce, il faut suivre la jurisprudence Combined Insurance Company of Canada, précitée. Malgré la similitude de certains faits notés par l’appelante (voir le paragraphe 34 ci‑dessus), je suis d’avis que nous ne sommes pas dans le même cas de figure que celui de cet arrêt. Les fonctions exercées par madame Gisbert et par monsieur Paquette comprenaient des fonctions de gestion alors que les fonctions exercées par la représentante, Mélanie Drapeau, n’en comprenaient pas. Même si l'entente du 1er janvier 2004 est la même, madame Gisbert et monsieur Paquette ont signé des ajouts à ladite entente et des conventions accessoires qui n’ont pas été examinés par notre Cour, ni par la Cour d’appel fédérale. [51] Deuxièmement, il faut savoir si l’intention des parties clairement exprimée à l'entente du 1er janvier 2004 est un facteur déterminant en l’espèce. Si tel est le cas, la Cour doit décider s’il est prouvé de manière non ambigüe que les parties n’ont pas exécuté les ententes en conformité avec leur intention. [52] La Cour d’appel fédérale a eu l’occasion de se pencher sur cette question à plusieurs reprises et a réitéré l’importance qu’il faut apporter à l’intention des parties en matière de contrat : voir D&J Driveway c. Le ministre du Revenu national, 2003 CAF 453, Poulin c. Le ministre du Revenu national, 2003 CAF 50. Dans l’arrêt Combined Insurance Company of America précité, le juge Nadon a cité l’observation suivante du juge Létourneau dans l’arrêt Le Livreur Plus Inc. c. Canada, 2004 CAF 68 au paragraphe 17 : 17. La stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n'est pas nécessairement déterminante et la Cour peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : D&J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, [2003] A.C.F. no 1784, 2003 CAF 453. Mais en l'absence d'une preuve non équivoque au contraire, la Cour doit dûment prendre en compte l'intention déclarée des parties : Mayne Nickless Transport Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.I. no 132, 97-1416-UI, 26 février 1999 (C.C.I.). Car en définitive, il s'agit de déterminer la véritable nature des relations entre les parties. Aussi, leur intention sincèrement exprimée demeure-t-elle un élément important à considérer dans la recherche de cette relation globale réelle que les parties entretiennent entre elles dans un monde du travail en pleine évolution : voir Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.F.); Procureur général du Canada c. Les Productions Bibi et Zoé Inc., [2004] A.C.F. no 238, 2004 C.A.F. 54. [53] Par contre, la Cour d’appel fédérale a atténué l’importance de l’intention déclarée des parties : les rapports entre les parties doivent être examinés à la lumière des critères consacrés par la décision Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., (1986) 3 C.F. 553, à savoir : la propriété des instruments de travail, les chances de profits et les risques de pertes, l’intégration et le contrôle, lesquels furent retenus par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., (2001) 2 R.C.S. 953 (voir les arrêts Combined Insurance Company of America précité, et Royal Winnipeg Ballet c. Canada (M.N.R.), 2006 CAF 87). [54] Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet précité, la juge Desjardins a observé au paragraphe 81 : [. . .] Je souscris à l'analyse de la juge Sharlow, exposée au paragraphe 64 de ses motifs, selon laquelle le juge de la Cour canadienne de l'impôt aurait dû prendre acte du témoignage non contredit relatif à l'interprétation commune des parties selon laquelle les danseurs étaient des entrepreneurs indépendants et se demander ensuite, en se fondant sur les facteurs de l'arrêt Wiebe Door, si cette intention avait été réalisée. [. . .] [55] Plus récemment, le juge Létourneau a observé dans l’arrêt Michel Grimard et Sa Majesté la Reine, 2009 CAF 47 au paragraphe 33 : Pour importante qu'elle soit, l'intention des parties n'est pas à elle seule déterminante de la qualification du contrat: voir D & J Driveway Inc. c. M.R.N., 2003 CAF 453; Dynamex Canada Inc. c. Canada, 2003 CAF 248. De fait, le comportement des parties dans l'exécution du contrat doit refléter et actualiser cette intention commune, sinon la qualification du contrat se fera en fonction de ce que révèle la réalité factuelle et non de ce que prétendent les parties. [56] Selon les témoignages des parties, le mode d’exécution des ententes par elles reflète bien leur intention commune, telle qu’exprimée dans les ententes respectivement signées par madame Gisbert et par monsieur Paquette; ils ont tous deux déclaré être des entrepreneurs indépendants et non des salariés au sens de la Loi sur les normes du travail, ni du Code du travail du Québec. De fait, il n’a été produit aucun élément de preuve portant de manière non ambigüe que la mise en œuvre des ententes contractuelles ne reflétait pas l’intention des parties. [57] En effet, sont incontournables les faits suivants : a. madame Gisbert et monsieur Paquette ont chacun assumé les frais de leur assurance responsabilité civile personnelle et de leur assurance détournements; b. monsieur Paquette était, en vertu des arrangements collatéraux, tenu de rembourser Combined pour les commissions se rapportant à ses affaires et à celles des représentants placés sous ses ordres; c. en tant que gérant de district, monsieur Paquette avait l’entière responsabilité de toute dette qu’un représentant relevant de lui avait contractée envers Combined; d. à trois reprises, le témoin Michel Rivest a confirmé dans des lettres adressées à des tiers que monsieur Paquette était travailleur autonome. Aucune demande de rectification de son statut n’a alors été demandée par celui-ci; e. lors du recrutement de nouveaux représentants, monsieur Paquette les informait qu’ils seraient travailleurs autonomes, ce qui constitue en soi une preuve d’acceptation de ce statut par monsieur Paquette. [58] La principale controverse concernant la conduite des parties porte sur l’exclusivité des services des représentants et des gérants. L’entente du 1er janvier 2004 stipulait que la collaboration des représentants n’était pas exclusive, mais il ressort des éléments de preuve que les représentants et les gérants étaient « captifs » et ne pouvaient vendre de produits d’autres compagnies d’assurance (voir l’affidavit du témoin Michel Rivest déposé comme pièce I‑7). Le témoin Jean-Claude Lévesque a été congédié pour avoir sollicité des clients de Combined afin de leur offrir des produits d’autres compagnies d’assurance, tandis que monsieur Paquette a été rétrogradé au poste de représentant parce qu’il ne collaborait pas exclusivement avec Combined. Il avait alors passé des ententes avec les compagnies d’assurance Croix‑Bleu et l’Excellence et il avait fondé son propre cabinet d’assurance opérant sous la raison sociale de Services Financier Tangibles Canada sans avoir divulgué cette information à Combined. La détermination du statut par certains critères A. La propriété des instruments de travail [59] Il ressort des éléments de preuve que les instruments de travail appartenaient à Combined : les clients, les fiches clients et les informations confidentielles relatives aux clients, les manuels de vente, les formulaires, les polices d’assurance, les primes, les chèques des clients. Tout devait être retourné à Combined lors d’une démission ou d’un congédiement. [60] Selon les ententes conclues, madame Gisbert et monsieur Paquette devaient assumer les frais de permis d’exercice, d’assurance-responsabilité et d’assurance détournements de fonds. Ils devaient fournir leur propre bureau, leur propre papeterie et leur propre véhicule automobile, à leurs propres frais. De plus, ils devaient assumer une partie importante du coût du matériel de vente et des cartes d’affaires, même si ces documents étaient préparés par Combined afin de s’assurer qu'ils répondaient aux exigences législatives et réglementaires. B. Les chances de profits et les risques de pertes [61] Il ressort des éléments de preuve que les revenus d’un gérant étaient en fonction du nombre des renouvellements des polices d’assurance existantes (fiches clients), du nombre de nouvelles polices d’assurance vendues, du territoire desservi, du nombre de représentants dans l’équipe du gérant et des heures de travail de ces derniers. Sur le plan des revenus, le succès du gérant dépendait du recrutement d’un nombre suffisant de représentants et de l’adéquation de leur formation (formation théorique aux réunions hebdomadaires et accompagnement sur le terrain). A cet égard, monsieur Paquette a connu une belle réussite en tant que représentant et gérant pour le compte de Combined et il a reçu d’importants bonus. [62] Un gérant devait également assumer d’importantes dépenses pour gagner ses commissions et surcommissions, telles les frais de bureau, repas, téléphone cellulaire, frais de déplacement, le coût de son permis d’exercice, d’assurance responsabilité et d’assurance détournements. De plus, il devait parfois garantir personnellement aux nouveaux représentants des commissions minimales pour leurs huit premières semaines de travail. Il devait parfois également, comme l’a fait monsieur Paquette, assumer l’entière responsabilité de toute dette qu’un représentant relevant de lui pouvait contracter envers Combined (voir le paragraphe 21 ci‑dessus). Aux termes de l’entente intitulée « Arrangements collatéraux », monsieur Paquette a même garanti le remboursement des commissions résultant des polices annulées et la perception de tous les chèques payés ou remis à Combined se rapportant aux affaires conclues par lui‑même et par les représentants faisant partie de son équipe. Afin de minimiser les risques financiers pouvant résulter de ses obligations, monsieur Paquette a demandé à Combined de retenir 10 % de ses surcommissions dans un compte collatéral ouvert pouvant atteindre 15 000 $. Dans ces circonstances, il m’apparaît évident qu’un gérant était exposé à des risques de pertes. C. L’intégration [63] Il ressort des éléments de preuve que les clients nouveaux ou anciens étaient tous clients de Combined et non des clients des gérants ou des représentants. Les gérants s’occupaient de la gestion de la base de clients de Combined et ils étaient appelés à l’élargir. Les cartes d’affaires des gérants portaient le logo de Combined et les numéros de téléphone apparaissant sur les cartes d’affaires étaient ceux de Combined. Les plaintes des clients étaient traitées par Combined. [64] L’entente du 1er janvier 2004 stipulait que les représentants et gérants intervenaient en tant qu’entrepreneurs indépendants sur une base non exclusive mais, en pratique, Combined n’appréciait guère que des gérants ne consacrent pas toutes leurs activités à celle-ci. À titre d’exemple, l’entente avec monsieur Jean‑Louis Lévesque fut résiliée le 28 mars 2005 alors qu’il était gérant parce qu’il était parrainé par une autre compagnie d’assurance du Québec. [65] Dans les circonstances, je conclus que les activités de monsieur Paquette et de madame Gisbert étaient en grande partie intégrées à l’entreprise de Combined. D. Le degré de contrôle [66] Le contrôle exercé par Combined sur les gérants découlait du modèle de gestion par objectifs établi par Combined. Ils étaient formulés en termes de prévisions du chiffre d’affaires sur une base annuelle et en termes du nombre de représentants faisant partie de l’équipe de chaque gérant. Tout relâchement au niveau du recrutement et de la formation des nouveaux représentants ou sur le plan du chiffre d’affaires était sanctionné par Combined, que ce soit par rétrogradation, scission de l’équipe, attribution d’un nouveau territoire ou même par une diminution du nombre des fiches clients attribuées à un gérant. Au regard des sanctions possibles, les gérants subissaient une pression économique énorme. [67] Par contre, Combined fournissait à ses gérants un encadrement précis et explicite pour les aider à atteindre leurs objectifs. Pour Combined, les personnes importantes sont celles qui sont sur le terrain et qui vendent des polices d’assurance. Les gérants partageaient les intérêts de Combined parce qu’ils avaient droit à des surcommissions sur les primes générées par les ventes des représentants de leur équipe. [68] Les gérants n’étaient pas tenus de faire acte de présence dans un lieu de travail donné, il n’étaient pas soumis à un horaire de travail précis, mais ils devaient, de temps à autre, participer à des réunions dites « obligatoires ». Ils devaient faire approuver leurs dates de vacances. [69] Les rapports d’activités hebdomadaires servaient au calcul des commissions et des surcommissions et ne pouvaient être assimilés à une mesure de contrôle des gérants. [70] Les mesures de contrôle de la qualité du travail des gérants visaient surtout le respect des exigences réglementaires et de la confidentialité des renseignements personnels des clients. [71] Les activités de recrutement et de formation des nouveaux représentants faisaient partie des attributions de gestion confiées aux gérants. Il en était de même pour l’attribution des fiches clients effectuées par le gérant aux représentants faisant partie de son équipe et pour l’application des moyens d’exécution du travail, tels l’utilisation des techniques de ventes préconisées par Combined, le respect du code vestimentaire et du code de déontologie, le retour des fiches clients, la production des rapports d’activités, les dépôts des primes des polices d’assurance. Conclusion [72] À mon avis, la conduite des parties reflète la qualification faite aux contrats en cause, à savoir que madame Gisbert et monsieur Paquette intervenaient à titre d’entrepreneurs indépendants pour le compte de Combined. Je connais très peu de personnes qui, en tant qu’employés, accepteraient d’être responsables des dettes contractées auprès de l’appelante par les représentants faisant partie de leur équipe de ventes. [73] Comme l’a fait la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Combined Insurance Company of America, précitée, vu les éléments de preuve produits, je ne peux conclure à l’existence d’un lien de subordination quant à l’exécution du travail que madame Gisbert et monsieur Paquette devaient effectuer pour le compte de Combined. Ils avaient le choix des moyens d’exécution de leur travail. Ils pouvaient recruter et former le nombre de représentants qu’ils désiraient avoir dans leur équipe respective, les accompagner sur le terrain et les motiver et solliciter la clientèle qu’ils désiraient sous réserve des secteurs attribués aux autres représentants. [74] Les critères consacrés par l’arrêt Wiebe Door, précité, confortent principalement la thèse de l’appelante. Madame Gisbert et monsieur Paquette étaient propriétaires de certains outils nécessaires à l’exercice de leurs activités, mais les outils les plus importants appartenaient à Combined. Vu le critère relatif aux chances de profits et aux risques de pertes, il est manifeste que madame Gisbert et monsieur Paquette pouvaient réaliser de substantiels profits en consacrant temps et énergie à leurs activités mais étaient également exposés à des risques de pertes. Le critère d’intégration semble conforter davantage la thèse de l’intimé mais, vu le contrôle exercé par Combined sur les activités de madame Gisbert et de monsieur Paquette, il s’agissait plutôt de les aider dans leur gestion, de leur permettre d’atteindre leurs objectifs en termes de chiffres d’affaires et de revenus et, finalement, de faire respecter les exigences législatives et réglementaires. [75] À mon avis, les éléments de subordination invoqués par l’intimé au paragraphe 40 ci-dessus, ne me permettent pas de conclure en l’existence d’un lien de subordination quant à l’exécution des activités exercées par madame Gisbert et par monsieur Paquette. [76] Par conséquent, je conclus que madame Gisbert et monsieur Paquette n’exerçaient pas un emploi assurable auprès de l’appelante durant la période du 1er janvier 2004 au 21 janvier 2005 dans le cas de madame Gisbert et du 25 janvier 2007 au 25 janvier 2008 dans le cas de monsieur Paquette. [77] Par ces motifs, les appels sont accueillis. Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2011. « Réal Favreau » Juge Favreau RÉFÉRENCE : 2011 CCI 85 Nºs DES DOSSIERS DE LA COUR : 2008-3975(EI); 2008-3974(EI) INTITULÉ DES CAUSES : Compagnie d'assurance Combined d'Amérique c. M.R.N. c. Michel A. Paquette; Compagnie d'assurance Combined d'Amérique c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : les 29, 30 septembre et les 28, 29 et 30 octobre 2010 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Réal Favreau DATE DU JUGEMENT : le 25 février 2011 COMPARUTIONS : Avocats de l'appelante : Me Dominic C. Belley Me Vincent Dionne Avocats de l'intimé : Me Simon Petit Me Laurent Brisebois Pour l'intervenant: L'intervenant lui-même AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelante: Nom : Me Dominic C. Belley Me Vincent Dionne Cabinet : Ogilvy Renault Montréal (Québec) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada Pour l'intervenant:
2012 CCI 11
TCC
2,011
Golf Canada's West Ltd. c. La Reine
fr
2011-11-03
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30662/index.do
2022-09-04
Golf Canada's West Ltd. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-11-03 Référence neutre 2012 CCI 11 Numéro de dossier 2011-1242(GST)I Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Référence : 2012CCI11 Date : 20120110 Dossier : 2011-1242(GST)I ENTRE : GOLF CANADA’S WEST LTD., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT (rendus oralement à l’audience le 3 novembre 2011, à Ottawa (Ontario)) La juge V.A. Miller [1] Il s’agit ici de savoir si l’appelante a le droit de demander des déductions de 22 760,38 $ conformément au Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés (le « Programme »). Les périodes visées par l’appel vont du 1er mai au 31 octobre 2007 ainsi que du 1er mai au 31 octobre 2008. [2] Selon le Programme, les non-résidents peuvent demander un remboursement de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (la « TPS/TVH ») qu’ils ont payée à l’achat de voyages organisés admissibles. Les non‑résidents qui achètent des voyages organisés admissibles peuvent recevoir le montant de remboursement au point de vente du fournisseur inscrit qui leur a facturé la TPS/TVH[1] et ce dernier peut demander une déduction en vertu du paragraphe 234(2) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») à l’égard du montant versé au non–résident ou porté à son crédit. Dans le présent appel, l’appelante a demandé une déduction de 22 760,38 $ pour les remboursements portés au crédit de ses clients non résidents. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé cette déduction en tenant pour acquis que les voyages organisés offerts par l’appelante n’incluaient pas un « service » et que les clients de l’appelante n’étaient pas admissibles au remboursement prévu par le Programme. [3] L’appelante est un organisateur de voyages qui offre à ses clients, qu’ils résident au Canada ou non, des vacances de golf de luxe partout dans l’Ouest canadien. Ces vacances sont vendues à un prix forfaitaire et elles comprennent l’hébergement dans un hôtel, une voiture de location, le droit de jeu exigé par les clubs de golf ainsi que l’accueil à l’aéroport. J’appellerai ces vacances des « forfaits de vacances ». [4] Les personnes qui achètent des forfaits de vacances organisent et paient leur propre voyage en avion. Elles conduisent également une voiture de location ou organisent leur propre transport entre l’aéroport et l’hôtel. [5] Un voyage organisé, tel qu’il est défini au paragraphe 163(3) de la LTA, doit offrir un ensemble de services, ou de biens et de services. De plus, pour donner droit aux déductions prévues par le Programme, le voyage organisé doit fournir un logement provisoire ou un emplacement de camping à l’acquéreur non résident en vertu du paragraphe 252.1(8) de la LTA. Cela étant, un voyage organisé ne peut pas être uniquement composé d’un bien; pour être voyage organisé admissible en vertu du Programme, le voyage organisé doit également inclure un service. [6] Selon la thèse du ministre, la composante « accueil » des forfaits de vacances ne constitue pas un service; il s’agit plutôt d’une commodité, qui est une partie peu importante du forfait. Dans une communication avec l’appelante, le ministre disait que l’accueil à l’aéroport n’était pas considéré comme un service parce que ce service ne pouvait pas être vendu séparément et qu’il n’était pas raisonnable d’attribuer à l’accueil une partie du coût du voyage organisé. Cela étant, le ministre a conclu que les forfaits de vacances ne pouvaient pas être considérés comme des voyages organisés suivant le paragraphe 252.1(8) de la LTA. [7] Je ne souscris pas à la thèse du ministre. Aucune disposition législative n’étaye la distinction établie par le ministre entre une commodité et un service. Le terme [traduction] « commodité » n’est pas défini dans la LTA. [8] Le terme « service » est défini ainsi à l’article 123 : « service » Tout ce qui n’est ni un bien, ni de l’argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l’employeur, ou a accepté de l’être, relativement à sa charge ou à son emploi. [9] L’accueil est visé par la définition du « service ». Il n’y a pas transfert de biens, d’argent ou de fournitures entre un employeur et un employé dans le contexte de l’accueil. De plus, la LTA n’exige pas que les services aient une valeur minimale et qu’ils puissent être fournis d’une façon indépendante. [10] Je note qu’en l’espèce, l’accueil à l’aéroport durait habituellement environ une heure à une heure et demie et que l’appelante versait à un fournisseur indépendant un montant de 75 à 100 $ pour que celui‑ci fournisse les services d’accueil. [11] Comme le juge D’Arcy l’a dit dans la décision Jema International Travel Clinic Inc., 2011 CCI 462, au paragraphe 25 : […] Le mot « service » est défini de manière encore plus large pour désigner tout ce qui n’est ni un bien, ni de l’argent, ni certains services fournis à un employeur par un salarié, un dirigeant et certaines autres personnes. La définition du mot « service » est extrêmement large. Si une chose n’est pas un bien, de l’argent ou un service fourni par un salarié, elle sera alors réputée être un service. [12] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de janvier 2012. « Juge V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI11 No DE DOSSIER DE LA COUR : 2011-1242(GST)I INTITULÉ : GOLF CANADA’S WEST LTD. c. LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 3 novembre 2011 DATE DES MOTIFS DE JUGEMENT : Le 10 janvier 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Gordon Schultz Avocate de l’intimée : Me Mary Softley AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Paragraphe 252.1(8) de la Loi sur la taxe d'accise.
2012 CCI 13
TCC
2,011
Le Conseil Atlantique du Canada - The Atlantic Council of Canada c. M.N.R.
fr
2011-12-22
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30655/index.do
2022-09-04
Le Conseil Atlantique du Canada - The Atlantic Council of Canada c. M.N.R. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-12-22 Référence neutre 2012 CCI 13 Numéro de dossier 2010-2905(EI), 2010-2933(CPP) Juges et Officiers taxateurs Johanne D’Auray Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Référence : 2012 CCI 13 Date : 20120109 Dossier : 2010‑2905(EI) ENTRE : LE CONSEIL ATLANTIQUE DU CANADA – THE ATLANTIC COUNCIL OF CANADA, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ET ENTRE : Dossier : 2010‑2933(CPP) LE CONSEIL ATLANTIQUE DU CANADA – THE ATLANTIC COUNCIL OF CANADA, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DE JUGEMENT MODIFIÉS La juge D’Auray [1] L’appelant est un organisme caritatif dont les objets et le but sont les suivants : [traduction] promouvoir l’éducation et d’autres fins utiles à la collectivité en lien avec les affaires extérieures au Canada ainsi qu’avec la participation canadienne dans l’Institut Atlantique et l’Association du Traité de l’Atlantique. [2] L’objectif de l’Institut Atlantique (IA) est de faciliter la circulation d’idées sur des questions d’ordre militaire, économique, politique et culturel des deux côtés de l’Atlantique. L’Association du Traité de l’Atlantique (ATA) vise à favoriser une meilleure compréhension des questions concernant l’OTAN. [3] Madame Luisa Sargsyan s’est jointe à l’appelant en juillet 2007 sous l’égide du Programme de stage du Forum sur la sécurité et la défense (Programme de stage FSD). Elle a quitté son emploi auprès de l’appelant en octobre 2008. [4] Les questions que j’ai à trancher dans les présents appels sont celles de savoir si Mme Sargsyan a occupé un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (LAE) et ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pension du Canada (RPC) durant la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2008. [5] Par suite de l’entente intervenue entre les parties, les appels interjetés en vertu de la LAE et du RPC ont été entendus sur preuve commune. Les faits [6] Deux personnes ont témoigné dans le cadre des présents appels, soit Mme Julie Lindhout et Mme Luisa Sargsyan. Leur témoignage était différent sur de nombreux points, ce qui m’oblige à procéder à un examen détaillé des faits. [7] Mme Lindhout est la présidente de l’appelant et a témoigné en son nom. [8] Elle a confirmé que l’appelant est une organisation non gouvernementale, enregistrée comme organisme caritatif, et que sa date de constitution est le 7 mars 1966. [9] Elle a expliqué que l’appelant était une petite entreprise employant du personnel à temps partiel, des contractuels ainsi que des bénévoles. Au moment de l’audience, l’organisme comptait cinq bénévoles et stagiaires. Le budget de l’appelant varie d’année en année; il se situe habituellement aux environs de 125 000 $. [10] Les activités de l’appelant comprennent la diffusion de lettres d’information traitant de questions dans les domaines des affaires extérieures du Canada, de la défense nationale, de la sécurité et de l’OTAN; l’organisation de tables rondes portant sur des questions d’intérêt pour l’appelant; et, en 2007, l’organisation de la 53e assemblée générale de l’ATA. En partenariat avec d’autres organismes, l’appelant donne également des séminaires sur des enjeux relatifs à l’OTAN à des étudiants au Canada et à l’étranger. [11] Mme Lindhout a expliqué que Mme Sargsyan s’est jointe à l’appelant en tant que stagiaire dans le cadre du programme de stages du FSD en juillet 2007. Elle est demeurée un an sous le programme. À la demande de Mme Sargsyan, son séjour a été par la suite prolongé de trois mois dans le cadre d’une bourse offerte par la Banque de Nouvelle‑Écosse. Elle a quitté son emploi auprès de l’appelant en octobre 2008. L’ensemble de la preuve présentée par les parties dans le cadre des présents appels concernait le programme de stages du FSD. Aucune preuve n’indiquait que la nature de la relation ou du travail avait changé en raison de la bourse offerte par la Banque de Nouvelle‑Écosse. [12] Le programme de stages du FSD vise à fournir une expérience de travail pertinente aux nouveaux diplômés de maîtrise ayant fait des études dans les domaines de la sécurité et de la défense. J’ai reproduit ci‑dessous la description du programme déposée par l’appelant comme pièce A‑1, onglet 2. [traduction] Groupe des politiques du MDN La défense et les programmes universitaires Le forum sur la sécurité et la défense (FSD) Le programme de stages du FSD Objectif : Le Programme de stages vise à aider les nouveaux diplômés de maîtrise ayant fait des études dans les domaines de la sécurité et de la défense à complémenter leur formation par une expérience de travail pertinente. Il permet aux stagiaires d’occuper, pendant un an, un poste de recherche ou de nature connexe dans une organisation canadienne, à l’exclusion des universités et du gouvernement. Des affectations dans des bureaux du gouvernement canadien à l’étranger (p. ex. Ambassades, OTAN, organisations internationales) peuvent être envisagées. Domaines pertinents : Nous encourageons les stages qui portent sur les questions actuelles et futures de sécurité et de défense du Canada, y compris leurs dimensions politique, internationale, historique, sociale, militaire et économique. Dans sa demande, le candidat est tenu d’expliquer clairement le lien entre son travail et les questions de sécurité et de défense du Canada. Les stages reliés aux sciences pures ou appliquées ne sont pas éligibles. Les demandes doivent établir leur pertinence en rapport avec des enjeux actuels concernant le Canada en matière de sécurité et de défense. Les stages peuvent porter, entre autres, sur les sujets suivants : · Les États défaillants ou les États en déroute · Le terrorisme · Les armes de destruction massive · Les régions névralgiques · La transformation des Forces canadiennes, y compris des démarches intégrées et unifiées pour les opérations · La défense du Canada · Les relations de défense entre le Canada et les États‑Unis · Le rôle international des Forces canadiennes · L’approche intégrée impliquant la Défense, la Diplomatie et le Développement (« 3D ») en matière de conflits et de situations postérieures à un conflit · L’acquisition et la gestion en matière de défense · Le soutien de la Défense nationale envers les autres ministères et organismes · Le Comité de sélection ne considérera pas les demandes incomplètes, les formulaires et références rédigés à la main ou qui ne se conforment pas aux critères de longueur et de police de caractère. Il est de la responsabilité du candidat de s’assurer que sa demande est complète. Valeur : La valeur des stages peut aller jusqu’à 35 000 $ pour douze mois ou un montant proportionnel si la période est plus courte. Nous encourageons les organisations participantes à ajouter des fonds supplémentaires. Nombre : Jusqu’à quatre stages sont offerts. Le ministère de la Défense nationale se réserve toutefois le droit de changer le nombre final de stages accordés, de même que leur valeur, en fonction du degré d’intérêt manifesté et de la qualité des candidatures reçues dans le cadre de ce programme et des autres programmes parrainés par le Forum sur la sécurité et la défense. Durée : Maximum de 12 mois. Le stage ne peut être renouvelé. Validité : Les stages peuvent être effectués dans une vaste gamme d’établissements liés à la sécurité et à la défense. Il est possible de soumettre plus d’une demande. Cependant, les étudiants doivent obtenir de leur éventuelle organisation d’accueil une preuve d’entente avant de présenter une demande à l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC). Les universités ainsi que les ministères ou organismes du gouvernement au Canada sont exclus du programme. Une liste d’organismes éligibles ou qui ont accueilli des stages dans le passé est jointe en Annexe A[1]. Conditions : Les candidats doivent être citoyens canadiens ou résidents permanents au moment de leur demande et doivent être titulaires d’une maîtrise avant d’entreprendre le stage. À la fin du stage, les bénéficiaires devront remettre un compte rendu raisonnablement détaillé de leur stage ou de leurs recherches à la Direction de la Politique officielle du ministère de la Défense nationale au plus tard le 1er octobre 2001. Les publications, mémoires, thèses ou présentations de conférences non publiées qui seront soumis doivent contenir un résumé d’au moins un paragraphe n’excédant cependant pas deux pages. En acceptant une bourse du Forum sur la défense et la sécurité, les candidats autorisent la libre circulation de leur travail au sein du ministère de la Défense nationale. Les candidats retenus permettent au Forum sur la sécurité et la défense d’utiliser leurs noms et/ou images pour ses documents promotionnels. Sélection : Après la réception par l’AUCC des formulaires de demande dûment complétés, le Comité de sélection indépendant du Forum sur la sécurité et la défense évaluera les demandes sur la base du dossier scolaire des candidats. Le Comité de sélection du Forum sur la sécurité et la défense prendra alors en compte le dossier scolaire, l’apport au Forum sur la sécurité et la défense, et la pertinence des demandes par rapport aux questions de sécurité nationale et de défense du Canada, tel qu’indiqué à la rubrique sur les « domaines pertinents ». Les décisions du Comité de sélection sont finales et sans appel. Date limite de présentation des demandes : Le 1er février 2006. En raison du délai suffisant qu’il est nécessaire d’accorder au traitement et à l’examen des demandes, aucun formulaire ne sera transmis après le 23 janvier 2006. Formulaires de demande Ou communiquer avec : Programme de bourses canadiennes Association des universités et collèges du Canada 350, rue Albert, Bureau 600 Ottawa, Ontario K1R 1B1 Téléphone : 613‑563‑1236 Télécopieur : 613‑563‑9745 Courriel : awards@aucc.ca Internet : www.aucc.ca/dnd.html [Je souligne] [13] Mme Lindhout a expliqué que de 2006 à 2010, le programme de stages du FSD a été administré par l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC). Avant 2006, il l’était directement par le ministère de la Défense nationale (MDN) et en 2010, le MDN a repris l’administration du programme. [14] Pour être admissible à un stage dans le cadre du programme de stages du FSD, le candidat doit trouver un organisme qui accepte d’agir comme organisme d’accueil. En décembre 2006, Mme Sargsyan a communiqué avec Mme Lindhout pour vérifier si l’appelant serait disposé à agir comme organisme d’accueil dans le cadre du programme. Mme Lindhout a révélé dans son témoignage que Mme Sargsyan semblait assez intéressée à ce que l’appelant agisse comme son organisme d’accueil, précisant qu’elle souhaitait apprendre comment un organisme non gouvernemental fonctionnait. [15] Le 10 janvier 2007, Mme Lindhout a écrit une lettre à l’AUCC, au nom de l’appelant, dans laquelle elle disait que l’appelant serait heureux d’accueillir Mme Sargsyan comme stagiaire dans le cadre du programme de stages du FSD. La lettre a été produite comme pièce A‑1, onglet 5. [16] Le 29 mai 2007, Mme Sargsyan a été avisée par l’AUCC qu’elle avait été sélectionnée comme bénéficiaire de la bourse d’études offerte par le MDN dans le cadre du programme de stages du FSD pour l’année académique 2007‑2008. Le 11 juin 2007, Mme Sargsyan a signé le formulaire d’acceptation de la bourse. Je reproduis la lettre transmise par l’AUCC à Mme Sargsyan ainsi que le formulaire d’acceptation de la bourse signé par Mme Sargsyan. [traduction] Association of Universities Association des universités and Colleges of Canada et collèges du Canada Le 29 mai 2007 AUCC ID.: xxxxxxxxxxxx Mme Luisa Sargsyan xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx CANADA Madame Luisa Sargsyan, Objet : Ministère de la Défense nationale – Les stages du Forum sur la sécurité et la défense (FSD) : STAGE Félicitations! Je suis heureuse de vous annoncer que vous avez été choisie comme bénéficiaire de la bourse mentionnée en rubrique pour l’année académique 2007‑2008. Voici les détails concernant votre bourse : Validité maximum de la bourse : 1 an, non renouvelable. Conditions liées à votre bourse : Au terme de votre stage, un exemplaire d’une thèse ou d’un compte rendu détaillé de façon raisonnable des recherches entreprises et de vos expériences vécues au cours de l’année doit être présenté à l’AUCC, laquelle le transmettra au MDN au plus tard le 1er octobre 2008. Institution proposée : Le Conseil Atlantique du Canada. Renseignements relatifs aux versements : Type de versement Période de paiement Montant Devise Payable à Général Sept‑Déc 17 500 $ (CAN) Institution Général Jan‑Avr 17 500 $ (CAN) Institution Rapport/Thèse Sept‑Avr 0 $ (CAN) **AUCUN PAIEMENT Veuillez prendre note de ce qui suit : Ces fonds sont distribués en deux versements, le premier en septembre, et le second en janvier. Remarque : Votre deuxième versement en janvier est conditionnel à la réception (par l’AUCC) du rapport portant sur vos réalisations durant votre premier semestre ou année de travail ainsi que d’un plan de travail pour le semestre suivant. Si vous vous retirez du programme, vous devez rembourser la bourse. Étant donné que les bourses d’études sont considérées comme un revenu imposable, vous recevrez annuellement un formulaire T4A. Le traitement de vos versements se fera sur réception d’un exemplaire dûment signé du formulaire d’acceptation de la bourse ci‑joint et des documents requis décrits ci‑dessus. Je vous souhaite la meilleure des chances dans vos études pour la présente année. Cordialement, (s) G Kerr Ginette Kerr Agente de programme Bourses d’études supérieures 600‑350 Albert Ottawa ON Canada K1R 1B1 Phone/ Tél. : 613‑563‑1236 Fax/Téléc. : 613‑563‑9745 www.aucc.ca [Je souligne] ********************************* Association of Universities Association des universités and Colleges of Canada et collèges du Canada FORMULAIRE D’ACCEPTATION DE BOURSE Le 29 mai 2007 AUCC ID.: xxxxxxxxxxx Mme Luisa Sargsyan xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx CANADA PROGRAMME DE BOURSE : Ministère de la Défense nationale – Stage du Forum sur la sécurité et la défense (FSD) : STAGE INSTITUTION PROPOSÉE : Le Conseil Atlantique du Canada Prière d’inscrire ci‑dessous votre numéro d’étudiant (si connu), votre numéro d’assurance sociale (exigé aux fins de l’impôt sur le revenu), ainsi que l’institution que vous allez fréquenter au cas où elle serait différente de celle inscrite ci‑dessus. Le présent formulaire doit être signé et retourné à l’Association des universités et collège du Canada, à l’adresse indiquée ci‑dessous au plus tard le 27 juillet 2007. Numéro d’étudiant N/A Numéro d’assurance sociale XXXXXXXXXXX Institution Le Conseil Atlantique du Canada (CAC) Je, Luisa Sargsyan / décline (entourer l’un ou l’autre) la bourse dont il est fait mention ci‑dessus. (écrire votre nom en caractères d’imprimerie) Ma preuve d’enregistrement : _____ est jointe ___ vous sera transmise à une date ultérieure. Signature Luisa Sargsyan Date Le 11 juin 2007 600‑350 Albert Ottawa ON Canada K1R 1B1 Phone/ Tél.: 613‑563‑1236 Fax/Téléc.: 613‑563‑9745 www.aucc.ca [17] Mme Sargsyan a commencé son stage auprès de l’appelant en juillet 2007 plutôt qu’en août. Mme Lindhout a dit dans son témoignage que Mme Sargsyan avait demandé de commencer tôt, parce qu’elle n’était pas satisfaite de son travail à Montréal. Mme Lindhout a accepté qu’elle puisse commencer en juillet. [18] La bourse de 35 000 $ a été remise par l’AUCC à l’appelant en deux versements de 17 500 $. [19] L’appelant n’a pas suivi le calendrier de paiement établi dans la lettre transmise à Mme Sargsyan par l’AUCC, soit une tranche de 17 500 $ devant être versée en septembre et une seconde de 17 500 $ en janvier. L’appelant a plutôt fait à Mme Sargsyan des versements mensuels de 2 900 $, à l’exception du dernier versement mensuel qui totalisait 3 200 $. Mme Lindhout a affirmé dans son témoignage que l’appelant avait suivi ce calendrier de paiement parce que dans le passé les stagiaires avaient indiqué leur préférence pour des versements mensuels et que le MDN les avait payés de cette façon lorsqu’il administrait le programme de stages du FSD. [20] Afin que Mme Sargsyan puisse recevoir de l’appelant le second versement de 17 500 $, le programme de stages du FSD exigeait qu’elle présente un rapport portant sur ses réalisations durant le premier trimestre ou année de travail ainsi qu’un plan de travail pour le semestre suivant. Comme autre condition, le programme exigeait que Mme Sargsyan présente, à la fin de son stage, une thèse ou un compte rendu raisonnablement détaillé des recherches conduites durant son stage. Le rapport d’étape et le rapport final devaient être présentés à l’AUCC, laquelle devait retransmettre au MDN le rapport final au plus tard le 1er octobre 2008. Rien n’exigeait que les rapports soient présentés à l’appelant. [21] Mme Lindhout a dit dans son témoignage qu’elle n’avait jamais vu le plan de travail initial, celui de mi‑année ni le rapport final rédigés par Mme Sargsyan dans le cadre du programme de stages du FSD. Ils ont tous été transmis directement à l’AUCC par Mme Sargsyan. [22] Mme Lindhout a ajouté qu’elle a dit à Mme Sargsyan qu’aucune déduction ne serait faite à la source sur les versements mensuels et que Mme Sargsyan lui a répondu que cette façon de faire lui était acceptable. [23] Mme Lindhout a affirmé que les heures de travail de Mme Sargsyan n’étaient pas fixes. Elle a cependant dit que Mme Sargsyan était habituellement au bureau entre 9 et 17 h. Il n’y avait pas de registres de présence et personne chez l’appelant ne relevait la durée de ses présences. Elle a utilisé un ordinateur de bureau qui était cependant utilisé par d’autres stagiaires en son absence. L’appelant comptait plus de stagiaires et de bénévoles que d’ordinateurs. [24] Mme Lindhout a dit dans son témoignage qu’on avait confié à Mme Sargsyan, en tant que stagiaire employée par l’appelant, diverses tâches répondant aux objectifs du programme de stages du FSD. Ainsi : - Elle a été rédactrice en chef du bulletin d’information de l’organisme de l’appelant et a rédigé certains articles en matière de défense pour le bulletin : voir la pièce A‑1, onglet 11. Tous les stagiaires ont eu l’occasion d’écrire dans le bulletin; - Elle a rédigé les procès‑verbaux de certaines des tables rondes sur des enjeux touchant la sécurité et la défense. Les stagiaires n’étaient pas tenus d’assister à ces tables rondes, mais Mme Sargsyan a choisi d’y assister. Il avait été entendu que si les stagiaires y assistaient, ils devaient rédiger un rapport; - Elle a rédigé les procès‑verbaux des réunions du comité exécutif pour une période de six mois. Selon Mme Lindhout, sa présence au comité exécutif constituait une façon pour elle d’en apprendre plus sur la gouvernance au sein d’un organisme non gouvernemental; - Elle a participé au concours d’essai de l’appelant portant sur l’Afghanistan et s’adressant aux étudiants inscrits aux études supérieures, même si Mme Lindhout a dit que le rôle de Mme Sargsyan s’était limité à afficher l’avis de concours sur le site Web de l’appelant; - Elle a exécuté des tâches administratives comme répondre au téléphone, mais cela ne s’est pas produit souvent, et seulement lorsque l’adjointe administrative était absente. [25] Mme Lindhout a déclaré que le principal projet de Mme Sargsyan en tant que stagiaire a été l’implantation d’un bulletin d’information qui attirerait l’attention sur des événements survenant dans diverses parties du monde. Ce bulletin d’information présentait des analyses objectives sur l’actualité au Moyen‑Orient, en Afrique et partout dans le bloc euro‑atlantique et couvrant une gamme de sujets touchant la politique, l’économie, la sécurité et l’OTAN. Le bulletin d’information s’intitulait « In Focus Transatlantic » (In Focus). C’était l’idée de Mme Sargsyan et Mme Lindhout a approuvé sa publication sous le nom de l’appelant. [26] Mme Lindhout a dit qu’elle croyait que le bulletin d’information In Focus constituait un bon projet pour Mme Sargsyan étant donné que les sujets traités cadraient avec le programme de stages du FSD. Mme Sargsyan a produit 10 ou 11 éditions de In Focus et ce bulletin d’information a été distribué au MDN. [27] Mme Lindhout a également dit que même si le bulletin d’information In Focus était une très bonne idée, il s’agissait d’un type de bulletin d’information que l’appelant n’aurait pas publié en temps normal car il ne disposait pas de ressources suffisantes pour le faire. [28] Lorsqu’il lui a été demandé pourquoi la publication de In Focus avait continué après le départ de Mme Sargsyan, Mme Lindhout a répondu que les stagiaires qui avaient joint les rangs de l’appelant après Mme Sargsyan se sont montrés intéressés à continuer de le publier. Mme Lindhout a déclaré qu’elle n’hésiterait pas à cesser sa publication de In Focus si les stagiaires perdaient intérêt dans sa production. [29] Mme Lindhout a aussi dit lors de son témoignage que Mme Sargsyan avait assisté à certaines conférences dans le cadre du programme de stages du FSD, dont : - la 53e assemblée générale de l’ATA, organisée par l’appelant, du 31 octobre au 2 novembre 2007, à Ottawa. Selon Mme Lindhout, les responsabilités de Mme Sargsyan pour cette conférence consistaient à rechercher des documents d’information pour les participants et à apporter son soutien à la confection de la liste des délégations et à l’enregistrement des délégués. Elle a également assisté à la conférence. Les dépenses de Mme Sargsyan en relation avec la conférence ont été payées par le MDN, alors que l’appelant a acquitté le coût de certains repas; - le Forum sur la sécurité et la défense du ministère de la Défense nationale tenu à Ottawa le 4 mars 2008. Mme Lindhout a déclaré que Mme Sargsyan avait été invitée par le MDN, qui avait payé toutes ses dépenses; - une conférence tenue à Toronto, le 30 avril 2008, où ont été abordés des sujets traitant de paix et de sécurité au niveau international. Mme Sargsyan a rédigé un rapport en vue de sa publication. La conférence avait été organisée par l’appelant; - le Young Atlanticist Summit organisé par l’ATA, à Bucarest. L’ATA a financé une grande partie des dépenses engagées par Mme Sargsyan en relation avec l’événement, alors que l’appelant en a assumé une petite portion. [30] En contre‑interrogatoire, Mme Lindhout a déclaré qu’elle n’avait pas dit à Mme Sargsyan ce qu’elle devait écrire ni même quelle orientation devaient prendre ses textes. Mme Lindhout a témoigné qu’elle révisait le travail de Mme Sargsyan, plus particulièrement lorsqu’elle écrivait pour le compte de l’appelant, selon les attentes du conseil d’administration à cet égard. Elle a dit qu’elle transmettait ses commentaires à Mme Sargsyan dans un style de supervision académique. Elle a ajouté que Mme Sargsyan était inscrite au programme de stages du FSD pour apprendre et acquérir une certaine expérience pratique. [31] Mme Lindhout a dit que Mme Sargsyan fixait elle‑même les délais de publication de In Focus et du bulletin d’information de l’appelant. La seule préoccupation de Mme Lindhout était que les délais fixés pour les publications soient respectés. [32] Mme Lindhout a affirmé que Mme Sargsyan s’était absentée du bureau pour une période d’environ huit semaines et demie[2] : une semaine pour visiter sa sœur au New Jersey; une semaine de vacances avant le Sommet à Bucarest; une semaine en Italie; trois semaines et demie pour rejoindre son fiancé en Californie, à Noël (les bureaux de l’appelant étaient fermés durant deux de ces semaines). Mme Lindhout a dit qu’elle n’aurait pas autorisé une absence aussi prolongée à l’extérieur du bureau si Mme Sargsyan avait été une employée de l’appelant. [33] Sachant que la durée du programme de stages du FSD n’était que d’un an, le 21 janvier 2008, Mme Sargsyan a écrit à Mme Lindhout et à M. McKenna, un collègue de Mme Lindhout, disant qu’elle était très intéressée à présenter une demande d’acceptation pour le programme de boursier diplômé auprès du Conseil international du Canada (CIC). Elle demandait s’il leur était possible de revoir une proposition de recherche qu’elle avait préparée pour le CIC et s’ils seraient disposés à lui fournir des lettres de recommandation. [34] Mme Lindhout a communiqué ses commentaires sur la proposition de recherche et lui a fourni une lettre de recommandation à l’appui de sa demande au CIC. [35] Vers la fin du programme de stages du FSD en août 2008, Mme Sargsyan n’avait pas encore trouvé d’endroit pour travailler. Selon Mme Lindhout, Mme Sargsyan était très désespérée car elle n’avait pas trouvé d’emploi et n’avait pas été choisie pour le programme de boursier diplômé du CIC. Mme Sargsyan a demandé à Mme Lindhout si elle pouvait rester en poste auprès de l’appelant de façon à avoir la chance d’élaborer de nouvelles possibilités de décrocher un autre emploi. [36] L’appelant ne disposait pas des fonds nécessaires pour garder Mme Sargsyan à son emploi après la fin du programme de stages du FSD. Afin de faciliter la tâche de Mme Sargsyan, Mme Lindhout a cherché à obtenir pour elle la bourse de 10 000 $ de la Banque de Nouvelle‑Écosse qui n’avait pas encore été octroyée. Mme Lindhout s’est adressée au conseil d’administration de l’appelant et à demander à ce que la bourse soit accordée à Mme Sargsyan. Le conseil a accepté la demande de Mme Lindhout et Mme Sargsyan a pu demeurer auprès de l’appelant pour trois autres mois. [37] Après avoir quitté l’appelant au début d’octobre 2008, Mme Sargsyan a accepté un poste consistant en un contrat de recherche auprès du ministère des Collèges et Universités de l’Ontario, lequel a pris fin en mars 2009. [38] Mme Lindhout a déclaré dans son témoignage que Mme Sargsyan l’avait appelée (probablement aux environs du 27 mars 2009) pour lui demander si l’appelant pouvait préparer un relevé d’emploi (RE) indiquant qu’elle avait 12 heures d’emploi assurable. Mme Lindhout a signé ce RE le 27 mars 2009 : voir la pièce A‑1, onglet 13. Mme Sargsyan n’a pas mentionné à Mme Lindhout la raison pour laquelle elle voulait que le RE indique 12 heures. [39] Le 2 avril 2009, Mme Sargsyan a écrit un courriel à Mme Lindhout lui demandant de modifier le RE afin d’indiquer le nombre total de ses heures (1 855) ainsi que le montant total de sa rémunération assurable (20 800 $) auprès de l’appelant : voir la pièce A‑1, onglet 14. [40] À ce stade, Mme Lindhout a réalisé que si elle devait fournir à Mme Sargsyan un RE modifié comme Mme Sargsyan l’avait demandé, elle aurait à en aviser le conseil d’administration de l’appelant, car cela irait à l’encontre des pratiques antérieures de l’appelant. [41] Elle a donc transmis un RE modifié indiquant 1 855 heures, représentant 15 mois de travail, à raison de 35 heures par semaine, comme étant le nombre total d’heures d’emploi assurable et 0 comme étant le montant total de rémunération assurable, le tout accompagné d’une note indiquant ce qui suit : [traduction] […] Bien qu’elle ait travaillé 35 heures par semaine de façon régulière, aucune retenue n’a été faite parce que son poste était un stage financé par des bourses accordées par le ministère de la Défense nationale, pour une période de 12 mois, et par la Banque de Nouvelle‑Écosse, pour trois autres mois. Les sommes étaient avancées au Conseil Atlantique du Canada pour être versées mensuellement à Mme Sargsyan. [42] L’appelant a préparé un T4A pour Mme Sargsyan indiquant une somme de 26 000 $ de revenus autres pour l’année d’imposition 2008 et 17 400 $ pour l’année d’imposition 2007 : voir la pièce A‑1, onglet 9. Le 6 avril 2009, Mme Sargsyan a demandé que le T4A soit modifié par l’appelant afin d’y indiquer que le revenu figurant à la case 38 provenait d’une bourse : voir la pièce A‑1, onglet 17. [43] Mme Sargsyan a témoigné pour le compte de l’intimé. [44] Mme Sargsyan possède une maîtrise en sécurité internationale de l’Université de Denver. Elle a dit qu’elle avait soumis sa candidature au programme de stages du FSD en 2007. Afin d’être admissible au programme de stages du FSD, elle devait s’assurer qu’un organisme d’accueil était disposé à l’accepter comme stagiaire pour une période de 12 mois. L’objectif du programme était de favoriser les expériences pertinentes en milieu de travail afin de compléter ses études. [45] En ce qui concerne son travail durant son stage auprès de l’appelant, le témoignage livré par Mme Sargsyan est en grande partie semblable à celui de Mme Lindhout. Il existe cependant de légères différences dans la description des tâches qu’elle avait à accomplir et du temps qu’elle y avait consacré. Mme Sargsyan a également déclaré que tout le travail accompli était en lien avec les activités de l’appelant. Voici ce qu’elle a mentionné à titre d’exemples : - elle a établi les coûts associés à un concours d’essai sur l’Afghanistan s’adressant aux étudiants inscrits aux études supérieures, en a préparé le message Internet et a choisi les trois meilleurs essais; - son travail d’éditrice en chef des bulletins d’information de l’organisme et de ceux de In Focus; - son travail relativement à la tenue de la 53e assemblée générale de la conférence de l’ATA; - son travail relativement à diverses conférences; - des tâches administratives pour le compte de l’appelant. [46] En ce qui concerne le bulletin d’information In Focus, Mme Sargsyan a confirmé que c’était son projet principal en tant que stagiaire chez l’appelant et que l’idée de le produire était la sienne. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle ne détenait pas les droits d’auteur pour In Focus et que ceux‑ci appartenaient à l’appelant. [47] Elle a dit qu’avant de lancer le projet elle devait obtenir l’approbation de Mme Lindhout et que ce qu’elle réalisait devait l’être sous la direction de Mme Lindhout. [48] Elle a témoigné que Mme Lindhout était sa supérieure et qu’on s’attendait à ce qu’elle travaille de 9 h à 17 h, qu’elle devait être présente aux bureaux de l’appelant pour son travail et qu’elle devait demander l’autorisation pour les vacances à l’extérieur de son lieu de travail. [49] Elle a confirmé le témoignage de Mme Lindhout en ce qui concerne la durée de ses absences du bureau, mais elle dit qu’elle avait demandé l’autorisation de s’absenter. Elle a dit être demeurée une semaine de plus que prévu en Californie à Noël parce qu’elle avait souffert d’une infection à l’oreille et qu’elle ne pouvait prendre l’avion avant que son état de santé s’améliore. [50] Elle a déclaré qu’elle utilisait le mobilier, le téléphone, l’ordinateur et le télécopieur de l’appelant dans le cadre de son travail. Elle a dit qu’elle possédait son propre portable, mais qu’elle ne l’utilisait jamais dans le cadre de son travail au service de l’appelant. [51] Elle a déclaré qu’elle n’avait pas choisi d’être payée mensuellement et que cette méthode de versement avait été déterminée par l’appelant. Elle a aussi dit qu’elle n’avait pas de numéro de TPS et qu’elle n’avait pas réclamé de dépenses dans ses déclarations couvrant les années d’imposition 2007 et 2008. Elle a dit ne pas savoir ce qu’était un T4A et qu’il n’avait jamais été question de déductions à la source avec Mme Lindhout ou quiconque d’autre au service de l’appelant. [52] En ce qui concerne sa demande de boursier diplômé auprès du CIC, elle a déclaré qu’elle avait préparé sa demande et sa proposition de recherche en dehors des heures de travail pour le programme de stages du FSD. [53] En contre‑interrogatoire, elle a expliqué être déménagée au Canada en 2006 et avoir travaillé à Montréal pour le compte de International Jewellery avant de se joindre à l’appelant. Elle a expliqué ne pas avoir mentionné cette expérience de travail dans le curriculum vitae présenté à l’appelant parce qu’elle l’adapte selon les besoins. [54] Dans son témoignage, elle a dit qu’elle avait travaillé comme employée pour le compte de International Jewellery, et qu’elle était au courant que des retenues à la source étaient faites sur son salaire brut et qu’un T4 était délivré par International Jewellery en relation avec son emploi. [55] Lorsqu’on l’a interrogée à propos du contrat qu’elle avait signé avec l’AUCC, dans lequel était indiqué qu’elle acceptait une bourse de 35 000 $ et qu’un feuillet T4A serait délivré, elle a répondu que même s’il s’agissait d’une bourse, elle se considérait comme une employée. [56] Lorsqu’il lui a été demandé pourquoi elle avait demandé à Mme Lindhout de modifier la case 38 son feuillet T4A pour y ajouter la mention « bourse », elle a répondu que son comptable lui avait de le faire. [57] Elle a déclaré qu’après avoir quitté son emploi auprès de l’appelant, elle avait travaillé pour le ministère des collèges et universités de l’Ontario. Son contrat avec le ministère s’est terminé en mars 2009. Elle a par la suite présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi auprès de Services Canada, mais n’a pu en recevoir vu qu’il lui manquait 11 heures d’emploi assurable, ayant accumulé 899 heures d’emploi assurables, alors qu’elle devait en avoir 910. [58] Lorsqu’il lui a été demandé si c’était parce qu’elle avait besoin de 11 heures additionnelles pour répondre au critère lui donnant droit aux prestations d’assurance‑emploi qu’elle avait demandé à Mme Lindhout, à la fin mars 2009, de préparer un RE indiquant 12 heures d’emploi assurable, elle a dit qu’elle ne connaissait strictement rien à l’assurance‑emploi. Position de l’appelant [59] L’appelant soutient que les intentions des parties étaient claires. Mme Sargsyan a accepté l’offre présentée par l’AUCC en signant le formulaire d’acceptation le 11 juin 2007. Le contrat prévoyait que Mme Sargsyan recevrait 35 000 $ dans le cadre du programme de stages du FSD financé par le MDN : voir la pièce A‑1, onglet 6. Il prévoyait aussi qu’elle recevrait annuellement un feuillet T4A. [60] En vertu d’une des conditions du contrat, Mme Sargsyan devait présenter ses réalisations à l’AUCC pour recevoir son second versement de 17 500 $. Elle devait également rédiger un compte rendu détaillé des recherches entreprises ou remettre un exemplaire d’une thèse au terme de son stage. [61] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas reçu ces rapports et qu’il ne les avait pas examinés. L’appelant n’a pas su ce que Mme Sargsyan a déclaré par rapport à ses expériences de stage. Si elle avait été à son service, il aurait insisté pour voir les rapports rédigés par Mme Sargsyan avant leur transmission à l’AUCC. [62] L’avocat de l’appelant a souligné que l’appelant n’avait rien conservé de la bourse totalisant 35 000 $. La somme a été remise en entier à Mme Sargsyan. Selon lui, le rôle de l’appelant s’est limité à agir comme organisme d’accueil dans le cadre du programme de stages du FSD de façon à permettre à Mme Sargsyan d’acquérir une expérience de travail pertinente. Il a rappelé qu’il s’agissait d’une bourse et qu’en conséquence il n’existait pas de contrat d’emploi entre l’appelant et Mme Sargsyan. [63] L’appelant a souligné que la majorité des dépenses de Mme Sargsyan encourues lors de conférence ont été payées soit par le MDN, soit par d’autres organisations, l’appelant n’en payant qu’une modeste portion. Du point de vue de l’appelant, il s’agit là d’un autre facteur indiquant qu’elle n’était pas une employée. [64] En ce qui concerne le contrôle, l’avocat de l’appelant soutient que si Mme Sargsyan avait été une employée, elle n’aurait pas pu s’absenter du bureau pour des périodes aussi longues et elle n’aurait pas assisté à des conférences n’apportant aucun bénéfice direct à l’appelant. [65] En matière de contrôle, l’avocat de l’appelant a également soutenu que Mme Sargsyan avait bénéficié d’une souplesse considérable dans le choix du travail qu’elle a accompli. Elle a lancé et mis en place le bulletin d’information In Focus qui était en accord avec le programme de stages du FSD. [66] L’avocat a soutenu que Mme Sargsyan avait tenté par son témoignage de redéfinir sa relation avec l’appelant. À titre d’exemple, il rappelle la demande faite à Mme Lindhout de préparer un relevé d’emploi indiquant 12 heures pour lui permettre de satisfaire aux critères de l’assurance‑emploi. [67] L’avocat a affirmé qu’en raison des nombreux points de contradiction entre les témoignages de Mme Lindhout et de Mme Sargsyan, la question de la crédibilité était déterminante dans le cadre des présents pourvois. [68] À titre subsidiaire, l’avocat a fait valoir que si je déterminais que Mme Sargsyan était une employée, elle n’occuperait pas un « emploi assurable » au sens de la LAE, mais exercerait plutôt un emploi exclu aux termes de l’alinéa 5(2)a) de la LAE et n’occuperait pas un emploi ouvrant droit à pension en vertu de l’alinéa 6(2)(b) du RPC. Position de l’intimé [69] L’intimé a soutenu que Mme Sargsyan était employée en vertu d’un contrat de louage de services alors qu’elle travaillait pour le compte de l’appelant. [70] L’avocat de l’intimé a fait valoir que les parties n’avaient aucune compréhension commune de leurs intentions. De toute façon, il a soutenu que si je devais conclure que l’intention des parties n’était pas de convenir d’un contrat de louage de services, cette intention n’était pas étayée par les faits. Selon l’intimé, il importe peu qu’il se soit agi d’un stage ou d’une bourse d’études. Ce qui importe, ce sont les faits entourant la relation établie entre l’appelant et Mme Sargsyan. [71] L’intimé soutient que l’appelant exerçait un degré élevé de contrôle sur Mme Sargsyan. Elle devait être présente au bureau de 9 h à 17 h. Elle était sous la supervision directe de Mme Lindhout : voir pièce R‑1, onglet 1. [72] Le travail qu’elle a accompli l’a été au profit de l’appelant : elle a travaillé sur le concours d’essai, a contribué aux bulletins d’information de l’organisme et de In Focus, a assisté à des conférences et y à travailler, et a accompli des tâches administratives. [73] Elle utilisait l’ordinateur et les fournitures de bureau de l’appelant. [74] Elle ne payait pas ses dépenses et n’aurait pas pu tirer un profit de ses activités. [75] Le mode de rémunération a été déterminé par l’appelant qui a décidé de payer Mme Sargsyan mensuellement, et non en deux versements de 17 500 $ tel que prévu par le programme de stages du FSD. [76] Mme Sargsyan a continué de travailler pour l’appelant après la fin de son stage effectué dans le cadre du programme de stages du FSD. [77] En ce qui a trait au critère appliqué pour déterminer s’il s’agit d’un contrat de louage de services ou un contrat de services, l’avocat a cité, à l’intention de la Cour, la décision Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 et l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59. Il a également renvoyé la Cour aux arrêts Équipe de ski capitale nationale outaouais c. Canada, 2008 CAF 132 et Mondo‑Tech Inc. c. Canada, 2003 CAF 62, comme étant des exemples de décisions traitant de programmes gouvernementaux semblables où on a conclu à l’existence d’une relation entre un employé et son employeur. Analyse [78] Dans le cadre des présents appels, je dois déterminer si Mme Sargsyan était une employée de l’appelant. Si je conclus par l’affirmative, il s’ensuit qu’elle a occupé un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et que cet emploi ouvrait droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC. [79] Le droit n’est pas en cause dans les présents appels. Le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer l’existence d’une relation employé‑employeur est établi de longue date. Au paragraphe 47 de l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada, le juge Major, s’exprimant pour la Cour suprême du Canada, a repris les principes énoncés par le juge MacGuigan dans Wiebe Door en déclarant ce qui suit : 47 Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. [80] La nature de la relation entre l’appelant et Mme Sargsyan a fait l’objet des témoignages détaillés, et à l’occasion contradictoires, de Mme Sargsyan et de Mme Lindhout. Certaines des contradictions dans les témoignages concernent des points cruciaux. Lorsqu’il s’agit d’évaluer la version des témoins, je tiens compte de la mise en garde formulée par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’arrêt Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, p. 359, suivant laquelle la Cour doit examiner la véridicité de la version d’un témoin en tenant compte du contexte des circonstances qui l’ont entourée. Selon les termes de cette Cour : [traduction] Bref, le véritable critère applicable à la véridicité de la version du témoin dans un tel cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnable dans le lieu et la situation en question. [81] À mon avis, Mme Lindhout a été le témoin le plus crédible. Elle s’est montrée solide comme témoin, ses réponses étaient précises et pertinentes, aussi bien lors de son interrogatoire principal qu’en contre‑interrogatoire. Par ailleurs, Mme Sargsyan s’est montrée à l’occasion évasive en contre‑interrogatoire; elle n’a pas répondu directement aux questions qui lui ont été posées. Fait plus important, j’estime que le témoignage de Mme Lindhout reflétait davantage les circonstances entourant les événements, y compris la preuve écrite. [82] La preuve écrite étaye le témoignage de Mme Lindhout. L’objectif du programme de stages du FSD était de permettre aux stagiaires d’acquérir une expérience de travail pertinente et de compléter leurs études. La bourse du programme des stages du FSD était offerte par l’AUCC et non par l’appelant. Ce dernier jouait le rôle d’organisme d’accueil dans le cadre du programme. [83] Le contrat intervenu entre l’AUCC et Mme Sargsyan fait clairement état d’un arrangement relatif à une bourse d’études et il y est indiqué qu’un feuillet T4A sera transmis à Mme Sargsyan à la fin de chaque année d’imposition. Selon les termes du contrat, Mme Sargsyan devait rendre compte à l’AUCC, et non à l’appelant, de ses réalisations auprès de l’appelant afin de recevoir la bourse d’études de 35 000 $. Une clause du contrat prévoyait également que Mme Sargsyan était tenue de remettre la bourse d’études à l’AUCC si elle se retirait du programme. [84] En signant le contrat le 11 juin 2007, Mme Sargsyan savait donc que les 35 000 $ lui étaient versés à titre de bourse d’études. Elle savait aussi que l’appelant ne jouait que le rôle d’organisme d’accueil. [85] En dépit de ce contrat écrit, Mme Sargsyan a soutenu qu’elle était une employée de l’appelant. [86] Dans son témoignage, Mme Sargsyan a déclaré qu’elle était sous la supervision directe de Mme Lindhout et qu’elle ne pouvait rien faire sans son accord. Elle a dit qu’elle était tenue de travailler aux bureaux de l’appelant et que ses heures de travail étaient de 9 h à 17 h. Elle a aussi dit qu’elle devait aviser Mme Lindhout pour s’absenter du bureau. [87] Mme Lindhout a par ailleurs témoigné qu’elle avait supervisé Mme Sargsyan sur le plan académique. Elle a examiné les documents rédigés par Mme Sargsyan qui devaient être publiés sous le nom de l’appelant. Elle a cependant ajouté qu’elle n’a jamais indiqué à Mme Sargsyan de sujets ni comment les écrire. Elle était surtout intéressée par le produit final. Mme Sargsyan fixait ses propres échéanciers, qu’elle a respectés. [88] Mme Lindhout a de plus dit que Mme Sargsyan n’était pas tenue de travailler dans les bureaux de l’appelant et qu’elle n’a pas contrôlé les heures de Mme Sargsyan. Aucun registre des présences n’a été tenu. [89] Mme Sargsyan a aussi souligné que tout le travail qu’elle avait réalisé était au profit de l’appelant : elle a participé à la préparation de conférences, a travaillé sur le bulletin d’information de l’organisme et de In Focus. À son avis, elle n’a tiré aucun profit d’un point de vue académique du temps qu’elle a passé auprès de l’appelant. [90] Sur ce point, le témoignage de Mme Lindhout diffère de celui rendu par Mme Sargsyan. À son avis, le programme de stages du FSD a profité à Mme Sargsyan. Elle a dit que l’objectif du programme de stages du FSD était de procurer aux stagiaires une expérience pratique d’apprentissage de façon à permettre la présentation de leur candidature à des postes en matière de politiques ou à un doctorat. [91] Je suis convaincue que Mme Lindhout a décrit de façon plus précise le travail et la supervision qu’elle en a effectuée. Bien qu’il soit évident que l’appelant a profité de la présence au bureau de Mme Sargsyan pour y effecteur son travail, j’estime que l’objectif de la bourse d’études était d’aider Mme Sargsyan dans son développement. L’appelant a su reconnaître qu’elle n’était pas une employée, et il a accordé à Mme Sargsyan un degré passablement élevé d’autonomie et de souplesse pour le travail qu’elle avait à accomplir. [92] De plus, je ne considère pas crédible le témoignage de Mme Sargsyan en ce qui a trait à l’assurance‑emploi ni son explication concernant sa demande d’un RE modifié. Il semble qu’elle tentait après le fait de redéfinir sa relation avec l’appelant de façon à répondre aux critères d’admissibilité au bénéfice de prestations d’assurance‑emploi. [93] Mme Lindhout a témoigné qu’elle avait dit à Mme Sargsyan que l’appelant ne ferait aucune retenue à la source sur les fonds de la bourse d’études et Mme Sargsyan avait indiqué que cette façon de faire lui convenait. [94] Par ailleurs, dans son témoignage, Mme Sargsyan a déclaré qu’elle n’avait jamais discuté de la question des retenues à la source avec quiconque chez l’appelant, et qu’elle croyait donc être une employée. Elle a aussi soutenu qu’elle n’était pas au courant du fonctionnement du système d’assurance emploi. [95] Avant d’accepter la bourse d’études du programme de stages du FSD, Mme Sargsyan avait cependant travaillé pendant presque un an comme employée de International Jewellery, où son salaire était assujetti à des retenues à la source. Il est difficile d’admettre qu’elle ne se soit pas rendu compte de l’absence de retenue à la source sur les versements de bourse d’études qui lui ont été faits. [96] Lorsqu’on l’a interrogée sur les raisons pour lesquelles elle avait demandé à Mme Lindhout de modifier son feuillet T4A pour y indiquer qu’elle avait reçu les 35 000 $ comme bourse d’études, elle a répondu qu’elle l’avait fait sur les recommandations de son comptable. [97] Toutefois, à peu près à la même époque à laquelle elle a demandé à Mme Lindhout d’ajouter sur son feuillet T4A une référence à la bourse d’études, elle lui a aussi demandé de préparer un RE indiquant 12 heures d’emploi assurable. Lorsqu’on l’a interrogée en contre‑interrogatoire sur les raisons pour lesquelles elle avait demandé à Mme Lindhout de préparer un RE indiquant 12 heures, elle n’a pas répondu directement, mais elle a encore une fois prétendu ne pas être familière avec le système d’assurance‑emploi. Il semble cependant logique de conclure qu’elle savait à ce stade que 11 heures lui étaient nécessaires pour avoir droit au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi. [98] Lorsque Service Canada lui a plus tard appris que la période d’emploi indiquée sur le RE ne correspondait pas à ses heures d’emploi assurable, Mme Sargsyan a demandé à l’appelant un autre RE reflétant le nombre réel d’heures consacrées à son emploi chez l’appelant. Cette demande était encore une fois compatible avec les efforts déployés pour obtenir le droit au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi et démontrait à tout le moins une connaissance passagère du système de l’assurance‑emploi. [99] Je ne crois donc pas que Mme Sargsyan ne savait pas ce qu’elle faisait lorsqu’elle a demandé à Mme Lindhout de préparer le premier et le deuxième RE. Elle tentait d’obtenir des prestations d’assurance‑emploi et, pour y arriver, elle devait redéfinir sa relation avec l’appelant, pour passer d’une relation de stagiaire bénéficiant d’une bourse d’études à celle d’employée. [100] L’intimé a cité l’arrêt Mondo‑Tech International Inc. (Mondo‑Tech) c. Canada, 2003 CAF 62, dans lequel il a été jugé qu’un stagiaire se trouvait dans une relation d’employé. Les faits dans cette affaire se distinguent cependant de la présente espèce. [101] Dans Mondo‑Tech, la société Mondo‑Tech a soumis une proposition de subvention à l’ACDI dans le but de réaliser un projet de stages internationaux pour les jeunes. En vertu de la convention intervenue entre l’ACDI et Mondo‑Tech, cette dernière était responsable de l’implantation et de la gestion du projet. Mondo‑Tech était également chargée de trouver un organisme pour parrainer le projet. Métalec était une cliente de Mondo‑Tech. Elle exploitait une entreprise de fabrication de portes métalliques et était intéressée à vendre ses produits en Amérique du Sud. Métalec a accepté de parrainer le projet. Une convention tripartite a été signée par Mondo‑Tech, Métalec et le travailleur. La convention avait pour objet un stage en gestion de projet international en Uruguay. La convention prévoyait que le travailleur travaillerait à Montréal et, par la suite, en Uruguay; il devait faire de la recherche et du développement en communiquant avec diverses entreprises et en visitant divers sites afin de faire la promotion des produits de Métalec. Métalec était désignée comme le parrain et avait la responsabilité d’offrir la formation et de fournir des outils de bureau. [102] Mondo‑Tech avait le pouvoir, purement discrétionnaire, de mettre un terme à l’emploi du travailleur. La Cour d’appel fédérale a conclu que le travailleur était un employé de Mondo‑Tech. [103] À mon avis, la décision rendue dans l’arrêt Mondo–Tech n’est pas favorable à l’intimé. Dans les présents appels : - c’est Mme Sargsyan qui a demandé la bourse d’études et elle avait la responsabilité de trouver un organisme d’accueil. Par ailleurs, Mondo‑Tech a présenté une proposition à l’ACDI et avait la responsabilité de trouver une société d’accueil; - l’AUCC était responsable de l’administration et de la gestion du programme de stages du FSD. Mondo–Tech était responsable de l’administration et de la gestion de la convention; - le contrat est intervenu entre Mme Sargsyan et l’AUCC, l’appelant n’y était pas partie. Mondo‑Tech était partie aux deux conventions, l’une avec l’ACDU, et l’autre avec le travailleur et Métalec; - les rapports écrits rédigés par Mme Sargsyan durant son stage devaient être présentés à l’AUCC, et non à l’appelant. Dans le cas de Mondo‑Tech, les rapports rédigés par le travailleur devaient être présentés à Mondo‑Tech; - en vertu du contrat, si Mme Sargsyan devait se retirer du programme de stages du FSD, elle était tenue de rembourser l’AUCC, et non l’appelant. Dans le cas de Mondo‑Tech, si le travailleur abandonnait le stage, les montants reçus devaient être remboursés à Mondo‑Tech. [104] À certains égards, la position de Métalec en tant que parrain était la même que celle de l’appelant en tant qu’organisme d’accueil. [105] À mon avis, il est plus intéressant de lire la décision rendue par la juge Lamarre‑Proulx dans l’affaire Université de Montréal c. Ministre du Revenu national, 2005 CCI 499, où elle aborde la question de savoir si un travailleur ayant reçu une bourse d’études était assujetti à un contrat de louage de services. Voici ce qu’elle affirme aux paragraphes 28 et 31 de ses motifs : 28 […] Bien rarement, une bourse peut‑elle être considérée comme un salaire. Il faut des circonstances particulières de lien de subordination dans une relation de travail. Dans la présente affaire, il n’y a pas de signature d’un contrat de travail. Il y a eu une demande de participer à un programme de maîtrise et il y a eu acceptation de la candidature. L’admission au programme de maîtrise signifiait l’octroi d’une bourse. Cette bourse est de la nature d’une assistance financière pour promouvoir les aptitudes à la recherche et la qualité de la recherche et nullement de la nature d’un salaire dans le cadre d’un contrat de travail. 31 Le programme décrit tant par les témoins de l’appelante que par l’intervenant, est un programme qui a comme objet un stage dans une entreprise pharmaceutique pour des fins d’expérience de travail pratique dans un contexte d’études universitaires. Les différentes obligations décrites sont celles de professeurs et d’étudiants et non d’employeurs et d’employés. [106] Il en va de même dans le cadre des présents appels. Mme Sargsyan a présenté sa candidature au programme de stages du FSD. Le programme est financé par le MDN et géré par l’AUCC. Le formulaire d’acceptation et le contrat concernant la bourse d’études ont été signés par l’AUCC et par Mme Sargsyan. La bourse a été octroyée à Mme Sargsyan pour lui permettre d’acquérir une expérience de travail pertinente de façon à l’aider à trouver un poste en matière de politiques ou d’entreprendre un doctorat. Le rôle de l’appelant s’est limité à celui d’organisme d’accueil. En dépit du témoignage de Mme Sargsyan, à la lumière des éléments de preuve documentaire présentés et des témoignages entendus à l’instruction, je suis d’avis qu’il n’y avait pas de contrat de louage de services entre l’appelant et Mme Sargsyan. [107] L’examen des faits à travers le prisme des facteurs énumérés dans l’arrêt Wiebe Door ne change rien à ma conclusion. Contrôle [108] J’ai déjà abordé la question du contrôle aux paragraphes 86 à 91 de mes motifs. Outils [109] Mme Sargsyan utilisait l’ordinateur et l’équipement de bureau fournis par l’appelant. Lorsqu’elle était absente du bureau, l’ordinateur était utilisé par d’autres stagiaires et par de bénévoles, car il y avait plus de personnel que d’ordinateurs. Degré de risque financier encouru [110] Mme Sargsyan n’a pris aucun risque financier. Par ailleurs, l’appelant n’a pas non plus engagé de dépense en accueillant un stagiaire. L’appelant a remis à Mme Sargsyan la totalité de la bourse de 35 000 $ versée par le MDN via l’AUCC. La plupart des dépenses liées aux conférences auxquelles Mme Sargsyan a assisté tout au long du programme de stages du FSD ont été payées par d’autres organismes, laissant à l’appelant l’obligation de payer une petite partie seulement de ces dépenses. Le critère de l’intégration [111] Mme Sargsyan savait que son séjour auprès de l’appelant était prévu pour une durée prédéterminée afin d’acquérir de l’expérience pratique en relation avec ses études. Le programme de stages du FSD a fondamentalement été conçu pour son bénéfice, et non pour celui de l’organisme d’accueil. [112] Comme le soulignait lord Wright dans Montreal Locomotive[3], les quatre critères devraient être combinés et intégrés afin d’interpréter l’ensemble de la transaction. Examinant la transaction dans son ensemble, je conclus que les sommes reçues par Mme Sargsyan tenaient de la nature d’une bourse d’études ou d’une aide financière et ne constituaient pas une rémunération pour des services fournis. [113] Comme je l’ai dit précédemment, je suis d’avis que lorsque Mme Sargsyan a accepté les fonds constituant la bourse d’études, elle savait que sa relation avec l’appelant n’était pas une relation d’employée‑employeur. [114] Compte tenu de ma conclusion, je ne juge pas nécessaire d’analyser l’argument subsidiaire de l’appelant selon lequel Mme Sargsyan exerçait un emploi visé par une exception aux termes des alinéas 5(2)a) de la LAE et 6(2)b) du RPC. [115] Les appels sont accueillis. Fait à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Johanne D’Auray » La juge D’Auray Traduction certifiée conforme. Ce 30e jour de mars 2012. Jean-Jacques Goulet, LL.L., traducteur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 13 NO DE DOSSIER DE LA COUR : 2010‑2905(EI) et 2010‑2933(CPP) INTITULÉ : LE CONSEIL ATLANTIQUE DU CANADA ‑ THE ATLANTIC COUNCIL OF CANADA c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 23 août 2011 MOTIFS DE JUGEMENT MODIFIÉS : L’honorable juge Johanne D’Auray DATE DES MOTIFS DE JUGEMENT MODIFIÉS : Le 9 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelant : Harry R. Burkman Avocat de l’intimé : Tony Cheung AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Harry R. Burkman Firme : Law Office of Larry R. Burkman Toronto (Ontario) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L’appelant figurait dans l’annexe A en tant qu’organisme éligible. [2] J’éprouve certaines difficultés à comprendre comment Mme Lindhout arrive à 8½ semaines, à moins qu’elle n’inclue le temps passé à des conférences. De toute façon, cela n’a aucun incidence sur ma décision. [3] Montreal (City) c. Montreal Locomotive Works Ltd. [1946] 3 W.W.R. 748.
2012 CCI 130
TCC
2,011
Poirier c. La Reine
fr
2011-06-21
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30781/index.do
2022-09-03
Poirier c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-06-21 Référence neutre 2012 CCI 130 Numéro de dossier 2009-452(IT)G Juges et Officiers taxateurs Louise Rochon Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-452(IT)G ENTRE : SYLVAIN POIRIER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, et NANCY McCLURE, tierce partie. CERTIFICAT DE TAXATION DES DÉPENS JE CERTIFIE que j'ai taxé les dépens entre parties de la tierce partie dans cette instance en vertu du paragraphe 153(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), et J'ACCORDE LA SOMME DE 3 652,60 $. Signé à Ottawa (Ontario), ce 24e jour d’avril 2012. « Louise Rochon » Officier taxateur Référence : 2012 CCI 130 Date : 20120424 Dossier : 2009­452(IT)G ENTRE : SYLVAIN POIRIER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, et NANCY McCLURE, tierce partie. MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS Louise Rochon, O.T., C.C.I. [1] Le 21 juin 2011, l’honorable juge Jorré de la Cour a rejeté l’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2007 et ordonné que l’appelant paie les frais de l’intimée et de la tierce partie selon le Tarif B de l’Annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). [2] La taxation du mémoire de frais de la tierce partie a été entendue par conférence téléphonique le mercredi 16 novembre 2011. L’appelant agissait pour lui-même et la tierce partie était représentée par Me Sylvie Leduc. [3] Lors de l’audition de la taxation, la procureure de la tierce partie a indiqué que les montants inscrits dans son mémoire de frais reflétaient ceux figurant aux Tarifs A et B de l’Annexe II des Règles et que tous les montants réclamés étaient justifiés et conformes à une instance de catégorie B. [4] Le mémoire de frais de la tierce partie est représenté ci-dessous sous forme sommaire. Honoraires judiciaires 1(1)a) Services fournis non rémunérés 525,00 $ 1(1)b) Communication de documents 150,00 $ 1(1)g) Préparation de l’audience 625,00 $ 1(1)h) Journée d’audience du 29 mars 2010 1 500,00 $ 1(1)i) Services fournis après le prononcé du jugement 300,00 $ 1(1)c) Taxation des dépens 525,00 $ TOTAL DES HONORAIRES 3 625,00 $ Déboursés 1(2) Photocopies : 138 pages 27,60 $ TOTAL DES DÉBOURSÉS 27,60 $ TOTAL DES HONORAIRES ET DÉBOURSÉS 3 652,60 $ [5] Les montants réclamés en vertu des alinéas 1(1)a), b), c), g), h) et i) du Tarif B sont tous contestés. [6] L’appelant conteste particulièrement le montant réclamé à l’alinéa 1(1)a). Selon son interprétation du Tarif B, cette somme n’est pas admissible puisque d’autres sommes sont énumérées et réclamées dans le mémoire de frais. Pour l’ensemble des honoraires judiciaires réclamés, le litige porte principalement sur la catégorie d’instance qui s’applique aux fins du Tarif B dans le cadre de la préparation du mémoire de frais. La tierce partie a présenté un mémoire de frais conformément à une instance de catégorie B, s’élevant à 3 652,60 $. L’appelant soutient que son appel correspond à une instance de catégorie A. Le même mémoire de frais préparé selon une instance de catégorie A s’élèverait à 2 327,60 $. [7] L’appelant ne conteste pas le montant demandé en vertu du Tarif B pour les débours. Ce montant sera accordé tel que réclamé. Contexte - Article 174 de la Loi [8] Avant d’aller plus loin, je considère nécessaire à ce moment-ci de faire un bref historique des évènements afin de comprendre pourquoi il y a une tierce partie liée à l’appel. [9] Le 10 février 2009, l’appelant a déposé un avis d’appel à l’encontre de la cotisation établie à son égard pour l’année d’imposition 2007. Cet appel a été déposé comme une instance de catégorie A. [10] L’article 174 de la Loi prévoit que, lorsque le ministre du Revenu national (le « Ministre ») est d’avis qu’une même opération ou un même événement ou qu’une série d’opérations ou d’événements a donné naissance à une question de droit, de fait ou de droit et de fait qui se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables, il peut demander à la Cour canadienne de l’impôt de se prononcer sur la question. La demande doit faire état de la question au sujet de laquelle le Ministre demande une décision ainsi que des noms des contribuables que le Ministre désire voir liés par la décision relative à cette question. [11] Le 4 juin 2009, l’intimée s’est prévalue de cette disposition et a déposé une demande de renvoi en vertu de l’article 174 de la Loi, en précisant les questions à l’égard desquelles une décision était demandée et en identifiant les contribuables qui devaient être liés par la décision prononcée par la Cour, soit Sylvain Poirier, l’appelant, et Nancy McClure, la tierce partie. [12] Par ordonnance datée du 17 août 2009, la Cour a joint Nancy McClure à l’appel de l’appelant en plus d’établir un échéancier des étapes préliminaires que les parties devaient compléter avant la tenue de l’audition de la demande de renvoi aux fins d’obtenir une décision sur les questions posées. Alinéa 1(1)a) du Tarif B – Services fournis avant interrogatoire [13] Selon son interprétation du Tarif B, l’appelant considère que la somme réclamée à l’alinéa 1(1)a) du Tarif B n’est pas admissible puisque d’autres sommes sont énumérées et réclamées dans le mémoire de frais aux alinéas 1(1)b), c), g), h) et i). Toutefois, l’appelant soutient que, si cette réclamation était admissible, le montant accordé devrait être de 350 $ et non de 525 $ puisqu’il s’agit d’une instance de catégorie A et non de catégorie B. [14] La procureure de la tierce partie soutient que cette réclamation couvre tous les services rendus avant la date prévue pour la tenue d’un interrogatoire préalable, particulièrement la préparation et le dépôt de l’exposé de la tierce partie quant à l’avis d’appel et la Réponse modifiée à l’avis d’appel. Elle affirme que, bien qu’il n’y ait pas eu lieu de tenir un interrogatoire préalable, des services ont été rendus avant cette date. [15] L’alinéa 1(1)a) du Tarif B des Règles prévoit qu’une somme au montant de 350 $ peut être accordée pour une instance de catégorie A, de 525 $ pour une instance de catégorie B et de 700 $ pour une instance de catégorie C pour tous les services des avocats fournis avant l’interrogatoire préalable qui ne sont pas par ailleurs énumérés aux alinéas b) à i). [16] À la lecture de l’exposé de la tierce partie admettant ou niant les allégations contenues dans l’avis d’appel et la Réponse modifiée à l’avis d’appel, lequel exposé a été déposé et signifié par la tierce partie le 16 septembre 2009, je considère la réclamation pour services fournis avant la date prévue pour la tenue d’un interrogatoire préalable justifiée. Il ne reste qu’à déterminer la somme qui sera accordée en tenant compte de la catégorie d’instance applicable au Tarif B. Instance de catégorie A ou de catégorie B [17] Compte tenu de la somme en litige, l’appelant soutient que son appel correspond à une instance de catégorie A et non de catégorie B, tel que prévue au Tarif A de l’Annexe II des Règles. L’appelant soutient que, pour chacune des réclamations dans le mémoire de frais, il faudrait tenir compte du fait que l’instance en est une de catégorie A. Pour cette raison, l’appelant a indiqué qu’il accepterait de payer les frais suivants : 100 $ pour la communication de documents, 350 $ pour la préparation de l’audience, 1 000 $ pour la journée d’audience, 150 $ pour les services fournis après le prononcé du jugement et 27,60 $ pour les frais de photocopies, pour un grand total de 1 627,60 $. [18] Quand au renvoi sous l’article 174 de la Loi, l’appelant a indiqué avoir eu des discussions avec la représentante de l’intimée quelques semaines avant le dépôt de la demande de renvoi le 4 juin 2009. Cette dernière lui aurait expliqué qu’elle devait faire intervenir la tierce partie et elle lui aurait demandé s’il s’opposait à cette demande. L’appelant affirme avoir convenu à l’époque de ne pas s’objecter à la demande de renvoi à condition que le tout se fasse sans frais. L’appelant a fait remarquer qu’il n’y a aucune conclusion quant aux dépens dans la demande de renvoi de l’intimée datée du 4 juin 2009 ni dans l’ordonnance du juge en chef Rip datée du 17 août 2009. Il soutient qu’il aurait été absurde qu’il consente à être condamné à des frais sur la base d’une requête à laquelle il aurait consenti. L’appelant indique que le procureur de l’intimée présentement au dossier aurait respecté cette entente et produit un mémoire de frais fondé sur une instance de catégorie A et non de catégorie B. [19] En réponse, la procureure de la tierce partie soutient que sa cliente a été amenée à intervenir dans ce débat à la suite de la demande de renvoi faite en vertu de l’article 174 de la Loi. Se référant au sous-alinéa 1.b)(iii) du Tarif A de l’Annexe II des Règles, elle a indiqué qu’une demande de renvoi faite en vertu de l’article 174 de la Loi est définie comme une instance de catégorie B. C’est pourquoi elle a appliqué au Tarif B les montants d’une instance de catégorie B pour les réclamations identifiées aux alinéas 1(1)a), b), c), g), h) et i). Elle maintient que les montants réclamés dans son mémoire de frais reflétaient ceux figurant aux Tarifs A et B de l’Annexe II des Règles et que tous les montants étaient justifiés et conformes à une instance de catégorie B. [20] En réponse au commentaire à l’effet qu’il y aurait eu, à l’époque, entente entre l’appelant et l’intimée sur la catégorie d’instance à appliquer suivant la demande de renvoi, la procureure de la tierce partie affirme que c’est du ouï-dire et qu’il n’y a aucune preuve de cette entente. Le fait qu’il n’y a aucune mention des frais dans la requête du 4 juin 2009 ou dans l’ordonnance du 17 août 2009 n’est aucunement une indication que la tierce partie n’a pas droit à ses frais. Elle soutient que le mémoire de frais de la tierce partie a été produit conformément au jugement du juge Jorré et que les montants réclamés sont conformes à l’Annexe II, catégorie B. [21] Les sections 21 à 24 des Règles sont énumérées sous l’entête ‘Introduction d’instance’. L’article 21 se lit en partie comme suit : 21.(1) Toute instance régie par la procédure générale prévue dans la Loi (ici la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt) s’introduit par dépôt au greffe d’un acte introductif d’instance établi selon l’une des formules suivantes : [ … ] c) formule 21(1)c) en cas de demande prévue à l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu, [ … ] [22] L’article 1 du Tarif A de l’Annexe II sert à définir les catégories d’instances introduites devant la Cour. Selon le sous‑alinéa 1.b)(iii) du Tarif A des Règles, une demande de renvoi présentée en vertu de l’article 174 de la Loi est clairement identifiée comme étant une instance distincte et cette instance est définie comme étant une instance de catégorie B. [23] Je crois qu’il est important de mentionner qu’une demande de renvoi est un processus qui ne vise pas uniquement à déterminer s’il y a lieu de lier à l’instance un ou plusieurs contribuables. La Cour doit également statuer sur la question posée dans la demande de renvoi. [24] Après examen du dossier, je constate que l’ordonnance datée du 7 décembre 2009 fixait au 29 mars 2010 l’audition de la demande aux fins d’obtenir une décision sur les questions posées par l’intimée ainsi que l’audition de l’appel. À la lecture du jugement de l’honorable juge Jorré, je constate qu’il a en premier lieu statué sur les questions à l’égard desquelles une décision était demandée par l’intimée dans la demande de renvoi pour ensuite rendre une décision à l’égard de l’appel même. [25] Quant à l’accord qui serait intervenu entre l’appelant et la partie intimée avant le dépôt de la demande de renvoi en juin 2009, il n’y a aucune preuve d’une entente à cet effet devant moi. Par ailleurs, même s’il y avait eu entente, elle n’a aucune incidence sur le présent litige. L’article 154 des Règles détermine les pouvoirs conférés à l’officier taxateur dans sa discrétion pour l’attribution des dépens : 154. Lorsque les dépens entre parties doivent être taxés, l’officier taxateur taxe et détermine les montants conformément au Tarif B de l’Annexe II et tient compte : […] e) de toute autre question qu’il doit prendre en considération conformément aux directives de la Cour. [26] Suivant ce cadre, l’officier taxateur ne peut, en allouant des frais ou des débours, contrevenir à une décision de la Cour ou aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt. Bien que l’appel déposé par l’appelant correspond à une instance de catégorie A, je constate que la tierce partie a été jointe à l’instance suite à la demande de renvoi faite en vertu de l’article 174 de la Loi. Il est déjà établi qu’une demande de renvoi est une instance de catégorie B. En l’absence d’une directive de la Cour, je dois considérer cette instance comme une instance de catégorie B. [27] Après avoir pris connaissance du dossier de la Cour, du jugement de l’honorable juge Jorré, ainsi que des arguments des parties, je suis d’avis que les dépens réclamés dans le mémoire de frais pour les services des avocats sont ceux prévus au Tarif B et selon la catégorie d’instance appropriée. Je considère également la réclamation pour services fournis avant la date prévue pour la tenue d’un interrogatoire préalable justifiée. [28] Le mémoire de frais de la tierce partie est taxé et j’accorde la somme de 3 652,60 $. Signé à Ottawa (Ontario), ce 24e jour d’avril 2012. « Louise Rochon » Officier taxateur
2012 CCI 144
TCC
2,011
Jamieson c. La Reine
fr
2011-11-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30792/index.do
2022-09-04
Jamieson c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-11-30 Référence neutre 2012 CCI 144 Numéro de dossier 2008-2126(IT)G Juges et Officiers taxateurs Diane Campbell Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2008-2126(IT)G ENTRE : IAN R. JAMIESON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ L’honorable juge Diane Campbell JUGEMENT ATTENDU que j’ai été saisie de la présente affaire le 30 novembre 2011; ATTENDU que l’appelant n’a pas comparu; ATTENDU qu’après avoir entendu les observations de l’avocat de l’intimée j’ai rejeté l’appel; ATTENDU que, le 26 décembre 2011, l’appelant a présenté une demande visant à faire annuler mon ordonnance; ET ATTENDU qu’après avoir examiné les observations écrites présentées par l’appelant et l’intimée; J’ORDONNE QUE la demande de l’appelant soit rejetée avec dépens, lesquels sont fixés à 500 $ et doivent être payés sans délai à l’intimée. Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 2e jour de mai 2012. « Diane Campbell » Juge Campbell Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 144 Date : 20120502 Dossier : 2008-2126(IT)G ENTRE : IAN R. JAMIESON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Campbell [1] J’ai initialement entendu la présente affaire le 30 novembre 2011, à Calgary, lors d’une audience sur l’état de l’instance. L’appelant n’a pas comparu et il a informé la Cour par un courriel adressé à l’intimée qu’il n’avait pas l’intention d’être présent. L’avocat de l’intimée a passé brièvement en revue la chronologie des faits qui se sont déroulés dans le présent appel depuis que l’appelant a produit son avis d’appel le 25 juin 2008 et il a demandé que les appels soient rejetés pour défaut de poursuivre. Il importe que je donne un aperçu de l’historique de ces appels étant donné que celui‑ci se trouve au cœur même des motifs pour lesquels j’ai accueilli la requête de l’intimée. [2] Le 20 novembre 2008, une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de l’avis d’appel auprès de la Cour a été rendue. Les appels intéressent les années d’imposition 1995 à 2002 de l’appelant. Il s’agit de savoir si ce dernier résidait au Canada pendant l’une ou l’autre de ces années et quel est le montant de son revenu imposable. [3] L’intimée a déposé une réponse à l’avis d’appel le 12 février 2009. Le 9 avril 2009, l’appelant a présenté sa première demande visant à obtenir la suspension de son appel pour une période indéterminée en raison de problèmes de santé. Cette demande était accompagnée d’un certificat médical établi le 12 mars 2009 par le Dr Sayeeda Ghani d’Edmonton. Selon ce certificat médical, l’appelant éprouvait des problèmes liés au stress et devait temporairement éviter [TRADUCTION] « les situations de stress, y compris les actions et les instances judiciaires ». Par une lettre datée du 15 juin 2009, la Cour a refusé la demande de l’appelant et elle a demandé aux parties de présenter, dans les 30 jours suivant cette lettre, un calendrier des étapes à franchir dans la présente instance. [4] Le 26 août 2009, une audience sur l’état de l’instance a eu lieu et, le 3 septembre 2009, le juge Campbell Miller a rendu une ordonnance établissant un calendrier relatif à ces étapes. L’appelant a demandé une prorogation du délai dans lequel il devait fournir sa liste de documents et, par une ordonnance rendue le 16 décembre 2009, le juge Campbell Miller a fait droit à cette demande. [5] À l’occasion d’une nouvelle conférence de gestion de l’instance, le 18 février 2010, le juge Campbell Miller a rendu une autre ordonnance dans laquelle il a établi de nouvelles échéances pour les étapes qu’il restait à franchir dans la présente affaire. L’appelant a écrit à l’intimée le 24 mars 2010 pour l’informer qu’il avait fait une chute sur la glace et qu’il ne pourrait être présent pour l’interrogatoire préalable fixé aux 30 et 31 mars 2010. Le 5 mai 2010, l’ordonnance du 18 février 2010 a de nouveau été modifiée afin de reporter les dates fixées pour les étapes qu’il restait à franchir. Le 15 juin 2010, l’appelant a encore écrit à l’intimée, et non à la Cour, pour demander que l’interrogatoire préalable soit reporté en raison de problèmes de santé et des effets secondaires causés par ses médicaments. Le 24 juin 2010, le juge Miller a de nouveau rendu une ordonnance visant à proroger les délais impartis aux parties et à ordonner à l’appelant de fournir à la Cour un nouveau rapport médical au plus tard le 30 juillet 2010. [6] Le 20 septembre 2010, l’appelant a envoyé une autre lettre à l’intimée pour l’informer qu’il était trop malade pour subir l’interrogatoire préalable et pour lui demander d’en aviser la Cour. Cette demande était accompagnée d’un certificat médical délivré par le Dr Sayeeda Ghani le 28 juillet 2010. Les renseignements donnés dans ce certificat étaient presque identiques à ceux figurant dans le certificat initial du 12 mars 2009. L’avocat de l’intimée a écrit à la Cour le 20 septembre 2010 pour lui faire parvenir la lettre de l’appelant ainsi que le certificat du Dr Ghani. Dans cette lettre, l’intimée a signalé que les efforts déployés pour communiquer avec l’appelant en vue de procéder aux interrogatoires préalables et de lui signifier un avis pour qu’il se présente à ces interrogatoires avaient jusqu’à ce moment été vains. L’intimée a fait savoir que la maison située à la dernière adresse personnelle connue de l’appelant avait été condamnée et mise en vente. Elle a donc envoyé par télécopieur et par la poste au numéro de case postale de l’appelant un avis pour qu’il se présente aux interrogatoires préalables et elle lui a en outre laissé un message à cet effet dans son système de messagerie vocale. Peu après, l’appelant a envoyé à l’intimée la lettre susmentionnée du 20 septembre 2010 accompagnée du certificat médical. [7] Le 26 septembre 2010, la Cour a encore écrit à l’appelant pour lui demander de fournir, au plus tard le 26 novembre 2010, un nouveau certificat médical ou, à titre subsidiaire, un nouveau calendrier établi par les parties. [8] Le 21 novembre 2010, l’avocat de l’intimée a remis à la Cour la lettre de l’appelant du 20 novembre 2010 accompagnée d’un certificat médical du Dr Ghani renfermant les mêmes renseignements médicaux, mais maintenant daté du 15 novembre 2010. [9] Le 30 novembre 2010, la Cour a demandé par écrit aux parties de lui communiquer, au plus tard le 15 janvier 2011, les dates auxquelles chacune des étapes de la présente affaire serait franchie. Le 10 janvier 2011, l’appelant a écrit à l’intimée pour l’informer qu’il prenait toujours des médicaments pour combattre le stress et qu’il [TRADUCTION] « ne pourrait participer » à l’élaboration d’un calendrier ni aux étapes subséquentes de l’instance. Le 20 janvier 2011, la Cour a écrit à l’appelant pour l’informer qu’elle ne fixerait pas d’autres dates dans le présent appel avant le printemps et qu’un nouveau certificat médical était requis. [10] Le 21 juillet 2011, le Dr Ghani a écrit à la Cour pour lui faire savoir qu’il n’avait plus de contact avec l’appelant et qu’il l’avait vu pour la dernière fois le 18 novembre 2010. [11] Le 6 septembre 2011, la Cour a ordonné la tenue d’une audience sur l’état de l’instance le 30 novembre 2011. La Cour a envoyé cette ordonnance à l’appelant, mais Postes Canada la lui a retournée avec la mention [TRADUCTION] « déménagé ». En outre, les numéros de téléphone figurant au dossier n’étaient plus en service. Cependant, l’intimée a fait parvenir à l’appelant, le 23 novembre 2011, un courriel l’informant de la date de l’audience ainsi que des coordonnées de la Cour et de l’intimée. L’appelant n’a pas communiqué avec la Cour et, comme il l’a fait pendant toute la durée de la présente instance, il a plutôt envoyé un courriel à l’intimée le 29 novembre 2011 pour lui faire savoir qu’il était malade et qu’il ne se présenterait pas à l’audience. Il s’agit de l’audience sur l’état de l’instance qui s’est tenue devant moi et au cours de laquelle j’ai rejeté l’appel de l’appelant. [12] Le 26 décembre 2011, l’appelant a écrit à la Cour pour lui demander d’annuler l’ordonnance par laquelle j’avais rejeté son appel et de rétablir celui‑ci. Il précisait dans cette lettre adressée à la Cour que l’intimée l’avait avisé le 29 novembre 2011 de l’audience sur l’état de l’instance devant se tenir le 30 novembre 2011. Il ajoutait qu’il avait informé l’intimée en répondant à son courriel le 29 novembre 2011 qu’il était trop malade pour comparaître, et qu’il lui avait demandé de présenter ses excuses à la Cour, ce que l’intimée a fait. Je disposais de ce courriel à l’audience. L’appelant a également signalé dans ce courriel que la résidence située à Edmonton avait été saisie en réalisation de garantie et qu’il n’avait donc aucune ligne de télécopieur et de téléphone, aucun accès courant à un ordinateur ni aucune adresse à laquelle lui envoyer du courrier qu’il pourrait recevoir en temps opportun. Dans la lettre du 26 décembre 2011, l’appelant a communiqué à la Cour une adresse à Edmonton où l’on pourrait l’informer des étapes ultérieures de l’instance, mais il a ajouté que le courrier expédié à cette adresse lui serait acheminé dans les Caraïbes et qu’il faudrait compter entre quatre et six semaines pour qu’il le reçoive. [13] J’ai reçu la réponse écrite de l’intimée à la demande de l’appelant le 29 mars 2012. L’intimée s’est opposée à cette demande et ses observations étaient étayées par un affidavit de Camille Ewanchyshyn. L’intimée a signalé que l’appelant a des enfants et des petits‑enfants qui vivent à Edmonton, mais que l’adresse dans cette ville donnée par l’appelant dans sa lettre du 26 décembre 2011 pour que la Cour puisse correspondre avec lui ne paraissait pas être une adresse résidentielle ni l’adresse d’un comptable ou d’un avocat. Il semblait plutôt s’agir de l’adresse d’un magasin de détail où l’on écoule la marchandise appelé « The Bargain Shop », lequel était situé dans un centre commercial linéaire et n’avait pas de case postale ni de service de réexpédition du courrier. [14] L’intimée a également fait remarquer que, même si l’en‑tête de sa lettre du 26 décembre 2011 faisait mention des îles Turks et Caicos, l’appelant n’a fourni ni adresse, ni numéro de téléphone, ni aucun autre genre de coordonnées, si tant est qu’il habite réellement à cet endroit. L’intimée a en outre signalé que le cachet du télécopieur figurant sur la copie de la lettre adressée à la Cour et reçue à ses bureaux montre que la lettre lui a été envoyée à partir d’un magasin UPS situé à Edmonton. [15] De plus, l’affidavit accompagnant les observations de l’intimée fait état d’un certain nombre de facteurs qui permettraient de conclure que, même s’il a affirmé à la Cour et à l’intimée qu’il était trop malade pour respecter les échéances auxquelles il était assujetti, l’appelant a néanmoins été en mesure de produire activement des vidéoclips et d’exploiter un site Web à cette fin. L’intimée a présenté une copie de la page d’accueil de ce site ainsi qu’une copie des résultats d’une recherche, effectuée à l’aide des services de recherche des noms commerciaux et des sociétés de personnes de l’Alberta, qui établit un lien entre l’appelant et ce site. D’autres pièces produites en l’espèce révèlent que neuf vidéoclips ont été diffusés en 2011. L’appelant a également publié des communiqués de presse sur Internet pendant cette période. Je signale que ces divers faits ne m’avaient pas été présentés lorsque j’ai rejeté les appels le 30 novembre 2011. [16] Le paragraphe 140(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) est ainsi rédigé : 140(2) Pourvu que la demande soit faite dans les trente jours qui suivent le prononcé du jugement ou de l’ordonnance, la Cour peut infirmer ou modifier, aux conditions qui sont appropriées, un jugement ou une ordonnance obtenu contre une partie qui n’a pas comparu à l’audience, à l’audience sur l’état de l’instance ou à la conférence préparatoire à l’audience. [17] Comme l’avocat de l’intimée l’a fait remarquer, la décision‑clé Hamel v. Chelle (1964), 48 W.W.R. 115, énonce les principes suivis par la Cour pour décider s’il y a lieu d’annuler une ordonnance rejetant un appel. Dans cette décision, on renvoie aux propos tenus par le juge Lamont dans l’arrêt Klein v. Schile, [1921] 2 W.W.R. 78, 14 Sask. L.R. 220, à la page 79 : [TRADUCTION] Les circonstances dans lesquelles une cour exercera son pouvoir discrétionnaire en vue d’infirmer un jugement consigné en toute régularité sont assez bien établies. La demande devrait être déposée dès que possible, après que le défendeur aura pris connaissance du jugement. Toutefois, un simple délai ne fera pas obstacle à la demande, sauf si un dommage irréparable est causé au demandeur ou si le délai est délibéré (Tomlinson v. Kiddo (1914), 7 WWR 93, 29 WLR 325, 7 Sask LR 132; Mills v. Harris & Craske, (1915) 8 WWR 428, 8 Sask LR 114). Par ailleurs, la demande devrait être appuyée par un affidavit qui doit énoncer les circonstances dans lesquelles le défaut de comparaître est survenu et présenter une défense valable (Chitty’s Forms, 13e éd., p. 83). Il ne suffit pas de déclarer simplement que le défendeur dispose d’une défense valable. Les affidavits doivent révéler la nature de la défense et exposer les faits qui permettront à la Cour ou au juge de déterminer si le défendeur dispose de moyens lui permettant de présenter une défense à l’égard de l’action en justice intentée (Stewart v. McMahon (1908), 7 WLR 643, 1 Sask LR 209). [18] La demande de l’appelant n’était pas étayée par un affidavit qui [TRADUCTION] « énon[çait] les circonstances dans lesquelles le défaut de comparaître est survenu et présent[ait] une défense valable ». L’appelant a affirmé qu’il se trouve à l’étranger, qu’il vit aux îles Turks et Caicos et qu’il est toujours gravement malade. Cependant, il n’a présenté dans sa demande aucun élément de preuve, par affidavit ou autrement, à l’appui de l’une ou l’autre de ses assertions. L’intimée a toutefois produit en l’espèce une preuve suffisante pour m’inciter à me demander si, en réalité, l’appelant était ou se trouve actuellement à l’étranger d’une façon temporaire ou permanente, quelle qu’elle soit. De plus, je ne dispose d’aucun certificat médical récent me permettant de croire qu’il est aussi malade qu’il l’affirme. Le Dr Ghani a informé la Cour qu’il n’avait plus de relation avec l’appelant. Les divers faits présentés par l’intimée au sujet du travail de l’appelant étayent ma conclusion voulant qu’il refuse de respecter les échéances imposées par la Cour, bien qu’il se livre activement à la production de vidéoclips et à d’autres activités connexes sur Internet. [19] La demande de l’appelant ne fait état d’aucun nouvel élément de preuve qui justifierait que je modifie ma décision du 30 novembre 2011 et annule mon ordonnance. Il a persisté à garder ses coordonnées secrètes tant auprès de l’intimée que de la Cour. Sa demande est muette quant aux raisons pour lesquelles il n’a pas comparu à l’audience du 30 novembre 2011 ni veillé à ce qu’un représentant ou un avocat comparaisse en son nom. [20] Les appels en cause en l’espèce ont débuté en novembre 2008. Après de nombreux retards, des listes de documents ont été échangées, mais plus rien ne s’est passé par la suite. Les appels ont fait l’objet d’une gestion de l’instance, et un grand nombre d’ordonnances et d’ordonnances modificatives ont été rendues, lesquelles visaient toutes à faciliter les choses pour l’appelant. [21] L’appelant n’a pas agi d’une manière prompte et raisonnable pour faire progresser ses appels. Ce sont ses appels et, après trois ans et demi, il doit assumer la responsabilité liée au respect des nombreuses ordonnances qui ont été rendues pour lui faciliter la tâche. S’il refuse de le faire, comme c’est le cas en l’espèce, il s’expose alors au risque que ses appels soient rejetés. [22] Le fait que l’appelant en l’espèce a l’intention de [TRADUCTION] « s’accrocher » à ses appels ressort bien du fait qu’en cette époque des communications instantanées, il affirme maintenant qu’il pourrait s’écouler un délai de quatre à six semaines avant qu’il ne reçoive les communications relatives à ses appels. Cette assertion est invraisemblable puisqu’il a des enfants et des petits‑enfants vivant à Edmonton avec lesquels, je suppose, il entretient des relations plus fréquemment qu’aux quatre ou six semaines. La Cour et l’intimée ont agi d’une manière raisonnable avec l’appelant, mais il faut, à un certain moment, que le bon sens prévale et que des plages soient réservées dans le rôle d’audience de la Cour pour les contribuables qui tentent sincèrement de respecter les ordonnances judiciaires et de faire instruire leurs appels. L’approche suivie par l’appelant dans ses appels cause un préjudice à ces contribuables. Je dois déduire de l’inaction de l’appelant en l’espèce et de sa façon de retarder l’affaire à l’infini qu’il n’a aucun désir de voir un jour la Cour statuer sur ses appels. [23] La demande est rejetée et j’adjuge des dépens de 500 $ à l’intimée, lesquels sont payables sans délai. Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 2e jour de mai 2012. « Diane Campbell » Juge Campbell Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 144 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-2126(IT)G INTITULÉ : Ian R. Jamieson c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : DATE DE L’AUDIENCE : MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Diane Campbell DATE DU JUGEMENT : Le 2 mai 2012 COMPARUTIONS : : : AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2013 CCI 59
TCC
2,011
Armstrong c. La Reine
fr
2011-10-13
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/31104/index.do
2022-09-04
Armstrong c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2011-10-13 Référence neutre 2013 CCI 59 Numéro de dossier 2009-2099(IT)G Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-2099(IT)G ENTRE : DAVID ARMSTRONG, appelant/requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée/intimée dans le cadre de la requête, ET ENTRE : CANGO INC., requérante, et SA MAJESTÉ LA REINE et DAVID ARMSTRONG, intimés dans le cadre de la requête. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] Requêtes par écrit Devant : L’honorable juge François Angers ORDONNANCE Vu la requête présentée par écrit par la requérante Cango Inc. en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à intervenir dans l’instance; Et après avoir lu les documents déposés; La requête est accueillie. Vu la requête présentée par écrit par le requérant David Armstrong en vue d’obtenir une ordonnance de levée de l’engagement implicite de ne pas communiquer les documents et les renseignements obtenus lors de l’interrogatoire préalable de Stephen Kleinschmidt; Et après avoir lu les documents déposés; La requête est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés dans l’une ou l’autre des requêtes. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2013 « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 16e jour d’août 2013. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2013 CCI 59 Date : 20130220 Dossier : 2009-2099(IT)G DAVID ARMSTRONG, appelant/requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée/intimée dans le cadre de la requête, ET ENTRE : CANGO INC., requérante, et SA MAJESTÉ LA REINE et DAVID ARMSTRONG, intimés dans le cadre de la requête. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Angers [1] Le requérant David Armstrong demande à la Cour l’autorisation d’utiliser dans une ou plusieurs instances distinctes qu’il a engagées ou qu’il engagera devant la Cour de l’Ontario contre son ancien employeur, Cango Inc. (ci-après appelée « Cango ») et ses anciens avocats les documents et les renseignements obtenus dans le cadre de l’interrogatoire préalable de la personne désignée par le ministre dans un appel en matière d’impôt sur le revenu dont la présente cour fut saisie. Autrement dit, il demande à la Cour d’être relevé de l’engagement implicite qu’il a donné à l’égard des documents et des renseignements (les « éléments de preuve ») qui ont été obtenus lors du processus d’interrogatoire préalable tenu dans son appel en matière d’impôt sur le revenu. [2] Le requérant a été au service de Cango du 24 juin 1993 au 11 novembre 2002 à titre de président et chef de la direction. [3] Au début de 2002, après avoir reçu un rapport de dénonciation d’un ancien employé, Cango a procédé à une enquête sur le requérant. À la suite de cette enquête, Cango a allégué avoir découvert que le requérant avait détourné des fonds provenant de plusieurs lave-autos de cette entreprise et l’a donc congédié. Une autre enquête menée par un cabinet de juricomptabilité s’est soldée par un rapport dans lequel ont été quantifiés le montant total des fonds censément détournés ainsi que les pertes de Cango. [4] Cango a engagé une action civile devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vue de recouvrer les fonds censément détournés, et le requérant a engagé contre Cango une action pour congédiement injustifié. [5] Vers juin 2004, le requérant et Cango ont résolu la situation en réglant leurs poursuites civiles respectives, et tous deux ont signé une renonciation totale et définitive découlant des faits et des circonstances plaidés dans leurs actions respectives. [6] Soucieuse d’avoir peut-être déclaré erronément son revenu, et à la suite de conseils professionnels, Cango a entrepris un processus de divulgation volontaire auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») vers le mois de février 2003. À peu près à la même époque, l’ARC a entrepris une enquête sur les gains et les biens du requérant. Lors de cette dernière, l’ARC a envoyé à Cango, le 13 avril 2006, une demande péremptoire au sujet de la communication de documents financiers concernant le requérant, en application du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Plus précisément, Cango a été tenue de fournir : [traduction] […] toute l’aide raisonnable, dont des réponses aux questions légitimes ainsi que tous les documents pertinents concernant David J. Armstrong pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001. [7] En août 2006, en recourant à une analyse comparative de l’avoir net, l’ARC a établi à l’endroit du requérant une nouvelle cotisation concernant des revenus antérieurement non déclarés d’un montant de 1 713 630 $. En janvier 2007, le requérant a été l’objet d’une nouvelle cotisation destinée à refléter des rajustements autorisés par l’ARC, et le montant de revenus non déclarés a été réduit à 462 481 $. Le requérant a déposé un avis d’appel auprès de la Cour le 24 juin 2009. [8] Un interrogatoire préalable a eu lieu les 28 et 29 septembre 2010. M. Stephen Kleinschmidt, la personne désignée par l’intimée, a été interrogé. Des réponses à des engagements ont été fournies le 29 novembre 2010, et elles incluaient des renseignements obtenus de Cango, sous la forme de sept relieurs à feuilles mobiles remplis de documents. [9] L’appel en matière d’impôt a été réglé en faveur du requérant par jugement sur consentement le 13 octobre 2011. L’intimée a consenti à un jugement qui faisait intégralement droit à l’appel et qui renvoyait les nouvelles cotisations au ministre pour nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le requérant (appelant) n’avait eu aucun revenu non déclaré pour ses années d’imposition 1999 à 2001. [10] Il convient de signaler qu’aucun des éléments de preuve recueillis lors de l’interrogatoire préalable n’a été déposé en tant que preuve devant la Cour ou par ailleurs produit en audience publique. [11] Le 27 septembre 2012, le requérant a institué contre Cango une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, sollicitant des dommages‑intérêts pour avoir fourni à l’ARC une série de documents faux, incomplets et trompeurs. De plus, il est clairement ressorti des documents contenus dans les relieurs susmentionnés que l’ancien cabinet d’avocats du requérant avait communiqués à Cango des renseignements privilégiés et confidentiels dans le contexte de son différend avec cette dernière. Cango conteste tout ce qui précède. [12] Comme il a déjà été mentionné, le requérant sollicite une ordonnance de la Cour pour la levée de l’engagement implicite qu’il a pris concernant les renseignements que l’ARC a produits dans le cadre de l’interrogatoire préalable de M. Kleinschmidt. [13] Les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») ne contiennent pas de dispositions portant sur l’usage ultérieur que fait le destinataire de renseignements communiqués dans le cadre d’un interrogatoire préalable, pas plus que des dispositions portant sur la requête proprement dite à soumettre à la Cour à cet égard. Cependant, cela n’empêche aucunement d’appliquer la règle de common law dans toutes les instances dont la Cour est saisie, et une requête telle que la présente peut être déposée. [14] Dans l’arrêt Kitchenham v. AXA Insurance Canada, 2008 ONCA 877, [2008] O.J. no 5413 (QL), aux paragraphes 30, 31 et 32, que je reproduis ci‑dessous, la Cour d’appel de l’Ontario décrit en ces termes l’effet qu’a l’article 30.1 (présomption d’engagement) des Règles de procédure civile de l’Ontario : [traduction] 30 L’engagement implicite favorise de deux façons la bonne administration de la justice dans le déroulement d’un litige civil. Premièrement, elle encourage les parties à effectuer une divulgation complète et franche dans le cadre d’un interrogatoire préalable. Elle le fait en interdisant, sauf avec l’autorisation du tribunal, l’utilisation ultérieure des renseignements communiqués par la partie qui a obtenu cette divulgation pour une fin étrangère au litige dans le cadre duquel la divulgation a été faite. Deuxièmement, l’engagement implicite reconnaît que le droit à la vie privée des parties doit, sous réserve de revendications de privilège légitimes, céder le pas à l’obligation de divulgation dans le cadre du litige, mais que ce droit doit être protégé à l’égard de questions étrangères au litige : Juman v. Doucette, aux paragraphes 23 à 27; Richard B. Swan, « The Deemed Undertaking : A Fixture of Civil Litigation in Ontario » (hiver 2008) 27 Advocates’ Soc. J., no 3, p. 16. 31 Dans l’arrêt Goodman c. Rossi, à la p. 369, le juge Morden cite un extrait de l’ouvrage intitulé Discovery de Matthews et Malek (1992), à la p. 253, où ces derniers décrivent ainsi la raison d’être de la règle : [traduction] · La raison d’être première de l’imposition de l’engagement implicite est la protection de la vie privée. Un interrogatoire préalable est une atteinte au droit d’un particulier de garder pour lui ses propres documents, et la sauvegarde de ce droit est une affaire d’intérêt public. L’engagement a pour objet de protéger, dans la mesure où cela cadre avec le déroulement approprié de l’action, la confidentialité des documents de la partie. Il est généralement injuste qu’une partie, qui est contrainte par la loi de produire des documents pour l’objet d’une instance particulière, s’expose au risque que l’autre partie se serve de ces documents à une fin autre que l’objet de l’instance judiciaire en question. […] 32 On favorise la promotion d’une divulgation complète et franche, ainsi que la protection du droit à la vie privée de ceux qui sont contraints de faire une divulgation lors d’un interrogatoire préalable en restreignant l’usage que peut faire de ces renseignements la partie qui les a obtenus. Ni l’une ni l’autre des raisons d’être de l’engagement implicite ne justifient que l’on restreigne l’usage ultérieur des renseignements que fait la partie qui les a produits. Au contraire, le fait d’englober la totalité des renseignements produits dans le cadre d’un interrogatoire préalable mené dans une seule action sous un voile de non-divulgation pour tout objet ultérieur, et celui de demander une ordonnance judiciaire en vue de lever ce voile du secret feraient inévitablement obstacle au fonctionnement efficace du processus d’interrogatoire préalable. [15] Il est intéressant aussi de noter que, au paragraphe 58, ce même arrêt définit qui est le bénéficiaire de la protection qu’accorde l’article 30.1 des Règles : [traduction] 58 Le droit de la partie qui a été contrainte de divulguer les renseignements est le seul qui peut justifier le maintien de l’engagement. Mon interprétation du paragraphe (8) concorde avec une interprétation de l’article qui reconnaît que la partie qui a fourni les renseignements est la seule bénéficiaire de la protection que confère l’article. Cela concorde également avec le paragraphe (4), qui dispose que l’engagement présumé ne s’applique pas si la partie qui a divulgué les éléments de preuve consent à leur usage. [16] Cela dit, une requête ultérieure a également été déposée devant la présente cour par Cango, qui a sollicité une ordonnance l’autorisant à intervenir en l’espèce. Elle a aussi soumis des arguments en opposition à la requête initiale au cas où cette autorisation serait accordée. [17] L’autorisation d’intervenir auprès de la Cour s’obtient habituellement si l’on satisfait aux exigences énoncées à l’article 28 des Règles, dont le texte est le suivant : 28. Autorisation d’intervention — (1) Quiconque n’est pas partie à l’instance et prétend : a) qu’il a un intérêt dans l’objet de cette instance; b) qu’il peut subir un préjudice par suite du jugement; c) que lui-même et l’une ou plusieurs des parties à l’instance sont liés par la même question de droit, la même question de fait ou la même question de droit et de fait, peut demander, par voie de requête, l’autorisation d’intervenir dans l’instance. (2) Saisie de la requête, la Cour, après avoir examiné si l’intervention risque de retarder indûment ou de compromettre la décision sur les droits des parties à l’instance, peut : a) autoriser le requérant à intervenir à titre d’intervenant bénévole et sans être partie à l’instance, afin d’éclairer la Cour par son témoignage ou son argumentation; b) rendre toute directive qu’elle estime appropriée en matière d’actes de procédure, d’interrogatoire préalable ou de frais. [18] La Cour n’est plus saisie de l’appel du requérant et l’article 28 des Règles n’a pas été conçu pour traiter d’une instance telle que la requête initiale qui a été soumise à la Cour, mais cet article peut sans nul doute servir de ligne directrice pour pouvoir déterminer si une personne (Cango, en l’occurrence) devrait obtenir l’autorisation d’intervenir à titre d’intervenant bénévole en vue d’aider la Cour à trancher la requête initiale. [19] La requête visant à obtenir l’autorisation d’intervenir découle du fait que l’intimée n’a pas consenti à ce que le requérant utilise les documents et les renseignements communiqués lors de l’interrogatoire préalable. Si cela avait été fait, l’affaire ne se serait pas rendue devant la Cour, car la règle de l’engagement implicite ne se serait pas appliquée. [20] Cela dit, j’ai lu l’affidavit de Warren Kettlewell de Cango, de même que celui du requérant David Armstrong qui a été déposé en réponse à la requête en autorisation d’intervenir. [21] Le critère préliminaire auquel il convient de satisfaire en vue d’obtenir l’autorisation d’intervenir est que la personne qui sollicite cette dernière doit montrer qu’elle a un intérêt dans l’objet de l’instance et qu’elle peut subir un préjudice par suite du jugement. De plus, il doit y avoir une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait en commun avec une question en litige dans l’instance, et l’intervention ne doit pas causer un retard ou un préjudice indu. [22] Pour ce qui est de la dernière condition, il n’y aura pas de retard indu en l’espèce, car Cango a déjà fait part à la Cour d’observations écrites sur la levée de l’engagement implicite, et le requérant n’a pas soutenu qu’il subira un préjudice si l’on fait droit à l’autorisation d’intervenir. [23] Le requérant a signifié à Cango la requête initiale. Je ne puis qu’en déduire qu’il jugeait – à juste titre d’ailleurs – que Cango était une personne sur laquelle la directive demandée aurait une incidence, comme il est indiqué au paragraphe 67(1) des Règles. Aux termes de l’article 28, pour obtenir l’autorisation d’intervenir, la personne qui en fait la demande doit montrer qu’elle subira un préjudice par suite de la directive ou de l’ordonnance demandée. L’affidavit de Cango suffit pour que je conclue que cette dernière subira un préjudice. Les renseignements qu’elle a fournis à l’intimée, de pair avec les autres qu’elle a été contrainte de communiquer, dont des dossiers financiers, seront utilisés dans le cadre de l’action engagée devant les tribunaux de l’Ontario et auront une incidence financière sur Cango. [24] Je suis également persuadé que les renseignements que Cango a fournis, tant avant d’avoir été contrainte de le faire que par la suite, au moyen des documents et des éléments de preuve que la personne désignée par l’intimée a fournis, constituent la question qui est en litige dans la requête initiale, et cela confère à Cango un intérêt véritable et direct dans l’instance. [25] Je ferai donc droit à la requête et autoriserai Cango à intervenir à titre d’intervenante bénévole dans le but d’aider la Cour à trancher la requête initiale, laquelle aide fait déjà partie du dossier de requête de Cango. De plus, je prendrai en considération les éléments de preuve et les arguments que le requérant a fournis dans sa réponse. La requête initiale [26] Dans l’arrêt Juman c. Doucette, 2008 CSC 8, [2008] 1 R.C.S. 157, [2008] A.C.S. no 8 (QL), la Cour suprême du Canada a établi la portée d’un engagement implicite en common law. Cet engagement a pour objet d’offrir une mesure raisonnable de protection au droit à la vie privée d’une personne interrogée dans les cas où l’on est obligé de produire des documents et des renseignements, ainsi que favoriser la tenue d’un interrogatoire préalable exhaustif et franc. La Cour suprême a déclaré que, pour obtenir la levée de l’engagement implicite, l’auteur de la demande doit démontrer « selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un intérêt public plus important que les valeurs visées par l’engagement implicite, à savoir la protection de la vie privée et le déroulement efficace du litige civil » (paragraphe 32). La Cour suprême du Canada a également déclaré, aux paragraphes 25 et 26 : 25 Dans une action civile, l’intérêt qu’a le public à découvrir la vérité l’emporte sur le droit de la personne interrogée à sa vie privée, lequel mérite néanmoins une certaine protection. La loi n’oblige à fournir des réponses et à produire des documents que pour l’action civile, et elle exige donc que l’atteinte à la vie privée se limite généralement à la mesure nécessaire à ces fins. Même si la présente affaire soulève la question de l’auto-incrimination de l’appelante, il ne s’agit pas d’une condition préalable à la protection. En fait, il n’est même pas nécessaire que les renseignements divulgués satisfassent aux exigences légales de confidentialité énoncées dans Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254. L’idée générale est que, métaphoriquement, tout ce qui est divulgué dans la pièce où se déroule l’interrogatoire préalable reste dans cette pièce, sauf si cela est finalement révélé en salle d’audience ou révélé par suite d’une ordonnance judiciaire. 26 Une deuxième raison justifie l’existence d’un engagement implicite. La partie qui a une certaine assurance que les documents et les réponses qu’elle fournit ne seront pas utilisés à des fins connexes ou ultérieures à l’instance où ils sont exigés sera incitée à donner des renseignements plus exhaustifs et honnêtes. Cela est particulièrement intéressant à une époque où la production de documents est d’une envergure telle (« litige par avalanche ») qu’elle empêche, bien souvent, les particuliers ou les entreprises devant produire les documents de procéder à une présélection approfondie. Voir Kyuquot Logging Ltd. c. British Columbia Forest Products Ltd. (1986), 5 B.C.L.R. (2d) 1 (C.A.), le juge Esson, dissident, p. 10‑11. [27] La Cour suprême du Canada a ajouté que tout préjudice perçu causé à la personne interrogée est un facteur qui pèsera toujours lourd dans la balance. [28] Dans des affaires telles que Goodman v. Rossi, [1995] O.J. no 1906 (QL) (C.A. Ont.), Disher v. Kowal, 56 O.R. (3d) 329 (C.S. Ont.), Ochitwa v. Bombino, [1997] A.J. no 1157 (QL) (B.R. Alb.), Merck and Co. c. Apotex Inc., [1997] A.C.F. no 1852 (QL) (C.F. 1re inst.), les tribunaux ont tenu compte de divers facteurs en vue de les aider à soupeser l’intérêt public par rapport à l’intérêt que protège l’engagement implicite. Ces facteurs comprennent des aspects tels que l’existence de questions en litige et de parties différentes, l’existence d’autres moyens d’obtenir les renseignements, l’effet causé à des tiers par opposition au droit à la vie privée, de même que le souci de promouvoir un processus de justice civile efficace. [29] En l’espèce, les parties et les questions en litige sont différentes. La question qui était en litige dans l’appel soumis à la Cour avait trait à l’obligation fiscale du requérant à l’égard d’un revenu non déclaré et de pénalités, ainsi qu’au fait que la cotisation avait été établie au-delà de la période normale de cotisation. Les questions en litige dans l’action engagée en Ontario ont trait à une poursuite engagée dans un but malveillant ainsi qu’à de la diffamation. Il n’y a pas de lien en soi entre les questions en litige dans l’appel en matière d’impôt sur le revenu et celles qui le sont dans l’action engagée en Ontario, hormis la question de la fiabilité des faits qu’a présumés l’intimée au moment de déterminer le revenu non déclaré, et ces faits n’ont jamais été tranchés. Les parties sont le requérant et le ministère public dans le cadre de l’appel soumis à la Cour, ainsi que le requérant et Cango dans l’action engagée en Ontario. [30] La preuve que le requérant a présentée n’est pas claire quant aux efforts qu’il avait faits pour obtenir les renseignements et les documents d’autres sources. Il y a peut-être d’autres voies qui s’offrent à lui, comme des engagements obtenus dans le processus d’interrogatoire préalable mené dans le cadre de l’action engagée en Ontario. Il s’agit là d’un facteur dont j’ai tenu compte. [31] Le requérant soutient que l’on servira l’intérêt public supérieur en permettant au tribunal de déterminer la vérité. Autrement dit, il ne faudrait pas permettre à Cango de dissimuler ses présumées divulgations trompeuses et sélectives sous le couvert de l’engagement implicite de l’intimée, à laquelle les renseignements ont été communiqués volontairement. [32] En revanche, dans l’arrêt Goodman (précité), la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que les procédures du tribunal ne peuvent pas être ou sembler être un instrument qui permet d’engager un litige qui n’était pas par ailleurs envisagé ou une partie de la cause d’action qui mit au jour la demande potentiellement nouvelle. Sinon, on minerait toute divulgation complète et franche de la part des parties. Dans la situation de fait dont il est question en l’espèce, le requérant a pris conscience du rôle joué par Cango dans l’instance par l’intermédiaire de l’appel en matière d’impôt sur le revenu, au cours duquel ont été divulgués les faits qui sont maintenant allégués dans l’action engagée en Ontario. [33] Il faut également garder à l’esprit que, dans les cotisations d’impôt sur le revenu, notamment les cotisations de valeur nette, il arrive parfois que les renseignements qu’obtiennent et qu’utilisent les vérificateurs de l’ARC dans le cadre du processus de vérification et qui constituent le fondement d’une cotisation soient erronés. Les renseignements sont soit fournis volontairement par des tiers soit obtenus par une contrainte exercée conformément à la loi, mais il n’en demeure pas moins que le contribuable est la personne qui connaît le mieux ses affaires et qui est le mieux à même de réfuter les présomptions du ministre, ce que, en l’espèce, le requérant est parvenu à faire. [34] Cela m’amène aux autres droits plus importants que l’engagement implicite est destiné à protéger, soit la vie privée et le déroulement efficace du litige, ce qui inclut les appels en matière d’impôt sur le revenu. Certains des documents obtenus dans le cadre de l’enquête préalable l’ont été grâce à la divulgation volontaire d’un tiers (Cango), et cette divulgation exige d’être protégée pour des raisons de confidentialité, comme le prévoit la Loi; certains ont été divulgués avant qu’une ordonnance oblige à les produire, et d’autres ont été fournis en vertu d’une telle ordonnance. Il est juste de présumer que les documents qui sont fournis à l’ARC dans le cadre d’une vérification sont fiables et, étant donné que la cotisation repose sur des présomptions de fait, il faut qu’il y ait une certaine confidentialité dans le cadre des appels en matière d’impôt sur le revenu. Tout écart par rapport à cette règle – c’est-à-dire, si les renseignements obtenus pourraient être utilisés contre l’informateur dans une action en justice ultérieure – pourrait créer un effet inhibiteur. [35] Le requérant a peut-être bien une question litigieuse à régler et il a peut-être bien été privé d’un moyen de présenter sa cause, mais je crois qu’il serait contraire à l’intérêt public que les procédures de la Cour soient ou qu’elles semblent être un instrument permettant d’engager un litige non envisagé par ailleurs ou une partie de la cause d’action qui a mis au jour la demande potentiellement nouvelle (Goodman, précité). [36] Je crois que, selon la prépondérance des probabilités, l’intérêt public invoqué par le requérant n’est pas plus important que les valeurs que l’engagement implicite vise à protéger. [37] La requête est rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de l’une ou l’autre des requêtes. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2013 « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 16e jour d’août 2013. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2013 CCI 59 No DE DOSSIER DE LA COUR : 2009-2099(IT)G INTITULÉ : David Armstrong c. La Reine MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge François Angers DATE DE L’ORDONNANCE : Le 20 février 2013 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour David Armstrong : Nom : Leigh Taylor Cabinet : Leigh Sommerville Taylor Professional Corporation Toronto (Ontario) Pour Cango Inc. : Noms : Eric R. Hoaken Amanda C. McLachlan Cabinet : Bennett Jones LLP Toronto (Ontario) Pour Sa Majesté la Reine : William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 1
TCC
2,012
Priority One Janitorial Services Inc. c. La Reine
fr
2012-01-09
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30661/index.do
2022-09-04
Priority One Janitorial Services Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-09 Référence neutre 2012 CCI 1 Numéro de dossier 2011-689(CPP) Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossier : 2011-689(CPP) ENTRE : PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Priority One Janitorial Services Inc. (2011-2491(EI)), le 15 novembre 2011, à Edmonton (Alberta). Devant : L’honorable juge Paul Bédard Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Ansar Bacchus Avocat de l’intimé : Me Robert Neilson ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en application du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada à l’égard de la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 30 décembre 2010 est rejeté et la décision du ministre est confirmée. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Traduction certifiée conforme ce 21e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais Dossier : 2011-2491(EI) ENTRE : PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Priority One Janitorial Services Inc. (2011-689(CPP)), le 15 novembre 2011, à Edmonton (Alberta). Devant : L’honorable juge Paul Bédard Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Ansar Bacchus Avocat de l’intimé : Me Robert Neilson ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en application du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi à l’égard de la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 30 décembre 2010 est rejeté et la décision du ministre est confirmée. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Traduction certifiée conforme ce 21e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 1 Date : 20120109 Dossiers : 2011-689(CPP), 2011-2491(EI) ENTRE : PRIORITY ONE JANITORIAL SERVICES INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») de 3 928,37 $ pour l’année 2006, en ce qui concerne Ansar Bacchus (ci‑après « Ansar »), Connie Bacchus (ci‑après « Connie »), Denise McLeod (ci‑après « Denise »), Kary McLeod (ci‑après « Kary »), Manuel Mora (ci‑après « Manuel ») et Jacquelin Pierre‑Antoine (ci‑après « Jacquelin »). [2] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 871,48 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Kalsoom Gillani (ci‑après « Kalsoom »), Raiz Khan (ci‑après « Raiz »), Manuel, Jacquelin et Abdul Hakim Yfate (ci‑après « Abdul Hakim »). [3] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 1 237,50 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Ansar. [4] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 300,96 $ pour l’année 2008, en ce qui concerne Jacquelin. [5] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation à l’égard, entre autres choses, de cotisations au RPC de 33,24 $ pour l’année 2009, en ce qui concerne Jacquelin. [6] Par une lettre reçue le 19 mars 2010, l’appelante a demandé au ministre d’examiner de nouveau les évaluations relatives aux années 2006, 2007, 2008 et 2009. [7] En réponse à cette lettre, le ministre a confirmé les évaluations relatives aux années 2006, 2007, 2008 et 2009 en tenant pour acquis qu’Ansar, Connie, Denise, Kary, Manuel, Jacquelin, Raiz, Kalsoom et Abdul Hakim (ci‑après collectivement appelés « les travailleurs ») étaient engagés aux termes d’un contrat de louage de services auprès de l’appelante. [8] Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour confirmer ainsi les évaluations dans l’affaire portant sur le RPC (2011‑689(CPP)) sont exposés au paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel : [traduction] a) L’appelante exploitait une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux; (admis) b) L’appelante recrutait les clients (ci-après « le client »); (nié) c) La structure du capital‑actions de l’appelante, au mois de janvier 2006, était la suivante : Ansar 25 % Connie 25 % Kary 25 % Denise 25 % (admis) d) Au milieu de l’année 2006, la structure du capital‑actions de l’appelante a changé : Ansar 50 % Connie 50 % (admis) e) Les travailleurs étaient embauchés à titre de préposés; leurs tâches consistaient notamment à nettoyer, laver, balayer, épousseter, essuyer, passer l’aspirateur et ramasser les ordures; (nié) f) Les travailleurs n’avaient pas conclu de contrat écrit avec l’appelante; (admis) g) Les travailleurs fournissaient leurs services dans les locaux du client; (admis) h) Les travailleurs étaient embauchés sur une base continue; (nié) i) L’appelante rémunérait les travailleurs sur une base mensuelle; (nié) j) L’appelante décidait des taux de rémunération des travailleurs; (nié) k) Les travailleurs ne faisaient pas de soumissions pour obtenir du travail; (admis) l) Les travailleurs ne présentaient pas de factures à l’appelante; (admis) m) L’appelante fixait les heures de travail des travailleurs; (nié) n) Les travailleurs travaillaient en dehors des heures de bureau de l’entreprise du client; (admis) o) Les travailleurs effectuaient le nombre d’heures nécessaires pour mener le travail à bonne fin; (admis) p) L’appelante conservait le droit d’exercer un contrôle sur les travailleurs; (nié) q) L’appelante assurait la formation des travailleurs; (admis) r) Les travailleurs ne détenaient pas de permis ou de certificats précis ni d’accréditation se rapportant au travail; (admis) s) L’appelante donnait des instructions aux travailleurs au sujet du travail à effectuer et des tâches à accomplir; (admis) t) L’appelante examinait le travail des travailleurs; (nié) u) Certains travailleurs travaillaient en groupe; (admis) v) Au moyen de l’entente conclue avec le client, l’appelante établissait les priorités et les délais des travailleurs; (admis) w) Les travailleurs représentaient l’appelante pendant qu’ils fournissaient leurs services; (admis) x) Les travailleurs ne pouvaient pas embaucher leurs propres assistants ou se faire remplacer; (nié) y) Le client fournissait tous les instruments de travail et le matériel nécessaires; (admis) z) Les travailleurs ne fournissaient pas d’instruments de travail ni de matériel; (nié) aa) Le client fournissait tous les produits nécessaires; (admis) bb) Les travailleurs ne supportaient pas de dépenses dans l’exécution de leurs tâches; (admis) cc) Les travailleurs ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité; (admis) dd) Les travailleurs ne payaient pas les frais d’investissement associés à une entreprise; (admis) ee) Les travailleurs n’avaient pas la possibilité de faire un profit et n’étaient pas exposés à un risque de perte; (admis) ff) Les travailleurs ne se présentaient pas comme exploitant leur propre entreprise; (nié) gg) Les services des travailleurs étaient fournis au profit de l’appelante; (nié) hh) Les travailleurs ne travaillaient pas pour d’autres personnes pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) ii) Certains travailleurs estimaient être des employés pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) jj) Les travailleurs n’exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) kk) L’appelante a effectué et versé les retenues à la source pendant une partie de l’année 2006; (nié) ll) La déclaration de revenus de l’appelante incluait les dépenses suivantes : (nié) 2006 2007 Salaires et traitements 16 754 $ 17 584 $ Salaires de la direction 44 000 $ 16 000 $ mm) L’appelante a versé aux travailleurs les montants suivants au titre des salaires pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2009 : (nié) 2006 2007 2008 2009 Ansar 4 250 $ 16 000 $ Connie 4 250 $ Denise 17 750 $ Kary 17 750 $ Manuel 4 500 $ 2 837 $ Jacquelin 12 246 $ 6 839 $ 6 540 $ 627 $ Raiz 458 $ Kalsoom 4 380 $ Abdul Hakim 787 $ [9] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 619,34 $ pour l’année 2007, en ce qui concerne Michael Dagnew (ci‑après « Michael »), Kalsoom, Raiz, Gibran Khan (ci‑après « Gibran »), Manuel, Jacquelin et Abdul Hakim. [10] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 279,91 $ pour l’année 2008, en ce qui concerne Jacquelin et Ashley Vaughan (ci‑après « Ashley »). [11] Par un avis d’évaluation daté du 5 juin 2009, l’appelante a fait entre autres choses l’objet d’une évaluation à l’égard de cotisations à l’assurance-emploi de 34,51 $ pour l’année 2009, en ce qui concerne Jacquelin et Ashley. [12] Par une lettre reçue le 19 mars 2010, l’appelante a demandé au ministre d’examiner de nouveau les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009. [13] En réponse à cette lettre, le ministre a confirmé les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009 en tenant pour acquis que Michael, Kalsoom, Raiz, Gibran, Manuel, Jacquelin, Ashley et Abdul Hakim (collectivement appelés « les travailleurs ») étaient engagés aux termes d’un contrat de louage de services auprès de l’appelante. [14] Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour confirmer ainsi les évaluations relatives aux années 2007, 2008 et 2009 sont exposés au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel : [traduction] a) L’appelante exploitait une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux; (admis) b) L’appelante recrutait les clients (ci-après « le client »); (nié) c) La structure du capital‑actions de l’appelante, au mois de janvier 2006, était la suivante : Ansar Bacchus 25 % Connie Bacchus 25 % Kary McLeod 25 % Denise McLeod 25 % (admis) d) Au milieu de l’année 2006, la structure du capital‑actions de l’appelante a changé : Ansar Bacchus 50 % Connie Bacchus 50 % (admis) e) Les travailleurs étaient embauchés à titre de préposés; leurs tâches consistaient notamment à nettoyer, laver, balayer, épousseter, essuyer, passer l’aspirateur et ramasser les ordures; (nié) f) Les travailleurs n’avaient pas conclu de contrat écrit avec l’appelante; (admis) g) Les travailleurs fournissaient leurs services dans les locaux du client; (admis) h) Les travailleurs étaient embauchés sur une base continue; (nié) i) L’appelante rémunérait les travailleurs sur une base mensuelle; (nié) j) L’appelante décidait des taux de rémunération des travailleurs; (nié) k) Les travailleurs ne faisaient pas de soumissions pour obtenir du travail; (admis) l) Les travailleurs ne présentaient pas de factures à l’appelante; (admis) m) L’appelante fixait les heures de travail des travailleurs; (nié) n) Les travailleurs travaillaient en dehors des heures de bureau de l’entreprise du client; (admis) o) Les travailleurs effectuaient le nombre d’heures nécessaires pour mener le travail à bonne fin; (admis) p) L’appelante conservait le droit d’exercer un contrôle sur les travailleurs; (nié) q) L’appelante assurait la formation des travailleurs; (admis) r) Les travailleurs ne détenaient pas de permis ou de certificats précis ni d’accréditation se rapportant au travail; (admis) s) L’appelante donnait des instructions aux travailleurs au sujet du travail à effectuer et des tâches à accomplir; (admis) t) L’appelante examinait le travail des travailleurs; (nié) u) Certains travailleurs travaillaient en groupe; (admis) v) Au moyen de l’entente conclue avec le client, l’appelante établissait les priorités et les délais des travailleurs; (admis) w) Les travailleurs représentaient l’appelante pendant qu’ils fournissaient leurs services; (admis) x) Les travailleurs ne pouvaient pas embaucher leurs propres assistants ou se faire remplacer; (nié) y) Le client fournissait tous les instruments de travail et le matériel nécessaires; (admis) z) Les travailleurs ne fournissaient pas d’instruments de travail ni de matériel; (nié) aa) Le client fournissait tous les produits nécessaires; (admis) bb) Les travailleurs ne supportaient pas de dépenses dans l’exécution de leurs tâches; (admis) cc) Les travailleurs ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité; (admis) dd) Les travailleurs ne payaient pas les frais d’investissement associés à une entreprise; (admis) ee) Les travailleurs n’avaient pas la possibilité de faire un profit et n’étaient pas exposés à un risque de perte; (admis) ff) Les travailleurs ne se présentaient pas comme exploitant leur propre entreprise; (nié) gg) Les services des travailleurs étaient fournis au profit de l’appelante; (nié) hh) Les travailleurs ne travaillaient pas pour d’autres personnes pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) ii) Certains travailleurs estimaient être des employés pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) jj) Les travailleurs n’exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte pendant qu’ils fournissaient des services pour le compte de l’appelante; (nié) kk) L’appelante a effectué et versé les retenues à la source pendant une partie de l’année 2006; (nié) ll) La déclaration de revenus de l’appelante incluait les dépenses suivantes : (nié) 2006 2007 Salaires et traitements 16 754 $ 17 584 $ Salaires de la direction 44 000 $ 16 000 $ mm) L’appelante a versé aux travailleurs les montants suivants au titre des salaires pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2009 : (nié) nn) 2007 2008 2009 Michael 225 $ Gibran 277 $ Manuel 2 837 $ Jacquelin 6 839 $ 6 540 $ 627 $ Raiz 458 $ Kalsoom 4 380 $ Ashley 200 $ 203 $ Abdul Hakim 787 $ [15] L’appelante exploitait entre autres une entreprise de nettoyage d’immeubles commerciaux. Elle embauchait des travailleurs pour qu’ils nettoient les immeubles commerciaux de ses clients. [16] Selon la thèse de l’appelante, les travailleurs n’étaient pas engagés aux termes d’un contrat de louage de services. Autrement dit, l’appelante soutient que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants. [17] Ansar et Jacquelin ont été les deux seules personnes à témoigner. [18] Chaque affaire dans laquelle la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être tranchée selon les faits qui lui sont propres. Les quatre volets (le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte) du critère énoncé dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, doivent se voir attribuer le poids qui convient eu égard aux circonstances de l’affaire. En outre, l’intention des parties au contrat est devenue, selon certains arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, un facteur dont le poids semble varier d’un cas à l’autre (Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396; City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350; Équipe de ski Capitale nationale de l’Outaouais c. M.R.N., 2008 CAF 132). [19] En appréciant la preuve fournie par l’appelante, la Cour doit faire certaines remarques au sujet de l’omission d’appeler à témoigner certaines personnes qui auraient pu confirmer les déclarations d’Ansar. Dans la décision Huneault c. Canada, [1998] A.C.I. no 103 (QL), 98 DTC 1488 (fr.), ma collègue, la juge Lamarre, a mentionné, au paragraphe 25, QL (page 1491 DTC), certaines remarques que Sopinka et Lederman avaient faites dans l’ouvrage intitulé The Law of Evidence in Civil Cases, lesquelles ont été citées par le juge Sarchuk, de la présente cour, dans la décision Enns v. M.N.R., 87 DTC 208, à page 210 : Dans l’ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l’omission de faire comparaître un témoin, je cite : [traduction] « Dans l’affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65), Lord Mansfield a déclaré : « Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l’une des parties était en mesure de produire et que l’autre partie était en mesure de réfuter. » L’application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l’omission d’une partie ou d’un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d’élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l’omission a été attribuée. Dans le cas d’un demandeur auquel il incombe d’établir un point, l’effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve. (Levesque et al. c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.) (Souligné par mes soins) [20] En l’espèce, avant d’analyser les faits pertinents, il est utile de faire certaines remarques générales au sujet de la crédibilité d’Ansar qui, je tiens à le souligner, a été la seule personne à témoigner à l’appui de l’appel. J’insiste sur le fait que l’appelante a uniquement en fait produit les lettres (pièce A‑l) de trois travailleurs, disant que ceux‑ci étaient des entrepreneurs indépendants pendant qu’ils travaillaient pour elle. Je n’ai pas accordé beaucoup de poids à ces lettres étant donné que l’appelante n’a pas appelé ces travailleurs à témoigner. À mon avis, il serait dangereux de croire le témoignage d’Ansar en l’absence d’une preuve corroborante concluante sous la forme de documents ou de témoignages présentés par des personnes crédibles. [21] Les réponses d’Ansar étaient généralement vagues, imprécises et ambiguës. Trop souvent, lors du contre-interrogatoire, Ansar n’a pas pu donner d’explications au sujet des activités de l’appelante; il répétait constamment qu’il était un [traduction] « imbécile » et que seul le comptable et Kary – qui, comme je tiens encore une fois à le souligner, n’ont pas témoigné – étaient en mesure de donner des explications valables au sujet, entre autres choses, de la raison pour laquelle l’appelante avait cessé d’effectuer et de verser des retenues à la source en 2006. J’en déduis que ces témoignages n’auraient pas été favorables à l’appelante. Non seulement les réponses de l’appelante étaient généralement vagues et imprécises, elles ont été contredites sur certains points. Ainsi, Ansar a témoigné que les travailleurs et l’appelante avaient discuté de leur relation juridique lors de l’embauchage. Cependant, Jacquelin a témoigné qu’il n’avait jamais été question de la relation juridique avec l’appelante. Pour ces motifs, j’ai accordé peu de valeur probante au témoignage d’Ansar lorsqu’il n’était pas corroboré par une preuve documentaire solide ou par le témoignage de personnes crédibles. [22] Le témoignage de Jacquelin, qui semblait crédible, nous a également appris ce qui suit : (i) Il touchait un montant fixe pour les travaux de nettoyage effectués chez l’un des clients de l’appelante; (ii) Il n’avait pas négocié son taux de rémunération; (iii) Il ne fournissait pas d’instruments de travail ou de matériel; (iv) Il ne supportait pas de dépenses dans l’exécution de ses tâches; (v) Il avait le droit de décider de ses heures de travail, dans la mesure où il travaillait en dehors des heures du bureau de l’entreprise du client; (vi) Il avait embauché son épouse à un moment donné pour le remplacer. [23] Quant à la question de l’intention, quelle preuve existe‑t‑il au sujet de l’intention de l’appelante et des travailleurs en ce qui concerne la relation juridique qu’ils avaient établie? Premièrement, il importe de souligner qu’il n’existe aucune entente écrite à laquelle je puis me reporter. Deuxièmement, l’appelante a déclaré que, lorsqu’elle avait engagé les travailleurs, elle voulait que ceux‑ci agissent à titre de sous-traitants. La preuve de l’appelante sur ce point était basée sur le témoignage d’Ansar, qui, selon ce que j’ai décidé, n’était pas très crédible, ainsi que sur la preuve documentaire (pièce A-l, trois lettres de travailleurs disant qu’ils agissaient à titre d’entrepreneurs indépendants lorsqu’ils travaillaient pour l’appelante) à laquelle je n’ai pas accordé beaucoup de poids étant donné que l’appelante n’a pas appelé ces travailleurs à témoigner. En outre, un témoin crédible a déclaré qu’il n’avait même pas été question de la relation juridique qu’il établissait avec l’appelante lorsque celle‑ci l’avait embauché. Ce témoin a également déclaré qu’il ne comprenait pas vraiment ce qu’était un travail autonome lorsqu’il avait initialement conclu verbalement le contrat avec l’appelante. Je ne puis déduire de la preuve que l’appelante et les travailleurs s’entendaient sur le fait que les travailleurs devaient être des travailleurs autonomes plutôt que des employés. Lorsque l’intention des parties ne peut pas être établie, il est tout à fait approprié, et de fait nécessaire, d’examiner tous les faits pour voir quelle relation juridique ils indiquent. Sur ce point, les quatre volets du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. sont pertinents et utiles lorsqu’il s’agit de déterminer l’intention des parties au contrat et la nature juridique du contrat. [24] L’analyse que j’ai effectuée des facteurs de l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. est énoncée ci‑dessous. [25] La possibilité de profit. La preuve révélait que les travailleurs n’avaient pas négocié leur taux de rémunération. Les travailleurs touchaient un montant fixe en vue de nettoyer les locaux des clients de l’appelante. Ainsi, Jacquelin touchait chaque mois 700 $ pour nettoyer trois fois par semaine les locaux d’un client de l’appelante. Étant donné que les clients de l’appelante fournissaient l’équipement et le matériel nécessaires pour nettoyer leurs locaux, le travailleur aurait uniquement pu augmenter son revenu en sous-traitant ses tâches à d’autres travailleurs à un taux inférieur. La preuve ne révélait pas que les travailleurs pouvaient le faire ou qu’ils l’avaient fait, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés. [26] Le degré de responsabilité assumée par les travailleurs à l’égard des mises de fonds et de la gestion. Les travailleurs n’assumaient aucune responsabilité de ce genre, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés. [27] Le degré de risque financier assumé par les travailleurs. Les travailleurs n’assumaient aucun risque financier quant à quelque investissement que ce soit dans l’équipement ou dans les instruments de travail, ou quant à ce qu’il en coûtait pour exploiter l’entreprise. Ils ne souscrivaient pas leur propre assurance responsabilité, ce qui milite en faveur de la conclusion selon laquelle ils agissaient à titre d’employés. [28] La question de savoir si les travailleurs fournissaient leur propre matériel et leur propre équipement. À mon avis, ce facteur est neutre. Ni les travailleurs ni l’appelante n’étaient tenus de fournir l’équipement et le matériel nécessaires pour nettoyer les locaux des clients de l’appelante étant donné que ces derniers fournissaient tout ce qu’il fallait à cette fin. [29] Le degré de contrôle que l’appelante exerçait sur les activités des travailleurs. La preuve révélait que l’appelante ne supervisait pas directement le travail des travailleurs, Compte tenu de la nature de l’emploi, il n’était pas nécessaire de superviser de près les travailleurs, et ce, que ceux‑ci agissent à titre d’employés ou à titre de travailleurs autonomes. Cela étant, j’estime que ce facteur est neutre. [30] La question de l’embauchage d’assistants par les travailleurs. Jacquelin a témoigné que l’appelante lui avait permis de se faire remplacer s’il en assumait le coût, ce qui est compatible avec un travailleur qui agit à titre de travailleur autonome. Toutefois, rien ne montre qu’un travailleur se soit prévalu de ce droit (à l’exception de Jacquelin qui s’est fait remplacer par son épouse à un moment donné), ce qui donne à penser qu’il faut accorder peu de poids à ce facteur. [31] Somme toute, les facteurs de l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. militent en faveur de la conclusion selon laquelle les travailleurs étaient des employés. [32] Pour les motifs susmentionnés, les appels sont rejetés. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Traduction certifiée conforme ce 21e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 1 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-689(CPP) 2011-249(EI) INTITULÉ : Priority One Janitorial Services Inc. c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Edmonton (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 novembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : Le 9 janvier 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Ansar Bacchus Avocat de l’intimé : Me Robert Neilson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 10
TCC
2,012
Green c. La Reine
fr
2012-01-10
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30664/index.do
2022-09-04
Green c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-10 Référence neutre 2012 CCI 10 Numéro de dossier 2011-957(IT)I Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-957(IT)I ENTRE : SHAYE B. GREEN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 3 octobre 2011, à Victoria (Colombie-Britannique). Devant : L’honorable juge François Angers Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2008 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de janvier 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 10 Date : 20111210 Dossier : 2011-957(IT)I ENTRE : SHAYE B. GREEN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Il s’agit d’un appel que M. Shaye Green a interjeté à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour son année d’imposition 2008. En établissant la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a supprimé une perte en capital de 2 750 $ que l’appelant avait déduite et il a inclus un gain en capital de 68 250 $ à l’égard de la disposition d’un immeuble situé au 66, rue Main, à Ottawa (l’« immeuble »). [2] L’immeuble avait appartenu à la grand-mère de l’appelant et il avait été acheté en tant que lot en 1926. En 1954 ou vers 1954, un bâtiment a été construit sur le lot; le premier étage était utilisé à des fins commerciales et la famille de la grand-mère a habité le logement situé au deuxième étage jusqu’en 1966. La grand-mère de l’appelant est décédée en 1967. Dans son testament, l’immeuble était légué à ses fiduciaires, à savoir la mère de l’appelant et ses deux frères ou leur survivant ou survivants, pour que ceux‑ci le détiennent et l’administrent au profit de la mère de l’appelant toute sa vie durant; au décès de celle‑ci, l’immeuble devait être utilisé et administré par les fiduciaires de celle‑ci au profit de ses enfants jusqu’à ce que le plus jeune de ces enfants atteigne l’âge de vingt et un ans, l’immeuble devant alors être transféré en parts égales entre les enfants de la mère encore vivants à ce moment‑là pour qu’ils en aient l’utilisation absolue. [3] La mère de l’appelant possédait un intérêt viager jusqu’à son décès, le 18 juin 2007. Au moment du décès, tous les enfants de la mère avaient atteint l’âge de vingt et un ans et quatre enfants étaient vivants, dont l’appelant. Ils ont acquis un intérêt en fief simple dans l’immeuble après le décès de la mère de l’appelant. La mère de l’appelant était l’unique fiduciaire survivant aux termes du testament de la grand-mère; jusqu’en 2003, elle a produit des feuillets T3 pour le compte de la fiducie, mais aucune disposition de biens en immobilisation n’a été déclarée par 1a fiducie au cours de ces années. [4] Les déclarations relatives au droit de mutation (pièce R‑1, onglet 15) indiquent que, le 7 mars 2008, certains documents ont été enregistrés au bureau d’enregistrement immobilier, montrant que l’appelant, son frère et ses deux sœurs étaient tenants communs de l’immeuble. Ils ont tous les quatre vendu l’immeuble le 10 mars 2008 au prix de 395 000 $. [5] Une vérification de l’année d’imposition 2008 de l’appelant a été effectuée par suite d’une demande de certificat de décharge que l’appelant avait faite pour la succession de sa mère. La vérification a révélé que l’immeuble n’était pas une résidence principale, que des feuillets T3 avaient été produits par les fiduciaires jusqu’en 2003 et que, comme il en a ci‑dessus été fait mention, aucune disposition de biens en immobilisation n’avait été déclarée par la fiducie. Le 15 mars 1994, la fiducie avait de fait exercé un choix en vue de reporter le jour de la disposition réputée en vertu du paragraphe 104(5.3) de la Loi (pièce R‑l, onglet 9). [6] Par conséquent, le vérificateur a calculé le gain en capital réalisé lors de la disposition de l’immeuble en utilisant la juste valeur marchande de l’immeuble au 31 décembre 1971 (le jour de l’évaluation), qui, comme l’appelant en a convenu, était de 100 000 $. Le vérificateur a ajouté les frais de vente de 22 000 $ à ce montant. Un prix de base rajusté de 122 000 $ a donc été utilisé pour la détermination du gain total, de 273 000 $, dont un quart a été attribué à l’appelant. [7] L’intimée soutient que les bénéficiaires, y compris l’appelant, sont réputés avoir reçu l’immeuble à sa juste valeur marchande à la date du décès de la grand‑mère, en 1967. Étant donné que cette date était antérieure au jour de l’évaluation, le coût de l’immeuble serait sa juste valeur marchande au jour de l’évaluation, qui, comme on en a convenu, était de 100 000 $. L’intimée soutient en outre que le gain en capital réalisé à l’égard de l’immeuble a été calculé d’une façon appropriée et qu’il a été inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2008. [8] L’appelant fait valoir que la fiducie était responsable du paiement de l’impôt sur les gains en capital et qu’étant donné qu’il est uniquement devenu propriétaire de l’immeuble lors du décès de sa mère, il faudrait utiliser le prix de base rajusté de l’immeuble à ce moment‑là afin de calculer le gain en capital. Il affirme que le prix de base rajusté au moment du décès de sa mère ne peut pas être inférieur au prix auquel l’immeuble a été vendu, quelques mois plus tard. [9] Il s’agit de savoir si le ministre a eu raison d’inclure le gain en capital tiré de la disposition de l’immeuble dans le revenu de l’appelant pour son année d’imposition 2008. [10] Il importe d’examiner les faits de la présente affaire afin de répondre à la question susmentionnée. Lorsque la grand-mère de l’appelant était en vie, elle détenait le titre en common law et le titre en equity, qui s’appelle en droit un fief simple. Lorsqu’elle est décédée en 1967, une fiducie a été établie par testament, la mère de l’appelant et ses deux frères étant désignés à titre de fiduciaires. Le fief simple devait continuer à faire partie de la fiducie, sous réserve d’un domaine viager en faveur de la mère de l’appelant. Lors du décès de la mère de l’appelant, le fief simple détenu par la fiducie a été transmis aux bénéficiaires de la fiducie, à savoir l’appelant, son frère et ses deux sœurs, à titre de tenants communs. Le domaine viager ne comportait aucune condition ayant pour effet de rendre la mère de l’appelant responsable du paiement des impôts sur le revenu à l’égard de l’immeuble. Les fiduciaires sont chargés de produire les déclarations de revenus et ce sont eux qui s’acquittent de l’obligation relative à l’impôt sur les gains en capital, notamment lorsqu’il y a disposition réputée. [11] L’appelant a également soutenu que la succession de sa grand-mère devrait être responsable du paiement de l’impôt sur les gains en capital. L’impôt sur les gains en capital a commencé à s’appliquer le 31 décembre 1971 et pareil impôt n’a commencé à s’accumuler qu’en 1972. (Voir l’alinéa 104(4)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu). Étant donné que la grand-mère de l’appelant est décédée en 1967, sa succession ne peut pas être tenue responsable du paiement de l’impôt sur les gains en capital qui n’avait pas commencé à s’accumuler au cours de sa vie. [12] Il reste à savoir si la fiducie peut être tenue responsable du paiement de l’impôt sur les gains en capital se rapportant à l’immeuble. Le paragraphe 104(4) de la Loi indique la date à laquelle une disposition réputée a lieu dans le cadre d’une fiducie; il s’agit de la règle de disposition réputée au bout de vingt et un ans. Le sous‑alinéa 104(4)b)(i) s’applique à la fiducie testamentaire de la grand-mère de l’appelante et, en vertu de cette disposition, la date de la disposition réputée est le 1er janvier 1993, soit 21 ans après le 1er janvier 1972. [13] Selon le paragraphe 104(5.3) de la Loi, la fiducie peut reporter le jour de disposition réputée si elle fait un choix dans les six mois suivant le jour de disposition réputée dont il est question au paragraphe 104(4) et s’il y a un « bénéficiaire exempté » parmi ses bénéficiaires. La mère de l’appelant est considérée comme un bénéficiaire exempté en vertu du sous-alinéa 104(5.4)b)(ii) de la Loi. La mère de l’appelant, en sa qualité de fiduciaire, a fait un choix le 15 mars 1994, de sorte que le jour de disposition réputée a été reporté jusqu’au 1er janvier 1999 conformément aux dispositions du sous-alinéa 104(5.3)a)(i) de la Loi. [14] La fiducie n’a pas donné suite à ce choix et, bien qu’une disposition soit réputée avoir eu lieu en 1999, la fiducie n’a pas payé d’impôt sur les gains en capital accumulés jusqu’à ce moment‑là. L’Agence du revenu du Canada aurait donc pu établir une cotisation à l’égard de la fiducie pour cet impôt. [15] À mon avis, depuis 1999, les gains en capital se sont accumulés dans la fiducie. Le paragraphe 107(2) de la Loi oblige la fiducie à transférer aux bénéficiaires, en franchise d’impôt, les gains en capital accumulés sur une immobilisation, les bénéficiaires étant réputés avoir acquis le bien à un coût à peu près égal au prix de base rajusté de la fiducie. Selon le paragraphe 107(2.001) de la Loi, la fiducie peut choisir de ne pas faire appliquer le paragraphe 107(2) si elle réside au Canada, mais il faut présenter le formulaire prescrit avec la déclaration de revenus de la fiducie au cours de l’année de la distribution si ce paragraphe (107(2.001)) est invoqué. La fiducie n’a pas présenté le formulaire prescrit avec sa déclaration de revenus pour 2007 lorsqu’elle a transmis l’immeuble à l’appelant ainsi qu’à son frère et à ses sœurs. Par conséquent, le paragraphe 107(2) s’applique de façon à effectuer le transfert libre d’impôt du gain en capital accumulé en faveur des bénéficiaires. [16] La preuve révélait que le vérificateur a fourni à l’appelant la possibilité de faire abstraction de la règle de la disposition réputée. Selon toute vraisemblance, le vérificateur, en pareil cas, aurait utilisé le paragraphe 152(4) en vue d’établir les impôts, les intérêts et les pénalités se rapportant à l’impôt sur les gains en capital qui était dû depuis 1999. Cela aurait sans doute entraîné un résultat bien pire pour l’appelant. [17] J’ai déjà informé l’appelant, au cours de l’instruction, que ses déductions, pour l’impôt foncier, les services publics et l’entretien général se rapportant à l’immeuble, ont été refusées à juste titre par l’intimée étant donné qu’il n’a pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait supporté ces dépenses en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. [18] L’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de janvier 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 10 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-957(IT)I INTITULÉ : Shaye B. Green c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Victoria (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : Le 10 janvier 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 102
TCC
2,012
Hollingsworth c. La Reine
fr
2012-03-29
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30757/index.do
2022-09-04
Hollingsworth c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-03-29 Référence neutre 2012 CCI 102 Numéro de dossier 2011-2206(GST)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2011-2206(GST)I ENTRE : DAVID S. HOLLINGSWORTH, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 21 mars 2012 à Vancouver (Colombie-Britannique) Devant : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu ____________________________________________________________________ JUGEMENT La Cour ordonne que : a) l’appel des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 soit rejeté; b) l’appel des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2008 soit accueilli, et que les cotisations soient déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que : (1) les pénalités imposées pour production tardive des déclarations doivent être supprimées, et que (2) les intérêts sur l’arriéré doivent être rajustés de manière qu’un paiement effectué le 9 janvier 2009 soit imputé aux montants établis à compter des premières périodes de déclaration de 2008; c) chaque partie assume ses propres frais. Signé à Ottawa (Ontario), ce 29e jour de mars 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 11e jour de mai 2012. Marie‑Christine Gervais Référence : 2012 CCI 102 Date : 20120329 Dossier : 2011-2206(GST)I ENTRE : DAVID S. HOLLINGSWORTH, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] David Hollingsworth exploite une entreprise à titre de propriétaire unique depuis 1999. Le présent appel porte sur des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard de la taxe nette, d’intérêts et de pénalités pour production tardive. Les périodes de déclaration trimestrielles du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2008 sont en cause. Contexte [2] L’appelant a produit des déclarations de taxe sur les produits et services (la « TPS ») pour les périodes en cause le 16 août 2010. Il a déclaré une taxe nette totale de 5 861,29 $. [3] Les avis de cotisation pour ces périodes ont été envoyés le 13 septembre 2010. Dans les cotisations, la taxe nette a été acceptée telle qu’elle a été produite, des intérêts sur l’arriéré s’élevant au total à 944,20 $ ont été établis, et des pénalités de 234,38 $ au total pour omission de produire les déclarations dans les délais ont été imposées. [4] Le contexte est le suivant : lorsque l’appelant a lancé son entreprise en 1999, il a produit des déclarations de TPS trimestrielles pour deux ou trois périodes de déclaration, mais il a ensuite produit très peu de déclarations pendant 10 ans environ. Il soutient avoir payé la taxe nette au moyen de ses déclarations de revenus et avoir cru que cela était suffisant. [5] Personne ne conteste la date à laquelle les déclarations en cause ont été produites. Les déclarations de 2007 ont clairement été produites tardivement. [6] Les déclarations trimestrielles pour 2008 ont elles aussi été produites tardivement, mais ce n’est pas tout. L’appelant a tenté de produire une déclaration annuelle pour cette année‑là le 2 janvier 2009, soit dans le délai prescrit pour les déclarations annuelles. L’Agence de revenu du Canada (l’« ARC ») a rejeté la déclaration parce que ses dossiers indiquaient qu’en 2000, l’appelant avait demandé l’autorisation de produire des déclarations de TPS trimestrielles. [7] Le 16 août 2010, soit après que l’ARC lui eut demandé en 2009 de produire des déclarations, l’appelant a produit des déclarations trimestrielles qui paraissent se rapporter à la plupart des périodes de déclaration depuis 2001. Les déclarations incluaient toutes les périodes trimestrielles qui sont en cause dans le présent appel. [8] En ce qui concerne les paiements de la taxe nette, il semble qu’aucun paiement n’ait été joint aux déclarations produites en août 2010, mais que l’appelant ait effectué certains paiements au titre de la TPS au cours des années antérieures. [9] D’après les dossiers de l’ARC, l’appelant a effectué un paiement de 2 467,02 $ au titre de la TPS le 29 janvier 2008 et un autre, de 3 066,50 $, le 9 janvier 2009. [10] D’après l’agent des litiges qui a témoigné pour le compte de l’intimée, l’ARC a pour pratique de n’imputer les montants qui sont payés au titre de la TPS que lorsque les déclarations sont produites. [11] L’ARC a imputé le paiement effectué le 29 janvier 2008 aux montants dus pour les périodes de déclaration de 2001 et 2002. [12] L’ARC a imputé le paiement effectué le 9 janvier 2009 à la période de déclaration trimestrielle se terminant le 31 décembre 2008. Lorsque les déclarations trimestrielles ont été produites le 16 août 2010, ce paiement a été imputé à nouveau compte tenu des montants établis le 13 septembre 2009. En conséquence, le 16 août 2010, un montant de 555,42 $ a été imputé au montant établi pour la période de déclaration se terminant le 31 décembre 2008 (il n’a donc pas été imputé à nouveau), et le solde de 2 508,08 $ a été imputé à nouveau aux périodes de déclaration en 2007. Analyse [13] L’appelant reconnaît qu’il a produit tardivement les déclarations trimestrielles de TPS, mais il soutient qu’il en a fait suffisamment pour se conformer à ses obligations en matière de TPS et qu’il ne devrait pas être pénalisé davantage. Il fait valoir également que les paiements ont été à tort tenus en suspens et qu’ils auraient dû être imputés aux montants dus. [14] De manière générale, le témoignage de l’appelant a été beaucoup trop bref et trop vague pour justifier un rajustement à lui seul. Cependant, une partie de ce témoignage est étayée par les documents déposés par l’intimée. Le principal document à l’appui est l’état de l’arriéré (pièce R‑2). La preuve dans son ensemble justifie un certain rajustement des cotisations. [15] Premièrement, la tentative de production d’une déclaration annuelle de 2008 justifie l’élimination des pénalités pour production tardive pour la période de déclaration du 1er janvier au 30 septembre 2008. [16] Dans les circonstances de la présente affaire, il ne convient pas d’imposer une pénalité pour production tardive pour les périodes de déclaration de 2008. L’appelant a tenté de se conformer à l’obligation de déclaration, mais la déclaration a été rejetée. À mon avis, il a été suffisamment diligent relativement à cette période pour qu’aucune pénalité ne soit imposée. L’on peut comprendre que l’appelant ne se soit pas rappelé qu’il avait demandé l’autorisation de produire des déclarations trimestrielles près de dix ans auparavant. [17] L’avocate de l’intimée soutient que l’appelant n’a pas fait preuve de diligence relativement à cette déclaration, car il ne l’a produite qu’après que l’ARC lui en eut fait la demande. [18] La preuve dans son ensemble n’appuie pas cette prétention. L’appelant a témoigné que l’ARC avait communiqué avec lui à un moment donné en 2009 et que c’est ce qui l’avait amené à produire des déclarations remontant à dix années auparavant. Il a tenté de produire une déclaration annuelle le 2 janvier 2009. L’on ne peut pas de manière réaliste penser qu’une déclaration produite à cette date serait une réponse à une demande de l’ARC faite à un moment donné en 2009. Je suis d’avis que la déclaration du 2 janvier 2009 a été produite avant que l’ARC ne communique avec l’appelant. Quoi qu’il en soit, la déclaration a été produite dans les délais si la période de déclaration était annuelle. La question de savoir si la déclaration a été produite en réponse à une demande de l’ARC est sans importance. [19] Le deuxième rajustement qui doit être effectué se rapporte aux intérêts pour les périodes de déclaration de 2008 qui sont en cause. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’appelant a effectué un paiement de 3 066,50 $ en faveur de l’ARC le 9 janvier 2009. Ce paiement a été dans un premier temps imputé à la période trimestrielle se terminant le 31 décembre 2008 et, par la suite, une portion de ce paiement a été imputée à nouveau aux périodes se terminant en 2007. [20] À mon avis, ce paiement aurait dû être imputé à tous les trimestres de 2008 parce qu’il est suffisamment clair que c’est ce que l’appelant souhaitait. Le paiement et la déclaration annuelle ont probablement été effectués ensemble ou au même moment à peu près. [21] D’après le témoignage de l’agent des litiges, l’ARC impute les paiements aux périodes souhaitées par les contribuables. Dans la présente affaire, l’ARC aurait dû imputer le total du montant aux quatre trimestres en 2008 à la place du quatrième trimestre seulement. [22] Les intérêts sur l’arriéré pour les cotisations se rapportant à la période du 1er janvier au 30 septembre 2008 doivent être rajustés de manière à tenir compte du paiement effectué le 9 janvier 2009. Pour simplifier, les intérêts établis doivent être rajustés compte tenu du fait que le total du montant versé le 9 janvier 2009, soit 3 066,50 $, doit être imputé à la taxe nette telle qu’elle a finalement été établie, en commençant par les premières périodes trimestrielles de 2008. [23] Ce sont les seuls rajustements qui, à mon avis, doivent être apportés aux cotisations. [24] La preuve ne permet pas de justifier un rajustement de la taxe nette. Elle a été acceptée par le ministre telle qu’elle a été déclarée. [25] En ce qui concerne la pénalité pour production tardive relativement à l’année 2007, l’appelant soutient qu’il a cru qu’il était suffisant de payer la TPS au moyen de ses déclarations de revenus. Il affirme que l’ARC aurait dû lui demander de produire les déclarations de TPS. [26] Je ne souscris pas à cette prétention. Les contribuables sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à leurs obligations en matière de TPS sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’obligation de produire des déclarations. Je ne suis pas convaincue que l’appelant a exercé le soin approprié relativement aux déclarations de TPS de 2007. [27] En ce qui a trait aux intérêts pour 2007, un paiement a été effectué le 29 janvier 2008. L’on ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce que ce paiement soit imputé à l’année 2007, car les déclarations pour 2007 n’ont été produites que beaucoup plus tard. La preuve selon laquelle l’appelant souhaitait que ce paiement soit imputé aux montants dus pour 2007 est insuffisante. [28] En conséquence, l’appel des cotisations établies pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 sera rejeté. L’appel des cotisations établies pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2008 sera accueilli compte tenu du fait que les pénalités pour production tardive doivent être supprimées et que les intérêts doivent être rajustés de manière que le paiement effectué le 9 janvier 2009 soit imputé à des montants établis à compter des premières périodes de déclaration de 2008. [29] Chaque partie assume ses propres frais. Signé à Ottawa (Ontario), ce 29e jour de mars 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 11e jour de mai 2012. Marie‑Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 102 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2206(GST)I INTITULÉ : DAVID S. HOLLINGSWORTH c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 29 mars 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 103
TCC
2,012
Zheng v. La Reine
fr
2012-04-02
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30853/index.do
2022-09-04
Zheng v. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-02 Référence neutre 2012 CCI 103 Numéro de dossier 2010-2264(IT)G Juges et Officiers taxateurs Joe E. Hershfield Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-2264(IT)G ENTRE : PEI PEI ZHENG, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 12 mars 2012 à Toronto (Ontario) Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocat de l’intimée : Me Ernesto Caceres ____________________________________________________________________ JUGEMENT Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, les appels à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 sont accueillis sans frais, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis ce qui suit : · en ce qui concerne 2003, le montant de revenu non déclaré doit être réduit de 16 961 $ pour être ramené à zéro; · en ce qui concerne 2004, le montant de revenu non déclaré doit être réduit de 63 000 $ pour être ramené à 5 714 $; · en ce qui concerne 2005, le montant de revenu non déclaré doit être réduit de 54 878 $ pour être ramené à 39 284 $. Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 103 Date : 20120402 Dossier : 2010-2264(IT)G ENTRE : PEI PEI ZHENG, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hershfield [1] L’appelante interjette appel des cotisations portant sur ses années d’imposition 2003, 2004 et 2005. [2] L’appelante a produit ses déclarations de revenus générales T1 pour 2003, 2004 et 2005 le 15 mai 2007 ou vers cette date, dans lesquelles elle a déclaré ce qui suit : 2003 2004 2005 Revenus de location 11 496 $ 13 800 $ 21 073 $ Revenus d’emploi de Cara Operations Limited 8 572 $ 8 959 $ 11 441 $ Autres revenus 2 709 $ 1 380 $ 2 087 $ Total 22 776 $ 24 139 $ 34 601 $ [3] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour chacune de ces années d’imposition afin d’inclure le revenu d’entreprise non déclaré et les pénalités pour faute lourde. [4] L’appelante s’est opposée aux nouvelles cotisations et, en se fondant sur les observations présentées à la section d’appel de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante afin de réduire le montant du revenu non déclaré, ce qui a entraîné l’inclusion des montants suivants : · 16 961 $ en 2003 · 69 120 $ en 2004 · 94 162 $ en 2005. Les pénalités pour faute lourde ont également été réduites en conséquence. [5] L’appelante interjette appel de ces nouvelles cotisations en fonction d’un certain nombre de mauvais calculs allégués et d’informations erronées sur lesquelles le ministre s’est fondé pour les établir. [6] La réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») indique que les nouvelles cotisations étaient fondées sur une méthode communément appelée l’établissement des cotisations selon l’avoir net. Le ministre a établi que le revenu déclaré de l’appelante ne lui permettrait pas de maintenir son train de vie, qu’elle avait gagné un revenu d’entreprise tiré de ce que l’on pourrait décrire comme une activité criminelle et qu’elle n’avait pas tenu de registres indiquant la source et le montant véritables de son revenu pour les années en cause. [7] La réponse expose en outre en détail de quelle façon une analyse comparative de son actif net révélait des augmentations de 2002 (l’année de référence) à 2003, puis à 2004 et à 2005. [8] L’appelante a témoigné à l’audience. En général, sur la foi de son témoignage, je crois que la méthode utilisée par le ministre a entraîné une surestimation du revenu non déclaré de l’appelante. Par contre, l’absence de registres et d’éléments de preuve corroborants dans la plupart des cas qui auraient pu étayer la majeure partie de son témoignage intéressé a fait en sorte qu’il était difficile de quantifier avec certitude le montant du revenu non déclaré pour les années en question. Certains rajustements sont quand même justifiés. [9] La jurisprudence dans ce domaine n’exige pas que le ministre établisse l’existence d’une entreprise alléguée ou d’une autre source de revenu non déclaré[1]; cependant, il convient de souligner que l’appelante a nié fermement avoir été impliquée dans quelque entreprise ou activité de la nature de celle qui est décrite dans la réponse. [10] J’accepte son témoignage à ce sujet. À mon avis, il est improbable que, dans les faits, l’appelante ait été impliquée personnellement dans l’activité alléguée. De plus, je constate que, d’après le témoin de l’intimée, le fondement de l’hypothèse d’une activité criminelle n’était rien de plus qu’un renseignement dont on semble avoir assuré le suivi seulement en faisant en sorte qu’il donne lieu à la cotisation portée en appel. Dans la présente affaire, je ne peux m’empêcher de douter de la fiabilité d’un tel renseignement. Il est troublant de constater que l’on a agi, dans la présente affaire, en se fondant sur ce qui pourrait être un renseignement non étayé pour imposer à un contribuable le fardeau exigeant et difficile de se défendre contre l’établissement d’une cotisation de l’avoir net. Il demeure qu’une fois que la cotisation est établie et que le fondement du calcul du revenu non déclaré est détaillé, le contribuable doit prouver les erreurs dans la méthode utilisée ou les erreurs relatives aux éléments inclus dans le détail du calcul de la croissance de l’actif et à certaines dépenses ou bien les erreurs dans l’hypothèse selon laquelle la croissance de l’actif et ces dépenses ont été financées au moyen d’un revenu non déclaré. [11] Par conséquent, même si je conclus que la source de revenu d’entreprise qu’allègue l’intimée a été réfutée, l’appelante n’est pas pour autant dégagée de sa responsabilité de justifier les augmentations de son avoir net de manière à établir qu’elles ne proviennent pas, selon la prépondérance de la preuve, d’une source imposable. De fait, l’appelante ne nie pas qu’elle n’a pas déclaré certains revenus. Elle fait plutôt valoir que la méthode utilisée pour établir la cotisation est remplie d’hypothèses erronées relativement aux dépenses rattachées à son mode de vie et aux sources de ses revenus. Elle a témoigné avec émotion que, depuis son arrivée au pays, elle a travaillé très fort dans plusieurs emplois pour améliorer son sort. Sa mère et son frère sont décédés, ce qui fait qu’elle pouvait présenter très peu d’éléments de preuve de leur contribution à son bien-être financier apparent. Son témoignage, qui m’a généralement semblé digne de foi, donne l’impression que les augmentations de l’avoir net dans cette affaire pourraient bien être attribuables au revenu non déclaré provenant de très longues heures de travail additionnelles, au regroupement des ressources familiales qui ont pu inclure des revenus non déclarés d’autres membres de la famille et au mode de vie modeste et à la gestion judicieuse des affaires financières de sa famille. Néanmoins, ces impressions générales ne font pas disparaître ce fardeau qui repose sur les épaules de l’appelante. Il ne suffit pas que l’appelante ait convaincu la Cour que la cotisation est vraisemblablement erronée. Elle doit présenter des éléments de preuve qui réfutent des hypothèses et des calculs précis. [12] Les trois éléments principaux au sujet desquels l’appelante a expressément soulevé une objection sont les suivants : · Bien que l’achat en 2004 d’un véhicule Audi 2003 au coût de 25 000 $ ait été immatriculé au nom de l’appelante, il a été fait par son frère avec l’argent de ce dernier. · Un montant de 25 000 $ sur les 33 425 $ consacrés à l’achat d’un véhicule Lexus en 2005 était un prêt de son frère. · Au cours des années en question, elle a prêté beaucoup d’argent à des personnes qu’elle a nommées à l’audience. Elle a témoigné que ces prêts ont été remboursés et qu’ils ne devraient donc pas être inclus dans son revenu. Elle a mentionné un prêt de 10 000 $ consenti à son frère, un prêt de 12 000 $ accordé à un ami en Chine, ainsi qu’un prêt de 6 000 $ au cousin de son ami se trouvant à Terre-Neuve. Elle a également consenti des avances à sa mère et à sa sœur s’élevant au total à environ 6 400 $ et donné une somme de 26 000 $ à son ex-époux. [13] En ce qui concerne les prêts et les remboursements, je ne suis pas convaincu, au vu de la preuve présentée, que les remboursements devaient être considérés comme des éléments faisant partie des calculs de l’avoir net au cours des années en cause. De fait, il semble que les remboursements allégués ont tous eu lieu bien après 2005. Dans ces conditions, je ne peux apporter de rajustements aux cotisations en me fondant sur ce volet du témoignage de l’appelante. En outre, je constate que le remboursement des prêts consentis à son ex-époux, au sujet duquel l’appelante a témoigné, a pris la forme de services qu’il a exécutés dans les immeubles locatifs qui appartenaient à cette dernière ou qui leur appartenaient, et que ce remboursement n’aurait pas pu être inclus dans les augmentations de son avoir net tel qu’il a été établi par le ministre et ne peut donc pas être soustrait. [14] En ce qui a trait à la provenance des fonds ayant servi à acheter le véhicule Audi 2003, je conclus que les 25 000 $ provenaient selon toute vraisemblance de son frère et que le véhicule n’a été immatriculé au nom de l’appelante que par souci de commodité. Des documents d’assurance corroboraient que la voiture n’était pas sur la route pendant de longues périodes qui, selon le témoignage de l’appelante, coïncidaient avec les présences de son frère en Chine. De plus, certains éléments de preuve (qui portaient cependant à confusion et étaient intéressés) m’ont convaincu selon la prépondérance des probabilités que la voiture a été cédée au fils de son frère au décès du frère en question. En outre, elle possédait sa propre voiture lors de l’achat du véhicule Audi et elle a continué de posséder et d’utiliser sa voiture jusqu’à ce qu’elle fasse l’acquisition du véhicule de marque Lexus. [15] Par ailleurs, son témoignage selon lequel son frère lui a prêté 25 000 $ pour acheter le véhicule Lexus n’est aucunement corroboré. De fait, il semble contredire dans une certaine mesure le témoignage de l’appelante selon lequel elle avait prêté 10 000 $ à son frère au cours de la même année. [16] Au dire de l’appelante, certaines dépenses personnelles comprises dans le calcul de l’avoir net étaient excessives. Toutefois, les écarts étaient mineurs et n’expliquent pas l’ampleur de l’excédent qu’elle a fait valoir en ce qui concerne les décisions du ministre. [17] Le fait que l’appelante semble être la personne-ressource de sa famille sur le plan de la gestion des affaires financières de chacun rend encore plus difficile la tâche de trouver clairement un fondement rationnel permettant de déterminer quelles sont les inclusions excessives. Elle avait accès à l’argent de sa mère, et son frère ainsi que son ex‑époux semblaient tous deux la traiter comme le chef de famille, ce qui a engendré un flou dans les affaires financières de chacun. [18] Toutefois, la mesure dans laquelle la situation financière de la famille est embrouillée constitue un problème dont elle doit assumer la responsabilité. L’appelante n’a pas de lacunes sur le plan des connaissances financières. Elle a investi dans des immeubles locatifs dont elle a structuré le financement et dont elle assurait la gestion. Il est donc difficile d’accepter que l’absence de registres qui documenteraient ses sources de financement soit imputable à l’ignorance. [19] Cela dit, dans la présente affaire, la détermination de l’avoir net est problématique. Tel qu’il a été mentionné précédemment, l’intimée a appelé un témoin afin qu’il rende compte de la méthode d’établissement de la cotisation. Ce témoin était le vérificateur qui a établi la cotisation initiale. L’agent des appels qui a établi la cotisation en litige n’a pas été appelé à témoigner. [20] Je n’étais pas très à l’aise avec le témoignage du vérificateur quant à l’utilisation qu’il a fait des données de Statistique Canada pour établir les dépenses personnelles de l’appelante dans certaines catégories, mais je dispose de peu de renseignements pour apporter des rajustements à cet égard. Toutefois, il convient d’examiner une catégorie de dépenses personnelles dans chacune des années en cause, à savoir l’inclusion des prêts consentis par l’appelante. [21] Le vérificateur a reconnu l’existence d’une lacune possible dans la méthode utilisée pour déterminer le montant du revenu non déclaré en incluant les prêts consentis par l’appelante à titre de dépenses personnelles. Il a admis la possibilité, voire la probabilité, que cette inclusion ait donné lieu à une double comptabilisation. [22] Plus précisément, le vérificateur a reconnu l’ajout des montants suivants comme dépenses personnelles : 2003 2004 2005 26 949 $ 38 406 $ 54 876 $ [23] Le vérificateur a admis que ces montants reflétaient le total des montants des retraits (après les rajustements de l’agent des appels) qui, selon lui, constituaient des prêts consentis par l’appelante d’après les renseignements et les registres produits par cette dernière. Il a reconnu que ces inclusions constitueraient une double comptabilisation si, dans les faits, la source de ces prêts était les montants du revenu non déclaré qu’il avait déjà ajouté à son revenu sur la base des augmentations de l’avoir net au cours des années en cause. [24] Le fait d’ajouter des fonds qui représentent des rentrées et de les ajouter de nouveau lorsqu’ils constituent des sorties impose à l’appelante un double fardeau qui, à mon avis, est inacceptable. Une seule utilisation d’un instrument rudimentaire suffit, du moins dans la présente affaire. [25] Je m’appuie donc sur la présence d’une lacune dans la méthode qui, dans la présente affaire, compromet très largement la cotisation établie. En 2003, la possibilité de double comptabilisation s’établit à 26 949 $. Toutefois, le montant de la réduction du revenu non déclaré requis en l’espèce est limité aux 16 961 $ de la cotisation. Le montant de la réduction pour les années 2004 et 2005 n’est pas aussi limité. La réduction du revenu non déclaré pour 2004 est donc de 38 406 $ et celle de 2005 s’établit à 54 876 $. Toutes ces réductions se fondent sur la reconnaissance de la double comptabilisation par le vérificateur et sur le fait que j’accepte, dans la présente affaire, que les cotisations selon l’avoir net qui sont en litige excédent considérablement selon toute vraisemblance les montants de revenu non déclaré pour chacune des années en cause. [26] J’accueille l’appel pour ce motif. De plus, tel qu’il a été mentionné précédemment, le revenu non déclaré pour l’année 2004 doit être réduit de 25 000 $ supplémentaires parce que l’appelante n’est pas la propriétaire du véhicule Audi de 2003 et ne l’a pas payé. [27] Les appels sont par conséquent accueillis sans frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 103 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-2264(IT)G INTITULÉ : PEI PEI ZHENG c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 mars 2012 MOTIFS DE JUGEMENT : L’honorable juge J. E. Hershfield DATE DU JUGEMENT : Le 2 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocat de l’intimée : Me Ernesto Caceres AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Voir l’arrêt Hsu c. R., 2001 DTC 5459 (C.A.F.), par. 29; décision appliquée dans la décision Dao c. Canada, 2010 DTC 1086 (C.C.I.).
2012 CCI 104
TCC
2,012
Sokolowski Romar c. La Reine
fr
2012-04-25
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30783/index.do
2022-09-04
Sokolowski Romar c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-25 Référence neutre 2012 CCI 104 Numéro de dossier 2010-737(IT)G Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-737(IT)G ENTRE : ISABELLA SOKOLOWSKI ROMAR, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu les 13 et 14 février 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge François Angers Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Richard Généreux Avocates de l'intimée : Me Nathalie Labbé Me Valérie Messore ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel de la cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu est rejeté avec dépens selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2012. « François Angers » Juge Angers Référence : 2012 CCI 104 Date : 20120425 Dossier : 2010-737(IT)G ENTRE : ISABELLA SOKOLOWSKI ROMAR,, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Le 30 mai 1996, une cotisation de 949,999 $ a été établie à l'égard de l'appelante en application de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et ce, à la suite d'un transfert d'immeuble (la résidence familiale) en date du 30 juin 1988 entre son époux, en sa qualité d'auteur du transfert, et l'appelante, en sa qualité de bénéficiaire. L'appelante et son époux se sont mariés le 20 juin 1975 sous le régime de la société d'acquêts. [2] La résidence familiale en question a été achetée le 4 juin 1986 et le titre du bien était au nom de l'époux de l'appelante. En 1986 et 1987, des rénovations assez substantielles ont été effectuées à la résidence familiale en prévision de l'agrandissement de la famille. Des demandes d'adoption avaient été soumises en 1985-1986 et, en 1990, le couple a adopté deux enfants. La valeur marchande de la résidence familiale ne fait pas l'objet d'une contestation dans le présent litige. [3] L'époux de l'appelante a reçu la visite de représentants de Revenu Canada en mai 1986 concernant sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1985. Cette vérification pour son année d'imposition 1985 s'est poursuivie et, le 17 juillet 1987, il a reçu une lettre de Revenu Canada l'informant qu'à la suite de la vérification, Revenu Canada se proposait de rajuster sa déclaration de revenu de 1985 en rejetant les pertes d'environ 3 millions de dollars qu'il avait réclamées en relation avec une société en nom collectif et d'autres dépenses et on lui accordait 30 jours pour présenter des observations avant l'établissement d'un avis de nouvelle cotisation. Revenu Canada a poursuivi les vérifications et, éventuellement, a refusé à l'époux de l'appelante les pertes en question. [4] Quand les demandes d'adoption ont été présentées et les rénovations ont été effectuées, l'appelante aurait fait valoir qu'elle voulait plus de sécurité et de stabilité sur le plan financier étant donné que son époux était un homme d'affaires. Elle voulait être certaine que la résidence familiale ne soit pas assujettie aux risques d'affaires de son époux. La preuve n'indique pas la date, mais le couple a consulté un notaire qui était un ami de la famille pour lui demander des conseils au sujet de leur situation. [5] La solution proposée était de changer de régime matrimonial. Le notaire leur aurait alors demandé de préparer une liste de leurs actifs. Selon l'époux de l'appelante, le notaire a rédigé un acte de vente en date du 30 juin 1988 dans lequel l'époux transférait à l'appelante la résidence familiale. À cette fin, le notaire aurait utilisé l'information qu'il avait dans ses dossiers. L'acte de vente a été publié le 4 juillet 1988. Il convient de reproduire le paragraphe 5 de l'acte de vente sous la rubrique « déclaration » : [TRADUCTION] 5 - Que son état civil n'a pas changé depuis qu'il est devenu le propriétaire de l'emplacement visé par le présent acte de vente, qu'il est marié en vertu du régime de la société d'acquêts à l'acheteuse Isabella Sokolowski, conformément aux lois de la province de Québec, où ils étaient domiciliés lorsqu'ils se sont mariés, le vingt juin mille neuf cent soixante-quinze (1975). [6] Le prix de vente est de 1 $ et [TRADUCTION] « autre contrepartie à titre onéreuse et valable que l'acheteuse a payé comptant au vendeur et que celui-ci reconnaît avoir reçu de l'acheteuse, à qui il accorde une quittance générale et finale ». Le document se termine comme suit [TRADUCTION] « ce et après lecture faite, les parties ont signé … » [7] Selon l'époux de l'appelante, au moment où l'acte de vente a été signé, il n'avait pas préparé la liste de leurs actifs respectifs par manque de temps, ce qui expliquerait le retard dans la suite des choses. [8] Le notaire qui a préparé toute la documentation pertinente est décédé en 1990. Le notaire qui est devenu cessionnaire de son cabinet a témoigné avoir trouvé deux dossiers au nom de l'époux de l'appelante. Le premier concerne l'achat par l'époux de la résidence familiale en 1986 et le deuxième concerne la modification du régime matrimonial, dossier qui a été ouvert le 1er février 1989. Dans ce dernier dossier, on trouve une note manuscrite non datée de l'époux où sont énumérés les biens faisant l'objet du partage mais dont la valeur n'est pas précisée. Le notaire n'a trouvé aucun dossier se rapportant à l'acte de vente daté du 30 juin 1988 qui transférait à l'appelante la résidence familiale. [9] Selon l'époux, la note manuscrite, aurait été remise au notaire au début 1989 et c'est le 20 avril 1989 qu'une entente de modification de leur régime matrimonial a été signée par l'appelante et son époux devant le notaire et dans laquelle ils adoptent le régime de séparation de biens. Dans un document portant la même date, l'appelante et son conjoint procèdent au partage des actifs composant la société d'acquêts qui existait jusqu'alors et chacun cède à l'autre toute partie indivise de propriété qui n'était pas dans sa liste respective de biens à partager. La résidence familiale fait partie de la liste des biens qui reviennent à l'appelante. [10] Pour les fins du procès, l'époux de l'appelante a ajouté une valeur à chacun des biens ainsi partagés. Il a réussi à reconstituer ces valeurs en se fiant sur des documents de l'époque. Il devient évident que, selon ces valeurs, le partage a nettement favorisé l'époux, à qui près de 70% de leurs actifs combinés a été attribué. L'époux explique cet écart en faisant valoir que, ce qui était important pour l'appelante, c'était la résidence familiale et un voilier qui servait de résidence d'été pour la famille. En ce qui le concerne, il voulait conserver ses liquidités afin de les investir dans ses entreprises. Selon l'époux et l'appelante, les autres contreparties valables auxquelles fait référence l'acte de vente de la résidence familiale sont les actifs que l'appelante a cédés à son époux dans le cadre du partage de leurs biens et la valeur de ces actifs est suffisamment grande pour constituer une contrepartie égale à la juste valeur marchande de la résidence familiale. [11] Le 13 décembre 1990, l'appelante et son conjoint, devant notaire et conformément à l'article 42 de la « Loi modifiant le Code civil du Québec » et à d'autres dispositions législatives, ont déclaré ne pas vouloir être assujettis aux dispositions des articles 462.1 à 462.13 du Code civil du Québec relatifs au patrimoine familial des époux lesquelles favorisent l'égalité économique des époux. Le législateur, en adoptant les dispositions concernant le patrimoine familial, a permis aux époux déjà mariés avant l'entrée en vigueur de la Loi (1er juillet 1989) de faire un choix dans les 18 mois suivants, soit au plus tard le 31 décembre 1990. Le concept de patrimoine familial ne s'applique donc pas en l'espèce. [12] L'époux de l'appelante a fait l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard de ses années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990. Il n'est pas contesté que l'époux avait une dette à payer en vertu de la Loi au moment du transfert de la résidence familiale ou que la juste valeur marchande du bien transféré à l'époque du transfert était de l'ordre de 950 000 $. La thèse de l'appelante [13] L'appelante soutient que le transfert de la résidence familiale en date du 30 juin 1988 a été complété par l'acte de partage signé par les époux le 20 avril 1989 et que la contrepartie donnée par l'appelante pour ce transfert est égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale selon les valeurs établies par l'époux. Selon ces valeurs, l'époux a reçu une contrepartie supérieure à la juste valeur marchande de la résidence. En fait, selon l'appelante, c'est ce à quoi elle fait référence quand elle affirme que la contrepartie indiquée dans l'acte de vente inclut [TRADUCTION] « et autres contreparties valables ». [14] L'appelante soutient aussi que, même si le transfert a eu lieu le 30 juin 1988, la contrepartie est égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale étant donné que l'acte de vente indique une contrepartie de 1 $ et autre contrepartie à titre onéreux et valable. L'appelante soutient que le patrimoine de l'époux de l'appelante n'a pas été appauvri par le transfert de la résidence familiale en question en faveur de l'appelante et qu'il n'y a pas eu enrichissement sans cause du patrimoine de l'appelante en raison de ce transfert. La thèse de l'intimée [15] L'intimée soutient que l'acte de vente du 30 juin 1988 constitue un transfert de la résidence familiale et cet acte de vente a été publié le 4 juillet 1988 et devient ainsi opposable aux tiers, incluant le ministre du Revenu national, selon l'article 2941 du Code civil du Québec (articles 2082 et 2083 du Code civil du Bas-Canada). À cette date, la dette fiscale de l'époux était supérieure à 949,999 $. [16] L'intimée soutient que, dans l'acte de vente du 30 juin 1988, l'appelante et son époux ont déclaré qu'il n'y avait aucun projet d'entente en cours concernant un changement de régime matrimonial de sorte que ce transfert ne pouvait faire partie du partage résultant du changement du régime matrimonial intervenu le 20 avril 1989. [17] L'intimée soutient de plus que le changement de régime matrimonial ne vise aucunement à donner une quelconque contrepartie à l'époux pour le transfert de la résidence familiale survenu le 30 juin 1988. Elle soutient que le changement de régime matrimonial est un changement de régime conventionnel selon l'alinéa 2 de l'article 465 du Code civil du Québec (article 497 de la version antérieure) et que, selon cette disposition, les effets de la dissolution se produisent immédiatement de sorte que, dans le présent cas, pour l'appelante et son époux, les effets du changement de régime matrimonial se sont produits le 20 avril 1989 et non à une date antérieure. Finalement, l'intimée soutient que les termes de l'article 160 de la Loi sont clairs et qu'il faut déterminer la contrepartie donnée au moment du transfert. Les questions en litige [18] Y a-t-il eu un transfert de la résidence familiale en date du 30 juin 1988 au sens de l'article 160 de la Loi et, dans l'affirmation, est-ce-que le transfert a été effectué pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande du bien transféré? Analyse [19] L'article 160 prévoit ce qui suit : (1) Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes : (a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait; (b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans; (c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance, les règles suivantes s'appliquent : (d) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens; (e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants : (i) l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien, (ii) le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années; aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi. . . . (2) Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation à l'égard d'un contribuable pour toute somme payable en vertu du présent article. Par ailleurs, les dispositions de la présente section s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en vertu du présent article comme si elles avaient été établies en vertu de l'article 152. [20] La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wannan c. La Reine, 2003 DTC 5715 avait ceci à dire à propos de l'article 160 : [3] . . . Il n'existe pas de défense de diligence raisonnable à l'encontre de l'application de l'article 160. Cet article peut s'appliquer au cessionnaire de biens qui n'a pas l'intention d'aider le débiteur fiscal primaire à se soustraire à l'impôt. Il peut même s'appliquer au cessionnaire qui n'a pas connaissance de la situation fiscale du débiteur fiscal primaire. Cependant, l'article 160 a été validement promulgué comme partie des lois du Canada. Si la Couronne entend se fonder sur l'article 160 dans un cas donné, elle doit être autorisée à le faire pour autant que les conditions prévues soient remplies. [21] Aux paragraphes 9, 17 et 18 de l'arrêt La Reine c. Livingston, 2008 DTC 6233, le juge Sexton de la Cour d'appel fédérale a établi les critères nécessaires pour engendrer l'application de l'article 160 en relation avec l'objet et l'esprit du paragraphe 160(1) : [9] Le juge de la Cour de l'impôt a posé en principe que les quatre critères suivants doivent être remplis pour que soit déclenchée l'application du paragraphe 160(1) : 1) Il doit y avoir eu transfert de biens. 2) Il faut que l'auteur et le bénéficiaire du transfert aient un lien de dépendance. 3) Le bénéficiaire du transfert ne doit pas avoir donné de contrepartie à l'auteur du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante (je ferai remarquer ici que le juge de première instance a écrit : [TRADUCTION] « L'auteur du transfert » ne doit pas avoir donné de contrepartie au bénéficiaire du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante" [caractères gras ajoutés]: c'est là une citation erronée de la définition du critère applicable formulée dans l'arrêt Raphael c. Canada, 2002 CAF 23 (CanLII), 2002 CAF 23); 4) Il faut que l'auteur du transfert soit tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment du transfert. . . . [17] Étant donné la signification claire des termes du paragraphe 160(1), les critères dont dépend le déclenchement de son application se révèlent évidents : 1) L'auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert. 2) Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon. 3) Le bénéficiaire du transfert doit être : i. soit l'époux ou conjoint de fait de l'auteur du transfert au moment de celui-ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait; ii. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert; iii. soit une personne avec laquelle l'auteur du transfert avait un lien de dépendance. 4) La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert. [18] L'application de ces critères dépend dans une mesure particulièrement importante de l'objet du paragraphe 160(1). Dans l'arrêt Medland c. Canada, 98 DTC 6358 (C.A.F.) (Medland), notre Cour a conclu que l'objet et l'esprit de ce paragraphe "consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint [ou encore à un mineur ou à une personne avec qui il a un lien de dépendance] afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû". Voir aussi le paragraphe 10 de Heavyside c. Canada, [1996] A.C.F. no 1608 (C.A.) [QL] (Heavyside). De façon encore plus pertinente pour la présente espèce, la Cour canadienne de l'impôt a posé en principe qu'il serait contraire à l'objet du paragraphe 160(1) que l'auteur d'un transfert permette au bénéficiaire de celui-ci d'utiliser les sommes transférées pour payer les dettes dudit auteur en favorisant des créanciers déterminés aux dépens de l'ARC; voir le paragraphe 19 de Raphael c. Canada, 2000 DTC 2434. [22] Il s'agit donc de déterminer à quand remonte le transfert de la résidence familiale. S'agit-il, comme le prétend l'appelante, d'une opération qui s'inscrit dans une transaction plus large, de sorte que le transfert en question n'aurait été complété que le 20 avril 1989 ou s'agit-il d'un transfert en date du 30 juin 1988, mais avec une contrepartie valable et supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale? [23] La notion de transfert telle qu'utilisée à l'article 160 de la Loi a fait l'objet de nombreuses décisions où a été citée la décision l'affaire Fasken Estate c. le Ministre du Revenu national, [1948] Ex. C. R. 580. Dans cette décision, le président Thorsen de la Cour de l'Échiquier a déclaré au paragraphe 12 : [TRADUCTION ] Le mot « transfert » n'est pas un terme technique et n'a pas de sens technique. Il n'est pas nécessaire qu'un transfert de biens d'un mari à sa femme revête une forme particulière ou qu'il soit fait directement. Il suffit que le mari se départisse [sic] des biens en faveur de sa femme, c'est-à-dire qu'il lui cède les biens. Le moyen par lequel il parvient à ce résultat, que ce soit directement ou indirectement, peut à juste titre être appelé un transfert. [. . . ] La version originale anglaise de ce passage est encore plus explicite : (…) [a]ll that is required is that the husband should so deal with the property as to divest himself of it and vest it in his wife, that is to say, pass the property from himself to her. (…) [24] Dans l'arrêt St. Aubyn v. Attorney General, [1952] A.C. 15, Lord Radcliffe a circonscrit la notion de « transfert » d'une manière similaire à celle du Président Thorsen. Il a écrit ce qui suit : [TRADUCTION] Si le terme « transfert » est interprété selon son premier sens, une personne transfère un bien à une autre personne si elle accompli ou signe l'acte qui la dessaisie du bien et qui, simultanément, fait passer le bien dans le patrimoine de l'autre personne. (page 53). [25] Une autre décision pertinente au concept de « transfert » est Dunkelman c. Le Ministre du Revenu national, (1959), 59 D.T.C. 1242, également de la Cour de l'Échiquier du Canada. Dans cette décision, comme dans Fasken Estate (précitée), il s'agissait de déterminer si les règles d'attribution étaient applicables. Dans Dunkelman, il fallait aussi déterminer si un prêt consenti à une fiducie constituait un transfert aux fins du paragraphe 22(1) de la Loi sur le revenu, S.C. 1948 chapitre 52. Après avoir cité St. Aubyn v. Attorney General, (précité), le juge Thurlow a écrit au paragraphe 11 : [TRADUCTION] L'expression « a transporté » (ou a transféré) au paragraphe 22(1), à mon avis, un sens semblable. Le contribuable n'a qu'à se dessaisir d'un bien qui lui appartient et le céder à une personne qui a moins de 19 ans. La façon de transférer un bien n'a aucune importance, car il semble clair que le but visé par le paragraphe est d'assujettir l'auteur du transfert à l'impôt sur le revenu tiré du bien transféré ou d'un bien qui lui est substitué, peu importe la façon dont a été accompli le transfert. La portée de la disposition n'est pas modifiée ou nuancée par des expressions telle que « comme si le transport n'avait pas été effectué », qui figurait dans l'article correspondant de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Voir l'arrêt McLaughlin v. Minister of National Revenue, [1952] EX.C.R. 225, [1952] C.T.C. 104. Par ailleurs, il est également clair que l'objet d'un transfert visé par l'article doit être le bien de l'auteur du transfert, et non celui d'une autre personne, et, pour que le paragraphe s'applique, il doit l'avoir cédé à une personne de moins de 19 ans. [26] Le juge Archambault de notre Cour a fait un survol de la jurisprudence quant à la notion du transfert que l'on trouve au paragraphe 160(1) de la Loi et il a ajouté ceci à propos des décisions Fasken et Dunkelman, précitées : À mon avis, il ressort des décisions Fasken et Dunkelman que, pour qu'il y ait un transfert d'un bien aux fins des règles d'attribution, il est essentiel que l'auteur du transfert se soit départi de son droit de propriété et que le bien ait été dévolu au bénéficiaire. La simple possession d'un bien prêté avec l'obligation de le rendre ne satisfait pas à cette condition. À mon avis, tel est le sens qu'il faut donner à l'expression « qu'il lui cède les biens ». Il faut également retenir ce sens aux fins du paragraphe 160(1) de la Loi. Comme le disait le juge Desjardins dans l'arrêt Medland (précité) au paragraphe 14 : « […] la politique fiscale qui sous-tend le paragraphe 160(1), ou son objet et son esprit consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû. » […] [27] Il y a donc eu en date du 30 juin 1988 un acte de vente notarié, dûment enregistré selon les dispositions de l'époque, le 4 juillet 1988, lequel constate le transfert de la résidence familiale en faveur de l'appelante. Selon l'article 1472 du Code civil du Bas Canada (C.c.B.C.) en vigueur à l'époque, une vente est un contrat par lequel une personne donne une chose à une autre, moyennant un prix en argent que la dernière s'oblige de payer. Toujours selon les dispositions du C.c.B.C., particulièrement les articles 984, 1025, 1472 et 1473, quand la vente porte sur une chose certaine, ce qui est le cas en l'espèce, le transfert de propriété a lieu dès la conclusion du contrat. La validité d'un contrat est reconnue lorsque les parties ont la capacité légale de contracter, lorsqu'elles donnent leur consentement légalement, lorsque quelque chose est l'objet du contrat et lorsqu'il y a une cause ou considération licite (voir l'article 984 du C.c.B.C.). [28] Selon les articles 2082 et 2083 du C.c.B.C., le transfert de la résidence familiale en l'espèce est devenu opposable aux tiers lors de son enregistrement (aujourd'hui appelée publication). À la lumière des décisions précitées (Fasken Estate, St. Aubyn et Dunkelman) et compte tenu des règles du C.c.B.C. de l'époque, se rapportant aux obligations et à la vente, je conclus que le « transfert » de la résidence familiale au sens de l'article 160 de la Loi s'est produit le 30 juin 1988. [29] Je note que l'acte notarié constatant le transfert de la résidence est présumé authentique et fait preuve de son contenu. Je reproduis les articles 1208 et 1210 du C.c.B.C. Art. 1208. Un acte notarié reçu devant un notaire est authentique s'il est signé par toutes les parties. Si les parties ou l'une d'elles sont incapables de signer, il est nécessaire, pour que l'acte soit authentique, que le consentement donné à l'acte, pour chaque partie qui ne sait ou ne peut signer, soit reçu en la présence d'un témoin qui signe. Tout majeur sain d'esprit peut être témoin s'il n'est pas intéressé dans l'acte ou s'il n'est pas le conjoint du notaire instrumentant. Cet article est sujet aux dispositions contenues dans l'article qui suit et, à celles qui ont rapport aux testaments. Il ne s'applique pas aux cas mentionnés en l'article 2380, où un seul notaire suffit. Un acte reçu par un notaire de la province de Québec, en dehors de la province, est authentique lorsque l'objet de l'acte est un immeuble ou des droits réels situés dans la province, ou [. . . ] Art. 1210. L'acte authentique fait preuve complète entre les parties, leurs héritiers et représentants légaux; 1. De l'obligation qui y est exprimée; 2. De tout ce qui y est exprimé en termes énonciatifs, pourvu que l'énonciation ait un rapport direct à telle obligation ou à l'objet qu'avaient en vue les parties en passant l'acte. L'énonciation étrangère à l'obligation ou à l'objet qu'avaient en vue les parties en passant l'acte ne peut servir que comme commencement de preuve. [30] Il s'agit maintenant de déterminer quelle a été la contrepartie donnée par l'appelante à son époux en échange du bien transféré. Je reproduis le sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi qui se lit comme suit : e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants : (i) l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien. [31] Le terme contrepartie au sens de l'article 160 de la Loi a fait l'objet de plusieurs commentaires des juges de cette cour. Le juge Bonner dans Ruffolo et al. c. La Reine, 99 D.T.C. 184, a dit ce qui suit au paragraphe 7 : […] Le terme « contrepartie » au sous-alinéa 160(1)e)(i) doit être interprété dans son sens ordinaire, à savoir qu'il s'agit de quelque chose que l'on donne en paiement. Rien dans le contexte législatif ou dans l'objectif qui sous-tend l'article 160 ne laisse croire le contraire. [32] Le juge Bowie, dans la décision Logiudice c. La Reine, 97 D.T.C. 1462, à la page 1466, a fait les commentaires suivants : Le mot "contrepartie", tel qu'il est utilisé dans le contexte de l'article 160 de la Loi, dans son sens ordinaire, signifie la contrepartie qu'une partie à un contrat donne à l'autre partie en échange du bien transféré. L'article 160 vise de toute évidence à empêcher les contribuables de se soustraire à leur obligation fiscale ainsi qu'aux intérêts et aux pénalités prévus par les dispositions de la Loi en plaçant les biens exigibles entre les mains de parents ou d'autres personnes avec lesquels ils ont un lien de dépendance, et donc hors de la portée immédiate du percepteur d'impôt. La disposition restrictive du sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi vise à protéger les véritables opérations commerciales de l'application de la disposition, jusqu'à concurrence de la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour le bien qui a été transféré. Par conséquent, il est évident que pour que le bénéficiaire du transfert puisse se prévaloir de cette disposition protectrice, il doit être en mesure de prouver que le bien lui a été transféré conformément aux conditions d'une véritable entente contractuelle. [33] Et finalement, concernant l'exigence de contrepartie prévue à l'article 160 de la Loi, le juge Sexton de la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit au paragraphe 27 de l'arrêt La Reine c. Livingston, 2008 DTC 6233 : Sous le régime du paragraphe 160(1), le bénéficiaire d'un transfert de biens est redevable à l'ARC dans la mesure où la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour ces biens est inférieure à la juste valeur marchande de ceux-ci. L'objet même du paragraphe 160(1) est d'assurer la conservation de la valeur des biens existants dans le patrimoine du contribuable aux fins de recouvrement par l'ARC. Dans le cas où le contribuable s'est entièrement dessaisi de ces biens, le paragraphe 160(1) prévoit la possibilité pour l'ARC d'exercer ses droits sur lesdits biens contre le bénéficiaire de leur transfert. Cependant, ce paragraphe n'est pas d'application lorsque l'auteur du transfert a reçu au moment de celui-ci une somme équivalente à la valeur des biens transférés, c'est-à-dire une contrepartie à la juste valeur marchande. La raison en est qu'une telle transaction ne lèse pas l'ARC en tant que créancier. Si l'on applique ces principes à la présente espèce, il apparaît clairement que la transaction opérée entre l'intimée et Mme Davies n'a apporté à celle-ci rien d'équivalent aux biens transférés qui aurait pu être recouvré par l'ARC, de sorte qu'on ne peut absolument pas dire qu'il y ait eu contrepartie. [34] L'appelante soutient que, dans l'éventualité où la Cour devait conclure que le transfert de la résidence familiale a été effectué le 30 juin 1988, la contrepartie donnée serait alors égale ou supérieure à la juste valeur marchande de la résidence puisque l'appelante et son époux ont prévu que le transfert était pour 1 $ et « une autre contrepartie à titre onéreux et valable ». Selon l'appelante, cette autre contrepartie à titre onéreux aurait été donnée dans le cadre de l'acte de partage en date du 20 avril 1989 et, selon les valeurs établies, la contrepartie était supérieure à la juste valeur marchande de la résidence familiale. [35] La difficulté qui se présente en ce qui concerne la thèse de l'appelante se trouve dans le texte même de l'acte de vente du 30 juin 1988. À la page 3 du document, on y trouve le paragraphe suivant : [TRADUCTION] Il n'y a pas entre les époux d'entente en suspens portant sur la modification de leur état civil ou de leur régime matrimonial. [36] Le même document stipule également que le régime matrimonial du cédant, l'époux de l'appelante, n'a pas changé depuis qu'il en est le propriétaire et qu'il est marié sous le régime de la société d'acquêts avec l'appelante selon les lois de la province de Québec. [37] Finalement, dans l'acte de vente, sous la rubrique du prix, on peut y lire qu'il y a quittance finale quant au versement de la contrepartie : [TRADUCTION] La présente vente a donc été conclude pour la somme de un dollar (1.00$) et autre contrepartie à titre onéreux et valable que l'acheteuse a payée comptant au vendeur et que celui-ci reconnaît avoir reçue de l'acheteuse, à qui il accorde une QUITTANCE GÉNÉRALE ET FINALE. [38] Il ne fait aucun doute que la version des faits de l'appelante et de son époux quant au contexte dans lequel le transfert de la résidence familiale a été effectué ne correspond pas du tout au texte de l'acte de vente. Le paragraphe qui contredit le plus la thèse de l'appelante est celui voulant que les parties n'aient conclu aucune entente dans le but de modifier leur régime matrimonial. Pourtant, selon l'époux de l'appelante, il aurait consulté son notaire afin de savoir comment procéder pour se protéger de ses créanciers et, du même coup, répondre aux attentes de l'appelante. La solution proposée était de changer leur régime matrimonial et de préparer une liste de biens à partager à cette fin. Si tel était le cas le 30 juin 1988, comment se fait-il que le notaire n'en ait pas fait mention dans l'acte de vente? On peut aussi se demander pourquoi il était nécessaire d'effectuer le transfert de la résidence familiale avant que la liste de biens à partager soit préparée et que la modification du régime matrimonial ne soit effectuée. [39] La thèse de l'appelante ressemble à celle que l'on trouve dans l'affaire Allen c. La Reine, 2009 CCI 426. Dans cette affaire, bien que l'appelante avait admis que la juste valeur marchande du bien au moment du transfert était de 375 000 $ et que le solde de l'hypothèque était de 242 588 $, elle soutenait que son époux et elle avaient conclu un contrat verbal selon lequel, après le transfert, elle prendrait des dispositions nécessaires pour calculer la valeur nette du droit de son époux au bien et lui avancerait des fonds dans un court laps de temps après le transfert. Elle soutenait, par conséquent, qu'elle avait payé une contrepartie équivalente au droit de son époux à la moitié de la juste valeur marchande du bien et que, par conséquent, sa responsabilité en vertu de l'article 160 de la Loi était nulle. De son côté, le Ministre avait présumé qu'à la date du transfert, son époux avait cédé son droit à la moitié de la valeur du bien à l'appelante pour une contrepartie de 2 $, comme l'indiquait la documentation. Donc, la juste valeur marchande du bien et le montant de l'hypothèque étant établis, le ministre avait conclu que la valeur nette du droit de l'époux au bien était de 66 205 $. [40] La juge Campbell a rejeté l'appel et a émis les commentaires suivants : 32 En l'espèce, l'appelante a témoigné que leur entente prenait la forme d'un contrat verbal, mais aucune documentation ou preuve n'a été présentée pour démontrer qu'il y avait eu promesse de verser une contrepartie dans l'avenir. Je ne voudrais pas que l'on pense que j'estime qu'il est toujours nécessaire de présenter des documents écrits; chaque affaire doit être jugée selon les faits qui lui sont propres. Toutefois, en l'espèce, j'estime qu'il y a trop d'incohérences dans le témoignage pour qu'il soit considéré crédible sans autres preuves suffisantes pour satisfaire au fardeau incombant à l'appelante. M. et Mme Allen étaient représentés par un avocat qui, selon leurs témoignages, a été pleinement informé de tous les faits importants entourant cette cession. Si tel était le cas, il me semble difficile de croire que l'avocat, instruit des faits, n'a pas rédigé un document, tel qu'un billet à ordre, pour tenir compte de ces circonstances. Une telle documentation aurait appuyé leur argument concernant la contrepartie au moment de la cession. [. . .] 34 Selon la jurisprudence, l'appelante doit démontrer que la contrepartie à la JVM a été versée à M. Allen au moment de la cession pour éviter l'application de l'article 160. Cette interprétation est étayée par le libellé du sous-alinéa 160(1)e)(i). Selon l'intimée, cela signifie que la contrepartie doit être versée au moment de la cession, qui, en l'espèce, a été effectuée le 23 mars 1999. J'estime cependant que l'interprétation de l'intimée est trop littérale. Si les faits démontrent l'existence d'un accord contractuel authentique qui prévoit une contrepartie à la JVM, selon la décision rendue dans Logiudice, alors ce sera suffisant même si dans les faits le paiement n'est pas effectué à la date de la cession. L'intimée semble se rallier à ce point de vue plus loin dans ses observations (transcription de l'audience, pages 267 à 269). 35 L'appelante a le fardeau de prouver qu'un accord valide avait été conclu au moment de la cession stipulant qu'une contrepartie appropriée serait versée à une date ultérieure. En l'espèce, il n'y a pas de contrat écrit, seulement les témoignages de l'appelante et de son mari voulant qu'il y ait eu entente verbale. Cependant, le témoignage comporte tout simplement trop d'incohérences pour que l'appelante puisse s'acquitter du fardeau d'établir qu'il existait un véritable accord stipulant le paiement d'une contrepartie suffisante après la cession. Non seulement le paiement d'une contrepartie doit-il être démontré, mais la contrepartie doit être suffisante. [41] Dans une autre décision de notre cour, soit Madsen c. La Reine, D.T.C. 369, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, 2006 D.T.C. 6090, le juge Little avait conclu que la vague promesse de l'appelante de verser à son mari les fonds nécessaires en contrepartie de ses droits ou bien cédé lorsque ces fonds seraient disponibles, sans qu'aucune entente écrite ne soit conclue, ne constituait pas une contrepartie au moment de la cession. [42] En l'espèce, il est peut-être vrai que l'appelante voulait mettre la résidence familiale à l'abri des créanciers de son époux en raison du fait qu'elle et son époux avaient fait une demande d'adoption mais cette adoption n'a eu lieu qu'en 1990. Il n'y avait rien d'urgent, à mon avis, qui pouvait justifier le transfert de la résidence familiale si rapidement si ce n'est de la protéger des créanciers de l'époux. Si je devais souscrire aux prétentions de l'appelante voulant que le transfert du 30 juin 1988 faisait partie d'un tout avec le changement de régime matrimonial et le partage de leur biens le 20 avril 1989, il me faudrait complètement ignorer certaines clauses de l'acte de vente stipulées précédemment et ne pas me demander pourquoi le notaire qui a préparé les documents n'a ouvert qu'un seul dossier sur cette transaction au printemps de 1989 et aucun en juin 1988. [43] Même si je devais souscrire aux prétentions de l'appelante, il est impossible de fixer une valeur à la contrepartie donnée par l'appelante au moment du transfert puisque le partage des biens entre l'appelante et son époux n'avait pas encore été formalisé. La liste de partage (pièce A-4) n'a été préparée qu'au début de l'année suivant le transfert de la résidence familiale. Il faut, au moment du transfert, qu'on puisse donner une valeur à l'expression « autre contrepartie à titre onéreux et valable ». À mon avis, au moment de transférer la résidence familiale le 30 juin 1988, il n'y avait entre l'appelante et son époux, l'auteur du transfert, aucun accord valable pouvant établir la valeur de la contrepartie versée au-delà de la somme d'un dollar. [44] Aucun document n'a été présenté pour démontrer qu'une autre contrepartie serait donnée dans un avenir rapproché. Bien qu'il ne soit pas toujours nécessaire de présenter des documents écrits, chaque affaire est un cas d'espèce. Les témoignages entendus ne m'ont pas convaincu que l'appelante et son conjoint s'étaient entendus sur quoi que ce soit d'autre que la vente de la résidence familiale en juin 1988. Il n'y avait rien dans l'acte de vente au sujet de la modification de leur régime matrimonial ou d'une autre contrepartie. Il y avait entre eux tout au plus un engagement moral qui n'était pas légalement exécutoire au moment du transfert. [45] Un examen attentif des documents notariés mis en preuve milite finalement en faveur de l'idée selon laquelle la somme de un dollar était la seule contrepartie remise au sens de l'article 160 de la Loi lors du transfert de la résidence familiale le 30 juin 1988. [46] L'appel est donc rejeté avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'avril 2012. « François Angers » Juge Angers RÉFÉRENCE : 2012 CCI 104 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-737(IT)G INTITULÉ DE LA CAUSE : Isabelle Sokolowski Romar et Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 13 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : le 25 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Richard Généreux Avocates de l'intimée : Me Nathalie Labbé Me Valérie Messore AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante: Nom : Me Richard Généreux Cabinet : Drummondville, Québec Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 105
TCC
2,012
Ruff c. La Reine
fr
2012-04-03
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30766/index.do
2022-09-04
Ruff c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-03 Référence neutre 2012 CCI 105 Numéro de dossier 2009-3176(IT)G Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-3176(IT)G ENTRE : CHARLES RUFF, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu les 27, 28 et 29 février 2012, à Calgary (Alberta). Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Donna Tomljanovic ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel de l'appelant est rejeté avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 1er jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 105 Date : 20120403 Dossier : 2009-3176(IT)G ENTRE : CHARLES RUFF, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] L'appelant a été victime d'une fraude. La question à trancher dans le présent appel est de savoir s'il peut déduire, dans le calcul de son revenu tiré de son cabinet d'avocat, les sommes qu'il a déboursées du fait de cette fraude. [2] L'histoire fictive racontée à l'appelant était, en bref, que les membres restants de la famille Adams avaient besoin de son aide financière pour débloquer un conteneur[1] renfermant 8 500 000 dollars américains. Le conteneur était en la possession d'une entreprise de sécurité à Abidjan, en Côte d'Ivoire. [3] Plusieurs personnes ont pris part à la fraude. Comme le courrier électronique était le seul mode de communication avec certains des intéressés, on ne sait pas exactement si une même personne a pu jouer différents rôles. Les acteurs étaient les suivants dans notre histoire, par ordre d'entrée en scène : Purity Adams, 23 ans — la fille de Christopher Adams, un riche négociant en cacao et en or de l'Afrique du Sud. Christopher Adams avait été assassiné en Afrique du Sud après un voyage d'affaires à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Lors de ce voyage, il avait confié un conteneur renfermant 8 500 000 dollars américains à une entreprise de sécurité d'Abidjan. David Adams, 20 ans — le frère de Purity Adams. Koffi Raymond — le contact chez Optimum Security Service, l'entreprise en possession du conteneur renfermant 8 500 000 dollars américains. David Bell — le « diplomate » chez Optimum Security Service qui devait faire le trajet avec le conteneur d'Abidjan jusqu'au Canada. Le lieutenant‑général Dan Musa — l'un des responsables de la sécurité à l'aéroport d'Abidjan qui, contre rémunération, pourrait faire débloquer le conteneur afin qu'on puisse par la suite l'envoyer au Canada. Le lieutenant‑général Arnaud Kuame — un deuxième responsable devant être rémunéré pour qu'on puisse débloquer le conteneur. Dave — un employé chez Aeroground Diplomatic Courier Services à Londres, en Angleterre, qui a confirmé l'arrivée du conteneur dans cette ville. James Jones — le responsable chez Aeroground Diplomatic Courier Services qui devait s'occuper de l'affaire. Christopher Martin — la personne qui a remplacé James Jones chez Aeroground Diplomatic Courier Services. Des personnes indéterminées qui ont rencontré l'appelant à l'aéroport ou à son hôtel à Londres. [4] L'histoire a débuté par la réception d'un courriel par l'appelant le samedi 16 avril 2005. Le courriel, provenait de Purity Adams et déclarait ce qui suit[2] : [TRADUCTION] Cher Charles Ruff, Après avoir beaucoup réfléchi et prié, j'ai décidé de vous faire part de ma situation parce que je crois que vous pouvez me venir en aide et aider ma foi, et ma foi en Dieu m'a conduite vers vous je suis la seule fille de mon père, feu M. CHRISTOPHER ADAMS, de ZOULOU EN République sud‑africaine. Je suis âgée de 23 ans. Pour vous en apprendre davantage à mon sujet, avant son décès prématuré mon père était un riche négociant de cacao et d'or en Afrique du Sud. Mon père s'est rendu en voyage professionnel à Abidjan en Côte d'Ivoire, pour y négocier des affaires concernant le cacao. Une semaine après son retour d'Abidjan, lui et ma mère ont été assassinés par des inconnus. Ma mère est morte, sur‑le‑champ tandis que mon père est décédé aux hôpitaux, cinq jours après, cet après‑midi fatidique. Je ne savais pas qu'une fois ma mère décédée, mon père allait aussi me quitter à son tour. Avant de rendre l'âme, toutefois, c'est comme s'il a pressenti son départ. Mon père (QUE SON ÂME REPOSE EN PAIX PARFAITE) m'a révélé qu'il avait déposé la somme de 8 500 000 $US (huit millions cinq cent mille dollars) auprès d'une entreprise de sécurité à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Que l'argent devait servir pour un investissement dans ses activités liées au cacao à Abidjan, mais, selon mon père, il avait placé l'argent dans un coffre, en déclarant toutefois plutôt qu'il y avait mis de l'ivoire et des effets appartenant à la famille. Il m'a simplement remis la clé de la boîte de dépôt ainsi que la documentation s'y rapportant, soit le certificat de dépôt et l'entente de cautionnement conclue avec l'entreprise de sécurité, et il m'a enjoint de faire un investissement à vie à l'étranger. Je suis en ce moment à Abidjan, en CÔTE D'IVOIRE, pour trouver où est l'entreprise de sécurité et j'ai réussi à trouver l'entreprise de sécurité ici à Abidjan, en Côte d'Ivoire, et j'ai confirmé la boîte de dépôt avec très probe et confidentiel. Je souhaite que vous m'aidiez à débloquer ces fonds et à les faire transférer dans votre pays à titre de bénéficiaire et aussi en vue d'un investissement. J'ai l'honneur de solliciter votre aide sous les formes suivantes : (1) M'aider à débloquer les fonds en la possession de l'entreprise de sécurité, puis à les faire transférer dans votre pays. (2) Agir comme tuteur pour ces fonds, comme je suis une jeune fille de (23) ans. Je sollicite votre aide en vue du transfert de l'argent dans votre pays parce que c'est là mon seul espoir dans la vie. Permettez-moi maintenant de vous poser quelques questions : 1. Pouvez-vous m'aider en toute probité comme meilleure amie? 2. Puis-je vous faire totalement confiance? J'attends avec impatience de vos nouvelles pour pouvoir discuter avec vous des modalités de l'opération. Mlle Purity Adams [5] L'appelant a répondu au courriel, bien qu'aucune copie de cette réponse n'ait été produite à l'audience. L'appelant a reçu le premier courriel le samedi 16 avril 2005 à 9 h 3. Il a dû y répondre très peu de temps après étant donné que, dans un autre courriel envoyé à 10 h 27 le même jour, Purity Adams a fait mention de la réponse de l'appelant. Purity Adams a écrit dans son premier courriel que le conteneur avait été déclaré contenir de l'ivoire et des effets de famille. Dans son deuxième courriel, envoyé moins de 90 minutes plus tard, elle a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] Gardez à l'esprit que cette opération est dénuée de tout risque, comme vous pouvez le constater. Et la chose la plus importante c'est que l'entreprise de sécurité ici à Abidjan ne sait même pas quel est le contenu véritable de la (BOÎTE, DE L'ARGENT). Feu mon père avait déclaré que la boîte contenait des objets d'art ou des trésors de famille, comme de l'or, ainsi que certains autres documents de succession lui appartenant [...] [6] Rien n'indique que l'appelant ait remarqué l'écart dans la description qui avait été faite à l'entreprise de sécurité du contenu du conteneur. Il a également été question du mécanisme de rémunération dans le deuxième courriel : [TRADUCTION] Aussi une fois que vous aurez les fonds, moi et mon jeune frère avons aussi prévu en consacrer 5 % pour les frais supportés au cours de l'opération et 10 % pour vous si vous consentez à y prendre part, nous avons également décidé de vous confier tout l'argent une fois l'opération réussie. J'aimerais que vous m'assuriez que vous m'aiderez en procédant à des investissements judicieux et vous détiendrez également des actions de société pendant dix ans en cas de changement comme je suis âgée de 23 ans. [7] Il y a eu d'autres courriels et des conférences téléphoniques entre l'appelant et les membres de la famille Adams. David et Purity Adams ont ainsi pu convaincre l'appelant qu'une somme de 8 500 000 dollars américains se trouvait dans un conteneur déposé auprès d'une entreprise de sécurité à Abidjan, en Côte d'Ivoire. L'appelant a aussi déclaré qu'il avait vérifié, en faisant des recherches sur Internet, qu'il y avait bien actuellement un conflit en Côte d'Ivoire. [8] L'appelant a en outre trouvé la page Web de l'entreprise de sécurité (Optimum Security Service). Une photocopie de la page Web (en noir et blanc) de l'entreprise figure dans le recueil conjoint de documents; l'appelant a produit à l'audience une copie couleur de cette page. Une observation qu'on peut faire à l'évidence en voyant la copie couleur, c'est que, parmi les cinq photographies qui se trouvent au haut de la page, deux ont manifestement été prises dans une région enneigée. Il y a la photographie d'une maison dont l'entrée et le toit sont couverts de neige, et la photographie d'un chien se tenant sur une chaussée enneigée. L'entreprise de sécurité était censée être établie à Abidjan. Cette ville étant proche de l'équateur, on aurait pu s'attendre à ce que le climat y soit tropical et à ce qu'il n'y ait pas de neige sur les maisons et sur les routes. L'appelant a déclaré qu'il ne l'avait pas remarqué jusqu'à ce qu'on le porte à son attention pendant le plaidoyer au terme de l'audience. [9] La première demande de versement d'argent a été faite peu après la prise de contact initiale. Après avoir communiqué avec Koffi Raymond chez Optimum Security Service, l'appelant a fait le nécessaire pour que de l'argent lui parvienne afin de débloquer le conteneur. La somme initialement demandée était de 6 000 dollars américains, mais l'appelant a envoyé 7 000 dollars américains pour s'assurer qu'il y ait suffisamment d'argent pour payer Optimum Security Service. Vers la même époque, les membres de la famille Adams ont aussi demandé de l'argent à l'appelant, qui a également pris les dispositions nécessaires pour leur en envoyer. [10] Koffi Raymond a mentionné à l'appelant que le chargement allait quitter Abidjan, mais qu'une personne ferait le trajet avec le conteneur et que son billet d'avion nécessiterait le versement d'une somme additionnelle (de 6 309 dollars américains, soit 8 050 $). Le chargement devait être livré à l'appelant à Calgary, mais l'itinéraire transmis à ce dernier ne faisait état que d'un transport vers Montréal. D'après cet itinéraire, la durée du vol depuis Paris, en France, jusqu'à Montréal ne devait être que de deux heures et demie. Rien n'était non plus mentionné quant au mode de transport du conteneur entre Montréal et Calgary, et rien ne permettait même de constater la moindre connaissance par les intéressés de la distance entre les deux villes. [11] Après la date à laquelle le conteneur était censé être expédié, on a avisé l'appelant que le conteneur n'avait toujours pas quitté Abidjan. Le conteneur avait été saisi à l'aéroport et les agents de l'aéroport exigeaient qu'on l'ouvre. David et Purity Adams ont insisté pour que le conteneur ne soit pas ouvert. L'appelant a communiqué avec Koffi Raymond pour savoir quels arrangements pouvaient être pris, et celui‑ci lui a dit qu'une somme importante devrait être versée pour que le conteneur soit débloqué sans qu'on l'ouvre. L'appelant a envoyé 200 000 $ à Koffi Raymond pour que le conteneur soit débloqué. [12] Une fois l'argent envoyé, on a informé l'appelant que le montant n'en était pas suffisant, étant donné que d'autres agents étaient maintenant intervenus, et qu'il faudrait verser 100 000 dollars américains de plus. L'appelant a alors établi une entente à conclure entre Koffi Raymond, le lieutenant‑général Dan Musa et le lieutenant‑général Arnaud Kuame concernant ce paiement additionnel. Après avoir reçu copie de l'entente signée, l'appelant a envoyé les fonds supplémentaires requis. [13] Ensuite, M. James Jones d'Aeroground Diplomatic Courier Services a informé l'appelant que le conteneur était arrivé à Londres, mais qu'il fallait verser un montant additionnel parce que le fret pour le transport d'Abidjan à Londres du conteneur n'avait pas été payé. Il semblait que Koffi Raymond, dans sa hâte de voir le conteneur quitter Abidjan, avait pris les mesures nécessaires pour son transport sans en acquitter les frais d'avance. James Jones a déclaré ce qui suit dans son courriel sur le sujet : [TRADUCTION] Au cours de vérifications aléatoires, nous avons découvert que les frais de livraison depuis le lieu d'origine (Côte d'Ivoire) n'avaient pas été acquittés. Veuillez consulter le verso de votre connaissement aérien. Il est déclaré qu'en aucun cas nous ne livrons pas à crédit un envoi diplomatique à un client. C'est là une politique de notre entreprise. [Non souligné dans l'original.] [14] Malgré l'emploi de la double négation, Aeroground Diplomatic Courier Services laissait ainsi savoir qu'elle ne livrerait pas le chargement sans d'abord avoir été payée. On a informé l'appelant qu'une somme additionnelle de 132 825 dollars américains devrait être versée pour acquitter les frais de transport. L'appelant craignait fortement à ce stade que quelque chose ne cloche. Il a alors communiqué avec la G.R.C. Il a également pris des dispositions pour aller examiner le conteneur à Londres. Dès sa descente d'avion à Londres, l'appelant a été accueilli par des policiers de New Scotland Yard. Ils lui ont conseillé, pour sa propre sécurité, de ne pas voir ceux qu'il devait rencontrer. Les policiers craignaient que l'appelant ne soit enlevé et conduit en Côte d'Ivoire, où il serait détenu contre rançon. [15] Après avoir rencontré ces policiers, l'appelant s'est rendu à l'aéroport où l'ont rencontré deux représentants d'Aeroground Courier Services, l'entreprise alors censée être en possession du conteneur. Les deux représentants ont conduit l'appelant à son hôtel, où Christopher Martin et un autre individu sont ensuite venus le rencontrer. Alors qu'il traversait le hall de l'hôtel avec M. Martin et l'autre individu, l'appelant a téléphoné à la police pour qu'elle vienne les arrêter. Christopher Martin a été arrêté, tandis que l'individu qui l'accompagnait a pu prendre la fuite. L'appelant a par la suite appris que « Christopher Martin » était un nom d'emprunt; il semble toutefois que l'intéressé ait plus tard été libéré sans qu'une audience soit tenue. [16] L'appelant a établi un tableau où il a fait état des sommes qu'il avait déboursées[3]. Le tableau qui suit constitue le résumé des sommes mentionnées dans le tableau de l'appelant et que celui‑ci aurait versées à David ou à Purity Adams ou à l'entreprise de sécurité pour que le conteneur soit débloqué : Date Sommes versées à David ou Purity Adams Sommes versées pour que le conteneur soit débloqué ou expédié 19 avril 500 $ 20 avril 9 150 $ 21 avril 4 250 $ 25 avril 7 286 $ 25 avril 8 390 $ 6 mai 3 125 $ 17 mai 200 000 $ 18 mai 3 100 $ 24 mai 8 500 $ 3 juin 5 195 $ 6 juin 125 180 $ 6 juin 6 291 $ 11 juin 9 360 $ 15 juin 3 930 $ 28 juin 520 $ juin 1 654 $ 10 juillet 1 648 $ Total : 28 960 $ 369 119 $ [17] D'après ces chiffres, l'appelant a déboursé 398 079 $ dans l'ensemble. L'appelant a plutôt inscrit une somme totale de 398 734 $ dans son tableau, tandis que les parties ont déclaré au début de l'audience s'être entendues pour dire que l'appelant avait déboursé 398 995 $. Comme les parties ont convenu que c'était là la somme totale véritablement versée par l'appelant, je vais reconnaître l'exactitude de ce montant, soit 398 995 $. [18] Le courriel du 16 avril constitue la première communication avec l'appelant. C'est le 20 avril, quatre jours plus tard, qu'un premier montant a été versé ou payé, que ce soit à la famille Adams ou à l'entreprise de sécurité. La somme de 500 $ versée par l'appelant le 19 avril l'a été à une entreprise située dans son immeuble pour qu'il puisse virer de l'argent par l'intermédiaire de celle‑ci. Dans les trois mois qui ont suivi la première communication de Purity Adams, nos acteurs ont convaincu l'appelant de leur verser ou de leur payer tout près de 400 000 $. L'appelant a déduit cette somme dans le calcul de son revenu tiré de son cabinet d'avocat. L'intimée a refusé cette déduction. [19] La première question à trancher est de savoir si l'appelant avait une source de revenu constituée d'une entreprise ou d'un bien. S'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stewart c. La Reine, [2002] 2 R.C.S. 645, 2002 CSC 46, les juges Iacobucci et Bastarache ont déclaré ce qui suit : 50 Il est manifeste que, pour que l'art. 9 s'applique, le contribuable doit d'abord déterminer s'il a une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien. Comme nous l'avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d'un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source : (i) L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit‑il d'une démarche personnelle? (ii) S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est‑elle une entreprise ou un bien? Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien. [...] 52 Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles [...] 53 Nous soulignons que ce critère de l'existence d'une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l'objet d'une analyse que dans les situations où l'activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l'ERP à des activités comme l'exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.). Lorsqu'une activité est clairement de nature commerciale, il n'est pas nécessaire d'analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d'un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. [...] 57 Il ressort clairement de ces dispositions que la déductibilité des dépenses présuppose l'existence d'une source de revenu et, partant, qu'elle ne doit pas être confondue avec l'examen préliminaire portant sur l'existence de cette source. Si la déductibilité d'une dépense particulière est en cause, ce n'est pas l'existence d'une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se rapporter. Le fait qu'une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n'influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l'art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d'en réduire ou d'en supprimer le montant. Là encore, toutefois, des dépenses excessives ou déraisonnables n'ont aucune incidence sur la qualification d'une activité comme étant une source de revenu. [20] L'intimée a soutenu que, puisqu'il s'agissait d'une fraude, il n'y avait aucune source de revenu dont pouvaient être déduites les sommes en cause. L'intimée a fait valoir à cet égard l'arrêt Hammill c. La Reine, 2005 CAF 252, dans lequel le juge Noël, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ce qui suit : 27 Cette conclusion du juge de la CCI selon laquelle l'appelant a été la victime d'une fraude du début à la fin, si elle se révèle étayée par la preuve, est incompatible avec l'existence d'une entreprise pour l'application de la Loi. Nous n'avons pas ici affaire à un cas où la Cour devrait prendre en considération l'état d'esprit du contribuable ou l'importance d'un élément personnel pour établir si une activité donnée constitue une source de revenu sous le régime de la Loi (Stewart, précité; Tonn c. La Reine, 96 DTC 6001; etc.). Il ne s'agit pas non plus ici d'une affaire de détournement de fonds de la nature définie dans les décisions précitées Parkland Operations, Cassidy's Limited et Agnew, ainsi que dans le bulletin d'interprétation IT‑185R, où une entreprise est escroquée par un employé ou un tiers et où la question devient celle de savoir si la perte qui en résulte est suffisamment dépendante des activités productrices de revenus. 28 Une affaire qui s'avère frauduleuse du début à la fin (ou, si l'on veut, une « arnaque ») ne peut donner naissance à une source de revenu du point de vue de la victime, et donc ne peut être considérée comme une entreprise, quelque définition qu'on donne de ce terme. [...] 32 Dans la présente espèce, la preuve pertinente a été produite par l'appelant lui‑même, et le juge de la CCI a conclu de cette preuve qu'il avait été la victime d'une fraude du début à la fin, conclusion qui exclut l'existence d'une entreprise. […] [21] Par suite de l'arrêt Hammill de la Cour d'appel fédérale, il me semble qu'une activité frauduleuse ne peut pas constituer, en elle‑même, une source de revenu aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Dans l'arrêt Hammill, la seule activité exercée par l'appelant avait trait aux pierres précieuses, et elle constituait une fraude. En l'espèce, toutefois, l'entreprise exploitée par l'appelant (à l'égard de laquelle il a déduit les sommes en cause) était son cabinet d'avocat. L'appelant avait donc une source de revenu et il n'avait pas besoin de l'activité liée à la famille Adams pour disposer d'une telle source. [22] Il semble certain que l'appelant a exercé cette activité aux fins de l'exploitation de son cabinet d'avocat. À la fin du courriel qu'il a envoyé à Purity Adams le 20 avril 2005 (soit seulement quatre jours après avoir reçu son premier courriel, et le jour même où le premier paiement a été versé à l'entreprise de sécurité), l'appelant s'est exprimé ainsi : [TRADUCTION] Bien à vous, A. Charles Ruff, votre avocat et fiduciaire, et votre ami de confiance. [23] Dans un courriel envoyé le 21 juin (date à laquelle le conteneur était censé être à Londres et un nouveau paiement était requis), l'appelant a cette fois déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] [...] Le bien en dépôt est grevé en ma faveur d'un privilège de l'avocat, à hauteur des sommes que j'ai investies dans cette affaire, soit environ 400 000 $ et peut‑être davantage en fonction des calculs comptables que je ferai. Je vous enjoins pour l'heure de conserver ce bien, sous réserve de mon privilège. [...] [24] Lors de son témoignage, l'appelant a également déclaré qu'il agissait comme fiduciaire de successions dans l'exercice des activités de son cabinet d'avocat[4]. Il a également mentionné avoir dit à David Adams qu'il était avocat et qu'il faisait [TRADUCTION] « du travail du genre effectué par un fiduciaire ». Selon l'histoire fabriquée, l'appelant devait agir comme fiduciaire de Purity Adams et peut‑être aussi de David Adams. [25] Il me semble donc que l'appelant avait bien une source de revenu — son cabinet d'avocat — et qu'il a entrepris l'activité aux fins de l'exploitation de son cabinet. Le fait pour l'appelant d'avoir une source de revenu ne veut toutefois pas nécessairement dire que les sommes demandées sont déductibles. Si les sommes demandées sont déraisonnables, le montant peut en être réduit ou supprimé dans sa totalité. La Cour suprême du Canada a fait remarquer ce qui suit à ce sujet dans l'arrêt Stewart, précité : [...] De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l'art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d'en réduire ou d'en supprimer le montant. [...] [26] Dans l'arrêt Hammill, la Cour d'appel fédérale a formulé les commentaires suivants au sujet de l'article 67 de la Loi : 48 Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner le motif subsidiaire sur lequel le juge de la CCI s'est fondé pour débouter l'appelant, je crois utile de dire quelques mots sur la portée de l'article 67 et son application à la présente espèce. 49 L'appelant fait valoir que l'article 67 vise une dépense engagée en vue de tirer un revenu d'une entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) et autorise le ministre à refuser la déduction de la part de cette dépense dont le caractère déraisonnable peut être établi. Autrement dit, l'article 67 interdit un examen qualitatif de la dépense, puisque celle‑ci doit avoir par définition été engagée en vue de gagner un revenu. Cet article, selon l'appelant, appelle plutôt un examen quantitatif de la dépense. 50 Il est de fait que les décisions judiciaires rendues jusqu'ici sur l'article 67 ont envisagé la question qui en découle comme une question de quantité ou d'ordre de grandeur (voir Mohamad, précité; et Garbco Ltd. c. M.R.N., 68 DTC 5210). L'appelant soutient que le passage suivant de Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 3e édition (page 312), rend bien compte de la portée et de l'objet de l'article 67 : [TRADUCTION] Le terme « raisonnable » [de l'article 67] semble se rapporter principalement à l'ordre de grandeur ou au montant des déductions demandées ou quantifiées et non à la nature de la dépense. « Cette règle a pour objet d'empêcher les contribuables de réduire artificiellement leur revenu en déduisant des dépenses excessivement élevées » [...] 51 Je reconnais que ce passage rend compte avec exactitude de la manière dont l'article 67 a été appliqué par les tribunaux jusqu'à maintenant. Toutefois, la Cour suprême a formulé dans l'arrêt Stewart, précité, des observations sur l'application de l'article 67 et fait remarquer que celle‑ci pouvait être plus large. Rappelons que dans cet arrêt, la Cour suprême a écarté le critère de l'« expectative raisonnable de profit » comme moyen d'établir l'existence d'une source de revenu. Tout en reconnaissant que ce critère avait été conçu pour prévenir les abus, elle a conclu qu'il était dénué de fondement législatif et créait plus de problèmes qu'il n'en résolvait. 52 Dans le cadre de sa formulation de « l'approche recommandée », la Cour suprême a défini l'article 67 comme le moyen législatif de contrôler les dépenses excessives ou injustifiées une fois établie l'existence d'une source de revenu. Elle propose les remarques suivantes au paragraphe 57 : [...] Si la déductibilité d'une dépense particulière est en cause, ce n'est pas l'existence d'une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se rapporter. Le fait qu'une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n'influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l'art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d'en réduire ou d'en supprimer le montant. Là encore, toutefois, des dépenses excessives ou déraisonnables n'ont aucune incidence sur la qualification d'une activité comme étant une source de revenu. [Non souligné dans l'original.] 53 Le choix des termes (réduire ou supprimer) n'a en l'occurrence rien de fortuit. La Cour suprême définissait l'article 67 comme le moyen légitime d'apprécier le caractère raisonnable d'une dépense une fois établie l'existence d'une entreprise. Elle le faisait après avoir expliqué que, au premier niveau de l'examen (c'est‑à‑dire celui qui concerne l'existence d'une source de revenu et le rapport entre une dépense donnée et cette source), les tribunaux ne devraient pas contester le jugement commercial du contribuable (Stewart, précité, paragraphes 55, 56 et 57). L'article 67 se trouvait ainsi caractérisé comme étant la disposition législative autorisant un examen du caractère raisonnable de la dépense. À mon sens, la Cour suprême a établi dans Stewart qu'il n'existe pas de limite intrinsèque à l'application de l'article 67 et que, lorsque les circonstances le justifient, celui‑ci peut être invoqué pour refuser la déduction de la totalité d'une dépense, si son caractère déraisonnable est établi. [27] Si le montant demandé à titre de dépense est déraisonnable, il peut être refusé en totalité. Il ne fait pas de doute qu'en l'espèce, l'appelant était convaincu qu'un conteneur renfermant 8 500 000 dollars américains était déposé auprès d'une entreprise de sécurité à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Cependant, comme un tel conteneur n'existait pas et toute l'histoire était inventée, il ne me semble pas qu'on devrait analyser le caractère raisonnable des montants en supposant que le conteneur existait. Il me semble aussi que l'analyse ne devrait pas se faire uniquement en supposant sa non‑existence. Si l'appelant avait su qu'il n'y avait pas de conteneur et qu'il s'agissait d'une fraude, il n'aurait pas supporté les dépenses qu'il a faites. La démarche qu'il convient de suivre, il me semble, consiste à établir s'il était raisonnable pour l'appelant de croire qu'il y avait à Abidjan un conteneur renfermant 8 500 000 dollars américains. Dans l'affirmative, il faudra ensuite se demander si les montants supportés étaient raisonnables. Dans la négative, il me semble qu'aucune somme ayant pu être dépensée par l'appelant ne saurait être raisonnable. [28] Il me semble que l'histoire racontée comportait tout simplement trop d'incohérences et soulevait trop de questions pour qu'il ait été raisonnable pour l'appelant de croire en l'existence du conteneur. • Purity Adams a envoyé ses deux premiers courriels à 90 minutes d'intervalle. Elle a déclaré dans le premier que son père avait affirmé à l'entreprise de sécurité que le conteneur renfermait [TRADUCTION] « de l'ivoire et des effets appartenant à la famille » et, dans le second, qu'il avait décrit la « boîte » déposée comme contenant [TRADUCTION] « des objets d'art ou des trésors de famille, comme de l'or, ainsi que certains autres documents de succession lui appartenant ». • Dans son premier courriel, Purity Adams a également déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] Pour vous en apprendre davantage à mon sujet, avant son décès prématuré mon père était un riche négociant de cacao et d'or en Afrique du Sud. Mon père s'est rendu en voyage professionnel à Abidjan en Côte d'Ivoire, pour y négocier des affaires concernant le cacao. Une semaine après son retour d'Abidjan, lui et ma mère ont été assassinés par des inconnus. [...] [...] Que l'argent devait servir pour un investissement dans ses activités liées au cacao à Abidjan [...] Selon ce récit, l'argent ne se trouvait à Abidjan que parce que Christopher Adams négociait des affaires (ce qui nécessitait apparemment un paiement en espèces) et qu'il l'avait laissé là‑bas lorsqu'il était retourné en Afrique du Sud. L'appelant a décrit en ces termes l'une des premières conversations téléphoniques qu'il avait eues avec David Adams : [TRADUCTION] Il m'a expliqué que son père s'était passablement enrichi en Afrique du Sud et qu'ils avaient décidé de partir. Ils avaient — il avait projeté d'aller en Côte d'Ivoire, et il avait de l'argent — son argent était déposé à ce moment‑là auprès d'une entreprise de sécurité, Optimum Security, et — L'explication ainsi donnée pour le dépôt d'espèces à Abidjan différait de celle fournie par Purity Adams. David Adams a déclaré que son père projetait de quitter l'Afrique du Sud pour aller vivre en Côte d'Ivoire. Cela voudrait toutefois dire que Christopher Adams avait transféré son argent avant qu'il n'ait déménagé sa famille. Purity et David Adams avaient tous deux fait comprendre à l'appelant qu'il était urgent de faire sortir le conteneur d'Abidjan en raison du conflit qui perdurait en Côte d'Ivoire. L'appelant a pu vérifier sur Internet l'existence de ce conflit. Mais pourquoi donc la famille Adams quitterait‑elle l'Afrique du Sud pour se rendre dans un pays où sévissait une guerre civile? • Le récit posait comme alternative soit que le conteneur renfermait tout le patrimoine de Christopher Adams (le riche négociant de cacao et d'or), soit une partie seulement de ce patrimoine. Dans la première hypothèse, pourquoi Christopher Adams aurait‑il transféré toute sa fortune dans un pays touché par une guerre civile? Dans la seconde, il me semble que Purity et David Adams auraient pu utiliser la partie du patrimoine non déposée dans le conteneur pour débloquer celui‑ci. Pourquoi Purity et David Adams auraient‑ils eu besoin que l'appelant leur verse de l'argent, sous forme d'avances ou pour que le conteneur soit débloqué, si leur père fortuné avait d'autres biens? • Pourquoi à la page Web d'Optimum Security Service (une entreprise de sécurité établie à Abidjan) pouvait‑on voir des photographies prises dans une région enneigée? Le texte de la page Web comportait également des erreurs. Le texte était rédigé en anglais, mais on y utilisait le mot français « adresse » plutôt que le mot anglais « address ». L'expression suivante figurait également à la première page : [TRADUCTION] DIFFÉRENT DÉPARTEMENTS • Rien dans les courriels ne laissait croire que Purity Adams ou David Adams savaient le moindrement où Calgary était située, ni ne permettait de savoir pourquoi ceux‑ci avaient choisi Calgary, ou bien même le Canada, pour leur projet. Il n'était non plus aucunement précisé si l'un ou l'autre, ou les deux, se rendraient au Canada pour l'arrivée du conteneur à Calgary; si le conteneur avait véritablement existé et que s'y était trouvée toute la fortune de leur père, il aurait été raisonnable de s'attendre à ce que l'un d'eux ou tous deux aient alors voulu être présents à son arrivée. • L'appelant a déclaré qu'il avait cru en l'existence du conteneur en bonne partie parce que David Adams avait proposé qu'il aille la constater en personne à Abidjan. Cela ne me semblait toutefois pas justifier une telle croyance. Il était peu probable que l'appelant se rende à Abidjan alors que David et Purity Adams lui avaient décrit la précarité de la situation en Côte d'Ivoire. Même si l'appelant avait fait le voyage, les intéressés auraient simplement pu ne pas le rencontrer, ou ils auraient encore pu le détenir contre rançon. • David Adams a déclaré avoir eu accès au conteneur et avoir pu en constater le contenu (et ainsi confirmer l'existence d'une importante somme d'argent). Si David Adams avait eu accès au conteneur pour en vérifier le contenu, pourquoi n'avait‑il pu y prendre suffisamment d'argent pour le débloquer et pour faire en sorte que Purity et lui‑même disposent de l'argent dont ils avaient besoin? [29] Si d'autres parties du récit comportaient des incohérences et soulevaient des questions, toutes les incohérences et les questions susmentionnées avaient trait à des éléments du récit racontés à l'appelant avant qu'il ne débourse de l'argent. En raison de celles‑ci, j'estime qu'il n'était pas raisonnable pour l'appelant de croire en l'existence d'un conteneur renfermant 8 500 000 dollars américains et détenu par une entreprise de sécurité à Abidjan, en Côte d'Ivoire. J'estime donc qu'aucune somme dépensée par l'appelant n'était raisonnable au regard de son cabinet d'avocat, de sorte qu'aucune partie de l'argent versé n'est déductible dans le calcul du revenu tiré du cabinet d'avocat. [30] L'appel de l'appelant est par conséquent rejeté avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 1er jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 105 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-3176(IT)G INTITULÉ : CHARLES RUFF c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Calgary (Alberta) DATES DE L'AUDIENCE : Les 27, 28 et 29 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Wyman W. Webb DATES DU JUGEMENT : Le 3 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui‑même Avocate de l'intimée : Me Donna Tomljanovic AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : Charles Ruff Cabinet : A. Charles Ruff Calgary (Alberta) Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Purity Adams a précisé dans un courriel que l'argent se trouvait dans une boîte de dépôt ou dans un coffre. L'appelant a plutôt recouru à l'expression conteneur lors de son témoignage. C'est cette dernière expression que j'utiliserai dans les présents motifs, sauf dans les extraits tirés de courriels. [2] Le courriel comptant plusieurs erreurs grammaticales, aucune d'elles n'a été relevée. [3] Les montants figurant dans le tableau ne sont pas exactement les mêmes que ceux mentionnés dans l'histoire précédemment relatée. Cependant, comme j'ai conclu qu'il ne s'agissait pas de dépenses raisonnables en tout état de cause, tout écart entre ces divers montants est sans importance. [4] L'appelant a déclaré ce qui suit au sujet de son cabinet d'avocat : [TRADUCTION] Quels autres domaines vous dirais-je? Le droit successoral, la rédaction de testaments et l'administration de successions; j'agis également comme fiduciaire de successions.
2012 CCI 106
TCC
2,012
Weyerhaeuser Company Limited c. La Reine
fr
2012-03-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30761/index.do
2022-09-04
Weyerhaeuser Company Limited c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-03-30 Référence neutre 2012 CCI 106 Numéro de dossier 2007-1055(IT)G Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2007-1055(IT)G ENTRE : WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, intervenante. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 15 décembre 2010, à Vancouver (Colombie-Britannique). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Wendy King Avocats de l’intimée : Avocat de l’intervenante : Me David Jacyk Me Andrew Majawa Me David Poore ____________________________________________________________________ JUGEMENT MODIFIÉ L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 1999 est rejeté avec dépens partie‑partie en faveur de l’intimée. Le présent jugement modifié remplace le jugement daté du 30 mars 2012. Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 26e jour d’avril 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 106 Date : 20120330 Dossier : 2007-1055(IT)G ENTRE : WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, intervenante. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Paris [1] Il s’agit de savoir en l’espèce si les gains résultant de la disposition de scieries et de biens immeubles doivent être inclus dans le « revenu pour l’année tiré des opérations forestières dans la province » (ci‑après « revenu tiré d’opérations forestières dans la province ») de l’appelante pour le calcul du crédit d’impôt sur les opérations forestières prévu au paragraphe 127(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « LIR »). Pour les raisons exposées ci‑dessous, j’arrive à la conclusion qu’il y a lieu de répondre à cette question par la négative. Introduction [2] L’appelante est une société internationale intégrée de produits forestiers ayant son siège en Colombie‑Britannique (« C.‑B. ») et qui a remplacé, par suite d’une fusion, la société Weyerhaeuser Canada Limitée. Les opérations qui donnent lieu à la nouvelle cotisation frappée d’appel ont été effectuées par Weyerhaeuser Canada, que je désignerai comme Weyerhaeuser dans les présents motifs. [3] En 1999, Weyerhaeuser a disposé de certaines immobilisations en C.‑B. et en Ontario. Ses gains en capital imposables moins les pertes en capital admissibles résultant de la disposition des biens s’élevaient à 504 215 $ (le « gain »). [4] Le ministre du Revenu de la Colombie‑Britannique a conclu que le gain était assujetti à l’impôt sous le régime de la Logging Tax Act[2] (la « LTA ») de cette province, à titre de [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières » au sens de cette loi. [5] Le paragraphe 127(1) de la LIR prévoit que l’impôt payable selon la partie I de ce texte législatif fait l’objet d’un crédit sur une portion de tout impôt payé par un contribuable à une province sur le « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » au sens de la définition donnée dans le Règlement de l’impôt sur le revenu[3] (le « Règlement »). Il s’agit du crédit d’impôt sur les opérations forestières. [6] Le ministre du Revenu national a déterminé que le gain n’était pas un « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » et que l’impôt de la C.‑B. sur les opérations forestières payé par Weyerhaeuser au titre du gain ne donnait donc pas lieu à un crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. [7] La définition de l’expression « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » prévue dans le Règlement est pour l’essentiel analogue à la définition de l’expression [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières » figurant dans la LTA. Il semble que les administrations fiscales des deux ordres de gouvernement se soient généralement entendues sur le fait que ces définitions devaient être interprétées de la même manière pour les deux textes législatifs. Dans l’éventualité d’une interprétation incompatible, le contribuable risquerait d’être assujetti à l’impôt sur le même revenu tant sous le régime de la LTA que de la LIR. [8] La Province de la Colombie‑Britannique a obtenu la qualité d’intervenante dans le présent appel en raison de son intérêt à ce que la Cour tranche la question de savoir si les gains réalisés à la disposition d’une immobilisation constituent un « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » au sens de la LIR. La Province paraît accepter que l’interprétation que donnera la Cour dans la présente instance établira le sens de l’expression [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières » employée dans la loi provinciale. L’avocat de l’intervenante a toutefois reconnu que la Cour devait statuer uniquement sur l’interprétation de la législation fédérale. [9] Il s’agit donc en l’espèce de décider si Weyerhaeuser a droit au crédit d’impôt sur les opérations forestières relativement à l’impôt payé sur le gain en application de la LTA. Cette question en soulève une autre, celle de savoir si le gain tombe sous le coup de la définition de l’expression « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » figurant dans le Règlement. Faits [10] Les faits touchant la disposition des biens sont clairs et les parties en conviennent en grande partie. Un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents ont été produits à l’audience. [11] Parmi les biens dont Weyerhaeuser s’est départie en 1999 se trouvaient des scieries, l’une située à Merritt (C.‑B.), l’autre à Lumby (C.‑B.). Weyerhaeuser a vendu les scieries parce qu’elles n’étaient plus exploitables. Elles ont été vendues à titre de biens excédentaires. La décision de fermer les scieries a été prise dans le plan d’entreprise global de Weyerhaeuser visant à maximiser ses recettes. [12] Weyerhaeuser a commencé à réduire progressivement les opérations de la scierie de Merritt en octobre 1998 et celle‑ci a été fermée en février 1999. Weyerhaeuser a subséquemment vendu la scierie, ce qui a donné lieu à un gain en capital imposable de 469 896 $. [13] La décision de cesser l’exploitation de la scierie de Lumby a également été prise en octobre 1998. Le bien a été vendu en deux opérations en 1999, lesquelles opérations ont donné lieu à un gain en capital imposable total de 71 706 $ entre les mains de Weyerhaeuser. [14] Le troisième bien vendu par Weyerhaeuser en 1999 consistait en une certaine habitation située à Ear Falls (Ontario). Weyerhaeuser a initialement acquis ce bien en 1998 lorsqu’elle a acheté l’usine de pâtes et papiers Dryden. Dryden avait utilisé le bien pour fournir de l’hébergement aux directeurs de son entreprise d’Ear Falls. Weyerhaeuser n’offrait habituellement pas l’hébergement à ses employés et, si on lui en avait laissé le choix, elle aurait donc exclu cette habitation de l’ensemble des biens acquis. [15] Weyerhaeuser a disposé de l’habitation d’Ear Falls en 1999, ce qui s’est traduit par une perte en capital déductible de 37 387 $. [16] Les parties ne s’entendaient pas sur le point de savoir si Weyerhaeuser avait utilisé l’habitation dans son entreprise avant de la vendre en 1999. Le témoin de l’appelante, Ross Parker, directeur à la retraite de Weyerhaeuser, a affirmé que cette dernière avait conservé les employés de Dryden après l’achat de l’entreprise et que les directeurs avaient continué de vivre dans l’habitation fournie par la société après que Weyerhaeuser eut pris le contrôle de celle‑ci. Son témoignage n’a pas été sérieusement contesté lors du contre‑interrogatoire et j’accepte que Weyerhaeuser utilisait l’habitation dans son entreprise avant la disposition. [17] Les gains en capital imposables nets réalisés par suite de la vente des deux scieries, moins la perte en capital déductible découlant de la vente du bien d’Ear Falls, s’élevaient à 504 215 $. [18] Lorsqu’elle a produit ses déclarations de revenus relatives à l’année d’imposition 1999, Weyerhaeuser n’a pas inclus le gain dans son [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières » pour l’application de la LTA ni dans son « revenu tiré d’opérations forestières » pour le calcul du crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. [19] Cette façon de déclarer ses revenus était conforme à la pratique de longue date en matière de fixation de l’impôt suivie tant par les autorités fiscales fédérales que provinciales en ce qui a trait aux gains en capital réalisés à l’occasion de la disposition de biens excédentaires. [20] En 2005, le ministre du Revenu de la C.‑B. a revu sa pratique en matière de fixation de l’impôt sous le régime de la LTA en ce qui concerne les gains en capital et il a déterminé que le gain réalisé par Weyerhaeuser en 1999 devait être inclus dans son [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières ». Le ministre du Revenu de la C.‑B. a établi une nouvelle cotisation à l’égard de Weyerhaeuser dans laquelle il a augmenté le montant de l’impôt à payer au titre des opérations forestières pour l’année d’imposition 1999. [21] Le [TRADUCTION] « revenu tiré d’opérations forestières » de Weyerhaeuser imposé par la C.‑B. est ainsi devenu plus élevé que le « revenu tiré d’opérations forestières » déterminé pour l’application du crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières, et un impôt a été fixé relativement aux gains en vertu de la LTA sans qu’aucun crédit d’impôt correspondant ne soit permis sous le régime de la LIR. [22] Le ministre du Revenu national a subséquemment établi à l’égard de Weyerhaeuser une nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 1999 visant d’autres points qui n’ont pas de lien avec le présent appel. Dans son opposition à cette nouvelle cotisation, Weyerhaeuser a en outre demandé que son crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières soit augmenté en fonction de l’augmentation de son impôt provincial sur ces mêmes opérations. Le ministre a refusé l’augmentation demandée parce qu’il ne considérait pas que le gain constituait un « revenu tiré d’opérations forestières ». [23] L’appelante a contesté les nouvelles cotisations établies par les autorités fiscales fédérales et provinciales. La nouvelle cotisation fédérale a été ratifiée et elle donne lieu au présent appel. Si j’ai bien compris, l’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation provinciale est en suspens dans l’attente de l’issue de la présente instance. Dispositions législatives applicables [24] Le paragraphe 127(1) de la LIR accorde généralement au contribuable un crédit équivalant aux deux tiers du montant de l’impôt sur les opérations forestières payé à une province sur le revenu tiré de ces opérations, jusqu’à concurrence de 6 ⅔ pour 100 de ce revenu[4]. [25] Le paragraphe 127(1) est rédigé en ces termes : 127(1) Il peut être déduit de l’impôt payable par ailleurs par un contribuable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition une somme égale au moins élevé des montants suivants : a) les ⅔ de tout impôt sur les opérations forestières, payé par le contribuable au gouvernement d’une province sur le revenu pour l’année tiré des opérations forestières dans cette province; b) les 6 ⅔ % du revenu du contribuable pour l’année, tiré des opérations forestières dans la province, dont fait mention l’alinéa a). Toutefois, le total des sommes, relatives aux provinces, qui seraient déductibles par ailleurs, en application du présent paragraphe, de l’impôt payable par ailleurs par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ne peut en aucun cas dépasser 6 ⅔ % du montant qui correspondrait, compte non tenu des alinéas 60b), c) à c.2), i) et v) et des articles 62, 63 et 64, au revenu imposable du contribuable pour l’année ou à son revenu imposable gagné au Canada pour l’année. [26] Selon le paragraphe 127(2) de la LIR, l’expression « revenu pour l’année tiré des opérations forestières dans la province » s’entend au sens du Règlement. Cette définition se trouve au paragraphe 700(1) du Règlement. L’expression « revenu pour l’année tiré d’opérations forestières dans la province » désigne l’ensemble de plusieurs montants, lesquels sont déterminés suivant les alinéas 700(1)a) à d). Je vais reproduire le texte du paragraphe 700(1), puis faire un résumé des sommes exposées aux alinéas a) à d). [27] Le paragraphe 700(1) est libellé ainsi : 700(1) Sauf dispositions du paragraphe (2), aux fins de l’alinéa 127(2)a) de la Loi « revenu pour l’année tiré d’opérations forestières dans la province » désigne l’ensemble des montants suivants : a) lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province et que les billes ainsi obtenues sont vendues par lui dans la province avant ou au moment d’être livrées à une scierie, à une usine de pâte ou papier ou à un autre lieu de transformation de billes, son revenu pour l’année tiré de telles ventes, à l’exclusion de la partie de ce revenu qui a déjà été incluse dans le calcul de son revenu tiré d’opérations forestières dans la province pour une année antérieure; b) lorsque le contribuable vend du bois en état dans la province ou le droit de couper du bois en état dans la province, son revenu pour l’année tiré de telles ventes, à l’exclusion de la partie de ce revenu qui a déjà été incluse dans le calcul de son revenu tiré d’opérations forestières dans la province pour une année antérieure; c) lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province, si les billes ainsi obtenues sont (i) exportées de la province et sont vendues par lui au moment ou avant d’être livrées à une scierie, usine de pâte ou papier ou autre lieu de transformation de billes, ou (ii) exportées du Canada, le montant de la valeur, telle qu’elle est établie par la province, des billes ainsi exportées dans l’année, diminuée de la totalité des frais d’acquisition, de coupe, de transport et de vente des billes; et d) lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province et que lui ou une personne agissant pour lui a transformé les billes dans une scierie, une usine de pâte et papier ou un autre lieu de transformation de billes au Canada, le revenu du contribuable pour l’année de toutes provenances moins le total : (i) de son revenu de provenances autres que les opérations forestières au Canada et que la transformation au Canada par lui ou une personne agissant pour lui et la vente par lui, de billes, de bois et de leurs sous‑produits, (ii) de chaque montant compris dans l’ensemble déterminé suivant le présent paragraphe en vertu de l’alinéa a), b) ou c), et (iii) d’un montant égal à huit pour cent du coût initial, en ce qui le concerne, de biens désignés à l’annexe II et utilisés par lui dans l’année dans la transformation de billes ou de leurs sous‑produits ou, si le montant ainsi déterminé est supérieur à 65 pour cent du revenu qui reste une fois opérées les déductions prévues aux sous‑alinéas (i) et (ii), 65 pour cent du revenu qui reste ainsi ou, si le montant ainsi déterminé est inférieur à 35 pour cent du revenu qui reste ainsi, 35 pour cent du revenu qui reste ainsi. [28] Les alinéas 700(1)a) et c) incluent le revenu que le contribuable tire de la vente de billes acquises dans la province. L’alinéa a) vise la vente de billes dans la province tandis que l’alinéa c) vise la vente de billes qui sont exportées de la province ou du Canada. [29] L’alinéa 700(1)b) inclut le revenu que le contribuable tire de la vente de bois en état ou du droit de couper du bois en état dans la province. [30] L’alinéa 700(1)d) intéresse le revenu qu’une société intégrée de produits forestiers gagne lorsqu’en plus d’acquérir des billes dans la province, le contribuable (ou une personne agissant pour lui) transforme les billes dans une scierie, une usine de pâte et papier ou un autre lieu de transformation au Canada. [31] La somme incluse dans le revenu tiré d’opérations forestières selon l’alinéa 700(1)d) est déterminée de façon quelque peu tortueuse. L’alinéa 700(1)d) prend pour point de départ le revenu du contribuable de toutes provenances puis, de manière générale, il soustrait tout ce qui n’est pas un revenu tiré d’opérations forestières, de la transformation de billes ou de la vente de billes, de bois ou de produits connexes. Les sous‑alinéas 700(1)d)(i) à (iii) excluent les sommes suivantes : - le « revenu [du contribuable] de provenances autres que les opérations forestières au Canada et que la transformation au Canada par lui ou une personne agissant pour lui et la vente par lui, de billes, de bois et de leurs sous‑produits » (sous‑alinéa 700(1)d)(i)), - les sommes déjà incluses dans le revenu tiré d’opérations forestières en application des alinéas 700(1)a), b) et c) (sous‑alinéa 700(1)d)(ii)); - une déduction pour investissement au titre du coût initial du matériel de transformation de billes (sous‑alinéa 700(1)d)(iii)). [32] Les deux parties conviennent que, comme Weyerhaeuser était une société intégrée de produits forestiers, l’alinéa 700(1)d) du Règlement s’applique. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si le gain résultant de la disposition des biens excédentaires constituait un revenu que Weyerhaeuser a tiré d’opérations forestières effectuées au Canada ou de la transformation et de la vente de billes, de bois et de leurs sous‑produits, comme il est énoncé au sous‑alinéa 700(1)d)(i). Thèse des parties Appelante [33] À l’audience, l’avocate de l’appelante n’a présenté aucune observation et s’est fondée sur les arguments formulés par l’avocat de l’intervenante. Intervenante [34] L’intervenante fait valoir que l’interprétation la plus plausible de l’alinéa 700(1)d) consiste à inclure le gain en litige. Elle soutient que le gain doit être considéré comme un revenu tiré d’une source assimilable à des opérations forestières ou à la transformation et à la vente de billes, de bois ou de leurs sous‑produits, parce que les gains en capital imposables constituent un revenu suivant l’article 3 de la LIR. [35] Si l’on admet que les gains en capital sont considérés à juste titre comme un revenu tiré d’une source, il faut alors se demander si le gain en l’espèce est un revenu tiré d’une source assimilable à des opérations forestières ou à la transformation et à la vente. [36] L’intervenante avance que le terme « opérations forestières » a un sens plus large que l’expression « entreprise forestière » et que le « revenu tiré d’opérations forestières » englobe davantage d’éléments que le [TRADUCTION] « revenu tiré d’une entreprise forestière ». Elle affirme que, pour décider s’il y a lieu d’inclure un revenu en application de l’alinéa 700(1)d), il faut tenir compte du revenu tiré d’activités faisant partie intégrante des opérations forestières. [37] Selon l’intervenante, les dispositions en cause faisaient partie intégrante de l’ensemble des opérations forestières de Weyerhaeuser. Les dispositions faisaient partie du plan d’entreprise global établi par cette dernière pour minimiser les coûts et accroître l’efficience de l’ensemble de ses opérations forestières. [38] L’intervenante allègue en outre que son interprétation est compatible avec l’historique des dispositions fédérales et provinciales en matière d’impôt sur les opérations forestières. Intimée [39] L’intimée affirme que le sens ordinaire des termes employés à l’alinéa 700(1)d) du Règlement ne permet pas que le gain soit inclus dans le revenu tiré d’opérations forestières. Au contraire, seul le revenu directement lié aux activités courantes touchant les opérations forestières ou la transformation et la vente tombent sous le coup de l’alinéa 700(1)d). [40] Selon l’intimée, il ne suffit pas en l’espèce que le gain provienne de la vente de biens antérieurement utilisés dans les opérations forestières de Weyerhaeuser. Le gain en litige ne provient pas de la poursuite d’opérations forestières par Weyerhaeuser. [41] L’intimée soutient également que cette interprétation est compatible avec le reste du paragraphe 700(1) du Règlement et avec la LIR, considérée dans son intégralité. En particulier, elle respecte la distinction de longue date faite dans la LIR entre le revenu et le capital. [42] De plus, l’intimée avance que, dans la présente affaire, le fait d’exclure les gains en capital du revenu tiré d’opérations forestières est compatible avec l’objet de la disposition applicable. Lorsqu’il a édicté ces dispositions, le législateur ne pouvait avoir eu l’intention que les gains en capital comme ceux en litige soient inclus suivant l’alinéa 700(1)d) étant donné que les gains en capital n’ont pas été généralement imposés avant 1972. Analyse [43] La façon appropriée d’interpréter les lois fiscales a été énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada[5] : L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. La Cour suprême a en outre déclaré que la LIR « demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle »[6]. [44] Dans l’affaire dont je suis saisi, il est nécessaire d’interpréter la partie suivante de l’alinéa 700(1)d) du Règlement : d) […] le revenu du contribuable pour l’année de toutes provenances moins […] (i) […] son revenu de provenances autres que les opérations forestières au Canada et que la transformation au Canada par lui ou une personne agissant pour lui et la vente par lui, de billes, de bois et de leurs sous‑produits, [45] Plus particulièrement, il importe de déterminer si les sources de revenu décrites comme les « opérations forestières […] et […] la transformation […] et la vente […] de billes, de bois et de leurs sous‑produits » comprennent les gains en capital imposables et la perte en capital déductible qui composent le gain en litige. Libellé [46] Dans la présente affaire, le calcul prévu à l’alinéa 700(1)d) commence avec le « revenu de toutes provenances », duquel on soustrait ensuite les sommes énumérées aux sous‑alinéas (i) à (iv). Le revenu de toutes provenances du contribuable engloberait manifestement les gains en capital, lesquels constituent un revenu tiré d’une source selon l’article 3 de la LIR : Schwartz c. Canada [7]. [47] Cependant, il ne s’ensuit pas que le « revenu » tiré de la source désignée au sous‑alinéa 700(1)d)(i) (les opérations forestières ou la transformation […] et la vente) doit comprendre les gains en capital. Le terme « revenu » est employé de différentes façons dans la LIR et il peut avoir diverses significations. Dans l’arrêt Enterprises Ludco Ltée c. Canada, la Cour suprême du Canada devait statuer sur le sens à donner au terme « revenu » pour l’application du sous‑alinéa 20(1)c)(i) de la LIR. Elle a fait remarquer ce qui suit : La Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le terme « revenu ». Il y est question de « revenu net », de « revenu imposable » et de revenu provenant de différentes sources, sans que l’on mentionne ou décrive les caractéristiques juridiques de la notion de « revenu ». Elle n’indique que ce qui doit être inclus dans le revenu ou en être exclu[8]. [48] Le terme « revenu » figurant au sous‑alinéa 700(1)d)(i) doit donc être défini à la lumière du contexte dans lequel il est employé. [49] Je vais d’abord examiner les termes utilisés pour décrire la source désignée au sous‑alinéa 700(1)d)(i). Comme les parties l’ont signalé, les termes « opérations forestières », « transformation » et « vente » ne sont pas définis dans le Règlement, et il est donc nécessaire de tenir compte de leur sens ordinaire. [50] Je souscris à l’observation formulée par l’intimée selon laquelle les termes « opérations forestières » et « la transformation […] et la vente […] de billes, de bois et de leurs sous‑produits » renvoient à des activités courantes exercées par un contribuable. C’est ce qui ressort des définitions suivantes que donnent différents dictionnaires des termes [TRADUCTION] « exploitation forestière » (« logging »), [TRADUCTION] « opération » (« operation »), [TRADUCTION] « opération forestière » (« logging operation »), [TRADUCTION] « processus » (« process ») et [TRADUCTION] « transformation » (« processing ») : [TRADUCTION] « exploitation forestière » Les travaux consistant à couper et à préparer le bois sur pied[9]. « exploitation forestière » L’abattage, l’ébranchage, le tronçonnage et le marquage des arbres, la construction de routes forestières, le transport de billes hors route jusqu’au bassin de réserve ou à la cour de scierie, la récupération du bois et le reboisement[10]. « exploitation » Le processus d’exploitation ou le mode d’action[11]. « exploitation » L’action, le processus ou la méthode utilisé pour travailler ou exploiter; le fait d’être actif et de fonctionner; un processus actif [12]. « exploitation forestière » L’abattage, le tronçonnage, l’écorçage en forêt, le transport par camion, l’empilage, le flottage, le chargement et le transport par routes du bois, mais non sa transformation à l’extérieur de la forêt[13]. « processus » Un plan d’action ou une marche à suivre, une suite d’étapes dans la fabrication ou une quelconque autre opération[14]. « processus » L’ajustement, le changement, l’assemblage, la fabrication, la modification, la production ou la réparation de biens[15]. [51] J’arrive à la conclusion que, selon leur sens ordinaire, les termes « opérations forestières » signifient l’activité courante consistant à couper les arbres en billes et à transporter ces billes, et les termes « transformation » et « vente » évoquent l’activité courante touchant la fabrication ou la production et la vente. [52] J’estime en outre important que l’expression « opérations forestières » employée au sous‑alinéa 700(1)d)(i) est, dans la version anglaise de cette disposition, nuancée par les termes « carried on in Canada » (« au Canada » dans la version française), lesquels renforcent l’idée que les opérations forestières mettent en jeu une activité courante. [53] Comme les « opérations forestières », la « transformation » et la « vente » intéressent toutes des activités courantes exercées par un contribuable, la source du revenu précisée au sous‑alinéa 700(1)d)(i), soit les opérations forestières ou la transformation et la vente de billes, de bois ou de leurs sous‑produits, paraît correspondre à une source de revenu tiré d’une entreprise, laquelle découle d’activités précises exercées par un contribuable. [54] Cependant, l’intervenante s’appuie sur la décision MacMillan Bloedel Limited v. The Queen[16] pour affirmer que le terme « opérations forestières » a un sens plus large que l’expression « entreprise forestière » et que le « revenu tiré d’opérations forestières » englobe davantage d’éléments que le [TRADUCTION] « revenu tiré d’une entreprise forestière ». [55] Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si la contribuable, société intégrée de produits forestiers, avait à juste titre inclus diverses sortes de revenu d’intérêt dans son « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » pour l’application du crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. La contribuable avait ajouté cet intérêt en vertu du sous‑alinéa 700(1)d)(i) du Règlement. [56] Le juge Collier a conclu qu’une partie de l’intérêt constituait un revenu tiré d’opérations forestières, mais pas le reste. L’intervenante soutient que le tribunal a favorisé une interprétation plus libérale et pragmatique pour décider si quelque chose constituait un revenu tiré d’une source assimilable à des opérations forestières et qu’il a en fait précisé que le « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » ne se limitait pas strictement au revenu découlant de la vente de bois d’œuvre. [57] Selon moi, cette décision n’est pas d’une grande utilité en l’espèce. Le tribunal ne prétend à aucun moment interpréter les termes « revenu […] tiré d’opérations forestières […] et […] la transformation […] et la vente ». Le juge Collier évalue plutôt chaque genre de revenu d’intérêt à la lumière de ce qu’englobaient, à son avis, les « opérations forestières […] et […] la transformation […] et la vente […] » sans procéder à aucune analyse. Par exemple, lorsqu’il conclut que l’intérêt gagné par la contribuable au titre des prêts hypothécaires et des avances qu’elle a consenties à des employés afin de les aider à acquitter leurs frais de déménagement constituait un revenu tiré d’opérations forestières, le tribunal mentionne simplement que les sommes faisaient partie, [TRADUCTION] « d’un point de vue pratique et commercial, des opérations forestières de la partie demanderesse ». [58] De toute évidence, le tribunal ne s’est pas fondé sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique, comme celle que commandent maintenant les récents arrêts de la Cour suprême du Canada, dont Hypothèques Trustco. [59] Même si je pouvais m’appuyer sur cette décision, elle n’aide nullement l’intervenante puisque le tribunal paraît avoir simplement accepté le fait que le « revenu tiré d’opérations forestières » se limitait au revenu que la contribuable avait tiré de son entreprise forestière. Par exemple, pour décider que l’intérêt gagné sur des prêts consentis aux clients constituait un revenu tiré des opérations forestières de la contribuable, le juge Collier a affirmé que l’intérêt [TRADUCTION] « faisait partie intégrante des opérations forestières de la demanderesse, et ne constituait pas une quelconque source distincte de revenu d’entreprise »[17]. (Non souligné dans l’original.) En outre, lorsqu’il a conclu que quatre éléments d’intérêt bancaire devaient être exclus du revenu tiré d’opérations forestières parce qu’aucun élément de preuve n’étayait leur provenance, le juge Collier a formulé les commentaires suivants : [TRADUCTION] À mon avis, il ne suffit pas d’affirmer que la demanderesse exploitait une entreprise intégrée de produits forestiers, et que ces éléments doivent nécessairement découler de cette entreprise. Il doit y avoir, sur le plan des faits, quelque chose de plus[18]. [Non souligné dans l’original.] [60] L’exigence du juge Collier selon laquelle il doit y avoir [TRADUCTION] « quelque chose de plus » n’est peut‑être pas des plus précise, mais il a manifestement conclu que, pour constituer un « revenu tiré d’opérations forestières », une somme doit présenter un lien suffisant avec une activité forestière courante. [61] L’intervenante et l’intimée conviennent que le sens ordinaire des termes « opérations forestières », « transformation » et « vente » engloberait les travaux qui font partie intégrante de ces activités. À l’appui de cet argument, elles invoquent toutes deux la décision Echo Bay Mines Ltd. v. The Queen[19] de la Cour fédérale, Section de première instance. [62] Dans l’affaire Echo Bay Mines, la contribuable, qui exploitait une entreprise d’extraction et de transformation de l’argent, a conclu des contrats de couverture afin de se protéger contre les fluctuations des prix de ce métal. Lorsqu’elle a liquidé les contrats de couverture, elle a réalisé un gain, qu’elle a inclus dans ses « bénéfices relatifs à des ressources » au sens de l’alinéa 1204(1)b) du Règlement pour déterminer le montant de la déduction au titre des ressources à laquelle elle avait droit suivant l’alinéa 20(1)v.1) de la LIR. Selon la définition du terme « bénéfices relatifs à des ressources », ceux‑ci englobent le « montant […] de l’ensemble de […] revenus […] tirés […] de la production au Canada […] de métaux ou de minéraux […] ». Le ministre a exclu les gains des « bénéfices relatifs aux ressources » de la contribuable parce que les contrats de couverture n’étaient pas suffisamment intégrés dans la production de l’argent par la contribuable pour être considérés comme un revenu tiré de cette production. [63] Le juge MacKay s’est demandé ce que l’on entendait par les termes « revenu […] tiré […] de la production […] de métaux […] », et il a conclu que la production doit nécessairement englober les ventes de métaux parce qu’aucun revenu n’est généré s’il n’y a pas de vente. Après avoir tiré cette conclusion, le tribunal a décidé que les contrats de couverture étaient reliés aux ventes d’argent par la contribuable et qu’ils faisaient donc partie intégrante de la production d’argent par cette dernière. [64] La Cour fédérale s’est exprimée en ces termes, à la page 6447 : […] le revenu de « production » peut provenir de diverses activités à condition que celles‑ci fassent partie intégrante des opérations de production. Or la production n’engendre d’elle‑même aucun revenu s’il n’y a pas de vente. Les opérations qui peuvent raisonnablement être reliées à la commercialisation du produit et qui sont entreprises pour garantir que celui‑ci soit vendu à un prix satisfaisant, pour produire un revenu avec espoir de bénéfices, sont à mes yeux des activités faisant partie intégrante de la production qui vise à rapporter un revenu et des bénéfices relatifs à des ressources au sens du paragraphe 1204(1) du Règlement. [65] L’interprétation des termes « revenu […] tiré […] de la production » donnée dans la décision Echo Bay Mines a été adoptée par le présent tribunal dans la décision 3850625 Canada Inc. c. La Reine, où la juge Woods a mentionné ce qui suit : Le principe qui ressort de la décision Echo Bay Mines est que les revenus que l’on considère comme étant tirés de la production et du traitement ne se limitent pas aux revenus tirés de la vente de ressources minérales. En effet, sont aussi compris dans ces revenus les revenus tirés d’autres activités qui sont essentielles aux activités de production et de traitement [20]. [66] En ce qui concerne l’affaire dont je suis saisi, il me paraît incontestable que le revenu tiré d’activités faisant partie intégrante des opérations forestières ou de la transformation et de la vente de billes, de bois ou de leurs sous‑produits doive être inclus dans le revenu tiré de ces activités. Faire partie intégrante de quelque chose signifie simplement figurer parmi les éléments constituant un tout. Savoir si une activité fait partie intégrante d’une autre activité est une question de fait. Peut‑on dire que la disposition d’immobilisations excédentaires faisait partie intégrante des opérations forestières de Weyerhaeuser ou de la transformation et de la vente de billes, de bois et de leurs sous‑produits? [67] L’avocat de l’intimée affirme que [TRADUCTION] « le produit de disposition d’une immobilisation est aux antipodes du revenu tiré d’une activité courante » parce que la disposition d’immobilisations utilisées dans des opérations forestières fait en sorte de priver les opérations de leur caractère continu et actif. De plus, les opérations effectuées aux installations de la scierie ont cessé l’année précédant celle où les gains découlant des dispositions de ces installations ont été réalisés. Il est donc impossible de considérer que le produit de leur disposition constitue un revenu tiré d’activités courantes. [68] L’intervenante soutient que les scieries de Merritt et de Lumby ont, jusqu’en 1998, fait partie intégrante de l’entreprise forestière intégrée de Weyerhaeuser et que la décision de fermer les scieries a été prise suivant son plan d’entreprise global visant à maximiser ses revenus. Selon elle, mis à part le revenu d’entreprise, il n’existe aucune sorte de revenu qui tire plus manifestement sa source des opérations forestières intégrées de Weyerhaeuser que la disposition de biens utilisés dans son entreprise. [69] À mon avis, la disposition d’immobilisations par Weyerhaeuser ne faisait pas partie intégrante de ses opérations forestières ni de la transformation ou de la vente de bois et de produits connexes. La disposition ne concernait nullement la coupe ou la transformation de billes ou la vente de produits du bois n’avait pas lieu dans l’exercice des activités courantes d’exploitation forestière, de transformation et de vente desquelles Weyerhaeuser tirait un revenu. La disposition n’a pas eu lieu dans l’exercice des activités. La vente du moyen par lequel les opérations forestières ou les opérations de transformation étaient poursuivies ne fait pas partie intégrante de ces opérations. La vente a eu lieu après que les biens ont cessé d’être utilisés dans l’exercice de ces activités. [70] Même si les scieries avaient été fonctionnelles lors de leur vente par Weyerhaeuser, le gain tiré de leur disposition n’aurait pas découlé de l’exercice d’une activité, mais bien du fait que Weyerhaeuser cessait ses activités à ces scieries. Contexte [71] Les deux parties ont attiré mon attention sur l’alinéa 700(1)b) du Règlement. Elles affirment que, selon cette disposition, il faut inclure dans le revenu les gains en capital réalisés par un contribuable sur la vente de bois en état ou du droit de couper du bois en état. Afin d’en faciliter la consultation, le texte de cette disposition est reproduit ci‑dessous : b) lorsque le contribuable vend du bois en état dans la province ou le droit de couper du bois en état dans la province, son revenu pour l’année tiré de telles ventes, à l’exclusion de la partie de ce revenu qui a déjà été incluse dans le calcul de son revenu tiré d’opérations forestières dans la province pour une année antérieure; [72] Les parties invoquent l’arrêt Tabor Creek Sawmills Ltd. c. Colombie‑Britannique (ministre des Finances)[21], dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que le gain en capital réalisé à l’occasion de la vente du droit de couper du bois sur pied tombe sous le coup de la définition de l’expression [TRADUCTION] « revenu provenant d’opérations forestières » figurant à l’article 2 de la LTA. À l’alinéa b) de cette définition, tel qu’il était alors rédigé, il est question du [TRADUCTION] « profit net provenant de l’acquisition […] et […] de la vente […] du droit de couper du bois sur pied ». Les parties pertinentes de l’article 2 étaient ainsi rédigées : [TRADUCTION] 2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente [...] « revenu provenant d’opérations forestières » effectuées par une personne au cours d’une année fiscale : [...] b) lorsque du bois sur pied dans la Province ou le droit de couper du bois sur pied dans la Province est vendu par une personne de quelque façon que ce soit, y compris par redevance, le profit net provenant de l’acquisition de bois sur pied ou du droit de couper du bois sur pied, et le profit net provenant de la vente du bois sur pied ou du droit de couper du bois sur pied. [73] La Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel de la C.‑B., laquelle avait conclu qu’à la lumière du [TRADUCTION] « libellé clair et sans équivoque de l’alinéa 2b) », cette disposition visait à imposer à la fois les rentrées de capital et les rentrées de revenu[22]. [74] S’appuyant sur l’arrêt Tabor Creek Sawmills, les deux avocats ont soutenu que la mention, à l’alinéa 700(1)b) du Règlement, du revenu tiré de la vente de bois en état ou du droit de couper du bois en état inclurait les gains en capital réalisés par un contribuable à l’occasion de ce genre de ventes. Ils ont ensuite chacun exposé comment cela étayait la thèse avancée par leur client. [75] Je ne suis toutefois pas convaincu que l’arrêt Tabor Creek Sawmills est nécessairement applicable ici. Le libellé de l’alinéa 700(1)b) est différent de celui de l’alinéa 2b) de la LTA alors en vigueur. Cette dernière disposition fait état du [TRADUCTION] « profit net » provenant de l’acquisition et de la vente de bois sur pied ou du droit de couper du bois sur pied. L’alinéa 700(1)b) vise plutôt le « revenu » tiré de la vente. Dans l’arrêt Tabor Creek Sawmills rendu par la Cour suprême de la C.‑B., le juge Ruttan a fait mention de l’emploi explicite du terme [TRADUCTION] « profit net » à l’alinéa 2b) de la LTA en ce qui concerne la vente du droit de couper du bois sur pied lorsqu’il a fait les observations suivantes : [TRADUCTION] […] Qu’elles fassent ou non partie de l’entreprise commerciale habituelle de la contribuable, ces ventes constituent des « opérations forestières » au sens de la Loi et le profit net tiré de ces opérations forestières constitue un revenu sous le régime de ce texte législatif. Il me semble que le terme important utilisé dans la Logging Tax Act n’est pas « revenu », mais « profit »[23]. [Non souligné dans l’original.] [76] Les termes « revenu » et « profit net » ne sont pas synonymes. Voilà pourquoi je conclus que la pertinence particulière de l’alinéa 700(1)b) au regard de l’interprétation du sous‑alinéa 700(1)d)(i) n’a pas été établie. [77] Si je fais fausse route sur ce point, et s’il était de l’intention du législateur que le « revenu » tiré de la vente de bois en état ou du droit de couper du bois en état englobe les gains en capital réalisés sur ce genre de dispositions, je conviendrais alors avec l’intimée que l’inclusion expresse de ce « revenu » au moyen de l’alinéa 700(1)b) permettrait de penser que les gains en capital ne sont pas inclus dans le revenu tiré d’opérations forestières ou de la transformation et de la vente suivant le sous‑alinéa 700(1)d)(i). [78] Cependant, un autre facteur contextuel permet d’étayer en l’espèce l’interprétation du sous‑alinéa 700(1)d)(i) proposée par l’intimée. Il s’agit de la notion relative à la source du revenu sous‑jacente à la LIR. Comme l’a énoncé le présent tribunal dans la décision Fortino v. The Queen, « [s]elon le concept fondamental établi par la Loi, le revenu provenant de chaque source doit être calculé séparément conformément aux règles qui s’appliquent à cette source particulière »[24]. [79] Selon la notion relative à la source, le revenu tiré de chaque source est calculé de façon distincte, conformément aux règles applicables à chaque source particulière, et les gains en capital sont traités comme une source distincte de revenu. Dans l’arrêt Schwartz, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 20 : L’article 3 énonce les règles de base qui régissent le calcul du revenu d’un contribuable pour une année donnée et énumère, à l’al. a), les cinq principales sources qui peuvent générer un revenu, soit les charge, emploi, entreprise, bien et gains en capital. Les sous‑sections a, b et c de la section B de la partie I renferment des dispositions particulières qui s’appliquent pour déterminer si le revenu provient d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien ou s’il constitue un gain en capital. [80] Selon ce régime, les gains en capital sont traités comme une source de revenu distincte, différente des quatre sources énumérées à l’article 3, et les gains en capital ne sont inclus dans le revenu d’aucune autre source. [81] Au sous‑alinéa 700(1)d)(i), les termes « opérations forestières […] et […] la transformation […] et la vente [de sous‑produits du bois] » dénotent une source de revenu. Suivant le régime de la LIR, le revenu généré d’une telle source serait calculé séparément du revenu tiré d’autres sources. Il serait incompatible avec ce régime d’inclure les gains en capital dans le revenu provenant d’une source particulière et définie, comme les opérations forestières ou la transformation et la vente, à moins que la disposition législative ne prévoie expressément que ce soit le cas ou que cela ne ressorte par ailleurs manifestement du contexte de la disposition. Cette conclusion est renforcée par le fait que, selon la LIR, les gains en capital ne sont pas réalisés lors de l’exercice d’une activité courante, mais plutôt par suite de la disposition d’un bien. Dans leur ouvrage intitulé Principles of Canadian Income Tax Law, les auteurs Hogg, Magee et Li signalent que les gains en capital, [TRADUCTION] « même s’ils sont inclus dans le revenu suivant l’article 3, […] ne constituent pas un revenu provenant d’une source au sens traditionnel de ce terme – les gains en capital sont plutôt un revenu gagné par suite de la disposition d’une source »[25]. Objet [82] Conformément aux directives en ce sens formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco, il me faut également prendre en compte l’objet visé par le législateur lorsqu’il a édicté l’alinéa 700(1)d). [83] Je conviens avec l’intimée que l’intention du législateur doit être celle que ce dernier avait au moment où la disposition a été édictée. Cette notion est exposée de la façon suivante dans Sullivan on the Construction of Statutes : [TRADUCTION] […] l’intention du législateur est un fait historique […] S’ils ont l’obligation de donner effet à la véritable intention du législateur, les tribunaux doivent tenter de reconstituer le ou les objets visés par le texte législatif […][26]. [84] Dans l’arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., la Cour suprême du Canada a écarté la possibilité que l’objet visé par le texte législatif puisse varier. Le juge en chef Dickson s’est exprimé ainsi : De plus, la théorie de l’objet changeant contraste nettement avec les notions fondamentales qui se sont formées dans notre droit au sujet de la nature de « l’intention du législateur ». L’objet d’une loi est fonction de l’intention de ceux qui l’ont rédigée et adoptée à l’époque, et non pas d’un facteur variable quelconque [27]. [85] L’article 700 du Règlement a été édicté en 1963 (C.P. 1963‑1421, 26 septembre 1963, Gazette du Canada, partie II, 9 octobre 1963). À ce moment, l’alinéa 700(1)(d) était pour l’essentiel analogue à sa version actuelle. Tout comme cette dernière, la version initiale de l’alinéa 700(1)d) concerne le « revenu de toutes provenances » et le sous‑alinéa 700(1)d)(i) fait mention du « revenu de provenances autres que les opérations forestières et que la transformation et vente ». [86] La partie pertinente de la disposition initialement édictée est ainsi rédigée : 700(1) Sauf disposition du paragraphe (2) […] « revenu pour l’année tiré d’opérations forestières dans la province » désigne l’ensemble des montants suivants : […] d) Lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province, s’il exploite une scierie, usine de pâte ou papier ou autre lieu de transformation de billes au Canada, son revenu de toutes provenances pour l’année moins l’ensemble (i) de son revenu de provenances autres que les opérations forestières et que la transformation et vente par lui de billes, bois et de leurs sous‑produits, [… ] [Non souligné dans l’original.] [87] La version actuelle de cette disposition est libellée ainsi : 700(1) Sauf disposition du paragraphe (2) […] « revenu pour l’année tiré d’opérations forestières dans la province » désigne l’ensemble des montants suivants : […] d) lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province et que lui ou une personne agissant pour lui a transformé les billes dans une scierie, une usine de pâte et papier ou un autre lieu de transformation de billes au Canada, le revenu du contribuable pour l’année de toutes provenances moins le total : (i) de son revenu de provenances autres que les opérations forestières au Canada et que la transformation au Canada par lui ou une personne agissant pour lui et la vente par lui, de billes, de bois et de leurs sous‑produits, […] [Non souligné dans l’original.] [88] L’intervenante soutient qu’historiquement, le gouvernement fédéral voulait laisser aux provinces une certaine marge de manœuvre en matière d’impôt sur les opérations forestières. Avec l’introduction de l’imposition des gains en capital en 1972, le montant du revenu tiré d’opérations forestières susceptible d’être imposé a augmenté. Interpréter l’expression « revenu tiré d’opérations forestières » de manière à exclure les gains en capital signifierait que le législateur avait l’intention de réserver cette nouvelle tranche de revenu tiré d’opérations forestières pour sa propre assiette fiscale. L’intervenante affirme que cette interprétation va à l’encontre de l’évolution historique du crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. [89] Cet argument ne peut être retenu pour deux raisons. [90] En premier lieu, l’historique de l’article 127 de la LIR et celui de l’article 700 du Règlement révèlent que, même si le législateur a toujours eu l’intention d’accorder un allégement au titre de l’impôt établi par une province sur le revenu tiré d’opérations forestières, le crédit n’a jamais cessé de faire l’objet de restrictions. L’intention de restreindre le montant du crédit est évidente. Une restriction de ce genre est prévue au paragraphe 127(1) (et à l’article 41A, qui l’a précédé). Elle limite le crédit à un taux d’imposition provincial maximal sur les opérations forestières de 6 ⅔ pour 100 du « revenu tiré d’opérations forestières » du contribuable. Une augmentation du taux d’imposition provincial sur les opérations forestières n’entraînerait pas une augmentation correspondante du montant du crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. En outre, le législateur a choisi de définir le terme « revenu tiré d’opérations forestières » pour l’application du crédit d’impôt sur les opérations forestières de manière à exercer un contrôle sur l’assiette de l’impôt pouvant faire l’objet du crédit. Il est donc évident que le législateur n’avait pas l’intention d’accorder aux provinces l’entière marge d’imposition en matière d’activités forestières. [91] En second lieu, contrairement à ce que laisse entendre l’intervenante, les gains en capital ne peuvent être considérés comme un revenu tiré d’opérations forestières. Je souscris aux commentaires formulés par l’auteur Krishna lorsqu’il affirme [TRADUCTION] « il existe une notion intuitive voulant que l’appréciation du capital ne constitue pas ce que l’on considère normalement comme du “revenu” »[28]. Le gain en capital découle d’une augmentation de la valeur en capital d’un bien[29]. Il ne découle pas d’une quelconque activité exercée par le contribuable. En conséquence, l’on ne peut soutenir que, lorsqu’il a introduit l’impôt sur les gains en capital, le législateur imposait une nouvelle tranche de revenu tiré d’opérations forestières. À mon avis, l’interprétation proposée par l’intervenante se traduirait par une augmentation de l’assiette sur laquelle le crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières est calculé puisqu’elle aurait pour effet d’inclure des gains que le législateur n’avait jamais eu l’intention de voir faire partie du régime de crédit d’impôt sur les opérations forestières. Si l’intervenante avait raison, même les gains réalisés sur la vente d’un bien‑fonds, dont la valeur pour un usage résidentiel ou récréatif serait devenue plus élevée que sa valeur comme terrain forestier, seraient considérés comme un « revenu tiré d’opérations forestières » malgré le fait que cette augmentation de la valeur n’ait rien à voir avec des activités commerciales liées à des opérations forestières ou à la transformation du bois exercées sur ce bien‑fonds. [92] Je souscris à l’observation faite par l’intimée quant à l’objet du sous‑alinéa 700(1)d)(i). Je conclus qu’au moment où le législateur a édicté cette disposition, son intention n’était pas que le revenu tiré d’une source assimilable à des opérations forestières ou à la transformation et à la vente de billes, de bois ou de leurs sous‑produits englobe les gains en capital parce qu’en 1963, ces gains ne constituaient pas une source de revenu sous le régime de la LIR. Comme l’objet d’une disposition est un fait historique, l’inclusion des gains en capital à titre de source de revenu suivant la LIR en 1972 n’aurait pas pour effet de modifier l’objet qui était visé par l’édiction du sous‑alinéa 700(1)d)(i). Conclusion [93] L’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’alinéa 700(1)d) du Règlement de l’impôt sur le revenu m’amène à conclure que les gains en l’espèce ne constituaient pas un « revenu tiré d’opérations forestières dans la province » et que, par conséquent, l’impôt payé sous le régime de la LIR sur ces gains ne peut faire l’objet d’un crédit d’impôt fédéral sur les opérations forestières. [94] L’appel est donc rejeté avec dépens partie‑partie en faveur de l’intimée. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mars 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 106 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2007-1055(IT)G INTITULÉ : Weyerhaeuser Company Limited et Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 décembre 2010 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 30 mars 2012 COMPARUTIONS : Avocate de l’appelante : Me Wendy King Avocats de l’intimée : Avocat de l’intervenante : Me David Jacyk Me Andrew Majawa Me David Poore AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Wendy King Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] LRC (1985), ch. 1 (5e suppl). [2] R.S.B.C. 1996, ch. 277. [3] C.R.C., ch. 945. [4]En C.‑B., l’autre tiers de l’impôt sur les opérations forestières payé par un contribuable sous le régime de la LTA est déduit de son impôt sur le revenu provincial à payer : par. 19.1(2) de la Income Tax Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 215. [5] [2005] 2 R.C.S. 601, par. 10. [6] Hypothèques Trustco, précité, note 2, par. 13. [7] [1996] 1 R.C.S. 254, par. 20. [8] [2001] 2 R.C.S. 1082, par. 57. [9] The Canadian Oxford Dictionary, 1re éd. [10] Daphne A. Dukelow et Betsy Nuse, The Dictionary of Canadian Law, 2e éd., Scarborough, Carswell, 1995, p. 696. [11] Black’s Law Dictionary, 6e éd. [12] The Canadian Oxford Dictionary, 1re éd. [13] The Dictionary of Canadian Law, précité, p. 696. [14] The Canadian Oxford Dictionary, 1re éd. [15] The Dictionary of Canadian Law, précité, p. 954. [16] 90 DTC 6219 (C.F. 1re inst.). [17] MacMillan Bloedel, précité, note 11, p. 6222. [18] MacMillan Bloedel, précité, note 11, p. 6222. [19] 92 DTC 6437. [20] 2010 CCI 104, par 18. [21] [1973] A.C.S. no 17. [22][1972] B.C.J. No. 727, par. 26, le juge Taggart. [23][1971] B.C.J. No. 85, par. 13. [24] 97 DTC 55, par. 39. [25]Peter W. Hogg, Joanne E. Magee et Jinyan Li, 6e éd., Toronto, Carswell, 2006, ch. 4.4 (a). [26] Ruth Sullivan, 5e éd., Markham, LexisNexis Canada Inc., 2008, p. 278. [27] [1985] 1 R.C.S. 295, par. 91. [28] Précité, note 26, p. 430. [29] Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 8e éd., p. 431.
2012 CCI 110
TCC
2,012
Homa c. La Reine
fr
2012-04-03
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30762/index.do
2022-09-04
Homa c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-03 Référence neutre 2012 CCI 110 Numéro de dossier 2010-3948(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-3948(IT)I ENTRE : DAVID HOMA, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu les 13 et 14 mars 2012, à Ottawa (Ontario) Devant : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocats de l’intimée : Me Shane Aikat Me Andrew Miller ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 à 2009 inclusivement est rejeté. Chaque partie assumera ses dépens. Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 2012 Hélène Tremblay, traductrice Référence : 2012 CCI 110 Date : 20120403 Dossier : 2010-3948(IT)I ENTRE : DAVID HOMA, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] L’appelant, David Homa, est un ingénieur à la retraite qui possède une vaste expérience en informatique. Il affirme que le système informatique utilisé par l’Agence du revenu du Canada (ARC) comporte une faille qui a donné lieu à l’établissement d’intérêts excessifs. Le montant en question est d’environ 100 $. [2] L’appelant désire attirer l’attention sur le problème informatique dans le but, d’une part, de corriger le préjudice qui lui a été causé et, d’autre part, de fournir des informations sur un problème qui est mal compris, dans l’intérêt de tous les contribuables. [3] Trois questions seront analysées dans les présents motifs. a) La Cour a-t-elle la compétence pour statuer sur l’objet du présent litige? b) Le système informatique comporte-t‑il une faille? c) Les intérêts exigés sont‑ils excessifs? Contexte [4] Le 16 janvier 2009, la Cour a rejeté en partie la demande de l’appelant visant à obtenir un crédit d’impôt pour frais médicaux pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005. [5] La décision a entraîné l’imposition d’intérêts sur l’impôt impayé pour les années d’imposition 2003 et 2005. L’appelant a demandé un allégement des intérêts pour motifs humanitaires le 4 avril 2009 (pièce R‑4). La demande indique ceci : [traduction] […] Il demande au comité d’annuler les intérêts courus depuis le dépôt de son appel et de renoncer aux paiements d’intérêts pour la période de douze mois à venir, au terme de laquelle il aura acquitté tous les impôts impayés. Il estime que le montant total des intérêts est inférieur à mille dollars. [6] La demande a été accueillie en partie. Dans une lettre datée du 1er décembre 2009, on a informé l’appelant que les intérêts exigés pour les années d’imposition 2003 et 2005 seraient annulés (pièce A‑1). Conformément à cette décision, l’ARC a annulé les intérêts courus jusqu’au 4 janvier 2010, date à laquelle la décision a été rendue. Les montants qui ont été annulés sont les suivants : 862,67 $ pour l’année d’imposition 2003 et 267,30 $ pour l’année d’imposition 2005 (pièces A‑15 et R‑1). [7] Or, avant que la décision soit rendue, l’appelant avait conclu une entente avec l’ARC afin de payer progressivement les montants exigibles pour les années d’imposition 2003 et 2005. Des chèques postdatés avaient été remis pour des paiements mensuels s’échelonnant jusqu’au 15 août 2011, date à laquelle la dette aurait été réglée au complet si la demande de l’appelant était accueillie (pièce A‑15). L’appelant a indiqué que l’ARC avait exigé cette entente avant d’accepter d’examiner la demande d’allégement des intérêts. La Cour a-t‑elle la compétence? [8] Dans un avis d’appel modifié déposé le 6 janvier 2011[1], l’appelant décrit l’appel dans les termes suivants. [traduction] David Homa interjette appel devant la Cour canadienne de l’impôt des cotisations d’intérêts datées du 23 septembre[2] et du 20 octobre 2010 établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 à 2009. [9] Les documents susmentionnés sont des états de compte indiquant les montants totaux exigibles pour toutes les années d’imposition. [10] À la suite d’une requête préliminaire déposée par l’intimée, j’ai conclu que ces documents ne constituaient pas des avis de cotisation et qu’ils ne donnaient pas naissance à un droit d’appel devant la Cour (2011 CCI 230). [11] Je n’ai toutefois pas rejeté l’appel au complet. J’ai autorisé la poursuite de l’appel interjeté à l’encontre des cotisations pour lesquelles un avis d’appel a été déposé dans le délai imparti. Ces cotisations portent sur les années d’imposition 2006, 2007 et 2009. Je suis parti du principe que ces cotisations pouvaient donner lieu à des intérêts qui pourraient éventuellement faire l’objet d’une demande d’allégement. Je tiens à ajouter que j’ai pris cette décision en dépit du fait que l’appelant a affirmé, à l’instruction de la requête, que l’appel ne portait pas sur ces cotisations. [12] À l’audition de l’appel, l’appelant m’a demandé de revenir sur cette décision. Il a indiqué qu’il fondait sa position sur un élément récent de jurisprudence : Bozzer c. Sa Majesté la Reine, l’Agence du revenu du Canada et le procureur général du Canada, 2011 CAF 186, 2011 DTC 5106. [13] J’estime que l’arrêt Bozzer ne fournit pas d’information sur la question soulevée dans la requête préliminaire, c’est‑à‑dire si des états de compte constituent des avis de cotisation. [14] La question soulevée dans l’arrêt Bozzer avait trait au délai de prescription pour la présentation, par les contribuables, d’une demande d’allégement en application paragraphe 220(3.1) de la Loi. Le litige portait sur l’interprétation du libellé « intérêts payables [...] pour cette année d’imposition ». Dans son analyse, le juge Stratas a conclu que le texte de la disposition législative en cause était ambigu et que l’interprétation du contribuable devait être retenue plutôt que celle, plus restrictive, de la Couronne. [15] La décision rendue dans l’arrêt Bozzer ne porte pas sur la question que je dois trancher en l’espèce et qui consiste à décider si des états de compte constituent des avis de cotisation. Je n’ai aucune raison de modifier ma conclusion initiale, à savoir que ce ne sont pas des avis de cotisation. [16] Je suis toutefois saisi d’un appel valide relativement aux cotisations établies pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2009. À l’audition de l’appel, l’appelant a répété la déclaration qu’il avait faite à l’instruction de la requête, soit qu’il n’avait pas l’intention d’interjeter appel de ces cotisations. Au vu de cette déclaration, il n’y a pas lieu d’examiner ces cotisations. [17] Ces conclusions suffisent pour statuer sur l’appel, mais je souhaite formuler brièvement quelques observations sur les deux autres questions susmentionnées. Le système informatique comporte-t‑il une faille? [18] L’appelant veut obtenir réparation pour des montants d’intérêts excessifs qui lui sont imposés parce que le système informatique de l’ARC comporte une faille. [19] L’argument qu’avance l’appelant, si je comprends bien, est que les intérêts indiqués dans les états de compte se rapportent aux années d’imposition 2003 et 2005, ce qui va à l’encontre de la décision de l’ARC sur l’allégement des intérêts. L’appelant affirme que cette erreur est attribuable à une faille dans le système informatique de l’ARC, qui n’a pas été conçu pour traiter des intérêts lorsqu’aucun intérêt n’est exigible pour certaines années d’imposition. [20] Dans le même ordre d’idées, l’appelant avance que l’ARC a agi de façon irrégulière en imputant des remboursements aux montants exigibles pour les années d’imposition 2003 et 2005 au lieu de les imputer aux montants exigibles pour les années d’imposition à l’égard desquelles des intérêts ont été établis. Cela a eu pour effet d’augmenter le montant total des intérêts exigibles, soutient‑il. [21] Cet argument est mal fondé. La théorie de l’appelant selon laquelle le système informatique comporte une faille s’appuie sur l’hypothèse que l’ARC a renoncé à la totalité des intérêts pour les années 2003 et 2005. Ce n’est pas le cas. Il y avait encore des montants d’intérêts qui étaient exigibles pour ces années. [22] À la lumière des éléments de preuve présentés, l’ARC avait l’intention d’annuler uniquement les intérêts courus jusqu’à la date de la décision. Les intérêts à courir par la suite n’étaient pas touchés. [23] En conséquence, il n’a pas été prouvé que le système informatique comporte une faille. Les intérêts exigés sont‑ils excessifs? [24] L’appelant a déclaré que c’est uniquement durant une réunion avec l’ARC, l’été dernier, qu’il a appris que l’ARC n’avait pas l’intention de renoncer aux montants d’intérêts futurs. Je ne suis pas totalement en désaccord avec cet argument, parce que la lettre de l’ARC communiquant la décision de renoncer aux intérêts n’indiquait pas expressément que les intérêts futurs ne seraient pas touchés. [25] À l’audience, l’appelant a semblé laisser entendre que l’ARC avait renoncé aux intérêts futurs parce que c’est ce que disait la lettre. [26] La preuve n’appuie pas cette prétention. L’ensemble de la preuve indique plutôt que l’ARC n’avait pas l’intention de renoncer aux intérêts futurs. [27] Le problème tient au fait que l’ARC n’a pas communiqué clairement sa décision. L’intimée conteste ce point de vue au motif que la lettre fait la distinction entre les intérêts passés et les intérêts futurs en utilisant les mots [traduction] « annuler » et [traduction] « renoncer » conformément à la Circulaire d’information IC‑07‑01. Si cela signifie que les contribuables doivent être au courant du contenu des circulaires d’information pour interpréter la correspondance reçue de l’ARC, je suis en total désaccord. Je note également que l’ARC elle‑même n’a pas utilisé les mots « annuler » et « renoncer » de manière cohérente (voir le paragraphe 3 de la réponse initiale déposée le 27 juin 2011.) [28] Il est regrettable que la lettre de l’ARC manque de clarté, mais cela ne constitue pas un motif pour que la Cour accorde une réparation. Lorsque les conditions applicables sont réunies, les principes de la préclusion peuvent s’appliquer, mais la preuve documentaire n’est pas suffisante en l’espèce pour étayer l’application de ces principes. En conséquence, même s’il y a eu un appel valide relativement à une cotisation, la Cour n’est pas en mesure d’accorder une réparation. Conclusion [29] L’appel sera rejeté. Chaque partie assumera ses dépens. Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 2012 Hélène Tremblay, traductrice RÉFÉRENCE : 2012 CCI 110 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3948(IT)I INTITULÉ : DAVID HOMA c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario) DATES DE L’AUDIENCE : Les 13 et 14 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 3 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocats de l’intimé : Me Shane Aikat Me Andrew Miller AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario) [1] Un avis d’appel supplémentaire a été reçu par la Cour à une date ultérieure. À l’audience, les avocats de l’intimée m’ont demandé de préciser si ce document avait été déposé. À l’issue d’un nouvel examen du dossier de la Cour, j’ai confirmé que le document n’avait pas été déposé, mais qu’une copie en avait été versée au dossier de la Cour conformément à mes instructions. [2] L’avis d’appel modifié contient une erreur administrative quant à cette date. L’erreur a été corrigée par l’appelant à l’audience.
2012 CCI 113
TCC
2,012
Power c. La Reine
fr
2012-04-05
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2022-09-04
Power c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-05 Référence neutre 2012 CCI 113 Numéro de dossier 2011-3204(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3204(IT)I ENTRE : JOHN R. POWER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 6 mars 2012, à Ottawa, Canada. Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocate de l’intimée : Me Natasha Wallace ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de l’appelant est accueilli sans dépens en ce qui concerne le montant versé au Dr Smith et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l’appelant a le droit d’inclure le montant de 84 $ qu’il a versé au Dr Smith dans le calcul du montant de ses frais médicaux aux fins du crédit d’impôt y afférent. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d’avril 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI113 Date : 20120405 Dossier : 2011-3204(IT)I ENTRE : JOHN R. POWER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] La question qui se pose dans le présent appel[1] est de savoir si l’appelant a le droit d’inclure, dans sa demande de crédit d’impôt pour frais médicaux, les montants qui ont été versés à une personne, qui n’est pas un médecin autorisé, pour des traitements d’acupuncture que son épouse et lui ont subis. [2] En 2009, les paiements suivants ont été effectués pour les traitements d’acupuncture de l’appelant et de son épouse : Services d’acupuncture rendus par : Montant Ermin Zhu T.C.M.D. Dr. Ac. 1 860 $ E. J. Smith, médecin, CAFCI 84 $ [3] Au cours de l’audience, l’avocate de l’intimée a reconnu que le montant versé au Dr Smith pouvait être inclus lorsqu’il s’agissait de déterminer le montant du crédit d’impôt pour frais médicaux de l’appelant. Par conséquent, le seul montant en litige est celui qui a été versé pour les services d’acupuncture rendus par Ermin Zhu. [4] L’alinéa 118.2(2)a) et le paragraphe 118.4(2) (en partie) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoient ce qui suit : (2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés : a) à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 188(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés; […] (2) Tout audiologiste, dentiste, ergothérapeute, infirmier, infirmière, médecin, médecin en titre, optométriste, orthophoniste, pharmacien, physiothérapeute ou psychologue visé aux articles 63, 64, 118.2, 118.3 et 118.6 doit être autorisé à exercer sa profession : a) par la législation applicable là où il rend ses services, s’il est question de services; […] [5] Il s’agit ici de savoir si, en 2009, Ermin Zhu était autorisé à fournir des services d’acupuncture en Ontario. Dans l’arrêt La Reine c. Couture, 2008 CAF 412, le juge Ryer a dit ce qui suit au nom de la Cour d’appel fédérale : [12] Avec égards, je ne suis pas d’accord avec la proposition selon laquelle les mots « autorisé à exercer » au paragraphe 118.4(2) sont synonymes de « permis d’exercer » ou « non interdit d’exercer ». Je suis d’avis que les définitions que les dictionnaires donnent du mot « autoriser », et qui sont contenues aux paragraphes 20 et 21 du mémoire de l’intimée, correspondent à son sens ordinaire en l’espèce. Voici comment le The Shorter Oxford English Dictionary, 3d ed, définit le mot « autoriser » : [traduction] 1. Établir ou reconnaître comme faisant autorité; 2. Rendre juridiquement opérante; 3. Accorder une autorisation formelle; sanctionner. Le Black's Law Dictionary, 7th ed. définit le mot « autoriser » de la façon suivante : [traduction] 1. Conférer un pouvoir légal; habiliter; 2. Approuver formellement; sanctionner. [13] D’après chacune de ces définitions, « autoriser » peut signifier [traduction] « accorder une autorisation formelle » ou [traduction] « approuver formellement ». Je suis d’avis que ces sens s’appliquent en ce qui concerne l’interprétation à donner aux mots « autorisé à exercer » au paragraphe 118.4(2). Il faut donc démontrer que l’acupuncture revêt un certain caractère formel ou bénéficie d’une reconnaissance officielle à titre de discipline accréditée sous le régime des lois de l’Ontario. [14] Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que l’abrogation des dispositions interdisant l’exercice de l’acupuncture par l’article 8 du Controlled Acts Regulations signifie qu’en Ontario, l’exercice de l’acupuncture bénéficie d’un degré d’autorisation suffisant. Je suis d’avis que cette conclusion est injustifiée compte tenu du sens ordinaire du mot « autoriser » précédemment adopté pour l’interprétation du paragraphe 118.4(2). Le simple fait de ne plus interdire une action ne mène pas à la conclusion que cette action a été formellement approuvée. [15] La Couronne soutient qu’une approbation législative particulière et que la réglementation d’un domaine particulier d’une pratique ou d’une profession, en l’occurrence l’acupuncture, sont requis pour démontrer que cette pratique est autorisée par la législation applicable. À l’appui de cet argument, la Couronne cite un passage de la décision Noddin, où le juge Bowie déclare au paragraphe 8 : À coup sûr, l’objectif politique veut que le crédit soit accordé uniquement s’il existe une garantie de compétence légiférée en ce qui concerne la personne qui fournit le service. [16] Je suis d’avis que le degré d’autorisation législative invoqué par la Couronne serait clairement suffisant pour démontrer l’autorisation législative requise. Cependant, je n’écarterais pas la possibilité qu’un degré différent puisse être suffisant dans d’autres circonstances. En l’espèce, la seule mention de l’acupuncture dans les textes de loi se trouve dans le Controlled Acts Regulations où il est précisé qu’il s’agit d’un exercice qui n’est plus interdit. Comme je l’ai dit précédemment, je suis d’avis que cette seule mention dans un texte de loi ne suffit pas pour établir que la pratique de l’acupuncture a été formellement approuvée par la législation applicable en Ontario en 2003 et en 2004. [6] L’affaire Couture portait sur les années d’imposition 2003 et 2004. Or, en 2006, la législature de l’Ontario a édicté la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise, dont l’article 4 prévoit ce qui suit : Actes autorisés 4. Dans l’exercice de la médecine traditionnelle chinoise, un membre est autorisé, sous réserve des conditions et des restrictions dont est assorti son certificat d’inscription, à faire ce qui suit : 1. Pratiquer des interventions sur le tissu situé sous le derme et sous la surface des muqueuses aux fins de l’exercice de l’acupuncture. 2. Communiquer les diagnostics en médecine traditionnelle chinoise, obtenus au moyen de techniques propres à ce type de médecine, qui attribuent les symptômes que présentent des personnes à un trouble systémique de l’organisme. [7] L’article 19 de cette loi prévoit la révocation du paragraphe 8(1) du Controlled Acts Regulations (soit la disposition qui exempte l’acupuncture de l’application du paragraphe 27(1) de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées). [8] Toutefois, l’article 20 de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise prévoit ce qui suit : Entrée en vigueur 20(1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente loi entre en vigueur le jour où elle reçoit la sanction royale. Idem (2) Les articles 3 à 12, 14, 18 et 19 entrent en vigueur le jour que le lieutenant-gouverneur fixe par proclamation. [9] En 2009, aucune des dispositions mentionnées au paragraphe 20(2) de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise n’avait été proclamée, et ces dispositions n’avaient pas encore été proclamées lors de l’audition du présent appel. [10] Dans l’arrêt Schneider c. British Columbia, [1982] 2 R.C.S. 112, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit : L’appelante invoque dans une large mesure la Partie II de la Loi sur les stupéfiants pour soutenir ce moyen. Le juge McFarlane, en appel, et le juge en chef McEachern, en première instance, ont refusé de tenir compte des dispositions de cette partie pour le motif qu’elle n’a pas encore été mise en vigueur et qu’elle est sans effet juridique. Cette décision est compatible avec l’arrêt de cette Cour, Canadian Indemnity Company c. Procureur général de la Colombie‑Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504. Dans cet arrêt, le juge Martland qui s’exprime au nom de la Cour, affirme, aux pp. 512 et 513, au sujet de certains articles de l’Automobile Insurance Act de la Colombie‑Britannique : « Aucune de ces dispositions n’a été proclamée depuis la mise en vigueur de cette Loi, le 18 avril 1973, et, en conséquence, elles n’ont jamais eu un quelconque effet juridique. Dans ces circonstances, je ne crois pas nécessaire de déterminer l’étendue de leur application en cas de proclamation… » [11] Étant donné que les dispositions de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise qui autoriseraient une personne à pratiquer l’acupuncture n’avaient toujours pas été proclamées en 2009, ces dispositions n’avaient aucun effet juridique en 2009. Les dispositions législatives applicables à la pratique de l’acupuncture en Ontario, en 2009, étaient les mêmes que celles qui s’appliquaient à la pratique de l’acupuncture en 2003 et en 2004. Or, au cours de chacune de ces années, une personne pouvait pratiquer l’acupuncture parce qu’il n’était pas interdit de le faire. L’article 8 du Controlled Acts Regulations exempte l’acupuncture (ainsi que le perçage d’oreille ou le perçage corporel afin d’y mettre un bijou, l’électrolyse et le tatouage à des fins cosmétiques) de l’application du paragraphe 27(1) de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, qui aurait autrement prohibé l’exécution de ces actes, sauf par une personne qui est un membre autorisé par une loi sur les professions de la santé à accomplir ces actes ou par une personne à qui l’exécution de ces actes a été déléguée par un membre autorisé. [12] Rien n’indique qu’en 2009, Ermin Zhu ait été autorisé par une loi sur les professions de la santé à pratiquer l’acupuncture ou que cette tâche lui avait été déléguée par une personne ainsi autorisée. Ermin Zhu pouvait pratiquer l’acupuncture parce qu’il ne lui été pas interdit de le faire. Étant donné que les dispositions de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise qui autoriseraient expressément une personne à pratiquer l’acupuncture n’étaient pas proclamées, ces dispositions n’avaient aucun effet juridique et, en 2009, il n’existait toujours pas d’autorisation formelle permettant à une personne de pratiquer l’acupuncture. Par conséquent, Ermin Zhu n’était pas autorisé à administrer des traitements d’acupuncture en 2009. [13] L’appelant a fortement mis l’accent sur une autre décision rendue par un juge de la présente cour dans l’affaire Murphy c. La Reine, 2010 CCI 434. Dans cette décision, il a été conclu que l’adoption de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise était suffisante pour qu’il soit possible de conclure que la personne était autorisée à administrer des traitements d’acupuncture. Toutefois, je ne puis souscrire à cette décision. Tant que les dispositions de la Loi sur les praticiens en médecine traditionnelle chinoise se rapportant aux personnes qui sont autorisées à pratiquer l’acupuncture ne seront pas proclamées, il n’existe aucune autorisation formelle permettant à une personne particulière de pratiquer l’acupuncture et n’importe qui peut pratiquer l’acupuncture. Ermin Zhu pouvait pratiquer l’acupuncture en 2009 pour la même raison qu’une personne pouvait le faire en 2003 et en 2004, à savoir parce que la pratique de l’acupuncture n’était pas prohibée. Comment une personne peut‑elle être autorisée à pratiquer l’acupuncture si n’importe qui peut le faire? [14] Par conséquent, les frais qui ont été engagés à l’égard des services d’acupuncture fournis par Ermin Zhu ne sont pas inclus dans les frais médicaux qui peuvent donner droit à un crédit d’impôt en vertu de la Loi. [15] Par conséquent, l’appel de l’appelant est accueilli, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, en ce qui concerne le montant versé au docteur Smith et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l’appelant a le droit d’inclure le montant de 84 $ qu’il a versé au Dr Smith dans le calcul du montant de ses frais médicaux aux fins du crédit d’impôt y afférent. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d’avril 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI113 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3204(IT)I INTITULÉ : JOHN R. POWER c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 5 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocate de l’intimée : Me Natasha Wallace AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Dans son avis d’appel, l’appelant a également déclaré qu’il interjetait appel du rejet de la demande qu’il avait présentée pour des médicaments homéopathiques. Au début de l’audience, l’appelant a mentionné qu’il ne poursuivait plus sa demande à l’égard des montants dépensés pour des médicaments homéopathiques.
2012 CCI 114
TCC
2,012
SWS Communication Inc. c. La Reine
fr
2012-04-04
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30985/index.do
2022-09-04
SWS Communication Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-04 Référence neutre 2012 CCI 114 Numéro de dossier 2009-3624(GST)G, 2009-3625(GST)G, 2010-1733(GST)G Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossiers : 2010-1733(GST)G, 2009-3624(GST)G ENTRE : SWS COMMUNICATION INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec l’appel de Centre les Voyages Miracle Inc. (2009-3625(GST)G) le 7 février 2012, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocats de l’appelante : Me Caroline Desrosiers Me Nicolas Simard Avocat de l’intimée: Me Benoît Denis ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels que l’appelante a interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant de mai 2006 à février 2007 et pour le mois de juillet 2007 sont accueillis et l’affaire est déférée au ministre du Revenu du Québec pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci-joints. Les parties disposeront d’un délai de 30 jours pour s’entendre sur les dépens, faute de quoi l’intimée ainsi que Centre les Voyages Miracle Inc. et l’appelante déposeront chacune des observations écrites d’au plus 10 pages sur les dépens. Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2009-3625(GST)G ENTRE : CENTRE LES VOYAGES MIRACLE INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec les appels de SWS Communication Inc. (2010-1733(GST)G et 2009-3624(GST)G) le 7 février 2012, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Caroline Desrosiers Avocat de l’intimée : Me Benoît Denis ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel que l’appelante a interjeté à l’encontre de la cotisation établie au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er février 2006 au 31 octobre 2006 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu du Québec pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints. Les parties disposeront d’un délai de 30 jours pour s’entendre sur les dépens, faute de quoi l’intimée ainsi que SWS Communication Inc. et l’appelante déposeront chacune des observations écrites d’au plus 10 pages sur les dépens. Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 114 Date : 20120404 Dossiers : 2010-1733(GST)G, 2009-3624(GST)G, 2009-3625(GST)G ENTRE : SWS COMMUNICATION INC., CENTRE LES VOYAGES MIRACLE INC., appelantes, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan I. INTRODUCTION [1] Les appels de SWS Communication Inc. (« SWS ») et de Centre les Voyages Miracle Inc. (« CMI ») ont été entendus sur preuve commune à la demande des parties. [2] Agissant au nom du ministre du Revenu national, le ministre du Revenu du Québec (le « ministre ») a établi des cotisations à l’encontre de SWS parce qu’elle aurait omis de percevoir environ 101 164,74 $ au titre de la taxe sur les produits et services (« TPS ») sur la fourniture de services de télécommunication à BMT America LLC (« BMT America ») pour la période allant de mai 2006 à février 2007 et pour le mois de juillet 2007. [3] Le ministre a également établi une cotisation à l’encontre de CMI relativement au défaut de celle-ci de percevoir environ 7 399 $ au titre de la TPS sur la fourniture de services de télécommunication à Convergia Inc. (« Convergia ») pour la période allant du 1er février 2006 au 31 octobre 2006. [4] L’appelante soutient que les fournitures en question étaient détaxées aux termes de l’article 22.1 de la partie V de l’annexe VI de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). En conséquence, elle nie avoir omis de percevoir la TPS. [5] De façon très générale, l’article 22.1 prévoit qu’il n’y a pas de TPS sur la fourniture de services de télécommunication à une personne non résidente qui n’est pas un inscrit suivant la LTA et qui acquiert les services pour une entreprise de télécommunication qu’elle exploite à l’extérieur du Canada. [6] L’intimée nie que l’article 22.1 s’applique, estimant que BMT America et Convergia étaient réputées résider au Canada relativement à la réception de fournitures, parce qu’elles avaient des établissements stables au Canada pendant toute la période en cause. L’intimée invoque le paragraphe 132(2) de la LTA, qui prévoit qu’une personne est réputée résider au Canada dans les circonstances décrites dans cette disposition. II. LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE [7] Il appert de la preuve que SWS et CMI, qui ont été constituées au Canada et sont situées dans la région de Montréal, agissaient en qualité de fournisseurs de services de gros dans le secteur des télécommunications par la voix sur le protocole Internet (« VoIP »). Elles ont négocié des ententes d’établissement de prix de gros avec des entreprises de télécommunication pour la transmission de communications par la VoIP. À leur tour, SWS et CMI ont fourni l’accès à ces parcours Internet à d’autres fournisseurs de services de VoIP de gros correspondant à leur coût par minute légèrement majoré. [8] SWS a demandé à Jeff Wexler de venir témoigner en qualité d’expert afin qu’il donne un aperçu des technologies et des techniques relatives à la transmission de communications vocales sur Internet. M. Wexler a également fourni des renseignements sur les relations commerciales entre SWS et BMT America, d’après la connaissance directe qu’il avait de la situation. Pendant toute la période en cause, M. Wexler détenait une participation de 16,66 p. 100 dans BMT America et travaillait comme employé au bureau de celle-ci situé à Montréal. [9] Selon le témoin, le terme VoIP s’entend des communications qui sont transmises sur Internet plutôt qu’au moyen des lignes téléphoniques traditionnelles. La première étape d’un appel VoIP est la conversion d’un signal analogique en un signal numérique composé de deux paquets de données numériques différents, mais liés entre eux. Cette conversion se produit au point d’origine de l’appel. Le paquet de signaux du train numérique (le « paquet de signaux ») contient les renseignements comportant des directives qui permettent d’acheminer l’appel VoIP au moyen des parcours Internet que désignent les fournisseurs de services de VoIP actifs pendant l’appel. Le paquet de signaux renferme également des données sur la durée de l’appel afin de permettre la facturation. Le paquet médias contient la voix numérisée ou les données médias (le « paquet de contenu »). Il arrive souvent que le paquet de contenu soit transmis séparément du paquet de signaux, le long d’un parcours plus direct, de manière à éviter tout décalage de la transmission. À la destination, également appelée point d’arrivée, un processus semblable se produit en sens inverse. Le paquet de contenu est converti d’un signal numérique en un signal analogique, qui reproduit la communication vocale initiale. [10] Selon M. Wexler, au cours des périodes visées, SWS a accordé à BMT America le droit d’acheminer les appels VoIP par des parcours Internet situés à l’extérieur du Canada pour lesquels SWS avait obtenu des droits de transmission. Ces parcours ont servi à transmettre les appels VoIP provenant du sud-ouest et du sud-est des États-Unis à des points d’arrivée situés à l’extérieur du Canada et des États-Unis. [11] M. Wexler a reconnu qu’il travaillait depuis le bureau de BMT America situé à Montréal. Cependant, il a expliqué que le principal établissement de BMT America se trouvait aux États-Unis, le pays où l’entreprise avait été constituée en société. Le matériel de communication dont BMT America s’est servie pour transmettre les appels VoIP était situé aux États-Unis. Un serveur de secours se trouvait au bureau de Montréal en vue d’être utilisé pour l’acheminement des appels VoIP uniquement en cas de défaillance du matériel situé aux États-Unis. [12] Selon le témoin, il n’y a pas eu de défaillance du matériel situé aux États-Unis, de sorte que le matériel se trouvant au Canada n’a pas été utilisé pour la transmission des appels VoIP. [13] M. Wexler a également expliqué que le paquet de signaux des appels VoIP a été transféré à SWS par le serveur de BMT America situé aux États-Unis. Aucune donnée n’a été transmise en sens inverse, c’est-à-dire de SWS à BMT America. [14] La preuve présentée pour le compte de CMI était ténue. D’après certains documents, Convergia a été constituée sous le régime des lois des États-Unis et est régie par celles‑ci. Selon les factures présentées en preuve, on facturait à Convergia, en dollars américains, les appels VoIP internationaux dont le point d’arrivée était situé à l’extérieur du Canada. [15] M. Glenn Hart, le vérificateur de Revenu Québec responsable de l’établissement des cotisations en cause, est le seul témoin qui a comparu pour l’intimée. Il a expliqué qu’il avait interrogé M. Wexler et a appris que celui-ci s’était occupé de négocier des ententes sur l’établissement de prix de gros avec des entreprises de télécommunication canadiennes pour la transmission d’appels VoIP. Il a également appris que M. Wexler exerçait à Montréal certaines activités de programmation qui étaient nécessaires afin d’ouvrir des parcours Internet pour l’entreprise de communication par la VoIP de BMT America. Il appert du témoignage qu’il a présenté et des documents qu’il a rédigés que M. Hart croyait qu’il pouvait considérer BMT America et Convergia comme des personnes résidant au Canada s’il concluait ou présumait qu’elles avaient des établissements stables ici. III. ANALYSE [16] La question qui se pose dans les présents appels est de savoir si les appelantes ont exporté des services de télécommunication détaxés à BMT America et à Convergia. L’article 22.1 susmentionné prévoit que la fourniture de services de télécommunication est détaxée dans les circonstances décrites dans cette disposition : 22.1 [Service de télécommunication] – La fourniture d’un service de télécommunication effectuée par un inscrit qui exploite une entreprise qui consiste à fournir des services de télécommunication, au profit d’une personne non-résidente qui n’est pas un inscrit et qui exploite une telle entreprise, à l’exclusion de la fourniture d’un service de télécommunication lorsque la communication est émise et reçue au Canada. [Non souligné dans l’original.] [17] Pour que la fourniture d’un service de télécommunication soit considérée comme une fourniture détaxée, les conditions suivantes doivent être remplies : a. le service fourni doit être un service de télécommunication; b. le fournisseur doit être un inscrit aux fins de la TPS qui exploite une entreprise de télécommunication; c. le destinataire de la fourniture doit être une personne qui ne réside pas au Canada et qui exploite une entreprise de télécommunication, pourvu qu’elle ne soit pas inscrite aux fins de la TPS; d. la communication ne doit pas être émise et reçue au Canada. [18] L’intimée soutient que toutes ces conditions sont remplies, sauf une. Selon l’intimée, BMT America et Convergia sont réputées résider au Canada suivant le paragraphe 132(2) de la LTA, dont voici le libellé : Pour l’application de la présente partie, la personne non résidante qui a un établissement stable au Canada est réputée y résider en ce qui concerne les activités qu’elle exerce par l’entremise de l’établissement. [19] Il ressort clairement du texte du paragraphe 132(2) que, lorsqu’une personne non résidante a un établissement stable au Canada, elle est réputée y résider en ce qui concerne les activités qu’elle exerce par l’entremise de l’établissement, mais uniquement à cet égard. En d’autres termes, une personne non résidante demeure une personne non résidante, sauf en ce qui concerne les activités exercées par l’entremise de l’établissement stable de la personne au Canada. À mon avis, un service est fourni à l’établissement stable au Canada d’une personne non résidante lorsqu’il est consommé ou utilisé dans la poursuite des activités exercées au Canada par l’entremise de l’établissement stable. Compte tenu de ce qui précède, il ne suffit pas pour le ministre d’établir ou de présumer que le destinataire de la fourniture a un établissement stable au Canada. Le ministre doit également montrer ou présumer que la fourniture a été consommée dans la poursuite des activités exercées par l’établissement stable. La preuve montre clairement que les représentants de l’intimée ne se sont pas demandé si les services fournis par SWS l’ont été aux établissements stables de BMT America et de Convergia au Canada. Aucune question de cette nature n’a été posée, parce que le vérificateur a cru que l’existence d’un établissement stable suffisait pour que BMT America et Convergia soient réputées résider au Canada. Cette perception erronée ressort des réponses de l’intimée aux avis d’appel des appelantes. Dans le cas de BMT America, l’intimée a présumé uniquement ce qui suit : g) l’appelante a effectué des fournitures de services de télécommunications à BMT AMERICA LLC pendant les [...] périodes visées [...]; h) BMT AMERICA LLC est une société par actions qui n’a pas été constituée au Canada mais n’était toutefois pas une personne non résidente pendant les [...] périodes visées [...] puisqu’elle avait sa principale place d’affaires sur le boulevard Bouchard à Montréal (Dorval), province de Québec. [20] Cette présomption est manifestement incomplète. Il aurait été nécessaire de présumer aussi que le service a également été fourni dans la poursuite d’activités exercées par l’établissement stable de BMT America au Canada. [21] Une présomption restreinte similaire est formulée au sujet de Convergia : [TRADUCTION] e) l’appelante a effectué des services de télécommunications à CONVERGIA INC. au cours de la période visée, notamment avant le 1er juillet 2006; f) CONVERGIA INC. est une société par actions qui n’a pas été constituée au Canada mais n’était toutefois pas une personne non résidente pendant la période visée puisqu’elle avait sa principale place d’affaires sur le boulevard Hymus à Montréal (Pointe-Claire), province de Québec. [22] Le libellé particulier des paragraphes précités des réponses ne découle pas d’une simple erreur de rédaction de la part de l’avocat de l’intimée. Il traduit la façon dont M. Hart comprend le paragraphe 132(2), comme le montre une note qu’il a rédigée le 18 février 2008 et dans laquelle il conclut que Convergia et BMT America résident au Canada parce qu’elles ont des établissements stables ici. [23] Eu égard à ce qui précède, je dois me demander si les appelantes ont le fardeau de la preuve en ce qui concerne le lieu de leurs fournitures. Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, la Cour suprême du Canada a réaffirmé le principe selon lequel il incombe au contribuable de présenter des éléments de preuve afin de réfuter les présomptions ou conclusions de fait que le ministre a formulées lorsqu’il a établi la cotisation contestée. Dans la décision M.N.R. v. Pillsbury Holdings, [1964] C.T.C. 294, le juge Cattanach a décidé que le contribuable pouvait s’acquitter de ce fardeau a) en contestant le fait que le ministre a formulé les présomptions, b) en établissant que les présomptions sont inexactes ou c) en alléguant que les présomptions ne sont pas suffisantes pour justifier la cotisation, en supposant qu’elles sont vraies. Il est également établi dans la jurisprudence que les présomptions du ministre doivent être expressément alléguées pour que le fardeau de la preuve soit transféré à la partie appelante. [24] Dans la décision del Valle v. M.N.R., [1986] 1 C.T.C. 2288, l’appelante a eu gain de cause en appel en démontrant que les hypothèses de fait formulées par le ministre étaient insuffisantes pour appuyer la cotisation. Le juge Sarchuk a formulé la question ainsi à la page 2290 : […] À mon avis, l’intimé n’a pas allégué les faits qui constituent un élément essentiel à la validité de la nouvelle cotisation. L’appelante n’est pas tenue de réfuter un fait inexistant ou une hypothèse que l’intimé n’a pas formulée. L’intimé aurait pu alléguer d’autres faits; cependant, il a décidé de s’en tenir aux faits qu’il avait présumés lorsqu’il a préparé les nouvelles cotisations. Je tiens à préciser que, si l’intimé avait allégué d’autres faits, il aurait alors été tenu de les démontrer (voir Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Limited, [1965] 1 Ex. C.R. 678, [1964] C.T.C. 294). Les faits invoqués ne démontrent pas le bien-fondé des nouvelles cotisations. […] [25] Dans la présente affaire, l’intimée n’a pas présumé ni allégué que l’appelante avait fourni des services de télécommunication aux établissements de BMT America et de Convergia au Canada pour une entreprise exploitée au Canada. Il s’agit là d’un élément essentiel à l’application du paragraphe 132(2). En conséquence, les appelantes n’étaient pas tenues de prouver que les services n’ont pas été fournis dans la poursuite d’activités exercées par l’intermédiaire des établissements de BMT America et de Convergia au Canada. [26] Je souligne que l’appelante a présenté des éléments de preuve visant à démontrer que les services fournis par les appelantes l’ont été à des personnes non résidantes. M. Wexler a déclaré au cours de son témoignage que SWS avait offert l’accès à BMT America afin que celle-ci puisse acheminer les appels VoIP sur des parcours Internet ouverts à l’extérieur du Canada. Le matériel situé dans le bureau de BMT America au Canada n’a pas été utilisé pour la transmission des appels. Tous les signaux ont été acheminés par l’intermédiaire de serveurs situés aux États-Unis. L’intimée n’a pas contesté les explications de M. Wexler lorsqu’elle l’a contre‑interrogé. [27] Au cours de sa plaidoirie, l’avocat de l’intimée a fait valoir que M. Wexler n’avait pas compétence pour témoigner à titre de témoin factuel, parce qu’il avait été appelé en qualité d’expert. Je ne connais aucune règle de preuve qui m’empêcherait de tenir compte du témoignage présenté par un témoin crédible et fondé sur la connaissance personnelle qu’il a des faits. L’intimée aurait pu contester le témoignage que M. Wexler a présenté en sa qualité d’expert au motif qu’il n’était pas suffisamment indépendant pour donner son avis à la Cour. L’intimée ne l’a pas fait, reconnaissant la qualité d’expert de M. Wexler même si elle était au courant des liens de celui-ci avec BMT America. [28] Tel qu’il est mentionné plus haut, la preuve que CMI a présentée au sujet de ses rapports avec Convergia était ténue. Cependant, les factures montrent que les appels VoIP dont le point d’arrivée se trouvait à l’extérieur du Canada étaient facturés à Convergia en dollars américains. Même si les factures ne permettent pas de savoir où les appels ont été faits, il semble raisonnable de présumer que le point d’origine des appels en question se trouvait également à l’extérieur du Canada, parce que les montants facturés étaient tous en dollars américains. [29] Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les appels des appelantes sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que les fournitures effectuées par les appelantes en faveur de BMT America et de Convergia étaient des fournitures détaxées. Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 414 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-1733(GST)G, 2009-3624(GST)G, 2009-3625(GST)G INTITULÉ : SWS COMMUNICATION INC., CENTRE LES VOYAGES MIRACLE INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 4 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l’appelante : Me Caroline Desrosiers Me Nicolas Simard Avocat de l’intimée : Me Benoît Denis AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Pour l’appelante : Nom : Me Caroline Desrosiers Cabinet : Spiegel Sohmer Inc. Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 115
TCC
2,012
Tokarski c. La Reine
fr
2012-04-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30768/index.do
2022-09-04
Tokarski c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-05 Référence neutre 2012 CCI 115 Numéro de dossier 2011-3068(IT)I Juges et Officiers taxateurs Joe E. Hershfield Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3068(IT)I ENTRE : JANINA TOKARSKI, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 28 mars 2012, à Victoria (Colombie‑Britannique). Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield Comparutions : Représentant de l’appelante : M. James Mitchell Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est rejeté sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d’avril 2012. « J.E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 29e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 115 Date : 20120405 Dossier : 2011-3068(IT)I ENTRE : JANINA TOKARSKI, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hershfield [1] L’appelante a demandé la déduction de frais médicaux à l’égard de son année d’imposition 2009. Sa demande initiale a été refusée et une demande révisée de 9 205 $ a été présentée sur laquelle un montant de 2 497 $ a été refusé. [2] L’appelante avait supporté les frais qui ont été refusés en vue de se rendre en Pologne pour une chirurgie d’implant dentaire et la cimentation de couronnes en porcelaine et en céramique. Certaines chirurgies abdominales exposaient l’appelante à un risque d’infection à cause d’une détérioration importante des dents et des gencives. Il n’est pas contesté que le coût des services dentaires qui ont été fournis était des frais médicaux pour l’application de l’article 118.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Il s’agit ici de savoir si les frais de 2 497 $ que l’appelante a supportés pour aller en Pologne sont également admissibles au titre de frais médicaux. L’appelante a fait l’objet d’une cotisation en fonction du fait que ces frais n’étaient pas admissibles. [3] L’appelante a témoigné à l’audience; la preuve qu’elle a présentée me convainc que les soins dentaires qu’elle a reçus en Pologne comportaient jusqu’à sept implants et dix couronnes en porcelaine ou céramique. Je retiens également le témoignage de l’appelante lorsqu’elle déclare qu’il avait fallu effectuer des greffes osseuses aux fins de la pose d’implants. Je retiens également son témoignage, lorsqu’elle déclare qu’il lui avait fallu se rendre en Pologne à deux reprises, soit au mois d’avril et au mois de décembre 2009, et qu’il avait fallu qu’elle reste chaque fois en Pologne pour de longues périodes pour les services dentaires nécessaires. [4] Je reconnais également qu’il était possible d’obtenir des services dentaires équivalents localement, à Victoria (Colombie‑Britannique), où l’appelante vivait alors. [5] C’est pour ce motif que les frais de déplacement de l’appelante ont été refusés, étant donné que la Loi stipule que les frais de déplacement sont uniquement inclus à titre de frais médicaux s’il n’est pas possible d’obtenir des services médicaux sensiblement équivalents dans un rayon de 40 kilomètres de la résidence. [6] L’intimée invoque l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi, qui est libellé ainsi : 118.2(2) Frais médicaux – Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés : […] g) [transport] – à une personne dont l’activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier, son époux ou son conjoint de fait ou une personne à charge visée à l’alinéa a) et le lieu – situé à 40 kilomètres au moins de cette localité – où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice‑versa, des personnes suivantes : (i) le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge, (ii) un seul particulier accompagnant le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge, si ceux‑ci sont, d’après le certificat d’un médecin, incapables de voyager sans l’aide d’un préposé à leurs soins, si les conditions sont réunies : (iii) il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents, (iv) l’itinéraire emprunté par le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge est, compte tenu des circonstances, un itinéraire raisonnablement direct, (v) le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d’obtenir des services médicaux pour eux‑mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu’ils s’y rendent à cette fin; [7] L’intimée affirme qu’il faut refuser les frais de déplacement de l’appelante étant donné qu’il était possible d’obtenir des services médicaux sensiblement équivalents dans un rayon de 40 kilomètres de la résidence de l’appelante. [8] De plus, l’avocate de l’intimée a souligné que l’appelante avait décidé de recevoir les soins dentaires en Pologne parce qu’elle y avait de la famille chez qui elle pouvait rester et qu’elle avait visitée pendant que les soins dentaires étaient fournis et que ces considérations personnelles avaient amené l’appelante à décider d’aller en Pologne, c’est‑à‑dire que l’appelante était allée en Pologne, à cet endroit particulier et chez ce dentiste particulier, à cause de considérations personnelles. Selon cet argument, il existait un élément personnel important incitant l’appelante à se rendre en Pologne, mais je ne crois pas que dans ce cas‑ci cet élément personnel soit suffisamment important pour justifier un refus d’accorder les frais de déplacement pour le motif qu’il s’agit de frais personnels ou pour le motif que des considérations personnelles avaient incité l’appelante à se rendre en Pologne, et laisser ainsi planer un doute sur le témoignage de l’appelante, lorsqu’elle déclare être allée en Pologne expressément afin d’obtenir les services en question. [9] Au contraire, je reconnais que l’appelante est allée en Pologne parce que le coût d’un tel traitement, à Victoria, était exorbitant. De fait, il est dit ce qui suit dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») : [traduction] « […] l’appelante a décidé de se rendre en Pologne pour les services d’implant dentaire au lieu d’obtenir ces services localement à cause de ce qu’ils coûtaient; […] ». Telle est clairement la preuve que l’appelante a présentée à l’audience et je retiens cette preuve sans réserve et sans aucune hésitation. [10] De fait, l’appelante a produit une estimation de ce que le traitement qu’elle avait subi en Pologne lui aurait coûté à Victoria. L’estimation montrait que la chirurgie de pose d’implants coûtait 14 000 $ et que les couronnes coûtaient 14 400 $, c’est‑à‑dire que le coût global de restauration était estimé à 28 400 $ si l’appelante recevait les soins où elle vivait. Je puis également prendre connaissance d’office du fait que le coût des soins ne varierait probablement pas beaucoup s’il était fait par des dentistes spécialement formés à cette fin ailleurs au Canada. [11] Le coût réel des mêmes services, en Pologne, était de 9 849,05 $[1]. De toute évidence, l’appelante avait de bonnes raisons, sur le plan économique, de se rendre en Pologne pour les soins dentaires. [12] Toutefois, le problème est le suivant : le sous‑alinéa 118.2 g)(iii) de la Loi exige, pour que les frais de déplacement soient inclus à titre de frais médicaux, qu’il ne soit pas possible d’obtenir, à Victoria, des services médicaux sensiblement équivalents. Or, il était possible d’obtenir ce genre de services, mais à un prix que l’appelante n’avait pas réellement les moyens de payer, selon ce que celle‑ci a déclaré. Je retiens encore une fois le témoignage de l’appelante sur ce point. Le revenu de l’appelante n’était que de 13 000 $ en 2009, sans compter les sommes qu’elle avait retirées de son REER et dont elle avait besoin pour vivre. [13] Il s’agit donc de savoir s’il était possible d’obtenir (« available » dans la version anglaise de la Loi) des services sensiblement équivalents là où l’appelante vivait, à Victoria. L’appelante ne peut pas avoir gain de cause s’il peut être conclu qu’il était possible d’obtenir ces services à cet endroit, même si leur coût était exorbitant pour l’appelante. [14] L’avocate de l’intimée m’a renvoyé à la version française de la disposition en question, qui est libellée ainsi : (iii) il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents, [15] L’avocate m’a également renvoyé aux décisions suivantes : · Young c. R., 2009 CCI 628; · Scully c. R., 2008 CCI 617. [16] L’avocate de l’intimée a également examiné l’historique législatif de cette disposition autorisant les frais de déplacement à titre de frais médicaux. La disposition a initialement été ajoutée en 1973 s’il fallait effectuer plus de 25 milles afin d’obtenir le service médical en question. Selon le discours du budget de l’époque, cette modification s’appliquait aux déplacements effectués en vue d’obtenir des services médicaux « dans un hôpital, une clinique ou au bureau d’un médecin »; et ensuite : « On a voulu par là aider les gens des régions rurales ou éloignées ou ceux dont l’état exige un traitement spécial dans un centre éloigné. » [17] L’avocate de l’intimée m’a en outre renvoyé aux débats de la Chambre des communes des 5 et 6 avril 1973. Le 5 avril, l’honorable John N. Turner (ministre des Finances) a déclaré ce qui suit : On se propose également d’inscrire comme dépenses médicales déductibles les frais de transport commerciaux faits par le contribuable ou son conjoint ou une personne à charge et ceux d’un infirmier au besoin, pour aller à l’hôpital, à la clinique ou au cabinet du médecin, et en revenir, afin d’obtenir les services médicaux inexistants à proximité, à condition que la distance ne soit pas inférieure à 25 miles. Je crois que cette mesure profitera grandement aux habitants de toutes les petites localités au Canada où les services médicaux spécialisés sont éloignés ou difficiles à obtenir et où ces gens doivent aller dans les grands centres pour obtenir les soins qui leur conviennent. [18] Le 6 avril, un député de la Chambre des communes a dit ce qui suit au sujet de la modification : Nous avons également une situation dans tout le Canada où les installations et les services offerts à la société sont plus rares dans les zones rurales et moins peuplées qu’ils ne le sont dans les centres urbains et les villes. Invariablement ou presque, si vous avez une maladie extrêmement grave ou même moyennement rare, vous n’obtenez pas les soins médicaux requis dans votre propre ville s’il s’agit d’une localité de petite dimension. Vous devez vous rendre à un grand centre pour les obtenir. Au Manitoba, les gens doivent aller à Winnipeg, à Brandon et à Portage, dans cette partie de la province, pour obtenir les soins médicaux spéciaux qui peuvent être nécessaires. En Colombie‑Britannique, c’est à Vancouver, ou à Victoria sur l’île de Vancouver. Je ne connais pas si bien l’Ontario, mais je suis presque certain que la population du nord de l’Ontario ne doit pas avoir autant d’installations médicales que la population de la région Toronto‑Hamilton. Analyse [19] Dans la décision Young, le juge C. Miller a refusé les frais que l’appelant avait supportés pour aller d’Edmonton à Calgary parce que l’appelant n’avait pas établi qu’il n’était pas possible d’obtenir des services sensiblement similaires à Edmonton. Le juge a conclu que l’appelant n’avait même pas envisagé des possibilités, à Edmonton, étant donné qu’il avait décidé d’aller à Calgary pour des raisons familiales. [20] Cette affaire et la présente affaire ont des points en commun, mais je suis convaincu qu’en l’espèce, l’appelante a présenté toute la preuve nécessaire pour me permettre d’examiner la question distincte qui se pose dans ce cas‑ci, une question dont le juge Miller n’avait pas du tout été saisi. [21] De même, dans la décision Scully, le juge Hogan a conclu que rien ne montrait qu’il n’y avait pas d’installations permettant de pratiquer la natation dans la localité du domicile de l’appelant. Je suis encore une fois convaincu qu’en l’espèce, l’appelante a présenté toute la preuve nécessaire pour me permettre d’examiner la question distincte qui se pose dans ce cas‑ci, une question dont le juge Hogan n’avait pas du tout été saisi. [22] Compte tenu de la recherche historique que l’avocate de l’intimée a effectuée sur ce point, je l’ai priée d’effectuer une recherche plus approfondie et de chercher d’autres décisions faisant autorité qui pourraient jeter la lumière sur la question distincte qui se pose ici. Après l’audience, l’avocate a confirmé qu’elle n’avait rien trouvé. Je n’ai rien trouvé non plus. [23] Il semble donc n’y avoir aucun précédent en ce qui concerne la question distincte dont je suis saisi. Il s’agit bien sûr de la question suivante : Peut‑on conclure qu’il était possible d’obtenir à Victoria les services médicaux fournis à l’appelante en Pologne si leur coût était exorbitant pour celle‑ci? [24] En examinant l’argument de l’intimée, je ferai trois observations. [25] Premièrement, au paragraphe 9 de la décision Young, le juge Miller a dit qu’il était clair que « la déduction des frais de déplacement est prévue pour aider ceux qui ne peuvent obtenir [“access” dans la version anglaise] des services médicaux dans la localité où ils habitent ». [Non souligné dans l’original.] Le mot « access » figurant dans la version anglaise des motifs de la décision jette peu de lumière sur la question. J’estime qu’il est raisonnable de conclure que l’« accès » peut être refusé si son coût est exorbitant. Il en va de même pour le mot « available » de la version anglaise de la Loi. [26] Deuxièmement, dans la version française de la disposition en question, la partie qui a un effet déterminatif est qu’« il n’est pas possible d’obtenir » les services médicaux en question là où habite le contribuable. Ce libellé est également ambigu lorsqu’il s’agit de répondre à la question dont je suis saisi. En effet, il est selon moi raisonnable de conclure qu’il n’est pas possible d’« obtenir » un service que je n’ai pas les moyens de payer. Il en va de même pour le mot « available ». [27] Troisièmement, il semble clair à mes yeux que, dans les débats de la Chambre des communes dont il a été ci‑dessus fait mention, il était question de services médicaux qui étaient couverts par les programmes provinciaux d’assurance maladie. Le législateur ne songeait pas aux déplacements nécessaires en raison du coût du service. [28] Il est en somme impossible de savoir ce que le législateur avait l’intention de faire, en ce qui concerne les frais de déplacement, dans un cas comme celui‑ci, mais il est à noter que si des questions fiscales étaient envisagées, le législateur aurait bien pu vouloir admettre les frais de déplacement dans un cas comme celui‑ci. Si, par exemple, le crédit d’impôt pour frais médicaux coûte au fisc 30 p. 100 des frais, il lui en aurait coûté 8 400 $ si l’appelante avait reçu les soins dentaires à Victoria. Il en coûterait au fisc moins de la moitié de ce montant si l’appelante pouvait aller en Pologne et déduire ses frais de déplacement. Deux des trois parties intéressées semblent l’emporter en pareil cas. [29] Néanmoins, même si je reconnais que je suis convaincu que le législateur ne s’est jamais réellement arrêté à une situation telle que celle qui existe en l’espèce, il reste que je ne sais pas ce qu’il aurait décidé de faire s’il y avait songé. [30] Ce que l’appelante demande semble tout à fait raisonnable, mais je ne puis me mettre à la place du législateur. Comment aurait‑il formulé l’inclusion des frais de déplacement en se fondant sur le fait qu’un service médical était abordable pour un contribuable particulier? Y aurait‑il un critère de raisonnabilité? Cela mènerait‑il à un recours abusif à des estimations du coût d’un service? Les frais de déplacement seraient‑ils plafonnés, y aurait‑il une limite quant à la distance ou les voyages à l’étranger seraient‑ils exclus? [31] En outre, et ce qui est particulièrement important, le libellé exprès de la disposition en question ne permet pas une interprétation subjective de la situation du contribuable qui doit avoir recours aux services médicaux. Le libellé « il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents » n’indique pas si le service est mis à la disposition du contribuable en cause. Cette exigence ne traite pas de la situation du contribuable qui cherche à déduire les frais de déplacement. [32] De plus, un critère de raisonnabilité est déjà prévu au sous‑alinéa 118.2(2)g)(v) : (v) le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d’obtenir des services médicaux pour eux‑mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu’ils s’y rendent à cette fin; [33] Cette exigence vient s’ajouter à l’exigence voulant qu’il ne soit pas possible d’obtenir des services médicaux sensiblement équivalents dans la localité où le contribuable habite. Le caractère raisonnable d’une dépense telle que celle qui a été supportée dans ce cas‑ci, dans des circonstances où le déplacement était clairement raisonnable, ne suffit pas. [34] À vrai dire, il se peut que la législation actuelle comporte une lacune que le législateur devrait examiner. Toutefois, je ne puis combler cette lacune. Je me joindrais à l’appelante pour demander au législateur d’examiner le problème du coût abordable, mais je ne puis interpréter la législation actuelle autrement que l’a fait le ministre du Revenu national dans ce cas‑ci. [35] Par conséquent, l’appel doit être rejeté sans dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d’avril 2012. « J.E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 29e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 115 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3068(IT)I INTITULÉ : JANINA TOKARSKI c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Victoria (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.E. Hershfield DATE DU JUGEMENT : Le 5 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. James Mitchell Avocate de l’intimée : Me Amandeep K. Sandhu AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Il semble y avoir une incohérence dans la preuve quant aux frais dentaires réels. Selon la preuve, le dentiste, en Pologne, a reçu deux paiements, s’élevant à 9 849,05 $ en tout, à l’exclusion des frais de déplacement. Or, le comptable de l’appelante, qui a témoigné à l’instruction, a déclaré que la demande, pour l’année 2009, s’élevait à 4 905 $ et que, pour l’année 2010, elle s’élevait à 4 943 $, indépendamment dans les deux cas des frais de déplacement. Toutefois, la nouvelle cotisation permettait la déduction d’un montant de 6 708 $ pour l’année 2009, à l’exclusion des frais de déplacement. Les chiffres ne sont pas conciliables avec la preuve, mais la question dont j’ai été saisi était clairement de savoir si les frais de déplacement étaient des frais médicaux en vertu de la Loi. J’ai donc limité mon jugement en conséquence. Toutefois, si j’ai omis une question, je suis prêt à envisager de modifier le jugement conformément à l’alinéa 172(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), et ce, même si le présent appel est régi par la procédure informelle.
2012 CCI 116
TCC
2,012
Daruwala c. La Reine
fr
2012-04-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30914/index.do
2022-09-04
Daruwala c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-05 Référence neutre 2012 CCI 116 Numéro de dossier 2011-1994(GST)I Juges et Officiers taxateurs Randall S. Bocock Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2011-1994(GST)I ENTRE : ZUBIN PHEROZE DARUWALA, AIMAI DARUWALA ET MAKI PHIROZE DARUWALA, appelants (intimés en l’espèce), et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée (requérante). [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Demande présentée par voie d’observations écrites Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock Comparutions : Avocat de l’intimée (requérante) : Me Kristian DeJong Avocat des appelants (intimés) : Me Dennis Yee Avocate de TRG Construction Corp. : Me Andrea Donohoe ____________________________________________________________________ ORDONNANCE VU la demande présentée à la Cour par l’intimée (la requérante) au nom du ministre du Revenu national (le « ministre »), en application de l’article 311 de la Loi sur la taxe d’accise, de statuer sur une question que soulève une opération qui se rapporte à une cotisation, réelle ou projetée, relative à plusieurs contribuables; ET VU les documents déposés en preuve par l’avocat de la requérante ainsi que les observations écrites de l’avocate de TRG Construction Corp.; LA COUR ORDONNE QUE : 1. la demande soit rejetée étant donné que la Cour n’est pas convaincue que la décision rendue sur la question exposée dans la demande a un effet sur plus d’une cotisation, réelle, projetée ou vraisemblablement projetée, relative à plusieurs personnes désignées dans les documents déposés en preuve; 2. le dossier numéro 2011-1994(GST)I fasse l’objet d’une audience conformément aux Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi de 2001 sur l’accise (procédure informelle); 3. aucuns dépens ne soient adjugés. Signé à Toronto (Ontario), ce 5e jour d’avril 2012. « R. S. Bocock » Juge Bocock Traduction certifiée conforme ce 8e jour d’octobre 2013. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 116 Date : 20120405 Dossier : 2011-1994(GST)I ENTRE : ZUBIN PHEROZE DARUWALA, AIMAI DARUWALA ET MAKI PHIROZE DARUWALA, appelants (intimés en l’espèce), et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée (requérante). [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Bocock [1] L’intimée présente la demande en cause en application de l’article 311 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), en se fondant sur une indication du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle celui‑ci est d’avis qu’une série d’opérations ou d’évènements soulève une question qui se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables, et aura un effet sur ces cotisations. En application de l’article 311 de la Loi, si la Cour est convaincue que la décision rendue sur la question aura un effet sur les cotisations, réelles ou projetées, elle peut alors réunir les appels et entreprendre de statuer sur la question qui lui a été soumise. [2] Les faits relatifs à la demande sont les suivants. Les appelants (intimés dans le contexte de la requête) ont présenté une demande de remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») à l’égard d’un immeuble résidentiel situé à West Vancouver, en Colombie‑Britannique (la « résidence »). Ils soutenaient que la résidence était visée par la définition d’« immeuble résidentiel non neuf » et était par conséquent exonérée de TPS conformément à la partie I de l’annexe V de la Loi. La requérante affirme, sur le fondement des faits énoncés dans l’affidavit de Vince Ting, agent des litiges auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), que les appelants ont acheté la résidence, laquelle n’avait [traduction] « jamais été habitée », du constructeur, TRG Construction Corp. (« TRG »). L’affidavit ne contient aucune allégation de fait contredisant le fait que la résidence n’avait « jamais été habitée ». Dans leurs actes de procédure, et cet argument devra être avancé, soumis et prouvé à l’audience, les appelants affirment que TRG a permis à une tierce partie dont l’identité n’a pas été dévoilée d’occuper la résidence entre le moment où la construction a été achevée et le moment où ils l’ont achetée. Si TRG a permis une telle occupation transitoire (l’« occupation transitoire »), il se pourrait que les appelants aient droit au remboursement de la TPS que le ministre leur refuse à l’heure actuelle. Le ministre demande à la Cour de trancher cette question de fait, soit la question de savoir s’il y a eu ou non occupation transitoire, et de voir à ce que tant les appelants que TRG soient liés par sa décision. Les dispositions légales applicables [3] L’article 311 de la Loi sur la taxe d’accise est ainsi libellé : 311(1) Si le ministre est d’avis qu’une même opération, un même événement ou une même série d’opérations ou d’événements soulève une question qui se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs personnes, il peut demander à la Cour canadienne de l’impôt de statuer sur la question. (2) La demande doit comporter les renseignements suivants : a) la question sur laquelle le ministre demande une décision; b) le nom des personnes qu’il souhaite voir liées par la décision; c) les faits et motifs sur lesquels il s’appuie et sur lesquels il fonde ou a l’intention de fonder la cotisation de chaque personne nommée dans la demande. Le ministre signifie un exemplaire de la demande à chacune des personnes qui y sont nommées et à toute autre personne qui, de l’avis de la Cour canadienne de l’impôt, sont susceptibles d’être visées par la décision. (3) Dans le cas où la Cour canadienne de l’impôt est convaincue que la décision rendue sur la question exposée dans une demande a un effet sur les cotisations, réelles ou projetées, concernant plusieurs personnes à qui une copie de la demande a été signifiée et qui sont nommées dans une ordonnance de la Cour rendue en application du présent paragraphe, elle peut : a) si aucune des personnes ainsi nommées n’en a appelé d’une de ces cotisations, entreprendre de statuer sur la question selon les modalités qu’elle juge indiquées; b) si une ou plusieurs des personnes ainsi nommées ont interjeté appel, rendre une ordonnance groupant dans cet ou ces appels les parties appelantes comme elle le juge à-propos et entreprendre de statuer sur la question. (4) Sous réserve du paragraphe (5), la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt sur une question soumise dans une demande dont elle a été saisie en vertu du présent article est définitive et sans appel aux fins de l’établissement de toute cotisation à l’égard des personnes qui y sont nommées. (5) Dans le cas où la Cour canadienne de l’impôt statue sur une question soumise dans une demande dont elle a été saisie en vertu du présent article, le ministre ou l’une des personnes à qui une copie de la demande a été signifiée et qui est nommée dans une ordonnance de la Cour peut interjeter appel de la décision conformément aux dispositions applicables de la présente partie, de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt ou de la Loi sur les Cours fédérales. (6) Les parties liées par une décision rendue en application du paragraphe (4) sont parties à un appel de cette décision. (7) La période comprise entre la date de signification d’une demande à une personne en application du paragraphe (2) et, s’agissant d’une personne nommée dans une ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt en application du paragraphe (3), la date où la décision devient définitive et sans appel ou, s’agissant d’une autre personne, la date où il lui est signifié un avis portant qu’elle n’a pas été nommée dans une telle ordonnance, est exclue du calcul des délais suivants en vue, selon le cas, d’établir une cotisation à l’égard de la personne, de signifier un avis d’opposition à cette cotisation ou d’en appeler de celle-ci : a) la période de quatre ans visée à l’article 298; b) le délai de signification d’un avis d’opposition à une cotisation selon l’article 301; c) le délai d’appel selon l’article 306. [4] La partie pertinente du paragraphe 18.32(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt est ainsi libellée : 18.32(2) Les articles 17.1, 17.2 et 17.4 à 17.8 s’appliquent, sous réserve de l’article 18.33 et avec les adaptations nécessaires, à toute demande présentée à la Cour en vertu de […] l’article 311 de la Loi sur la taxe d’accise […] et à la détermination de la question en cause. [5] En outre, l’alinéa 58(1)a) et le paragraphe 58(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) sont ainsi libellés : 58(1) Une partie peut demander à la Cour, a) soit de se prononcer, avant l’audience, sur une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais; […] et la Cour peut rendre jugement en conséquence. (2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande, a) présentée en vertu de l’alinéa (1)a), sauf avec l’autorisation de la Cour ou le consentement des parties; b) présentée en vertu de l’alinéa (1)b). […] [6] Considérées ensemble, les dispositions des lois et règles reproduites ci‑dessus exigent que la Cour décide si elle statuera sur la question de fait proposée dont il est question en l’espèce. [7] La Cour a déjà étudié le problème que posait une question commune dans la décision Skinner (Succession) c. La Reine, [2009] DTC 1358; 2009 CCI 269. Dans cette décision, largement tranchée sur le fondement de faits très différents, la Cour s’est ainsi exprimée au sujet de sa propre règle, l’alinéa 58(1)a) : [35] Avant de chercher à répondre à une question soulevée en vertu de l’alinéa 58(1)a), la Cour doit décider s’il convient de le faire[1]. Dans la décision Carma Developers Ltd. v. Canada[2], que la Cour d’appel fédérale a citée en l’approuvant dans l’arrêt Jurchison c. Canada [3], le juge en chef adjoint Christie a fait la mise en garde suivante : […] l’alinéa 58(1)a) des Règles n’est pas destiné à servir de solution de rechange à laquelle il est facilement possible de recourir à la place d’un procès aux fins de régler des points litigieux complexes se rapportant aux droits et obligations des parties au litige. Cette disposition doit être invoquée lorsqu’il est clair qu’il serait essentiellement superflu de faire régler le litige en totalité ou en partie par voie de procès[4]. [8] Quand elle s’est penchée sur la mise en garde formulée dans la décision Skinner (Succession), la Cour a, dans la décision Brenneur c. La Reine, 2010 CCI 610 (dans laquelle il était également question d’importants droits constitutionnels et en common law concernant les droits linguistiques et l’équité), analysé la disposition correspondante de la Loi de l’impôt sur le revenu, à savoir le paragraphe 174(1), qui est ainsi libellé : 174(1) Lorsque le ministre est d’avis qu’une même opération ou un même événement ou qu’une même série d’opérations ou d’événements a donné naissance à une question de droit, de fait ou de droit et de fait qui se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables, il peut demander à la Cour canadienne de l’impôt de se prononcer sur la question. [9] Lorsqu’il a examiné la question de savoir si le ministre avait invoqué suffisamment de faits ou de motifs « ayant un effet » sur plusieurs contribuables, le juge Boyle, aux paragraphes 34 et 35 de la décision Brenneur, s’est ainsi exprimé : [34] Il y a toutefois une autre question à trancher en l’espèce, et il s’agit de celle de savoir si l’ARC projette d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de M. Batalha. La Cour ne peut rendre une ordonnance de renvoi en application de l’article 174 que dans le cas de contribuables qui ont fait l’objet de cotisations à l’égard d’une question commune née des mêmes circonstances ou bien dans le cas de contribuables à l’égard desquels on projette d’établir de nouvelles cotisations. À l’heure actuelle, l’ARC n’a pas établi de nouvelles cotisations à l’égard de M. Batalha et ne lui a même pas laissé entendre, par écrit, qu’il pourrait faire l’objet de nouvelles cotisations ou qu’elle projetait d’établir de nouvelles cotisations à son égard. En fait, après enquête, l’ARC a convenu de la version des faits de M. Batalha et n’a établi de nouvelles cotisations qu’à l’égard de M. Brenneur. L’avocat de l’intimée est même allé jusqu’à dire que l’ARC acceptait à 100 % la version des faits de M. Batalha et n’établirait éventuellement de nouvelles cotisations à son égard que si la Cour donnait raison à M. Brenneur lors de l’appel de celui‑ci. L’intimée soutient que la possibilité d’établir une nouvelle cotisation constitue une nouvelle cotisation projetée. Aucune source n’est citée à l’appui de cet argument. La question se pose alors de savoir si cette intention éventuelle d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de M. Batalha constitue une cotisation projetée, « a proposed assessment », pour ce qui est de satisfaire aux exigences prévues à l’article 174. […] [35] Je ne suis pas convaincu qu’une telle intention éventuelle d’envisager d’établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable constitue une cotisation projetée pour l’application de l’article 174. Il arrive souvent qu’un contribuable et un autre témoin aient des intérêts fiscaux opposés lors de leurs témoignages contradictoires. Il ne semble pas approprié que, chaque fois qu’une situation semblable se présente, l’ARC ait le droit de demander à la Cour d’envisager de joindre le témoin comme partie à l’instance fiscale. Il incombe à l’ARC de faire enquête et de décider quelle version des faits est, selon elle, vraisemblablement correcte. Bien qu’il puisse s’avérer approprié, dans un cas dont l’issue est serrée ou dans lequel il y a beaucoup de zones grises, que l’ARC demande à la Cour d’examiner la possibilité d’ordonner un renvoi, cela me semble assez inopportun dans un cas où l’ARC, après enquête, a tiré une conclusion claire dans un seul sens. Encore une fois, bien qu’un renvoi fait dans des circonstances comme celles en l’espèce permette d’éviter que la Cour rende des décisions incompatibles dans deux instances séparées, cela pourrait coûter très cher et être injustifiable si tous les témoins dont les intérêts fiscaux sont contraires à ceux de l’appelant étaient visés par une demande de renvoi faite en application de l’article 174 afin d’être joints comme parties à l’appel dans lequel ils témoignent déjà ou dans lequel ils sont déjà appelés à témoigner. Comme je conclus que M. Batalha n’était pas visé par une nouvelle cotisation projetée par l’ARC pour l’application de l’article 174, la Cour n’a pas compétence pour faire droit à la demande de l’intimée visant à obtenir un renvoi de questions communes. La demande est donc rejetée, avec dépens. [10] En l’espèce, les faits incontestés contenus dans l’affidavit de l’intimée elle‑même constituent le seul fondement factuel sur lequel la Cour pourrait se fonder pour établir s’il a été satisfait aux exigences minimales définies dans la décision Brenneur et, par conséquent, si la question de fait devrait être tranchée avant la tenue de l’audience normale de l’unique appel. Les appelants n’ont produit aucun affidavit en preuve et ne prennent pas position. Il est compréhensible que la tierce partie, TRG, n’ait déposé en preuve aucun affidavit, mais elle a présenté des observations écrites par l’intermédiaire de son avocate. [11] À partir de la décision Brenneur et eu égard aux faits de l’espèce, les questions suivantes peuvent être posées : 1. La requérante a-t-elle fourni à la Cour des éléments de preuve selon lesquels l’autorité taxatrice a communiqué de façon indépendante avec le contribuable à l’égard duquel celle‑ci se proposait d’établir une cotisation, ou toute autre indication raisonnable du fait qu’il serait possible qu’elle établisse une nouvelle cotisation à l’égard de ce contribuable?; 2. Quelle est la preuve qui a été produite au sujet d’une enquête, d’un examen ou d’un survol, réel ou projeté, relatif aux affaires, aux antécédents ou aux dossiers du contribuable à l’égard duquel on se propose d’établir une cotisation dans le contexte d’une nouvelle cotisation projetée ou de l’établissement de celle‑ci?; 3. Quelles observations ont été formulées au sujet des gains en matière d’efficience qu’il serait possible de réaliser en réunissant des cotisations projetées et réelles en une seule question sur laquelle la Cour se prononcerait avant l’audition de l’unique appel par ailleurs en suspens? [12] Dans les faits, en ce qui concerne le contribuable à l’égard duquel elle projetait d’établir une cotisation, à savoir TRG, la requérante : 1. n’a présenté ni observations ni éléments de preuve relatifs à une quelconque forme de communication directe à TRG au sujet de la possibilité d’établir une nouvelle cotisation ou de tout motif ou fondement permettant d’établir une telle nouvelle cotisation; 2. n’a dévoilé ni résultats, ni faits, ni conclusions découlant d’un examen des dossiers de TRG visant, pour le ministre, à établir la probabilité d’une nouvelle cotisation projetée; 3. n’a fait part d’aucuns gains d’efficacité raisonnables, réels ou théoriques qu’il serait possible de retirer du fait de statuer sur une question avant la tenue de l’audience au lieu de simplement procéder à l’audition de l’unique appel par ailleurs en suspens. [13] Pour finir, il convient de noter que les appelants ont interjeté le présent appel en vertu des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi de 2001 sur l’accise (procédure informelle). Le présent appel semble être entièrement fondé sur les faits. Il semble raisonnable d’affirmer que le fait de simplement procéder à l’audition du présent appel en se fondant sur des règles aussi simplifiées simplifierait tout autant le processus, sans pour cela faire intervenir une tierce partie dans un processus tout aussi compliqué, voir plus compliqué d’un point de vue procédural, en vue de statuer sur une question de fait, par opposition à une question de droit, en application de l’article 311 de la Loi. Vu que les observations de la requérante ne donnent à peu près pas de preuve d’un quelconque projet du ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de TRG, et tout bien considéré, la Cour conclut que l’issue de l’appel faisant intervenir une seule partie appelante confirmera de manière plus exhaustive, plus rapide et plus décisive la décision finale de l’ARC relative à toute nouvelle cotisation projetée à l’égard de TRG. [14] Par conséquent, la Cour rejette la demande et n’examinera pas la question, et le dossier numéro 2011-1994(GST)I, par ailleurs en attente d’audience, devrait faire l’objet d’une audience conformément aux Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi de 2001 sur l’accise (procédure informelle). Des dépens auraient pu être adjugés à la tierce partie, TRG, s’il y avait eu ou s’il avait fallu qu’il y ait comparution en personne ou présentation d’observations par voie de conférence téléphonique. Vu que les observations écrites sous forme de lettre ont été suffisantes, aucuns dépens ne seront adjugés. Signé à Toronto (Ontario), ce 5e jour d’avril 2012. « R. S. Bocock » Juge Bocock Traduction certifiée conforme ce 8e jour d’octobre 2013. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 116 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1994(GST)I INTITULÉ : Zubin Pheroze Daruwala, Aimai Daruwala et Maki Phiroze Daruwala c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Par voie d’observations écrites, à Ottawa (Ontario) MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Randall S. Bocock DATE DE L’ORDONNANCE : Le 5 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’intimée (requérante) : Me Kristian DeJong Avocat des appelants (intimés) : Me Dennis Yee Avocate de TRG Construction Corp. : Me Andrea Donohoe AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants (intimés) : Nom : Dennis Yee Cabinet : Davis, LLP Vancouver (Colombie‑Britannique) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Webster c. Canada, 2002 CAF 205 (CanLII), 2002 CAF 205 (C.A.F.); Perera c. Canada, 1998 CanLII 9051 (CAF), [1998] 3 C.F. 381, paragraphes 13 à 15 (C.A.F.). [2] [1995] 96 D.T.C. 1803 (C.C.I.). [3] 2001 A.C.F. no 654, paragraphe 8. [4] Carma Development, précité, paragraphe 11.
2012 CCI 117
TCC
2,012
Lagacé c. La Reine
fr
2012-04-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30769/index.do
2022-09-04
Lagacé c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-05 Référence neutre 2012 CCI 117 Numéro de dossier 2010-2419(GST)I Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2010-2419(GST)I ENTRE : LYNDA M. LAGACÉ, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Richard Eastveld (2010-2421(GST)I) le 6 février 2012, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Anick Bouzouita Avocate de l’intimée : Me Joëlle Bitton ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2007, dont l’avis est daté du 15 septembre 2009 et porte le numéro PM‑15459, est rejeté. Les parties assumeront leurs propres frais. Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 5e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 25e jour de mai 2012. Marie‑Christine Gervais Dossier : 2010-2421(GST)I ENTRE : RICHARD EASTVELD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Lynda M. Lagacé (2010-2419(GST)I) le 6 février 2012, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocate de l’appelant : Me Anick Bouzouita Avocate de l’intimée : Me Joëlle Bitton ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2007, dont l’avis est daté du 15 septembre 2009 et porte le numéro PM‑15457, est rejeté. Les parties assumeront leurs propres frais. Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 5e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 25e jour de mai 2012. Marie‑Christine Gervais Référence : 2012 CCI 117 Date : 20120405 Dossier : 2010-2419(GST)I ENTRE : LYNDA M. LAGACÉ, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ET ENTRE : Dossier : 2010-2421(GST)I RICHARD EASTVELD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan [1] Les appelants, Lynda Lagacé et Richard Eastveld, interjettent appel de cotisations fondées sur la responsabilité des administrateurs dont ils ont fait l’objet en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») par suite de l’omission d’une société de verser 40 721 $ au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») y compris les intérêts et les pénalités, pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2007. Les appels ont été entendus sur preuve commune à la demande des parties. [2] Mme Lagacé était l’unique administratrice de droit de la société en question, Eastveld Management Inc. (« Eastveld Management »). [3] La société s’occupait de courtage immobilier et elle employait Richard Eastveld, courtier immobilier agréé. M. Eastveld a fait l’objet d’une cotisation compte tenu du fait qu’il était un administrateur de fait d’Eastveld Management. La caractérisation par l’intimée de M. Eastveld à titre d’administrateur de fait de la société a été acceptée par l’avocate de M. Eastveld, qui a présenté des éléments de preuve montrant que M. Eastveld était l’unique administrateur actif de la société. [4] Le ministre du Revenu du Québec (le « ministre »), agissant pour le compte du ministre du Revenu national, s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes en établissant la cotisation de chaque appelant : [traduction] a) la société a été constituée en personne morale en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (tel était alors son titre), L.R.C. 1985, ch. C‑44; b) la société est inscrite pour l’application de la partie IX de la LTA depuis le mois de septembre 1998 et porte le numéro d’inscription 879193191; c) la société a produit dans le délai par ailleurs imparti sa déclaration auprès du ministre pour les périodes annuelles de déclaration allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2007, ou elle a produit des déclarations modifiées dans lesquelles la taxe nette, qui s’élevait à 21 368,44 $, était calculée; d) en produisant ses déclarations, la société n’a pas versé au receveur général le montant de la taxe nette qui y était calculé, ce montant étant dû au plus tard le jour où la déclaration pour la période en cause devait être produite; e) le 9 mai 2008, le certificat prévu à l’article 316 de la LTA, qui s’élevait à 35 638,65 $, a été enregistré à la Cour fédérale pour la période pertinente; f) il y a eu défaut d’exécution à l’égard du certificat; g) du 11 janvier 1999 au 15 septembre 2009, [les appelants étaient des administrateurs] de la société; h) au cours des périodes annuelles de déclaration pertinentes et au cours de la période où la société était tenue de verser la taxe nette calculée, [les appelants n’ont] pas démissionné, n’[ont] pas été remplacé[s] et n’[ont] pas été destitué[s] de [leurs] fonctions d’administrat[eurs] de la société; i) les appelants étaient au courant des difficultés financières auxquelles la société faisait face; j) [les appelants n’ont] pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de la société de s’acquitter des obligations qui [leur] incombaient en vertu de la LTA que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, et entre autres, de l’obligation mentionnée ci‑dessus à l’alinéa d), et [ils n’ont] pas pris toutes les mesures nécessaires à cet égard; k) [les appelants n’ont] pas pris les mesures appropriées en vue de mettre sur pied un système efficace visant à assurer que la société verse les sommes dues au ministre en vertu de la LTA. Le point litigieux [5] Il s’agit ici de savoir si les appelants, en leur qualité d’administrateurs d’Eastveld Management, sont responsables à l’égard de la TPS qu’Eastveld Management n’a pas versée ou s’ils ont satisfait aux conditions qui s’appliquent au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) de la LTA. La thèse des appelants [6] Les appelants invoquent le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable en vertu du paragraphe 323(3) de la LTA; ils affirment avoir agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de la société de verser la TPS que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Selon l’avocate des appelants, M. Eastveld était l’âme dirigeante et l’unique administrateur actif de la société. Elle a qualifié M. Eastveld d’administrateur interne. En invoquant le fait que Mme Lagacé était une administratrice passive, l’avocate m’invite à faire preuve d’une plus grande clémence dans mon appréciation du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui a été présenté pour le compte de l’appelante. [7] Les appelants affirment que l’omission de la société de verser la TPS était directement attribuable aux actions négligentes du comptable fiscaliste indépendant de la société. Selon les appelants, le ministre a empiré les choses en imputant les paiements effectués par la société à d’autres dettes fiscales dont ils ne sont pas responsables. Analyse [8] Le paragraphe 323(1) de la LTA indique quelle est la responsabilité des administrateurs lorsqu’une société ne verse pas la taxe nette qui est due : 323(1) Responsabilité des administrateurs – Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents. [9] Les appelants invoquent le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable que le paragraphe 323(3) de la LTA met à la disposition de l’administrateur qui a fait l’objet d’une cotisation pour le motif qu’il est tenu de payer la taxe non versée par la société. Le paragraphe 323(3) prévoit ce qui suit : 323(3) Diligence – L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Nouvelle norme objective établie dans l’arrêt La Reine c. Buckingham [10] Dans une arrêt récent, La Reine c. Buckingham[1], la Cour d’appel fédérale a conclu que la cour doit appliquer une norme objective lorsqu’elle évalue le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable invoqué par un administrateur en vertu du paragraphe 323(3) de la LTA et du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »)[2]. [11] Avant qu’une décision ait été rendue dans l’affaire Buckingham, l’arrêt qui faisait autorité quant au critère applicable était Soper c. Canada, dans lequel la Cour d’appel fédérale avait décidé que la norme objective subjective était le critère à appliquer[3]. Comme la cour l’a dit : [40] [...] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l’expérience de l’administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d’affaires chevronnés). [41] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n’est donc pas purement objective. Elle n’est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu’un administrateur affirme qu’il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l’intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n’est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l’idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ». Par la suite, la norme objective établie dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise[4] a remplacé le critère « objectif subjectif » de l’arrêt Soper. [12] Le 11 octobre 2011, dans deux décisions de la Cour canadienne de l’impôt, Gougeon c. La Reine, 2011 CCI 420, et Latulippe c. La Reine, 2011 CCI 388, le juge Angers a également mentionné la norme énoncée dans l’arrêt Buckingham. Comme le juge Angers l’a dit dans la décision Latulippe : [20] Je ne peux passer sous silence la récente décision de la Cour d’appel fédérale rendue dans l’affaire Buckingham c. La Reine, 2011 CAF 142, qui écarte la norme subjective et qui établit que le critère ne devrait être qu’un objectif. L’application de cette norme plus stricte fait en sorte que les arguments basés sur des lacunes personnelles devaient être écartés. [...] [Non souligné dans l’original.] La norme objective et son fondement [13] Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale a indiqué la façon d’appliquer la norme objective et elle a expliqué le fondement sous‑jacent que la Cour suprême du Canada avait énoncé dans l’arrêt Peoples à l’égard de l’établissement de cette norme : [38] Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci : Magasins à rayons Peoples, aux paragraphes 59 à 62. Si l’on qualifie cette norme d’objective, il devient évident que ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l’administrateur qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers : Magasins à rayons, au paragraphe 63. L’apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d’administration au moyen de l’établissement de bonnes règles de régie d’entreprise : Magasins à rayons Peoples, au paragraphe 64. Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d’administrateurs inactifs choisis pour l’apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d’administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s’acquitter des devoirs qui s’attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l’exécution de ses obligations en invoquant son inaction : Kevin P. McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 2e édition (Markham, Ontario: LexisNexis Canada, 2007), à la page 11.9. [Non souligné dans l’original.] Les facteurs contextuels sont pertinents [14] La Cour doit évaluer, selon une norme objective, si les appelants ont agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Toutefois, il ne faut pas procéder à cette évaluation sans tenir compte des circonstances particulières auxquelles font face la société et les appelants. Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les facteurs contextuels font partie d’une analyse objective : [39] Une norme objective ne signifie toutefois pas qu’il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérées au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ». Comme l’a souligné la Cour dans Magasins à rayons Peoples au paragraphe 62 : Le texte de l’al. 122(1)b) de la LCSA qui énonce l’obligation de diligence reprend presque mot à mot celui que propose le Rapport Dickerson. La principale différence réside dans le fait que la version qui a été adoptée comprend les mots « en pareilles circonstances », ce qui modifie la norme légale en exigeant qu’il soit tenu compte du contexte dans lequel une décision donnée a été prise. Le législateur n’a pas introduit un élément subjectif relatif à la compétence de l’administrateur, mais plutôt un élément contextuel dans la norme de diligence prévue par la loi. Il est clair que l’al. 122(1)b) est plus exigeant à l’égard des administrateurs et des dirigeants que la norme traditionnelle de diligence prévue par la common law et expliquée, par exemple, dans la décision Re City Equitable Fire Insurance, précitée. [[1925] 1 Ch. 407] [15] Dans ce cas‑ci, le contexte comprend l’allégation des appelants selon laquelle la négligence du comptable fiscaliste de la société a contribué à l’omission de la société de verser la TPS. L’accent est mis sur les efforts visant à prévenir les défauts, et non sur les tentatives visant à y remédier [16] Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale fait expressément remarquer que le critère, en vertu des paragraphes 227.1(3) de la LIR et 323(3) de la LTA, exige un examen des mesures qu’un administrateur a prises en vue de prévenir le défaut de versement. La Cour dit ce qui suit : [40] L’objectif de l’examen prévu aux paragraphes 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise différera toutefois de celui qu’exige l’alinéa 122(1)b) de la LCSA, car les premières dispositions requièrent que l’administrateur s’acquitte de son obligation de soin, de diligence et d’habileté de manière à prévenir les défauts de versement. Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés. [17] Il ne suffit pas de prendre des mesures en vue de remédier aux omissions de verser la taxe nette; la question, lorsqu’il s’agit d’examiner le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, consiste à établir les mesures qui ont été prises en vue de prévenir en premier lieu ces omissions. Un administrateur ne peut pas invoquer la diligence raisonnable, comme les appelants l’ont fait en l’espèce, en affirmant qu’il a négocié une entente par laquelle la société s’engageait à rembourser sa dette au fur et à mesure qu’elle gagnerait un revenu de commissions. [18] Les appelants n’ont pas réussi à me convaincre que l’omission de la société de verser la TPS était attribuable aux actions négligentes de M. Clayman. La preuve montre que l’obligation de la société au titre de la TPS a fait l’objet d’une cotisation compte tenu des déclarations que celle‑ci avait produites et des paiements qu’elle avait effectués. Le manque était attribuable au fait que la société n’avait pas versé toute la TPS qu’elle avait perçue. [19] L’intimée a fourni une lettre datée du 20 mars 2003, rédigée par M. Clayman et adressée aux deux appelants, au sujet de la TPS non versée de la société. Les passages pertinents de cette lettre sont libellés ainsi : [traduction] [...] À la suite des discussions que nous avons récemment eues au sujet des montants dus par Eastveld Management Inc. à Revenu Québec, lesquels s’élèvent en tout à environ 60 000 $ et sont en bonne partie composés des montants nets de la TPS et de la TVQ que la société doit, mais qu’elle n’a pas versés à Revenu Québec, ainsi que des pénalités et des intérêts accumulés par suite du non‑versement et de l’insuffisance des acomptes provisionnels qui auraient dû être payés. [...] (1) Eastveld Management Inc. doit sans aucun doute à Revenu Québec le montant approximatif susmentionné. Cette dette a été établie à l’aide de nos propres registres et, par conséquent, elle a été déclarée à Revenu Québec sur la base de l’autodéclaration au moyen des documents et autres éléments normalement utilisés par les contribuables à cette fin. (2) La dette ne résulte pas de quelque nouvelle cotisation concernant les montants déclarés à Revenu Québec. Si c’était le cas, la société aurait le droit de s’adresser directement au ministre en vue de s’opposer à tout ou partie de la nouvelle cotisation ou des nouvelles cotisations en envoyant un « avis d’opposition » tel que celui qui est normalement présenté en pareil cas. (3) Les administrateurs d’une société sont généralement personnellement responsables de la dette de la société au titre de la TPS et de la TVQ. Par conséquent, comme je vous l’ai par le passé fait savoir (et comme d’autres vous l’ont fait savoir), les actifs de Lynda peuvent être assujettis à une saisie à l’égard de cette dette. [...] J’aimerais faire remarquer, Lynda et Richard, sur le plan personnel, que vous êtes mes clients et mes amis depuis un bon nombre d’années et je comprends bien la frustration et le stress que cette situation vous a causés. Je ne voudrais pas que vous perdiez votre maison – ce qui est un scénario vraisemblable s’il n’est pas bientôt remédié à la situation. Je vous demande avec instance de tenir minutieusement compte de mes conseils antérieurs lorsque je vous ai recommandé d’emprunter sur votre maison un montant suffisant pour liquider la dette en question. À mon avis, le versement hypothécaire mensuel supplémentaire en vaut bien la peine compte tenu du soulagement que vous éprouveriez en mettant finalement un terme à cette affaire de la seule façon qui est selon moi possible eu égard aux circonstances. Au fur et à mesure que les rentrées de fonds de la société le permettront, vous pourrez rembourser le prêt et vos versements hypothécaires mensuels seront finalement ramenés à leurs montants antérieurs. Enfin, je vous prie également de tenir compte d’un autre conseil que je vous ai donné par le passé. L’insuffisance de fonds ne saurait constituer une excuse acceptable pour l’inobservation des exigences des lois et des règlements qui s’appliquent au régime de la TPS et de la TVQ. Toute personne (particulier ou société) qui exige et perçoit la TPS et la TVQ le fait à titre de mandataire de Revenu Québec et, par conséquent, les fonds y afférents doivent être remis à qui de droit. Je vous recommande donc encore une fois de mettre à part environ 15 p. 100 du montant des commissions déposées dans le compte bancaire de la société, de façon à pouvoir, au fur et à mesure que les acomptes provisionnels ou autres paiements deviennent exigibles, vous conformer aux exigences du régime. [Non souligné dans l’original.] [20] Cette lettre confirme que les appelants étaient au courant de l’omission de la société de verser la TPS. En outre, M. Clayman conseille aux appelants de prendre des mesures en vue de veiller à ce que la société ne continue pas à omettre de verser la TPS exigible dans l’avenir. Il est intéressant de noter que les appelants semblent ne pas avoir tenu compte des conseils de M. Clayman étant donné que la cotisation dont ils ont fait l’objet s’applique à la TPS impayée pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2007. [21] Pour être retenu, un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable exige une preuve indiquant que les administrateurs ont pris des mesures concrètes en vue de prévenir le défaut. Si l’arrêt Buckingham est appliqué en l’espèce, il ne suffit pas de dire que Mme Lagacé ne devrait pas être tenue responsable parce qu’elle était une administratrice externe. La preuve montre qu’elle était dans les affaires avec M. Eastveld. Ils vivaient ensemble et ils travaillaient ensemble à l’entreprise depuis leur bureau à domicile. Les appelants avaient la charge d’établir qu’ils avaient pris des mesures en vue de prévenir l’omission de la société. Étant donné que la taxe n’a pas été payée lorsque les déclarations ont été produites, la seule déduction raisonnable que je puis faire est que la société ou les appelants ont utilisé les fonds à d’autres fins. Il n’a pas été allégué que le conseiller fiscal avait détourné des fonds de la société à son propre avantage. [22] Pour ces motifs, les appels sont rejetés, et les parties doivent assumer leurs propres frais. Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 5e jour d’avril 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 25e jour de mai 2012. Marie‑Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 117 No DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-2419(GST)I 2010-2421(GST)I INTITULÉ : LYNDA M. LAGACÉ, RICHARD EASTVELD c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 5 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocate des appelants : Me Anick Bouzouita Avocate de l’intimée : Me Joëlle Bitton AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Anick Bouzouita Cabinet : Pinsky Zelman Segal Santillo Montréal (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2011 CAF 142. [2] [1998] 1 C.F. 124, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Voir les par. 30 à 40 de l’arrêt Buckingham. [3] 97 DTC 5407, [1997] A.C.F. no 881 (QL). [4] 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461.
2012 CCI 118
TCC
2,012
Knight c. La Reine
fr
2012-04-16
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30776/index.do
2022-09-04
Knight c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-16 Référence neutre 2012 CCI 118 Numéro de dossier 2011-2546(IT)I Juges et Officiers taxateurs Gaston Jorré Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2546(IT)I ENTRE : MARTINO KNIGHT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 27 mars 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique). Devant : L’honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Andrew Duncan ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. La Cour tient à attirer l’attention de l’appelant sur le fait qu’en ce qui concerne les dispositions d’allégement pour les contribuables au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’Agence du revenu du Canada a publié la circulaire d’information IC07‑l, intitulée « Dispositions d’allégement pour les contribuables » ainsi que le formulaire RC4288, intitulé « Demande d’allégement pour les contribuables », aux fins de la présentation d’une demande d’allégement. Signé à Ottawa (Ontario), ce 16e jour d’avril 2012. « Gaston Jorré » Juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 118 Date : 20120416 Dossier : 2011-2546(IT)I ENTRE : MARTINO KNIGHT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Jorré Introduction [1] Dans quelles circonstances les pénalités civiles de 10 p. 100 établies par suite de l’omission de déclarer un revenu sont-elles supérieures aux pénalités civiles de 50 p. 100 établies par suite de l’omission de déclarer le même montant sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde[1]? [2] Lorsqu’il existe des pénalités équivalentes à l’égard d’une omission et d’une faute lourde en vertu des lois de l’impôt sur le revenu fédérale et provinciale, la pénalité établie par suite de l’omission excédera bien souvent la pénalité pour faute lourde. En Colombie-Britannique, où le présent appel a été interjeté, si l’on tient compte à la fois des pénalités fédérales et des pénalités provinciales, lorsque le « revenu total » du particulier est inférieur à 100 000 $[2], les pénalités pour omission excéderont les pénalités pour faute lourde; si le revenu total est supérieur à 100 000 $, la pénalité pour omission représentera au moins 91,5 p. 100 de la pénalité pour faute lourde. [3] En Alberta, les pénalités pour omission excéderont toujours les pénalités pour faute lourde. [4] J’examinerai un peu plus loin pourquoi il en est ainsi. [5] L’appelant, qui réside en Colombie-Britannique, interjette appel de la cotisation concernant la pénalité civile de 10 p. 100 établie par suite de son omission de déclarer un revenu pour son année d’imposition 2009. [6] Pour les motifs énoncés ci-dessous, je suis convaincu qu’eu égard aux faits portés à ma connaissance et compte tenu du droit, la pénalité a été validement imposée. [7] Il est compréhensible qu’une pénalité soit imposée dans le cas d’une omission répétée. Il est également compréhensible que le contribuable soit passible d’une pénalité eu égard aux circonstances de la présente affaire. [8] Cependant, la pénalité dans ce cas-ci est beaucoup trop sévère et semble imprévue. Si l’on examine la façon dont une pénalité pour omission s’applique ainsi que le régime des lois fédérale et provinciale, il semble clair qu’il existe probablement bon nombre de cas dans lesquels la sévérité de la pénalité semblerait inappropriée et imprévue. L’application du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale et de l’article 38 de la Income Tax Act de la Colombie-Britannique [9] Le paragraphe 163(1)[3] de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale (la « Loi fédérale ») prévoit une pénalité civile dans les circonstances suivantes : i) lorsqu’une personne omet d’inclure un montant au titre du revenu dans une déclaration concernant une année d’imposition; ii) lorsqu’une personne a déjà omis de déclarer un montant au titre du revenu au cours de l’une des trois années d’imposition précédentes. [10] Il incombe au ministre du Revenu national de prouver ces faits. Le contribuable peut invoquer un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. [11] Si les faits pertinents sont prouvés et si le contribuable ne réussit pas à démontrer qu’il a fait preuve de diligence raisonnable, une pénalité égale à 10 p. 100 du montant de revenu omis pourra être établie. [12] Le paragraphe 163(1) prévoit également que la pénalité ne peut pas être imposée lorsque la pénalité prévue au paragraphe 163(2), la « pénalité pour faute lourde », s’applique. [13] L’article 38 de la Income Tax Act de la Colombie-Britannique (la « Loi de la C.‑B. ») impose une pénalité identique de 10 p. 100. La Loi de la C.‑B. confère également au ministre fédéral le pouvoir : i) de s’abstenir d’imposer la pénalité provinciale, ou ii) de réduire le montant de la pénalité provinciale lorsque le contribuable est passible de la pénalité fédérale[4]. [14] Par conséquent, en Colombie-Britannique, lorsqu’il existe une omission en vertu du paragraphe 163(1), il pourrait y avoir une pénalité combinée de 20 p. 100 en vertu de la Loi fédérale et de la Loi de la C.‑B. [15] Le paragraphe 163(2) de la Loi fédérale crée ce qui est connu sous le nom de pénalité pour « faute lourde ». Cette pénalité s’applique lorsqu’une personne, « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde », fait « un faux énoncé ou une omission dans une déclaration ». La pénalité prévue au paragraphe (2) représente 50 p. 100 du montant de l’impôt à payer sur le montant de revenu qui a été omis[5]. [16] L’article 38 de la Loi de la C.‑B. incorpore également par renvoi le paragraphe 163(2). [17] En vertu de l’article 239 de la Loi fédérale, qui porte sur une infraction criminelle pour évasion fiscale, la pénalité, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, est de 50 p. 100 à 200 p. 100 du montant de l’impôt que le contribuable a cherché à éluder, avec possibilité d’emprisonnement d’au plus deux ans; dans le cas d’une poursuite par voie de mise en accusation, la pénalité est de 100 p. 100 à 200 p. 100 avec une possibilité d’emprisonnement d’au plus cinq ans. [18] En général, on constate dans le régime de la Loi fédérale un continuum de pénalités civiles et de pénalités criminelles selon les circonstances et la gravité de l’affaire. La pénalité civile pour faute lourde de 50 p. 100 est la même que la pénalité criminelle minimale pour évasion fiscale. [19] La pénalité civile, au paragraphe 163(2), selon lequel une omission ou un faux énoncé doit être fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, vise clairement à s’appliquer à un degré de culpabilité plus élevé que la pénalité civile prévue au paragraphe 163(1), laquelle est simplement fondée sur le fait que deux omissions ont été effectuées au cours d’une période de quatre ans ainsi que sur l’absence de diligence raisonnable[6]. [20] Il est intéressant de comparer la pénalité à payer sur un montant donné qui a été omis selon que cette pénalité résulte d’une omission ou d’une faute lourde. [21] En 2009, soit l’année ici en cause, les taux marginaux et les seuils minimaux, aux fins de l’impôt, étaient les suivants : Impôt fédéral 15 % : 0 $ 22 % : 40 726 $ 26 % : 81 452 $ 29 % : 126 264 $ Impôt de la C.-B. 5,06 % : 0 $ 7,70 % : 35 716 $ 10,50 % : 71 433 $ 12,29 % : 82 014 $ 14,70 % : 99 588 $ [22] Si un particulier a omis un montant sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde et que la pénalité de 50 p. 100 prévue au paragraphe 163(2) est établie avec l’équivalent provincial, la pénalité pour faute lourde correspondra toujours à la moitié des taux marginaux d’imposition fédéral et provincial sur le montant qui a été omis[7]. [23] La pénalité fédérale de 10 p. 100 prévue au paragraphe 163(1) par suite d’une omission et l’équivalent provincial de 10 p. 100, s’élèvent en tout à 20 p. 100, et s’appliquent sur le montant de revenu qui a été omis. [24] Par conséquent, les tableaux suivants indiquent le taux de pénalité en tant que pourcentage du montant du revenu omis qui a été ajouté, selon le taux marginal qui s’appliquait en 2009, soit l’année visée par le présent appel : Seuil Taux marginal fédéral Pénalité pour omission Pénalité pour faute lourde 0 $ 15,00 % 10 % 7,5 % 40 726 $ 22,00 % 10 % 11,0 % 81 452 $ 26,00 % 10 % 13,0 % 126 264 $ 29,00 % 10 % 14,5 % Seuil Taux marginal de la C.‑B. Pénalité pour omission Pénalité pour faute lourde 0 $ 5,06 % 10 % 2,530 % 35 716 $ 7,70 % 10 % 3,350 % 71 433 $ 10,50 % 10 % 5,250 % 82 014 $ 12,29 % 10 % 6,145 % 99 588 $ 14,70 % 10 % 7,350 % [25] Comme ces tableaux permettent de le constater, la pénalité fédérale pour omission est supérieure à ce que serait la pénalité fédérale pour faute lourde lorsque le montant omis ainsi que le montant déclaré s’élèvent à un revenu total de moins de 40 726 $[8]. [26] En Colombie-Britannique, la pénalité provinciale pour omission est toujours supérieure à la pénalité provinciale pour faute lourde imposée sur le même montant. [27] Lorsque les pénalités fédérale et provinciale pour omission sont toutes deux imposées, ces pénalités sont supérieures au montant auquel s’élève une pénalité pour faute lourde imposée sur le même montant, dès que le revenu total du contribuable est inférieur à 99 588 $ après l’établissement de la nouvelle cotisation. [28] De fait, lorsque le revenu imposable est inférieur à 35 716 $, les pénalités fédérale et provinciale combinées pour omission représenteraient près de la totalité de l’impôt fédéral et de l’impôt de la Colombie-Britannique sur le montant omis[9]; une pénalité fédérale et une pénalité provinciale pour faute lourde imposées sur le même montant seraient deux fois moins élevées. [29] En ce qui concerne l’impôt au taux marginal maximal, les pénalités fédérale et de la Colombie-Britannique combinées pour omission représentent environ 91,5 p. 100 des pénalités fédérale et provinciale combinées pour faute lourde. [30] Par conséquent, une pénalité comportant une conduite moins répréhensible donne souvent lieu à une pénalité plus élevée qu’une pénalité imposée pour une conduite plus répréhensible[10]. Même lorsque cela n’est pas le cas, la conduite moins répréhensible donne néanmoins lieu à une pénalité presque aussi élevée que celle qui est imposée dans le cas d’une conduite plus répréhensible[11]. [31] En Alberta, si les pénalités pour omission tant fédérale que provinciale sont imposées, leur montant sera toujours supérieur à ce que serait le montant des pénalités fédérale et provinciale pour faute lourde imposées sur le même montant[12]. [32] Aucune distinction n’est faite au paragraphe 163(1) entre les circonstances dans lesquelles le montant omis était assujetti à des retenues et les circonstances dans lesquelles il ne l’était pas. L’existence, ou l’absence, de retenues a un effet pratique important en ce qui concerne le préjudice causé au trésor et l’avantage que le contribuable retire de l’omission. Les circonstances particulières de la présente affaire [33] En produisant sa déclaration de 2009, l’appelant a déclaré un montant d’environ 44 000 $ au titre d’un revenu d’emploi. Il a omis d’inclure un montant de 40 878 $ au titre de pareil revenu. [34] Le montant omis, d’environ 40 000 $, a été déclaré par le payeur dans un feuillet T4 et dans un feuillet T4A. En ce qui concerne les montants omis, il y avait des retenues de 7 556,63 $ au titre des impôts sur le revenu fédéral et provincial, de 1 244,26 $ au titre des cotisations au Régime de pensions du Canada et de 461,25 $ au titre des cotisations d’assurance-emploi. [35] Le tableau suivant indique les montants de l’impôt sur le revenu fédéral, de l’impôt sur le revenu de la Colombie-Britannique et de l’impôt sur le revenu total qui ont été établis dans la cotisation initiale, compte tenu des déclarations qui avaient été produites, ainsi que ceux figurant dans la nouvelle cotisation qui a été établie en vue d’inclure les montants omis indiqués dans les feuillets T4 et T4A. Le tableau indique également l’augmentation des montants établis et un montant représentant 50 p. 100 des montants établis. Les pénalités fédérale et provinciale pour omission s’élevaient à 8 175,60 $[13]. Impôt établi dans la cotisation initiale Impôt établi dans la nouvelle cotisation Augmentation 50 % de l’augmentation Pénalité fédérale de 10 % et pénalité de la C.-B. de 10 % Fédéral 4 626,18 $ 13 752,50 $ 9 126,32 $ 4 563,16 $ 4 087,80 $ C.-B. 1 852,48 $ 5 438,47 $ 3 585,99 $ 1 792,99 $ 4 087,80 $ Total 6 478,66 $ 19 190,97 $ 12 712,31 $ 6 356,15 $ 8 175,60 $ [36] Dans le cas de l’appelant, nous constatons que la pénalité fédérale pour omission est inférieure d’environ 475 $ à une pénalité fédérale pour faute lourde imposée sur le même montant. Toutefois, la pénalité provinciale pour omission est d’environ 2 295 $ plus élevée qu’une pénalité provinciale pour faute lourde imposée sur le même montant. Dans l’ensemble, la pénalité pour omission des deux paliers de l’administration est plus élevée d’environ 1 820 $ qu’une pénalité pour faute lourde imposée sur le même montant. [37] Quels ont été le préjudice causé au trésor et l’avantage retiré par l’appelant? S’il s’agissait d’un cas dans lequel le revenu non déclaré n’aurait pas été assujetti à des retenues, le préjudice causé au trésor fédéral et au trésor provincial se serait élevé à 12 712,31 $, plus les intérêts. Dans ce cas‑ci, étant donné que des retenues avaient été effectuées, le trésor fédéral et le trésor provincial auraient perdu, au moment de la nouvelle cotisation, un montant de 3 874,72 $, y compris les intérêts; presque tout l’argent que le trésor a perdu résultait du remboursement de 3 361,15 $ effectué par suite de la cotisation initiale du 1er juin 2010; le reste était composé de l’insuffisance des retenues, de 215,95 $, d’intérêts s’élevant 286,82 $ et d’une pénalité pour production tardive de moins de onze dollars[14]. [38] Par conséquent, dans ce cas‑ci, le manque à gagner pour le trésor fédéral et pour le trésor provincial était de 3 874,72 $ du 1er juin au 1er novembre; la pénalité y afférente est de 8 175,60 $, soit environ 211 p. 100[15] du manque à gagner, pour quelques mois[16]. Les faits [39] En 2009, soit l’année ici en cause, l’appelant était sur le marché du travail depuis environ huit ans. Il avait suivi un programme collégial de deux ans dans le domaine de la commercialisation et des ventes. [40] L’appelant a inclus dans sa déclaration de revenus un revenu d’emploi de 44 362 $; ce montant était le total indiqué dans un feuillet T4 délivré par Business Objects Company/SAP Canada et dans un feuillet T4 établi par FINCAD Corporation. [41] L’appelant n’a pas inclus dans sa déclaration un montant d’environ 40 878 $, soit près de la moitié de son revenu, qu’il avait reçu à titre de salaire et d’indemnité de départ. Ces montants faisaient l’objet de deux feuillets T, soit un feuillet T4 et un feuillet T4A, préparés par Business Objects Company et par SAP respectivement. [42] En établissant la nouvelle cotisation de l’appelant en vue d’inclure les montants omis, le ministre a établi une pénalité pour « omission » conformément au paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu ainsi que conformément au paragraphe 38(1) de la Income Tax Act de la Colombie-Britannique[17]. [43] Le présent appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle. [44] L’appelant a témoigné et l’intimée a produit certains éléments de preuve au moyen d’un affidavit; l’appelant n’a pas cherché à contre-interroger l’auteur de l’affidavit. [45] En 2009, l’appelant a travaillé pour deux sociétés différentes; Business Objects Company, qui a été achetée par SAP et, plus tard au cours de l’année, FINCAD. [46] L’appelant a reçu une indemnité globale de départ de Business Objects Company/SAP Canada et il a supposé que tous les impôts avaient été déduits. Des retenues élevées avaient été effectuées sur les indemnités de départ[18]. [47] Il semble que la société ait tardé à envoyer à l’appelant le montant de l’indemnité de départ. [48] L’appelant n’a pas reçu les deux feuillets T, s’élevant en tout à 40 878 $, avant la production de sa déclaration de revenus de 2009. [49] L’appelant a présenté certains éléments de preuve selon lesquels il avait essayé d’obtenir les feuillets T manquants. Cette preuve prêtait à confusion. [50] L’appelant a produit la pièce A-l, qui est une chaîne de trois courriels; l’intimée a produit la pièce R‑l, qui est une chaîne différente de courriels. [51] Toutefois, les deux pièces renferment des courriels presque identiques, que SAP, en Pennsylvanie, avait envoyés à l’appelant, lesquels étaient intitulés [traduction] « Formulaire de demande de feuillet T4 » et étaient libellés ainsi : [traduction] Veuillez noter que les feuillets T4 initiaux ont été retournés au service de la paie, de sorte que je vous ferai parvenir l’original. Veuillez m’indiquer votre adresse actuelle et je vous enverrai ces feuillets par la poste aujourd’hui. [52] Il existe une différence fort importante entre le [traduction] « Formulaire de demande de feuillet T4 » qui a été produit sous la cote A‑1 et le même courriel, qui a été produit sous la cote R‑l. Le premier indique le 8 avril 2010 comme date d’envoi, soit avant la date limite de production de l’appelant, et le second indique le 8 août 2010 comme date d’envoi. [53] L’appelant a également témoigné qu’il avait fait de nombreux efforts en vue d’appeler SAP et d’assurer le suivi. Toutefois, lors du contre-interrogatoire, il est devenu évident que l’appelant cherchait avant tout à obtenir sans délai son indemnité de départ; c’est également ce qui ressort des pages 2 et 3 des courriels produits sous la cote R‑l. [54] En produisant sa déclaration de revenus, l’appelant n’a aucunement fait savoir que certains montants élevés de revenu n’étaient pas indiqués dans sa déclaration. [55] L’appelant ne se rappelait pas à quel moment il avait reçu les feuillets T manquants, mais il les avait reçus avant la nouvelle cotisation. L’appelant n’a pas envoyé les feuillets manquants au fisc avant que la nouvelle cotisation soit établie. [56] L’appelant était surpris d’apprendre que les feuillets T4 avaient été envoyés par la poste à la mauvaise adresse, étant donné qu’il n’avait pas changé d’adresse depuis cinq ans. Il soupçonne que la chose était peut-être de quelque façon attribuable à la transition résultant de l’achat de Business Objects Company par SAP. [57] L’appelant a témoigné que, par le passé, il était arrivé qu’il manque certains feuillets et qu’il s’était habitué à ce que l’Agence du revenu du Canada lui envoie simplement une nouvelle cotisation ajoutant les montants en cause et demandant à l’appelant de verser le solde ou lui envoyant un remboursement. [58] L’appelant s’attendait à ce que la même chose se produise encore une fois. Il a également témoigné qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il y ait un impôt additionnel à payer étant donné que des retenues avaient été effectuées sur les montants pour lesquels il n’avait pas de feuillets T. [59] L’appelant n’a pas contesté la preuve par affidavit de l’intimée, laquelle indiquait : i) qu’il avait fait l’objet à l’égard de l’année d’imposition 2005 d’une nouvelle cotisation, dans laquelle un montant non déclaré de 1 054 $ était inclus; ii) qu’il avait fait l’objet à l’égard de l’année d’imposition 2006 d’une nouvelle cotisation, dans laquelle un paiement forfaitaire de 2 896 $ qui n’avait pas été déclaré était ajouté; iii) qu’il avait fait l’objet d’un pénalité pour omission à l’égard du montant non déclaré pour l’année d’imposition 2006. Analyse [60] Il y avait une omission pour l’année visée par l’appel ainsi que pour l’année d’imposition 2006, soit dans les trois années précédant l’année visée par l’appel. [61] Dans la décision Paquette c. la Reine[19], le juge en chef Rip a examiné, au paragraphe 9, les conditions qui s’appliquent au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable : La Cour d’appel fédérale dans les affaires Résidences Majeau Inc. c. Canada et Corporation de l’école polytechnique c. Canada a dit qu’un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’événement qui donne naissance à la pénalité. Dans l’affaire Résidences Majeau, le juge Létourneau explique : 8 Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’événement qui donne naissance à la pénalité. 9 L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e. une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. [Notes de bas de page omises.] [62] Il n’y a rien dans la preuve de l’appelant qui donne à penser que celui‑ci a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission concernant l’année 2006 ou de l’omission concernant l’année 2009[20]. [63] La conviction de l’appelant, à savoir que l’Agence du revenu du Canada établirait automatiquement une nouvelle cotisation et lui enverrait un remboursement étant donné que des retenues avaient été effectuées, ou demanderait le solde dû sans plus n’est pas une erreur quant à « [...] une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission ». Il s’agit d’une erreur quant aux conséquences de l’omission. [64] L’appelant n’a pas non plus pris de précautions raisonnables. Il s’est peut-être bien informé au mois d’avril 2010 au sujet des feuillets T manquants, mais il n’a fait aucun effort pour indiquer dans sa déclaration que près de la moitié de son revenu n’était pas déclaré. De plus, au cours de la période qui a suivi la cotisation initiale et avant que la nouvelle cotisation ici en cause soit établie[21], l’appelant n’a fait aucun effort pour attirer l’attention de l’Agence du revenu du Canada sur les feuillets T manquants, après les avoir reçus. [65] La jurisprudence citée par l’appelant se rapporte à des situations fort différentes de celle qui existe ici et elle ne s’applique pas : a. Dans la décision Paquette c. la Reine[22], l’appelant avait des difficultés en français et en mathématique et il avait effectué sa douzième année dans un programme pour personnes ayant des difficultés d’apprentissage. M. Paquette avait fait des efforts raisonnables eu égard aux circonstances. b. Dans la décision Dunlop c. la Reine[23], l’appelant avait estimé le montant de son revenu à l’égard du feuillet T4 manquant, une estimation qui se rapprochait passablement du montant réel. c. Les décisions Franck c. la Reine[24] et Alcala c. la Reine[25] sont fondées sur le fait que les appelants ne connaissaient pas le régime[26]. M. Franck était un jeune homme qui venait de terminer ses études secondaires et de commencer à travailler; cette année‑là, il avait travaillé comme cuisinier de casse-croûte dans quatre établissements différents et il n’avait pas reçu de feuillet T4 de l’un de ces établissements. Quant à Mme Alcala, elle s’était récemment installée au Canada depuis les Philippines, en 2005, et avait omis certains montants en 2006 et en 2007. Ces deux situations sont différentes de celle de l’appelant, qui était sur le marché du travail depuis un certain nombre d’années[27]. Conclusion[28] [66] Par conséquent, étant donné que les conditions nécessaires applicables à la pénalité sont réunies et que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable n’a pas été établi, je dois confirmer les pénalités et rejeter l’appel. [67] J’espère que l’appelant présentera une demande en vertu des dispositions relatives à l’allégement des contribuables (lesquelles sont également souvent appelées les dispositions d’équité)[29]. [68] Si une telle demande est présentée, j’espère que le ministre envisagera sérieusement de ramener les pénalités fédérale et provinciale à un montant bien inférieur au solde dû de 3 863,92 $, indépendamment des pénalités, lorsque la nouvelle cotisation sera établie en vue d’ajouter les montants omis. Signé à Ottawa (Ontario), ce 16e jour d’avril 2012. « Gaston Jorré » Juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 118 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2546(IT)I INTITULÉ : MARTINO KNIGHT c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 27 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Gaston Jorré DATE DU JUGEMENT : Le 16 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Andrew Duncan AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) [1] Je parle de la pénalité pour omission répétée de 10 p. 100 qui est prévue au paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et de la pénalité pour « faute lourde » prévue au paragraphe 163(2) de la Loi. [2] Le chiffre de 100 000 $ est un montant approximatif; en 2012, le chiffre précis est inférieur à 103 205 $. De plus, si le revenu déclaré avant que le montant omis soit ajouté était inférieur au seuil de 103 205 $ et que le revenu, une fois le montant omis ajouté, est supérieur au seuil, la pénalité pour omission pourrait bien être supérieure à la pénalité pour faute lourde dans le cas d’un particulier dont le revenu total est supérieur au seuil de 103 205 $, selon la partie du montant omis qui était inférieure au seuil de 103 205 $ et la partie de ce montant qui était supérieure à ce seuil. [3] Le paragraphe 163(1) est libellé ainsi : Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant. [4] Income Tax Act, RSBC 1996, ch 215, dans sa forme modifiée. Les passages pertinents de l’article 38 sont libellés ainsi : [traduction] (1) Les paragraphes 163(1) et (2) de la Loi fédérale s’appliquent pour l’application de la présente loi; toutefois, en plus de toute autre modification nécessaire, le paragraphe 163(2) de la Loi fédérale doit être interprété sans tenir compte du paragraphe 120(2) et comme si [...] (2) Si un accord de perception est en vigueur, le ministre fédéral peut s’abstenir d’imposer ou peut réduire une pénalité prévue par la présente disposition si la personne qui est passible de la pénalité est tenue de payer une pénalité en vertu de l’article 163 de la Loi fédérale à l’égard du même manquement, ou du même faux énoncé ou de la même omission. [5] J’ai simplifié la description de ce sur quoi la pénalité de 50 p. 100 est imposée; aux fins de la présente analyse, il s’agit d’un énoncé suffisamment exact. [6] Cette hiérarchie est reconnue dans le manuel de vérification de l’Agence du revenu du Canada, où il est dit ce qui suit au chapitre 28.3.1 : « Si le montant du revenu non déclaré est égal ou supérieur à 5 000 $, on doit d’abord envisager l’imposition d’une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la LIR. La pénalité pour omission répétée de déclarer un revenu qui est prévue au paragraphe 163(1) s’appliquerait donc uniquement s’il était impossible de prouver une faute lourde. » (Source : texte reproduit dans TaxPartner 2012 – communiqué 3.) [7] Taux marginal ou taux marginaux étant donné que, lorsque le montant omis qui est ajouté chevauche un seuil, il sera en partie assujetti à une pénalité à la moitié du taux marginal inférieur et en partie assujetti à une pénalité à la moitié du taux marginal supérieur. [8] Lorsque le revenu total déclaré est inférieur à 40 726 $ et que le montant omis augmente le revenu total au‑dessus de 40 726 $, la pénalité pour omission sera supérieure à la pénalité pour faute lourde pour la partie du revenu omis qui augmente le revenu total jusqu’au seuil de 40 726 $. [9] Soit 99,7 p. 100, pour être plus précis. [10] La fin du paragraphe 163(1), où il est prévu qu’un particulier est passible de la pénalité de 10 p. 100 « [...] sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant » semble sans doute donner à penser que personne ne s’attendait à ce que le paragraphe (1) puisse produire une pénalité plus élevée que celle qui est imposée en vertu du paragraphe (2). [11] On pourrait qualifier de régressive la pénalité pour omission, en ce sens que la pénalité, par rapport à la dette fiscale non déclarée, augmente au fur et à mesure que le revenu total du particulier diminue; par contre, la pénalité pour faute lourde est proportionnée, étant donné qu’elle correspond à un taux constant par rapport à la dette fiscale non déclarée. [12] La chose est attribuable au taux d’imposition fixe de 10 p. 100 qui s’applique en Alberta. Étant donné que le taux marginal maximum combiné fédéral et provincial, en Alberta, est de 39 p. 100, la pénalité pour faute lourde correspondant à 50 p. 100 de l’impôt ne peut jamais excéder 19,5 p. 100 du montant omis, de sorte que la pénalité pour omission fédérale et provinciale combinée de 20 p. 100 sera toujours plus élevée. L’article 53 de la Alberta Personal Income Tax Act, RSA 2000, ch A‑30, incorpore l’article 163 de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale. La situation en Ontario se rapproche davantage de celle qui existe en Colombie-Britannique, quoique le seuil auquel la pénalité pour faute lourde est plus élevée que celui de la pénalité pour omission soit différent. [13] Les montants de l’impôt fédéral établi et de l’impôt de la Colombie-Britannique établi, quant à l’impôt total établi initialement et lors de la nouvelle cotisation, figurent à la page 3 de la pièce H jointe à l’affidavit que l’intimée a déposé. La pénalité globale indiquée à la page 3 comprend une pénalité pour production tardive de moins de onze dollars. La première page de la même pièce indique une pénalité fédérale pour omission de 4 087,80 $ et une pénalité provinciale pour omission de 4 087,80 $. [14] Le montant de 3 874,72 $ est le solde dû de 12 050,32 $ de la nouvelle cotisation moins le montant de 8 175,60 $ se rapportant aux pénalités pour omission fédérale et provinciale; c’est ce qui ressort encore une fois de la page 3 de la pièce H jointe à l’affidavit que l’intimée a déposé. Les intérêts sont peu élevés parce qu’il s’était écoulé fort peu de temps entre la cotisation initiale du 1er juin et la nouvelle cotisation du 1er novembre. [15] 211 p. 100 – par opposition à une pénalité maximum de 200 p. 100 du montant qu’un contribuable a cherché à éluder lorsque l’évasion fiscale fait l’objet d’une poursuite sur déclaration de culpabilité. Il serait également possible de mettre en contraste la situation qui existe en l’espèce, dans laquelle des retenues à la source ont été effectuées et où il y avait des feuillets T4, et le paragraphe 11 de la circulaire d’information IC00‑1R2, intitulée : « Programme des divulgations volontaires ». Au paragraphe 11, il est dit ce qui suit : « Si l’ARC accepte qu’une divulgation [volontaire] soit valide puisqu’elle remplit les conditions établies dans la présente politique, il s’agira d’une divulgation valide, et le contribuable ne se verra pas imposer de pénalités et ne sera pas poursuivi par rapport à cette divulgation. » [16] C’est par pur hasard que j’ai pu me faire une idée exacte plutôt que de constater simplement la situation à l’égard de la pénalité fédérale. À l’heure actuelle, la présente cour entend un grand nombre d’appels dans lesquels les déclarations de revenus, les nouvelles cotisations ou les oppositions ne sont pas consignées en preuve; si tel avait été le cas, j’aurais probablement uniquement vu la pénalité fédérale isolément. En l’espèce, j’ai eu l’avantage d’avoir à ma disposition un avis de nouvelle cotisation reconstitué donnant une idée exacte de la nouvelle cotisation : impôt fédéral, impôt provincial, cotisations au titre de l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. [17] La Cour n’a pas compétence à l’égard d’appels de cotisations établies en vertu de la Income Tax Act de la Colombie‑Britannique. Toutefois, en pratique, lorsque l’appel d’une cotisation fédérale est accueilli et que la conséquence logique de la modification apportée à la cotisation fédérale donne lieu à une modification similaire de la cotisation provinciale, le ministre du Revenu national établira en conséquence une nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt provincial; par conséquent, la plupart des litiges provenant de la Colombie-Britannique sont réglés par la décision rendue dans l’appel fédéral. [18] Voir le paragraphe 34 ci-dessus. [19] 2011 CCI 208, paragraphe 9. [20] Et je n’ai pas à décider si la pénalité peut s’appliquer s’il est démontré que le contribuable a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission antérieure. [21] Voir le paragraphe 23 de la décision que le juge Boyle a rendue dans l’affaire Dunlop c. la Reine, 2009 CCI 177, 2009 DTC 1124, et le texte du Guide général d’impôt et de prestations 2009, à la page 8, sous le titre : « Que faire s’il vous manque des feuillets ou des reçus? » ainsi qu’à la page 55, sous le titre : « Comment faire modifier une déclaration? ». [22] 2011 CCI 208. [23] 2009 CCI 177, 2009 DTC 1124. [24] 2011 CCI 179, 2011 DTC 1142. [25] 2010 CCI 198, 2010 DTC 1147. [26] Voir le paragraphe 9 de la décision Franck. [27] Je n’ai pas entendu l’appelant invoquer cet argument, mais je note que dans la décision Perusco c. La Reine, 2011 CCI 409, [2012] 1 C.T.C. 2161, l’argument selon lequel la pénalité prévue au paragraphe 163(1) ne peut pas s’appliquer lorsque l’employeur a déclaré le revenu a été rejeté. [28] Aucun argument fondé sur la Charte n’a été invoqué, mais je note que dans la décision Perusco c. la Reine, 2011 CCI 409, [2012] 1 C.T.C. 2161, un argument fondé sur les articles 7 et 12 de la Charte des droits et libertés a été rejeté. [29] Paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale et article 38 de la Income Tax de la Colombie‑Britannique. Je note qu’il n’y a rien au paragraphe 220(3.1) qui empêche le ministre d’agir de sa propre initiative, même en l’absence d’une demande.
2012 CCI 119
TCC
2,012
Gallant c. La Reine
fr
2012-04-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30770/index.do
2022-09-04
Gallant c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-11 Référence neutre 2012 CCI 119 Numéro de dossier 2011-2415(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2415(IT)I ENTRE : ALLEN D. GALLANT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 22 mars 2012, à Vancouver (Colombie‑Britannique) Devant : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Représentant de l’appelant : Basil Jessome Avocat de l’intimée : Me Jonathan Wittig ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 2012 Hélène Tremblay, traductrice Référence : 2012 CCI 119 Date : 20120411 Dossier : 2011-2415(IT)I ENTRE : ALLEN D. GALLANT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] À la fin de 2005, Allen Gallant avait accumulé des montants pour études, pour frais de scolarité et pour manuels prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui pouvaient être reportés sur des années d’imposition ultérieures. Le montant total reporté s’élevait à 32 479 $. Il s’agit de déterminer de quelle manière ce montant devrait être appliqué aux années d’imposition 2006 et 2007. [2] L’appelant avance qu’il devrait avoir le droit de reporter 25 780,47 $ sur l’année 2006 et 6 698,53 $ sur l’année 2007. L’intimée est d’avis que l’appelant doit reporter 29 521,31 $ sur l’année 2006 et 2 957,69 $ sur l’année 2007. [3] La question n’a aucune incidence sur l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2006, étant donné qu’aucun impôt n’est à payer pour cette année‑là, quel que soit le scénario retenu. La question a une incidence sur l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2007 seulement. [4] La disposition qui s’applique est l’article 118.61 de la Loi, qui était rédigé en ces termes en 2007. 118.61(1) Crédits d’impôt inutilisés pour études, frais de scolarité et manuels. Pour l’application du présent article, la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels d’un particulier à la fin d’une année d’imposition correspond à la somme obtenue par la formule suivante : A + (B - C) - (D + E) où A représente la somme déterminée selon le présent paragraphe relativement au particulier à la fin de l’année d’imposition précédente; B le total des sommes dont chacune est déductible en application des articles 118.5 ou 118.6 dans le calcul de l’impôt à payer par le particulier en vertu de la présente partie pour l’année; C la valeur de l’élément B ou, si elle est inférieure, la somme qui correspondrait à l’impôt à payer par le particulier en vertu de la présente partie pour l’année si aucune somme, sauf celles visées au présent article et aux articles 118, 118.01, 118.02, 118.03, 118.3 et 118.7, n’était déductible en application de la présente section; D la somme que le particulier peut déduire en application du paragraphe (2) pour l’année; E les crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels que le particulier a transférés pour l’année à son époux ou conjoint de fait, son père, sa mère, son grand‑père ou sa grand‑mère. (2) Déduction du montant reporté. Le moins élevé des montants suivants est déductible dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition : a) la somme déterminée selon le paragraphe (1) relativement au particulier à la fin de l’année d’imposition précédente; b) la somme qui correspondrait à son impôt payable en vertu de la présente partie pour l’année si aucune somme, sauf celles visées au présent article et aux articles 118, 118.01, 118.02, 118.03, 118.3 et 118.7, n’était déductible en application de la présente section. (3) Crédits d’impôt pour frais de scolarité et pour études inutilisés à la fin de 2000. [Abrogé, 2007, ch. 2, par. 24(3).] (4) Modification du taux de base. Pour ce qui est du calcul du montant déductible en application des paragraphes (2) ou 118.6(2.1) dans le calcul de l’impôt à payer par un particulier pour une année d’imposition dans le cas où le taux de base pour l’année diffère de celui pour l’année d’imposition précédente, la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels du particulier à la fin de l’année précédente est réputée correspondre à la somme obtenue par la formule suivante : A/B × C où A représente le taux de base pour l’année; B le taux de base pour l’année précédente; C la somme qui correspondrait à la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels du particulier à la fin de l’année précédente si le présent article s’appliquait compte non tenu du présent paragraphe. [5] L’interprétation des dispositions reproduites ci‑dessus n’est pas contestée dans le présent appel. Le représentant de l’appelant, qui a préparé les déclarations de revenus, admet que les cotisations ont été établies conformément à ces dispositions. [6] La question soulevée par l’appelant ne porte pas sur la loi mais sur un formulaire (Annexe 11) que les contribuables doivent utiliser pour calculer la déduction et joindre ensuite à leur déclaration de revenus. [7] Le problème tient au fait que la déduction demandée par l’appelant sur la foi de l’Annexe 11 est plus élevée que la déduction prévue par la loi. [8] L’appelant a utilisé le formulaire pour calculer la déduction. Le calcul a été accepté dans un premier temps, puis rejeté, après que l’appelant a demandé une modification à la déclaration de revenus en 2009. Une nouvelle cotisation a alors été établie afin que la déduction soit conforme à la loi. [9] L’appelant affirme que l’Agence du revenu du Canada (ARC) est malvenue d’utiliser, dans ses calculs, une méthode différente de celle contenue dans ses propres formulaires. [10] Le problème que pose l’Annexe 11 est que le montant de la déduction qui est calculée à l’aide de ce formulaire est plus élevé lorsque le taux marginal d’imposition du contribuable est supérieur aux taux minimal. Le problème est décrit ci-après dans un passage d’une lettre de l’agent d’appels à l’appelant. [traduction] La méthode de calcul utilisée dans l’Annexe 11 pour établir le montant à reporter s’appuie sur l’hypothèse que les crédits pour frais de scolarité et l’impôt à payer sont calculés selon le même taux d’imposition. Le formulaire ne tient pas compte du fait qu’un montant plus élevé peut être requis lorsque le montant reporté au titre des frais de scolarité est appliqué à une année d’imposition au cours de laquelle une partie du revenu du contribuable est assujetti à un taux d’imposition plus élevé. Il aurait fallu que votre client reporte un montant de 29 520 $ au titre des frais de scolarité pour ramener à néant l’impôt fédéral payable pour l’année d’imposition 2006. Analyse [11] Je tiens à dire en commençant que je suis de l’avis de l’appelant quant à ce qu’il soit injuste que l’ARC demande à un contribuable d’utiliser un formulaire pour calculer une déduction et utilise ensuite une méthode différente pour établir une nouvelle cotisation. Les contribuables devraient pouvoir utiliser en toute confiance les formulaires qu’ils doivent joindre à leurs déclarations de revenus. Aucune indication n’a été donnée que les contribuables ont été prévenus du problème lié à l’Annexe 11. [12] La situation est aggravée, en l’espèce, par le fait que l’ARC n’a relevé le problème que fortuitement, lorsque l’appelant a demandé d’apporter une modification à sa déclaration de revenus. J’en déduis que la cotisation établie à l’égard de la plupart des contribuables est fondée uniquement sur les calculs contenus dans le formulaire. [13] Il ne suffit pas, cependant, que le contribuable ait été traité de façon inéquitable par l’ARC. En général, cela ne donne pas droit à un recours devant la Cour. [14] En l’instance, le représentant de l’appelant affirme que les motifs de la préclusion en equity devraient s’appliquer, car il y a eu une assertion inexacte de fait. [15] Il va de soi que la théorie de la préclusion ne peut pas lier la Couronne en ce qui concerne la loi : Goldstein v The Queen, 96 DTC 1029 (CCI). Cette théorie peut cependant s’appliquer dans le cas d’assertions inexactes de faits : Rogers v The Queen, 98 DTC 1365 (CCI). [16] L’argument qui joue en faveur de l’application de la théorie de la préclusion en l’espèce est le fait que l’ARC a indiqué à tort à l’appelant que l’article 118.61 serait appliqué conformément au formulaire. Pour autant que je sache, le formulaire n’a jamais été modifié. [17] Il m’est difficile d’accorder une réparation, car je dois tenir compte du principe primordial selon lequel la théorie de la préclusion ne peut pas être invoquée pour empêcher l’exercice d’une obligation prévue par la loi. Le principe a été exposé par le juge suppléant Chevalier dans l’arrêt Ludmer v The Queen, 95 DTC 5311 (C.A.F.), à la page 5314 : Dans l'arrêt Canada v. Lidder, [1992] 2 C.F. 621, monsieur le juge Marceau écrit (page 625) : On ne saurait invoquer la théorie de la fin de non-recevoir pour empêcher l'exercice d'une obligation prévue par la loi — en l'occurrence, l'obligation pour l'agent de traiter la demande présentée — ni pour conférer un statut défini par la loi à une personne qui n'est pas, à l'évidence, visée par la définition légale. En fait, le bon sens dicterait qu'on ne puisse omettre d'appliquer la règle en raison de la déclaration fausse, de la négligence ou de la simple présentation inexacte des faits de la part d'un fonctionnaire gouvernemental. Au cours du débat, on a laissé entendre que si la théorie de la fin de non‑recevoir ne pouvait s'appliquer, la théorie connexe de « l'expectative raisonnable ou légitime » le pourrait peut-être. Cette proposition était vaine parce que cette théorie connaît la même limite qui restreint la théorie de la fin de non‑recevoir. Une autorité publique se trouve peut-être liée par ses engagements quant à la procédure qu'elle va suivre, mais elle ne peut en aucun cas se mettre en situation de conflit avec ses obligations et faire fi des exigence [sic] de la loi. Comme l'a récemment répété le juge Sopinka lorsqu'il a rédigé l'arrêt de la Cour suprême Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, aux pages 557 et 558 : Or, ni la jurisprudence canadienne, ni celle d'Angleterre, n'appuient la position suivant laquelle la théorie de l'expectative légitime peut créer des droits fondamentaux. Cette théorie fait partie des règles de l'équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s'applique, elle peut faire naître le droit de présenter des observations ou d'être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation. [18] Il n’est pas loisible à la Cour de réexaminer ce principe. Je tiens également à noter que l’obligation qui est faite par la loi d’établir les cotisations conformément à la loi a récemment été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CIBC World Markets Inc. v The Queen, 2012 FCA 3. Au paragraphe 22, le juge Stratas a déclaré : [traduction] 22 La Cour est liée par la décision qu’elle a rendue dans l’arrêt Galway c. Ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 (C.A.). Dans cette décision, le juge en chef Jackett, s’exprimant au nom de la Cour, a déclaré (page 602) que « le Ministre a l'obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l'impôt exigible d'après les faits qu'il établit et en conformité de son interprétation de la loi. » « Il s'ensuit », dit‑il, « qu[e le Ministre] ne peut établir une cotisation pour un certain montant fixé afin de donner effet à un compromis ». Le Ministre est obligé d’établir la cotisation « d'après les faits et en conformité de la loi, et non pour donner effet à un compromis ». Voir également l’arrêt Cohen v. The Queen, [1980] C.T.C. 318 (C.A.F.). [19] Je dois donc rejeter l’appel, mais c’est avec infiniment de regret que je prends cette décision. Vu la situation injuste dans laquelle se trouve l’appelant, j’exhorterais l’intimée à renvoyer le dossier au ministère concerné afin qu’on examine la possibilité d’accorder une mesure de réparation discrétionnaire. [20] Pour finir, je tiens à noter que l’appel relatif à l’année d’imposition 2006 serait rejeté de toute façon, car la cotisation porte qu’aucun impôt n’est payable : Canada c Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, 2007 DTC 5342. Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 2012 Hélène Tremblay, traductrice RÉFÉRENCE : 2012 CCI 119 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2415(IT)I INTITULÉ : ALLEN D. GALLANT c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 11 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelant : Basil Jessome Avocat de l’intimée : Me Jonathan Wittig AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 120
TCC
2,012
Bioartificial Gel Technnologies (Bagtech) inc c. La Reine
fr
2012-04-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30773/index.do
2022-09-04
Bioartificial Gel Technnologies (Bagtech) inc c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-12 Référence neutre 2012 CCI 120 Numéro de dossier 2009-3734(IT)G Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-3734(IT)G ENTRE : PRICE WATERHOUSE COOPERS INC. AGISSANT ÈS QUALITÉ DE SYNDIC À LA FAILLITE DE BIOARTIFICIAL GEL TECHNOLOGIES (BAGTECH) INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appels entendus le 17 octobre 2011, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Isabelle Pillet Avocates de l'intimée : Me Anne-Marie Boutin Me Marie-Aimée Cantin ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005 sont accueillis, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2012 CCI 120 Date : 20120412 Dossier : 2009-3734(IT)G ENTRE : PRICE WATERHOUSE COOPERS INC. AGISSANT ÈS QUALITÉ DE SYNDIC À LA FAILLITE DE BIOARTIFICIAL GEL TECHNOLOGIES (BAGTECH) INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] Durant les années d’imposition terminées les 31 décembre 2004 et 2005 (les « années pertinentes »), la société Bioartificial Gel Technologies (BAGTECH) Inc. (« Bagtech ») a engagé des dépenses courantes de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») et des dépenses en capital de RS&DE. Pour déterminer le crédit d’impôt à l’investissement (« CII ») de Bagtech pour la RS&DE pour les années pertinentes, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a conclu que Bagtech n’était pas une « société privée sous contrôle canadien » (« SPCC ») au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu ( la « LIR »). En conséquence, le ministre a conclu que Bagtech, au cours des années pertinentes, était une « société non admissible » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR et qu’elle n’avait pas droit au « crédit d’impôt à l’investissement remboursable » prévu au paragraphe 127.1(1) de la LIR. [2] La seule question en litige est la suivante : est-ce que Bagtech était une SPCC, selon le paragraphe 125(7) de la LIR? Cette définition se lit comme suit : 125(7) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article. […] « société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l’exception des sociétés suivantes : a) la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non-résidentes, par une ou plusieurs sociétés publiques (sauf une société à capital de risque visée par règlement), par une ou plusieurs sociétés visées à l’alinéa c) ou par une combinaison de ces personnes ou sociétés; b) si chaque action du capital-actions d’une société appartenant à une personne non-résidente, à une société publique (sauf une société à capital de risque visée par règlement) ou à une société visée à l’alinéa c) appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière; c) la société dont une catégorie d’actions du capital-actions est cotée à une bourse de valeurs désignée; d) pour l’application du paragraphe (1), des alinéas 87(2)vv) et ww) (compte tenu des modifications apportées à ces alinéas par l’effet de l’alinéa 88(1)e.2)), des définitions de « compte de revenu à taux général », « compte de revenu à taux réduit » et « désignation excessive de dividende déterminé » au paragraphe 89(1) et des paragraphes 89(4) à (6) et (8) à (10) et 249(3.1), la société qui a fait le choix prévu au paragraphe 89(11) et qui ne l’a pas révoqué selon le paragraphe 89(12). [3] L’appelante soutient essentiellement qu’une « personne donnée » ne contrôle pas Bagtech du seul fait qu’elle détient plus de 50 % des actions avec droit de vote, puisqu’elle est liée par la convention unanime des actionnaires (la « CUA ») qui l’empêche d’élire la majorité des administrateurs de Bagtech (voir l’annexe 1). Par ailleurs, l’intimée soutient que pour l’application de l’alinéa b) de la définition de l’expression « société privée sous contrôle canadien » au paragraphe 125(7) de la LIR, l’on ne doit pas tenir compte des conventions entre actionnaires ou des conventions unanimes des actionnaires. Dans l’éventualité où la Cour concluait qu’il faut tenir compte de l’existence d’une convention unanime des actionnaires pour vérifier si le « contrôle » prévu à l’alinéa b) de la définition de l’expression « société privée sous contrôle canadien » est exercé par la « personne donnée », l’intimée soutient que la « personne donnée » avait quand même le contrôle de jure pendant les années pertinentes. En effet, l’intimée soutient que si l’on tient compte des clauses ayant la nature d’une convention unanime des actionnaires, le contrôle de droit n’a pas été retiré des actionnaires non‑résidents qui sont, ensemble, les actionnaires majoritaires, puisque : a) les clauses ayant la nature d’une convention unanime des actionnaires n’ont pas eu pour effet de retirer le contrôle de jure des actionnaires non-résidents, qui sont majoritaires; b) la majorité des clauses de la convention unanime des actionnaires prévoient qu’elles seront mises en application par voie d’une résolution ordinaire. Les non-résidents contrôlent donc la prise de décisions quant à ces clauses. [4] Les parties ont convenu d’une « entente sur les faits, question en litige et documents » (pièce A-1) dont je reproduis ici intégralement la section sur les faits : ENTENTE SUR LES FAITS, QUESTION EN LITIGE ET DOCUMENTS DÉPOSÉS DE CONSENTEMENT 1. FAITS PERTINENTS ADMIS PAR LES PARTIES 1.1 La société Bioartificial Gel Technologies (BAGTECH) inc. (« Bagtech ») a été constituée le 8 mars 1996, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA »). 1.2 C’est une société canadienne imposable telle que définie au sens du paragraphe 89(1) de la Loi sur les impôts (Canada) (« LIR »). 1.3 Suite à l’acquisition de technologies brevetées, Bagtech s’est spécialisée dans des technologies médicales de pointes, notamment le développement de plusieurs gammes de pansements humides permettant la cicatrisation accélérée de différents types de plaies. 1.4 Depuis le début de ses opérations et tout au long des années d’imposition 2004 et 2005 se terminant chacune le 31 décembre (« années d’imposition 2004 et 2005 »), Bagtech a effectué des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE »). 1.5 Au cours de l’année d’imposition 2004, Bagtech a encouru des dépenses courantes de RS&DE pour un montant de 1 017 722 $ et des dépenses de nature capital de RS&DE pour un montant de 431 517 $. 1.6 Au cours de l’année d’imposition 2005, Bagtech a encouru des dépenses courantes de RS&DE pour un montant de 1 461 189 $ et des dépenses de nature capital de RS&DE pour un montant de 69 641 $. 1.7 Le capital-actions autorisé de Bagtech se compose d’actions de catégorie A, B, C, D et E. 1.8 Seules les actions de catégorie A sont votantes et participantes. 1.9 Les actions de catégorie B et C portent un dividende non cumulatif à un taux maximum de 8% et sont rachetables au montant du capital déclaré. 1.10 Les actions de catégorie D et E portent un dividende non cumulatif à un taux maximum de 8% et sont rachetables au montant déclaré plus une prime équivalant à la différence entre le montant déclaré et la juste valeur marchande des biens reçus par la société lors de l’émission de ces actions. 1.11 Tout au long des années d’imposition 2004 et 2005, seule une action de catégorie D était en circulation et avait été émise, lors de l’incorporation, en faveur de M. Guy Fortier (« Fortier »), résident canadien, en contrepartie de certaines technologies. 1.12 Toutes les autres actions émises et en circulation étaient de catégorie A. 1.13 Lors de la première ronde de financement effectuée en 1998, le Fonds régional de solidarité de l’île de Montréal (Québec, Canada) (« FRSIM ») et le Fonds de Solidarité des travailleurs du Québec (F.T.Q.) (Québec, Canada) (« FSTQ ») ont participé à la souscription d’actions de catégorie A de Bagtech. 1.14 Les autres investisseurs étaient un groupe représenté par les fondateurs de Bagtech, et seuls des investisseurs résidents du Canada étaient actionnaires de Bagtech. 1.15 En 1999, deux business angels européens ont souscrit au capital-actions de Bagtech, et en 2000, deux autres sociétés de capital de risque ont souscrit au capital-actions : la SGF Santé Inc. (Québec, Canada) (« SGF ») et Finedix B.V. (Amsterdam, Pays-Bas) (« Finedix »). 1.16 En 2002, les sociétés de capital de risque suivantes ont souscrit au capital-actions de Bagtech : Medco SA (Genève, Suisse) (« Medco »), Schroder & Co. Bank AG (Zurich, Suisse) (« Schroder ») et Gutrafin Limited (Londres, Angleterre) (« Gutrafin »), faisant en sorte que 45,31% des actions de catégorie A en circulation étaient alors détenues par des non-résidents du Canada. 1.17 En 2003, lors d’une ronde de financement additionnel, plusieurs actionnaires ont acquis de nouvelles actions de Bagtech de catégorie A, à savoir la société de capital de risque Auriga Ventures II (Paris, France) (« Auriga »), et deux business angels, soit M. Youri Popowski (Genève, Suisse) (« Popowski ») et Investissements Onami inc. (Québec, Canada) (« Onami »). 1.18 Le 11 septembre 2003, les actionnaires de Bagtech ont signé un document intitulé « convention unanime entre actionnaires » (« CUA ») comportant notamment les clauses suivantes : « REGLES DE REGIE INTERNE Article 3.1 Sous réserve des dispositions qui suivent, pendant la durée de cette Convention, les Actionnaires s’engagent à prendre les mesures nécessaires et à utiliser les droits de vote rattachés aux Actions qu’ils détiennent pour élir et maintenir au sein du Conseil d’administration sept (7) Administrateurs. Article 3.2 En date des présentes, les Actionnaires conviennent que le Conseil d’administration sera composé des représentants désignés par les Actionnaires ci-après indiqués : Groupe A 2 administrateurs (incluant Marie-Pierre Faure) Groupe B 3 administrateurs (dont un désigné conjointement par FSTQ et FRSIM, un désigné par SGF et un autre par Auriga) Groupe C 2 administrateurs (incluant M. André Lamotte) » 1.19 En vertu de la définition présentée à l’article 1.21 de la CUA, le Groupe A se compose des actionnaires suivants : Mme Marie-Pierre Faure (« Faure »), Fortier, M. Richard J. Deckelbaum (« Deckelbaum »), M. Jean Emmanuel Raphael Guetta (« Guetta »), Amaze par le biais de son administrateur délégué, M. Richard Émile Azera (« Amaze »), M. Jean-François Brisson (« Brisson »), Mme Marie-Claude Lévesque (« Lévesque »), Mme Marielle Robert (« Robert »), Popowski et Onami. 1.20 En vertu de la définition présentée à l’article 1.22 de la CUA, le Groupe B se compose des actionnaires suivants : SGF, FSTQ, FRSIM, Finedix et Auriga, dans lequel SGF désigne un administrateur et FSTQ et FRSIM, conjointement, en désignent un deuxième. 1.21 En vertu de la définition présentée à l’article 1.22 de la CUA, le Groupe C se compose des actionnaires suivants : Medco, Gutrafin et Schroder, lequel désigne deux administrateurs, dont M. Collin Bier qui agira à titre de président du conseil d’administration. 1.22 Au 31 décembre 2004, plus de 60% des actions de catégorie A en circulation étaient détenues par des non-résidents du Canada. 1.23 De la période du 1er janvier au 21 juillet 2005, l’actionnariat de Bagtech était le même que celui existant au 31 décembre 2004. 1.24 Le 22 juillet 2005, d’autres investisseurs ont souscrit au capital-actions de Bagtech, soit HSBC (Suisse), Auxitec (France), Ayman (Suisse) et Bagadine (France). 1.25 Suite à la souscription d’actions par ces investisseurs au capital-actions de Bagtech, les clauses 3.1 et 3.2 de la CUA furent modifiées par amendement à la CUA en date du 22 juillet 2005 pour y indiquer que le nombre d’administrateurs de Bagtech passerait de 7 à 8, et que le nombre d’administrateurs nommés par le Groupe C passerait de 2 à 3, dont l’un d’eux serait désigné par Bagadine. 1.26 Au 31 décembre 2005, plus de 70% des actions de catégorie A en circulation étaient détenues par des non-résidents du Canada. 1.27 Lors de la production de la déclaration originale de Bagtech pour ses années d’imposition 2004 et 2005, la société ne fut pas désignée à titre de « société privée sous contrôle canadien » (« SPCC »). 1.28 Le ou vers le 1er juin 2007, en vertu du paragraphe 127.1(1) de la LIR, un formulaire prescrit amendé fut produit pour les années d’imposition 2004 et 2005, afin que le statut de Bagtech soit inscrit à titre de SPCC et « société admissible », que les crédits d’impôt à l’investissement remboursables applicables au taux de 35% lui soit accordé au lieu de 20% initialement réclamé, et qu’un remboursement d’une partie de ce crédit lui soit versé. 1.29 Le 21 octobre 2008, la société Bagtech a fait cession de ses biens et la société Price Waterhouse Coopers inc. fut nommée à titre de syndic à la faillite de Bagtech. 1.30 Le 3 novembre 2008, l’ARC faisait part de sa décision à l’effet que la société Bagtech n’était pas, selon elle, une société privée sous contrôle canadien au cours des années d’imposition 2004 et 2005. 1.31 Le 9 avril 2009, l’ARC a émis un « avis de détermination de perte pour les années d’imposition 2004 et 2005. Analyse et conclusion [5] Selon l’alinéa b) de la définition d’une SPCC au paragraphe 125(7) de la LIR, une société n’est pas une SPCC dans le cas où, si chaque action de la société appartenant à une personne non‑résidente ou à une société publique appartenait à une « personne donnée », la société serait alors contrôlée par cette dernière. [6] Comme le précise l’arrêt Sedona Networks Corp. c. La Reine, 2007 CAF 169, l’analyse selon l’alinéa b) doit s’effectuer en deux étapes. D’une part, il faut déterminer quelles sont les personnes non-résidentes et les sociétés publiques, et supposer que leurs actions appartiennent à une « personne donnée ». D’autre part, une fois cette attribution effectuée, il faut déterminer si la société serait contrôlée par cette « personne donnée ». En l’espèce, la preuve a révélé que le 31 décembre 2004, 62,52 % des actions de catégorie A en circulation de Bagtech (les actions de catégorie A étant durant cette année les seules actions avec droit de vote de Bagtech) étaient détenues par des non-résidents du Canada. La preuve a aussi révélé que le 31 décembre 2005, 70,42 % des actions de catégorie A en circulation de Bagtech (les actions de catégorie A étant durant cette année les seules actions avec droit de vote de Bagtech) étaient détenues par des non-résidents du Canada. [7] La question à laquelle il faut répondre maintenant est la suivante : bien que la « personne donnée » détienne 62,52 % et 70,42 % des actions en circulation de catégorie A de Bagtech le 31 décembre 2004 et le 31 décembre 2005 respectivement, est-ce que la « personne donnée » contrôlait pour autant Bagtech durant ces années? Pour répondre à cette question, nous devons déterminer le sens du mot « contrôle » aux fins de la LIR. [8] Les tribunaux ont dû se prononcer à plusieurs reprises sur le contrôle, puisqu’il n’en existe aucune définition dans la LIR. [9] La décision qui fait autorité en matière de contrôle est Buckerfield’s Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1965] 1 R.C.É. 299, dans laquelle le président Jackett a écrit : [TRADUCTION] On pourrait sans doute adopter de nombreuses méthodes pour la définition du mot « contrôle » figurant dans un texte tel que la Loi de l'impôt sur le revenu. Il pourrait par exemple s'agir du contrôle exercé par les « dirigeants », lorsque les dirigeants et le conseil d'administration sont distincts, ou il pourrait s'agir du contrôle exercé par le conseil d'administration. [...] Le mot « contrôle » pourrait peut-être s'entendre du contrôle de fait exercé par un ou plusieurs actionnaires, qu'ils détiennent ou non la majorité des actions. Je suis d'avis cependant que, dans l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot « contrôlées » évoque le droit de contrôle auquel donne lieu le fait de détenir un nombre d'actions tel qu'il confère la majorité des voix à leur détenteur dans l'élection du conseil d'administration. [Je souligne.] Voir British American Tobacco Co. v. I.R.C., [1943] 1 All E.R. 13, où le lord chancelier, le vicomte Simon, a déclaré, à la p. 15 : Les détenteurs de la majorité des voix dans une société sont ceux qui ont le contrôle réel de ses affaires et de ses destinées. [10] Cet extrait de la Cour de l’Échiquier fut par la suite cité et approuvé à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada (la « CSC »), notamment dans les arrêts Ministre du Revenu national c. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd., [1967] R.C.S. 223, Vina-Rug (Canada) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1968] R.C.S. 193, R. c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288, et Duha Printers (Western) Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 795. [11] Il ressort clairement de cette jurisprudence qu’aux fins de la LIR, le « contrôle » d’une société s’entend du contrôle de jure et non pas du contrôle de facto. Somme toute, la décision Buckerfield’s nous enseigne que le critère consiste à décider si l’actionnaire majoritaire exerce un « contrôle réel » sur les « affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort du « fait de détenir un nombre d’actions tel qu’il confère la majorité des voix à leur détenteur dans l’élection du conseil d'administration ». [12] Une précision importante fut par la suite apportée aux commentaires tenus par le président Jackett dans la décision Buckerfield’s. En effet, la CSC souligne dans l’arrêt Imperial General Properties Ltd., précité, au par. 11, que pour déterminer l'existence du contrôle de jure, « une cour n'est pas restreinte à une interprétation très formaliste et étroite des droits qui, en vertu de la loi, sont liés aux actions d'une société ». En fait, le plus haut tribunal du pays reprend l’essentiel des propos du juge Thurlow dans la décision Donald Applicators Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1969] 2 R.C. de l’É. 43, confirmée par [1971] R.C.S. v., et affirme que « la cour n'est pas astreinte non plus à examiner ces droits dans le seul contexte de leur application immédiate lors d'une assemblée de la société » et que, au contraire, « ces droits doivent s'évaluer selon leur effet "à long terme" » (Imperial General Properties Ltd, précité, au par. 11). [13] Or, bien que les administrateurs aient généralement, en vertu de la loi qui régit la société, le droit explicite de gérer les activités courantes de la société, l'actionnaire majoritaire exerce indirectement ce contrôle en raison de son droit d'élire le conseil d'administration. Ainsi, c'est sans aucun doute l'actionnaire majoritaire, et non pas les administrateurs eux-mêmes, qui exerce un contrôle « à long terme » sur la société : voir British American Tobacco Co. c. I.R.C., [1943] 1 All E.R. 13, à la p. 15. [14] Enfin, la dernière décision importante au sujet de la règle du contrôle de jure établie par Buckerfield’s est certes la décision de la CSC dans Duha Printers. [15] Dans cet arrêt, le fait que le critère pertinent était celui du contrôle de jure ne faisait pas vraiment l'objet de contestation entre les parties. Le différend portait plutôt sur les facteurs qui peuvent être pris en considération pour déterminer s'il y a contrôle de jure. [16] Le juge Iacobucci amorce son analyse en répétant que « l'application formaliste d'un critère comme celui énoncé dans Buckerfield's, qui ne tient pas compte suffisamment de la raison d'être de ce critère, peut mener à un résultat malheureusement artificiel » (Duha Printers, précité, au par. 37). À cet égard, rappelons que l’objectif central du critère de Buckerfield's est de déterminer où est situé le contrôle véritable de la société. [17] La CSC vient ensuite à la conclusion qu’en règle générale, « les conventions externes ne doivent pas être prise en considération comme constituant des facteurs déterminants quant au contrôle de jure » : aux par. 51 et 55. [18] Ce raisonnement de la CSC trouve sa justification dans le principe selon lequel le contrôle de jure demeure le contrôle conféré par la majorité des voix dans une société. Quoique la CSC ait parfois été disposée à examiner des facteurs autres que le registre des actionnaires d’une société, son examen s’est toujours limité aux actes constitutifs et non aux conventions externes. La seule exception à cette règle se trouve dans des affaires comme Ministre du Revenu national c. Consolidated Holding Co., [1974] R.C.S. 419, où la capacité même d'agir était limitée par des documents externes, mais jusqu'à ce jour, cette exception ne s’est manifestée que lorsque les actions étaient détenues par des fiduciaires : aux par. 48 à 50. [19] De plus, le juge Iacobucci accorde une certaine importance au fait que, « les contribuables comptent beaucoup sur la certitude et la prévisibilité que peut offrir la Loi de l’impôt sur le revenu ». Il est donc tout à fait souhaitable, de l’avis de la CSC, « d'utiliser un critère simple comme celui qui a été appliqué depuis Buckerfield's » : par. 52. « La notion de facto a été rejetée parce qu'elle oblige à vérifier qui exerce le contrôle de fait, ce qui peut conduire à une multitude d'indices susceptibles d'exister outre ces sources » : par. 58. [20] Par conséquent, le juge Iacobucci écarte la possibilité d’examiner les conventions externes lors de l’analyse du contrôle de jure et précise que : […] les conventions entre les actionnaires, les conventions en matière de droits de vote, et ainsi de suite, sont généralement des ententes que les tribunaux n'examinent pas pour vérifier qui exerce le contrôle. À mon avis, cela s'explique par le fait qu'elles créent des obligations contractuelles et non des obligations juridiques ou tenant d'un acte constitutif. (par. 59) [21] Par la suite, le juge Iacobucci examine la question de savoir si une convention unanime des actionnaires doit être considérée comme étant de nature contractuelle ou comme tenant d’un acte constitutif. [22] La CSC tranche la question en déterminant qu’une convention unanime des actionnaires est « une création hybride du droit des sociétés, qui est en partie contractuelle et qui tient en partie d’un acte constitutif » (par. 66). Cela étant dit, la CSC prend bien soin de préciser par la suite que l’aspect de la convention unanime des actionnaires qui tient d’un acte constitutif est encore plus puissant que son caractère contractuel : par. 67. [23] En conséquence, si une convention peut être considérée comme une convention unanime des actionnaires (« CUA ») au sens de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « L.c.s.a. »), il faut en tenir compte tout comme les actes constitutifs de la société afin de trancher la question du contrôle de jure. Le raisonnement juridique à la base du principe selon lequel une convention unanime des actionnaires peut jouer un rôle vital lors de l’analyse du contrôle de jure est bien résumé par les quelques lignes qui suivent, écrites par le juge Iacobucci : Comme je l'ai affirmé, le but essentiel du critère de Buckerfield's est de déterminer où est situé le contrôle véritable de la société. À mon sens, il est impossible d'affirmer qu'un actionnaire a acquis ce contrôle du seul fait qu'il est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration, alors que ce conseil n'a peut-être même pas réellement le pouvoir de prendre une seule décision importante au nom de la société. Le contrôle de jure d'une société par un actionnaire dépend d'une manière très réelle du contrôle exercé par la majorité des administrateurs dont l'élection est contrôlée par cet actionnaire. Quand un acte constitutif comme une CUA prévoit que le pouvoir légal de gérer la société est conféré à une autre personne qu'au conseil d'administration, le contrôle de jure véritable change nécessairement de mains et le tribunal doit reconnaître cette réalité. (par. 70) [24] En d’autres mots, le registre des actionnaires devrait être examiné en tenant compte des dispositions légales pertinentes régissant les sociétés (en l’espèce la L.c.s.a.) et des actes constitutifs de la société (auxquels les conventions unanimes des actionnaires doivent être assimilées). Les conventions externes n'ont cependant pas leur place dans cette analyse, puisqu’elles ne sont pertinentes que relativement au contrôle de facto. [25] Finalement, la CSC conclut en faisant la mise en garde que « le simple fait que les actionnaires d'une société aient conclu une CUA n'a pas automatiquement pour effet de dépouiller du contrôle de jure un actionnaire qui détient la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration ». Il importe d’examiner dans quelle mesure les dispositions d’une convention unanime des actionnaires restreignent ou retirent les pouvoirs des administrateurs : par. 81. « Il est possible de déterminer si le contrôle de jure a été perdu par suite d’une CUA en se demandant si cette CUA laisse à l'actionnaire majoritaire quelque moyen d'exercer un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au pouvoir d'élire la majorité des membres du conseil d'administration (tel que prévu par le critère de Buckerfield's) » (par. 82). [26] Le paragraphe 85 de l’arrêt Duha Printers résume très bien l’état du droit à l’égard de la notion de « contrôle ». Ce paragraphe se lit comme suit : [85] Il peut être utile, à ce stade, de résumer les principes du droit des sociétés et du droit fiscal étudiés dans le présent pourvoi, étant donné leur importance. Ces principes sont les suivants : (1) Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise le contrôle de jure, et non pas le contrôle de facto. (2) Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité : il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un « contrôle effectif » sur « les affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort de la « propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration ». (3) Pour décider s'il y a « contrôle effectif », il faut prendre en considération ce qui suit : a) la loi qui régit la société; b) le registre des actionnaires de la société; c) toute restriction, particulière ou exceptionnelle, imposée soit au pouvoir de l'actionnaire majoritaire de contrôler l'élection du conseil, soit au pouvoir du conseil de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société, qui ressort de l'un ou l'autre des documents suivants : (i) des actes constitutifs de la société; (ii) d'une convention unanime des actionnaires. (4) Les documents autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires ne doivent généralement pas être pris en considération à cette fin. (5) Lorsqu'il existe une restriction du genre visé à l'alinéa 3c), l'actionnaire majoritaire peut tout de même exercer le contrôle de jure, à moins qu'il ne dispose d'aucun moyen d'exercer un « contrôle effectif » sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au critère de Buckerfield's. [27] Bien que l’arrêt Duha Printers établisse clairement qu’on doit tenir compte d’une convention unanime des actionnaires lors de l’examen du contrôle de jure, le ministre soutient qu’une telle convention ne doit pas avoir d’incidence sur la deuxième étape de l’analyse (c’est‑à‑dire la détermination du contrôle d’une société par la « personne donnée ») aux fins de l’application de l’alinéa b) de la définition d’une SPCC. Le paragraphe 21 de l’interprétation technique 2008–0265902I7 – Canadian‑Controlled Private Corporation résume assez bien l’argument du ministre à cet égard. Ce paragraphe se lit comme suit : 21. Dans la Situation Donnée, comme en général d'ailleurs, nous réitérons notre position à l'effet qu'une CUA n'a aucun impact en ce qui concerne la deuxième étape de l'analyse (i.e. la détermination du contrôle d'une société par la personne hypothétique donnée) aux fins de l'application de l'alinéa b) de la définition de SPCC au paragraphe 125(7). Il nous apparaît toujours que la détermination prévue à la seconde étape de l'analyse est purement arithmétique. La jurisprudence ne contredit nullement cette approche, au contraire, la Cour d'appel fédérale affirme, sans réserve, que la simple possession d'actions par une majorité de non-résidents est suffisante pour conférer le contrôle à ces non-résidents aux fins de l'application de l'alinéa b) de la définition de SPCC au paragraphe 125(7). De toute façon, tel que mentionné dans le Document, la personne hypothétique donnée n'est partie à aucune convention unanime d'actionnaires, ni réputée l'être aux fins de l'application de l'alinéa b) de la définition de SPCC au paragraphe 125(7). ARC, Interprétation technique 2008-0265902I7, “Canadian-Controlled Private Corporation” (6 mai 2008), au par. 21. [28] À ce moment, j’estime utile de résumer les circonstances dans lesquelles le législateur a ajouté l'alinéa b) à la définition d’une SPCC. Ajouté par L.C. 1998, ch. 19, paragraphe 145(2), cet alinéa va vraisemblablement à l’encontre de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Silicon Graphics Ltd. c. La Reine, [2003] 1 C.F. 447, où celle-ci avait décidé que « la simple possession d'une majorité mathématique d'actions par un ensemble d'actionnaires pris au hasard dans une société à grand nombre d'actionnaires ayant certains éléments communs identificateurs (p. ex. le lieu de résidence) mais sans un lien commun ne constitue pas un contrôle de droit ainsi que le terme a été défini par la jurisprudence » (au par. 36). Ces commentaires de la Cour d’appel fédérale s’enregistraient alors dans une analyse du droit applicable avant la venue du nouvel alinéa b) de la définition d’une SPCC. [29] En ce sens, l'objet de la disposition est par ailleurs clairement énoncé dans les notes techniques y afférentes publiées par le ministre des Finances : Actuellement, une société est une SPCC si elle est une société privée et une société canadienne (ces deux expressions étant définies au paragraphe 89(1) de la Loi) et si elle n'est pas contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par des sociétés publiques (sauf des sociétés à capital de risque visées par règlement) ou des personnes non-résidentes, ou une combinaison de celles-ci. La modification apportée à la définition a pour effet d'exclure deux autres types de sociétés de la notion de SPCC. Il s'agit, tout d'abord, des sociétés qui, si elles ne sont pas réellement contrôlées par des non-résidents, évitent ce statut du seul fait que leurs actions sont détenues par un grand nombre d'actionnaires. Sont également exclues les sociétés dont les actions sont cotées à une bourse de valeurs à l'étranger. Une société dont les actions avec droit de vote sont réparties entre un grand nombre de personnes n'est pas habituellement considérée comme étant contrôlée par un groupe donné d'actionnaires, à condition que les actionnaires n'agissent pas de concert en vue d'exercer le contrôle. Dans cet ordre d'idées, on pourrait prétendre qu'une société canadienne privée qui appartient à plusieurs non-résidents ou sociétés publiques n'est pas contrôlée par des non-résidents ou des sociétés publiques, et est donc une SPCC. Le nouvel alinéa (b) de la définition de SPCC a pour objet de réfuter cette position. En effet, il prévoit que les actions détenues par les non-résidents et les sociétés publiques -- non seulement les actions de la société en question, mais aussi de l'ensemble des sociétés -- doivent faire l'objet d'une attribution hypothétique à une personne hypothétique. Si pareille attribution donne le contrôle de la société à cette personne, la société n'est pas une SPCC. Ministère des Finances du Canada, Notes explicatives concernant l'impôt sur le revenu (8 décembre 1997), art. 125(7), « société privée sous contrôle canadien ». [30] Donc, il en résulte concrètement que le texte de l’alinéa b) de la définition d’une SPCC crée une fiction légale. Or, ce type d’altération de la réalité fit l’objet d’un examen complet par la CSC dans l’affaire R. c. Verrette, [1978] 2 R.S.C. 838. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Beetz qualifiait alors ce genre de fiction juridique de « disposition déterminative » et en précisait ainsi la portée : Une disposition déterminative est une fiction légale; elle reconnaît implicitement qu’une chose n’est pas ce qu’elle est censée être, mais décrète qu’à des fins particulières, elle sera considérée comme étant ce qu’elle n’est pas ou ne semble pas être. (p. 845) [31] Le but et l'application d'une disposition déterminative ont par la suite été examinés en détail par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Procureur général du Canada c. Scarola, 2003 CAF 157, [2003] 4 C.F. 645, où le juge Létourneau étaya en partie ses explications sur la doctrine française suivante : La fiction est un procédé qui, on l'a assez souvent signalée, appartient à la pragmatique du droit. Elle consiste d'abord à travestir les faits, à les déclarer autres qu'ils ne sont vraiment, et à tirer de cette adultération même et de cette fausse supposition les conséquences de droit qui s'attacheraient à la vérité que l'on feint, si celle-ci existait sous les dehors qu'on lui prête. (par.19) [32] Dans l’arrêt La Survivance c. La Reine, 2006 CAF 129, au par. 55, la Cour a affirmé ceci : « Dans la mesure où [une fiction légale] a pour effet de transformer la réalité, sa portée doit être limitée à ce qui est clairement exprimé. Une disposition déterminative ne peut pas autrement modifier la situation réelle qui prévaut. » [33] Ces commentaires s’inscrivent d’ailleurs dans la même ligne que ceux de la CSC dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. La Reine, [1999] 3 R.S.C. 622, où la juge McLachlin fit cette remarque, maintes fois reprise depuis : La Loi est un texte législatif complexe au moyen duquel le législateur tente d'établir un équilibre entre d'innombrables principes. La jurisprudence de notre Cour est constante : les tribunaux doivent par conséquent faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'attribuer au législateur, à l'égard d'une disposition claire de la Loi, une intention non explicite [...]. (par. 43) [34] Dès lors, je suis d’avis que l’alinéa b) de la définition d’une SPCC, malgré ses particularités, doit être interprété dans son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical des mots qui s’harmonise avec l'esprit de la Loi, son objet et l'intention du législateur : voir Entreprise Ludco Ltée c. La Reine, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.S.C. 1082, au par. 36. [35] En conséquence, les effets juridiques de cette fiction légale qui se greffent à la vérité que l’on feint font en sorte que la « personne donnée » à laquelle nous faisons référence ici est réputée avoir les mêmes droits et être liée par les mêmes obligations que les non-résidents propriétaires desdites actions de la société. [36] Or, le paragraphe 146(3) de la L.c.s.a. précise que : L’acquéreur ou le cessionnaire des actions assujetties à une convention unanime des actionnaires est réputé être partie à celle-ci. [37] Ainsi, considérant tout ce qui vient d’être soulevé, je trouve très difficile de défendre l’hypothèse selon laquelle la « personne donnée » à laquelle fait référence l’alinéa b) de la définition d’une SPCC ne peut, lors de l’examen du contrôle de jure en tenant compte de l’altération des faits imposée par la disposition, être réputée partie aux conventions unanimes des actionnaires alors en vigueur. [38] Le ministre prétend que le fait de tenir compte d’une convention unanime des actionnaires en vigueur lors de l’examen du critère de l’actionnaire hypothétique pourrait avoir comme effet de fausser l’analyse du contrôle de la société visée puisque, lors de la rédaction de la convention unanime des actionnaires en question, les actionnaires de la société ne pouvaient certes pas prévoir l’adhésion éventuelle de l’actionnaire fictif prévu par la disposition. De ce fait, afin d’éviter des résultats inusités ou indésirables, le ministre en arrive à la conclusion qu’il est préférable de ne pas réputer l’actionnaire hypothétique partie aux conventions unanimes des actionnaires alors en vigueur. Celui-ci explique : [TRADUCTION] Lorsque des résidents canadiens ne détiennent pas assez d'actions pour élire la majorité des administrateurs, l'objet et l'effet de la disposition déterminative à l'alinéa b) de la définition du terme « SPCC » sont que la personne donnée est réputée détenir le contrôle réel des affaires et des destinées de la société d'une façon semblable au pouvoir d'élire la majorité des administrateurs. Il en est ainsi parce que la personne donnée n'est pas partie à la convention unanime des actionnaires et n'est pas réputée en être partie. À notre avis, il serait contraire au libellé et à l'esprit de la disposition de supposer que le contrôle fictif découlant de l'application de l'alinéa b) de la définition puisse être amoindri par une entente qui retire des pouvoirs des administrateurs pour les attribuer aux actionnaires, alors que la personne donnée ne serait jamais un des actionnaires. Voir : Andrew W. Dunn, Ron Durand, Phil Jolie, et Mark Symes, “Canada Revenue Agency Round Table,” Report of the Proceedings of the Sixty‑First Tax Conference, 2009 Conference Report (Toronto; Fondation canadienne de fiscalité, 2009), aux pages 3:14-3:15. [39] La réponse est selon moi incontournable. Le résultat semble incongru seulement si l'on choisit de ne pas tenir compte de la fiction. Il ne l'est pas si on donne à la fiction l'effet de la vérité. [40] À mon humble avis, il faut simplement imaginer une situation où l’ensemble des actionnaires qui sont des non-résidents ou qui sont des sociétés publiques décidaient, pour une raison quelconque, de vendre toutes leurs actions de la société à un même acquéreur. Il est indiscutable que dans un tel cas, l’acquéreur des actions serait partie à toute convention unanime des actionnaires alors en vigueur. [41] Je ne pourrais être plus d’accord avec la Cour d’appel fédérale lorsqu’elle déclare ceci : « L'on risquerait de créer une incertitude intolérable si les tribunaux pouvaient écarter une disposition déterminative d'application générale au seul motif que le résultat qu'elle produit dans un cas particulier leur semble indésirable. Le législateur est bien conscient de l'effet des présomptions qu'il édicte, et c'est à lui qu'il revient d'en délimiter la portée » (La Survivance, précité, au par. 79). [42] Dans l’espèce, l’alinéa b) de la définition d’une SPCC est une disposition d’application générale et le rôle des tribunaux consiste à y donner effet. [43] En conclusion, je suis d’avis que l’actionnaire hypothétique visé à l’alinéa b) de la définition de « société privée sous contrôle canadien » figurant au paragraphe 125(7) de la LIR est lié par la CUA de Bagtech intervenue en 2003 et, par la suite, par les modifications apportées en 2005. [44] Maintenant, il convient de répondre à la question suivante : est-ce que les clauses d’une CUA régissant l’élection des administrateurs d’une société doivent être prises en compte dans la détermination du contrôle de jure d’une société? [45] Avant de répondre à cette question, il convient, à mon avis, de bien comprendre la nature d’une convention unanime des actionnaires aux fins de la L.c.s.a. Le paragraphe 146(1) de la L.c.s.a. se lit comme suit : Est valide, si elle est par ailleurs licite, la convention écrite conclue par tous les actionnaires d’une société soit entre eux, soit avec des tiers, qui restreint, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion. [46] Il semble ressortir du paragraphe 146(1) de la L.c.s.a. quatre conditions afin qu’une convention puisse être qualifiée de convention unanime des actionnaires. D’abord, la convention doit, bien évidemment, être licite et conforme aux exigences générales de validité des contrats. Ensuite, la convention doit être écrite, et il importe de préciser que cette exigence constitue bel et bien une condition de validité et non uniquement une question de preuve. Elle doit par ailleurs être conclue par tous les actionnaires d’une société, soit entre eux, soit avec des tiers, et, enfin, elle doit restreindre en tout ou en partie les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion. Une convention signée par tous les actionnaires qui ne fait qu’augmenter, conformément au paragraphe 6(3) de la L.c.s.a., le nombre de voix nécessaires à l’adoption de certaines mesures par les actionnaires peut, exceptionnellement, être une convention unanime des actionnaires, et ce, même si elle ne restreint ou ne retire aucun pouvoir des administrateurs. Il s’agit cependant de la seule exception tant selon la loi québécoise que fédérale : voir Paul MARTEL, Entreprises et sociétés, Collection de droit 2011‑2012, École du Barreau du Québec, vol. 9, 2011, p. 41 et ss. [47] Ces quatre conditions pour qu’une convention unanime des actionnaires soit valide sont d’ailleurs reprises par la CSC dans sa seule décision qui examine en détail les conventions unanimes des actionnaires, soit l’arrêt Duha Printers, précité. [47] [48] La L.c.s.a., la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario et le Code civil du Québec prévoient tous, par exemple, une exception explicite à l’interdiction d’entraver le pouvoir des administrateurs. Ainsi donc, les diverses lois canadiennes sur les sociétés par actions prévoient la validité des conventions unanimes des actionnaires, et ce, malgré le principe en common law selon lequel les actionnaires, même à l’unanimité, ne peuvent entraver ou l’empêcher d’exercer son droit et son devoir légaux de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société et d’en surveiller la gestion. (L’interdiction d’entraver les pouvoirs des administrateurs semble trouver son origine dans la décision Automatic Self Cleansing Filter Syndicate Co. Ltd. c. Cuninghame, [1906] 2 Ch. 34 (C.A.). Ce principe a par la suite été repris dans les décisions Motherwell c. Schoof, [1949] 4 D.L.R. 812 (C.S. Alb.), et Atlas Development Co. c. Calof (1963), 41 W.W.R. 575 (B.R. Man.).) [49] En fait, avant l’avènement des conventions unanimes des actionnaires, la capacité des actionnaires de contrôler la société se limitait au pouvoir d’élire et de révoquer les administrateurs. La venue des conventions unanimes des actionnaires en droit des sociétés a fondamentalement modifié la situation en établissant un mécanisme par lequel les actionnaires peuvent dépouiller les administrateurs de la totalité ou d’une partie de leur pouvoir de gestion. [50] Qui plus est, la convention unanime des actionnaires ne fait pas que limiter les pouvoirs des administrateurs. Elle a un aspect positif en ce qu’elle prévoit que les actionnaires peuvent exercer les pouvoirs qu’ils ont retirés des administrateurs. [51] Les conventions unanimes des actionnaires ouvrent donc par le fait même une brèche aux actionnaires afin que ceux-ci puissent déroger considérablement au droit des sociétés conventionnel; elles permettent d’en assouplir certains des vieux principes plutôt stricts et arides. [52] En outre, eu égard à la reconnaissance légale des CUA, la CSC, tel que je l’ai mentionné un peu plus haut, a fait la lumière sur bien des aspects d’une convention unanime des actionnaires dans son arrêt Duha Printers, précité. S’exprimant au nom de la CSC, le juge Iacobucci précise notamment qu’une convention unanime des actionnaires est « une création hybride du droit des sociétés, qui est en partie contractuelle et qui tient en partie d’un acte constitutif » (Duha Printers, précité, par. 66). [53] Cela étant dit, la CSC prend soin de préciser par la suite que « l’aspect de la CUA qui tient d’un acte constitutif est encore plus puissant que son caractère contractuel » : par. 67 et 68. [54] Un autre élément important de la convention unanime des actionnaires est évidemment qu’elle peut lier les actionnaires futurs. En fait, l’acquéreur ou le cessionnaire d’actions est réputé selon une présomption absolue, être partie à la convention unanime des actionnaires : voir le paragraphe 146(3) de la L.c.s.a. Cependant, si l’acquéreur ou le cessionnaire n’est pas avisé de l’existence de la convention unanime des actionnaires par une mention sur le certificat d’actions ou autrement, il peut, dans les trente jours après avoir pris connaissance de son existence, annuler l’opération par laquelle il est devenu acquéreur ou cessionnaire : voir le paragraphe 146(4) de la L.c.s.a. [55] Enfin, il me semble primordial de terminer mon tour d’horizon sur la convention unanime des actionnaires en insistant sur le fait que la nature même de la convention unanime des actionnaires est de restreindre le pouvoir des administrateurs et d’accroître celui des actionnaires dans la gestion de la société : voir Paul MARTEL, Entreprises et sociétés, Collection de droit 2011-2012, École du Barreau du Québec, vol. 9, 2011, p. 41 et ss.; Normand RATTI, La convention unanime des actionnaires, (1986) C.P. du N. 93. La CSC ne pouvait être plus claire à ce sujet en avançant que « contrairement aux conventions “ordinaires” des actionnaires, qui ne peuvent entraver l’exercice des pouvoirs des administrateurs, une CUA peut et doit avoir cet effet » (Duha Printers, précité, au par. 71). En fin de compte, l’effet d’une convention unanime des actionnaires restreignant le pouvoir des administrateurs doit être de substituer les actionnaires aux administrateurs quant à leurs droits, pouvoirs et responsabilités, et ce, dans la mesure de la restriction : voir le paragraphe 146(5) de la L.c.s.a. Au lieu de destituer les administrateurs, la convention unanime des actionnaires les dégage simplement de leurs pouvoirs, de leurs droits et de leurs responsabilités connexes. D’ailleurs, la L.c.s.a. prévoit que les administrateurs gèrent les activités de la société « sous réserve de toute convention unanime des actionnaires » (voir le paragraphe 102(1) de la L.c.s.a), et elle oblige expressément les administrateurs et les dirigeants à se conformer aux dispositions d’une telle convention : voir le paragraphe 122(2) et l’article 247 de L.c.s.a. [56] Il convient maintenant de répondre à la question suivante : est-ce qu’une convention unanime des actionnaires peut comprendre des clauses autres que celles relatives à la gestion d’une société? Si oui, est-ce que seules les clauses restreignant le pouvoir des administrateurs sont visées par les dispositions relatives à la convention unanime des actionnaires de la loi sur les sociétés applicable? Autrement dit, est-ce que seules les clauses restreignant le pouvoir des administrateurs créent la présomption d’opposabilité envers les nouveaux actionnaires? [57] Bien que l’entente soit décrite comme étant une convention unanime des actionnaires, il est de mise de garder à l’esprit qu’une convention signée par tous les actionnaires, mais qui n’a pas pour effet de restreindre le pouvoir des administrateurs, ne saurait être considérée comme une convention unanime des actionnaires au sens de la L.c.s.a. et ne sera pas opposable envers les futurs actionnaires : voir Paul MARTEL, La société par actions au Québec, vol. 1, Les aspects juridiques, Montréal, Wilson et Lafleur, 2011, par. 27-34. [58] Inversement, une convention conclue entre tous les actionnaires d’une société qui restreint le pouvoir des administrateurs peut être qualifiée de convention unanime des actionnaires, et ce, en dépit du fait qu’elle porte une désignation différente : voir Paul MARTEL, La société par actions au Québec, précité, par. 27‑34, Alteco c. La Reine, [1993] A.C.I. no 213 (QL), [1993] 2 C.T.C. 2087, au par. 35. [59] Qui plus est, la question de savoir si une convention constitue une convention unanime des actionnaires alors que seules certaines de ses dispositions restreignent les pouvoirs des administrateurs demeure litigieuse : voir Nathalie BEAUREGARD et François AUGER, Les conventions entre actionnaires, Journées d’études fiscales, (Montréal, Association canadienne d’études fiscales, 2010), p. 12. [60] À cet égard, le juge Iacobucci, bien avant d’être nommé juge, s’exprimait ainsi : The statutory provision relating to unanimous shareholder agreements are found in ss. 2(1) and 146 of the CBCA, and ss. 1(1), 45 and 108 of the OBCA. Note that the distinguishing feature of a “unanimous shareholder agreement” in the statutes is that it “restricts, in whole or in part, the powers of the directors to manage [or, in the OBCA, to supervise the management of] the business and affairs of the corporation”. Suppose an agreement between all the shareholders of the corporation restricts the authority of the directors, but also contains other agreements, relating to such matters as buy-sell arrangements, requisite shareholders votes on the undertaking of fundamental changes, shareholder voting agreements, etc. Is the whole agreement a “unanimous shareholder agreement”, or only that part that relates to the authority of the directors? Do the words “in whole or in part” in CBCA s. 146(2) and OBCA s. 108(3) refer to the “written agreement”, or do they refer to the restriction of the powers of directors? The distinction may be important. For example, a transferee of shares with notice of a common law voting agreement is not bound by the agreement (because of the absence of privity of contract); see Greenhalgh v. Mallard, [1943] 2 All E.R. 234 (C.A.). However, a transferee of shares subject to a u.s.a. is bound by the u.s.a.; see CBCA s. 146(4), OBCA s. 108(4) (although note the limitation contained in CBCA s. 49(8), OBCA s. 56(3)). Voir : Frank IACOBUCCI, Canadian Corporation Law : Some Recent Shareholder Developments, The Cambridge Lecture 1981, compilé par N. Eastham et B. Krivy, 1982, p. 88, aux pages 92 à 95. [61] Plusieurs auteurs, dont Paul Martel pour ne nommer que lui, soutiennent néanmoins qu’une CUA peut comprendre des clauses autres que celles relatives à la gestion de la société mais que, toutefois, « seules les clauses restreignant le pouvoir des administrateurs sont visées par les dispositions de la loi relatives à la convention unanime, et la présomption qu’elles créent quant aux nouveaux actionnaires ne s’applique qu’à ces clauses, et non au reste de la convention » (voir Paul MARTEL, Les conventions entre actionnaires, Montréal, Wilson et Lafleur, 2007, pp. 340-341). Paul Martel avance d’ailleurs qu’il serait préférable d’insérer les deux types de clauses dans des conventions distinctes lorsqu’il écrit : D’une manière générale, on devrait traiter en pratique les clauses d’administration comme des pommes et les autres comme des oranges, et en faire deux documents séparés. Il est en effet difficile, surtout au niveau provincial, de faire adopter aux clauses d’achat-vente la forme d’une restriction au pouvoir des administrateurs, et c’est quasi impossible pour les clauses de vote et de société. Les clauses d’administration, « convention unanime » au sens de la loi, lieront automatiquement les nouveaux actionnaires (attention aux inscriptions sur les certificats d’actions!), tandis que les autres lieront ceux qui y interviendront expressément, avec l’autorisation des signataires. Voir : Paul MARTEL, Les conventions entre actionnaires, précité, à la page 341. [62] Daniel Lafortune est aussi de cet avis et écrit : Ceci étant, est-ce que le tiers devenant actionnaire est lié par la convention d’actionnaires? En cette matière, une distinction s’impose. Est-on face à des dispositions de la nature de la convention unanime ou à des dispositions de toute autre nature? Pour les dispositions qui ne sont pas de la nature de la convention unanime, la règle est simple. Par application du principe de l’effet relatif des contrats, le tiers n’est pas lié par la convention, à moins d’y consentir. Voir : Daniel LAFORTUNE, La convention d’actionnaires (2002), 36 R.J.T. 197, à la page 217. [63] La Cour supérieure du Québec semble également d’avis qu’une convention unanime des actionnaires est divisible et résume d’ailleurs très bien cette approche dans l’arrêt Leblanc c. Fertek inc., REJB 2000‑20884, [2000] J.Q. no 4045 (QL). Dans cette décision, le juge Dalphond traite de façon différente les clauses de la nature d’une convention unanime des actionnaires qui apparaissent dans une simple convention entre actionnaires : 49 La convention intervenue entre les actionnaires portant date du 31 janvier 1996 a, tel qu'indiqué dans son cinquième « Attendu », un double objectif : consigner l'accord des actionnaires quant à, d'une part, la gestion de la société et, d'autre part, la détention et le transfert de leurs actions. 50 Le premier volet constitue une convention unanime d'actionnaires au sens de l'art. 146(2) de la L.C.S.P.A., puisqu'il s'agit d'une convention écrite, signée par tous les actionnaires et relative à la gestion des affaires tant commerciales qu'internes de la société. 51 Une convention unanime d'actionnaires ou une déclaration de l'actionnaire unique au même effet, a essentiellement pour objet de restreindre les pouvoirs des administrateurs de la société, et non la détention des actions. C'est d'ailleurs parce qu'elle a cet objet qu'une telle convention peut être faite par un actionnaire unique comme l'indique l'art. 146(3) de la L.C.S.P.A. Les administrateurs et dirigeants de la société, dont Tassé, sont tenus de s'y conformer (art. 122(2) de la L.C.S.P.A.). 52 Le deuxième volet de cette convention traite de questions reliées à la propriété des actions et non à la gestion de la société. Cette catégorie d'entente n'a pas à être agréée par tous les actionnaires. Ainsi, on en retrouve entre des actionnaires représentant uniquement une majorité, régissant par exemple leur droit de vote lors des assemblées annuelles ou encore leur conférant des droits de premier refus advenant la vente d'actions. La validité d'une telle entente est reconnue depuis longtemps (Bergeron c. Ringuet, [1960] R.C.S. 672, [1958] B.R. 222) et est régie par le droit civil des contrats, à moins de dispositions particulières dans des lois s'appliquant à la société, telle la L.C.S.P.A. ou la Loi sur les valeurs mobilières. Comme il s'agit d'un contrat, il faut au moins deux parties, car on ne saurait contracter avec soi-même. 53 En résumé, il ne faut pas confondre les deux volets de la convention intervenue entre les actionnaires en janvier 1996, même s'ils se retrouvent au sein d'un même document. (aux par. 49 à 53) [64] Par ailleurs, d’autres auteurs estiment qu’une convention unanime des actionnaires peut traiter de sujets incidents ne touchant pas directement la gestion interne de la société. Kevin P. McGuinness a écrit : 12.209 In addition, provisions are scattered throughout both the OBCA and the CBCA indicating various subjects that may be dealt with in a USA, aside from the general authority to restrict the power of the directors. […] 12.212 […] the question is sometimes raised as to whether a unanimous agreement may deal with matters outside the management of the corporation. […] it is doubtful that the inclusion of any such collateral provisions would adversely affect the validity of a unanimous shareholder agreement or its status as such. It has always been open to the shareholders to regulate their own relationship. Voir Kevin P. McGUINNESS, Canadian Business Corporations Law, 2e éd., Markham, LexisNexis, 2007, pages 1215 à 1218 [65] Après avoir souligné que, de son avis, une convention unanime des actionnaires peut comprendre diverses dispositions incidentes n’ayant pas pour objet de restreindre les pouvoirs des administrateurs sans menacer la validité de la convention, M. McGuinness énumère certaines questions incidentes pouvant être abordées dans une convention unanime des actionnaires, notamment l’élection des administrateurs (pages 1215‑1216). [66] La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta appuie également, dans une certaine mesure, cette position dans sa décision Wood c. Wood, [2004] A.J. no 1230 (QL), 2004 ABQB 775, alors qu’elle reconnaît expressément la validité d’une clause dans une convention unanime des actionnaires portant sur l’élection du conseil d’administration : 8 The USA provided that the directors of the company would be Mr. Wood, Jennifer Wood and Mrs. Wood so long as each remained a shareholder. Two directors would constitute a quorum. If either Mr. Wood or Jennifer Wood ceased to be a director, the other would be "exclusively entitled to appoint a replacement director". If Mrs. Wood should cease to be a director, she would not be replaced. (au par. 8) [67] Le juge Iacobucci a fait une observation fort intéressante avant d’être nommé juge : voir Frank IACOBUCCI, Canadian Corporation Law : Some Recent Shareholder Developments, op. cit. En fait, il commence en nous rappelant simplement que la convention unanime des actionnaires est apparue en droit des sociétés au Canada à l’article 146 de la L.c.s.a. et que, par la suite, ce concept fut adopté par la majorité des lois sur les sociétés par actions notamment à l’article 146 de la loi de l’Alberta intitulée Alberta Business Corporations Act (Loi sur les sociétés par actions), RSA 2000, c. B‑9. [68] Le juge Iacobucci soulève le fait que l’article 146 de la loi albertaine semble élargir la portée de la CUA au‑delà de ce que prévoyait la L.c.s.a. Bien que l’objet principal d’une CUA, du moins selon la loi fédérale, soit de restreindre le pouvoir des administrateurs, l’article 146 de la loi albertaine, qui apparaît à l’annexe 2, semble bien avoir élargi sa portée. En bref, selon l’article 146 de la loi albertaine, le retrait des pouvoirs des administrateurs pour les attribuer aux actionnaires n’est qu’un des objets possibles de la CUA : voir l’alinéa 146(1)c). Cet article prévoit entre autre qu’une CUA peut prévoir la façon d’élire les administrateurs : voir l’alinéa 146(1)b). Après avoir fait le survol de la question, le juge Iacobucci fait les commentaires suivants : The new Alberta Business Corporations Act adopts and extends the u.s.a. concept [section 146]. After acknowledging that the primary approach of the CBCA u.s.a. provisions reflected a desire to have shareholders rather than directors manage a closely-held company, the designers of the Alberta statute felt that the u.s.a. should be expanded in scope to make the device even more useful and to clarify some of the problems which were felt to be present in the CBCA provisions. With respect to the expanded scope of the u.s.a., the Alberta section allows the entrenchment of any provision concerning the internal affairs and organization of the corporation. The Alberta definition of a u.s.a. includes an agreement which does any one of the following: (1) regulates the rights and liabilities of shareholders, as shareholders, among themselves or between themselves and any other party to the agreement; (2) regulates the election of directors; (3) provides for the management of the business and affairs of the corporation, including the restriction or abrogation, in whole or in part, of the powers of the directors; (4) includes any other matter that may be contained in a u.s.a. pursuant to any of other provision of the Alberta Business Corporations Act. Voir : Frank IACOBUCCI, Canadian Corporation Law : Some Recent Shareholder Developments, op. cit., aux pages 92 à 95. [69] À la lecture de l’article 146 de la loi albertaine, il faut conclure que le législateur albertain a voulu élargir la portée d’une convention unanime des actionnaires. La disposition prévoit explicitement qu’une convention unanime des actionnaires peut comprendre plusieurs éléments autres que le retrait des pouvoirs du conseil d’administration : voir le paragraphe 146(1). En outre, la loi albertaine indique expressément qu’une convention unanime des actionnaires lie les actionnaires futurs, même si elle comprend des dispositions autres que celles qui limitent le pouvoir de gestion et de surveillance des administrateurs : voir les paragraphes 146(2) et (3). [70] Nous pouvons tirer quelques conclusions intéressantes de cet examen comparé des lois fédérale et albertaine. [71] D’abord, si la convention unanime des actionnaires, introduite par la L.c.s.a. pouvait d’emblée comprendre des dispositions autres que celles qui restreignent le pouvoir des administrateurs, pourquoi l’Alberta a‑t‑elle ensuite jugé bon de modifier considérablement le libellé de la L.c.s.a.? D’autres ressorts comme le Québec et le Manitoba se contentent pourtant de reprendre l’essentiel de l’article 146 de la L.c.s.a. (voir la Loi sur les sociétés par actions, LRQ, c. S‑31.1, article 213 et la Loi sur les corporations, C.P.L.M., c. C225, paragraphe 140(2)). Pourquoi un législateur aurait-il pris le temps de préciser dans sa loi sur les sociétés par actions qu’une convention unanime des actionnaires peut faire davantage que restreindre en tout ou en partie les pouvoirs du conseil d’administration si la L.c.s.a. le permettait déjà? [71] [72] Ensuite, pourquoi le législateur fédéral n’a-t-il pas explicité, d’une manière semblable à l’Alberta, qu’une convention unanime des actionnaires peut comprendre des dispositions autres que celles retirant les pouvoirs de gestion et de surveillance des administrateurs? Il aurait pourtant été aisé de le faire, si tel avait été son intention. [73] Dans un autre ordre d’idées, mentionnons brièvement que certains estiment que si l’on tentait de tirer profit des avantages des conventions unanimes des actionnaires en y insérant des restrictions mineures aux pouvoirs des administrateurs simplement pour satisfaire à ce critère, le tribunal pourrait déclarer ces restrictions insuffisantes et refuser de qualifier le document de convention unanime des actionnaires : voir Nathalie BEAUREGARD et François AUGER, Les conventions entre actionnaires, op. cit., page 12. Je tiens immédiatement à souligner que je suis d’avis qu’il faut réfuter cette thèse. [74] Il ressort de cette analyse que la question de savoir si des conventions unanimes des actionnaires ne peuvent comprendre que des clauses restreignant le pouvoir des administrateurs demeure litigieuse. [75] Il convient maintenant de se poser la question suivante : lors de l’examen du contrôle de jure, doit-on tenir compte des clauses limitant le droit de l’actionnaire majoritaire d’élire les administrateurs d’une société constituée en vertu de la L.c.s.a. si ces clauses se retrouvent dans une convention unanime des actionnaires qui restreint par ailleurs le pouvoir des administrateurs? [76] Selon une école de pensée, il convient, lors de l’examen du contrôle de jure, d’examiner une convention unanime des actionnaires comme étant un tout, notamment en ce qui a trait aux clauses qui ne font que restreindre le pouvoir des actionnaires majoritaires d’élire les administrateurs. En revoyant explicitement à l’arrêt Duha Printers, les auteurs Nathalie Beauregard et François Auger indiquent notamment ce qui suit : Par conséquent, une convention unanime entre actionnaires, dont les clauses restreindraient la faculté de l’actionnaire majoritaire à élire les membres du conseil d’administration ou encore qui entraveraient de façon substantielle le pouvoir des administrateurs de gérer la société, pourra avoir des répercussions sur le contrôle de jure de la société. Ce type de clauses devra donc faire l’objet d’une étude minutieuse au moment de la conclusion de la convention unanime des actionnaires. Voir : Nathalie BEAUREGARD et François AUGER, Les conventions entre actionnaires, précité, p. 18 [77] De façon un peu plus nuancée, d’autres auteurs affirment que, lors de l’examen du contrôle de jure d’une société, bien qu’il puisse sembler découler de l’arrêt Duha Printers que la convention unanime des actionnaires doive être prise comme indivisible, seules les dispositions restreignant concrètement les pouvoirs des administrateurs doivent être prises en considération : It may seems strange that the restriction of the powers of directors is the feature that permits other unrelated provisions of the agreement, namely, those dealing with the election of the directors, to be taken into account in determining de jure control, especially since the very restriction of the directors' powers might make one wonder why the ability to elect them should continue to be the litmus test for “effective control”. Voir : Robert COUZIN, Some Reflections on Corporate Control, 2005, vol. 53, Can. Tax. J., 305, p. 318 [78] Cette ligne de pensée, ou du moins la critique qu’elle fait des conclusions de la CSC, semble davantage tenir compte de certains principes fondamentaux du droit des sociétés et converge dans une certaine mesure avec la thèse défendue par l’auteur Paul Martel, selon qui une convention unanime des actionnaires peut porter sur d’autres sujets que la gestion de la société; toutefois, « seules les clauses restreignant le pouvoir des administrateurs sont visées par les dispositions de la loi relatives à la convention unanime, et la présomption qu’elles créent quant aux nouveaux actionnaires ne s’applique qu’à ces clauses, et non au reste de la convention » (Paul MARTEL, Les conventions entre actionnaires, op. cit., p. 340‑341.). [79] Qui plus est, rappelons que la Cour supérieure du Québec a déjà clairement précisé qu’une convention unanime des actionnaires est divisible; elle résume d’ailleurs très bien cette approche dans la décision Leblanc c. Fertek inc., précité. Dans cette affaire, où l’on demandait une injonction fondée sur l’article 247 de la L.c.s.a. en raison de l’inobservation d’une convention unanime des actionnaires, le juge Dalphond a traité de façon différente les clauses de la nature d’une convention unanime des actionnaires qui apparaissaient dans une simple convention entre actionnaires. Soulignons cependant que la cause portait sur le droit des sociétés et non sur l’application de la décision Duha Printers lors de l’examen du contrôle de jure. [80] Pour ma part, je me range à la fois derrière l’interprétation de l’arrêt Duha Printers proposée par l’auteur Robert Couzin et la critique qu’il formule : voir Robert COUZIN, Some Reflections on Corporate Control, précité, aux pages 317 à 320. [81] Toutefois, un examen attentif du paragraphe 85 de l’arrêt Duha Printers m’amène à conclure qu’il faut tenir compte de toute restriction au pouvoir de l’actionnaire majoritaire d’élire les administrateurs qui apparaît dans l’acte constitutif de la société ou dans une convention unanime des actionnaires lors de l’examen du contrôle de jure. [82] Je conviens qu’il s’agit d’un résultat inusité. Une restriction quant à l’élection des administrateurs ne sera pas pertinente, à l’analyse du contrôle de jure si elle apparaît dans une entente de vote, alors que la même restriction sera pertinente si elle est dans une convention unanime des actionnaires. Ceci étant dit, nous n’avons d’autre choix que de suivre les arrêts de la CSC, même s’ils peuvent nous paraître illogiques. [83] Il aurait été aisé à la CSC d’écrire que pour décider s'il y a « contrôle réel », il faut prendre en considération, d’une part, toute restriction au pouvoir de l'actionnaire majoritaire d’élire les administrateurs qui ressort de l’acte constitutif de la société et, d’autre part, toute restriction au pouvoir des administrateurs de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société qui ressort d’une convention unanime des actionnaires. [84] Cependant, la CSC affirme plutôt que l’on doit tenir compte de l’une ou l’autre de ces restrictions dans l’un ou l’autre de ces documents. [85] Je suis donc d’avis qu’en règle générale, il faut tenir compte d’une clause dans une convention unanime des actionnaires qui restreint la faculté des actionnaires majoritaires d’élire les administrateurs lors de l’examen du contrôle de jure d’une société, à la lumière de Duha Printers. [86] En résumé, je suis d’avis : i) qu’il faut tenir compte d’une convention unanime des actionnaires pour l’application de l’alinéa b) de la définition de l’expression « société privée sous contrôle canadien » paragraphe 125(7) de la LIR; ii) qu’il faut tenir compte d’une restriction au droit de l’actionnaire majoritaire d’élire les administrateur dans une convention écrite unanime des actionnaires lors de la détermination du contrôle de jure d’une société. [87] L’analyse que j’ai faite des clauses de la CUA qui sont vraiment de la nature d’une convention unanime des actionnaires (c’est‑à‑dire qui restreignent le pouvoir des administrateurs) que j’ai répertoriées (voir l’annexe 3) m’amène à conclure qu’il s’agit de restrictions mineures à leur pouvoir. À mon avis, les clauses n’ont pas pour effet de dépouiller l’actionnaire hypothétique du contrôle de jure. [88] Nous examinerons maintenant les dispositions de la CUA en vigueur au cours de l’année d’imposition 2004 qui portent sur l’élection des administrateurs. [89] Selon le paragraphe 3.2 de la CUA, l’élection des administrateurs se fait par trois groupes, soit le groupe A, le groupe B et le groupe C. Puisque la « personne donnée » aurait certaines actions de catégorie A, elle serait membre de chacun des groupes. [90] Puisque les administrateurs choisis par le groupe A sont élus par des résidents du Canada et que deux des trois administrateurs choisis par le groupe B sont élus par des résidents du Canada, la « personne donnée » visée à l’alinéa b) de la définition d’une SPCC ne pourrait nommer qu’un seul des cinq administrateurs choisis par les membres de ces groupes. [91] Puisque aucun des trois membres du groupe C n’est résident du Canada, la « personne donnée » pourrait nommer les deux administrateurs élus par ce groupe. [92] Ainsi, malgré le fait que la « personne donnée » détiendrait plus de 50 % des actions de catégorie A de Bagtech, aux termes de la CUA, elle ne pourrait élire la majorité des administrateurs. En effet, selon la CUA, ce sont des résidents du Canada qui élisent la majorité des administrateurs, soit quatre des sept administrateurs. Par conséquent, la « personne donnée » ne pourrait, au cours de l’année d’imposition 2004, contrôler la société Bagtech au sens de l’alinéa b) de la définition d’une SPCC au paragraphe 125(7) de la LIR. [93] Nous examinerons maintenant les clauses de la CUA en vigueur au cours de l’année d’imposition 2005. [94] Selon le paragraphe 3.2 de la CUA, l’élection des administrateurs se fait par trois groupes, soit le groupe A, le groupe B et le groupe C. Puisque la « personne donnée » aurait certaines actions de catégorie A, elle serait membre de chacun des groupes. [95] Puisque aucun des trois membres du groupe C n’est résident du Canada, la « personne donnée » pourrait nommer les administrateurs élus par ce groupe, soit deux administrateurs du 1er janvier au 21 juillet, et trois administrateurs à compter du 22 juillet. [96] Ainsi, malgré le fait que la « personne donnée » détiendrait plus de 50 % des actions de catégorie A de Bagtech, aux termes de la CUA, elle ne pourrait élire la majorité des administrateurs. En effet, selon la CUA, ce sont des résidents du Canada qui élisent quatre des sept administrateurs du 1er janvier au 21 juillet, et quatre des huit administrateurs du 22 juillet au 31 décembre. Par conséquent, la « personne donnée » ne pourrait, au cours de l’année d’imposition 2005, contrôler la société Bagtech au sens de l’alinéa b) de la définition d’une SPCC au paragraphe 125(7) de la LIR. [97] En conséquence, je suis d’avis que Bagtech était une « société privée sous contrôle canadien » au sens du paragraphe 125(7) de la LIR pendant les années d’imposition 2004 et 2005 et qu’ainsi elle avait droit au « crédit d’impôt à l’investissement remboursable » prévu au paragraphe 127.1(1) de la LIR. [98] Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Annexe 1 CONVENTION UNANIME DES ACTIONNAIRES (PARTIE PERTINENTE) Modifications à la convention unanime des actionnaires Annexe 2 Province de l’Alberta Business Corporations Act, RSA 2000, c B-9 Article 146 “Unanimous shareholder agreement” (1) A unanimous shareholder agreement may provide for any or all of the following: (a) the regulation of the rights and liabilities of the shareholders, as shareholders, among themselves or between themselves and any other party to the agreement; (b) the regulation of the election of directors; (c) the management of the business and affairs of the corporation, including the restriction or abrogation, in whole or in part, of the powers of the directors; (d) any other matter that may be contained in a unanimous shareholder agreement pursuant to any other provision of this Act. (2) If a unanimous shareholder agreement is in effect at the time a share is issued by a corporation to a person other than an existing shareholder, (a) that person is deemed to be a party to the agreement whether or not the person had actual knowledge of it when the share certificate was issued, (b) the issue of the share certificate does not operate to terminate the agreement, and (c) if that person is a bona fide purchaser without actual knowledge of the unanimous shareholder agreement, that person may rescind the contract under which the shares were acquired by giving a notice to that effect to the corporation within a reasonable time after the person receives actual knowledge of the unanimous shareholder agreement. (3) If a unanimous shareholder agreement is in effect when a person who is not a party to the agreement acquires a share of a corporation, other than under subsection (2), (a) the person who acquired the share is deemed to be a party to the agreement whether or not the person had actual knowledge of it when the person acquired the share, and (b) neither the acquisition of the share nor the registration of that person as a shareholder operates to terminate the agreement. (4) If (a) a person referred to in subsection (3) is a protected purchaser as defined in the Securities Transfer Act and did not have actual knowledge of the unanimous shareholder agreement, and (b) the person’s transferor’s share certificate did not contain a reference to the unanimous shareholder agreement, that person may, within 30 days after the person acquires actual knowledge of the existence of the agreement, send to the corporation a notice of objection to the agreement. (5) If a person sends a notice of objection under subsection (4), (a) the person is entitled to be paid by the corporation the fair value of the shares held by the person, determined as of the close of business on the day on which the person became a shareholder, and (b) section 191(4) and (6) to (20) apply, with the necessary changes, as if the notice of objection under subsection (4) were a written objection sent to the corporation under section 191(5). (6) A transferee who is entitled to be paid the fair value of the transferee’s shares under subsection (5) also has the right to recover from the transferor by action the amount by which the value of the consideration paid for the transferee’s shares exceeds the fair value of those shares. (7) A shareholder who is a party or is deemed to be a party to a unanimous shareholder agreement has all the rights, powers and duties and incurs all the liabilities of a director of the corporation to which the agreement relates to the extent that the agreement restricts the powers of the directors to manage the business and affairs of the corporation, and the directors are thereby relieved of their duties and liabilities, including any liabilities under section 119 or any other enactment, to the same extent. (8) A unanimous shareholder agreement may not be amended without the written consent of all those who are shareholders at the effective date of the amendment. (9) A unanimous shareholder agreement may exclude the application to the agreement of all but not part of this section. Annexe 3 Liste complète des dispositions de la convention unanime des actionnaires de Bagtech qui restreignent de façon précise le pouvoir des administrateurs : · Selon le paragraphe 3.2, « tant et aussi lomgtemps que la majorité des Actionnaires y consentent, M. Colin Bier agira à titre de président du Conseil d’administration ». On retire ainsi aux administrateurs, du moins temporairement, le pouvoir de nommer le président du conseil. · L’alinéa 3.4.1 oblige les administrateurs à tenir « au moins six réunions du Conseil d’administration par année avec un délai maximum de deux mois entre chaque réunion. » · L’alinéa 3.4.3 prévoit que « la présence d’un représentant alors en fonction du Groupe A, du Groupe B de même que du Groupe C, est nécessaire à l’établissement du quorum pour toute réunion du Conseil d’administration. » · Les paragraphes 4.2 et 4.3 prévoient deux situations dans lesquelles certains actionnaires seront autorisés à céder, sous certaines conditions, leurs actions et « les Administrateurs seront obligés d’autoriser pareille Cession malgré toute autre disposition des statuts ou règlements de la Société. » · Le paragraphe 10.2 prévoit que « dans l’hypothèse où l’appel public à l’épargne n’aurait pas été réalisée le 31 décembre 2008 et où la cession de l’ensemble des Actions ou des actifs de la Société ne serait pas intervenue, les Parties s’engagent à mandater une banque choisie à la majorité des votes par les Actionnaires Institutionnels, qui aura pour mission de les assister et d’étudier » certaines questions. · Les paragraphes 11.5 et 18.1 prévoient que si un actionnaire décide, devient affecté d’une incapacité permanente ou devient failli ou insolvable, « les coactionnaires détermineront […] à la majorité des voix […] si les Actions rachetées seront achetées par eux personnellement ou par la Société. » · Le paragraphe 13.4 stipule qu’« aucune émission de valeur mobilière de la Société ne sera réalisée sans l’accord préalable exprès des actionnaires représentant 50 % au moins du capital social sur une base non diluée. » Liste complète des dispositions de la convention qui ont la nature d’une CUA en vertu du paragraphe 6 (3) de la L.c.s.a. Rappelons qu’en vertu du paragraphe 6(3) de la L.c.s.a., une convention signée par tous les actionnaires qui augmente le nombre de voix nécessaires à l’adoption de certaines mesures par les actionnaires peut exceptionnellement bénéficier du statut de CUA et ce, même si elle ne restreint ou ne retire aucun pouvoir des administrateurs. Il s’agit cependant de la seule exception tant selon la loi québécoise que selon la loi canadienne. · Le paragraphe 13.1 prévoit que plusieurs décisions qui devraient normalement être ratifiées par une résolution spéciale des actionnaires (donc aux deux tiers des voies, selon le paragraphe 2(1) de la L.c.s.a.) doivent être acceptées aux trois quarts des voix. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 120 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-3734(IT)G INTITULÉ DE LA CAUSE : PRICE WATERHOUSE COOPERS INC. AGISSANT ÈS QUALITÉ DE SYNDIC À LA FAILLITE DE BIOARTIFICIAL GEL TECHNOLOGIES (BAGTECH) INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : Le 12 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocate de l’appelante : Me Isabelle Pillet Avocates de l'intimée : Me Anne-Marie Boutin Me Marie-Aimée Cantin AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Me Isabelle Pillet Cabinet : De Man, Pilotte Montréal (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 121
TCC
2,012
Norlock c. La Reine
fr
2012-04-13
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30774/index.do
2022-09-04
Norlock c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-13 Référence neutre 2012 CCI 121 Numéro de dossier 2011-1717(IT)I Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1717(IT)I ENTRE : BARBARA A. NORLOCK, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 5 avril 2012, à Hamilton (Ontario). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Avocat de l’appelante : Me R. Brent Raby Avocat de l’intimée : Me Christopher Bartlett ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’avril 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 121 Date : 20120413 Dossier : 2011-1717(IT)I ENTRE : BARBARA A. NORLOCK, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge V.A. Miller [1] Il s’agit d’un appel interjeté par Barbara Norlock de la nouvelle cotisation concernant son année d’imposition 2008. La question soulevée dans le présent appel se rapporte à une pénalité fédérale et à une pénalité provinciale imposées pour omission répétée de déclarer un revenu. [2] La présente cour n’a pas compétence à l’égard de la pénalité provinciale. Toutefois, la disposition légale pertinente se rapportant à la pénalité fédérale figure au paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui est rédigé ainsi : (1) Omission répétée de déclarer un revenu – Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant. [3] Une pénalité imposée conformément au paragraphe 163(1) s’applique lorsque le contribuable omet de déclarer un revenu dans sa déclaration de revenus pour deux années d’imposition au cours d’une période de quatre ans. Le montant de la pénalité s’élève à 10 p. 100 du montant du revenu non déclaré. Dans le présent appel, le revenu en intérêts non déclaré était de 18 376 $ et la pénalité fédérale s’élevait à 1 837,60 $. La pénalité provinciale imposée s’élevait au même montant. [4] L’appelante admet avoir omis de déclarer un revenu en intérêts de 876 $ dans sa déclaration de revenus de 2006. Elle admet également qu’en 2008, elle a omis de déclarer un revenu en intérêts de 14 274 $, qu’elle a reçu de TD Waterhouse Canada, ainsi qu’un autre revenu de 4 102 $, qu’elle a reçu du Fonds du marché monétaire Plus TD. [5] Dans le présent appel, il s’agit uniquement de savoir si l’appelante a fait preuve de diligence raisonnable lorsqu’elle a omis de déclarer un revenu. [6] Au cours de la période pertinente, l’appelante travaillait dans l’industrie des logiciels. Aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet des fonctions qu’elle exerçait ou des études qu’elle avait faites. Toutefois, de l’année 2006 à l’année 2008, son revenu annuel s’élevait à plus de 100 000 $ et elle a déclaré qu’en 2002 ou en 2003, elle avait gagné plus de 250 000 $. [7] Selon la preuve qu’elle a présentée, l’appelante a vendu sa maison, à Milton, au mois de janvier 2007 pour s’installer dans un logement loué dans le centre‑ville de Toronto. Bien qu’elle ait payé le service des postes afin de faire réacheminer son courrier, elle n’a pas reçu de feuillet T5 à l’égard du revenu en intérêts de 876 $ se rapportant à son année d’imposition 2006. [8] L’appelante a déclaré que lorsqu’elle avait fait l’objet de la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2006, elle n’avait pas contesté le montant du revenu en intérêts inclus dans son revenu. Elle avait simplement payé le montant de la nouvelle cotisation. L’appelante a témoigné n’avoir jamais reçu de feuillet T5 de 876 $ pour son année d’imposition 2006. Elle a supposé que le revenu en intérêts, en 2006, provenait d’un compte d’épargne Amex qu’elle détenait. C’était le seul compte d’épargne qu’elle détenait en 2006. Ses seuls autres placements, en 2006, avaient été effectués dans des REER. [9] Lorsque l’appelante a vendu sa maison, à Milton, le produit de la vente a été placé dans un certificat de placement garanti (le « CPG ») et dans le Fonds du marché monétaire Plus, à la Banque Toronto Dominion (la « TD »). Seize mois plus tard, le principal et les intérêts sur ses placements à la TD ont été affectés directement au prix d’achat de sa résidence actuelle. L’appelante a déclaré que la totalité du revenu non déclaré, en 2008, provenait de cette source. Le revenu en intérêts, en 2008, était inhabituel et l’appelante n’a pas reçu de feuillet T5 à cet égard. [10] Comme il en a déjà été fait mention, il s’agit ici uniquement de savoir si l’appelante a fait preuve de diligence raisonnable lorsqu’elle a omis de déclarer un revenu. [11] L’avocat de l’appelante s’est fondé sur la décision Symonds c. Canada, 2011 CCI 274, à l’appui du principe selon lequel un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué pour une première ou pour une deuxième omission de déclarer un revenu. Il a déclaré croire qu’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ne pouvait pas être invoqué pour l’année d’imposition 2008 et il a axé ses observations sur l’année d’imposition 2006 (soit sur la première omission de déclarer un revenu). [12] L’avocat de l’appelante a soutenu que l’omission de l’appelante de déclarer un revenu était attribuable à une erreur de fait raisonnable. L’appelante n’a pas tenu compte du revenu en intérêts parce que, habituellement, elle ne gagnait pas et ne déclarait pas de revenu en intérêts. D’un point de vue subjectif, l’appelante a commis une erreur innocente puisqu’elle n’était pas au courant du revenu en intérêts de 876 $ qu’elle avait gagné en 2006. D’un point de vue objectif, il s’agissait d’une erreur raisonnable étant donné que le montant du revenu non déclaré, en 2006, représentait moins de un pour cent du revenu que l’appelante avait déclaré. Analyse [13] La pénalité imposée conformément au paragraphe 163(1) est une pénalité de responsabilité stricte, mais le contribuable peut contester l’imposition de cette pénalité en établissant qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Dans la décision Saunders c. La Reine, 2006 CCI 51, la juge Woods a dit ce qui suit : [12] La pénalité visée par le paragraphe 163(1) est un exemple d’un cas de responsabilité stricte, même si la Cour a déjà jugé que cette pénalité pouvait être annulée si le contribuable réussissait à établir qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable. […] [14] Dans l’arrêt Résidences Majeau Inc. c. R., 2010 CAF 28, le juge Létourneau a décrit ainsi les éléments nécessaires lorsqu’il s’agit d’établir un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable à la suite de l’imposition d’une pénalité : [7] Quant à la pénalité, nous sommes satisfaits que le juge n’a pas commis d’erreur en la maintenant. Pour y échapper, l’appelante devait établir qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable. [8] Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’événement qui donne naissance à la pénalité. [9] L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e. une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. [10] Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité. [15] Je me rends bien compte que le montant du revenu non déclaré, en 2006, ne correspondait qu’à un pour cent du revenu total de l’appelante et je suis convaincue qu’il s’agissait d’une omission innocente. [16] Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commis la même erreur. L’appelante est intelligente et elle semblait être une femme d’affaires avertie. En 2006, elle ne détenait qu’un seul compte d’épargne et elle n’a reçu qu’un seul montant au titre du revenu en intérêts. Or, elle n’a pas déclaré de revenu en intérêts dans sa déclaration de 2006. [17] Lorsqu’elle a apporté ses documents chez son comptable pour faire préparer sa déclaration de revenus de 2006, l’appelante aurait dû se rendre compte qu’elle n’avait pas reçu le feuillet T5 indiquant son revenu en intérêts. Or, elle n’a pris aucune mesure en vue d’obtenir ce feuillet d’Amex. [18] L’avocat de l’appelante a soutenu que les faits de la présente affaire sont identiques à ceux de l’affaire Symonds, précitée. Je ne suis pas d’accord. Dans la décision Symonds, le juge Webb ne savait pas trop si la contribuable avait reçu et déclaré d’autres revenus en intérêts et il a tiré une déduction défavorable de l’omission de l’intimée de produire la déclaration de revenus de l’appelante. Voici ce qu’il a dit : 30 Il convient également de souligner que l’intimée était représentée par une avocate et que l’appelante agissait pour son propre compte. À mon avis, il est possible de tirer une déduction défavorable de l’omission de l’intimée de présenter en preuve la déclaration de revenus que l’appelante avait produite pour l’année 2006. La déduction défavorable que je fais est la suivante : la déclaration aurait révélé tout autre revenu en intérêts qui a été déclaré, de sorte qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commis la même erreur que l’appelante. [19] Eu égard aux circonstances de la présente affaire, je conclus que l’appelante n’a pas établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable. L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait pris des mesures raisonnables en vue de déclarer la totalité de son revenu en 2006 ou en 2008. [20] L’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’avril 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mai 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 121 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1717(IT)I INTITULÉ : BARBARA A. NORLOCK c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Hamilton (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 13 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelante : Me R. Brent Raby Avocat de l’intimée : Me Christopher Bartlett AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : R. Brent Raby Avocat 425, Tonelli Lane Milton (Ontario) L9T 0N4 Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 123
TCC
2,012
MacDonald c. La Reine
fr
2012-04-17
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30777/index.do
2022-09-04
MacDonald c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-17 Référence neutre 2012 CCI 123 Numéro de dossier 2009-1(IT)G Juges et Officiers taxateurs Joe E. Hershfield Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-1(IT)G ENTRE : Dr ROBERT G. MACDONALD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu les 21 et 22 septembre 2011, à Fredericton (Nouveau-Brunswick). Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield Comparutions : Avocat de l’appelant : Me J. Paul M. Harquail Avocat de l’intimée : Me David I. Besler ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli avec dépens, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’avril 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 13e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 123 Date : 20120417 Dossier : 2009-1(IT)G ENTRE : Dr ROBERT G. MACDONALD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hershfield Les points litigieux [1] L’appelant a fait l’objet d’une cotisation par laquelle un dividende imposable de 524 967 $ a été inclus dans son revenu pour l’année d’imposition 2002 en application du paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Selon cette disposition, un dividende est réputé avoir été reçu lorsqu’une société distribue des fonds à un actionnaire lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise. [2] Les opérations visées par la cotisation en vertu de cette disposition de la Loi incluaient une vente entre parties ayant entre elles un lien de dépendance des actions que l’appelant détenait dans Robert G. MacDonald Professional Corporation Ltd. (« PC ») en 2002 (la « vente des actions »). [3] La cotisation était également fondée sur l’article 245 de la Loi, soit la disposition communément connue sous le nom de disposition générale anti-évitement (la « DGAE »). [4] La cotisation était en outre fondée sur ce que la vente des actions, financée au moyen d’une série d’opérations liées à l’aide de fonds fournis par PC, était un trompe‑l’œil. Ce fondement a été abandonné à l’instruction. [5] L’appelant avait déclaré le montant en question à titre de gain en capital découlant de la vente des actions, compte tenu du fait qu’il avait reçu un produit de disposition de 525 068 $, le prix de base rajusté étant de 101 $. L’appelant avait la possibilité de déduire des pertes en capital et de reporter prospectivement d’autres pertes en capital (les pertes en capital nettes) disponibles pour mettre à l’abri une partie du gain en capital déclenché par la vente des actions. Selon la cotisation, établie en application du paragraphe 84(2), le montant reçu par l’appelant lors de la disposition, moins le capital versé de 101 $ des actions vendues, était réputé avoir été reçu à titre de dividende[1]. [6] Il s’agit ici de savoir si le paragraphe 84(2) s’applique eu égard aux faits de l’affaire ou si, de toute façon, la DGAE s’applique en vue d’aboutir au même résultat. En outre, si le montant en question doit être traité comme un dividende, l’appelant a soulevé une autre question, à savoir si la production de sa déclaration de revenus pour l’année en question en tant que résident du Canada au moment de la vente des actions était en fait exacte. Une preuve détaillée a été présentée à l’audience au sujet du fait que l’appelant était devenu résident des États‑Unis, de façon à permettre à la Cour de répondre à cette question. [7] Si l’appelant ne résidait pas au Canada lors de la vente des actions, les règles relatives à la disposition réputée figurant à l’alinéa 128.1(4)b) de la Loi s’appliqueraient et l’impôt payable sur le dividende réputé serait régi par l’article 212 de la Loi et par la Convention fiscale Canada-États-Unis[2]. Le mode de présentation de la preuve [8] Un exposé conjoint partiel des faits a été déposé à l’audience. Cet exposé est joint à l’annexe 1 des présents motifs. Les opérations entourant la vente des actions y sont décrites. En fait, il est reconnu que la vente des actions a été conclue au moyen d’une série d’opérations entre des parties ayant entre elles un lien de dépendance visant à donner à l’appelant l’accès à presque tous les actifs de PC. [9] Toutefois, l’appelant a également témoigné à l’audience. Son témoignage, dont la crédibilité et la fiabilité ont ouvertement été reconnues par l’avocat de l’intimée, indiquait les circonstances ayant mené à la vente des actions, les opérations liées ainsi que les raisons pour lesquelles ces opérations ont été exécutées de cette façon. Les précisions que l’appelant a données au sujet des opérations ont permis aux avocats de clarifier certains points incertains figurant dans l’exposé conjoint partiel des faits. [10] De plus, le témoignage de l’appelant donnait des détails assez précis au sujet des événements se rapportant au départ de l’appelant du Canada et au fait qu’il était devenu résident des États-Unis. Cette preuve est pertinente pour ce qui est de l’argument subsidiaire que l’appelant a invoqué, au cas où je conclurais que le paragraphe 84(2) s’applique, à savoir qu’il résidait déjà aux États-Unis au moment du versement du dividende réputé découlant de l’application de cette disposition. Lors de la production de sa déclaration pour l’année en question, l’appelant a pris la position selon laquelle la vente des actions et la réception du gain en capital avaient eu lieu le 25 juin 2002, pendant qu’il résidait encore au Canada. L’intimée n’a jamais contesté cette position et elle rejette la position subsidiaire de l’appelant lorsqu’il affirme avoir changé de résidence avant la vente des actions ou avant la distribution ou l’attribution des actifs de PC. [11] Il serait peut-être plus facile et plus équitable de nous pencher sur le témoignage de l’appelant avant d’examiner la série d’opérations par lesquelles la vente des actions a été accomplie et de donner des précisions à ce sujet. Le contexte factuel [12] Comme il en a été fait mention, le témoignage de l’appelant n’a pas été contesté. La preuve que l’appelant a présentée a donc été acceptée comme étant factuelle, sauf lorsqu’il était admis qu’elle était incertaine quant à ce que l’appelant se rappelait de certains événements remontant à l’année 2000, lorsque les événements qui l’ont amené à quitter le Canada se sont initialement produits. [13] Le témoignage de l’appelant faisait notamment état des circonstances suivantes : · Après avoir terminé ses études en médecine au Canada, l’appelant a effectué des études supérieures aux États‑Unis, où il a rencontré sa femme, Dale Paley, une citoyenne américaine qui était en train de terminer ses études en médecine vétérinaire. L’appelant était aux États-Unis en vertu d’un visa qui l’obligeait à retourner au Canada à la fin de ses études. Ses études lui ont permis d’obtenir un titre de spécialité en cardiologie, soit celle de chirurgien cardiaque interventionnel. L’appelant est revenu au Canada en 1986 et il a occupé un poste à Halifax. Mme Paley l’accompagnait et ils se sont mariés peu de temps après, ce qui a facilité les études canadiennes de Mme Paley en médecine vétérinaire. Par la suite, en 1991, l’appelant et sa femme se sont installés au Nouveau‑Brunswick, où l’appelant a occupé un poste au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, à l’Hôpital régional de Saint John, où il est resté jusqu’à son départ du Canada, en 2002. · L’appelant fournissait ses services au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick à titre d’employé de sa société professionnelle (aussi appelée « corporation professionnelle »), la société PC, qui avait été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick le 4 septembre 1991. Entre la date de constitution de PC en personne morale et bien après le départ de l’appelant du Canada, en 2002, l’appelant était l’unique administrateur et dirigeant de la société. Il a été l’unique actionnaire de la société jusqu’à la vente des actions. La société PC a changé de nom pour adopter celui de 050509 N.B. Ltd. le 26 juin 2002, dans la série d’opérations qu’il fallait conclure parce que l’appelant s’était installé aux États-Unis et avait cessé d’exercer sa profession de médecin au Nouveau‑Brunswick[3]. · Un grand nombre de praticiens indépendants, dont l’appelant, avaient leur cabinet au Centre cardiaque du Nouveau-Brunswick. L’hôpital louait des locaux à ces praticiens et fournissait des services de secrétariat. Un système de facturation commune avait été établi parmi les praticiens, mais chacun s’occupait de ses propres patients. Pendant les dix années qu’il a passées à Saint John, l’appelant avait réussi à convaincre un grand nombre de praticiens de se joindre à lui à l’hôpital, mais il était demeuré l’unique employé de PC. · PC recevait son revenu uniquement du régime d’assurance-maladie. La société avait un numéro de facturation (aussi appelé « numéro de médecin »), ce qui était une exigence pour la pratique de la médecine au Nouveau-Brunswick[4]. PC facturait ses services au régime d’assurance-maladie, qui envoyait ensuite à l’appelant un chèque au nom de PC. L’appelant déposait le chèque dans un compte bancaire du bureau. Un nouveau chèque était émis en faveur de PC compte tenu du droit proportionnel de la société. · Après avoir pratiqué la médecine au Canada pendant plus d’une dizaine d’années, l’appelant s’est rendu compte que sa femme voulait qu’ils retournent aux États-Unis pour y vivre. Il était difficile à celle-ci d’exercer sa profession de vétérinaire et le climat lui posait des problèmes. · En 2000, l’appelant a commencé à faire des démarches en vue d’émigrer aux États-Unis. Le processus nécessitait un grand nombre de démarches qu’il fallait accomplir et mener à bonne fin d’une façon satisfaisante afin de permettre à l’appelant d’obtenir le statut nécessaire en vue de résider et de travailler aux États-Unis avec sa femme. Ces démarches sont notamment les suivantes : ° Être parrainé par sa femme, une citoyenne américaine, à titre d’immigrant; ° Indiquer son intention de devenir résident des États-Unis, notamment acheter une maison aux États-Unis et mettre sa maison en vente au Canada; ° Signer une lettre d’entente en vue de se joindre à un cabinet à Greenville, en Caroline du Nord[5]. L’appelant avait reçu de ce cabinet une prime de recrutement et une prime à la signature, qu’il était obligé de rembourser s’il ne se joignait pas au cabinet; ° Faire certifier deux voitures que l’appelant avait achetées au Canada en vue de les exporter aux États-Unis, et notamment veiller à ce que les véhicules satisfassent aux règlements américains de l’Environmental Protection Agency et aux exigences fédérales américaines en matière de sécurité[6]. · Le 5 juin 2002, le consulat des États-Unis, à Montréal, a délivré un document intitulé : [traduction] « Visa d’immigrant et inscription au registre des étrangers ». Le visa expirait à minuit, le 4 décembre 2002, ce qui voulait dire que l’appelant devait quitter le Canada et devenir résident américain au plus tard le 4 décembre de cette année‑là. · L’appelant a quitté le Canada, comme l’exigeait le visa, avant la date d’expiration, en franchissant la frontière avec sa femme. Ils ont franchi la frontière à 17 h 30, heure normale de l’Est, le 25 juin 2002, en apportant tous leurs effets personnels. · Parmi les démarches additionnelles se rapportant au départ de l’appelant du Canada, il y avait les démarches suivantes : ° La rencontre des représentants de l’entreprise de déménagement, à la frontière, le 25 juin 2002, afin de s’assurer que les documents indiquaient que les effets personnels étaient exportés en permanence aux États-Unis; ° L’établissement de son cabinet aux États‑Unis en adhérant à un grand nombre de corporations et d’associations médicales. L’appelant a obtenu son permis des autorités compétentes de la Caroline du Nord, permis qu’il devait détenir afin de pratiquer la médecine dans cet État. Peu de temps après, l’appelant a obtenu un permis de l’Association médicale de la Caroline du Sud, lequel lui permettait de pratiquer la médecine à l’établissement médical où il travaille encore; ° La remise du permis de conduire du Nouveau-Brunswick et l’obtention d’un permis de la Caroline du Nord; ° L’ouverture d’un compte bancaire en Caroline du Nord. [14] Les paragraphes précédents décrivent les démarches que l’appelant a faites en vue d’immigrer aux États-Unis, mais il faut exposer la preuve se rapportant plus précisément à la rupture des liens que l’appelant entretenait avec le Canada. Je diviserai cette preuve en deux parties : le témoignage additionnel de l’appelant portant sur la rupture de ses liens personnels et professionnels et la liquidation de ses affaires au Canada; et la preuve que l’appelant a présentée au sujet de son placement dans PC et de la vente des actions. Je traiterai d’abord de la preuve que l’appelant a présentée au sujet de la rupture de ses liens, sauf ceux se rapportant aux actions qu’il détenait dans PC. [15] En ce qui concerne la rupture de ses liens avec le Canada, indépendamment de son placement dans PC, l’appelant a présenté la preuve suivante : · Avant le 25 juin 2002, il a vendu sa maison au Nouveau‑Brunswick et il a aliéné un grand nombre de possessions dont il n’avait plus besoin[7]. · Avant le 25 juin 2002, il a laissé expirer son permis de médecin du Nouveau‑Brunswick; il a démissionné et il a cessé d’être membre d’un grand nombre d’associations et de corporations médicales. Toutefois, il est encore membre du Collège royal des médecins. · Avant le 25 juin 2002, il a avisé l’Hôpital régional de Saint John qu’il cessait de pratiquer la médecine au Nouveau-Brunswick. · Il a veillé à ce que ses comptables, Teed Saunders Doyle & Co., préparent le formulaire T4 nécessaire faisant état de la rémunération reçue de l’employeur désigné, 050509 N.B. Ltd (autrefois PC). Le feuillet T4, qui a été présenté après le départ de l’appelant, était nécessaire étant donné que le régime d’assurance-maladie effectuait normalement les paiements de six à huit semaines après la facturation des services fournis à la province par un professionnel. Par conséquent, 050509 N.B. Ltd. recevait des fonds après le 25 juin 2002 pour des sommes que PC avait gagnées avant le 25 juin 2002. Ces rentrées de fonds étaient comptabilisées à titre de rémunération versée à l’appelant en sa qualité d’employé de 050509 N.B. Ltd. [16] Cela m’amène aux relations de l’appelant avec PC. [17] À titre de question préliminaire, je réitère ce dont j’ai déjà fait mention : indépendamment des opérations ici en cause, l’appelant avait des pertes en capital personnelles et des pertes en capital personnelles reportées prospectivement ou des pertes en capital nettes. Ce sont ces pertes qui ont mis à l’abri le gain en capital déclenché par la vente des actions. Je ferai souvent mention de ces pertes en capital personnelles et de ces pertes en capital personnelles reportées prospectivement en tant que telles, comme l’ont fait les parties, quoique, sur le plan technique, il semble qu’il s’agisse des pertes en capital nettes de l’appelant. [18] Quoi qu’il en soit, la décision de quitter le Canada a amené l’appelant, comme on peut s’y attendre, à demander des conseils fiscaux à son comptable. [19] Le comptable a informé l’appelant que son départ pourrait causer de gros problèmes fiscaux compte tenu des règles concernant les dispositions réputées figurant dans la Loi. Le problème qui a été décrit à l’appelant était qu’une disposition réputée des actions qu’il détenait dans PC déclencherait un impôt sur le gain en capital au Canada, à l’égard du gain en capital qu’il avait réalisé, mais que les États‑Unis ne comptabiliseraient pas une augmentation du prix de base de ces actions. Par conséquent, au moment de la disposition réelle des actions de PC, après le départ de l’appelant, la totalité du gain en capital serait imposable aux États‑Unis, compte tenu du fait que l’appelant résidait à cet endroit[8]. [20] En fait, l’appelant pouvait utiliser ses pertes en capital personnelles et ses pertes en capital reportées prospectivement en vue de compenser le gain en capital réalisé au Canada par suite de la disposition réputée, en vertu de la Loi, des actions qu’il détenait dans PC, mais cela ne lui offrirait aucune protection contre la comptabilisation d’un gain en capital ultérieur possible aux États‑Unis, calculé à l’aide du prix initial de 101 $. En fait, l’appelant perdrait l’avantage économique découlant de l’imputation de ses pertes en capital personnelles au gain réalisé à l’égard des actions qu’il détenait dans PC[9]. [21] Compte tenu de ce problème, le comptable de l’appelant a dirigé celui‑ci vers des experts en fiscalité, dans le domaine juridique ainsi que dans le domaine comptable. Un plan a été élaboré afin d’utiliser les pertes en capital et les pertes en capital reportées prospectivement disponibles au Canada, tout en empêchant, aux États‑Unis, une seconde réalisation imposable des actions que l’appelant détenait dans PC. [22] Il a tout d’abord été conseillé à l’appelant de vendre les actions qu’il détenait dans PC, au moyen de ce que je pourrais appeler une opération entre parties sans lien de dépendance, mais la chose s’est avérée peu pratique et de fait impossible. Il n’existait aucun marché pour les actions de PC en tant qu’entreprise de prestation des services d’un médecin : aucun médecin ne voudrait hériter des problèmes d’entreprise d’un autre médecin. Il fallait donc transformer la société professionnelle en une société de portefeuille, mais il n’existait encore une fois aucun marché pour ces actions. [23] Un plan a été élaboré selon lequel les actifs de PC seraient liquidés, les actions étant vendues au beau‑frère de l’appelant, J.S., qui résidait au Canada et qui était l’époux de la sœur de l’appelant[10]. J.S. consentait à acheter les actions si on lui donnait une marge de 10 000 $ entre ce qu’il pouvait obtenir de la société et ce qu’il aurait à verser à l’appelant pour les actions et si on l’indemnisait complètement de toute responsabilité civile qu’il risquait d’encourir par suite de l’achat des actions de PC. Il est reconnu que, conformément aux dispositions de la Loi, l’appelant et J.S. avaient entre eux un lien de dépendance[11], mais il n’a pas été soutenu que les conditions des opérations auxquelles J.S. participait auraient été différentes, ou qu’il aurait fallu qu’elles soient différentes ou sensiblement différentes, si J.S. n’avait eu avec l’appelant aucun lien de dépendance. [24] Le plan, tel qu’il est décrit dans l’exposé conjoint des faits et tel qu’il a été précisé à l’audience, a été exécuté ainsi : · Le 20 juin 2002, J.S. a constitué 601798 NB Ltd. (« 601 Ltd. ») en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick. Cette société a acquis de J.S. les actions de PC le 25 juin 2002, après que J.S. les eut acquises personnellement le même jour[12]. Les opérations sont bien documentées et chaque opération qui a eu lieu le 25 juin 2002 indique l’heure à laquelle elle a été signée. Les opérations sont donc facilement identifiables, dans un ordre particulier. · L’achat par J.S. des actions de PC a été payé au moyen de la remise d’un billet de J.S. en faveur de l’appelant (le « billet de J.S. »). Le prix d’achat a été fixé selon une formule qui donnait lieu à une contrepartie totale de 525 068 $[13]. · J.S. a transféré les actions de PC à 601 Ltd. en échange de la réception d’actions de 601 Ltd. et d’un billet de 525 068 $ payable par 601 Ltd. en faveur de J.S. (le « billet de 601 Ltd. »). · Le 25 juin 2002, PC a déclaré deux dividendes, l’un de 500 000 $ et l’autre de 10 000 $. Le même jour, PC a émis deux chèques en faveur de 601 Ltd., en sa qualité d’unique actionnaire de PC au moment où le dividende avait été déclaré, en paiement partiel du dividende de 500 000 $. Un chèque était de 320 000 $ et l’autre de 159 842 $. La société 601 Ltd. a de son côté endossé les chèques en faveur de J.S., en paiement partiel du billet de 601 Ltd., et J.S. a de son côté endossé les chèques en faveur de l’appelant, en paiement partiel du billet de J.S. L’appelant a émis en faveur de PC un chèque dont le montant, de 159 842 $, se rapportait à une dette d’autre source envers PC. Les chèques de 159 842 $ se compensaient et ils ont été comptabilisés en tant que tels, mais ils n’ont jamais été encaissés. Le chèque de 320 000 $ que l’appelant détenait alors n’a jamais été encaissé ni présenté à une banque pour paiement, mais il a été comptabilisé comme étant payable à l’appelant. Tous ces événements se sont produits le 25 juin 2002. · Comme il en a été fait mention, PC a changé de nom pour adopter celui de 050509 N.B. Ltd. le 26 juin 2002. La chose était compatible avec le fait que PC cessait d’être une société professionnelle étant donné que l’appelant n’était plus un actionnaire de la société et qu’il avait cessé de pratiquer la médecine au Nouveau‑Brunswick. Je continuerai en général à désigner cette société sous le nom de « PC ». · Le 1er septembre 2002, la société PC a déclaré un dividende final en faveur de 601 Ltd., lequel correspondait au montant encore dû sur le billet de 601 Ltd., à savoir 25 068 $. Ce montant, plus la partie impayée du dividende déclaré le 25 juin 2002, a été, à titre de dette reconnue envers J.S., comptabilisé par PC, conformément aux instructions de J.S., à titre de dette envers l’appelant[14]. Ces instructions visaient à satisfaire à l’obligation que J.S. avait encore en vertu du billet de J.S. · Le 15 juillet 2002, PC a versé à 601 Ltd., par chèque, le montant de 10 000 $. Le chèque a été déposé le 27 août 2002. · La société PC a préparé des statuts de dissolution le 31 juillet 2002 et elle a officiellement été dissoute le 4 février 2005. [25] Il importe de noter que les parties s’entendaient sur le moment de la distribution et de l’attribution des actifs de PC. En somme, bien qu’elles ne s’entendent pas sur l’effet de ces attributions ou distributions, elles s’entendent sur le moment où ces opérations ont eu lieu. [26] Les chèques et les billets, même s’ils n’ont pas été payés ou présentés pour paiement de la façon habituelle, ont été reconnus comme ayant été remis dans l’ordre indiqué à l’audience et l’intimée a reconnu qu’ils se rapportaient aux distributions ou attributions dont il était question à l’audience[15]. L’effet net était le suivant : il était reconnu que les inscriptions comptables, ou écritures de journal, théoriques ou réelles, créaient de véritables obligations ou dettes comptables qui constituaient des montants pleinement distribués et attribués. La question du moment où l’argent a changé de main, au sens littéral du terme, n’est donc pas pertinente. Somme toute, le moment où les fonds ont réellement, éventuellement, été remis au créancier inscrit, à savoir l’appelant, et la façon dont ils l’ont été, n’ont donc aucune pertinence. Les dates des distributions en question sont les suivantes : · le 25 juin 2002, avant de franchir la frontière, à 17 h 30 : 479 842 $ · le 1er septembre 2002 : 45 226 $ [27] Le moment où les fonds ont été distribués et attribués n’est pas contesté, mais l’intimée a émis un certain nombre d’hypothèses dans sa réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») en ce qui concerne la question de l’objet véritable des opérations. La plupart de ces hypothèses se rapportent à la position prise dans la cotisation, à savoir que les opérations en question constituaient un trompe-l’œil. Étant donné que cette position a été abandonnée à l’instruction, je ne m’y attarderai pas, sauf en ce qui concerne deux hypothèses que l’appelant a contestées : [traduction] La vente des actions à James Stewart n’avait aucun objet véritable, si ce n’est de conférer un avantage fiscal à l’appelant; L’appelant avait principalement l’intention, en concluant la série d’opérations, d’accéder au surplus accumulé de PC d’une façon lui conférant un avantage fiscal; [28] De plus, en décrivant les opérations conclues par l’appelant, l’hypothèse suivante, qui a été admise, était énoncée dans la réponse : [traduction] [...] gg) Le gain, tel qu’il a été allégué, était en partie mis à l’abri par des pertes en capital que l’appelant avait subies au cours de l’année ainsi que par des pertes subies au cours d’années antérieures et reportées prospectivement; [...] [29] Sous le titre : [traduction] « Moyens invoqués et redressement demandé », il est dit ce qui suit dans la réponse : [traduction] [...] 18. En outre, les opérations que l’appelant a conclues ont entraîné un abus dans l’application de la Loi étant donné qu’elles faisaient partie d’un mécanisme visant à contourner l’application du paragraphe 84(2) de la Loi. Les opérations n’avaient pas d’autre objet que celui de fournir à l’appelant la possibilité d’un traitement à titre de gain en capital et d’éviter les conséquences ordinaires des distributions d’actifs d’entreprise au moment de la liquidation et de la cessation de l’exploitation de l’entreprise, donnant lieu à un traitement à titre de dividendes réputés. Par conséquent, le montant de 525 068 $ est à juste titre inclus dans le revenu de l’appelant à titre de dividendes, conformément à l’article 245 de la Loi. [...] [30] L’intimée ne détermine expressément nulle part dans la réponse l’« avantage fiscal » qu’il faut déterminer pour l’application de l’article 245. Toutefois, implicitement, étant donné l’hypothèse énoncée à l’alinéa gg) précité de la réponse, il faut considérer l’avantage comme se rapportant à l’utilisation des pertes en capital et des pertes en capital reportées prospectivement qui n’auraient pas pu être utilisées si le paragraphe 84(2) s’était appliqué. Telle était sans aucun doute la position qui a été prise à l’instruction, quoique l’évitement général du traitement à titre de dividende que l’on a cherché à imposer en vertu du paragraphe 84(2), indépendamment de l’avantage fiscal particulier atteint au moyen de l’évitement, semble être une question sous‑jacente pertinente soulevée par l’intimée en l’espèce. [31] Cela étant, je ne crois pas que mon analyse puisse faire abstraction de cette question, même s’il s’agit tout simplement, me semble‑t‑il, d’un faux‑fuyant prêtant à confusion sinon troublant visant à éviter l’analyse portant sur l’« avantage fiscal » nécessaire en vertu de l’article 245. Les dispositions législatives [32] Les dispositions pertinentes de la Loi seront reproduites lorsqu’il sera nécessaire de le faire dans les présents motifs. Toutefois, une brève remarque s’avère opportune. Bien que les parties n’aient pas expressément invoqué la chose, je note que l’intimée cherche à donner effet à la cotisation d’une manière qui fait appel à l’alinéa 245(5)c) : 245(5) Attributs fiscaux à déterminer. Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), [...] [...] c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement; [...] [33] D’autre part, je note que l’intimée n’a pas expressément invoqué l’article 246. Les prétentions de l’intimée [34] Les prétentions de l’intimée peuvent être divisées ainsi : a. Le paragraphe 84(2) s’applique. Les mots « de quelque façon que ce soit » ont une portée générale. La vente complète la liquidation de l’entreprise de PC. b. L’article 245 s’applique. i. Il existe un avantage fiscal. Il a permis à une rentrée de fonds d’être qualifiée de gain en capital par opposition à un dividende, de sorte que l’appelant a éludé l’impôt sur cette rentrée de fonds du fait qu’il a mis à l’abri le gain en le compensant par des pertes en capital nettes. ii. La vente des actions ne comportait pas d’objet véritable. iii. Il y a eu abus dans l’application du paragraphe 84(2) et de la Loi dans son ensemble. La Loi traite du dépouillement du surplus dans un grand nombre de dispositions, et notamment à l’article 245. c. Le Dr MacDonald résidait au Canada au moment où les dividendes réputés ont été reçus. [35] Sauf en ce qui concerne le sous‑alinéa b)(i) ci‑dessus, sur lequel il n’est pas nécessaire de s’attarder, je donnerai des précisions, quoique d’une façon quelque peu sommaire, au sujet des arguments que l’intimée a invoqués à l’appui de ces prétentions. Il est satisfait aux exigences du paragraphe 84(2) : · L’attribution a été effectuée lors de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise de PC. Le Dr MacDonald mettait fin à sa pratique de la médecine au Canada, laquelle était gérée par l’entremise de PC. L’intimée soutient également que l’attribution a été effectuée lors d’une réorganisation de l’entreprise de PC : c’est‑à‑dire que PC, une société professionnelle, a été réorganisée en une société de portefeuille. · La décision RMM Canadian Enterprises Inc. v. R.[16] est invoquée. On se fonde en particulier sur l’interprétation large que le juge Bowman (tel était alors son titre) a donnée de l’expression « de quelque façon que ce soit », tel qu’elle est utilisée dans cette disposition. En répondant à la prétention du Dr MacDonald selon laquelle il avait reçu les fonds en sa qualité de créancier, l’intimée souligne un passage de la décision RMM dans lequel le juge Bowman dit que la vente des actions et la liquidation de l’entreprise d’Equilease se complètent. « La vente n’était qu’un aspect de l’opération décrite au paragraphe 84(2), qui donne lieu au dividende réputé »[17]. La qualité de créancier est donc inextricablement liée à la distribution à titre d’actionnaire. · Il aurait pu être difficile pour l’intimée, en abandonnant l’argument relatif au trompe-l’œil comme fondement de la cotisation, de soutenir que les opérations qui avaient été effectuées n’avaient pas pour effet de conférer à J.S. la propriété légale et la propriété effective des actions de PC au moment où celui‑ci les a transférées à 601 Ltd. Néanmoins, l’avocat de l’intimée a de fait avancé cet argument. En outre, en ce qui concerne le paragraphe 84(2), l’avocat de l’intimée a soutenu que PC avait en fait liquidé ou cessé d’exploiter son entreprise avant le moment où ses actifs ont été attribués au profit de l’appelant, de sorte qu’il était satisfait aux autres exigences du paragraphe 84(2). Article 245 – Absence d’objet véritable à l’égard de la vente des actions : · L’intimée se fonde sur le fait que les opérations ne comportaient aucun objet commercial. · Il est affirmé que l’évitement de la double imposition n’est pas pertinent, pour ce qui est de l’analyse de la DGAE. On se fonde sur la décision RMM. Dans cette décision, le juge Bowman a dit qu’il faut déterminer l’objet principal d’une opération dans le contexte du droit fiscal canadien, et qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte des implications internationales. Articles 245 – Il y a eu abus dans l’application du paragraphe 84(2) et de la Loi dans son ensemble : · L’intimée fait valoir que l’article 84 vise à empêcher une société de transformer un dividende imposable en un gain en capital. Elle fait l’historique de la question du « dépouillement du surplus », en remontant à son origine, dans la Loi telle qu’elle était en vigueur avant l’année 1972. Elle fait un examen approfondi de l’ancien paragraphe 247(1). Elle cite la note technique du ministère des Finances et soutient que l’impôt s’applique lorsque l’on retire des fonds d’une entité en sus du montant qui y a été placé. Lorsque la DGAE a été adoptée et que le paragraphe 247(1) a été abrogé, la DGAE devait s’appliquer aux opérations visées au paragraphe 247(1). · L’intimée affirme que les tribunaux conviennent que l’évitement est inapproprié dans le cas où des opérations effectuées par des parties ayant un lien de dépendance entraînent [traduction] « le retrait des fonds d’une entreprise au moyen de la “fabrication” d’un gain en capital donnant droit à la déduction prévue à l’article 110.6 de la Loi »[18]. Quatre décisions sont citées à l’appui[19] et, en particulier, les remarques que le juge Bowman a faites dans la décision RMM au sujet du dépouillement du surplus qu’il voyait comme un abus dans l’application de la Loi dans son ensemble. · L’intimée soutient que le moment pertinent, aux fins de l’imposition des dividendes réputés, est celui où ces dividendes sont gagnés, et non celui où ils sont retirés d’un compte bancaire. L’intimée cite le Bulletin d’interprétation IT‑221R3[20] et déclare que le Dr MacDonald fut un résident canadien jusqu’à ce qu’il soit entré aux États‑Unis. En effet : ° Le Dr MacDonald a signé les ententes avant de quitter le Canada; ° Les ententes reconnaissent la résidence canadienne du Dr MacDonald. ° Le Dr MacDonald a signé les déclarations des douanes américaines à titre de non‑résident des États‑Unis; ° Le Dr MacDonald détenait encore des comptes bancaires canadiens et un permis de conduire du Nouveau‑Brunswick, et ses véhicules étaient encore immatriculés au Nouveau‑Brunswick après le 25 juin 2002. · Subsidiairement, l’intimée affirme que la résidence du Dr MacDonald pouvait au plus tôt prendre fin au moment où il a franchi la frontière. Les dividendes auraient néanmoins été gagnés avant qu’il franchisse la frontière. Telle était la position de l’appelant lorsqu’il a produit sa déclaration. L’intention de l’appelant était d’avoir sa résidence au Canada, du moins jusqu’à ce qu’il franchisse la frontière. Il est possible de dire que l’attention minutieuse qu’il a portée à son déménagement étaye ce résultat et l’assure. En fait, l’argument invoqué est le suivant : la preuve n’est pas suffisamment claire pour réfuter l’hypothèse de l’intimée, lorsque celle‑ci affirme que l’appelant résidait au Canada pendant la période pertinente. · Aucune décision portant sur les questions de résidence n’a été présentée. En ce qui concerne une lettre de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») dans laquelle il est dit que le Dr MacDonald était un non‑résident au 25 juin 2002, l’intimée affirme que l’ARC a depuis lors procédé à un examen plus approfondi qui lui a fait changer d’idée. L’intimée cite la décision Ludco v. R.[21] et affirme que la lettre ne lie pas l’ARC. [36] D’une façon plus générale, l’argument de l’intimée donne intrinsèquement à penser que le paragraphe 84(2) devrait s’appliquer dès qu’un actionnaire a accès à des bénéfices non répartis, directement ou indirectement, pour que la rentrée de fonds soit qualifiée de dividende. Il est affirmé qu’il s’agit de la fin recherchée. En fait, l’intimée veut que le paragraphe 84(2) s’applique de façon que le montant soit traité à titre de dividende, comme cette disposition devait le faire, ce qui aurait pour effet de contrecarrer la fin abusive alléguée que recherche le contribuable dans ce cas‑ci. J’axerai donc mon analyse sur la portée et sur l’objet du paragraphe 84(2) en tant que disposition d’évitement. Si je conclus que le paragraphe 84(2) ne s’applique pas dans ce cas‑ci, l’intimée invoque l’article 245. L’application de la DGAE permettrait à l’intimée de s’assurer que le montant que l’appelant a reçu de PC est considéré comme un dividende que celui‑ci a reçu en sa qualité d’actionnaire, pendant qu’il résidait au Canada. Les prétentions de l’appelant [37] Les prétentions de l’appelant peuvent être traitées sous les titres des deux dispositions dont il est ici question, à savoir le paragraphe 84(2) et l’article 245. L’argument subsidiaire concernant la résidence de l’appelant sera examiné sous le titre de la résidence. Paragraphe 84(2) : · L’argument de l’appelant est qu’au moment de la distribution ou de l’attribution des actifs de PC, il n’était pas un actionnaire. L’appelant cite la décision clé Maccala v. The Queen[22] et il affirme que le paragraphe 84(2) ne peut pas s’appliquer dans ce cas‑ci parce qu’au moment de l’attribution ou de la distribution, il était un créancier de la société et non un actionnaire. La distribution a dans ce cas‑ci été effectuée en faveur de l’actionnaire inscrit – à savoir 601 Ltd. et non l’appelant. · De plus, si un avantage a été conféré à l’appelant en sa qualité d’actionnaire, il ne s’agissait pas d’un avantage conféré lors de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise de PC étant donné que les activités de la société à l’égard de cette entreprise, comme le fait de s’occuper des créances, se sont poursuivies après l’attribution en faveur de l’appelant. · L’appelant se fonde également sur le fait que les opérations ont été réalisées à leurs justes valeurs marchandes. Les dispositions de l’article 69 de la Loi ne sont pas pertinentes; de plus, l’appelant n’a tiré aucun avantage de la réalisation des opérations en question du fait qu’il y avait, entre J.S. et lui‑même, un lien de dépendance. Article 245 : · L’appelant affirme que, dans ce cas‑ci, il n’y avait aucun avantage fiscal étant donné que les opérations visaient à éviter un impôt américain en créant un gain en capital au Canada avant son départ aux États‑Unis. · L’appelant cite la décision Evans c. R.[23] et il affirme qu’il n’y a pas d’opération d’évitement. Il fait valoir que le ministre du Revenu national (le « ministre ») ne devrait pas être en mesure de qualifier autrement des opérations qui sont permises en vertu de la Loi comme moyen de repérer un évitement d’impôt. · L’appelant affirme en outre que les opérations n’étaient pas abusives. Elles ne contrecarrent pas une disposition précise de la Loi visant à empêcher le résultat obtenu; elles n’entraînent pas non plus un abus dans l’application d’une disposition de la Loi; elles ne contournent pas l’objet ou l’esprit des dispositions de la Loi et elles n’entraînent pas d’abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble. · Un débat du Sénat et un débat de la Chambre des communes ont été cités en vue d’indiquer l’intention du législateur d’éviter la double imposition. De plus, l’utilisation de pertes en capital accumulées en vue de mettre à l’abri des gains en capital était clairement un allégement prévu par la Loi. · D’une façon plus générale, l’appelant soutient qu’il n’y a pas abus dans l’application des dispositions de la Loi lorsque l’on conclut une opération qui permet l’utilisation de pertes passées véritables. Il affirme en outre que s’il est conclu, eu égard aux faits de l’affaire, que l’objet des opérations était de qualifier autrement le revenu, l’objet principal véritable de ces opérations n’était pas de conférer l’avantage fiscal qui consistait à utiliser des pertes en capital disponibles et des pertes en capital reportées prospectivement, mais d’éviter la double imposition à laquelle donneraient lieu les règles concernant les dispositions réputées au Canada et l’omission des dispositions d’imposition américaines, à ce moment‑là, de comptabiliser le prix de base majoré des actions de PC. Résidence de l’appelant : · À titre subsidiaire, l’appelant me demande de conclure qu’il ne résidait pas au Canada au moment pertinent, si je conclus que la distribution ou attribution alléguée doit être traitée à titre de dividende. · Il est affirmé que, selon cette approche, la Loi imposerait uniquement une retenue d’impôt sur le dividende au taux de 15 p. 100, ou même de 5 p. 100, selon l’application des dispositions de la Convention Canada‑États‑Unis[24]. Analyse Paragraphe 84(2) [38] Le paragraphe 84(2) est libellé ainsi : 84(2) Distribution lors de la liquidation, etc. – Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d’actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l’excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l’alinéa a) sur le montant visé à l’alinéa b) : a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués, selon le cas; b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de l’attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette catégorie; chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment. [39] Le bien que l’appelant a reçu, du moins au début de la série d’événements, est un billet – le billet de J.S. Il ne s’agit pas d’un bien appartenant à PC. [40] À la suite de la série d’événements, l’appelant a reçu le paiement du billet de J.S. à titre de créancier de PC et il a été payé en tant que tel à l’aide de fonds provenant de PC. [41] L’intimée me demande de conclure que l’appelant a reçu ces fonds de PC en sa qualité d’actionnaire. [42] D’autre part, l’intimée a reconnu que chaque opération de la série menant à la réception par l’appelant de fonds de PC était une opération juridiquement valable créant de véritables obligations entre toutes les parties en cause dans la série. [43] La distribution des fonds de PC à titre de dividende versé à 601 Ltd. en sa qualité d’unique actionnaire était donc un dividende juridiquement valable[25]. Les opérations qui ont suivi, par lesquelles l’appelant est devenu un créancier de PC, étaient également des opérations juridiquement valables. Sur le plan juridique, il ne devrait donc pas vraiment être contesté que l’appelant a reçu les fonds de PC en sa qualité de créancier. [44] La mention que je fais de la série d’« opérations juridiquement valables » découle de l’abandon de la position qui a été prise dans la cotisation, à savoir que les opérations en question constituaient un trompe‑l’œil. Cela étant, j’ai conclu, eu égard aux faits de l’affaire, que les opérations en question étaient juridiquement valables et qu’elles donnaient lieu aux droits et obligations que les dispositions de ces opérations créaient. [45] Autrement dit, je suis d’avis que tout droit de l’appelant existe en tant que contrepartie de la vente des actions. Il ne s’agit pas d’un droit vis‑à‑vis de l’appelant et de PC, c’est‑à‑dire que le droit de recevoir 525 068 $ n’est pas un droit vis‑à‑vis de l’appelant et de la société. [46] Cela étant, le paragraphe 84(2), selon ses termes exprès, ne peut pas s’appliquer pour qu’un dividende soit réputé avoir été versé à l’appelant dans ce cas‑ci. [47] Néanmoins, l’intimée avance essentiellement trois arguments. Premièrement, elle se fonde sur les mots « de quelque façon que ce soit ». Deuxièmement, elle se fonde sur la décision RMM. Troisièmement, elle se fonde sur une interprétation téléologique plutôt que littérale de la disposition en question. Ce troisième argument mène à l’argument selon lequel le paragraphe 84(2) est une disposition anti‑évitement qui, plus précisément, traite de ce que l’on appelle communément le dépouillement du surplus. En réponse à cet aspect de l’argument de l’intimée, l’appelant a renvoyé la Cour à des décisions anticipées connexes de l’ARC en matière d’impôt sur le revenu, portant sur les opérations concernant le dépouillement du surplus dans un contexte post mortem. J’examinerai ce point comme complément du troisième argument de l’intimée. [48] L’argument de l’intimée fondé sur les mots « de quelque façon que ce soit » est à mon avis voué à l’échec. Dans ce cas‑ci. les biens de PC ont été distribués sous la forme de dividendes. C’est l’actionnaire, 601 Ltd., qui a tiré parti de cette distribution. Le libellé exprès, « de quelque façon que ce soit », n’a pas pour effet de réacheminer le versement du dividende vers quelqu’un d’autre. La disposition en question porte sur les modalités de distribution en faveur de l’actionnaire au moment de la distribution. Si les fonds étaient distribués autrement que sous la forme d’un dividende, 601 Ltd. serait réputée, conformément au paragraphe 84(2), avoir reçu un dividende (peu importe que la chose comporte ou non une conséquence fiscale pour cet actionnaire à ce moment‑là). [49] Le droit de l’appelant découle du fait qu’il était créancier du tiers acheteur. Il importe de comparer le libellé du paragraphe 84(2) et celui du paragraphe 84(3). Cette dernière disposition porte sur une acquisition d’actions, un dividende étant réputé avoir été reçu si le montant versé pour les actions acquises excède le capital versé de ces actions. Cette disposition porte uniquement sur l’acquisition par une société de son propre capital‑actions, mais elle confirme qu’une disposition portant d’une façon plus générale sur des montants versés pour des actions acquises aurait expressément pu être libellée d’une façon similaire à l’égard de l’élément « dividende réputé » lorsque la société, directement ou indirectement, finance le paiement du prix d’achat. Le fait que le paragraphe 84(2) ne comporte aucun libellé exprès de ce genre démontre, selon moi, que sa portée n’était pas destinée à s’appliquer à des paiements effectués à titre de contrepartie versée pour une vente d’actions. [50] De fait, comme je l’ai déjà dit, selon le libellé exprès du paragraphe 84(2), seule la personne qui est actionnaire au moment de la distribution ou de l’attribution peut être réputée recevoir un dividende. Ce libellé, que je reproduirai encore une fois, en le soulignant, est le suivant : Lorsque des fonds ou des biens d’une société [...] ont, [...] été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires [...] lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à [...] chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à [...] [Non souligné dans l’original.] [51] Un tel libellé ne permet pas de conclure, en l’espèce, qu’il peut s’appliquer de façon que le prix de vente des actions payé à l’appelant soit réputé constituer un dividende. [52] En outre, la gestion continue des affaires de PC par l’appelant n’indique pas du tout en quelle qualité l’appelant a obtenu son droit sur les actifs de PC. Cela n’établit pas une propriété effective des actions de PC qui soit différente de la propriété légale. La société 601 Ltd. détenait à la fois la propriété légale et la propriété effective des actions de PC. Le fait que 601 Ltd. détenait des actions dans une société qui possédait des actifs liquides d’une valeur égale à ses obligations et le fait que 601 Ltd. a consenti à laisser l’unique créancier de la société à la tête de la société à titre d’unique dirigeant et administrateur, ou qu’elle a convenu de le faire, n’ont pas en tant que tels pour effet de déclencher l’application de principes de droit qui feraient du créancier un actionnaire. [53] Quoi qu’il en soit, l’intimée n’a invoqué aucun principe de droit qui permette de faire un tel bond. Ainsi, il n’a pas été soutenu qu’il existait un mandat ou une fiducie. Si un tel argument avait été avancé, il aurait été rejeté. Au mieux, à défaut d’affirmer que le transfert de la propriété légale était artificiel ou qu’il s’agissait d’un trompe-l’œil, la piste contractuelle pertinente dans ce cas‑ci est celle qui se rattache aux fonds. Même s’il était possible de dire, en suivant cette piste, que les sommes distribuées à 601 Ltd. étaient indirectement détenues au profit de l’appelant, le droit de celui‑ci serait encore celui que possède un créancier. À ce moment‑là, l’appelant était un créancier de J.S., qui était un créancier de 601 Ltd. Le fait qu’il est possible de dire que 601 Ltd. a assumé l’obligation que J.S. avait envers l’appelant en paiement de sa dette envers J.S. ne change rien au fait que le droit de l’appelant était celui d’un créancier. [54] Cela m’amène au deuxième argument de l’intimée, fondé sur la décision RMM. Il s’agit de la principale décision faisant autorité que la Couronne invoque pour affirmer que je devrais reconnaître que l’appelant a reçu les biens de PC à titre d’actionnaire pour l’application du paragraphe 84(2). Un passage de la décision RMM a été cité, dans lequel le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit que la vente d’actions et la liquidation d’une entreprise se complétaient. « La vente n’était qu’un aspect de l’opération décrite au paragraphe 84(2), qui donne lieu au dividende réputé »[26]. Cela voulait dire que la qualité de créancier était inextricablement liée à la distribution à titre d’actionnaire. [55] Je ne suis pas convaincu qu’il soit possible de faire abstraction dans ce cas‑ci de la distinction entre un actionnaire et un créancier. Il est vrai, en l’espèce, que la vente des actions et les distributions effectuées lors de la liquidation étaient complémentaires et que, grâce à un acheteur intermédiaire amical, les fonds d’entreprise se sont retrouvés entre les mains d’un « ancien » actionnaire, à savoir l’appelant. Dans l’affaire RMM, un acheteur d’actions avait également été introduit en tant qu’intermédiaire pratique en vue de permettre à la valeur de la société acquise de se retrouver entre les mains de l’ancien actionnaire, de sorte que, dans ce cas‑là, le contribuable puisse éluder la retenue d’impôt canadienne. Il est donc vrai que les faits de l’affaire RMM ne peuvent pas facilement être distingués de ceux de la présente espèce, si ce n’est que la cible de la cotisation, dans cette affaire‑là, se rapportait à l’évitement de retenues d’impôt canadiennes, ce qui n’est pas ici le cas. [56] Toutefois, la décision RMM peut être mise en contraste avec la décision McNichol v. The Queen[27]. Dans la décision McNichol, le juge Bonner est arrivé à une conclusion différente au sujet du paragraphe 84(2) : la vente des actions d’une société dont le seul actif était composé de l’encaisse ne déclenchait pas l’application du paragraphe 84(2), même si l’objet de la vente était de permettre au vendeur des actions d’avoir accès à l’exemption pour gains en capital plutôt qu’à un dividende. [57] Dans cette affaire‑là, comme dans la présente affaire, une entreprise acheteuse accommodante (qui avait par la suite fusionné avec la société) a été utilisée, quoique les fonds de la société utilisés aux fins du versement aux vendeurs d’actions de leur produit de disposition provenaient d’un emprunt. En fin de compte, l’intermédiaire acheteur a utilisé l’argent de la société afin de rembourser l’emprunt qu’il avait contracté afin de financer l’achat des actions. Le juge Bonner a strictement appliqué le texte du paragraphe 84(2) en concluant qu’il ne s’appliquait pas, bien qu’il ait tiré une conclusion défavorable aux contribuables en vertu de la DGAE. [58] Dans la décision RMM, le juge Bowman a fait une distinction à l’égard de la décision McNichol[28]. La distinction que le juge Bowman a faite semble être fondée sur le recours flagrant ou transparent à l’intermédiaire dans l’affaire RMM. Il serait possible de soutenir que les opérations qui ont été conclues dans l’affaire McNichol étaient elles aussi flagrantes et transparentes. [59] Avec égards, je ne suis pas d’accord pour dire que les distinctions qui ont été faites dans la décision RMM devraient limiter la portée de la décision qui a été rendue dans l’affaire McNichol. À mon avis, l’approche adoptée dans la décision McNichol, à savoir se fonder sur l’article 245 lorsque le paragraphe 84(2) ne s’applique pas, selon une interprétation stricte de son libellé, est celle qu’il convient d’adopter. Je donnerai ci‑dessous des précisions en analysant la question du dépouillement du surplus, qui est au cœur de ce que j’ai appelé le troisième argument de l’intimée, ainsi qu’en examinant ce point dans l’analyse de la DGAE qui suit. [60] Premièrement, je note qu’un autre aspect de la décision McNichol vaut la peine d’être mentionné. Il est vrai que l’entente concernant la vente des actions de PC en l’espèce doit avoir prévu l’utilisation des fonds de l’entreprise comme moyen de financer l’achat. Le vendeur actionnaire, tout en étant encore actionnaire, avait l’avantage de savoir que la série d’opérations qui devaient être conclues après la vente était structurée de façon à accomplir cet objectif. C’est également le cas dans l’affaire McNichol, où tous les intéressés savaient que les événements postérieurs à la vente des actions allaient se produire. Néanmoins, selon le juge Bonner, cette connaissance n’entraînait pas d’obligation de déclencher ces événements. [61] Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la promesse ou la prévisibilité d’un avantage pendant qu’une personne est actionnaire qui déclenche l’application du paragraphe 84(2). Cette disposition exige qu’il y ait distribution ou attribution de quelque façon que ce soit au profit d’une personne qui est un actionnaire lors de cette distribution ou de cette attribution. Une structure établie pendant qu’une personne est un actionnaire qui assure, au moyen d’une série d’opérations, l’accès aux fonds de l’entreprise en vue d’acquitter une dette créée par suite du fait que la personne en cause cesse d’être un actionnaire ne veut pas dire que cette personne reçoit ces fonds, ou reçoit un avantage, en sa qualité d’actionnaire. [62] Par conséquent, je suis encore d’avis que le texte du paragraphe 84(2) n’impose pas une exigence voulant que les paiements effectués en faveur d’un créancier soient qualifiés autrement comme étant des paiements en faveur d’un actionnaire. [63] Cela m’amène à ce que je considère comme le troisième argument de l’intimée. En plaidant une interprétation téléologique plutôt que littérale du paragraphe 84(2), l’intimée affirme intrinsèquement que, dans ce cas‑ci, il y a eu un abus dans l’application de la Loi, plus grave que celui qui se rapporte à l’interaction des gains en capital et des pertes en capital dans le calcul du revenu et du revenu imposable. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, en ce qui concerne le paragraphe 18 de la réponse, la question plus générale se rapporte à l’évitement des conséquences ordinaires des distributions d’actifs de l’entreprise, à titre de dividendes, qui doivent se produire au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise. Plus précisément, il ne s’agit pas tant d’une question qui se pose quant à un avantage fiscal particulier qui pourrait résulter de la différence d’impôt lorsque les actionnaires ont accès à des bénéfices non répartis à titre de dividende par opposition à lorsqu’ils obtiennent un traitement à titre de gains en capital, mais d’une question découlant de l’idée selon laquelle l’objet du paragraphe 84(2), tel qu’il a été adopté au moyen de la législation portant sur les dispositions d’immobilisations postérieures à l’année 1971, était d’empêcher le traitement à titre de gains en capital. La thèse avancée est qu’il s’agissait, et qu’il s’agit encore, d’une disposition anti‑évitement dont le libellé doit être interprété d’une façon plus générale en vue d’assurer un traitement à titre de dividende lorsqu’un contribuable reçoit indirectement les bénéfices non répartis d’une société qu’il avait le droit de recevoir en sa qualité d’actionnaire. [64] À mon avis, cette thèse est ténue. C’est un bond encore plus grand que de soutenir que la disposition postérieure à l’année 1971, suivant l’ancien modèle, visait à assurer les restrictions applicables après l’année 1971 quant à l’utilisation de pertes en capital, lorsque ni ces pertes ni ces restrictions n’existaient dans la loi telle qu’elle s’appliquait avant l’année 1972. De fait, les renvois historiques invoqués par l’intimée montrent que ce troisième argument constitue en fait une attaque portant sur les opérations relatives au dépouillement du surplus en tant que telles. [65] Cela me semble être une question se rattachant à la DGAE, mais avant de procéder à l’analyse, comme l’intimée soutient que ce fondement, en ce qui concerne le paragraphe 84(2), milite contre une interprétation littérale de cette disposition, il importe de faire des remarques additionnelles au sujet du dépouillement du surplus dans le contexte de la disposition en question. [66] À mon avis, il n’y a rien dans le libellé du paragraphe 84(2) qui permette de conclure à l’existence d’un fondement autre que celui selon lequel les distributions de liquidation qu’une société effectue à ses actionnaires à l’aide de ses bénéfices – ces actionnaires détenant une catégorie particulière d’actions – doivent être traitées comme des dividendes, si la distribution excède le capital versé de la catégorie particulière d’actions détenues par les personnes qui bénéficient de la distribution. Cet énoncé du fondement figure aux alinéas 84(2)a) et b). D’une façon plus générale, ce fondement fait partie d’un thème constant selon lequel les bénéfices non répartis d’une société constituent une source de dividendes et que leur utilisation ou leur retrait au profit d’actionnaires ne devrait pas être assujetti à un traitement fiscal différent de celui qui s’applique aux dividendes[29]. [67] Ceci dit, il est loin d’être certain que le paragraphe 84(2) ait été une disposition anti‑évitement visant à assurer ce résultat dans le cas d’un soi‑disant dépouillement du surplus, soit ce que le plan fiscal de l’appelant visait à accomplir. Le dépouillement du surplus dans ce cas‑ci consistait en ce que les actions de l’appelant avaient été acquises à l’aide des fonds de la société, acheminés par l’entremise d’une société liée sous forme de dividende libre d’impôt. Ce dépouillement classique dans l’ancien régime était assujetti à une disposition anti‑évitement précise, à savoir l’article 138A de l’ancienne Loi qui s’appliquait avant l’année 1972. En 1972, cette disposition a été remplacée par l’article 247, qui a été abrogé en 1988. La disposition qui a survécu est bien sûr l’article 245. Dans ces conditions, c’est cette disposition qu’il faut examiner. C’est essentiellement ce que le juge Bonner a conclu dans la décision McNichol, et je souscris à son avis. [68] En arrivant à cette conclusion, je ne puis faire abstraction de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Smythe et al. c. Ministre du Revenu national[30], même si les parties n’en ont pas directement fait mention. Dans cette affaire‑là, la Couronne avait eu gain de cause en appliquant à un dépouillement de dividende le paragraphe 81(1) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 (soit la disposition qui existait avant que le paragraphe 84(2) soit édicté). La Cour suprême du Canada a jugé inutile d’exprimer un avis au sujet de la portée du paragraphe 137(2) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 comme condition de l’application de l’ancien paragraphe 81(1), mais il est intéressant de noter que la Cour de l’Échiquier s’est fondée sur cette ancienne disposition à titre de disposition interdisant le dépouillement d’un dividende. Le paragraphe 137(2) était une disposition portant sur les opérations artificielles. Si une opération conférait artificiellement un avantage, l’avantage était réputé avoir été conféré « nonobstant la forme ou l’effet juridique des opérations ». La Cour suprême du Canada s’est simplement fondée sur le caractère artificiel de l’opération qui donnait lieu au dépouillement de dividende sans se fonder sur l’ancien paragraphe 137(2). Or, en l’espèce, il n’a pas été allégué que les opérations en question étaient artificielles. En outre, et ce qui est important, comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, l’ancien paragraphe 137(2) a été remplacé dans la Loi postérieure à l’année 1971 par l’ancien article 247, qui est devenu l’article 245 actuel en 1988[31]. Tout cela pour dire que la disposition qu’il convient d’appliquer en l’espèce, puisque la question du trompe-l’œil a été supprimée comme fondement de la cotisation, est à mon avis l’article 245 de la Loi. [69] Par conséquent, rien ne me permet de conclure qu’une analyse contextuelle téléologique du paragraphe 84(2) commanderait une interprétation moins littérale de son libellé que celle qui doit s’appliquer, selon ce que j’ai conclu, quoiqu’il reste un dernier aspect de cet argument dont il faut traiter. [70] J’ai ci‑dessus fait remarquer qu’il faut traiter d’un autre aspect de la position que le ministre a prise à l’encontre du dépouillement du surplus. Cet aspect a été soulevé par l’avocat de l’appelant, qui m’a renvoyé à ce qui était selon lui une stratégie de planification fiscale analogue concernant le dépouillement du surplus au sujet de laquelle l’ARC avait rendu des décisions anticipées. Je traiterai plus loin de cette stratégie dans la planification fiscale post mortem comportant une stratégie dite du « pipeline ». [71] Il va sans dire que les décisions de l’ARC ont normalement peu de poids lorsqu’il s’agit pour la Cour de décider de la façon dont il faut interpréter et appliquer le libellé d’une disposition de la Loi. Toutefois, les pratiques de l’ARC en ce qui concerne les stratégies de planification fiscale visant le dépouillement du surplus dans un autre contexte tendent à montrer jusqu’à quel point il est difficile d’appliquer le paragraphe 84(2) lorsque l’analyse n’est pas uniquement axée sur l’abus. [72] Le contexte dans lequel les décisions portant sur le dépouillement du surplus sont pertinentes est celui de l’évitement de la double imposition au moment du décès. La planification fiscale post mortem vise habituellement à éviter la double imposition en assurant ou en préservant le traitement à titre de dividende ou le traitement à titre de capital lorsque les fonds d’une société appartenant au défunt au moment du décès sont distribués à la succession. [73] La double imposition résulte de la disposition réputée des immobilisations au moment du décès, ce qui pourrait déclencher un gain en capital sur les actions détenues par le défunt au moment de son décès, et un dividende imposable subséquent – ou un dividende réputé en vertu du paragraphe 84(2) – sur la distribution des fonds de la société en faveur de la succession. Cette distribution diminue la valeur des actions et crée une perte en capital pour la succession au moment du retrait des actions héritées à un prix de base rajusté (le « PBR ») élevé par suite de la disposition réputée par le défunt à leur juste valeur marchande (la « JVM »)[32]. Si cette liquidation de la société est effectuée au cours de la première année qui suit le décès, la perte en capital de la succession peut être reportée rétrospectivement à l’année du décès du défunt, éliminant ainsi le gain en capital résultant de la disposition réputée conformément au paragraphe 164(6). La chose évite la double imposition, en ce sens que les bénéfices non répartis de la société ont uniquement été imposés une seule fois à titre de dividende entre les mains de la succession. Ce qui est encore plus important, c’est que cela montre également que la Loi, dans ce cas‑ci du moins, ne se préoccupe pas de la différence entre le traitement à titre de gain en capital et le traitement à titre de dividende, c’est‑à‑dire que le traitement à titre de dividende, qu’il soit pleinement intégré ou non, est acceptable. [74] Il est possible de soutenir qu’il s’agit d’une circonstance exceptionnelle, mais elle n’est pas particulièrement exceptionnelle lorsqu’elle permet au gain en capital d’être traité comme s’il s’agissait d’un dividende. Elle est exceptionnelle lorsqu’elle permet à une perte en capital d’être transférée à un contribuable différent au cours d’une année d’imposition différente. Dans toute autre circonstance, cela déclencherait probablement l’application de la DGAE si la chose était accomplie au moyen d’une opération d’évitement. [75] Même si cette circonstance est exceptionnelle lorsqu’elle permet au gain en capital d’être traité comme s’il s’agissait d’un dividende, elle le fait au moyen d’une comptabilité ou un rapprochement final des gains en capital et des pertes en capital du défunt. Une situation similaire existe dans le contexte d’un départ du Canada. Assurer un résultat similaire au moyen d’une opération d’évitement ne me semble pas abusif. [76] Ceci dit, je note que la décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu mentionnée par l’avocat de l’appelante se rapporte à l’utilisation par la succession d’une société de portefeuille nouvellement constituée. La succession transfère les actions de la société qui appartenaient au défunt au moment du décès (la « société du défunt ») à la nouvelle société de portefeuille. La contrepartie versée pour le transfert est un billet d’une valeur égale à la JVM des actions transférées, qui ne déclenche pas de gain en capital étant donné le PBR élevé pour la succession des actions de la société du défunt. La société du défunt verse un dividende de liquidation à la société de portefeuille, qui utilise les fonds en vue de payer le billet détenu par la succession. Cela évite un double impôt : les bénéfices non répartis de la société du défunt ont uniquement été imposés une fois, à titre de gain en capital réalisé par le défunt au cours de l’année du décès. [77] Ce plan post mortem est parfois désigné sous le nom de stratégie du pipeline post mortem. Cette stratégie, comme c’est ici le cas, vise à éviter le traitement à titre de dividende au moyen de mesures destinées à assurer que la personne qui se livre à cette planification fiscale reçoit le dividende de liquidation en sa qualité de créancier. On choisit d’accepter le traitement à titre de gain en capital au moment du décès, par opposition à un traitement à titre de dividende au moment où la succession reçoit les actifs de l’entreprise. [78] L’ARC a publié des décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu selon lesquelles pareilles opérations effectuées selon la stratégie du pipeline post mortem ne seront pas assujetties au paragraphe 84(2) si la distribution de liquidation n’a pas lieu dans un délai d’un an et qu’au cours de cette période, la société du défunt continue à exercer les activités auxquelles elle se livrait avant le décès[33]. [79] Ce plan post mortem est clairement analogue à celui que l’appelant a adopté dans ce cas‑ci. Dans les deux cas, l’accès aux bénéfices d’une société est assuré de façon à éviter le traitement à titre de dividende. De plus, dans les deux cas, le rapprochement est effectué à un moment précis – au décès ou au départ du Canada. Les conditions imposées aux opérations post mortem, si elles sont imposées dans ce cas‑ci, montreraient que la pratique de l’ARC en matière de cotisation était uniforme lorsqu’il s’agissait de tenter d’appliquer le paragraphe 84(2). Le message semble être le suivant : si le dépouillement est effectué suffisamment lentement pour satisfaire à l’« épreuve olfactive » mise au point, il n’y aura pas de problème. [80] À mon avis, cet état de choses n’est pas satisfaisant. Le libellé exprès du paragraphe 84(2) ne commande pas les conditions clairement arbitraires qui sont imposées. Selon moi, il s’agit de conditions imposées par la nécessité, sur le plan administratif, de ne pas abandonner, et de fait de respecter, la pratique en matière de cotisation que la décision RMM semble dicter. Si l’on insiste moins sur le caractère artificiel, la menace que présente le paragraphe 84(2) disparaît. Cet état insatisfaisant de choses disparaît d’une façon plus appropriée une fois qu’il est reconnu qu’il faut interpréter le paragraphe 84(2) d’une façon plus littérale dans tous les cas et que la DGAE s’applique aux cas d’abus. [81] L’analyse qui a été effectuée dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada[34] cadre bien avec cette approche générale : 11 […] le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle. Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent. 12 Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. Comme l’affirme la Cour, au par. 45 de l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 : [E]n l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution. [Nous soulignons.] Voir également l’arrêt 65302 British Columbia, par. 51, où le juge Iacobucci cite P. W. Hogg et J. E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), p. 475‑476 : [traduction] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition. 13 La Loi de l’impôt sur le revenu demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle. À cet ensemble de dispositions détaillées, le législateur a greffé une disposition d’un genre bien différent, la RGAÉ, qui est une disposition générale destinée à invalider, pour le motif qu’ils constituent de l’évitement fiscal abusif, des mécanismes qui seraient acceptables selon une interprétation littérale d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme l’indique l’arrêt Shell (par. 45), dans la mesure où la RGAÉ constitue une « disposition [...] contraire », le principe du duc de Westminster et l’accent mis sur l’interprétation textuelle peuvent être atténués. En définitive, comme le précise l’arrêt Shell, « [i]l incombe aux tribunaux d’interpréter et d’appliquer la Loi telle qu’elle a été adoptée par le Parlement » (par. 45). Les tribunaux doivent, dans la mesure du possible, donner effet simultanément à la RGAÉ et aux autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu applicables à une opération donnée. [82] Il me semble que telle est l’approche à adopter dans ce cas‑ci. Eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’y a rien dans le paragraphe 84(2) de la Loi qui invite l’ARC ou la Cour à changer la personne qui reçoit l’avantage, ou encore le statut ou la capacité juridique de la personne qui reçoit l’avantage. Qualifier autrement le statut juridique de l’appelant ou en faire abstraction dans ce cas‑ci nous amène à tenir compte de l’application de l’article 245 de la Loi. C’est exactement ce que le paragraphe 245(5) permet dans certaines circonstances. Ce n’est que dans ces circonstances, et uniquement dans ces circonstances, que les opérations en question doivent être qualifiées autrement. Autrement dit, lorsque la DGAE ne s’applique pas en vue de qualifier autrement l’effet juridique d’une série d’opérations, il ne faut pas trop s’empresser d’élargir la portée d’autres dispositions de la Loi en vue d’obtenir ce résultat lorsque leur interprétation stricte ne commande pas un tel résultat. Il s’agit simplement d’un nouvel énoncé d’un principe que la Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada : 16 […] La RGAÉ a pour objet de supprimer les avantages fiscaux de certains mécanismes qui sont conformes à une interprétation littérale des dispositions de la Loi, mais qui constituent un abus dans l’application de ces dispositions. [...] [83] Je tiens à ajouter ici que, plus loin dans les présents motifs, les parties apprendront que même si la DGAE est appliquée, l’appelant aura gain de cause. De fait, il s’agit peut‑être bien d’un cas dans lequel le contribuable a avantage à se prévaloir de la DGAE. Les incertitudes que comporte l’application d’une autre disposition de la Loi, telle que le paragraphe 84(2), à un stratagème d’évitement particulier pourraient être réglées en se fondant sur la DGAE, du moins lorsque l’application de la DGAE renforce l’interprétation de l’autre disposition invoquée par le contribuable dans un cas particulier. En pareil cas, la DGAE pourrait bien être considérée comme un bouclier. Le fait que les décisions faisant autorité exigent qu’elle ne soit pas utilisée comme épée lorsqu’une autre épée n’a pas réussi à venir à bout du contribuable[35] ne veut pas pour autant dire qu’il n’est pas possible dans certains cas de l’utiliser comme bouclier, en ce sens qu’il s’agit d’un meilleur critère décisif à appliquer en vue d’empêcher un évitement illégal plutôt que de chercher à étendre la portée d’une disposition minutieusement libellée telle que le paragraphe 84(2). [84] Quant à l’argument de l’appelant selon lequel l’entreprise de PC n’avait pas été liquidée, je ne suis pas d’accord. Les termes « lors de la liquidation » employés au paragraphe 84(2) se rapportent à une série d’événements qui font partie du processus de liquidation. À mon avis, les distributions ont clairement été effectuées dans ce cas‑ci lors de la liquidation de l’entreprise de PC. [85] Même si ce n’était pas le cas, il y a du moins eu réorganisation de l’entreprise de PC. En effet, PC, qui exploitait une entreprise médicale alimentant ses activités de placement, est devenue un moyen de détention d’actifs[36]. Toutefois, les actifs n’étaient détenus qu’aux fins de leur distribution complète. Considérées dans leur ensemble, les distributions dans ce cas‑ci faisaient clairement partie d’un processus de liquidation et elles ont donc été effectuées « lors de la liquidation » pour l’application du paragraphe 84(2). [86] Néanmoins, pour les motifs ci‑dessus énoncés, le paragraphe 84(2) ne s’applique pas en l’espèce. Article 245 [87] La disposition d’imposition de l’article 245 figure au paragraphe 245(2) : 245(2) Disposition générale anti‑évitement [DGAE] – En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie. [88] Les mots « évitement fiscal » et « avantage fiscal » sont définis à l’article 245 et même lorsqu’il est satisfait aux exigences de cette disposition d’imposition, des exceptions à son application sont prévues au paragraphe 245(4). [89] La façon générale de traiter l’application de ces éléments de l’article 245 a été énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, et résumée ainsi dans l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. R.[37] : 1. Y a‑t‑il eu avantage fiscal? 2. L’opération ayant généré l’avantage fiscal était‑elle une opération d’évitement? 3. L’opération d’évitement ayant généré l’avantage fiscal était‑elle abusive? Y a‑t‑il eu avantage fiscal? [90] L’expression « avantage fiscal » est définie au paragraphe 245(1) : (1) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article. « avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal. [91] Il est intéressant de noter que la définition de l’« avantage fiscal » n’indique pas expressément si l’avantage en était un auquel le contribuable aurait eu droit même si les opérations qui y ont donné lieu n’avaient pas été exécutées. D’autre part, la Cour suprême du Canada a fait remarquer, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, qu’il pourrait être pertinent d’examiner des situations comparables dans un cas comme celui‑ci et elle a réitéré cette remarque au paragraphe 35 de l’arrêt Copthorne : Notre Cour affirme dans Trustco que l’existence d’un avantage fiscal peut être établie en comparant la situation du contribuable à celle qu’aurait produit un autre mécanisme (par. 20), auquel cas il faut que l’autre mécanisme en soit un qui [traduction] « aurait pu raisonnablement avoir été employé n’eût été l’avantage fiscal » (D. G. Duff, et autres, Canadian Income Tax Law (3e éd. 2009), p. 187). En s’attachant à ce que la société aurait fait si elle n’avait pas cherché à bénéficier de l’avantage fiscal, cette démarche vise à isoler l’effet fiscal avantageux de la motivation non fiscale du contribuable. [92] En déclarant la contrepartie reçue de J.S. à titre de gain en capital plutôt qu’à titre de dividende reçu de PC, l’appelant a pu utiliser les pertes en capital nettes disponibles en vue de compenser le gain. Indépendamment de la question sous‑jacente que l’intimée a soulevée au sujet du dépouillement du surplus et de l’évitement d’un traitement à titre de dividende au moment de la liquidation d’une entreprise, l’utilisation des pertes en capital est le seul avantage fiscal réel que l’intimée a déterminé. Le recours à une approche comparative nous amène à nous demander ce qui aurait probablement été fait si ce n’était de l’obtention de cet avantage. [93] Ma réponse pourrait bien être que l’appelant aurait quitté le Canada en tant qu’actionnaire de PC. En pareil cas, il bénéficierait de l’avantage fiscal même auquel le mécanisme contesté a donné lieu, ce qui veut dire, comparativement, qu’il n’y a pas du tout d’avantage fiscal. En somme, si l’appelant s’était installé aux États‑Unis et qu’il avait encore détenu ses actions de PC, il aurait eu la possibilité d’utiliser les pertes en question simplement en vertu de la disposition relative à la disposition réputée dont il a ci‑dessus été fait mention dans les présents motifs. [94] En toute logique, il serait donc possible de conclure qu’il n’y a pas eu d’avantage fiscal dans ce cas‑ci ou du moins que l’avantage fiscal invoqué par l’intimée comme étant pertinent n’existait pas. D’autre part, l’intimée ne s’est pas fondée sur une approche comparative en vue de déterminer l’avantage fiscal dans ce cas‑ci. [95] Je ne doute aucunement que la cotisation puisse aller de l’avant sans qu’il soit nécessaire de se fonder sur une comparaison. C’est ce qui ressort de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada. En effet, aux paragraphes 19 et 20, la Cour a conclu ce qui suit : 19 […] La question de savoir s’il existe un avantage fiscal est une question de fait qui est d’abord tranchée par le ministre, et ensuite par les tribunaux, habituellement la Cour de l’impôt […]. 20 Dans les cas où une déduction est demandée à l’égard d’un revenu imposable, il est évident qu’il existe un avantage fiscal étant donné qu’une déduction entraîne une réduction d’impôt. Dans d’autres cas, il se peut que l’existence d’un avantage fiscal ne puisse être établie qu’au moyen d’une comparaison avec un autre mécanisme. [...] [96] La Cour inclut ensuite, au paragraphe 20, le cas où il existe un gain en capital par opposition à un revenu d’entreprise à titre d’exemple de cas dans lequel une approche comparative pourrait être utilisée, mais j’estime que cela n’est pas suffisant pour pousser l’analyse, en l’espèce, au‑delà de l’acceptation de l’avantage fiscal simple et clair déterminé par l’intimée, à savoir la création d’un gain en capital permettant l’utilisation des pertes en capital entraînant une réduction de l’impôt à payer. [97] Je note en outre que le fait de chercher au‑delà de cet avantage fiscal clair que l’intimée a déterminé ne serait pas compatible avec l’approche analytique énoncée dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, à laquelle l’arrêt Copthorne n’a rien changé. [98] Au paragraphe 63 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, sous le titre « Fardeau de la preuve », la Cour a fait la remarque suivante : La détermination de l’existence d’un avantage fiscal et d’une opération d’évitement au sens des par. 245(1), (2) et (3) commande des décisions relatives aux faits. Voilà pourquoi le fardeau de la preuve est le même que dans n’importe quelle instance fiscale où le contribuable conteste la cotisation établie par le ministre et les présomptions de fait qui la sous‑tendent. Au départ, il incombe au contribuable de « réfuter » ou de mettre en doute les présomptions de fait du ministre, en contestant l’existence d’un avantage fiscal [...] [99] Les hypothèses formulées par le ministre doivent donc être suffisantes pour permettre de déterminer un avantage fiscal particulier sur lequel l’analyse fondée sur l’article 245 met l’accent. Bref, je n’accepte pas cette mention du fardeau qui incombe au contribuable de réfuter l’existence d’un avantage fiscal comme libérant le ministre de l’obligation de déterminer avec certitude l’avantage fiscal auquel ont donné lieu les opérations d’évitement, opérations qui, est‑il allégué, sont abusives. Il ne devrait y avoir aucun doute au sujet de ce que l’appelant doit réfuter. Le fardeau incombe au ministre à cet égard. [100] Toutefois, je dois ici également faire remarquer que la détermination sélective d’un avantage fiscal particulier, par opposition à un autre avantage, comporte un élément arbitraire qui est quelque peu troublant dans ce cas‑ci. Il était clairement loisible au ministre d’établir une cotisation à l’égard des opérations en question en se fondant sur le fait que l’avantage fiscal consistait à éliminer l’impôt de la partie XIII. [101] Il aurait facilement été possible de se fonder sur la situation comparable dans laquelle l’appelant se serait trouvé s’il s’était installé aux États‑Unis sans conclure la vente des actions, s’il avait utilisé ses pertes en capital, et s’il avait ensuite liquidé PC après son déménagement. En fait, tel est le résultat que l’appelant est prêt à accepter selon son argument subsidiaire. Toutefois, le présent appel ne porte pas sur une telle situation. Le ministre a reconnu que les opérations contestées ont effectivement été complétées, comme on l’avait prévu, par un résident du Canada. Néanmoins, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas convaincu que mon analyse sera complète si je me contente de mettre l’accent sur l’avantage fiscal invoqué par le ministre dans ce cas‑ci. À mon avis, l’analyse fondée sur la DGAE ne sera complète que si j’examine de front la question sous‑jacente que l’intimée a soulevée dans le présent appel, à savoir la question du dépouillement du surplus en soi. Je traiterai de cette question sous un titre distinct, soit celui de l’« abus », où je conclurai qu’il est loin d’être certain que, dans un régime intégré société‑actionnaire, il soit possible de dire qu’un dépouillement du surplus en soi constitue un abus de l’esprit et de l’objet de la Loi lue dans son ensemble. [102] Par ailleurs, il est clair que l’analyse fondée sur la DGAE doit à juste titre être axée sur l’avantage fiscal particulier qui, selon le ministre, résulte du dépouillement du surplus, à savoir l’utilisation des pertes en capital nettes de l’appelant. [103] Tel était l’avantage découlant du surplus et, en vertu de la DGAE, c’est cet avantage qui a une pertinence cruciale. [104] Il importe de noter le passage suivant de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada : 64 [...] La Cour d’appel fédérale [dans OSFC] a statué qu’aucun fardeau ne pèse sur l’une ou l’autre des parties à l’étape de l’interprétation des dispositions en cause, puisqu’il s’agit là d’une question de droit qu’il incombe en fin de compte à la cour de trancher. Elle a ajouté, au par. 68, que « dans une perspective pratique, le ministre doit [...] énoncer la politique générale en mentionnant les dispositions de la Loi ou les moyens extrinsèques sur lesquels il s’appuie ». 65 En pratique, c’est le dernier énoncé qui est important. Une fois qu’il a démontré qu’il respecte le libellé d’une disposition, le contribuable ne devrait pas avoir à prouver qu’il n’a pas, de ce fait, contrevenu à l’objet ou à l’esprit de la disposition. Il appartient au ministre qui tente d’invoquer la RGAÉ de décrire l’objet ou l’esprit des dispositions qui auraient été contournées, selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi. Le ministre est mieux placé que le contribuable pour présenter des observations sur l’intention du législateur dans le but d’interpréter les dispositions de façon harmonieuse avec le régime législatif général qui s’applique à l’opération en cause. [105] Il est uniquement possible de dire qu’il y a eu abus de l’objet et de l’esprit d’une disposition particulière de la Loi lorsqu’un avantage fiscal non voulu a été conféré. La question qui se pose ici se rapporte donc aux objectifs et aux politiques de la Loi concernant l’utilisation restreinte des pertes en capital, et non à quelque thème général concernant l’accès aux bénéfices non répartis de l’entreprise autrement qu’à titre de dividende. En somme, l’analyse devrait être axée sur le présumé avantage fiscal non voulu créé par le dépouillement – l’utilisation des pertes en capital. [106] Je procéderai donc sur cette base. L’opération ayant généré l’avantage fiscal était‑elle une opération d’évitement? [107] La DGAE peut uniquement s’appliquer lorsqu’il y a une opération d’évitement, telle qu’elle est définie au paragraphe 245(3) : 245(3) Opération d’évitement – L’opération d’évitement s’entend : a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable; b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable. [108] Il est bien établi qu’« [u]ne opération d’évitement peut produire un avantage fiscal de façon indépendante ou [qu’]elle peut faire partie d’une série d’opérations dont découle cet avantage »[38]. [109] Étant donné l’« avantage fiscal » déterminé ci‑dessus, il n’est pas strictement nécessaire d’examiner la série d’opérations dans ce cas‑ci. L’avantage fiscal a été obtenu lorsque l’appelant a vendu à J.S. les actions de PC. Toutefois, il est juste de dire que la vente des actions dans ce cas‑ci n’existe pas dans le vide : chaque opération, du début à la fin, a été effectuée et complétée en prévision de chaque autre opération. Le reste de la série d’opérations a donné lieu à d’autres avantages fiscaux, internes et étrangers, mais ces opérations ne sont pas pertinentes dans le contexte de l’avantage fiscal qui est ici en cause. Plus précisément, si je vais au‑delà de la vente des actions et que je reconnais que l’appelant a eu accès aux fonds de PC, au moyen de la série d’opérations, en sa qualité de créancier, de façon à éviter l’impôt de la partie XIII et la double imposition aux États‑Unis, cela ne change rien au fait que la vente des actions en soi n’a pas été conclue à quelque autre fin que celle d’obtenir l’avantage fiscal que comportait l’utilisation des pertes en capital de l’appelant au Canada. [110] S’il est reconnu que la vente des actions en faveur de J.S. donne lieu à l’avantage fiscal, il est clair que l’appelant a effectué cette opération principalement, et de fait uniquement, en vue d’obtenir l’avantage fiscal. Cette conclusion ne semble pas remarquable, étant donné que l’utilisation des pertes en capital de l’appelant était assurée même si celui‑ci ne faisait rien d’autre que de s’installer aux États‑Unis avec ses actions de PC en main, mais il s’agit d’une opération qui a entraîné l’avantage fiscal déterminé par l’intimée. [111] Au risque de me répéter, puisque j’ai conclu que la vente des actions visait principalement à permettre à l’appelant d’utiliser les pertes en capital, je tiens à dire clairement que je ne retiens pas la preuve de l’appelant lorsque celui‑ci déclare que l’avantage fiscal non canadien qui consiste à éviter la double imposition aux États‑Unis constituait l’objet principal de la vente des actions. Une telle assertion est beaucoup trop simple. Il s’agissait d’un objet qui devait être atteint de manière à ne pas faire perdre à l’appelant l’avantage que comportait l’utilisation de ses pertes en capital. Pour atteindre cet objet, l’appelant a conclu qu’il fallait vendre les actions pendant qu’il résidait au Canada. La vente des actions en soi visait donc uniquement, comme il en a été fait mention, à permettre l’utilisation des pertes en capital, comme le maintient l’intimée. En outre, même si la série d’opérations visait à éviter un impôt étranger, la réalisation de cette fin aurait pour effet de préserver l’avantage économique que comportait l’utilisation des pertes en capital canadiennes. Cela étant, cela ne changerait rien à mon avis à la conclusion que j’ai tirée, à savoir que l’appelant cherchait principalement à préserver l’avantage associé à l’utilisation des pertes en capital. La vente des actions était‑elle abusive du fait qu’un gain en capital compensant les pertes en capital était créé? [112] Il est possible de considérer le paragraphe 245(4) comme une disposition d’exception, faisant en sorte que la DGAE ne s’applique pas en vue de rendre légitimes les opérations de minimisation de l’impôt : 245(4) Non‑application du par. (2) – Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas : a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants : (i) la présente loi, (ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu, (iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu, (iv) un traité fiscal, (v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul; b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble. [113] L’analyse de cette question a été formulée par la juge en chef McLachlin et par le juge Major dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada : L’interprétation contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi invoquées par le contribuable et l’application des dispositions interprétées correctement aux faits d’une affaire donnée sont au cœur de l’analyse fondée sur le par. 245(4). Il faut d’abord interpréter les dispositions générant l’avantage fiscal pour en déterminer l’objet et l’esprit. Il faut ensuite déterminer si l’opération est conforme à cet objet ou si elle le contrecarre. L’analyse globale porte donc sur une question mixte de fait et de droit. L’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu est essentiellement une question de droit, mais l’application de ces dispositions aux faits d’une affaire dépend nécessairement des faits[39]. [114] L’intimée soutient que la vente des actions constitue un abus dans l’application du paragraphe 84(2). À mon avis, cette prétention est erronée. Il y a la question qui a déjà été soulevée et examinée, à savoir l’objet du paragraphe 84(2) qui, selon ce que j’ai conclu, n’est pas une disposition interdisant le dépouillement du surplus et ne fait rien d’autre que de traiter de l’accès de l’actionnaire aux fonds de la société en sus du capital versé des actions que celui‑ci détient, mais il est encore plus clair qu’il n’est pas possible de dire que le paragraphe 84(2) a quelque chose à voir avec un objet visé par la Loi, à savoir empêcher les pertes en capital de mettre à l’abri un revenu autre qu’un gain en capital. Indirectement, cette disposition peut avoir cet effet dans ce cas‑ci, mais on ne saurait dire qu’il s’agit de son objet. La disposition de la Loi qui établit cet objet figure à l’article 3. La véritable question est donc de savoir si un abus a été commis dans l’application de l’article 3 de la Loi. [115] La vente des actions a donc changé la nature d’une rentrée de fonds financée au moyen de distributions effectuées par PC en transformant un revenu de dividendes en un gain en capital, et elle contrecarrait donc l’objectif légal exprimé à l’article 3. Cette disposition empêche l’utilisation des pertes en capital visant à mettre à l’abri autre chose qu’un gain en capital et, au départ, elle donne à penser qu’il serait abusif de structurer des opérations d’une façon qui fait échec à cet objectif. Toutefois, même si l’on accepte que telle est la preuve que l’appelant doit réfuter, bien que l’intimée n’ait pas débattu la question d’une façon aussi précise, je ne suis pas convaincu que la politique législative puisse être appliquée si strictement compte tenu de la façon dont la Loi dans son ensemble tend à permettre diverses façons d’utiliser des pertes en capital même par des moyens plutôt artificiels. [116] De fait, la Loi ne décourage nullement le déclenchement de gains en capital aux fins de l’utilisation de pertes en capital. Les transferts en faveur d’une société, sans qu’un choix soit exercé en vertu de l’article 85, peuvent être utilisés pour que des gains en capital soient réalisés, comme c’est le cas pour les transferts entre époux. La réalisation de gains en capital dans le seul but d’utiliser des pertes en capital nettes disponibles n’a rien d’abusif. [117] Après avoir déclenché un gain en capital au moment d’une disposition, on peut probablement acquérir de nouveau le même actif et bénéficier d’un prix de base majoré. Le gain en capital réalisé en pareil cas est plutôt artificiel ou apparent. Toutefois, aucune règle n’empêche la cristallisation de gains apparents dans le seul but d’utiliser des pertes en capital. [118] En l’espèce, je ne vois pas comment l’opération créant l’avantage fiscal peut être considérée comme abusive. De fait, compte tenu des dispositions de la Loi portant sur les pertes apparentes et d’autres règles expresses restreignant les pertes, on pourrait croire qu’il est possible, sinon probable, qu’une règle précise anti‑évitement dans le cas de la réalisation d’un gain en capital dans le contexte d’une planification fiscale a en principe été rejetée. [119] Le fait que la Loi tolère l’utilisation de pertes en capital véritables indique que la Loi est encore largement fondée sur des principes fondamentaux équitables : elle vise à imposer un impôt sur l’accroissement du pouvoir économique, ce qui constitue une approche basée sur la capacité de payer. Il est vrai que les pertes de revenu et les pertes en capital sont traitées différemment sur le plan fiscal, mais une perte en capital peut fondamentalement avoir une incidence énorme sur la capacité d’une personne de payer. Les pertes, dans ce cas‑ci, ne sont pas artificielles, et elles ne sont pas apparentes. Il s’agit de pertes véritables et, à mon avis, la planification de ses affaires de façon à assurer la constatation de ces pertes n’a rien d’abusif. Le fait que le plan assurait la constatation des pertes de l’appelant sans qu’il y ait une diminution attribuable à des conséquences étrangères défavorables renforce encore plus ce point. Il ne s’agit pas ici d’un cas comme celui qui existait dans l’affaire 1207192 Ontario Limited c. La Reine[40], où le juge Paris a conclu que la perte en question n’avait pas réduit le pouvoir économique du contribuable. [120] Les motifs permettant de conclure que l’utilisation des pertes en capital ne constituait pas un abus en l’espèce sont encore plus convaincants compte tenu du mandat énoncé dans la Loi, selon lequel les gains en capital et les pertes en capital doivent être comptabilisés au moment du départ du Canada. Ce mandat même donne aux contribuables la possibilité d’effectuer un rapprochement de leurs dettes fiscales au Canada. C’est ce qui est expressément prévu à l’alinéa 128.1(4)b) de la Loi : 128.1(4) Émigration – Pour l’application de la présente loi, les règles suivantes s’appliquent au contribuable qui cesse de résider au Canada à un moment donné : [...] b) Présomption de disposition – le contribuable est réputé avoir disposé, au moment (appelé « moment de la disposition » au présent alinéa et à l’alinéa d)) immédiatement avant le moment immédiatement avant le moment donné, de chaque bien lui appartenant, à l’exception des biens ci‑après s’il est un particulier, pour un produit égal à la juste valeur marchande du bien au moment de la disposition, et ce produit est réputé être devenu à recevoir et avoir été reçu par lui au moment de la disposition. [121] Le départ de l’appelant du Canada aurait déclenché le gain en capital même réalisé au moment de la vente des actions en assurant ainsi le rapprochement de ses gains en capital et de ses pertes en capital. Refuser un avantage fiscal auquel l’appelant avait droit en vertu d’une disposition expresse de la Loi parce que celui‑ci l’a obtenu en utilisant un moyen différent juridiquement valable est franchement bizarre. [122] Le terme « bizarre » est peut‑être trop fort, mais d’une certaine façon, il souligne le point que je veux faire valoir, à savoir que la véritable question qui se pose ici ne se rapporte pas tant à l’utilisation des pertes en capital qu’à l’acceptation ou à la non‑acceptation du dépouillement du surplus en soi. Cela semble être une question avec laquelle le ministre est aux prises dans diverses circonstances. [123] Toutefois, les circonstances de la présente affaire ne justifient pas un débat. Dans ce cas‑ci, on ne saurait tout simplement pas dire que l’objet de la Loi, à savoir limiter l’utilisation des pertes en capital pour compenser les gains en capital, est contrecarré par le dépouillement du surplus. [124] Par conséquent, puisque j’ai conclu que l’objet et l’esprit des dispositions qui limitent l’utilisation des pertes en capital ne sont pas aussi restrictifs que l’affirme l’intimée dans le contexte de planifications fiscales visant à déclencher des gains en capital et puisque j’ai conclu que la création du gain en question dans ce cas‑ci ne contrecarrait pas l’objet et l’esprit de ces dispositions, je suis convaincu que l’opération d’évitement donnant lieu à l’avantage fiscal n’était pas abusive. De fait, je considère que l’utilisation que l’appelant a faite de ses pertes en capital ne contrecarrait pas l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi relatives aux pertes en capital, mais qu’elle lui assurait plutôt l’obtention d’un avantage fiscal auquel celui‑ci avait droit sans subir de conséquences défavorables. [125] La décision qui a été rendue dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada assure aux contribuables que le principe énoncé dans l’arrêt Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster[41] n’a pas été abandonné et que la planification fiscale légitime à laquelle l’appelant s’est livré dans ce cas‑ci ne reflète rien de plus qu’un plan qui a été mis sur pied non pas tant en vue de minimiser les impôts payables, ce qui est en soi légitime, mais plutôt en vue d’assurer le rapprochement des gains en capital et des pertes en capital de l’appelant au Canada avant son départ, tout en assurant que la réalisation de cet objectif n’entraîne pas de conséquences fiscales défavorables. La DGAE confère une certaine latitude ministérielle et judiciaire lorsqu’il s’agit de décider s’il est raisonnable de considérer une opération comme n’entraînant pas d’abus[42]. Malgré la myriade de principes que le législateur a énoncés dans la Loi, cette conclusion doit être fondée sur l’application équitable des principes d’imposition qu’il faut considérer comme régissant une affaire particulière. La vente des actions était‑elle abusive du fait qu’elle évitait un traitement à titre de dividende au moment de la distribution des bénéfices non répartis? [126] Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, un élément moteur de la cotisation était une attaque portant sur l’aspect « dépouillement de surplus » de la série d’opérations contestées. [127] J’ai considéré que l’intimée prenait implicitement la position selon laquelle le paragraphe 84(2) a été édicté en vue d’empêcher un traitement à titre de gain en capital dans le cas où il y a dépouillement du surplus ou plus particulièrement lorsque, au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, les bénéfices non répartis de la société ont servi à financer un achat d’actions. Toutefois, il s’agit d’une position qui ne détermine pas expressément un avantage fiscal. Cela étant, une analyse fondée sur l’article 245 ne peut pas être effectuée. [128] Pour qu’il puisse être affirmé que le maintien d’un régime de dividendes en soi est nécessaire afin de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, il faut conclure que le paragraphe 84(2) a une application plus étendue que ce que prévoit son libellé exprès. Or, j’ai conclu le contraire. À mon avis, c’est ce qui convient. Une interprétation appropriée des dispositions en question commande une seule approche : conclure que l’avantage est abusif et se fonder sur la DGAE en vue de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise. [129] Cela devrait mettre un point final à l’affaire, mais j’estime être obligé de traiter d’un autre aspect de la position à l’encontre du dépouillement du surplus, qui est au cœur de la question soulevée par le ministre dans le présent appel. [130] La réalité, dans ce cas‑ci, est qu’indépendamment de l’utilisation des pertes de l’appelant, l’impôt sur les gains en capital, au Nouveau‑Brunswick, en 2002, était fort différent de l’impôt sur les dividendes. De fait, dans le cas d’une société privée telle que PC, le manque d’intégration, au moment où les opérations en question ont été effectuées, favorisait le traitement à titre de gain en capital jusqu’à concurrence d’environ neuf pour cent, au Nouveau‑Brunswick, par rapport à l’impôt sur un dividende du même montant[43]. On pourrait donc se demander si un dépouillement du surplus en soi peut être abusif pour le simple motif qu’il contrecarre l’application de deux régimes fiscaux fort différents. [131] La chose pourrait nous amener à adopter une approche différente quant à la façon dont la DGAE doit s’appliquer, ou une interprétation différente du paragraphe 84(2). À mon avis, il serait tout à fait injustifié de changer d’approche. [132] L’évitement de l’impôt et l’avantage fiscal résultant d’un manque d’intégration dans ce cas‑ci sont systémiques. Il n’y a pas de lacune fiscale non voulue dans ce sens et, cela étant, la DGAE ne peut pas être utilisée en vue d’empêcher une approche de planification fiscale visant à assurer l’accès aux bénéfices non répartis. Autrement dit, ni le paragraphe 84(2) ni la DGAE ne peuvent être utilisés en vue de combler une lacune entre deux approches concernant l’imposition du montant réalisé par un actionnaire individuel à l’aide de fonds accumulés après impôt dans une société. Il doit y avoir plus. Le paragraphe 84(2) n’emploie pas un langage qui vise les cas d’abus fiscal découlant du dépouillement du surplus. Cependant, l’article 245 emploie un tel langage. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, il s’agit d’un meilleur critère décisif permettant de déterminer les dépouillements qui vont à l’encontre de l’esprit et de l’objet de la Loi lue dans son ensemble. À moins qu’un avantage fiscal abusif ne découle de la série d’opérations d’évitement visant le dépouillement, le résultat fiscal demeure le même. Les opérations d’évitement à elles seules ne contrecarrent pas les principes énoncés dans l’arrêt Duke of Westminster. [133] Par conséquent, je réitère la conclusion que j’ai tirée sous le titre précédent, portant plus précisément sur l’avantage fiscal que l’intimée invoque en appliquant l’article 245, à savoir que les opérations de dépouillement effectuées par l’appelant ne constituent pas un abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble. Encore une fois, l’article 245 ne s’applique pas. [134] En dernier lieu, il convient de mentionner qu’implicitement dans les présents motifs, je n’ai pas conclu que le recours à une série d’opérations conclues entre des parties liées dans des conditions qui correspondent en bonne partie à une absence de lien de dépendance ou que le fait d’assurer la disponibilité des fonds au moyen de la liquidation d’actifs en vue de permettre un paiement en faveur de l’appelant sont des facteurs pertinents eu égard aux circonstances de l’affaire, pour ce qui est de la conclusion selon laquelle les opérations contestées n’étaient pas abusives. Ces opérations permettaient simplement un départ bien planifié du Canada. Le changement de résidence [135] L’appelant reconnaît que, si les distributions en question doivent être qualifiées de dividendes, il pourrait être tenu de payer l’impôt de la partie XIII de la Loi. Il se fonde à cet égard sur le fait qu’il pourrait être conclu que sa résidence a changé avant le moment où les distributions ont été effectuées. [136] Je n’estime pas nécessaire de me lancer dans une analyse approfondie de la question de la résidence. L’appelant ne m’a pas demandé de réexaminer la question de sa résidence, à moins que je ne conclue que les distributions en question devaient être qualifiées de dividendes. Or, je n’ai pas tiré une telle conclusion. De plus, j’accepte la position que l’appelant a prise en produisant sa déclaration, à savoir qu’il résidait au Canada tant qu’il n’a pas franchi la frontière, le 25 juin 2002. Il est justifié d’admettre une position acceptée qui a été prise lors de la production de la déclaration, reflétant une séquence bien pensée d’événements visant à assurer que l’appelant résidait au Canada tant qu’il n’avait pas franchi la frontière américaine avec un permis d’immigration qui l’autorisait à entrer aux États‑Unis à titre de résident de ce pays. Il n’est pas toujours possible de tracer une ligne de démarcation aussi claire, mais compte tenu des préparatifs nécessaires pour procéder à un changement de résidence, lesquels exigent la rupture des liens avec le Canada et la création de nouveaux liens résidentiels avec un autre pays, il n’est peut‑être pas déraisonnable dans des cas comme celui‑ci de considérer la date et l’heure du départ de l’appelant lui-même comme étant la date et l’heure d’un changement de résidence. Dans ce cas‑ci, il est possible de tirer une conclusion aussi précise quant au moment du changement; cela indique le détachement mental, familial et personnel de l’appelant du Canada en tant qu’endroit où celui‑ci résidait tant qu’il n’a pas franchi la frontière et cela coïncide avec ce détachement. [137] En outre, et ce fait est peut‑être encore plus important, une hypothèse a été formulée dans la réponse, selon laquelle l’appelant résidait au Canada lors des distributions qui sont ici en cause. L’appelant ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de réfuter cette hypothèse. Conclusion [138] Puisque j’ai conclu que le paragraphe 84(2) ne s’applique pas en vue de changer la nature des sommes reçues par l’appelant dans ce cas‑ci que l’opération d’évitement, en ce qui concerne l’utilisation par l’appelant de ses pertes en capital nettes, n’était pas abusive et que l’avantage fiscal allégué par l’intimée par inférence pour ce qui est de l’aspect du dépouillement du surplus de la série d’opérations ici en cause n’était ni important ni abusif, je conclus qu’il faut accueillir l’appel. [139] En conclusion, je tiens à ajouter qu’en omettant d’appliquer la DGAE à la vente des actions, je tiens bien compte de ce qui a été énoncé plus d’une fois dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, à savoir que l’analyse fondée sur la DGAE exige que l’équité soit prise en considération. De fait, au premier paragraphe de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, la Cour suprême du Canada a dit que le contexte de la DGAE devrait donner des résultats équitables. On obtient un résultat équitable en accueillant le présent appel. Un plan fiscal qui assure le rapprochement de véritables pertes en capital ne devrait pas faire l’objet d’une cotisation fondée sur la DGAE, du moins dans les présentes circonstances, à moins que la Loi ne l’empêche expressément. [140] Pour ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’avril 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 13e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste ANNEXE 1 [TRADUCTION] 2009‑1(IT)G COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT ENTRE : Dr ROBERT G. MACDONALD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS L’appelant et l’intimée, par l’entremise de leurs avocats, admettent l’exactitude des faits ci‑après énoncés ainsi que de tout autre élément de preuve présenté à la Cour, les faits admis ne valant toutefois qu’aux fins de la présente instance et de tout appel en résultant : 1. L’appelant est un médecin qui exerçait sa profession à titre de cardiologue interventionnel au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, Hôpital régional de Saint John; 2. Robert G. MacDonald Professionnal Corporation Ltd. (« P.C ». ou « 050509 NB Ltd. ») a été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick, le 4 septembre 1991; 3. L’appelant pratiquait la médecine au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, mais il était employé par l’entremise de P.C.; 4. Entre le moment où P.C. a été constituée en personne morale et l’année 2002, l’appelant était l’unique administrateur et actionnaire de la société; il détenait les 100 actions ordinaires et les 100 actions privilégiées émises et en circulation de la société; 5. James Stewart est résident du Canada et il est l’époux de la sœur de l’appelant; 6. La société 601798 NB Ltd. a été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick, le 20 juin 2002; les actions émises et en circulation ont en tout temps été détenues par James Stewart; 7. Les actifs de P.C. étaient principalement composés de titres négociables, de l’encaisse et de comptes débiteurs; 8. Au cours des mois qui ont précédé le 25 juin 2002, l’appelant a fait en sorte que P.C. liquide ses placements; 9. Le 25 juin 2002, l’appelant a conclu une entente avec James Stewart en vue de vendre à celui‑ci les 100 actions ordinaires et les 100 actions privilégiées de P.C.; 10. L’entente prévoyait que le prix d’achat était le suivant : 1) la valeur comptable des comptes débiteurs, plus 2) l’encaisse, moins 3) les dettes, moins 4) la somme de 10 000 $; 11. Les comptables, Teed Saunders Doyle, ont calculé une valeur fondée sur le bilan interne du 25 juin 2002, qui indiquait ce qui suit : ACTIF Encaisse 330 550 $ Comptes débiteurs 70 437 $ Comptes débiteurs – Actionnaire 163 246 $ 564 233 $ PASSIF ET CAPITAUX PROPRES Comptes fournisseurs 23 292 $ Impôts sur le revenu à payer 8 788 $ Capital‑actions 101 $ Bénéfices non répartis 532 052 $ 564 233 $ 12. James Stewart a accepté l’offre d’achat telle qu’elle avait été présentée; 13. Selon l’entente, James Stewart devait payer le prix d’achat au moyen d’un billet à vue ne portant pas intérêt émis en faveur de l’appelant; 14. Le 25 juin 2002, James Stewart a également acquis toutes les actions de la société 601798 NB Ltd. qui venait d’être constituée en personne morale; 15. Le 25 juin 2002, James Stewart a transféré les actions de P.C. à 601798 NB Ltd. en échange de 100 actions ordinaires de 601798 NB Ltd. et d’un billet de 525 068 $; 16. Le 25 juin 2002, P.C. a déclaré deux dividendes payables à 601798 NB Ltd., de 500 000 $ et de 10 000 $; 17. Le 25 juin 2002, P.C. a émis des chèques de 320 000 $ et de 159 842 $ en paiement partiel du dividende de 500 000 $, mais ces chèques n’ont jamais été compensés par l’intermédiaire du compte bancaire; 18. La société 601798 NB Ltd. a ensuite versé un montant de 479 842 $ à James Stewart en paiement partiel du billet payable en faveur de celui‑ci et James Stewart a versé un montant de 479 842 $ à l’appelant en paiement partiel du billet payable à l’appelant; la chose a été accomplie au moyen de l’endossement de chèques et d’écritures rectificatives de journal; 19. Le 25 juin 2002, l’appelant a établi en faveur de P.C. un chèque de 159 842 $ sur son compte personnel à titre de remboursement du montant qu’il devait à P.C., mais ce chèque n’a jamais été compensé par l’intermédiaire de son compte bancaire; 20. Le 25 juin 2002, l’appelant, P.C., James Stewart et 601798 NB Ltd. ont tous conclu une entente additionnelle confirmant les opérations susmentionnées et prévoyant ce qui suit : i) le 1er septembre 2002, P.C. devait verser un dividende final à 601798 NB Ltd., d’un montant égal à ses soldes de trésorerie, moins toutes les dettes, soit un montant de 25 068 $; ii) la société 601798 NB Ltd. devait demander à P.C. de verser à James Stewart les dividendes en espèces impayés de 20 158 $, plus le dividende final de 25 068 $ en paiement du solde restant du billet que 601798 NB Ltd. devait payer à James Stewart; iii) James Stewart devait de son côté demander à 601798 NB Ltd. de verser les montants de 20 158 $ et de 25 068 $ à l’appelant en paiement du solde restant du billet que James Stewart devait à l’appelant; 21. Le 26 juin 2002, P.C. a présenté une demande en vue de faire changer son nom de Robert G. MacDonald Professional Corporation à 050509 NB Ltd.; 22. Le 15 juillet 2002, 050509 NB Ltd. a émis un chèque de 10 000 $ en faveur de 601798 NB Ltd.; 23. Le 27 août 2002, le chèque de 10 000 $ a été déposé dans un compte bancaire de 601798 NB Ltd. qui venait d’être ouvert; 24. À part le dividende de 10 000 $, tous les dividendes étaient versés au moyen d’écritures de journal et de l’endossement de chèques; 25. Le 31 juillet 2002, des statuts de dissolution ont été préparés pour 050509 NB Ltd. et ils ont été signés par l’appelant, bien que la société ait été officiellement dissoute le 4 février 2005 seulement; 26. Jusqu’au moment de la dissolution, l’appelant était encore l’unique administrateur de 050509 NB Ltd.; 27. Dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2002, l’appelant a déclaré ainsi la disposition des actions qu’il détenait dans 050509 NB Ltd. à titre de gain en capital : Produit 525 068 $ Moins : PBR 101 $ Gain en capital 524 967 $ 28. James Stewart n’était pas un professionnel de la santé et n’avait aucune raison de posséder une corporation professionnelle; FAIT à Saint John (Nouveau‑Brunswick), ce 20e jour de septembre 2011. Stewart Mc Kelvey Stirling Scales Avocats Avocats de l’appelant Par : _______________________ J. Paul M. Harquail Avocat de l’appelant Stewart McKelvey Stirling Scales Avocats 44 Chipman Hill, bureau 1000 B.P. 7289, succursale « A » Saint John (Nouveau-Brunswick) E2L 4S6 Téléphone : 506‑632‑8313 Télécopieur : 506‑634‑3579 FAIT à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 20e jour de septembre 2011. Myle J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Avocat de l’intimée Par : _______________________ David I. Besler Avocat de l’intimée Direction des services du droit fiscal Ministère de la Justice Canada Bureau régional de l’Atlantique Bureau 1400, tour Duke 5251, rue Duke Halifax (Nouvelle-Écosse) B3J 1P3 Téléphone : 902‑426‑5895 Télécopieur : 902‑426‑8802 AU : greffier de la Cour canadienne de l’impôt, Ottawa (Ontario) RÉFÉRENCE : 2012 CCI 123 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-1(IT)G INTITULÉ : Dr ROBERT G. MACDONALD c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (Nouveau‑Brunswick) DATES DE L’AUDIENCE : Les 21 et 22 septembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J. E. Hershfield DATE DU JUGEMENT : Le 17 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelant : Me J. Paul M. Harquail Avocat de l’intimée : Me David I. Besler AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : J. Paul M. Harquail Cabinet : Stewart McKelvey Stirling Scales Avocats 44 Chipman Hill, bureau 900 B.P. 7289, succursale A Saint John (Nouveau-Brunswick) E2L 4S6 Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] De plus, la cotisation avait pour effet d’augmenter le produit de disposition des actions d’un montant de 10 000 $, ce montant ayant été traité à titre de gain en capital. Ce fondement a été abandonné à l’instruction. [2] Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Washington D.C., le 26 septembre 1980, modifiée par des protocoles datés des 14 juin 1983, 28 mars 1984, 17 mars 1995 et 29 juillet 1997 (la « Convention fiscale Canada‑États‑Unis »). [3] Il n’est pas contesté que PC perdrait et qu’elle a en fait perdu son statut de corporation professionnelle médicale lors de la vente des actions. L’alinéa 31(3)f) de la Loi médicale du Nouveau-Brunswick, L.N.B. 1981, ch. 87, exige que la propriété légale et la propriété effective de toutes les actions avec droit de vote émises d’une corporation professionnelle médicale soient détenues par au moins un membre du Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick. [4] Lorsqu’une corporation professionnelle médicale cesse de détenir son permis, le numéro de médecin n’est pas automatiquement radié. Selon le paragraphe 11(1.5) du Règlement général – Loi sur le paiement de services médicaux du Nouveau-Brunswick, le numéro de médecin peut être utilisé tant qu’il n’est pas révoqué par le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick. [5] Peu de temps après s’être joint à ce cabinet, l’appelant s’est installé en Caroline du Sud en vue de se joindre à un établissement médical différent. [6] La dernière étape a été accomplie après que l’appelant eut obtenu son visa, mais avant son départ; toutefois, les véhicules ont continué à être immatriculés au Canada tant qu’ils n’ont pas été immatriculés de nouveau après le départ de l’appelant. Toutes les autres étapes énumérées dans cette série de paragraphes en retrait ont été accomplies avant l’obtention du visa. [7] Je crois comprendre qu’à deux exceptions près, l’appelant n’a conservé aucun actif au Canada au moment de son départ, à part les droits qu’il détenait par suite de la vente des actions. Les deux exceptions étaient les suivantes : un cheval qui a été expédié après le départ de l’appelant et un Régime enregistré d’épargne-retraite (« REER ») que l’appelant n’a pas liquidé avant de quitter le Canada. La valeur du REER avait diminué de beaucoup, et ce, pour la même raison que celle pour laquelle l’appelant a subi les pertes en capital dont il sera ci‑dessous question dans les présents motifs. Il n’y a pas eu d’activités dans le REER de l’appelant depuis que celui‑ci a quitté le Canada. [8] Il est à noter que cette question de double imposition a par la suite été réglée au moyen de protocoles modifiant la Convention fiscale Canada-États-Unis. Voir la Convention fiscale Canada‑États-Unis, paragraphe XIII(5). [9] Il importe de noter que, s’il avait simplement quitté le Canada sans vendre les actions qu’il détenait dans PC et s’il avait ensuite liquidé PC pendant qu’il était aux États-Unis, l’appelant aurait mis à l’abri le gain en capital réalisé sur ses actions de PC au Canada au moment du départ; il aurait payé l’impôt de la partie XIII au Canada sur le dividende de liquidation et il y aurait eu une perte en capital au Canada par suite de l’annulation des actions de PC, compte tenu de la réduction du produit de disposition réalisé par l’appelant en vertu de l’article 54 de la Loi. D’un point de vue purement canadien, l’appelant a évité l’impôt de la partie XIII au risque de perdre une perte en capital nette au Canada, laquelle n’a peut-être aucune valeur pour l’appelant en sa qualité de non-résident. [10] L’exposé conjoint des faits indique que les actifs de PC étaient principalement composés de titres négociables, de l’encaisse et de comptes débiteurs et qu’au cours des mois qui ont précédé le 25 juin 2002, l’appelant a fait en sorte que PC liquide ses placements. [11] Article 251 de la Loi. [12] L’appelant a témoigné que J.S. avait peut-être essayé d’utiliser 601 Ltd. à d’autres fins que celle qui consistait à détenir les actions de PC, mais que ces activités avaient été de courte durée. Le témoignage par ouï-dire que l’appelant a présenté au sujet des activités de 601 Ltd., bien qu’il n’ait fait l’objet d’aucune objection, n’était pas suffisant pour réfuter l’hypothèse figurant dans la réponse à l’avis d’appel de l’appelant, selon laquelle 601 Ltd. a en tout temps été une société de portefeuille inactive, dont toutes les actions émises et en circulation appartenaient à J.S. [13] Les pièces produites à l’audience indiquaient que le billet de J.S. était de 500 000 $. Toutefois, les parties semblaient le considérer comme correspondant au plein montant de la contrepartie globale payable à l’égard de la vente des actions, lequel s’élevait à 525 068 $. J’ai considéré le billet comme les parties l’ont fait. [14] Au mois de septembre, la résidence de l’appelant était aux États-Unis. Si un dividende avait été versé à l’appelant au mois de septembre, il n’y aurait une retenue d’impôt que sur ce dividende. [15] Transcription de l’audience, page 252, lignes 15 et 16. [16] 97 DTC 302. [17] Page 307. [18] L’intimée inclut également les gains protégés par les exemptions prévues par la convention. [19] McNichol v. R., 97 DTC 111 (C.C.I. (procédure générale)) [McNichol]; RMM, précitée; Nadeau v. R., 99 DTC 324 (C.C.I. (procédure informelle)); Desmarais c. R., 2006 CCI 44 (procédure générale). [20] Agence du revenu du Canada, Bulletin d’interprétation IT-221R3, « Détermination du statut de résident d’un particulier » (4 octobre 2002). [21] (1993), [1994] 1 C.T.C. 368 (C.F. 1re inst.), infirmée pour d’autres motifs (1994), [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.). [22] 95 DTC 398 (C.C.I.). [23] 2005 CCI 684 (procédure générale). [24] Voir la Convention fiscale Canada-États-Unis, article X. [25] Les questions de séquence des opérations présentées par ces faits peuvent prêter quelque peu à confusion. Dans le contexte du traitement des gains en capital, le moment pertinent aux fins du calcul du gain est celui de la vente des actions, qui correspond ici au moment de la remise du billet de J.S. La même approche est utilisée à l’égard de la cotisation pour ce qui est de la séquence, en ce qui concerne l’application du paragraphe 84(2) et de la DGAE, indépendamment du moment où les dividendes ont réellement été versés. Si les dividendes réels avaient été considérés comme pertinents, le dividende du mois de septembre aurait été assujetti à l’impôt de la partie XIII. Selon mon analyse, les dividendes réels sont pertinents, mais pas d’une façon qui fait entrer la partie XIII en ligne de compte. Le dividende réel confirme la façon dont les fonds de PC ont été distribués à l’actionnaire pertinent au moment pertinent pour l’application du paragraphe 84(2). [26] RMM, précitée, page 307. [27] Précitée. [28] RMM, précitée, page 308. [29] Les articles 15 et 84 sont les exemples les plus évidents des situations précises dont je fais mention. [30] [1970] R.C.S. 64. [31] Il est intéressant de noter que, dans la décision McNichol, le juge Bonner a fait une distinction à l’égard de la décision Smythe, compte tenu du fait que les opérations, dans l’affaire McNichol, ne pouvaient pas être qualifiées d’artificielles. La similarité entre les opérations conclues dans l’affaire McNichol et celles qui ont été conclues en l’espèce pourrait donner à penser que l’intimée n’aurait peut-être pas eu gain de cause même si elle avait pris la position selon laquelle la série d’opérations en cause était artificielle, quoique, en pareil cas, la décision RMM (dans laquelle il était également fait mention de la décision Smythe) aurait peut-être bien eu plus de poids. [32] Le contribuable décédé dispose de ses actions à leur juste valeur marchande en vertu de l’alinéa 70(5)a), et la succession les acquiert à leur juste valeur marchande, en vertu de l’alinéa 70(5)b). [33] Voir les décisions 2002-0154223 et 2005-0142111R3. Il convient également de faire mention du TI 2006‑0170641E5 et d’une table ronde publiée dans Congrès 2009 (Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2010), vol. 2, à 47:35-38. [34] [2005] 2 R.C.S. 601. [35] Dans Geransky v. R., 2001 DTC 243, le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit que, lorsqu’un contribuable élude des dispositions anti-évitement précises, le ministre ne peut pas par la suite utiliser la DGAE en vue de combler les lacunes de la Loi. Cette approche a été confirmée, après qu’une décision eut été rendue dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada, dans la décision Landrus c. R., 2008 CCI 274, confirmée à 2009 CAF 113. Voir également la décision Collins & Aikman Products Co. et autres c. R., 2009 CCI 299, paragraphe 109. [36] Le juge Cattanach, qui examinait la disposition qui s’appliquait avant que le paragraphe 84(2) soit édicté, a dit, dans la décision Kennedy v. M.N.R., 72 DTC 6357 (C.F. 1re inst.), que les mots « liquidation » et « cessation » comportent un « élément de caractère définitif ». Il était donc logique de penser que le mot « réorganisation » présupposait la fin de l’exploitation de l’entreprise sous une forme et sa poursuite sous une forme différente. Voir également la décision McMullen c. R., 2007 CCI 16, paragraphes 18 à 20. [37] 2011 CSC 63. [38] Copthorne, paragraphe 39. [39] Précité, paragraphe 44. [40] 2011 CCI 383. [41] [1936] A.C. 1 (C.L.). [42] Hypothèques Trustco Canada, paragraphe 37. [43] Cela résultait principalement des modifications apportées à la Loi en 2000, prévoyant un taux d’inclusion des gains en capital de 50 p. 100. Auparavant, les dispositions concernant le crédit d’impôt pour dividendes avaient en réalité pour effet d’accorder aux propriétaires de sociétés privées un avantage fiscal à l’égard des dividendes.
2012 CCI 126
TCC
2,012
C.P.B. c. La Reine
fr
2012-04-20
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30856/index.do
2022-09-04
C.P.B. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-20 Référence neutre 2012 CCI 126 Numéro de dossier 2011-2407(IT)I Juges et Officiers taxateurs Gerald J. Rip Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2407(IT)I ENTRE : C.P.B., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appels entendus le 7 mars 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge en chef Gerald J. Rip Comparutions : Représentants de l’appelante : Mme Shaira Nanji M. Richard Li Avocats de l’intimée : Me Laurent Bartleman Me Meaghan Hourigan ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels interjetés à l’encontre des décisions du ministre du Revenu national (le « ministre »), relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour les années de base 2007, 2008 et 2009 sont accueillis sans frais, et les décisions sont déférées au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et rende de nouvelles décisions compte tenu du fait que l’appelante était le seul particulier admissible à l’égard de la PFCE pour son fils pour les années de base en cause. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2012. « Gerald J. Rip » Juge en chef Rip Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 126 Date : 20120420 Dossier : 2011-2407(IT)I ENTRE : C.P.B., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge en chef Rip [1] L’appelante, qui est la mère des enfants, affirme qu’elle est la seule principale responsable des soins de ses deux enfants, une fille et un fils, et qu’elle a donc droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour les années de base 2007, 2008 et 2009. Son ex-mari, le père des enfants, affirme que la mère et lui ont la garde partagée des enfants et qu’ils ont tous deux droit à la PFCE. [2] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a donné raison au père et a accordé la PFCE aux deux parents, à l’égard des deux enfants, pour les périodes suivantes : L’appelante — Juillet 2008 à février 2009 Le père — Mars 2009 à août 2009 L’appelante — Septembre 2009 à février 2010 Le père — Mars 2010 à août 2010 L’appelante — Septembre 2010 à février 2011 Le père — Mars 2011 à juin 2011 [3] Le ministre a décidé que l’appelante n’était pas, à l’égard des enfants, le « particulier admissible » à l’égard de la PFCE au sens de l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pendant plus de six mois pour chaque année de base en cause, étant donné que, au cours des périodes en cause, les enfants vivaient pendant un temps égal chez leur mère et leur père qui, chacun, assumait principalement la responsabilité pour leur soin aux moments pertinents. La mère n’était pas d’accord et a fait appel des décisions du ministre. [4] Les parents se sont séparés le 1er mai 2006 et ont conclu, en date du 26 septembre 2006, une entente de séparation selon laquelle ils se partageaient également la garde des enfants; les conditions de l’entente relative à la garde ont été confirmées par une ordonnance judiciaire provisoire le 26 septembre 2007. Une ordonnance finale a été rendue le 19 octobre 2009. Les enfants vivaient une semaine chez leur père et une semaine chez leur mère, en alternance. Il n’est pas contesté que chaque parent a consacré aux enfants un temps égal. [5] L’appelante a déclaré que les enfants avaient des besoins « exceptionnels, importants et continus ». L’intimée a reconnu ce fait. Les deux enfants doivent suivre une thérapie comportementale au Behaviour Institute de Toronto et auprès des Kinark Child and Family Services (« Kinark ») à Markham, en Ontario. [6] Le fils et la fille, nés en 1997 et en 1999 respectivement, fréquentaient tous deux une école située à un pâté de maisons de la demeure de l’appelante. Celle-ci a signé les formulaires d’inscription à l’école et précise que c’est avec elle que l’école devait communiquer en cas d’urgence : l’école tentait également de trouver avec les enfants et les parents des solutions aux problèmes que tous vivaient. L’appelante affirme qu’elle a assisté à toutes les réunions de l’école; quant au père, il a dit avoir été présent à la plupart d’entre elles. [7] Le fils a reçu un diagnostic d’autisme en 2002. L’appelante dit ne pas avoir raté une seule réunion concernant l’état de son fils, en plus d’avoir cherché de l’information à ce sujet. Le garçon a fréquenté un établissement d’Oshawa spécialisé dans l’orthophonie et l’ergothérapie; il a reçu des diagnostics au Children’s Hospital de Toronto de même qu’au Behaviour Institute et à Kinark. La fille recevait elle aussi des traitements au Behaviour Institute et à Kinark. L’appelante a produit des copies des chèques tirés sur son compte bancaire en 2008 pour acquitter le coût des services reçus par les enfants au Behaviour Institute. Les factures établies par le Behaviour Institute pour 2007 et 2008 étaient adressées aux deux parents, parfois à l’égard des deux enfants, mais le plus souvent à l’égard de l’un d’eux en particulier. En fait, la plupart des factures concernaient les soins donnés au fils. [8] Dans son témoignage, l’appelante a déclaré que le père, pendant un certain temps, refusait que les enfants suivent une thérapie au Behaviour Institute et qu’elle a dû s’adresser au tribunal de la famille pour l’empêcher de faire cesser les traitements. [9] L’appelante a également déclaré que, même si son ex-mari demandait des copies des reçus du Behaviour Institute, il disait qu’il était [traduction] « hors de question qu’il paie ». L’appelante a pu obtenir une aide financière du ministère des Services à la famille de l’Ontario. [10] En 2008, le fils recevait des services d’intervention comportementale intensive dans le cadre du programme pour autistes de Kinark. Le programme était en partie financé par le gouvernement de la province, mais il ressort de la preuve que les montants acquittés par les parents l’ont été par l’appelante. Kinark faisait parvenir les factures aux deux parents. Toutefois, c’est l’appelante qui a signé les contrats intervenus avec Kinark. [11] L’appelante a déclaré avoir payé 54 000 $ pour les soins professionnels reçus par les enfants en 2008, auxquels il faut ajouter [traduction] « 200 000 $ pour le total des années à l’égard de [son] fils ». Elle a expliqué qu’elle avait recueilli de l’argent en organisant des tournois de golf, en grevant sa maison d’une nouvelle hypothèque et en obtenant des prêts de ses parents. [12] Il semble que l’appelante ait été rapide à constater les problèmes de ses enfants et à vouloir faire quelque chose pour eux, même s’il me faut reconnaître, à la lecture des rapports rédigés par les travailleurs sociaux de Kinark, que ces problèmes, bien qu’importants, n’étaient pas aussi aigus qu’elle le pensait. La preuve semble également indiquer que le père n’a pas offert tout le soutien dont on était en droit de s’attendre de lui, notamment en ce qui a trait au fils. [13] Des éléments de preuve révèlent que le fils avait des liens plus étroits avec sa mère qu’avec son père. Il recherchait les conseils et la compagnie de sa mère plus que ceux de son père. Lorsqu’il était chez son père, il téléphonait à sa mère et lui rendait visite. Cette dernière assistait également à toutes les parties de hockey de son fils, qu’elles aient lieu ou non pendant la semaine où elle avait la garde de ses enfants. [14] L’appelante a fourni quantité de factures, de reçus et de chèques oblitérés pour étayer l’allégation selon laquelle elle contribuait aux activités récréatives de son fils, payait les coûts associés au hockey, à la crosse et à d’autres activités sportives, ainsi que les coûts des camps de jour et de l’équipement de sport. Elle a aussi payé les fournitures scolaires de chaque enfant. [15] Selon l’appelante, indépendamment du temps que les enfants passent avec leur père, c’est celle qui s’occupe de leurs besoins au quotidien : elle prend la majorité des rendez-vous des enfants chez le médecin et le dentiste et affirme qu’elle les y accompagne même pendant la semaine où ils sont avec leur père. [16] Les deux parents disent payer les vêtements et les activités des enfants. Bien que l’appelante ait produit des reçus, mais non le père, je suis convaincu que les deux parents ont contribué à l’achat des vêtements et au coût des activités, quoiqu’inégalement. Par exemple, l’appelante a produit la preuve qu’en 2007, en 2008 et en 2009, elle a contribué à hauteur de 1 945,69 $, 4 362,68 $ et 4 077,63 $, respectivement, au coût des activités des enfants[1]. [17] Le père a décrit une journée type à la maison lorsqu’il avait la garde des enfants. Les enfants se réveillent, font leur toilette, font leur lit et prennent le petit déjeuner. Les premières années, la compagne du père les conduisait à l’école. Le père s’est rendu à l’école pour assister à des réunions et obtenir les bulletins des enfants. Pendant la semaine où il a la garde des enfants, c’est à lui que l’école téléphone en cas d’urgence. Cette affirmation est contraire au témoignage de l’appelante, mais, comme le dossier de l’école renferme son nom et ses coordonnées, je le crois lorsqu’il affirme qu’il pouvait aussi être appelé en cas d’urgence. Le père a également déclaré qu’il payait certaines des excursions organisées par l’école et les frais exigés lors de journées spéciales, telles que les [traduction] « journées pizza ». Il a ajouté qu’il achetait aussi des fournitures scolaires. [18] Aux dires du père, il arrivait que le fils reçoive des séances de traitement à son domicile. Le père ajoute qu’il était présent lors des séances et qu’il y prenait parfois part. Il avait la règle suivante : à leur arrivée à la maison, les enfants devaient faire leurs devoirs, après quoi ils pouvaient s’amuser. [19] À la maison, le père a aménagé une chambre pour chaque enfant. Il a acheté une console de jeu XBox à son fils. Il a inscrit sa fille à des cours de natation et son fils à des activités de hockey. Il affirme avoir acquitté les frais d’inscription au hockey et l’équipement de son fils. Il a reconnu que la mère avait elle aussi acheté de l’équipement de hockey. Puis, en contre-interrogatoire, il a affirmé qu’il avait assumé le coût de tout l’équipement et de tous les tournois de hockey de son fils. Les grands‑parents ont payé quelques pièces d’équipement, mais la mère n’en a acheté qu’à une seule occasion. La preuve documentaire de l’appelante contredit cette affirmation. Elle a produit des chèques oblitérés témoignant du paiement d’un grand nombre d’activités de son fils. Dans bien des cas, il s’agissait de dépenses liées au hockey. [20] En ce qui concerne la thérapie, le père soutient avec insistance qu’il a pris des mesures, aussi bien que la mère, pour permettre à son fils d’assister à des séances de traitement au Behaviour Institute une fois qu’il a été déclaré autiste. Cette affirmation aussi est contraire au témoignage de la mère. [21] Le père a déclaré qu’il accompagnait lui aussi les enfants aux rendez-vous chez le médecin et le dentiste lorsque ceux-ci tombaient pendant sa semaine de garde. Il voyait son fils pendant les semaines où il n’en avait pas la garde lorsqu’il assistait à une partie de hockey ou participait à une activité scolaire. [22] L’article 122.6 de la Loi codifie les règles relatives à l’admissibilité à la PFCE. C’est au « particulier admissible » qu’il revient de demander la PFCE à l’égard d’une personne à charge admissible, soit, en l’espèce, le fils et la fille. Aux fins du présent appel, « particulier admissible » s’entend de la personne qui répond aux conditions suivantes au moment pertinent : a) elle réside avec la personne à charge; (a) resides with the qualified dependant, b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui : (b) is a parent of the qualified dependant who (i) assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge et qui n’est pas un parent ayant la garde partagée à l’égard de celle-ci, (i) is the parent who primarily fulfils the responsibility for the care and upbringing of the qualified dependant and who is not a shared-custody parent in respect of the qualified dependant, or (ii) est un parent ayant la garde partagée à l’égard de la personne à charge; […] (ii) is a shared-custody parent in respect of the qualified dependant, … [23] D’après les faits portés à ma connaissance, les parents ont la garde partagée de chacun des enfants. Les enfants passent un temps égal chez chacun des parents. Compte tenu de la situation, pour décider, dans les présents appels, quel parent est, à l’exclusion de l’autre, admissible à la PFCE, il faut déterminer lequel d’entre eux assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant lorsqu’il réside avec lui, conformément à la réglementation. [24] L’article 6302 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») précise ce qui suit : […] les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible : … the following factors are to be considered in determining what constitutes care and upbringing of a qualified dependant: a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens; (a) the supervision of the daily activities and needs of the qualified dependant; b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside; (b) the maintenance of a secure environment in which the qualified dependant resides; c) l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts; (c) the arrangement of, and transportation to, medical care at regular intervals and as required for the qualified dependant; d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin; (d) the arrangement of, participation in, and transportation to, educational, recreational, athletic or similar activities in respect of the qualified dependant; e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne; (e) the attendance to the needs of the qualified dependant when the qualified dependant is ill or otherwise in need of the attendance of another person; f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière; (f) the attendance to the hygienic needs of the qualified dependant on a regular basis; g) de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider; (g) the provision, generally, of guidance and companionship to the qualified dependant; and h) l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside. (h) the existence of a court order in respect of the qualified dependant that is valid in the jurisdiction in which the qualified dependant resides. [25] Les témoignages des deux parents, lorsqu’ils portaient uniquement sur un enfant en particulier et non les deux, concernaient essentiellement le fils. La preuve relative au soin et à l’éducation de la fille était ténue en comparaison de celle ayant trait au fils. Les témoignages portaient principalement sur le fils. La preuve dont j’ai été saisi me pousse à conclure qu’il n’y avait pas de différence entre les parents quant au soin et à l’éducation de leur fille. À l’égard de celle-ci, les éléments énumérés à l’article 6302 du Règlement semblent avoir fait l’objet d’un partage égal. [26] Toutefois, je constate que les efforts déployés par l’appelante à l’endroit de son fils et le soutien qu’elle lui a apporté, tant sur le plan affectif que financier, surpassaient ceux du père. C’était auprès d’elle que le fils cherchait du réconfort, bien plus qu’auprès du père. C’est elle qui, dès le départ et sans relâche, a subvenu aux besoins du fils lorsqu’il était malade et qui était là pour lui lorsque sa présence était requise. L’engagement de l’appelante semble avoir également été plus important en ce qui concerne la participation du fils à des activités récréatives et athlétiques : pendant les années en cause, elle a assisté aux activités et en a payé le coût. Dans l’ensemble, elle était aussi plus présente auprès du fils et le guidait davantage; elle était son pilier affectif. Cela ne signifie pas que le père ne prenait pas part au soin et à l’éducation de son fils, mais simplement que la contribution de l’appelante était supérieure à la sienne. [27] Par conséquent, je ne modifierai pas la décision du ministre en ce qui concerne la fille de l’appelante : les parents se sont partagé également le soin de celle-ci. Toutefois, à mon sens, la mère a assumé principalement la responsabilité du soin du fils au cours des périodes en cause. Ainsi, seuls seront accueillis les appels interjetés à l’encontre de la décision rendue par le ministre relativement au fils. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2012. « Gerald J. Rip » Juge en chef Rip Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 126 No DE DOSSIER DE LA COUR : 2011-2407(IT)I INTITULÉ : C.P.B. c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge en chef Gerald J. Rip DATE DU JUGEMENT : Le 20 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentants de l’appelante : Mme Shaira Nanji M. Richard Li Avocats de l’intimée : Me Laurent Bartleman Me Meaghan Hourigan AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Le père a produit des reçus relatifs à des paiements effectués en 2010 pour un camp de planche à roulettes pour son fils et un camp d’activités artistiques pour sa fille. Par ailleurs, on trouve une lettre rédigée par un travailleur social en date du 9 octobre 2010, dans laquelle on peut lire que le père [traduction] « a supporté les coûts » liés à la pratique du hockey par son fils et aux leçons d’équitation de sa fille. L’année 2010 n’est pas une année de base visée en l’espèce.
2012 CCI 127
TCC
2,012
687352 BC Ltd. c. M.R.N.
fr
2012-04-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30779/index.do
2022-09-04
687352 BC Ltd. c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-18 Référence neutre 2012 CCI 127 Numéro de dossier 2011-2508(EI) Juges et Officiers taxateurs Dwayne W. Rowe Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011-2508(EI) ENTRE : 687352 BC LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et JASON ROBERT MARTIN, intervenant. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 22 mars 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique). Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Peter Ronda Avocate de l’intimé : Me Dawn Francis Pour l’intervenant : L’intervenant lui-même ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour d’avril 2012. « D. W. Rowe » Juge suppléant Rowe Traduction certifiée conforme ce 15e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2011-2507(CPP) ENTRE : 687352 BC LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et JASON ROBERT MARTIN, intervenant. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 22 mars 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique). Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Peter Ronda Avocate de l’intimé : Me Dawn Francis Pour l’intervenant : L’intervenant lui-même ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour d’avril 2012. « D. W. Rowe » Juge suppléant Rowe Traduction certifiée conforme ce 15e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 127 Date : 20120418 Dossiers : 2011-2508(EI) 2011-2507(CPP) ENTRE : 687352 BC LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et JASON ROBERT MARTIN, intervenant. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge suppléant Rowe [1] L’appelante, 687352 BC Ltd. (« BCL »), a interjeté appel de deux décisions selon lesquelles, le 6 mai 2011, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a décidé, en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), que Jason Robert Martin (« M. Martin » ou l’« intervenant ») avait occupé un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès de BCL pour la période allant du 17 août 2009 au 7 août 2010, compte tenu du fait qu’il était employé aux termes d’un contrat de louage de services. [2] Le représentant de l’appelante, l’intervenant et l’avocate de l’intimé ont consenti à ce que les deux appels soient entendus ensemble. [3] Dans son témoignage, Douglas Kurtz a mentionné qu’il demeurait à Chilliwack, en Colombie‑Britannique, et qu’il travaillait à son compte comme peintre en bâtiment. Au cours de la période visée, il a fourni ses services à BCL à titre de surveillant de chantier. Il a rencontré M. Martin dans un café parce qu’il avait cru comprendre que ce dernier voulait changer d’emploi. Par le passé, une entreprise exploitée par M. Martin et son associé, Trevor Henderson (« M. Henderson »), avait fourni des services à BCL. Au début d’août 2009, M. Henderson travaillait pour BCL comme poseur de parements; M. Martin, lui, faisait la pose de parements pour le compte d’un constructeur d’habitations. Selon Douglas Kurtz, lorsque M. Martin a accepté de faire le même travail pour BCL, il n’a nullement été question de la nature de la relation de travail; il a présumé que l’entente précédente s’appliquerait, c’est‑à‑dire que M. Martin présenterait une facture pour son travail, au taux horaire de 25 $, auquel serait ajoutée la taxe sur les produits et services (la « TPS »). Douglas Kurtz a déclaré que tous les travailleurs présents sur les chantiers de BCL – lui y compris – étaient considérés comme des sous-traitants. Il avait travaillé avec M. Martin plusieurs mois auparavant et savait que c’était un poseur compétent et expérimenté. Malgré l’absence d’horaire fixe, Douglas Kurtz était convaincu que M. Martin prendrait le temps qu’il faut pour terminer le travail à la satisfaction de l’entrepreneur général. M. Martin possédait des outils à main et il y avait sur le chantier une table de sciage fournie par BCL ou par Douglas Kurtz. Celui-ci a déclaré ne pas être actionnaire, administrateur ni dirigeant de BCL et ne pas l’avoir été au cours de la période visée, ajoutant qu’il ne travaillait plus pour cette entreprise. Douglas Kurtz savait que M. Martin avait présenté des factures mensuelles à BCL pour ses services jusqu’au 7 août 2010, date à laquelle il a déménagé à Kamloops. [4] Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocate de l’intimé, Douglas Kurtz a déclaré que BCL lui versait un salaire mensuel pour son travail de surveillant de chantier. Les travailleurs arrivaient entre 7 h 30 et 8 h et prenaient une pause-repas vers midi. Habituellement, il y avait de quatre à sept travailleurs sur le chantier et on construisait des duplex et des maisons en rangée. Le constructeur / entrepreneur général apportait les matériaux sur le chantier. Douglas Kurtz a travaillé pour la première fois avec MM. Martin et Henderson à la construction d’un ensemble résidentiel, Retriever Ridge; la règle suivie était que les travailleurs devaient se présenter au travail avec les outils dont ils avaient besoin. MM. Martin et Henderson exploitaient leur propre entreprise, Aces High Exteriors (« Aces High »), et le constructeur les payait directement. Après avoir accepté, le 17 août 2009, de fournir ses services à BCL, M. Martin a travaillé à la construction d’un ensemble résidentiel à Boston Bar, en Colombie-Britannique, avec MM. Henderson et Douglas Kurtz ainsi que d’autres travailleurs payés par BCL. Douglas Kurtz a déclaré que les travailleurs étaient autorisés à travailler le samedi et qu’on leur remboursait les frais d’essence supportés pour le trajet d’une heure et demie (pour l’aller et pour le retour) qu’ils devaient effectuer depuis le Lower Mainland. Il a précisé qu’il était généralement présent sur le chantier, sauf pendant les deux heures de la pause-repas, et que, selon la politique, les travailleurs étaient tenus de l’informer s’ils devaient s’absenter. La semaine de travail normale allait du lundi au vendredi, à raison de huit heures par jour, mais certains poseurs commençaient et terminaient leur journée plus tôt. Même si la réalisation des travaux de construction était le résultat d’un travail d’équipe, certaines tâches pouvaient être accomplies par une seule personne en dehors des heures normales. [5] En contre‑interrogatoire, Douglas Kurtz a déclaré que les travaux sur le chantier de Boston Bar avaient été réalisés pendant l’hiver. Concernant le fait que M. Martin s’absentait du chantier pendant les heures de travail normales, il n’a pas été en mesure de dire si ce dernier avait demandé congé ou s’il s’était contenté de lui dire qu’il s’en allait. Le taux horaire de 25 $ était celui normalement offert, à l’époque, aux poseurs d’expérience. [6] Contre-interrogé par M. Martin en sa qualité d’intervenant, Douglas Kurtz a reconnu que les madriers requis pour l’échafaudage avaient été fournis par BCL ou par un autre travailleur du chantier. Douglas Kurtz s’est rappelé qu’à une occasion, il avait emprunté de l’argent pour payer les travailleurs parce que son frère, Wayne Kurtz (« M. Kurtz »), était en Californie. Il s’est rappelé une discussion avec M. Martin au sujet de son départ subit pour Kamloops : celui-ci avait expliqué son geste par le fait qu’il n’avait pas été payé en entier pour son travail. Douglas Kurtz recevait un montant mensuel fixe et ne tenait pas de fiche de temps. À une certaine époque, BCL avait pris du retard sur son échéancier, de sorte que, lorsque des travailleurs d’expérience se présentaient — un aspect que Douglas Kurtz pouvait facilement évaluer —, on leur offrait du travail. Douglas Kurtz a déclaré qu’il ne s’occupait pas de passer en revue les factures des travailleurs ni de leur émettre les chèques au nom de BCL en guise de paiement. [7] Dans son témoignage, M. Kurtz a dit qu’il est entrepreneur et qu’il est l’unique actionnaire et administrateur de BCL. La société faisait la pose de parements sur les résidences construites par des entrepreneurs généraux. Son rôle consistait à trouver du travail et à présenter des soumissions. S’il remportait un appel d’offres, des poseurs étaient engagés et Douglas Kurtz surveillait le travail. M. Kurtz a rencontré M. Martin dans un café; il avait déjà fait affaire avec MM. Martin et Henderson. Ces derniers avaient effectué des travaux pour lesquels ils avaient tous deux présenté une facture établie selon un taux horaire. M. Kurtz a déclaré que BCL n’avait jamais eu d’employés et que tous les travailleurs – Douglas Kurtz compris – étaient considérés comme des sous-traitants. Lorsque les travailleurs ont dû effectuer des déplacements jusqu’à Boston Bar, on a versé à chacun une somme calculée selon un taux horaire — pour un aller —, étant donné que c’était sur cette base que le promoteur et constructeur indemnisait BCL. Le taux horaire versé aux travailleurs pouvait varier dans une certaine mesure et, même si leurs heures supplémentaires n’étaient pas rémunérées à un taux majoré, ils pouvaient effectuer plus d’heures au taux normal. Avant la période en cause, MM. Martin et Henderson exploitaient Aces High et remettaient à BCL, pour la pose de parements, des factures établies selon un taux horaire auquel ils ajoutaient la TPS. Lorsque M. Martin a de nouveau travaillé avec M. Henderson à BCL après le 17 août 2010 et qu’il a continué de présenter des factures, M. Kurtz a présumé que le même numéro d’inscription à la TPS s’appliquait toujours et il a lui a remis, en guise de paiement, un chèque comprenant le montant attribuable à la TPS. M. Kurtz a aussi dit que, certaines semaines, il n’avait pas de travail à offrir. [8] Avec le consentement du représentant de l’appelante et de l’intervenant, l’avocate de l’intimé a déposé, sous la cote R-1, une reliure contenant un ensemble de documents figurant aux onglets 1 à 11 inclusivement. Dans les paragraphes qui suivent, les numéros d’onglet constituent des renvois aux documents de la pièce R‑1. [9] En contre-interrogatoire, M. Kurtz a déclaré que, pour un contrat, l’entrepreneur général verse à BCL une somme forfaitaire. BCL embauche des travailleurs pour la réalisation des travaux demandés. À l’onglet 1, on trouve une facture non datée se rapportant à des travaux exécutés pour un ensemble de condominiums à Retriever Ridge. Le montant de la facture est calculé en fonction de 73 heures de travail au taux de 25 $ l’heure, ce qui représente un total de 1 825 $. Un montant de 91,25 $, représentant la TPS de 5 %, a été inscrit par erreur dans l’espace réservé à la taxe de vente provinciale (la « TVP »). M. Kurtz a dit que, selon ce qu’il avait compris, MM. Martin et Henderson exploitaient une entreprise, Aces High, mais il a ajouté que M. Martin avait présenté certaines factures en son propre nom. L’un des éléments figurant dans une facture présentée en date du 1er mars 2010 pour des travaux exécutés par M. Martin à divers emplacements concerne les heures consacrées à la réparation d’une pompe à carburant pour laquelle M. Martin demandait une somme de 200 $. Dans une facture d’un montant de 1 600 $ portant la date du 1er juillet 2010, M. Martin a inscrit [TRADUCTION] « Prélèvement » et [TRADUCTION] « Travail à la pièce ». Aucune taxe n’a été ajoutée. Selon M. Kurtz, M. Martin l’aurait informé qu’il jugeait la méthode du travail à la pièce inacceptable et qu’à l’avenir son travail serait facturé au taux horaire de 25 $. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dans les factures qu’il a établies par la suite. M. Kurtz a reconnu, à l’onglet 2, deux photocopies de chèques remis à M. Martin au cours de la période visée. Tous les chèques étaient libellés au nom de Jason Martin. On a présenté à M. Kurtz un tableau préparé par l’agent des appels (onglet 8, p. 5) où on peut constater que des chèques étaient remis à M. Martin deux fois par mois, généralement au milieu et à la fin du mois, bien que certains chèques aient été émis pratiquement un à la suite de l’autre selon les circonstances. En juillet 2010, les travailleurs n’étaient pas payés régulièrement parce que la capacité de payer de BCL dépendait des fonds reçus de l’entrepreneur général, qui accusait parfois des retards dans ses paiements. M. Kurtz a déclaré qu’il avait informé les travailleurs qu’un tel problème pourrait survenir à l’occasion si l’entrepreneur tardait à verser les paiements au prorata des travaux. Toutefois, il n’a pas été question de ce qui arriverait si l’entrepreneur général refusait de payer ou n’était pas en mesure de le faire pour cause d’insolvabilité. M. Kurtz a déclaré qu’il ne savait pas et n’était pas en mesure de savoir si certaines des heures facturables étaient attribuables à la nécessité de remédier aux erreurs ou aux omissions des travailleurs. Tous les sous‑traitants du chantier présentaient leurs factures à BCL deux fois par mois. Il savait que M. Martin avait gagné un peu d’argent en faisant la teinte de vitres lorsqu’il ne travaillait pas pour BCL et que cela ne posait aucun problème si les travaux de pose étaient exécutés correctement. Aux dires de M. Kurtz, il y avait deux échelles à perches sur l’un des chantiers, ainsi que des madriers d’échafaudage que M. Henderson avait vendus à BCL lorsqu’il était parti travailler pour une autre entreprise. [10] Contre-interrogé par l’intervenant, M. Kurtz a déclaré que le madrier en aluminium de 24 pieds avait une valeur approximative de 500 $ et que les autres accessoires servant au travail de pose avaient une valeur maximale d’environ 2 000 $. [11] M. Martin a été appelé à témoigner par l’avocate de l’intimé. Il a dit vivre à Kamloops et travailler comme poseur de parements. Avant de fournir ses services à BCL, en août 2009, il avait travaillé pendant six mois, en tant qu’employé, comme transformateur et comme soudeur pour un fabricant de plastique. Auparavant, M. Henderson et lui dirigeaient Aces High en tant qu’associés et, en février 2008, ils s’étaient inscrits aux fins de la TPS et avaient reçu un numéro de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). M. Martin a reconnu un imprimé (onglet 3, p. 1 à 3 inclusivement) et a confirmé l’exactitude des revenus bruts qui y étaient inscrits (p. 3) pour la période allant du 28 janvier au 31 décembre 2008, soit 78 100 $, et celle allant du 1er janvier au 31 décembre 2009, soit 31 202 $. Il a affirmé avoir trouvé un emploi auprès de l’entreprise de fabrication de plastique et quitté l’entreprise, que M. Henderson a continué d’exploiter. Le 13 décembre 2005, M. Martin et un autre associé avaient enregistré une entreprise dans le but d’offrir des services de débosselage, mais ils n’ont pas donné suite au projet en raison de difficultés liées à l’obtention d’un local convenable. Dans les jours précédant le 1er août 2009, M. Martin dit avoir reçu un appel de Douglas Kurtz lui disant qu’il lui avait été recommandé par M. Henderson et que BCL avait du travail de pose de parements. M. Martin a accepté de fournir ses services et a donné un préavis de trois semaines à son employeur. M. Martin a déclaré que M. Kurtz lui avait fait [TRADUCTION] « la même proposition qu’à Trevor [Henderson] », ce qu’il a interprété comme une allusion au tarif horaire de 25 $. À l’époque, BCL faisait affaire sous un nom commercial, Can-Do Developments. M. Martin a déclaré que M. Henderson et lui travaillaient ensemble sur divers chantiers, mais que ce n’était plus en tant qu’associés exploitant une entreprise comme par le passé, à l’époque où Aces High était exploitée activement et qu’elle avait obtenu un contrat de sous-traitance auprès de BCL pour un contrat d’une semaine à un tarif fixe que M. Henderson et lui s’étaient divisés en parts égales. En tant qu’associés d’Aces High, ils avaient conclu un contrat pour l’exécution de travaux à Retriever Ridge au prix de 8 500 $ et ils avaient en fin de compte subi une perte. M. Martin a mentionné que M. Henderson et lui avaient acheté trois échelles, un madrier en aluminium de 24 pieds, une table de sciage et d’autres outils d’une valeur approximative de 6 000 $. Pendant le mois d’août 2009, M. Martin a travaillé à la construction d’un ensemble résidentiel à Boston Bar où il posait du revêtement extérieur et construisait des toits et des terrasses. Il possédait l’expérience nécessaire et n’avait pas besoin d’instructions; on lui confiait des tâches à son arrivée sur le chantier. Il avait en sa possession un porte-outils et des outils évalués à 280 $; lorsqu’il avait besoin d’un outil ou d’une pièce plus gros, il l’empruntait à un autre travailleur pendant un court moment. Chaque matin, il se rendait à la résidence de M. Kurtz pour charger les outils et les matériaux requis dans le camion de BCL; puis il conduisait le véhicule jusqu’au chantier de Boston Bar et recevait, pour cela, un paiement équivalent à 1,5 heure de travail au taux normal. Quelquefois, il y avait jusqu’à sept travailleurs sur le chantier, mais l’équipe principale en comptait quatre. Pendant la période visée, M. Martin a travaillé sur huit chantiers différents; si le chantier était situé dans les environs, il se rendait au travail avec son propre véhicule. Pendant toute cette période, la journée de travail normale commençait à 8 h et se terminait entre 15 h 30 et 16 h; il y avait une pause-repas d’une heure prise à un endroit choisi par le groupe, y compris Douglas Kurtz. M. Martin a dit qu’il était payé seulement pour les heures travaillées et qu’à une occasion, il avait avisé Douglas Kurtz qu’il devait partir plus tôt pour aller prendre sa fille. Pendant qu’il offrait ses services à BCL, il n’a embauché personne étant donné que ce [TRADUCTION] « n’était pas [son] entreprise ». M. Martin a déclaré qu’il ajoutait la TPS au montant de ses factures conformément aux instructions données par M. Kurtz. Il faisait le calcul de ses heures, qu’il multipliait par le taux de 25 $, et y ajoutait la TPS de 5 %, mais il en inscrivait le montant dans l’espace réservé à la TVP, sauf dans le cas d’une facture où il avait inscrit la TPS dans la colonne appropriée. M. Martin a dit ne pas avoir été inquiété par le fait que M. Kurtz lui avait demandé d’inclure la TPS parce que, faisant référence à M. Kurtz et à son frère, il était [TRADUCTION] « heureux de travailler avec des personnes qu’il appréciait ». Il a admis qu’il avait teint quelques vitres pour le compte d’un promoteur pour un tarif à la pièce et qu’il avait exécuté ce travail à un moment où il ne travaillait pas comme poseur pour les contrats de BCL. Il a déclaré qu’en juillet 2010, il avait accepté la proposition de M. Kurtz d’effectuer des travaux à la pièce et reçu une avance de 1600 $. Toutefois, il a rapidement compris qu’il ne voulait pas [TRADUCTION] « faire équipe » avec d’autres travailleurs et se partager les revenus en fonction du travail exécuté pour un volet quelconque du contrat. Il a fait savoir à M. Kurtz qu’il jugeait cette nouvelle méthode inacceptable et qu’il continuerait d’offrir ses services uniquement selon l’ancienne méthode consistant à présenter à BCL des factures établies selon un taux horaire. M. Martin a dit que, pendant qu’il travaillait à Boston Bar, il avait été [TRADUCTION] « détaché » pour travailler avec William Stoutjesdyk (« M. Stoutjesdyk »); il avait comptabilisé ses heures et établi la facture remise à BCL pour cette période de paie en se basant sur ces heures. M. Martin a mentionné ne pas avoir produit de déclarations de revenus depuis l’année d’imposition 2006. Il a admis que chaque chèque que lui avait remis BCL était libellé en son propre nom et portait la mention [TRADUCTION] « sous-trait. » dans l’espace réservé à la description, ce qui ne l’a pas inquiété puisqu’il était l’ami des frères Kurtz. Dans les derniers moments de la relation de travail, M. Martin s’est énervé parce qu’il n’avait pas reçu la totalité des paiements qui lui étaient dus et que, quelque temps auparavant, il avait reçu des paiements, sous forme de prélèvements ou d’avance, dont les montants étaient irréguliers. Il a quitté les lieux de travail le vendredi, après quoi il a téléphoné à M. Kurtz pour lui demander le reste de sa paie, qu’il a ensuite reçu. [12] Contre-interrogé par le représentant de l’appelante, M. Martin a déclaré que, lorsqu’il avait accepté de travailler pour BCL, il ne connaissait pas la nature de la situation professionnelle de M. Henderson; en revanche, il savait qu’il serait payé au même taux horaire de 25 $ et que les paiements seraient effectués autour du 15 et du 30 de chaque mois. M. Martin a reconnu que M. Henderson et lui avaient ajouté la TPS à leurs factures lorsqu’ils exploitaient Aces High, mais il a affirmé qu’il n’avait pas travaillé comme sous-traitant depuis et qu’il avait été l’employé d’une autre entreprise, en 2010, après avoir quitté BCL. Il a dit ne pas avoir produit de déclaration de TPS pour Aces High en mai 2010 et ne pas avoir été au courant de cette formalité jusqu’à ce que M. Henderson lui en glisse un mot. M. Martin a admis que M. Kurtz devait s’attendre à ce qu’il utilise le numéro de TPS qui leur avait été attribué à titre d’associés d’Aces High, numéro qui avait été inscrit sur les factures présentées à BCL pour le travail effectué avant la période visée. M. Martin a déclaré que, lorsqu’il avait accepté de travailler comme poseur sur les chantiers de BCL, le 17 août 2009, il n’exploitait plus d’entreprise, que ce soit sous forme de société de personnes ou à titre de propriétaire unique. Il a ajouté qu’il n’avait jamais été question, avec M. Kurtz, qu’il se fasse inscrire sur une liste de paie, mais il ne s’est pas inquiété de ce fait : il pensait qu’il aurait le statut d’employé, parce qu’il n’avait répondu à aucun appel d’offres concernant une tâche précise, qu’il offrait tous ses services selon les mêmes modalités, soit un taux horaire convenu de 25 $, et qu’il serait payé deux fois par mois pour ces services. [13] Dans son témoignage, M. Henderson a dit qu’il vivait à Chilliwack et travaillait comme poseur de parements. Il connaissait M. Martin depuis 20 ans et s’était associé avec lui pour exploiter une entreprise, Aces High, de 2007 jusqu’au milieu de 2009, moment où la récession avait frappé et où bon nombre de promoteurs avaient cessé la construction d’ensembles résidentiels. C’est à ce moment‑là que M. Martin avait quitté l’entreprise et trouvé un emploi, tandis que M. Henderson avait poursuivi ses activités sous le nom d’Aces High. L’entreprise avait été enregistrée comme société de personnes auprès de Service Canada aux fins de la TPS et de l’impôt sur le revenu. M. Henderson a déclaré qu’il avait reçu un appel téléphonique de M. Kurtz, lequel lui avait offert de travailler sur le chantier de Retriever Ridge, pour lequel M. Martin et lui, par l’intermédiaire d’Aces High, avaient déjà fourni des services, non pas à BCL, mais à un constructeur. Avec l’accord de M. Martin, M. Henderson a conservé les biens qui avaient été achetés pour Aces High, étant donné qu’il avait contracté un prêt pour leur acquisition. Lorsqu’il a recommencé à travailler sur divers contrats de BCL, M. Henderson recevait une paie établie au taux horaire de 25 $ et utilisait ses propres outils à main. M. Martin a reconnu une facture qu’il avait présentée à Cando (sic) Developments (pièce R‑2) en date du 30 octobre 2009, pour un montant de 1993,13 $, comprenant 64,5 heures de travail de pose de parements au taux de 25 $, plus trois mois de frais de location de matériel (échelles et échafaudage) pour un total de 100 $ par mois et, enfin, la TPS, soit 80,63 $. M. Henderson a déclaré que Douglas Kurtz était le contremaître des chantiers et qu’il décidait de l’heure de la pause‑repas et de celle du départ. Il a aussi usé de ses pouvoirs pour congédier un travailleur. Vers le milieu du mois de juin 2010, M. Kurtz a annoncé que BCL perdait de l’argent en payant les travailleurs selon un taux horaire et que l’entreprise avait décidé d’adopter une nouvelle formule de rémunération basée sur le travail à la pièce. M. Henderson a dit ne pas avoir consenti à ce changement : il a abandonné le chantier de BCL pour accepter un emploi auprès d’une autre entreprise de pose de parements. [14] Contre-interrogé par le représentant de l’appelante, M. Henderson a déclaré qu’au moment où il avait accepté de travailler au taux de 25 $ l’heure, il n’avait pas envisagé la possibilité de fournir ses services autrement qu’à titre d’employé, car à l’époque en question, il n’exploitait plus Aces High ni aucune autre entreprise. Il n’a pas produit de déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2009, mais songeait à déclarer que ses revenus provenaient d’un travail indépendant. Dans chaque facture présentée à BCL, indépendamment du nom commercial utilisé par cette dernière, il ajoutait la TPS. Aux dires de M. Henderson, même si les autres travailleurs et lui-même avaient de l’expérience, c’était Douglas Kurtz qui leur attribuait des volets de l’ouvrage et tous les travailleurs le suivaient lorsqu’il disait : [TRADUCTION] « Allons dîner! ». À son avis, les travailleurs considéraient Douglas Kurtz [TRADUCTION] « comme un patron ». [15] Contre-interrogé par M. Martin, M. Henderson a admis que, si une question se posait relativement au travail à effectuer sur le chantier, lui et les autres se tournaient vers Douglas Kurtz pour lui demander son avis et ses directives. [16] Lors de son témoignage, M. Stoutjesdyk a dit être un entrepreneur indépendant œuvrant, depuis 2005, dans le domaine du charpentage, de la rénovation et des ouvrages de béton, sous le nom de Brookbank Builders (« Brookbank »). Il a trois employés rémunérés selon un taux horaire et assujettis aux déductions à la source d’usage. Il a rencontré M. Kurtz en 2006, alors que Brookbank effectuait, pour un montant forfaitaire, des travaux obtenus à la suite d’une soumission. M. Stoutjesdyk connaissait M. Martin, avec qui il avait travaillé sur les chantiers de Retriever Ridge et de Boston Bar, et, même si ce dernier travaillait avec lui, il était payé par BCL. Relativement à un aspect de ce chantier de construction, Brookbank et BCL avaient toutes deux fourni des employés ou des travailleurs et s’étaient partagé les profits en parts égales. C’est BCL qui, au départ, avait obtenu le contrat en question. [17] Contre-interrogé par le représentant de BCL, M. Stoutjesdyk a convenu qu’il y a un surveillant de chantier pour la plupart des travaux. [18] Contre-interrogé par M. Martin en sa qualité d’intervenant, M. Stoutjesdyk s’est souvenu d’un cas où MM. Martin et Henderson l’avaient aidé à monter la charpente d’une habitation et avaient été payés pour leurs heures par BCL. [19] M. Martin, en sa qualité d’intervenant, n’a appelé aucun témoin. [20] De l’avis du représentant de l’appelante, la jurisprudence pertinente étaye l’hypothèse voulant que M. Martin ait fourni ses services en tant que personne travaillant à son propre compte et non à titre d’employé. Par le passé, M. Martin avait exploité une entreprise : Aces High. Il avait aussi tenté de démarrer une autre entreprise et avait tiré un revenu en teignant des vitres pour d’autres constructeurs. Se fondant sur la preuve, le représentant de l’appelante prétend que tous les actes accomplis par M. Martin ont été systématiquement conformes à ceux d’un entrepreneur indépendant et que l’ajout en règle de la TPS – quoique, la plupart du temps, dans l’espace réservé à la TVP – indiquait qu’il agissait conformément à sa qualité d’inscrit à la TPS, en utilisant le numéro qui leur avait été attribué, à M. Henderson et à lui, lorsqu’ils exploitaient Aces High. Il ne fait aucun doute que M. Martin n’avait pas besoin de supervision et qu’il avait la possibilité de travailler aux heures qui lui convenaient et de s’absenter du chantier au besoin pour des raisons personnelles. [21] L’avocate de l’intimé prétend qu’il n’y a pas eu accord de volontés lorsque MM. Martin et Douglas Kurtz, puis MM. Martin et Kurtz, ont discuté de prestation de services à BCL. La preuve révèle que M. Martin a été traité comme un employé devant exécuter le travail que lui confiait Douglas Kurtz, lequel exerçait les fonctions d’un surveillant de chantier. Selon l’avocate, BCL était d’accord pour que M. Martin travaille pour l’entreprise de M. Stoutjesdyk et l’avait rémunéré pour les heures qu’il avait effectuées. Malgré l’ajout de la TPS aux factures présentées par M. Martin pendant la période visée, il est évident qu’il était un travailleur rémunéré à l’heure sans possibilité de réaliser un profit ni exposition au risque de perte, puisqu’on le payait pour les heures qu’il comptabilisait même si on pouvait en imputer certaines à la nécessité de remédier à une erreur ou à un oubli. Selon l’avocate de l’intimée, la preuve ne permet pas de conclure que M. Martin exploitait une entreprise pour son propre compte et que les décisions du ministre devraient être confirmées. [22] Dans plusieurs affaires récentes, dont Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6853, Le Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N. (C.A.F.), 2006 CAF 87 (CanLII) (« Royal Winnipeg Ballet »), Vida Wellness Corp. (s/n Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national — M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570, et City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350 (CanLII) (« City Water »), les parties avaient clairement exprimé leur intention mutuelle, à savoir que la personne fournissant les services le ferait à titre d’entrepreneur indépendant et non à titre d’employé. Ce n’est pas le cas dans les deux appels dont nous sommes saisis. Il n’y a pas d’accord écrit et les parties n’ont pas discuté de la question de la relation de travail, que ce soit au début de la période visée ou à quelque autre moment. [23] Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 – (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada s’est penchée sur une affaire de responsabilité pour le fait d’autrui. En plus de procéder à l’examen des diverses questions en litige, la Cour suprême devait aussi déterminer ce qu’il faut entendre par entrepreneur indépendant. La décision de la Cour a été rendue par le juge Major, qui a étudié l’évolution de la jurisprudence sous l’angle de l’importance de la différence entre l’état d’employé et celui d’entrepreneur indépendant, compte tenu de son incidence sur la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après s’être reporté aux motifs énoncés par le juge MacGuigan, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national — M.R.N.), [1986] 3 C.F. 553, motifs qui renvoient eux-mêmes au critère d’organisation utilisé par lord Denning, ainsi qu’à la synthèse faite par le juge Cooke dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major, aux paragraphes 47 et 48 de ses motifs, a déclaré ce qui suit : 47 Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. 48 Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire. [24] Je me propose maintenant d’examiner les faits propres aux présents appels en fonction des indices énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz. Degré de contrôle [25] M. Martin, à l’instar de M. Henderson, était un poseur de parements d’expérience et n’avait pas besoin de supervision. Toutefois, à l’occasion, et selon les besoins, il recevait des directives de la part de Douglas Kurtz, qui jouait le rôle de contremaître et de surveillant de chantier auprès du groupe de travailleurs. Douglas Kurtz leur confiait des tâches et annonçait l’heure de la pause-repas. Les travailleurs lui emboîtaient le pas, mangeaient au même endroit que lui puis retournaient travailler même si lui, Douglas Kurtz, prenait une pause plus longue. Plus tard dans la journée, Douglas Kurtz leur annonçait que la journée de travail était terminée. Il arrivait qu’un travailleur ait la possibilité d’offrir des services pour son propre compte, mais cela se faisait rarement. Pour le chantier de Boston Bar, M. Martin était tenu de se présenter à la résidence de M. Kurtz, de charger les matériaux dans le camion appartenant à ce dernier ou à BCL et d’effectuer un trajet d’une heure et demie jusqu’au chantier. À Boston Bar, M. Martin a été [TRADUCTION] « prêté » à l’entreprise de M. Stoutjesdyk afin de travailler sur un aspect précis du chantier pour lequel Brookbank et BCL s’étaient associées. BCL payait M. Martin directement et il est évident que ce dernier n’était pas un sous-traitant de M. Stoutjesdyk. Mise à disposition de matériel ou d’assistants [26] M. Martin apportait ses propres outils sur les chantiers, ce qui constitue la norme dans l’industrie de la construction. Les autres outils et le matériel appartenaient à M. Henderson, qui les avait conservés lorsque M. Martin avait quitté la société de personnes Aces High pour accepter un emploi auprès d’un fabricant de plastique. Ce n’est pas à M. Martin que BCL a payé les frais associés à la fourniture des échelles et du madrier d’échafaudage; ces frais ont été ajoutés à une facture présentée par M. Henderson, que BCL a acquittée par chèque. M. Martin n’a embauché aucun assistant, car tous les travailleurs étaient engagés et congédiés par M. Kurtz ou son frère, Douglas Kurtz. Étendue des risques financiers et responsabilité pour les mises de fonds et la gestion [27] M. Martin n’a couru aucun risque financier durant la période visée. Il était payé pour son travail, y compris le trajet d’une heure et demie effectué jusqu’à Boston Bar, selon un taux horaire. Même s’il est arrivé qu’un promoteur mette du temps à payer BCL, M. Martin recevait ses paiements intégralement, notamment à une occasion où Douglas Kurtz a dû puiser dans ses propres avoirs pour payer les travailleurs parce que BCL ne disposait pas des liquidités nécessaires au moment en question. M. Martin n’était pas tenu de diriger qui que ce soit pour s’acquitter de ses propres tâches et son seul investissement, pendant la période visée, a été de fournir ses propres outils à main et son sac à outils. Possibilité de tirer profit de l’exécution des tâches [28] M. Martin était payé au taux horaire de 25 $. Il n’était pas prévu qu’il puisse toucher une prime ou qu’il soit rétribué pour les heures supplémentaires. Il n’était visé par aucune convention de partage des profits. Après que M. Kurtz a modifié unilatéralement le mode de rémunération applicable, en juin 2010, en adoptant une formule de paiement basée sur le travail à la pièce selon le secteur du chantier de construction touché, M. Martin a présenté une facture de 1600 $, à titre de paiement anticipé. Toutefois, il a ensuite informé M. Kurtz qu’il ne se conformerait pas au nouveau régime et il a repris son ancienne méthode de facturation, basée sur un taux horaire de 25 $; BCL l’a payé en conséquence. [29] Les faits en l’espèce sont semblables à ceux d’une autre affaire que j’ai instruite en 2009 : Stephen Twilley c. Le Ministre du Revenu national (« Twilley »), 2009 CCI 524. Cette affaire concernait un travailleur qui avait accepté de fournir ses services à un taux forfaitaire de 25 $ l’heure. Le payeur, M. Twilley, exigeait de ses clients un taux forfaitaire fixé en fonction de la superficie en pieds carrés. [30] Dans la décision Twilley, la représentante de l’appelant a invoqué la décision que j’ai rendue dans Beaver Home Improvements Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [2003] A.C.I. no 56 (« Beaver Home »). À cet égard, j’avais conclu que le travailleur était un entrepreneur indépendant lorsqu’il fournissait des services d’installation de couvertures pour lesquels Beaver Home le payait. Il existe toutefois des différences notables entre les faits de cette dernière affaire et ceux de l’espèce. Premièrement, le seul représentant de Beaver Home sur le chantier était un vendeur et estimateur dont le rôle était de s’assurer de la conformité du travail par rapport aux exigences du client. Deuxièmement, dans 90 p. 100 des cas, le travail à effectuer était simple et le travailleur pouvait s’en acquitter grâce aux outils à main et au matériel qui lui appartenaient. S’il avait besoin d’outils spécialisés, Beaver Home les lui fournissait. Le travailleur, un certain M. O’Flynn, se rendait au travail par ses propres moyens et, par souci de commodité, il prenait aussi ses collègues de travail à bord de son véhicule. Beaver Home fournissait aux assistants de M. O’Flynn des outils et du matériel. [31] Dans l’affaire Beaver Home, les risques financiers n’étaient pas élevés et M. O’Flynn était payé par Beaver Home indépendamment du fait que le propriétaire de la résidence acquittait ou non la facture. Les assistants étaient aussi payés directement par Beaver Home. En revanche, M. O’Flynn avait la possibilité de réaliser un profit en raison de l’existence d’une convention de partage des revenus l’autorisant à tirer un profit du travail des autres travailleurs. Il avait aussi le droit d’accepter ou de refuser une offre de travail et de négocier le versement d’un paiement supplémentaire si les travaux sur le chantier présentaient des difficultés imprévues. Dans la décision Beaver Home, j’ai conclu que M. O’Flynn avait la possibilité d’accroître ses revenus en étant lui-même efficace et en s’assurant de l’efficacité des autres travailleurs par une surveillance adéquate. [32] Les faits en l’espèce sont semblables à ceux de Copper Creek Homes Inc c. Le Ministre du Revenu national, 2011 CCI 570 – (« Copper Creek »). Dans cette affaire, le ministre avait inscrit un travailleur aux fins de la TPS et celui‑ci avait retenu les services d’un spécialiste en déclarations de revenus. Ce dernier avait établi dans la déclaration que les revenus du travailleur étaient tirés d’un travail indépendant. Au paragraphe 22 des motifs, j’ai écrit ce qui suit : [22] Quant à la supposée entente qui avait au départ été conclue, à savoir que M. Wiebe devait fournir ses services à Copper Creek à titre d’entrepreneur indépendant, bien qu’il n’y ait pas eu coercition, M. Falk a offert ce statut au taux horaire négocié, l’offre étant à prendre ou à laisser, et la relation de travail a débuté en 2008 sur cette base. À ce moment‑là, M. Wiebe fournissait ses services à d’autres, et notamment à Weststone, mais il ne s’était pas inscrit aux fins de la TPS et il n’estimait pas exploiter sa propre entreprise. Les déclarations de revenus de M. Wiebe relatives aux années 2008 et 2009 ont été produites comme elles l’ont été parce que Copper Creek n’avait pas délivré de feuillet T4 et, en 2010, la déclaration a été préparée, encore une fois, par le spécialiste en déclarations de M. Wiebe en supposant que l’argent gagné était un revenu d’entreprise. Or, la façon dont les déclarations ont été produites n’est pas déterminante, pas plus que l’attribution arbitraire d’un numéro de compte de TPS/TVH à M. Wiebe, laquelle était probablement due au fait que, dans ses déclarations de revenus, il avait indiqué un revenu d’entreprise et avait déduit certains montants appropriés. [33] Dans l’analyse m’ayant amené à conclure que le travailleur était un employé de Copper Creek, j’ai fait, au paragraphe 24, l’observation suivante : [24] La preuve qui a été présentée en l’espèce n’indique pas qu’au cours de la période pertinente, M. Wiebe exploitait une entreprise à son compte. L’inscription de l’entreprise a été imposée par le ministre et elle a été annulée. M. Wiebe ne travaillait pas pour d’autres personnes au cours de la période en question, il ne faisait pas de publicité pour ses services et il n’estimait pas avoir quelque autre statut que celui d’un employé qui aurait dû être inscrit dans la liste de paie de Copper Creek. La preuve dans son ensemble milite fortement en faveur de la conclusion selon laquelle M. Wiebe était engagé par Copper Creek aux termes d’un contrat de louage de services. La conduite des parties était compatible avec ce statut, et ce, même si la relation antérieure de travail de M. Wiebe avec Copper Creek, et avec la société à dénomination numérique, était peut‑être suffisamment différente pour justifier la décision du ministre d’attribuer un numéro d’entreprise à M. Wiebe. Toutefois, ces circonstances n’ont pas été portées à mon attention, sauf pour expliquer l’origine de la relation existant entre M. Wiebe et M. Falk, et entre M. Wiebe et Copper Creek. De toute façon, il est loin d’être certain que l’expression claire d’une intention commune aurait fait pencher la balance du côté de l’appelante; il ne s’agissait pas d’un facteur fiable dans les présents appels. Il n’y avait aucun accord réel des volontés sur ce point et au début de l’année 2010, M. Wiebe a demandé à ce que le statut d’employé lui soit accordé. De toute évidence, la déclaration de M. Falk, à savoir que le taux horaire accordé à M. Wiebe devrait être ramené de 25 $ à 17 $ ou 17,50 $ si celui‑ci était considéré comme un employé et s’il était assujetti à des retenues à la source, était un stratagème de négociation qui a mis fin aux demandes que faisait M. Wiebe à cet égard. La différence de 7 $ ou 7,50 $ l’heure représentait 30 p. 100 de la rémunération, ce qui était disproportionné par rapport au pourcentage des gains que l’employeur doit payer lorsqu’il effectue des versements en vertu de la Loi et du Régime, à savoir, jusqu’à concurrence d’un maximum qui n’est pas ici pertinent, 2,42 p. 100 et 4,95 p. 100 des gains respectivement. En sa qualité d’employeur, Copper Creek aurait été tenue de verser la cotisation à la CAT, de 4,4 p. 100, de sorte que le pourcentage global que Copper Creek aurait eu à payer était de 11,77 p. 100. Compte tenu du taux horaire de 25 $, la chose aurait eu pour effet de réduire la rémunération de M. Wiebe d’un montant de 2,94 $. [34] Dans l’arrêt Sagaz, précité, la question centrale consistait à se demander : […] si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. [35] En l’espèce, les parties se connaissaient déjà avant la période en cause et elles avaient travaillé sur les mêmes chantiers. M. Kurtz et son frère, Douglas Kurtz, savaient que MM. Martin et Henderson avaient exploité une entreprise, Aces High, et que M. Martin était employé par une entreprise lorsqu’ils ont communiqué avec lui pour l’inviter à fournir ses services à BCL, en août 2009. Dans son témoignage, M. Kurtz a dit avoir présumé que M. Martin ajouterait la TPS à ses factures établies selon le taux horaire convenu et qu’il utiliserait le numéro attribué à la société Aces High, dont il était propriétaire avec M. Henderson, et qui avait déjà présenté des factures à BCL pour des travaux effectués avant la période visée. M. Martin a déclaré qu’il n’avait pas eu l’intention de fournir ses services à BCL autrement qu’à titre d’employé rémunéré à l’heure, deux fois par mois, et qu’il avait ajouté les 5 % de taxe pour accéder à la demande de M. Kurtz, qu’il considérait, au même titre que Douglas Kurtz, comme un ami. M. Martin désirait travailler, mais pas à des conditions susceptibles de lui occasionner des pertes, une situation dont il avait déjà fait l’expérience à titre d’associé d’Aces High et qu’il ne voulait pas revivre. Il a communiqué cette intention en rejetant tout de suite le nouveau régime de paiement à la pièce que M. Kurtz avait tenté d’imposer. Il s’y est opposé et a refusé de continuer à travailler autrement que sur la base du taux horaire convenu. [36] Dans son témoignage, M. Kurtz a déclaré que BCL n’avait jamais eu d’employés. Son frère, Douglas Kurtz, travaillait comme surveillant de chantier et recevait un salaire mensuel, mais il était traité comme un entrepreneur indépendant. Il n’a pas été question de la situation de travail de Douglas Kurtz devant moi, mais la preuve n’indique pas que Douglas Kurtz exploitait sa propre entreprise et les modalités selon lesquelles il offre ses services semblent correspondre à celles d’un employé. L’entente avec Douglas Kurtz est révélatrice de l’attitude de M. Kurtz, qui attribuait à quiconque effectue du travail sur un chantier de BCL le statut de sous‑traitant, peut-être parce que BCL n’était ni un constructeur, ni un promoteur, et qu’elle remportait des appels d’offres à titre de sous-traitante chargée de réaliser certains travaux sur divers chantiers de construction résidentielle. Ce statut de sous‑traitant ne correspond pas aux faits révélés par la relation de travail établie entre M. Martin et BCL pendant la période visée, et ce, indépendamment de ce qui avait eu cours auparavant. Contrairement à la situation décrite dans l’arrêt Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2002 CAF 207, la preuve ne permet pas de conclure à l’existence de deux entreprises, l’une exploitée par M. Martin et l’autre par BCL, pour ce qui est des travaux effectués sur les chantiers visés par la période en cause. [37] Les hypothèses ne peuvent être considérées comme des ententes et les déclarations unilatérales de statut ne lient pas les parties à l’instance. À défaut d’autres éléments de preuve, même l’intention mutuelle de définir une relation de travail d’une certaine façon ne suffit pas. [38] Dans la décision Standing c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.)(C.A.F.), [1992] A.C.F. no 890, le juge Stone tient les propos suivants : [...] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door. [...] [39] Les parties n’avaient pas d’intention commune selon laquelle M. Martin fournirait ses services en tant qu’entrepreneur indépendant. L’ajout de la TPS aux factures de M. Martin n’est pas déterminant quant à la question de savoir à quel titre il a fourni des services à BCL après le 17 août 2009. Il n’était pas raisonnable que M. Kurtz, seule âme dirigeante de BCL, prenne des décisions en présumant que M. Martin travaillait toujours, en quelque sorte, pour son propre compte étant donné qu’il lui avait offert du travail alors qu’il était employé par une autre entreprise et qu’il avait, en toute bonne foi, prévenu son employeur, trois semaines à l’avance, de son intention de démissionner. [40] Dans la décision Domart Energy Services Ltd. c. Le Ministre du Revenu national, 2007 CCI 585 (« Domart »), le juge Boyle s’est penché sur une affaire dont les faits sont fort différents de ceux dont il est question en l’espèce. Aux paragraphes 6 à 13, inclusivement, il expose ces faits de la façon suivante : 4 Dans le cadre des services de location qu’elle offre à ses clients du domaine pétrolier, Domart utilise deux camions‑grues. Les camions‑grues sont de gros camions qui coûtent cher; grâce à leur grue à flèche intégrée, ils peuvent servir à livrer et à reprendre de la machinerie et de l’équipement du type et de la taille de ceux que Domart loue. Domart possède un des deux camions‑grues, et l’autre appartient à un tiers avec lequel Domart n’a pas de lien de dépendance, McCallum Trucking Ltd., qui fournit également à Domart le conducteur du camion‑grue. Les camions‑grues sont des pièces d’équipement dont le prix élevé est de l’ordre des 400 000 $. 5 Avant la période en cause, Domart employait un conducteur privé pour son propre camion‑grue. Toutefois, quand ce conducteur est parti, Domart a eu de la difficulté à trouver un nouvel employé, malgré la publicité faite et les efforts de recrutement déployés. 6 M. Wilfrid Flanagan a abordé M. Pavlis et a offert à ce dernier les services de conducteur de camion‑grue de son entreprise, Grubbs, pour le camion‑grue de Domart. M. Pavlis connaissait bien Grubbs et l’entreprise précédente de M. Flanagan, Skookum Inc., nom sous lequel M. Flanagan avait auparavant exercé ses activités. Domart avait été client de Skookum et de Grubbs. 7 Grubbs offrait certains services de transport aux entreprises œuvrant dans le secteur de l’exploration et du développement pétroliers. Outre les services de conducteur de camion‑grue, Grubbs fournissait des services de véhicule d’escorte et des services de livraison express. Les services de véhicule d’escorte consistent à fournir le petit camion qui précède ou qui suit les véhicules gros, lents ou dangereux, ainsi que le conducteur. Grubbs fournissait régulièrement des services de véhicule d’escorte à Domart, environ deux fois par mois, pendant la période pertinente; elle fournissait à la fois le véhicule d’escorte et le conducteur. Les services de livraison express consistent à rendre disponibles de petits camions pour livrer immédiatement dans les champs pétrolifères les pièces de remplacement et les accessoires qui sont nécessaires à l’équipement loué. Domart n’utilisait pas les services de livraison express de Grubbs parce qu’elle avait pris d’autres arrangements. Grubbs avait un barème tarifaire qui indiquait les taux et les modalités de ses services de véhicule d’escorte, de livraison express et de conducteur de camion‑grue. M. Flanagan en avait donné une copie à M. Pavlis à des fins de discussion. M. Flanagan insistait sur le fait qu’il ne souhait pas être un employé de Domart, mais que Grubbs était disposée à fournir des services à titre d’entrepreneur. Grubbs avait un numéro de TPS, une lettre d’attestation aux fins de l’indemnisation des accidents du travail et sa propre assurance responsabilité, et elle avait fourni ces documents à Domart. 8 Domart savait que Grubbs avait d’autres clients et que Grubbs ne serait pas en mesure de répondre chaque fois qu’elle avait besoin d’un conducteur de camion‑grue. Grubbs pouvait refuser le travail qu’on lui offrait, ce qu’il lui est d’ailleurs arrivé de faire. 9 Depuis la période en cause, Domart a pu remplacer Grubbs et M. Flanagan en embauchant un conducteur de camion‑grue à titre d’employé. 10 M. Flanagan avait obtenu et conservé son propre permis de conduire de classe 1, dont il avait besoin pour conduire un camion‑grue. M. Flanagan avait un certificat de compagnon grutier-opérateur d’appareil de levage, ce qui signifie qu’il avait le permis provincial nécessaire pour pouvoir conduire le camion‑grue. M. Flanagan payait de sa poche et consacrait de son temps personnel pour conserver ce titre de compétences. En outre, il tenait le carnet de route réglementaire du camion et de la grue. 11 Grubbs ou M. Flanagan était aussi responsable des infractions aux règlements de la circulation. Ce n’était pas une pratique courante, dans l’industrie, qu’un conducteur soit responsable des contraventions et des amendes de la manière dont Grubbs avait accepté de l’être. 12 Domart avait accepté de verser 45 $ l’heure à Grubbs pour les services de conducteur de camion‑grue de M. Flanagan. Ce taux horaire était considérablement plus élevé que celui de 35 $ l’heure que Domart avait auparavant versé à ses employés conducteurs de camion‑grue et qu’elle offrait aux employés éventuels. Il n’y avait pas de contrat écrit. M. Pavlis avait clairement établi, dans ses discussions avec M. Flanagan, que le taux horaire accru était versé parce qu’il s’agissait d’un taux contractuel, et qu’il n’y aurait pas d’heures supplémentaires payées, ni rien de plus. Bien que Domart aurait fortement préféré embaucher un employé pour conduire le camion‑grue, M. Pavlis, au nom de Domart, avait expressément convenu avec M. Flanagan que les services de conducteur de camion‑grue seraient rendus dans le cadre des activités de Grubbs. 13 Domart ne versait rien de plus à Grubbs pour les repas et les chambres d’hôtel; Grubbs n’avait ni vacances ni congés de maladie payés, et pas d’avantages sociaux. Les employés de Domart, y compris les conducteurs de camion‑grue, bénéficiaient d’une gamme d’avantages sociaux. Domart payait la factuelle mensuelle qu’elle recevait de Grubbs au taux convenu, TPS en sus. [41] Le juge Boyle a conclu que le travailleur n’était pas tenu de se présenter au travail, que son horaire de travail était établi par les clients et qu’il avait le loisir de choisir l’itinéraire et de prendre des pauses quand bon lui semblait. Aux paragraphes 21 et 22, le juge Boyle ajoute : 21. Avant de me pencher sur ces critères et de les examiner dans le contexte des faits de l’espèce, je ferai remarquer qu’il est à la fois très clair et reconnu par la Couronne que M. Flanagan exploitait effectivement une entreprise sous le nom de Grubbs Oilfield Services. Selon la Couronne, le travail de conducteur de camion‑grue que M. Flanagan exécutait pour Domart s’inscrivait dans une relation d’emploi distincte. Il n’est pas contesté que M. Flanagan rendait à Domart des services de véhicule d’escorte dans le cadre des activités de Grubbs, l’entreprise que M. Flanagan exploitait. La Couronne ne conteste pas non plus que Grubbs, l’entreprise de M. Flanagan, fournissait des services de véhicule d’escorte et de livraison express, et peut‑être même des services de conducteur de camion‑grue, à d’autres clients que Domart. Cet aspect rend l’affaire passablement différente des nombreux jugements publiés en la matière et de la plus grande partie de la jurisprudence sur laquelle se fonde la Couronne. Essentiellement, la Couronne soutient que le travail de conducteur de camion‑grue constituait un travail distinct des services de véhicule d’escorte que M. Flanagan fournissait à Domart pendant la même période, et distinct des services qu’il fournissait à d’autres clients pendant cette période. La position opposée à celle de la Couronne serait que Domart était simplement l’un des meilleurs et des plus importants clients de Grubbs pendant la période en cause. Intention des parties 22. En l’espèce, les deux parties avaient clairement l’intention d’établir une relation d’entrepreneur indépendant. M. Flanagan faisait affaire sous le nom de Grubbs Oilfield Services et, avant de travailler comme conducteur de camion‑grue pour Domart, il avait fait d’autres types de travaux pour celle‑ci et avait aussi travaillé pour d’autres clients. M. Pavlis, au nom de Domart, a témoigné que même s’il aurait préféré embaucher M. Flanagan au poste de conducteur de camion‑grue, devant l’insistance de M. Flanagan, Domart avait sciemment et intentionnellement accepté d’établir plutôt une relation d’entrepreneur indépendant avec Grubbs, l’entreprise de M. Flanagan. [42] Au paragraphe 29, le juge Boyle conclut : 29. En me fondant sur la preuve présentée, je suis convaincu que la prestation des services de conducteur de camion‑grue faisait partie intégrante des activités de l’entreprise Grubbs, exploitée par M. Flanagan. Rien dans les faits ou dans la loi ne permet de séparer ces services utilisés par Domart des autres activités générales de Grubbs et de les qualifier de services s’apparentant à un emploi qu’aurait exercé M. Flanagan pour Domart. Dans l’affaire qui nous occupe, M. Flanagan fournissait les services à Domart dans le cadre de sa propre entreprise déjà établie. Comme il a été exposé dans Market Investigations, il est ainsi plus facile en l’espèce d’appliquer les critères pertinents. [43] Après avoir analysé l’ensemble de la preuve et examiné la jurisprudence applicable, je conclus que les décisions rendues par le ministre en vertu de la Loi et du Régime sont correctes et elles sont confirmées. [44] Les deux appels sont rejetés. Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour d’avril 2012. « D. W. Rowe » Juge suppléant Rowe Traduction certifiée conforme ce 15e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 127 No DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-2508(EI) et 2011-2507(CPP) INTITULÉ : 687352 BC LTD. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET JASON ROBERT MARTIN LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe DATE DU JUGEMENT : Le 18 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Peter Ronda Avocate de l’intimé : Me Dawn Francis Pour l’intervenant : L’intervenant lui-même AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : s.o. Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 128
TCC
2,012
André Leblond et Aline Lagrange c. M.R.N.
fr
2012-04-20
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30780/index.do
2022-09-04
André Leblond et Aline Lagrange c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-20 Référence neutre 2012 CCI 128 Numéro de dossier 2011-855(EI) Juges et Officiers taxateurs Gaston Jorré Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011-855(EI) ENTRE : ANDRÉ LEBLOND ET ALINE LAGRANGE, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 22 août 2011 à Québec (Québec). Devant : L’honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Représentant des appelants : André Leblond Avocate de l’intimé : Me Marie‑France Dompierre ____________________________________________________________________ JUGEMENT Selon les motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté en application de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 28 janvier 2011 est confirmée. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Référence : 2012 CCI 128 Date : 20120420 Dossier : 2011-855(EI) ENTRE : ANDRÉ LEBLOND ET ALINE LAGRANGE, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Jorré [1] L’intimé a décidé que M. Yves Leblond (le « travailleur ») n’occupait pas un emploi assurable pendant les périodes du 24 octobre au 21 novembre 2009 (la « première période »), du 14 juin au 16 juillet 2010 (la « deuxième période ») et du 2 au 27 août 2010 (la « troisième période ») lorsqu’il était au service des appelants (les « payeurs »). [2] Les appelants contestent cette décision. [3] L’intimé ne conteste pas que le travailleur était un employé des appelants. [4] Par contre, l’intimé a conclu que le travailleur occupait un emploi exclu parce qu’un contrat de travail semblable n’aurait pas été conclu s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre les payeurs et le travailleur. [5] Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance‑emploi sont les alinéas suivants de l’article 5 : (2) Restriction — N’est pas un emploi assurable : […] i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance. (3) Personnes liées — Pour l’application de l’alinéa (2)i) : a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu; b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. [6] Il s’agit surtout d’une question de fait. [7] Les appelants sont les seuls propriétaires d’une ferme et le travailleur est leur fils. [8] Les appelants n’ont pas contesté qu’ils sont liés au travailleur au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. [9] Dans la décision Lavoie c. M.R.N., 2010 CCI 580, le juge Bédard résume en ces termes le rôle de la Cour aux paragraphes 7 à 9 : 7 La Cour d'appel fédérale a défini à plusieurs reprises le rôle confié par la Loi à un juge de la Cour canadienne de l’impôt. Ce rôle ne permet pas au juge de substituer sa discrétion à celle du ministre, mais il emporte l’obligation de « vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, [. . .] décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable » (voir Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1979] A.C.F. no 878 (QL), au par. 4). 8 En d’autres termes, avant de décider si la conclusion du ministre me paraît toujours raisonnable, je dois, à la lumière de la preuve dont je dispose, vérifier si les allégations du ministre s'avèrent bien fondées, compte tenu des facteurs mentionnés à l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Il y a donc lieu de se demander si l’appelant et le payeur auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. 9 L’appelant avait le fardeau de la preuve de démontrer que le ministre n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire selon les principes applicables en la matière, c’est-à-dire essentiellement de démontrer que le ministre n’a pas examiné tous les faits pertinents ou qu’il n’a pas tenu compte de faits qui étaient pertinents. [10] En conséquence, ayant entendu toute la preuve, je dois déterminer si la conclusion du ministre selon laquelle les payeurs et une personne sans lien de dépendance n’auraient pas conclu un contrat de travail à peu près pareil me semble toujours raisonnable. [11] Les appelants ont témoigné ainsi que M. Donald Royer, un agriculteur, et Mme Claire Grant, agente de décisions en assurance‑emploi à l’Agence du revenu du Canada[1]. Les appelants n'étaient pas représentés par un avocat. [12] Pour rendre sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : a) depuis le 1er janvier 1978, André Leblond et Aline Lagrange exploitent une ferme d’élevage de lapins à chair et de bovins dont ils sont les seuls propriétaires; b) les activités des appelants sont l’agriculture, l’excavation, la fondation, la construction, le déboisement le drainage, l’élevage de bétail, l’alimentation, le nettoyage, l’épandage, le transport, l’entretien du matériel et de la machinerie et la comptabilité; c) la ferme comprend plusieurs bâtisses, 60 têtes de bétail et 8 à 9 000 lapins; d) les activités de la ferme se déroulent à l’année longue; e) généralement, les propriétaires s’occupent de la ferme sans aide; f) occasionnellement les appelants engagent des employés pour des périodes variant de 1 à 5 mois et ces employés font habituellement partie de leur famille; g) le travailleur a commencé à travailler pour les appelants en 2009; h) les tâches du travailleur étaient les suivantes selon les périodes de travail : • du 21 octobre au 21 novembre 2009, le travailleur a, avec son père, travaillé à la construction d’une remise [un garage] en tôle, vu à l’alimentation du bétail et au nettoyage des bâtiments; • du 17 juin au 16 juillet 2010, le travailleur s’occupait de l’alimentation, du nettoyage, du sciage et remisage de bois de chauffage, de l’entretien mécanique et du travail au foin; • du 2 août au 27 août 2010, le travailleur s’occupait de l’alimentation, du nettoyage, de la soudure pour alimenter les bovins et de l’installation de l’ensemble; i) l’horaire du travailleur a été déterminé par les appelants selon les périodes d’emploi, soit pour la première période, le travail était à temps plein à raison de 48 heures par semaine alors que pour les deux autres périodes, le travail était à temps partiel à raison de 15 heures par semaine; j) le travailleur n’avait pas d’horaire fixe à respecter, spécialement durant les 2 dernières périodes d’emploi où les heures travaillées étaient très variables pouvant se faire de jour comme de nuit selon ses disponibilités; k) durant toutes les périodes en litiges, les heures travaillées par le travailleur ont été comptabilisées par les appelants; l) les tâches du travailleur étaient déterminées par André Leblond ainsi que les priorités et les échéanciers; m) le travailleur devait respecter les exigences des appelants, comme par exemple de ne pas fumer sur les lieux de l’entreprise; n) les appelants fournissaient tous les outils nécessaires au travailleur pour l’exécution de ses tâches; o) André Leblond a déterminé la rémunération du travailleur en consultant le guide « Placement en ligne » et l’a fixée à 14,10 $ de l’heure; p) selon Emploi Québec, le salaire horaire d’un travailleur agricole de 2007 à 2009 se situait entre 9 $ et l3,79 $; q) le travailleur était rémunéré selon les heures réellement travaillées; r) le travailleur était payé hebdomadairement en argent comptant; s) de la paie du travailleur, les appelants déduisaient les sommes pour son logement et sa nourriture; t) le travailleur n’a pas reçu de paie de vacances; u) si le travailleur n’avait pas été disponible pour la construction de la remise et pour le bûchage du bois, selon Aline Lagrange, ces travaux auraient pu attendre ou la construction aurait été faite par elle et son conjoint, mais si les travaux avaient été pressants ils auraient engagés quelqu’un d’autre; v) il était entendu entre les parties que lorsque le travailleur occupait un emploi à plein temps ailleurs, la priorité était donnée à cet autre emploi; w) de plus, Aline Lagrange affirme que les appelants n’obligeaient pas le travailleur à donner son aide à la ferme lorsqu’il occupait un emploi à temps plein ailleurs; x) du 14 juin au 16 juillet 2010, soit pendant 5 semaines, le travailleur travaillait chez Construction G.P. Martineau 40 heures par semaine réparties sur 5 jours et pour les appelants 15 heures par semaine et le 5 juillet 2010 s’est ajouté un autre emploi de 40 heures semaine réparties sur 5 jours, soit chez Fraisière Michel Perreault, donc pendant 2 semaines le travailleur a travaillé pour 3 employeurs à raison de 95 heures semaine; y) du 2 août au 27 août 2010, soit pendant 4 semaines, le travailleur travaillait chez Fraisière Michel Perreault 40 heures par semaine et chez les appelants 15 heures par semaine; z) le 4 août 2010, les appelants ont émis au travailleur un relevé d’emploi portant le numéro A87619289 indiquant comme premier jour de travail le 14 juin 2010 et comme dernier jour de travail le 16 juillet 2010, 75 heures assurables et 1 067,50 $ de rémunération assurable; aa) le 27 août 2010, les appelants ont émis au travailleur un relevé d’emploi portant le numéro A88543961 indiquant comme premier jour de travail le 2 août 2010 et comme dernier jour de travail le 27 août 2010, 60 heures assurables et 846,00 $ de rémunération assurable; bb) selon RHDCC, le travailleur avait besoin de ces heures pour se qualifier aux prestations d’assurance‑emploi; Rémunération et conditions de travail [13] Le travailleur était payé à l’heure et les payeurs déduisaient de son salaire un petit montant pour sa pension. [14] Bien que le rapport sur un appel de l’intimé semble avoir retenu comme un des motifs de la décision qu’au cours de la première période en question, le travailleur n’aurait fait que très peu de travail ne justifiant pas le nombre d’heures payées pendant cette période[2], le paragraphe 6 de la réponse à l’avis d’appel n’énumère pas d’hypothèse de fait à l’appui d’un tel motif. [15] Ayant considéré toute la preuve, notamment le témoignage de M. André Leblond, j’arrive à la conclusion qu’il s’agit dans la première période d’un emploi réel correspondant aux heures rémunérées[3]. [16] Pour ce qui est de la rémunération, l'intimé a tenu pour acquis que, selon Emploi‑Québec, de 2007 à 2009 le salaire horaire d’un travailleur agricole se situait entre 9 $ et l3,79 $. Vu que les périodes en question se situent en 2009 et 2010 et que le travailleur a effectué différentes tâches, y compris du soudage, 14,10 $ ne semble pas être hors norme pour la période en question[4]. Est-ce que les appelants auraient engagé un tiers si le travailleur n’avait pas été disponible? [17] Le ministre a tenu pour acquis ce que suit[5] : 1. Si le travailleur n’avait pas été disponible pour la construction de la remise [garage], ces travaux auraient pu attendre ou auraient été entrepris par les appelants, mais si les travaux avaient été pressants, les appelants auraient engagé quelqu’un d’autre. 2. Il était convenu entre les appelants et le travailleur que lorsque ce dernier occupait un emploi à temps plein ailleurs, la priorité était donnée à cet autre emploi. 3. Les appelants n’obligeaient pas le travailleur à fournir son aide à la ferme lorsqu’il occupait un emploi à temps plein ailleurs. [18] Le travailleur est retourné vivre chez ses parents à l’automne 2009. Il avait quitté la maison 14 ans plus tôt. [19] Au moment où le travailleur est retourné à la maison, il n’avait pas d’emploi. [20] M. André Leblond lui a proposé du travail de construction; ils ont travaillé ensemble à l’agrandissement d’un garage[6] pendant la première période en question. Pendant cette même période, le fils s’est également occupé des lapins. Au cours de cette période, M. Yves Leblond travaillait à temps plein environ 48 heures par semaine. [21] Aucune preuve établissant l’urgence de l’agrandissement du garage n’a été présentée. [22] Pendant les deuxième et troisième périodes en question, le travailleur a travaillé environ 15 heures par semaine. [23] Pendant ces deuxième et troisième périodes, le travailleur occupait deux autres emplois à temps plein. Il a travaillé pour un entrepreneur et, ensuite, il a travaillé dans une fraisière. [24] Le travailleur faisait son travail à la ferme tôt le matin ou en soirée avant ou après ses emplois à temps plein. Il s’occupait des lapins, ramassait du bois et faisait du soudage. Le soudage se faisait dans une bâtisse qui avait servi pour les lapins mais que la ferme était en train de convertir en étable pour du bétail. [25] Au cours des deuxième et troisième périodes, d’un commun accord, les emplois à temps plein du travailleur étaient sa priorité [7]. [26] À part durant les périodes d’emploi du travailleur et à quelques rares occasions où ils étaient aidés par leurs autres enfants, les appelants ont travaillé seuls le reste du temps en 2009 et 2010. [27] En 2009, un autre de leur fils, Étienne, a pris deux semaines de congé de son emploi régulier et il a travaillé avec son père pendant ce temps‑là pour faire les foins. Étienne n’a pas été rémunéré pour ce travail. [28] Les autres enfants n'étaient pas rémunérés quand ils donnaient un coup de main; par contre, ils recevaient une récompense. [29] M. André Leblond a témoigné qu’avec l'âge, il avait besoin de plus d’aide, notamment à la période des foins. Toutefois, la preuve n’établit pas que d’autres personnes, à part le travailleur, ont été engagées contre rémunération pendant les deux années en question, soit 2009 et 2010. [30] La preuve des appelants n’a pas réfuté les hypothèses de fait dont il est question au paragraphe 17. Analyse[8] [31] Pour que les appelants et le travailleur soient réputés ne pas avoir de lien de dépendance, le ministre doit être convaincu, en tenant compte de toutes les circonstances, y compris la nature et la durée du travail, qu’ils auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance. [32] Je ne peux éviter d’en arriver à la conclusion que le travailleur, le fils des appelants, a été engagé parce qu’il était disponible, mais qu’un tiers non lié n’aurait pas été engagé au cours de ces périodes pour faire ce même travail. Si le fils n’avait pas été disponible, le travail aurait été fait par les appelants ou aurait attendu (dans le cas de l’agrandissement du garage). [33] Or, si aucun employé n’aurait été engagé pour faire le travail[9], je ne vois pas comment il serait possible de conclure que les appelants auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable avec une personne n’ayant pas de lien de dépendance. Un tel contrat n’aurait pas eu lieu avec un tiers. [34] En conséquence, je ne vois pas comment je pourrais conclure que la décision du ministre n’était pas raisonnable. Conclusion [35] Il s’ensuit que je dois rejeter l’appel. Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré RÉFÉRENCE : 2012 CCI 128 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-855(EI) INTITULÉ DE LA CAUSE : ANDRÉ LEBLOND ET ALINE LAGRANGE c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Québec (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 août 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L’honorable juge Gaston Jorré DATE DU JUGEMENT : Le 20 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant des appelants : André Leblond Avocate de l’intimé : Me Marie‑France Dompierre AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) [1] M. Yves Leblond n’a pas déposé d’intervention et il n’a pas témoigné. Au moment de l’audition, il était hospitalisé. Voir aussi le rapport à la pièce A‑4, notamment la troisième ligne écrite à la main. [2] Voir l’avant‑dernière page du rapport sur un appel, le deuxième paragraphe sous le titre « Modalités et conditions d'emploi » à la pièce I‑1. D'après le rapport, l’information à la base de cette conclusion proviendrait d’une entrevue téléphonique entre l’agent de décisions et le travailleur — voir les paragraphes 28 à 43 aux pages 3 sur 7 et 4 sur 7 du rapport. [3] Je reconnais que l’intimé s’est fié à l’entrevue pendant laquelle le travailleur semble avoir dit le contraire; il faut cependant tenir compte du premier paragraphe du rapport d’entrevue à la pièce I‑2 et du rapport à la pièce A‑4 (voir les troisième et quatrième lignes écrites à la main, y compris la date à droite). [4] D'ailleurs, l'appelant a produit à titre de comparaison une offre d’emploi agricole débutant le 14 décembre 2010, provenant du site Internet d’Emploi‑Québec, Placement en ligne, pour lequel le salaire horaire offert variait, selon l’expérience, entre 13,50 $ et 14,50 $. M. Royer, un agriculteur qui connaît M. André Leblond et qui a travaillé pour lui vers 1980, a témoigné qu'il accepterait de travailler à la construction d'un garage pour 14,10 $ l’heure. Il a également témoigné qu'il accepterait de travailler à des heures très irrégulières et pendant de très longues heures à ce taux horaire. Toutefois, le fait que M. Royer accepte de faire un tel travail pour un tel taux horaire ne démontre pas en soi que 14,10 $ l’heure soit le taux du marché. [5] Voir le paragraphe 12 u) à w) ci‑dessus. [6] Voir les questions 99 et 100 de la transcription. [7] Voir entre autres la question 32 à la page 15 de la pièce A‑1. [8] Les appelants ont mis en preuve deux lettres du ministre du Revenu dans lesquelles ce dernier avait accepté en 1998 que deux autres de leurs enfants occupaient des emplois assurables auprès des appelants. Voir à la pièce A‑1 les deux lettres du 12 février 1999, numérotées n et o, qui se trouvent après l’avis d’appel. Évidemment, des décisions au sujet de différentes personnes plus de 10 ans auparavant ne peuvent servir à trancher la question qui se pose ici. [9] Même si, par ailleurs, le salaire et les conditions de travail auraient été les mêmes si on avait engagé un tiers.
2012 CCI 132
TCC
2,012
Samqo Transport c. M.R.N.
fr
2012-05-02
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30791/index.do
2022-09-04
Samqo Transport c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-02 Référence neutre 2012 CCI 132 Numéro de dossier 2011-1435(EI) Juges et Officiers taxateurs Patrick J. Boyle Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011‑1435(EI) ENTRE : SAMQO TRANSPORT, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 27 mars 2012, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Patrick Boyle Comparutions : Représentante de l’appelante : Mme Amany Naguib Avocat de l’intimé : Me Amin Njonkou Kouandou ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est accueilli et la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 25 février 2011 en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est modifiée conformément aux motifs du jugement ci‑joint. Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 9e jour de janvier 2013. François Brunet, réviseur Référence : 2012 CCI 132 Date : 20120502 Dossier : 2011-1435(EI) ENTRE : SAMQO TRANSPORT, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Boyle [1] En l’espèce, il faut rechercher si M. Mahmoud Nasser exerçait un emploi assurable pendant une partie des années 2009 et 2010 aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (la « LAE ») en ce qui concerne le travail qu’il a effectué pour l’appelante. L’entreprise de l’appelante, Samqo Transport (« Samqo ») était exploitée par M. El Haj. Le travail que M. Nasser effectuait pour Samqo consistait à aider M. El Haj à charger et à décharger des marchandises livrées par camion. [2] Il importe de noter que l’intimé a la charge de la preuve en l’espèce parce que, du moins selon sa réponse, la Couronne était d’avis que le travail effectué était un emploi assurable en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la LAE, qui concerne les employés liés et la question de savoir si leur emploi constitue un emploi assurable. Les hypothèses sur lesquelles l’intimé s’est fondé allaient toutes dans le sens de cette qualification. À l’audience, l’avocat de l’intimé a reconnu que l’alinéa 5(3)b) de la LAE n’était pas pertinent et n’aidait pas à établir si le contrat était un contrat de travail, et que l’intimé avait la charge d’établir que M. Nasser était employé plutôt qu’entrepreneur indépendant. I. Les faits [3] M. El Haj exploitait Samqo, une entreprise de livraison. Il possédait un camion dont il était l’unique chauffeur. Au cours de la période en question, Samqo effectuait des livraisons pour des établissements de détail tels que Sears, Ikea, Bureau en Gros et Xerox. Pour certains clients, tels que Sears, Samqo fournissait un camion et un chauffeur seulement. Le client devait charger le camion et le décharger au lieu de livraison. Pour d’autres clients, tels qu’Ikea, Samqo s’engageait à s’occuper des livraisons, et notamment à charger les marchandises chez le client et à les décharger chez le client final. [4] Les clients qui devaient avoir recours aux services de Samqo communiquaient avec M. El Haj le soir pour les livraisons à effectuer le lendemain. Lorsqu’il convenait de s’occuper du chargement et du déchargement, M. El Haj se renseignait auprès des clients de Samqo sur la nature des marchandises à livrer afin de déterminer si elles étaient suffisamment grosses pour qu’il soit nécessaire de faire appel à un assistant le lendemain. Lorsque Samqo devait charger et décharger de grosses marchandises comme des sofas et des appareils électroménagers, M. El Haj communiquait avec l’une de plusieurs personnes auxquelles il faisait appel à cette fin. En pareil cas, il appelait normalement M. Nasser en premier lieu, étant donné que celui‑ci possédait de l’expérience et qu’il était fiable et, de plus, qu’il était le frère de sa femme. M. El Haj offrait le travail du lendemain à M. Nasser, chez un client particulier à une heure donnée. L’heure à laquelle le travail prenait fin n’était pas prévisible et il n’y avait pas d’heure fixe. M. Nasser pouvait à son gré accepter ou refuser le travail qui lui était offert pour le lendemain. M. Nasser avait à maintes reprises refusé les offres de travail de M. El Haj. M. Nasser effectuait du travail pour d’autres clients et, de plus, il travaillait au restaurant de ses parents. M. Nasser avait fait enregistrer une entreprise sous le nom M.O. Transport pour les livraisons qu’il effectuait pour Samqo et pour d’autres. [5] Au cours des années en question, lorsque M. Nasser refusait le travail qui lui était offert, M. El Haj appelait parfois l’un des deux autres sous-traitants auxquels il avait recours à cette fin. [6] Samqo versait à M. Nasser un montant de huit dollars pour chaque livraison. Ce montant avait été fixé à la demande de M. Nasser, lorsqu’on lui avait offert d’être rémunéré à l’heure ou pour chaque livraison. M. Nasser n’avait pas droit à des avantages ou à une paie de vacances. [7] Aucun contrat écrit ne faisait état de ces dispositions. Un contrat verbal avait été conclu, selon lequel M. Nasser acceptait d’agir à titre de sous-traitant. [8] Le camion et le diable qui étaient utilisés appartenaient à Samqo et c’était Samqo qui en était responsable. [9] M. Nasser payait son propre uniforme de livreur, ses chaussures ainsi que les frais à supporter pour se rendre aux lieux du chargement. Il se rendait parfois au lieu du chargement dans le camion de Samqo, avec M. El Haj. [10] Au lieu de l’entreprise du client de Samqo, M. El Haj et M. Nasser chargeaient le camion ensemble. M. El Haj, qui était le chauffeur, décidait d’un horaire de livraison efficace en fonction des commandes qu’il venait de recevoir et de sa connaissance de la ville et des environs. Une fois le parcours établi, l’ordre de chargement était inversé, de façon que les dernières marchandises à livrer soient les premières à être chargées dans le camion. [11] Si des dommages étaient causés à la maison ou aux meubles du client au cours de la livraison, M. El Haj ou M. Nasser, selon celui des deux qui était responsable des dommages ou des bris, devait se charger des réparations nécessaires. Selon la preuve, M. Nasser avait à un moment donné endommagé un appareil d’éclairage d’un client et dans un autre cas, le plancher du client, et il avait été obligé de s’occuper des réparations ou du remplacement. [12] M. Nasser déclarait le revenu reçu de Samqo à titre de travailleur autonome aux fins de l’impôt sur le revenu. Samqo délivrait un feuillet T4A à M. Nasser en sa qualité de sous-traitant. [13] M. Nasser était rémunéré par chèque aux deux semaines. Le chèque était tiré sur un compte au nom d’Awni El-Haj/Samqo Transport et il était émis en faveur de Mahmoud Nasser, le nom M.O. Transport étant également inscrit au-dessus de la ligne du bénéficiaire. Ces chèques étaient émis en paiement des factures de M.O. Transport adressées à Samqo, lesquelles indiquaient le nombre de commandes, le montant total à payer et le numéro du chèque de Samqo utilisé aux fins du paiement. Aucun numéro d’inscrit aux fins de la TPS ou de la TVP ne figurait sur les chèques, mais en ce qui concerne la TPS du moins, la chose était peut-être attribuable au fait que M. Nasser était admissible à titre de petit fournisseur. Aucun élément de preuve allant dans un sens ou dans l’autre n’a été présenté sur ce point. [14] M. Nasser travaillait en moyenne au moins 20 jours par mois, pendant une partie de la journée du moins, mais cela pouvait varier de 9 à 27 jours par mois. Samqo effectuait des livraisons sept jours sur sept et acceptait le travail chaque fois qu’elle pouvait le faire. Samqo était particulièrement occupée pendant les fins de semaine, ce qui coïncidait avec les habitudes d’achat des consommateurs. On n’a présenté aucun élément de preuve clair au sujet du nombre de livraisons qui avaient été effectuées au cours de la période en question ou d’une partie de cette période, ou au sujet du montant que M. Nasser avait gagné en travaillant pour Samqo au cours de la période en question. La preuve établit que les journées étaient loin d’être toutes les mêmes étant donné qu’il n’y avait parfois que quelques marchandises à livrer, alors qu’à d’autres moments, il pouvait y avoir au moins 20 livraisons. [15] J’aimerais signaler que M. Nasser n’était vraiment pas porté sur les chiffres et les dates. Il a déclaré que, cela étant, il ne tenait pas de registres. Il a adopté une approche simple en choisissant de travailler uniquement pour les gens en qui il a confiance. Il comptait sur M. El Haj pour qu’il lui verse sa rémunération exacte. [16] Il ressort clairement des éléments de preuve que Samqo Transport/M. El Haj et M. Nasser voulaient entretenir une relation d’entrepreneur indépendant plutôt qu’une relation employeur-employé, qu’ils estimaient qu’il en était ainsi pour toute la période de travail et qu’ils déclaraient cette relation en tant que telle. [17] Il est clair que ni l’un ni l’autre ne s’était engagé envers l’autre à offrir le travail disponible ou à accepter le travail qui était offert. II. Dispositions pertinentes et analyse [18] L’emploi assurable est défini ainsi à l’alinéa 5(1)a) de la LAE : EMPLOI ASSURABLE 5(1) Sens de « emploi assurable » — Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable : a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; INSURABLE EMPLOYMENT 5(1) Type of insurance employment — Subject to subsection (2), insurable employment is (a) employment in Canada by one or more employers, under any express or implied contract of service or apprenticeship, written or oral, whether the earnings of the employed person are received from the employer or some other person and whether the earnings are calculated by time or by the piece, or partly by time and partly by the piece, or otherwise; [19] L’article 2085 du Code civil du Québec (le « Code civil ») définit le contrat de travail ainsi : CHAPITRE SEPTIÈME DU CONTRAT DE TRAVAIL Art. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur. CHAPTER VII CONTRACT OF EMPLOYMENT Art. 2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes for a limited period to do work for remuneration, according to the instructions and under the direction or control of another person, the employer. [20] Par contre, l’article 2098 définit le contrat d’entreprise ou de service ainsi : CHAPITRE HUITIÈME DU CONTRACT D’ENTREPRISE OU DE SERVICE SECTION 1 DE LA NATURE ET DE L’ÉTENDUE DU CONTRAT Art. 2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer. CHAPTER VIII CONTRACT OF ENTERPRISE OR FOR SERVICES SECTION I NATURE AND SCOPE OF THE CONTRACT Art. 2098. A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to carry out physical or intellectual work for another person, the client or to provide a service, for a price which the client binds himself to pay. [21] L’article 2099 dispose : Art. 2099. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. Art. 2099. The contractor or the provider of services is free to choose the means of performing the contract and no relationship of subordination exists between the contractor or the provider of services and the client in respect of such performance. [22] Il ressort de plusieurs arrêts de la Cour d’appel fédérale, et notamment de l’arrêt Le Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 68, que les lignes de conduite ou les critères traditionnels de common law mentionnés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, 87 DTC 5025, sont des points de repère lorsqu’il s’agit de décider s’il existe entre les parties un lien de subordination qui est caractéristique d’un contrat de travail ou s’il existe plutôt un degré d’indépendance qui indique l’existence d’un contrat d’entreprise aux termes du Code civil. De plus, l’intention mutuelle ou la stipulation des parties quant à la nature de leur relations contractuelles doivent être prises en considération et peuvent s’avérer être un instrument utile d’interprétation de la nature du contrat aux fins de sa qualification en vertu du Code civil. Voir par exemple les décisions que la Cour d’appel fédérale a rendues dans les affaires D & J Driveway Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 453, et Grimard c. Canada, 2009 CAF 47, 2009 DTC 5056, lesquelles enseignent que l’intention des parties constitue un facteur important à prendre en considération en qualifiant un contrat aux fins du Code civil. [23] Les lignes directrices ou critères traditionnels de common law relatifs au contrat de louage de services ou au contrat de travail par opposition à un contrat d’entreprise ou d’entrepreneur indépendant sont bien établis. On établit l’emploi assurable en recherchant si l’intéressé exploite vraiment une entreprise à son compte. Voir les arrêts Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983, et Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, 87 DTC 5025. [24] Pour statuer, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes ainsi que d’un certain nombre de critères ou de lignes directrices utiles, notamment : 1) l’intention des parties; 2) le contrôle exercé sur les activités; 3) la propriété des instruments de travail; 4) la possibilité de profit ou le risque de perte. Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents; leur importance relative et leur pertinence dépendent des faits et des circonstances propres à chaque affaire. [25] La décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, ainsi que dans plusieurs affaires ultérieures indique jusqu’à quel point les intentions des parties et le critère du « contrôle » sont importants. [26] Aux paragraphes 27 à 46 de l’arrêt Grimard, et en particulier au paragraphe 43, la Cour d’appel fédérale expose en détail les différences en matière d’emploi assurable, aux fins de l’assurance‑emploi, entre le droit civil et la common law : [33] Pour importante qu’elle soit, l’intention des parties n’est pas à elle seule déterminante de la qualification du contrat : voir D & J Driveway Inc. c. M.R.N., 2003 CAF 453; Dynamex Canada Inc. c. Canada, 2003 CAF 248. De fait, le comportement des parties dans l’exécution du contrat doit refléter et actualiser cette intention commune, sinon la qualification du contrat se fera en fonction de ce que révèle la réalité factuelle et non de ce que prétendent les parties. [...] [36] Dans l’affaire Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396, notre collègue, le juge Décary, citait l’extrait suivant de feu Robert P. Gagnon tiré de son volume Le droit du travail du Québec, 5e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 67 et précisant le contenu de la notion de subordination en droit civil québécois : Historiquement, le droit civil a d’abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d’application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l’exécution de ses fonctions (art. 1054 C.c.B.-C. ; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l’employeur sur l’exécution du travail de l’employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s’est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu’on reconnaîtra alors comme l’employeur, de déterminer le travail à exécuter, d’encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s’intégrer dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise. [Je souligne] [37] On retrouve dans cet extrait la notion de contrôle sur l’exécution du travail aussi présente dans les critères de la common law, à cette différence que la notion de contrôle est, en vertu du droit civil québécois, plus qu’un simple critère comme en common law. Elle est une caractéristique essentielle du contrat de travail : voir D & J Driveway, au paragraphe 16 de cette décision; et 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), 2005 CAF 334. [38] Mais on peut également noter dans l’extrait de Me Gagnon que le concept juridique de subordination ou contrôle, pour que l’on puisse conclure à sa présence dans une relation de travail, fait aussi appel en pratique à ce que l’auteur appelle des indices d’encadrement, que notre Cour a qualifiés de points de repère dans l’affaire Livreur Plus Inc. c. MRN, 2004 CAF 68, au paragraphe 18; et Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, au paragraphe 3. [39] Par exemple, l’intégration du travailleur dans l’entreprise apparaît en droit civil québécois comme un indice d’encadrement qu’il importe ou qu’il est utile de rechercher en pratique pour déterminer l’existence d’un lien de subordination juridique. N’est-ce pas là également un critère ou un facteur recherché en common law pour définir la nature juridique de la relation de travail existante? [40] De même, en règle générale, un employeur, et non l’employé, encaisse les profits et subit les pertes de l’entreprise. En outre, l’employeur est responsable des faits et gestes de son employé. Ne sont-ce pas là des indices pratiques d’encadrement, révélateurs d’une subordination juridique aussi bien en droit civil québécois qu’en common law? [41] Enfin, le critère de la propriété des instruments de travail, mis de l’avant par la common law, n’est-il pas aussi un indice d’encadrement qu’il convient d’examiner? Car, selon les circonstances, il peut révéler une intégration du travailleur à l’entreprise et son assujettissement ou sa dépendance à celle-ci. Il peut contribuer à établir l’existence d’un lien de subordination juridique. Plus souvent qu’autrement dans un contrat de travail, l’employeur fournit à l’employé les instruments nécessaires à l’exécution de son travail. Par contre, il m’apparaît beaucoup plus difficile de conclure à une intégration dans l’entreprise lorsque la personne qui exécute le travail possède son propre camion, par exemple, arborant de la publicité à son nom et quelque 200 000 $ d’outils pour accomplir les fonctions qu’il exerce et qu’il commercialise. [42] Il va de soi, aussi bien en droit civil québécois qu’en common law, que ces indices d’encadrement (critères ou points de repère), lorsque chacun est pris isolément, ne sont pas nécessairement déterminants. Ainsi, par exemple, dans Vulcain Alarme Inc. c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] F.C.J. No. 749, (1999), 249 N.R. 1, le fait que l’entrepreneur devait se servir d’un coûteux appareil spécial de détection fourni par le donneur d’ouvrage pour vérifier et calibrer des détecteurs de substances toxiques ne fut pas jugé suffisant en soi pour transformer ce qui était un contrat d’entreprise en un contrat de travail. [43] En somme, il n’y a pas, à mon avis, d’antinomie entre les principes du droit civil québécois et les soi-disant critères de common law utilisés pour qualifier la nature juridique de la relation de travail entre deux parties. Dans la recherche d’un lien de subordination juridique, c’est-à-dire de ce contrôle du travail, exigé par le droit civil du Québec pour l’existence d’un contrat de travail, aucune erreur ne résulte du fait que le tribunal prenne en compte, comme indices d’encadrement, les autres critères mis de l’avant par la common law, soit la propriété des outils, l’expectative de profits et les risques de pertes, ainsi que l’intégration dans l’entreprise. [27] De même, la Cour d’appel fédérale s’était exprimée sur la question, aux paragraphes 18 à 20 de l’arrêt Livreur Plus Inc. : [18] Dans ce contexte, les éléments du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 D.T.C. 5025, à savoir le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de pertes et enfin l’intégration, ne sont que des points de repère : Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, paragraphe 3. En présence d’un véritable contrat, il s’agit de déterminer si, entre les parties, existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ou s’il n’y a pas, plutôt, un degré d’autonomie révélateur d’un contrat d’entreprise : ibidem. [19] Ceci dit, il ne faut pas, au plan du contrôle, confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l’ouvrier chargé de les réaliser : Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, A-376-98, 11 mai 1999, paragraphe 10, (C.A.F.); D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, précité, au paragraphe 9. Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l’affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), précitée, suivie dans l’arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2002 F.C.A. 394, « rares sont les donneurs d’ouvrage qui ne s’assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur ». [20] Je suis d’accord avec les prétentions de la demanderesse. Un sous‑entrepreneur n’est pas une personne libre de toute contrainte qui travaille à son gré, selon ses inclinations et sans la moindre préoccupation pour ses collègues co‑contractants et les tiers. Ce n’est pas un dilettante à l’attitude cavalière, voire irrespectueuse, capricieuse ou irresponsable. Il œuvre dans un cadre défini, mais il le fait avec autonomie et à l’extérieur de celui de l’entreprise de l’entrepreneur général. Le contrat de sous-traitance revêt souvent un caractère léonin dicté par les obligations de l’entrepreneur général : il est à prendre ou à laisser. Mais sa nature n’en est pas altérée pour autant. Et l’entrepreneur général ne perd pas son droit de regard sur le résultat et la qualité des travaux puisqu’il en assume la seule et entière responsabilité vis-à-vis ses clients. [28] De même, la Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes dans l’arrêt D & J Driveway Inc. : 2 Nous reconnaissons d’emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n’est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d’examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada inc. c. Canada, [2003] 305 N.R. 295 (C.A.F.). Mais cette stipulation ou l’interrogatoire des parties sur la question peuvent s’avérer un instrument utile d’interprétation de la nature du contrat intervenu entre les participants. [29] Dans l’arrêt D & J Driveway Inc., la cour a ensuite reconnu, au paragraphe 4, qu’il est possible de se référer aux critères de l’arrêt Wiebe Door Services en appréciant l’existence d’un lien de subordination en vertu du Code civil. III. Le contrôle [30] De toute évidence, la question de l’étendue du contrôle du payeur sur le travailleur est importante lorsqu’il s’agit de rechercher s’il existe une relation employeur‑employé en raison de la subordination. Le Code civil envisage une obligation ou un engagement du travailleur de faire le travail conformément aux instructions et sous la direction ou le contrôle de l’autre personne. [31] Selon la thèse de l’intimé, chaque jour où M. Nasser travaillait pour Samqo, après avoir accepté de travailler la veille au soir, constituait un emploi distinct d’une journée. Il est possible d’être employé pour un seul jour, mais cela serait certes inhabituel et cela sortirait de l’ordinaire. Je rechercherai également si M. Nasser exerçait un emploi, sous une forme ou une autre, au cours de la période en question. [32] Il ressort clairement des éléments de preuve que Samqo et M. El Haj ne pouvaient obliger M. Nasser à travailler un jour donné. M. Nasser exerçait un contrôle absolu sur ses journées de travail et il avait le droit d’accepter ou de refuser de travailler le lendemain lorsqu’un travail lui était offert la veille au soir. M. Nasser n’avait pas à effectuer certaines heures obligatoires ou à être disponible à certains moments. [33] D’autre part, une fois qu’il avait convenu de travailler un jour donné, c’était M. El Haj, le chauffeur, qui établissait le parcours et qui décidait donc de l’ordre dans lequel les marchandises devaient être chargées dans le camion et ensuite déchargées au lieu de destination. Le travail était un travail manuel, soit le chargement et le déchargement de marchandises. Ce travail répétitif n’exige pas vraiment de direction ou de contrôle en ce qui concerne chaque marchandise particulière qui est chargée et déchargée. [34] Selon les éléments de preuve, les jours où M. Nasser travaillait, M. El Haj et lui-même se répartissaient le travail également d’une façon évidente et, de fait, un grand nombre de personnes chez qui les marchandises étaient livrées traitaient avec M. Nasser comme si c’était lui qui était la personne responsable, M. El Haj intervenait simplement à titre de chauffeur. [35] Je ne puis conclure que ce degré de contrôle est suffisant à lui seul pour constituer le type de direction et de contrôle visé par l’article 2085 du Code civil. Cet aspect, considéré isolément, semble être mieux décrit à l’article 2098 comme se rapportant à un entrepreneur réalisant un ouvrage matériel pour une autre personne moyennant un prix donné, sans qu’il existe de lien de subordination au sens de l’article 2099. IV. L’intention [36] Il est clair que les deux parties ont toujours eu l’intention d’entretenir une relation d’entrepreneur indépendant et qu’elles considéraient ainsi leur relation. Telles étaient les dispositions de leur contrat verbal. Samqo délivrait un feuillet T4A et M. Nasser déclarait ce revenu à titre de travailleur autonome. Les parties n’ont rien fait qui soit incompatible avec la qualification d’un contrat d’entreprise. Cela ne veut pas pour autant dire que, dans l’ensemble, une fois tous les indices pertinents examinés, il n’y avait peut-être pas un degré général de direction et de contrôle ou de subordination suffisant pour qu’un emploi soit exercé. [37] Je tiens à faire remarquer que, dans ce cas-ci, le contrôle qui était exercé semble moins rigoureux que celui que le Royal Winnipeg Ballet exerçait sur ses danseurs dans son entreprise, étant donné que M. Nasser pouvait toujours refuser le travail offert pour le lendemain. Il ne s’agirait donc pas d’un degré de contrôle qui empêcherait M. Nasser d’avoir le statut d’entrepreneur indépendant, ou qui serait nécessairement incompatible avec ce statut, compte tenu de l’analyse de common law effectuée dans l’arrêt Wiebe Door. V. La propriété des instruments de travail [38] En l’espèce, le camion et le diable appartenaient à Samqo et à M. El Haj et ils étaient responsables de l’entretien et du fonctionnement du camion. Étant donné que M. Nasser était simplement embauché pour s’occuper du chargement et du déchargement, la question de la propriété du camion n’est pas particulièrement pertinente ou utile d’une façon ou de l’autre. [39] Selon les éléments de preuve, M. Nasser devait acheter son uniforme et ses chaussures et il devait payer ce qu’il en coûtait pour se rendre chaque matin au point de chargement, et ce, bien qu’il se soit parfois entendu avec M. El Haj pour voyager avec celui‑ci. Cela est compatible avec une relation d’entrepreneur indépendant. VI. La possibilité de profit; le risque de perte; le rendement financier [40] Dans ce cas-ci, il n’y avait aucune garantie pour M. Nasser de gagner un revenu régulier ou d’avoir un travail régulier. M. Nasser gagnait simplement huit dollars par livraison, les jours où on lui offrait du travail et où il acceptait de travailler. M. Nasser ne risquait pas de subir des pertes réelles, mais il risquait de réaliser un revenu minime ou de n’en réaliser aucun. M. Nasser s’exposait également à un risque, sur le plan financier, s’il causait des dommages en effectuant les livraisons, risque pour lequel il avait parfois dû supporter des coûts. VII. Conclusion [41] Après examen de tous les faits pertinents tels qu’ils se rapportent aux indices de subordination, je ne puis conclure que l’intimé a réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait dans ce cas‑ci lorsqu’il s’agissait d’établir selon la prépondérance des probabilités que M. Nasser était l’employé de Samqo. En arrivant à cette conclusion, je n’oublie pas les observations que la Cour d’appel fédérale a faites dans l’arrêt D & J Driveway Inc., lorsqu’elle a conclu qu’« il est légalement erroné de conclure à l’existence d’un lien de subordination et, en conséquence, à l’existence d’un contrat de travail, lorsque la relation entre les parties consiste en des appels sporadiques aux services de personnes qui ne sont aucunement tenues de les pourvoir et peuvent les refuser à leur guise ». [42] L’appel est accueilli. Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 9e jour de janvier 2013. François Brunet, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 132 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1435(EI) INTITULÉ : SAMQO TRANSPORT c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 27 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Patrick Boyle DATE DU JUGEMENT : Le 2 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentante de l’appelante : Mme Amany Naguib Avocat de l’intimé : Me Amin Njonkou Kouandou AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 133
TCC
2,012
Murray Arlin Dentistry Professional Corporation c. La Reine
fr
2012-04-24
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30782/index.do
2022-09-04
Murray Arlin Dentistry Professional Corporation c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-24 Référence neutre 2012 CCI 133 Numéro de dossier 2010-3646(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-3646(IT)I ENTRE : MURRAY ARLIN DENTISTRY PROFESSIONAL CORPORATION, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 19 janvier et les 10 et 12 avril 2012 à Toronto (Ontario). Par : L’honorable juge J. M. Woods Comparutions : Représentants de l’appelante : Mme Julie Bond M. Mauricio Haliska Avocat de l’intimée : Me Christopher Bartlett ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008 est rejeté. Chaque partie assumera ses propres dépens. Signé à Toronto (Ontario), ce 24e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 22e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 133 Date : 20120424 Dossier : 2010-3646(IT)I ENTRE : MURRAY ARLIN DENTISTRY PROFESSIONAL CORPORATION, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] L’appelante est une société professionnelle qui exploite la clinique dentaire du Dr Murray Arlin, un parodontologue spécialisé dans les implants dentaires. [2] L’appelante a demandé des déductions au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour des crédits d’impôt à l’investissement relativement à des dépenses de 103 950 $ pour des recherches scientifiques, à l’égard de chacune des années d’imposition 2007 et 2008. Les déductions demandées ont été refusées par suite d’une vérification de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). [3] L’appel a été interjeté sous le régime de la procédure informelle de la Cour même si les montants déduits dépassent la limite monétaire applicable aux règles de cette procédure. L’appelante a donc accepté que l’allègement soit limité à 12 000 $ par année, et a renoncé au solde des déductions, soit 21 000 $. [4] L’appelante avait appelé trois témoins, à savoir le Dr Arlin, Julie Bond, une consultante qui avait rempli les déclarations de revenus dans lesquelles les déductions en question avaient été demandées et Alfred Kucharski, un consultant scientifique dont les services ont été retenus pour donner une opinion d’expert. Le seul témoin pour le compte de l’intimée était Puntia Aneja, une conseillère en recherche et en technologie de l’ARC qui avait examiné les demandes de déduction au moment de la vérification. Les faits [5] Le Dr Arlin est un parodontologue spécialisé dans les implants dentaires. Il effectue environ 1 000 opérations de pose d’implants dentaires chaque année. [6] En plus du fait qu’il s’occupe de patients pendant les heures normales de travail du lundi au jeudi, le Dr Arlin réussit à jouer un rôle très actif en matière de perfectionnement professionnel et d’activités de commercialisation. Au fil des ans, il a rédigé d’innombrables articles, donné de nombreuses conférences et participé à plusieurs groupes d’études. Son curriculum vitae est impressionnant. [7] Il y a 15 ans, le Dr Arlin a acheté le système de gestion des implants dentaires Tritan (Tritan Dental Implant Management System), un logiciel conçu pour faire le suivi du taux de réussite de divers types d’implants dentaires. Le système comporte environ 200 entrées possibles pour chaque implant. Selon la déposition, le Dr Arlin en utilise une cinquantaine. En offrant aux patients des examens de suivi gratuits, le Dr Arlin est capable de faire le suivi du taux de réussite de nombreux implants sur plusieurs années. Actuellement, il dispose de dossiers pour environ 12 000 implants. [8] Le Dr Arlin utilise le logiciel pour comparer les taux de réussite d’implants dans des situations différentes. Certaines variables se rapportent aux conditions des patients (p. ex. : fumeurs ou non‑fumeurs) et d’autres ont trait aux caractéristiques de l’implant dentaire. [9] Le Dr Arlin croit qu’en étudiant ces données, il peut contribuer utilement à la connaissance de la science. À son avis, les études faites par les fabricants d’implants sont susceptibles d’être faussées. Bien que le Dr Arlin ait accumulé un volume important de données, il reconnaît que ses études auraient une plus grande valeur si elles comprenaient des données provenant d’autres praticiens. [10] Les renseignements que le Dr Arlin recueille lui sont utiles dans sa clinique, et ils sont également utiles à d’autres dentistes grâce à leur diffusion dans des publications et à des conférences. [11] Au moment de présenter ses demandes de déduction pour 2007 et 2008, le Dr Arlin a estimé qu’il avait consacré 350 heures par année à des activités de recherche scientifique, ce qui représente un peu moins qu’une journée par semaine. L’estimation tient compte du fait que le Dr Arlin effectuait de la recherche les vendredis, une journée où il ne recevait pas de patients. Selon le témoignage du Dr Arlin, il s’agit d’une estimation prudente parce qu’il travaille aussi les soirs et pendant les week-ends. [12] Comme je l’ai précisé plus tôt, les demandes de déduction de 103 950 $ pour chacune des deux années ont été faites au titre de dépenses de recherche scientifique. Ce montant est composé de (1) 70 000 $ représentant environ un cinquième du salaire du Dr Arlin, compte non tenu de toutes primes, (2) plus 45 000 $ de montant de remplacement déterminé par la loi, (3) moins 11 500 $ représentant une aide du gouvernement. La thèse de l’appelante [13] L’appelante soutient que les demandes de déductions sont admissibles à titre de dépenses de recherche appliquée, la recherche appliquée étant visée par l’alinéa b) de la définition de l’expression « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » (la « RS&DE ») à l’article 248 de la Loi. [14] L’appelante fait également valoir que, dans la mesure où il n’y a pas de documents suffisants pour étayer les demandes de déduction, la Cour devrait faire preuve d’indulgence à son égard, étant donné que c’est la première fois qu’elle présente une telle demande. La thèse de l’intimée [15] L’intimée soutient que la recherche n’est pas suffisamment documentée pour être admissible à titre d’« investigation systématique » au sens de la définition de la RS&DE. Plus particulièrement, il est soutenu que le Dr Arlin n’a pas formulé d’hypothèses précises avant la collecte de données. L’intimée se fonde sur la décision Northwest Hydraulic Consultants Limited v. The Queen, 98 DTC 1839 (CCI). [16] Elle a également avancé l’argument fondé sur l’absence d’éléments de preuve suffisants à l’égard du temps que le Dr Arlin a consacré à la recherche au cours des années pertinentes. Analyse [17] En l’espèce, deux des éléments qui constituent les exigences de la RS&DE interviennent, à savoir s’il y a eu une investigation systématique et si le temps attribué par le Dr Arlin aux activités en question était raisonnable. [18] À l’audience, il a beaucoup été question de l’exigence d’une investigation systématique prévue à la définition de la RS&DE au paragraphe 248(1) de la Loi. La définition est reproduite ci‑dessous : 248(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. […] « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est‑à‑dire : a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue; b) la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science avec application pratique en vue; c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent. Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de développement expérimental : d) les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux techniques, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement. Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes : e) l’étude du marché et la promotion des ventes; f) le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés; g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines; h) la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production; i) la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou amélioré; j) les modifications de style; k) la collecte normale de données. [Non souligné dans l’original.] [19] La décision judiciaire clé en ce qui concerne le sens de l’expression « investigation systématique » est la décision Northwest Hydraulic. Au paragraphe 16 de cette décision, le juge en chef Bowman a fait les observations suivantes : [16] Je ne prétends pas avoir les mêmes connaissances technologiques que les personnes qui ont aidé à préparer la circulaire, ou que les témoins qui ont comparu devant moi, et notamment les experts fort compétents qui ont comparu pour le compte de l’appelante et pour le compte de l’intimée, mais j’aimerais énoncer brièvement ce qui, selon moi, constitue l’approche à suivre : 1. Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique? a) Lorsqu’on parle de « risque ou [d’]incertitude technologique » dans ce contexte, on laisse implicitement entendre qu’il doit exister une incertitude quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès qu’un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique telle que cette expression est utilisée dans ce contexte. b) Qu’entend-on par « études techniques courantes »? C’est cette question (ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine. 2. La personne qui prétend se livrer à de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes : a) l’observation de l’objet du problème; b) la formulation d’un objectif clair; c) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique; d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude; e) la vérification méthodique et systématique des hypothèses. Il est important de reconnaître que, bien qu’une incertitude technologique doive être définie au départ, la détermination de nouvelles incertitudes technologiques au fur et à mesure que les recherches avancent et l’emploi de la méthode scientifique, et notamment l’intuition et la créativité, et parfois l’ingéniosité en découvrant, en reconnaissant et en mettant fin à de nouvelles incertitudes, font partie intégrante de la RS & DE. 3. Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses? a) Il est important de reconnaître que même si la méthodologie susmentionnée décrit les aspects essentiels de la RS & DE, la créativité intuitive et même l’ingéniosité peuvent avoir un rôle crucial dans le processus aux fins de la définition de la RS & DE. Toutefois, ces éléments doivent exister dans le cadre de la méthode scientifique dans son ensemble. b) Ce qui peut sembler habituel et évident après coup ne l’était peut-être pas au début des travaux. Ce n’est pas uniquement l’adhésion à des pratiques systématiques qui distingue l’activité courante des méthodes nécessaires selon la définition de la RS & DE figurant à l’article 2900 du Règlement, mais l’adoption de la méthode scientifique décrite ci-dessus dans son ensemble, en vue d’éliminer une incertitude technologique au moyen de la formulation et de la vérification d’hypothèses innovatrices non vérifiées. 4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale? a) Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s’y connaissent dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe une possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus. b) Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque-là non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique. 5. La Loi et son règlement d’application ne le prévoient pas expressément, mais il semble évident qu’un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats, doive être fait, et ce, au fur et à mesure de l’avancement des travaux. [20] L’intimée soutient qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants à l’égard de l’investigation systématique parce que des hypothèses n’avaient pas été formulées avant la collecte des données. Cette interprétation est très stricte et j’hésite à l’admettre. [21] La principale difficulté que pose l’argument de l’intimée réside dans le fait qu’il y avait très peu d’éléments de preuve détaillés concernant l’analyse faite pendant les années en question et le temps qui y a été consacré. [22] Selon le Dr Arlin, ses recherches étaient mises à jour pour toutes les conférences qu’il donnait. Ce témoignage était bref et il aurait dû être possible de fournir plus de précisions et de preuves documentaires à l’appui. Il conviendrait de souligner qu’un bon nombre des conférences n’étaient pas données à des spécialistes en matière d’implants et qu’elles comportaient un volet commercialisation. [23] En outre, les éléments de preuve étaient trop vagues pour établir le temps que le Dr Arlin avait consacré à l’analyse ou à la collecte de données durant les années en question. Il est fort possible que certaines activités de recherche appliquée aient été entreprises, mais la preuve succincte et vague n’est pas suffisante pour justifier que le Dr Arlin ait affecté une partie de son salaire à ces activités. Je tiens également à préciser que le logiciel Tritan est conçu de manière à présenter des tableaux comparatifs rien qu’en appuyant sur un bouton. Il se pourrait que très peu de temps réel ait été consacré à des activités de recherche appliquée. [24] Pour étayer les demandes de déductions présentées par l’appelante, la preuve de la recherche réellement effectuée, et du temps qui y a été consacré, devrait être plus détaillée. [25] Je voudrais aussi formuler quelques observations concernant le rapport d’expert du témoin de l’appelante, à savoir le Dr Kucharski. Le rapport portait sur un article de l’appelante qui avait été publié dans le Journal de l’Association dentaire canadienne en novembre 2007. Je suis portée à partager l’avis du Dr Kucharski selon lequel des activités de RS&DE avaient été entreprises pour préparer cet article. Toutefois, les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour établir que le travail avait été effectué durant les années en question. [26] Le Dr Arlin a déclaré qu’il n’arrivait pas à se souvenir de l’époque où il avait préparé l’article en question. La preuve dans son ensemble n’est pas suffisamment détaillée pour justifier une déduction au titre de la RS&DE pour 2007 et 2008 relativement à cet article. [27] Enfin, l’appelante soutient que la Cour devrait faire preuve d’indulgence à son égard, relativement aux exigences en matière de documentation, parce qu’elle n’avait pas présenté de demande de déduction au titre de la RS&DE auparavant. Même si je devais admettre le fait qu’il y a lieu d’être indulgent, le manque de documentation n’est qu’un des problèmes parmi d’autres en l’espèce. La preuve dans son ensemble, présentée de vive voix et la preuve documentaire, n’était pas suffisante pour justifier les demandes de déduction au titre de la RS&DE. [28] L’appel est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 24e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 22e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 133 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3646(IT)I INTITULÉ : MURRAY ARLIN DENTISTRY PROFESSIONAL CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 janvier et les 10 et 12 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J. M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 24 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentants de l’appelante : Mme Julie Bond M. Mauricio Haliska Avocat de l’intimée : Me Christopher Bartlett AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 136
TCC
2,012
Dionne c. La Reine
fr
2012-05-17
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30804/index.do
2022-09-04
Dionne c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-17 Référence neutre 2012 CCI 136 Numéro de dossier 2009-2561(GST)G Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2009-2561(GST)G ENTRE : GASTON DIONNE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu les 27 et 28 février 2012, à Rimouski (Québec). Devant : L'honorable juge François Angers Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Pierre Lévesque Avocate de l'intimée : Me Caroline Roy ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel est accueilli en partie et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci‑joints. Il n'y a pas d'adjudication de dépens. Signé ce 17e jour de mai 2012. « François Angers » Juge Angers Référence : 2012 CCI 136 Date : 20120517 Dossier : 2009-2561(GST)G ENTRE : GASTON DIONNE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Le 10 mai 2007, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l'égard de l'appelant une cotisation pour un montant de 47 288,43 $, représentant de la taxe sur les produits et services (« TPS ») non remise, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (« LTA ») pour la période du 1er janvier 2001 au 30 septembre 2005. L'appelant s'est dûment opposé à la cotisation et, le 10 juillet 2009, le ministre a confirmé la cotisation, mais en a réajusté le montant pour une partie de la période en litige, soit la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004. Le montant réajusté s'élevait à 47 867,07 $ en date du 10 juillet 2009. [2] Au stade de l'opposition, un grand nombre de transactions ont été examinées et mises sous différentes rubriques, mais les transactions contestées par l'appelant étaient celles que la vérificatrice avaient mises sous les rubriques « revenus d'affaires » et « autres revenus ». Ce n'est finalement que cette dernière rubrique qui fait l'objet du présent litige. [3] Les « autres revenus » totalisent 192 242 $ et ils correspondent à une série de dépôts bancaires que l'appelant n'a pu expliquer de façon satisfaisante à la vérificatrice et que celle-ci a considérés comme se rapportant à des fournitures taxables. Le montant de TPS sur les « autres revenus » s'établit donc à 13 456,96 $. [4] L'appelant a exploité pendant la période en litige une entreprise dans le domaine de l'immobilier, dont la dénomination sociale était l'Immobilier de l'Estuaire inc. (ci-après la « société »). Il en était actionnaire et agissait à titre d'agent immobilier. Il a aussi fait des opérations immobilières, soit l'achat et la vente d'immeubles, pour son propre compte. Au cours des années de 1999 à 2004, l'appelant a personnellement fait l'acquisition de 13 immeubles et en a vendu onze. Pour certains de ces achats, l'appelant a fait des rénovations et toutes les factures concernant chacun de ces immeubles ont été conservées dans une chemise. [5] En 1999, l'appelant a été grièvement blessé dans un accident d'auto. Il souffre, par suite de cet accident, d'une incapacité partielle permanente pour laquelle il reçoit des prestations mensuelles de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) et pour laquelle il a reçu également des sommes forfaitaires. Parmi les séquelles de cet accident, mentionnons un traumatisme cranio-cérébral entraînant pour l'appelant des restrictions qui ont des conséquences importantes dans sa vie quotidienne en ce qu'il a de la difficulté à gérer et à organiser ses affaires. Il a cependant très bien réussi à donner un témoignage cohérent et à répondre aux questions de façon claire. [6] Madame Johanny Tremblay est technicienne en vérification fiscale au ministère du Revenu du Québec. Elle a commencé sa vérification en novembre 2005 et a constaté que l'appelant ne tenait aucune comptabilité. Elle a donc choisi de procéder par une méthode alternative de vérification, soit la méthode des dépôts. Ainsi, elle a fait une liste de tous les dépôts dans le but de les comparer avec les revenus déclarés. Les sources des revenus de l'appelant, selon ce qu'elle a pu constater, étaient des loyers, ses prestations de la SAAQ, la vente d'immeubles et, finalement, des dépôts qui sont demeurés inexpliqués. [7] Elle a examiné quatre comptes bancaires de l'appelant pour une période de trois ans. En 2002, l'appelant a fait dans les quatre comptes des dépôts totalisant 462 114,14 $. Pour 2003, le total est de 248 522,22 $ et, pour 2004, il est de 581 966,95 $. De ces montants ont été déduits les dépôts non reliés aux affaires tels que des emprunts, des dépôts provenant de sa marge de crédit, certains dépôts provenant d'autres comptes et qui étaient identifiables, des virements bancaires identifiables et des prestations de la SAAQ. Elle a ensuite soustrait les revenus d'entreprises déclarés, soit les revenus locatifs et autres, pour finalement arriver aux chiffres se trouvant sous rubrique « autres revenus » et totalisant 88 956,24 $, 62 820,05 $ et 40 465,83 $ pour les années 2002, 2003 et 2004 respectivement. C'est le total de ces trois chiffres qui constitue les 192 242,62 $ qui sont demeurés sans explication. Au stade de l'opposition, la vérificatrice a appris que l'appelant détenait aussi un compte à la Banque Nationale et à la Banque de développement du Canada. Elle n'a cependant pas vérifié les transactions. Madame Tremblay reconnaît qu'il est possible qu'il y ait parmi les dépôts inexpliqués des transactions qui ne sont pas de nature commerciale et qui sont par conséquent, non taxables. Elle n'a pu, cependant, avancer aucune hypothèse à cet égard. [8] Madame Tremblay a aussi pris en considération, dans sa méthode alternative, certains prêts provenant des membres de la famille de l'appelant et, lorsqu'une pièce justificative lui était présentée, elle a accordé le montant et a réduit en conséquence le montant des dépôts inexpliqués. [9] Madame Nicole Ruest, qui est vérificatrice à Revenu Québec, a examiné la réclamation de l'appelant au titre des intrants et tout ce qui était relié aux transactions immobilières. En ce qui concerne la question des dépôts inexpliqués sous la rubrique « autres revenus », elle n'a reçu de l'appelant ou de ses comptables aucune explication lui permettant de soustraire de ces dépôts quelque montant que ce soit qui ne serait pas taxable. Elle a par conséquent taxé le plein montant. [10] L'appelant est venu expliquer les difficultés financières qu'il a connues depuis son accident et particulièrement durant la période en litige. Il a passé en revue ses acquisitions d'immeubles, les rénovations effectuées et les reventes. Certaines de ces transactions n'auraient produit de bénéfice. Il a aussi expliqué qu'un seul des quatre comptes en banque était personnel. Les trois autres comptes existaient parce qu'il avait contracté des emprunts auprès des établissements concernés. Il faisait des dépôts dans ces comptes pour couvrir les paiements. La majorité des dépôts ont d'ailleurs été faits dans son compte personnel. [11] L'appelant a témoigné que ses difficultés financières l'ont amené à faire beaucoup de transferts d'un compte à l'autre dans le but d'arriver à couvrir les chèques en circulation. Il utilisait l'internet pour effectuer ces transferts. Il avait aussi recours à ses deux frères et à sa mère, leur empruntant de l'argent afin de couvrir les chèques en circulation et d'éviter d'être à découvert. Toutefois, il n'a aucun document prouvant toutes ces transactions et n'est pas en mesure d'identifier les dépôts qui auraient servi à cette fin. Plusieurs ont été faits à des guichets automatiques et il n'a aucun bordereau de dépôt pouvant identifier la source des sommes déposées. [12] Les deux frères de l'appelant ont témoigné qu'ils prêtaient de façon régulière des sommes d'argent à l'appelant parce que ce dernier manquait d'argent tout le temps. Ils ont relaté les difficultés qu'a connues l'appelant en ce qui concerne la gestion de ses affaires après son accident et particulièrement lorsqu'il rénovait ses immeubles et qu'il en a transformé un en résidence pour personnes âgées. Durant la période en litige, le total des montants prêtés par chacun des deux frères se serait élevé à près de 20 000 $, mais seulement quelques-uns de ces montants ont pu être identifiés lors de la vérification, dans ces cas, les copies des chèques ont été mises en preuve. Les deux frères n'ont pas de pièces justificatives appuyant les autres avances, mais ils relatent qu'elles étaient nombreuses et pour des montants variant de 1 000 $ à 3 000 $ chaque fois. Ils ont relaté finalement que le train de vie de leur frère n'est pas compatible avec les revenus que Revenu Québec lui attribue étant donné ses difficultés financières, particulièrement durant la période en litige. [13] L'appelant a fait témoigner monsieur Marcel Léveillé, comptable agréé. Les services de ce dernier ont été retenus en décembre 2006 afin qu'il puisse aider l'appelant dans sa contestation. Il a examiné les dépôts faits aux quatre institutions financières où l'appelant a un compte, mais plusieurs pièces étaient manquantes. Il a fait une compilation relative aux immeubles achetés et vendus par l'appelant. Les sources de revenu de l'appelant sont les loyers provenant d'immeubles locatifs résidentiels et commerciaux, les bénéfices, le cas échéant, tirés de la vente d'immeubles et les prestations versées par la SAAQ. Il a fait des observations auprès de Revenu Québec pour démontrer l'impossibilité pour l'appelant d'avoir eu les revenus qu'on lui attribue étant donné ses dettes, les chèques sans provision qu'il a faits et ses autres difficultés financières. [14] En janvier 2011, il a procédé à la détermination de l'avoir net de l'appelant. Je tiens à souligner que monsieur Léveillé n'a pas témoigné à titre d'expert en comptabilité. Son rapport a néanmoins été admis en preuve. Monsieur Léveillé voulait, par la méthode de l'avoir net, démontrer que les cotisations de Revenu Québec n'étaient pas fondées puisque, pour qu'aient été générés les revenus que Revenu Québec attribue à l'appelant, il aurait fallu que l'avoir net de ce dernier ait augmenté de 96 000 $ en 2002, de 164 000 $ en 2003 et de 99 000 $ en 2004, ce qui n'est pas le cas. [15] Pour déterminer l'avoir net de l'appelant et dresser le bilan de chaque année, monsieur Léveillé a pris le montant de l'encaisse et du solde des emprunts d'après les relevés de banque. Pour les immeubles, il s'est basé sur les contrats d'achat, y ajoutant les dépenses pour les rénovations et les agrandissements. Les sommes à payer comprennent celles dues par suite des différentes poursuites ainsi que celles à payer pour les rénovations ainsi que les taxes foncières impayées en fin d'année. Il a ajouté les dépenses personnelles, les revenus déclarés, les sommes non imposables reçues de la SAAQ ainsi que les revenus additionnelles faisant l'objet des cotisations, à l'exception des revenus d'entreprise et des autres revenus et des sommes refusées par Revenu Québec. Monsieur Léveillé a calculé un écart de – 28 846 $ pour 2002, de 7 790 $ pour 2003 et de 9 999 $ pour 2004, ce qui est, selon lui, très loin des revenus établis par le ministre. [16] Dans son témoignage, monsieur Léveillé a dit avoir constaté que l'appelant transférait de l'argent d'un compte à l'autre, mais a ajouté qu'il ne pouvait rien certifier à cet égard. En contre-interrogatoire, monsieur Léveillé a reconnu que le montant établi au titre des dépenses personnelles au bilan personnel est purement arbitraire. Il n'a pas questionné l'appelant sur son coût de la vie, mais s'est fondé plutôt sur le montant que ce dernier recevait de la SAAQ. Il n'a pas non plus calculé son coût de la vie en fonction des retraits faits par l'appelant de ses comptes en banque. Il n'a pu expliquer avec certitude certaines dépenses liées au déménagement d'une maison et a simplement conjecturé sur le montant. [17] Dans son témoignage, monsieur Léveillé a reconnu que l'appelant avait fait beaucoup de transactions à des guichets automatiques, dont, évidemment, plusieurs dépôts, mais a dit qu'il n'avait pu obtenir des institutions financières aucune pièce justificative ni aucun document pouvant identifier la source des fonds. Il a réitéré la position de l'appelant voulant que ce dernier ait profité du temps qui s'écoule entre le moment où un chèque est tiré sur un compte en banque et celui où il est déposé dans une autre institution bancaire puis transféré à nouveau à une autre institution; ainsi, le même argent pouvait figurer dans trois ou même quatre comptes en banque, mais c'était toujours le même argent. Il a dit que cette façon de faire pouvait expliquer le grand nombre de dépôts. Il a dit entendre que les multiples emprunts que l'appelant a obtenus de ses deux frères et de sa mère peuvent aussi expliquer certains dépôts puisque ces emprunts n'étaient pas comptabilisés. Monsieur Léveillé n'a pas tenté d'en faire la vérification. Il a expliqué que, pour qu'il y ait du revenu, il faut identifier la source, ce que la méthode des dépôts ne fait pas. Finalement, il a reconnu ne pas avoir pu établir de lien entre les retraits faits par l'appelant de sa société et les dépôts. [18] Il a reconnu aussi que la méthode de l'avoir net contient elle aussi des imperfections. En contre-interrogatoire, il a admis qu'il est possible que certains actifs de l'appelant ne soient pas identifiés, tout comme il est possible qu'il y ait des dettes non identifiées et que cela a pour conséquence de fausser l'avoir net. Relativement à la question des avances faites par la société à l'appelant, monsieur Léveillé a affirmé que cette information ne provient pas des états financiers de la société mais ressort de documents que lui aurait transmis le comptable de l'appelant. Il a reconnu qu'il aurait fallu ajouter 10 000 $ aux actifs de l'appelant, lequel montant représente la valeur des actions de catégorie A que ce dernier détient dans la société. Monsieur Léveillé a reconnu aussi ne pas avoir questionné l'appelant sur son coût de la vie personnelle; il a dit qu'il avait tenu pour acquis un montant basé sur le revenu que l'appelant recevait de la SAAQ. Il a reconnu que le montant indiqué est purement arbitraire. Certaines dépenses attribuées par lui aux immeubles de l'appelant sont fondées sur des conjectures également. [19] Il s'agit donc de déterminer si le ministre a correctement établi le montant des fournitures taxables effectuées par l'appelant au cours de la période en litige. [20] Il ne fait aucun doute qu'en l'espèce les factures et les autres pièces justificatives, tout comme la comptabilité de l'appelant, étaient manquantes ou déficientes. L'appelant reconnaît d'ailleurs cette lacune et son manque de rigueur dans la tenue des livres et dans les opérations sur ses comptes bancaires. Il avoue même ne pas avoir gardé séparés ses comptes personnels et ceux de sa société. Cela ouvre donc la porte à l'établissement de cotisations basées sur une méthode alternative, en l'occurrence, la méthode des dépôts. [21] L'appelant, de son côté, pour contrer la méthode utilisée par le ministre, s'est prévalu lui aussi d'une méthode alternative, soit la méthode de l'avoir net. La raison pour laquelle l'appelant a utilisé cette méthode est que, d'après lui, il est impossible qu'il puisse avoir gagné tous les revenus que lui attribue l'intimée sans pour autant augmenter ses avoirs. Ce que les deux méthodes utilisées en l'espèce n'indiquent pas, cependant, c'est dans quelle proportion ces revenus sont taxables compte tenu des activités d'affaires décrites par l'appelant. Dans les deux méthodes, on attribue à ce dernier des revenus non déclarés et potentiellement imposables, mais ces revenus sont-ils tous taxables? [22] Il est reconnu en droit que la méthode alternative est insatisfaisante et imprécise et qu'elle est un instrument qui doit être utilisé en dernier recours (voir Khullar Au Gourmet International Ltd. c. Canada, [2003] A.C.I. no 348 (QL), [2003] G.S.T.C. 100. Il est aussi reconnu qu'il faut avoir recours à des normes objectives qui sont soit officielles, soit généralement reconnues par l'industrie, à défaut de quoi la preuve de leur fiabilité doit être faite au procès. Je reproduis à cet égard un passage tiré du jugement du juge Dussault de notre Cour dans l'affaire Brasserie Futuriste de Laval Inc. c. R., [2006] G.S.T.C. 140, paragraphe 158, décision confirmée par la Cour d'appel fédérale (2007 CAF 393). [...] Si les autorités fiscales estiment que la seule façon d'établir les ventes d'un contribuable dont la comptabilité est déficiente et qui ne possède pas les documents appropriés est de majorer ses achats d'un certain pourcentage, encore faut-il démontrer, sinon par expert, par la présentation de statistiques, par une preuve quant aux normes de l'industrie ou autrement que la majoration appliquée constitue une norme reconnue, raisonnable et pertinente relativement à l'entreprise du contribuable. Je ne peux souscrire à la prétention de l'avocat de l'intimée selon laquelle la présomption de validité de la cotisation emporte automatiquement présomption de validité quant à toutes les hypothèses retenues par le ministre pour établir une cotisation, sans qu'il soit jamais nécessaire d'apporter quelque preuve que ce soit. Il se peut que la majoration de 200 % retenue par madame Morand corresponde effectivement à une norme reconnue, fiable et raisonnablement applicable en l'espèce ce dont je doute dans les circonstances. Il se peut que la majoration appropriée eût dû être de 175 %, de 150 % ou même moins. En un mot, lorsqu'un contribuable peut soulever un doute sérieux, il s'agit de démontrer que la majoration retenue n'est pas une norme purement subjective, mais une norme objective, fiable et acceptable dans les circonstances. On ne peut se réfugier derrière la présomption de validité de la cotisation pour s'abstenir de faire cette preuve. Prétendre le contraire, c'est donner ouverture à l'arbitraire en permettant aux autorités fiscales de formuler n'importe quelle hypothèse, qui serait toujours réputée valide. Ce n'est pas parce qu'un contribuable manque à ses obligations, qu'il a une comptabilité déficiente ou qu'il n'a pas les documents appropriés ou qu'il les a détruits qu'on peut supposer n'importe quoi et prétendre que ces suppositions sont tout simplement réputées valides en toutes circonstances. En matière d'impôt sur le revenu, lorsque l'on établit une cotisation à l'égard d'un contribuable par la méthode indirecte de l'avoir net et que, faute de mieux, l'on établit le montant de ses dépenses personnelles en formulant des hypothèses, on le fait en utilisant des normes objectives minimales tirées des statistiques officielles publiées par Statistique Canada sur le coût de la vie des individus et des ménages dans les différentes régions du pays et non en s'appuyant sur des chiffres qui sont le produit des impressions du vérificateur. À mon avis, cette façon de faire est également applicable en matière de TPS. [...] [23] Cela étant dit, il incombe tout de même à l'appelant de faire sa preuve selon la prépondérance des probabilités, c'est-à-dire, de produire une preuve suffisante servant à démolir les présomptions du ministre qui constituent le fondement de la cotisation. Il s'agit de présenter au moins une preuve prima facie. [24] En l'espèce, il me paraît important de souligner le fait que les activités commerciales taxables de l'appelant se résument à la location de locaux commerciaux, à l'achat et à la vente d'immeubles et à leurs rénovations. Il ne s'agit pas d'un commerce de vente au détail. Il faut aussi se rappeler que la rubrique « autres revenus » n'a rien à voir avec les transactions se rapportant auxdits immeubles ni avec des revenus locatifs à caractère commercial. Il s'agit de dépôts non expliqués dans les comptes personnels de l'appelant, dépôts dont la source est inconnue. [25] Dans sa preuve, l'appelant a relaté ses difficultés financières et les moyens qu'il utilisait pour faire face à ces difficultés. Il est devenu évident lors de la vérification que l'appelant se servait de ses comptes en banque pour mettre à profit le temps qui s'écoule entre le moment où un chèque est tiré sur un compte en banque et celui où le montant du chèque est déposé dans un autre compte, ce qui a eu pour effet que le même argent pouvait se retrouver dans trois ou quatre comptes différents. La vérification n'a cependant pas permis d'en relever tous les cas parce que les montants ne correspondaient pas. L'appelant a témoigné qu'il faisait cela par l'internet et qu'il s'agissait là d'une pratique courante pour lui. Il est donc impossible en l'espèce de préciser un montant d'argent ayant été ainsi utilisé. [26] L'appelant a aussi témoigné qu'à plusieurs occasions il avait été obligé d'emprunter des sommes d'argent à ses deux frères et à sa mère. Ses deux frères ont témoigné sur cette question et quoiqu'ils n'aient pas eu de pièce justificative pour confirmer les avances qu'ils ont faites à l'appelant durant la période en litige, leurs témoignages étaient crédibles. Je tiens donc pour avéré qu'ils ont tous les deux avancé à l'appelant des sommes allant de 15 000 à 20 000 $ durant ladite période, soit des sommes dépassant le montant des avances qui ont été retracées lors de la vérification. [27] Il ne fait aucun doute que l'avoir net établi par monsieur Léveillé contient des imperfections qui viennent fausser les résultats. Je crois cependant que, malgré ces imperfections, il est difficile, compte tenu de l'ensemble de la preuve, de conclure que l'appelant a pu gagner dans la période en litige tous les revenus que veut lui attribuer le ministre. Je dois donc accorder un certain poids au bilan qu'a dressé monsieur Léveillé et je conclus qu'il ne peut s'agir en totalité de revenus imposables ou taxables. [28] Si je prends en considération les emprunts obtenus de ses frères, le chevauchement des dépôts dans plusieurs comptes, l'avoir net établi et le témoignage de l'appelant, il est possible de réduire de façon assez substantielle le montant indiqué sous la rubrique « autres revenus », sauf que la réduction serait purement arbitraire. [29] Le solde restant sous cette rubrique constitue un revenu imposable, mais est-ce que, dans les présentes circonstances, il constitue un revenu taxable? La technicienne en vérification fiscale qui a compilé les dépôts a reconnu, dans son témoignage, qu'elle ne savait pas si la source de tous les dépôts était de nature commerciale et qu'il était possible que certains ne soient pas taxables. La difficulté repose sur le fait que les activités commerciales de l'appelant produisent des revenus locatifs et des revenus tirés de l'achat et de la vente d'immeubles qui ont été taxés sous des rubriques autres que celle de « autres revenus ». Le ministre a simplement choisi de taxer tous les dépôts non expliqués sans faire abstraction de ce qui pouvait ne pas être taxable et, à cet égard, il n'avait peut être pas plus de choix que moi j'en ai, du moins en ce qui concerne le solde qui demeure inexpliqué. [30] À la lumière de tous ces faits, j'arrive à la conclusion qu'il est probable que le montant attribué sous la rubrique « autres revenus » n'est pas de l'ordre de 192 000 $. Je suis donc prêt à réduire le montant, et ce, de façon arbitraire. et je l'établis à 100 000 $. [31] Étant donné la nature des activités commerciales de l'appelant, mais prenant en considération que la Loi sur la taxe d'accise taxe plus d'activités commerciales qu'elle n'en taxe pas, je conclus que 80% des revenus que j'ai établis sont des revenus taxables en vertu de cette Loi. [32] L'appel est accueilli en partie et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les présents motifs du jugement. Il n'y a pas d'adjudication de dépens. Signé ce 17e jour de mai 2012. « François Angers » Juge Angers RÉFÉRENCE : 2012 CCI 136 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-2561(GST)G INTITULÉ DE LA CAUSE : Gaston Dionne c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Rimouski (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : les 27 et 28 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : le 17 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelant : Me Pierre Lévesque Avocate de l'intimée : Me Caroline Roy AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Me Pierre Lévesque Cabinet : Cain Lamarre Casgrain Wells Rimouski (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 137
TCC
2,012
Worldwide School Search and Relocation Services Inc. (Educational Connections) c. M.R.N.
fr
2012-04-26
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30785/index.do
2022-09-04
Worldwide School Search and Relocation Services Inc. (Educational Connections) c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-26 Référence neutre 2012 CCI 137 Numéro de dossier 2011-593(CPP) Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossiers : 2011-593(CPP) 2011-597(EI) ENTRE : WORLDWIDE SCHOOL SEARCH AND RELOCATION SERVICES INC., faisant affaire sous le nom d’EDUCATIONAL CONNECTIONS, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 7 mars 2012, à Toronto (Ontario) Devant : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Avocats de l’appelante : Me David A. Whitten Me Cédric P. Lamarche Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada relativement à l’engagement d’Amelia Woo au cours de l’année 2008 est accueilli et les cotisations sont annulées. Chaque partie assumera ses propres dépens. La Cour ordonne au greffe de modifier l’intitulé afin qu’il soit conforme au présent jugement. Signé à Ottawa (Ontario), ce 26e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juin 2012. Marie‑Christine Gervais Référence : 2012 CCI 137 Date : 20120426 Dossiers : 2011-593(CPP) 2011-597(EI) ENTRE : WORLDWIDE SCHOOL SEARCH AND RELOCATION SERVICES INC., faisant affaire sous le nom d’EDUCATIONAL CONNECTIONS, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] L’appelante, Worldwide School Search and Relocation Services Inc. (« Worldwide »), fait appel des cotisations établies en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada relativement au travail accompli par Amelia Woo au cours de l’année 2008. Il s’agit en l’espèce de déterminer si Mme Woo a travaillé comme évaluatrice pédagogique à titre d’employée ou d’entrepreneure indépendante. [2] Les activités de Worldwide consistent à administrer des tests et à procéder à des évaluations en vue de détecter de possibles troubles d’apprentissage chez les sujets. La société est la propriété de Bill Ford, psychologue, et de son épouse, Louise Ford. [3] Worldwide retient les services d’évaluateurs pour l’aider dans cette tâche. Ces évaluateurs administrent des tests et rédigent des rapports d’évaluation en collaboration avec M. Ford. Il s’agit normalement de professionnels qualifiés dotés de diplômes d’études supérieures dans ce domaine spécialisé. [4] Les conditions d’engagement des évaluateurs sont stipulées dans un contrat écrit : il y est prévu que les évaluateurs sont engagés à titre de conseillers indépendants. Les conditions de l’entente sont souples : Worldwide n’est pas tenue de fournir du travail et les conseillers ne sont pas tenus d’accepter plus de deux tâches par mois. Il ne fait pas de doute que les évaluateurs sont autorisés à offrir leurs services ailleurs, ce que font certains d’entre eux. [5] Mme Woo a été engagée comme évaluatrice en 2008, alors qu’elle était inscrite à un programme d’études supérieures dans ce domaine. Elle connaissait déjà bon nombre des tests qu’elle devait administrer, mais n’avait pas d’expérience de travail. En effet, elle n’avait pas encore effectué de stage, ce qui lui aurait permis d’acquérir une certaine expérience pratique de travail. Worldwide offre de la formation sur les tests que les évaluateurs ne connaissent pas. [6] Mme Woo a accepté de travailler pour Worldwide en partie pour apprendre les rouages de la profession auprès de M. Ford, ce dernier s’étant engagé à lui servir de mentor. Elle avait le sentiment que leur rapport en était un de mentor à stagiaire. Procédure d’évaluation [7] Il est indiqué de décrire ici les étapes à suivre pour fournir une évaluation au client. [8] En premier lieu, M. Ford rencontre le client afin d’obtenir des renseignements généraux et de prendre des dispositions pour la tenue de l’évaluation. Il peut ainsi se faire une première opinion au sujet des tests appropriés, mais l’évaluateur a aussi son mot à dire lorsque vient le temps de décider des tests qui seront véritablement administrés. [9] Ensuite, le gestionnaire de bureau fixe un rendez-vous avec le client pour l’administration des tests. Il communique avec des évaluateurs qu’il choisit selon leur spécialité et leur disponibilité. [10] Les tests sont administrés dans les locaux de Worldwide, en milieu contrôlé, afin de garantir la validité des résultats. Six heures sont généralement nécessaires pour la tenue des tests, mais leur durée peut varier selon les circonstances. Par la suite, l’évaluateur procède au calcul des résultats des tests. [11] L’évaluateur discute ensuite des résultats avec M. Ford (et peut-être d’autres évaluateurs). On s’entend sur un diagnostic. [12] Un rapport est alors rédigé à partir des commentaires de M. Ford et de l’évaluateur. Ce dernier procède à la rédaction d’une première ébauche, que révise ensuite M. Ford. Au besoin, celui-ci apporte lui-même des changements ou demande à l’évaluateur de le faire. À la fin du processus, M. Ford appose sa signature sur le rapport ou bien le gestionnaire de bureau le fait en son nom. Dans le rapport, une ligne est prévue pour recevoir la signature de l’évaluateur, mais il arrive que ce dernier ne le signe pas. En règle générale, les rapports de Mme Woo ne portaient pas sa signature. Analyse [13] Les principes de droit qui doivent être appliqués dans un cas comme celui-ci sont bien connus. Essentiellement, il nous faut déterminer si Mme Woo exploitait une entreprise pour son propre compte. Les facteurs énoncés dans Wiebe Door, soit le contrôle, la possibilité de profit, le risque de perte et la propriété des instruments de travail, sont au nombre de ceux qu’il y a lieu d’examiner. Par ailleurs, si les parties ont l’intention commune d’établir une relation employeur‑employé, ou encore une relation fondée sur la situation d’entrepreneur indépendant, cette intention sera respectée si la relation concorde avec celle‑ci. (TBT Personnel Services Inc. c. La Reine, 2011 CAF 256.) [14] En l’espèce, l’un des éléments importants à considérer concerne la faculté de Worldwide de contrôler la façon dont Mme Woo s’acquittait de ses tâches. [15] J’estime que Worldwide ne disposait que d’un contrôle restreint. Les rapports remis aux clients sont de toute évidence le fruit de la contribution conjointe de deux professionnels. M. Ford et Mme Woo contribuaient tous deux aux rapports et à l’établissement du diagnostic; en outre, les espaces réservés aux signatures signalent aux clients qu’il s’agit d’un rapport conjoint, que celui-ci porte ou non la signature de Mme Woo. [16] L’intimé fait valoir avec insistance que Worldwide avait la capacité d’exercer un contrôle considérable sur le travail de Mme Woo. À mon sens, une telle affirmation traduit une méconnaissance de la nature de l’engagement. [17] Worldwide engage des professionnels à qui elle confie l’exécution de tâches pour lesquelles ils sont formés. Si les évaluateurs étaient tout simplement assujettis au contrôle de Worldwide, ils se trouveraient en conflit par rapport à leurs obligations professionnelles. [18] De plus, les évaluateurs savent qu’ils sont présentés comme coauteurs des rapports. Ils sont donc tenus, sur le plan professionnel, de s’assurer qu’ils sont d’accord avec les conclusions de l’évaluation. [19] Je reconnais sans hésitation que Mme Woo passait par une phase d’apprentissage et qu’elle s’en remettait aux opinions de M. Ford. C’est le cas de tout professionnel dépourvu d’expérience pratique. Il n’en demeure pas moins qu’elle est assujettie à certaines obligations sur le plan professionnel. [20] Il est compréhensible que Mme Woo se soit rangée aux opinions d’une personne d’expérience, mais il existe une différence entre la retenue de l’un et l’exercice d’un contrôle par l’autre. À mon sens, si Mme Woo a pensé qu’elle était placée sous le contrôle de M. Ford, c’est qu’elle a mal compris le rôle qui lui incombait en tant que professionnelle. [21] Mme Woo a dit n’avoir apporté qu’une mince contribution à la rédaction des rapports, ajoutant que la tournure des phrases lui était en grande partie suggérée par M. Ford. Elle a aussi précisé qu’elle n’était pas autorisée à rédiger les rapports à son domicile. [22] D’après la preuve testimoniale, M. Ford mettait à la disposition des évaluateurs des modèles de rapports illustrant le style rédactionnel qu’il privilégiait. Il faut y voir des suggestions plutôt qu’un moyen de dicter la façon dont les rapports devraient être rédigés. En outre, les tests étaient administrés par les évaluateurs. Il est par conséquent illogique de prétendre que M. Ford dictait le contenu des rapports. [23] L’interdiction d’apporter les rapports chez soi était nécessaire compte tenu du caractère confidentiel des rapports. La preuve indique que les évaluateurs sont maintenant autorisés à rédiger les rapports à domicile en raison de l’amélioration des dispositifs de sécurité informatique. [24] La flexibilité des ententes conclues et la faculté des évaluateurs d’accepter ou de refuser une tâche sont de solides arguments à l’appui de la thèse voulant que Mme Woo ait été engagée à titre d’entrepreneure indépendante. Mme Woo est tout bonnement une professionnelle dont les services ont été retenus de manière informelle pour l’exécution d’une tâche donnée au moment de son choix. Le critère du contrôle fait pencher la balance du côté de la relation d’entrepreneur indépendant. [25] Quant à la question de la propriété des instruments de travail, les évaluateurs utilisaient des outils qui étaient tous fournis par Worldwide. Celle-ci fournissait des salles insonorisées, les tests, les ordinateurs et les ouvrages de référence. Certains évaluateurs utilisaient aussi des tests qui leur appartenaient. [26] L’intimé avance que l’utilisation des outils est une considération importante en l’espèce. Je n’adhère pas à ce point de vue. [27] Rien n’interdisait à Worldwide d’engager des entrepreneurs indépendants pour qu’ils procèdent à des évaluations pour ses clients, dans ses locaux et au moyen de ses outils. Il est fréquent de retenir les services de professionnels en vertu de conditions semblables et à titre d’entrepreneurs indépendants. La propriété des instruments de travail n’est pas un facteur important en l’espèce. [28] Pour ce qui est des profits et des pertes, c’est un fait admis que les conseillers indépendants pouvaient exercer un certain contrôle sur la réalisation de profits en raison de la méthode de fixation de leurs honoraires. Ils étaient en effet payés selon un taux horaire établi en fonction du temps qu’ils mettaient pour administrer les tests. Le profit peut varier selon l’efficacité avec laquelle l’évaluateur rédige ses rapports. [29] Selon moi, le critère du profit est neutre est ne constitue pas un facteur important. [30] À mon sens, le risque de perte n’est pas non plus un facteur important. Sur ce point, la preuve est peu abondante et je ne suis pas convaincue qu’elle est digne de foi. Bien que la possibilité de faire l’objet de poursuites existe, rien dans la preuve n’indique que les évaluateurs ont l’habitude de souscrire une assurance responsabilité civile. Je ne suis pas convaincue que ce risque est perçu comme majeur. [31] Enfin, je crois qu’il y a lieu de tenir compte de l’intention. Sur ce point, le témoignage de Mme Woo n’est pas tout à fait clair. Comme elle a signé un contrat écrit précisant qu’elle était engagée à titre de conseillère indépendante et qu’elle savait qu’aucune retenue à la source ne serait effectuée, on peut penser que Mme Woo avait compris et accepté le fait qu’elle n’était pas une employée. [32] Dans son témoignage, Mme Woo a dit ne pas comprendre intégralement les tenants et les aboutissants de la qualité de conseillère indépendante. Il est déplorable que Worldwide ne lui ait pas donné d’explications approfondies à ce sujet; néanmoins, l’intention exprimée traduit, à mon sens, une volonté d’établir une relation d’entrepreneur indépendant. [33] Par conséquent, je conclus que Mme Woo, au cours de l’année 2008, a été engagée par Worldwide à titre d’entrepreneure indépendante et non d’employée. L’appel est accueilli et les cotisations sont annulées. [34] Chaque partie assumera ses propres dépens. Signé à Ottawa (Ontario), ce 26e jour d’avril 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juin 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 137 No DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-593(CPP) et 2011-597(EI) INTITUTLÉ : WORLDWIDE SCHOOL SEARCH AND RELOCATION SERVICES INC., faisant affaire sous le nom d’EDUCATIONAL CONNECTIONS c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 26 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l’appelante : Me David A. Whitten Me Cédric P. Lamarche Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : David A. Whitten Cabinet : Whitten & Lublin L.L.P. Toronto (Ontario) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 139
TCC
2,012
Mullen c. La Reine
fr
2012-04-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30787/index.do
2022-09-04
Mullen c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-30 Référence neutre 2012 CCI 139 Numéro de dossier 2009-1944(IT)I, 2009-2337(IT)G Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-2337(IT)G ENTRE : JAMES G. MULLEN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de James G. Mullen (2009-1944(IT)I), les 7, 8 et 9 novembre 2011, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Avocat de l’appelant : Me Stephen S. Du Avocate de l’intimée : Me Samantha Hurst ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années 1999 et 2001 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Les dépens sont adjugés à l’intimée. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « V. A. Miller » Juge V. A. Miller Traduction certifiée conforme ce 1er jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2009-1944(IT)I ENTRE : JAMES G. MULLEN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de James G. Mullen (2009-2337(IT)G), les 7, 8 et 9 novembre 2011, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Avocat de l’appelant : Me Stephen S. Du Avocate de l’intimée : Me Samantha Hurst ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année 1997 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « V. A. Miller » Juge V. A. Miller Traduction certifiée conforme ce 1er jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012CCI139 Date : 20120430 Dossier : 2009-2337(IT)G ENTRE : JAMES G. MULLEN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge V. A. Miller [1] En 1997, en 1999 et en 2001, l’appelant a reçu 43 740 $, 1 952 540 $ et 472 177 $ respectivement par suite de la levée d’options d’achat d’actions que son employeur, Bristol-Myers Squibb Co. (« BMS »), lui avait accordées. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’appelant avait reçu un avantage en raison de son emploi et il a inclus les montants susmentionnés dans le revenu de l’appelant. Conformément à l’alinéa 1l0(1)d.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), l’appelant avait droit à des déductions relatives aux options d’achat d’actions de 10 935 $, de 488 135 $ et de 236 089 $ en 1997, en 1999 et en 2001 respectivement et l’avantage inclus dans son revenu a été ramené à 32 805 $, à 1 464 405 $ et à 236 089 $ respectivement. L’appelant n’avait pas produit de déclarations de revenus pour les années 1997 et 2001 et le ministre a établi une cotisation à son égard en application du paragraphe 152(7) de la Loi. En ce qui concerne l’année d’imposition 1999, le ministre a établi une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4) et il a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’appelant a interjeté appel de ces cotisations. [2] Des pénalités pour production tardive ont été établies pour les années 1997 et 2001, mais l’appelant a uniquement interjeté appel de l’imposition de la pénalité pour production tardive relative à l’année 2001. [3] Les appels ont été entendus sur preuve commune. [4] L’appelant et Paul Murphy, un vérificateur de l’impôt international à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), ont témoigné à l’audience. [5] En ce qui concerne l’année d’imposition 1997, il s’agit de savoir si l’appelant est imposable sur le montant net de 32 805 $, même s’il ne résidait pas au Canada cette année-là. [6] Quant aux années d’imposition 1999 et 2001, il s’agit de savoir si l’appelant résidait habituellement au Canada au cours de ces années‑là. 1997 [7] J’examinerai d’abord la question se rapportant à l’année 1997 étant donné que les parties s’entendent de façon générale sur les faits se rapportant à cette année-là. Cependant, elles ne s’entendent pas sur l’application du droit à ces faits. [8] L’appelant est citoyen canadien. [9] De l’année 1980 à l’année 1993 inclusivement, l’appelant était employé à l’usine de Mead-Johnson Canada, une filiale de BMS, à Belleville (Ontario). Au cours de cette période, l’appelant a été promu à plusieurs reprises et, en décembre 1993, il était devenu directeur des opérations à l’usine. [10] En 1987, l’appelant a été désigné en vue de recevoir des options d’achat d’actions de BMS : le 5 avril 1988, il s’est vu accorder 1 683 options d’achat d’actions dont 25 p. 100 étaient acquises chaque année et qui expiraient dix années après la date à laquelle elles étaient accordées. Le prix d’octroi était de 9,5683 $US l’action et il n’en coûtait rien à l’appelant. [11] En 1993, BMS a offert à l’appelant une affectation à titre de directeur des opérations en vue de superviser la construction de son usine à Guangzhou, en Chine. L’affectation devait durer environ trois ans[1]. L’appelant a accepté et il s’est rendu en Chine au mois de janvier 1994. Son épouse l’a rejoint en Chine, au mois d’août 1994. [12] Le 22 janvier 1997, l’appelant a levé les options d’achat d’actions qui lui avaient été accordées en 1988 lorsqu’il travaillait et résidait au Canada. Il a reçu 43 740 $CAN. [13] L’appelant n’a pas contesté les calculs associés à la valeur de l’avantage inclus dans son revenu. Toutefois, il affirme que le montant auquel s’élevait l’avantage ne devrait pas être imposable au Canada parce qu’en 1997, il ne résidait pas au Canada. [14] Le ministre a reconnu qu’en 1997, l’appelant ne résidait pas au Canada. [15] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes : 2(3) Impôt payable par les non-résidents – Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu’il est prévu par la présente loi, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l’année, déterminé conformément à la section D, par la personne non imposable en vertu du paragraphe (1) pour une année d’imposition et qui, à un moment donné de l’année ou d’une année antérieure, a : a) soit été employée au Canada; b) soit exploité une entreprise au Canada; c) soit disposé d’un bien canadien imposable. 7(1) Émission de titres en faveur d’employés [options d’achat d’actions] – Sous réserve du paragraphe (1.1), lorsqu’une personne admissible donnée est convenue d’émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à l’un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les présomptions suivantes s’appliquent : a) l’employé qui a acquis des titres en vertu de la convention est réputé avoir reçu, en raison de son emploi et au cours de l’année d’imposition où il a acquis les titres, un avantage égal à l’excédent éventuel de la valeur des titres au moment où il les a acquis sur le total de la somme qu’il a payée ou doit payer à la personne admissible donnée pour ces titres et de la somme qu’il a payée pour acquérir le droit d’acquérir les titres; 115(1) Revenu imposable [gagné] au Canada des non-résidents – Pour l’application de la présente loi, le revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition d’une personne qui ne réside au Canada à aucun moment de l’année correspond à l’excédent éventuel du montant qui représenterait son revenu pour l’année selon l’article 3 : a) si elle n’avait pas de revenu autre : (i) que les revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par elle au Canada et, si elle résidait au Canada au moment où elle exerçait les fonctions, à l’étranger, [16] Conformément au paragraphe 7(1), lorsque l’appelant a exercé ses droits en vertu des options d’achat d’actions, en 1997, il était réputé avoir reçu un avantage en 1997 en raison de son emploi. Cet emploi est celui que l’appelant exerçait au moment où l’option avait été accordée en 1988. (Voir l’arrêt Hurd c. La Reine, [1982] 1 C.F. 554 (C.A.F.), paragraphe 5). [17] L’appelant ne résidait pas au Canada en 1997, mais pour l’application de l’article 115, l’avantage reçu est un revenu imposable gagné au Canada en 1997, tiré des fonctions de l’emploi qu’il exerçait à ce moment-là lorsqu’il résidait au Canada. [18] En vertu du paragraphe 2(3), l’appelant est assujetti à l’impôt en 1997 sur le revenu imposable qu’il a gagné au Canada tel qu’il est déterminé à l’article 115 parce qu’il a été employé au Canada au cours d’une année antérieure. [19] La situation, dans l’affaire Hurd, précitée, était similaire; en effet, M. Hurd s’était vu accorder des options d’achat d’actions de son employeur. Ces options avaient été accordées pendant que M. Hurd résidait au Canada et qu’il était employé au Canada. M. Hurd a levé les options après avoir quitté le Canada alors qu’il n’était plus employé par la société qui lui avait accordé les options. Le juge Urie a dit ce qui suit : 9 Compte tenu de tous ces éléments, il me semble ne faire aucun doute que l’option n’a été accordée que parce que l’appelant était un employé de la société. Il est également incontestable que s’il avait été un résident canadien lorsqu’il a fait l’acquisition des actions, l’avantage qui en découle aurait été imposable durant l’année de l’acquisition, en vertu de l’alinéa a) du paragraphe 7(1). De plus, en pareil cas, l’avantage aurait été imposable entre ses mains même s’il avait cessé d’être à l’emploi de la société, puisque le paragraphe 7(4) prévoit que le paragraphe 7(1) est applicable comme si l’appelant était encore un employé et comme si l’emploi durait encore. 10 Pour les raisons que j’ai déjà exposées, j’admets avec le juge de première instance qu’il n’est pas essentiel d’avoir occupé un emploi au Canada durant l’année d’imposition pendant laquelle a été reçu l’avantage que le Ministre veut imposer. En conséquence, le fait que l’appelant ne résidait pas au Canada en 1973, lorsqu’il a fait l’acquisition des actions, ne rend pas sa situation différente de celle d’un résident canadien qui aurait acquis des actions dans des conditions semblables. J’estime donc que l’appelant doit succomber sur ce point de l’instance. [20] La décision dans l’arrêt Hurd a été approuvée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hale v. The Queen, [1992] 2 C.T.C. 379. En l’espèce, l’appelant ne résidait pas au Canada lorsqu’il a levé ses options, mais il continuait à être un employé de BMS. L’effet de l’application combinée du paragraphe 2(3), de l’alinéa 7(1)a) et du sous‑alinéa 115(1)a)(i) est qu’en 1997, l’appelant était dans la même situation qu’un « résident canadien qui aurait acquis des actions dans des conditions semblables ». [21] L’avocat de l’appelant a essayé de faire une distinction entre l’arrêt Hale et la présente affaire en se fondant sur le fait qu’en l’espèce, le ministre n’avait pas invoqué le paragraphe 7(4) en établissant la cotisation. Toutefois, le ministre n’avait pas à invoquer le paragraphe 7(4) dans ce cas‑ci parce qu’en 1997, l’appelant était encore un employé de BMS. [22] L’appel concernant l’année d’imposition 1997 est donc rejeté. La résidence en 1999 et en 2001 [23] Quant aux années d’imposition 1999 et 2001, il s’agit de savoir si l’appelant résidait habituellement au Canada au cours de ces années, suivant le paragraphe 250(3) de la Loi. [24] L’intimée soutient subsidiairement que, s’il est conclu que l’appelant ne résidait pas au Canada en 1999, un avantage de 851 035,89 $ a été obtenu lorsque l’appelant a levé les options d’achat d’actions qu’il avait reçues pendant qu’il était employé et qu’il résidait au Canada. Les détails concernant l’octroi et la levée de toutes les options d’achat d’actions figurent dans les tableaux de l’annexe A jointe aux présents motifs. [25] Il s’agit ici du second appel que l’appelant a interjeté devant la Cour au sujet de la question de la résidence. Dans la décision Mullen c. Canada, 2008 CCI 294, la juge Sheridan a conclu que l’appelant résidait habituellement au Canada pour la période allant du 1er au 7 janvier 2002, soit la seule période en cause dans l’appel dont elle était saisie. [26] Comme il en a déjà été fait mention, l’appelant s’est rendu en Chine au mois de janvier 1994 en vue d’occuper le poste de directeur des opérations à l’usine que BMS était en train de construire. Son épouse l’a rejoint au mois d’août 1994. [27] Avant qu’il se rende en Chine, on avait conseillé à l’appelant de rompre les liens qu’il entretenait avec le Canada, de façon qu’il ne soit pas considéré comme un résident et qu’il ne soit pas imposable au Canada. L’appelant et son épouse ont vendu leur maison et ont entreposé certains meubles dans leur chalet, situé sur l’Old Highway # 2, à Belleville (Ontario) (la « maison de Belleville »). Ils ont vendu leurs voitures et ils ont acheté une voiture pour chacun de leurs enfants, qui fréquentaient l’université. Ils ont loué des appartements pour leur fils et pour leur fille et ils ont loué la maison de Belleville à des enseignants du collège local du mois d’août 1994 au mois d’août 1996, moyennant un loyer mensuel de 1 200 $. [28] L’appelant a témoigné qu’on lui avait conseillé de louer la maison de Belleville à des personnes sans lien de dépendance, de façon qu’il n’ait pas cette maison à sa disposition sur une base continue et que l’ARC ne puisse pas invoquer la disponibilité de la maison afin de dire qu’il résidait au Canada. Toutefois, l’appelant n’a pas réussi à louer la maison de Belleville à une personne sans lien de dépendance au mois de septembre 1996 et son fils, avec l’un de ses amis, s’est installé à cet endroit. La fille de l’appelant s’est également installée dans la maison de Belleville après avoir obtenu son diplôme universitaire, à Ottawa. [29] Pendant qu’ils étaient en Chine, l’appelant et son épouse logeaient dans une grosse suite meublée, au Pearl Ramada Inn (l’« hôtel »), aux frais de l’employeur. L’appelant a payé un impôt sur le revenu mensuel en Chine sur le salaire qu’il gagnait pendant qu’il vivait dans ce pays. La société BMS veillait à faire préparer et produire ses déclarations pour son compte. L’appelant détenait des comptes bancaires à New York ainsi qu’un compte au Canada, à la Banque Royale du Canada (la « RBC »). En Chine, les époux ont acheté des meubles anciens chinois et ils ont peu à peu remplacé certains meubles fournis par l’hôtel par leurs propres meubles. L’appelant effectuait un grand nombre d’heures de travail et il connaissait du succès. Il a initialement été promu au poste de directeur général intérimaire et ensuite au poste de directeur général. [30] Néanmoins, en 1997, l’appelant a été informé qu’il [traduction] « ne représentait pas l’avenir de la société » en Asie. On lui a offert un poste chez BMS aux États-Unis, mais l’appelant a affirmé que la vie et les avantages dont bénéficiait un expatrié lui plaisaient et il a refusé l’offre de travail aux États-Unis. Il a été mis fin à son emploi au mois d’avril 1998. [31] Le visa d’entrée en Chine de l’appelant expirait au début du mois de mars 1998, de sorte que l’appelant a quitté la Chine le 2 mars 1998. Il a fait expédier ses meubles chinois anciens à la maison de Belleville; il a donné certains effets personnels et il a entreposé certains livres et documents à l’hôtel. L’appelant a déclaré avoir entreposé des effets à l’hôtel parce qu’il avait l’intention de continuer à résider en Chine. Au fur et à mesure de son témoignage, le nombre de boîtes qu’il affirmait avoir entreposées à l’hôtel est passé de trois à quatre, à cinq et à six. [32] L’appelant a déclaré avoir pris des dispositions avec l’hôtel pour qu’une petite suite soit mise à sa disposition, sans frais, jusqu’au mois d’avril 1999. L’appelant était titulaire d’un [traduction] « permis de résidence pour étranger » (le « permis de résidence ») des autorités chinoises, lequel lui permettait de voyager en Chine après avoir obtenu un visa d’entrée valide l’autorisant à entrer dans le pays. Le permis de résidence était valide jusqu’à la fin du mois de novembre 1999. [33] Lorsque l’appelant et son épouse ont quitté la Chine, ils sont immédiatement retournés à la maison de Belleville, au Canada, où leur fils et leur fille vivaient alors. L’appelant a acheté deux véhicules, un pour lui-même et un pour son épouse. Il a financé l’achat d’une maison pour chacun de ses enfants et il a grevé les immeubles d’une charge ne portant pas intérêt. Comme l’appelant l’a lui-même dit, la charge visait à empêcher son fils de vendre la maison et de [traduction] « partir » avec son argent. [34] L’appelant, qui savait que les options d’achat d’actions que BMS lui avait accordées prenaient de la valeur, a déclaré avoir demandé des conseils sur [traduction] « la façon de maximiser [s]on revenu tout en atténuant les impôts » lorsqu’il avait levé les options d’achat d’actions. Il a témoigné qu’on lui avait dit qu’il ne devrait pas lever les options pendant qu’il résidait au Canada ou pendant qu’il était possible de le considérer comme résidant au Canada. [35] En 1999, l’appelant et son épouse ont effectué une série d’opérations en vue de se départir de la maison de Belleville et des véhicules qui avaient été achetés à leur retour de Chine. Ces opérations sont décrites ci‑dessous. [36] Le 18 mars 1999, l’appelant a transféré à son épouse la part qu’il détenait dans la maison de Belleville pour la somme de deux dollars. L’épouse a quant à elle transféré la maison, le 7 septembre 1999, à leur fils et à leur fille, à titre de tenants conjoints, en échange d’une hypothèque à vue de 300 000 $, portant intérêt au taux annuel de 5 p. 100. L’appelant et son épouse étaient tous deux inscrits à titre de créanciers hypothécaires même si l’appelant n’avait plus de participation dans la maison de Belleville. L’appelant et son épouse n’ont jamais demandé le paiement du principal et des intérêts et leurs enfants n’ont rien payé. Je note qu’à ce moment-là, le fils et la fille de l’appelant possédaient chacun leurs propres maisons dans la région de Belleville. [37] Avant de recevoir le titre afférent à la maison de Belleville et son contenu, le fils et la fille de l’appelant ont accordé à leurs parents, le 31 août 1999, une sûreté de 100 000 $ sur le contenu et l’ameublement de la maison. [38] L’appelant a témoigné qu’il voulait transférer aux enfants les véhicules qui lui appartenaient ainsi qu’à son épouse. Afin d’éviter d’avoir à payer des taxes provinciales de 1 500 $ sur le transfert aux enfants, l’appelant a fait en sorte que la société 1361272 Ontario Limited (la « société ») soit constituée en personne morale le 25 août 1999, son épouse, sa fille, son fils, un tiers et lui-même étant actionnaires de la société à parts égales. L’appelant et son épouse ont ensuite transféré leurs véhicules à la société. La société ne possédait pas d’autres biens et elle n’exploitait pas d’entreprise. Son siège social était situé à la maison de Belleville. [39] Le 27 mars 1999, l’appelant a obtenu un visa d’entrée en Chine, qui expirait le 27 juin 1999. L’appelant a témoigné être retourné en Chine dans l’intention de recommencer à y résider. Il a payé le prix de location d’une suite à l’hôtel et il a cherché un emploi. Toutefois, ses recherches n’ont pas porté fruit parce qu’il n’a pas réussi à obtenir d’entrevues. [40] L’appelant a témoigné qu’au cours de la période allant du mois d’avril au 15 septembre 1999, il avait fait plusieurs voyages à travers l’Asie. Il était revenu au Canada aux mois de juillet et de décembre 1999. Chaque fois qu’il retournait en Chine, il louait une suite à l’hôtel. Au Canada, il habitait la maison de Belleville. [41] Je ne sais pas trop à quel moment l’appelant a décidé de renoncer aux tentatives qu’il faisait pour obtenir un emploi en Chine, mais le 22 mai 1999, il a signé une convention d’achat et de vente d’une unité condominiale meublée, à Kamala Beach, Phuket, en Thaïlande, dont la date de clôture était le 30 août 1999. L’appelant a témoigné que son épouse l’avait rejoint en Thaïlande au mois de septembre 1999 et qu’ils avaient résidé à cet endroit pendant le reste de l’année 1999 ainsi qu’en 2000 et en 2001. [42] En Thaïlande, l’appelant a apporté des améliorations à l’unité condominiale, il s’est abonné à un journal local et il a pris des dispositions en vue d’obtenir des services de téléphone et d’Internet. L’appelant s’est inscrit comme membre d’un hôpital local et il a ouvert un compte bancaire à Singapour et en Malaisie. En 1999, en 2000 et en 2001, au cours des mois de décembre et de janvier et des mois de mars et d’avril, l’appelant louait l’unité condominiale à des vacanciers par l’entremise du bureau d’administration du condominium, qui retenait l’impôt sur le revenu de location. Ce bureau préparait et produisait également les déclarations nécessaires pour le compte de l’appelant. [43] À un moment donné en 2001, l’appelant a décidé que la situation politique en Thaïlande n’était pas stable, et au mois de juin 2001, il a acheté un logement en copropriété au Costa Rica, dans l’intention de résider à cet endroit. L’appelant et son épouse ont obtenu le statut de résidents temporaires du ministère du Tourisme du Costa Rica. Toutefois, au mois de janvier 2002, le beau-père de l’appelant est tombé malade et l’appelant et son épouse sont revenus au Canada pour y vivre. L’appelant a continué à être propriétaire de l’unité condominiale en Thaïlande jusqu’en 2006. Analyse [44] Le paragraphe 2(1) de la Loi prévoit qu’un impôt sur le revenu doit être payé, pour chaque année d’imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l’année. Conformément au paragraphe 250(3), une personne résidant au Canada comprend une personne qui, au moment pertinent, résidait habituellement au Canada. [45] La question de la résidence est une question de fait. L’arrêt de principe, en ce qui concerne la résidence d’un particulier, est celui que la Cour suprême du Canada a rendu dans Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] CTC 51 (CSC); les passages les plus souvent cités des motifs de cette décision sont les observations suivantes du juge Rand : [traduction] 47 La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes, montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes matières, mais aussi suivant les différents aspects d’une même matière. Dans un cas donné, on y retrouve certains éléments, dans d’autres, on en trouve d’autres dont certains sont fréquents et certains autres, nouveaux. 48 L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie. 49 Aux fins de la législation de l’impôt sur le revenu, il est nécessaire de considérer que chaque personne a, en tout temps, une résidence. Il n’est pas nécessaire à cet effet qu’elle ait une maison ni un endroit particulier où elle demeure, ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c’est de déterminer dans l’espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache ce mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d’apprécier la résidence habituelle est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle, temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s’accompagne également d’une notion de provisoire et de retour. 50 Mais dans les différentes situations de prétendues « résidences permanentes », « résidences temporaires », « résidences habituelles », « résidences principales » et ainsi de suite, les adjectifs n’influent pas sur le fait qu’il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu’auquel une personne s’établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances là où elle demeure. [46] Dans la décision The Queen v. Reeder, [1975] C.T.C. 256 (C.F. 1re inst.), le juge Mahoney a énuméré ainsi certains des facteurs qui ont été jugés pertinents aux fins de la détermination de la question de la résidence : 13. Quoique le défendeur en l’espèce fût totalement étranger à cette vie de riche désœuvré, et à toute préméditation d’évasion fiscale, les éléments qui servaient dans ces arrêts à déterminer la question de fait de la résidence fiscale, s’appliquent aussi en l’espèce. Ces éléments sont notamment : a. le genre de vie passé ou présent; b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence; c. les liens dans le ressort de cette juridiction; d. les liens en d’autres lieux; e. le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger. La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d’autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d’une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu’un individu peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue fiscal. [47] L’appelant soutient que, même s’il habitait la maison de Belleville, du mois de mars 1998 au mois de mars 1999, il n’avait pas l’intention de devenir résident du Canada et il n’avait pas rétabli sa résidence au Canada. Il y faisait simplement un séjour, en cherchant sur Internet des possibilités d’emploi en Chine. L’appelant a affirmé avoir repris sa résidence en Chine lorsqu’il était retourné dans ce pays, au mois de mars 1999. Au mois de septembre 1999, il est devenu résident de la Thaïlande, où il a continué à résider en 2000 et en 2001. [48] Toutefois, les actions de l’appelant en 1998 et en 1999 ne corroborent pas son intention déclarée. Selon le témoignage de Paul Murphy, l’appelant a produit des déclarations de revenus au Canada pour les années 1998 et 1999 à titre de résident du Canada[2]. L’appelant affirme maintenant que ces déclarations étaient inexactes. Quoi qu’il en soit, l’intention d’un contribuable peut aider à déterminer la « vie de tous les jours », mais cela n’est pas déterminant pour ce qui est de sa résidence[3]. [49] Contrairement à la situation qui existait dans l’affaire Reeder, j’ai conclu que l’appelant menait une vie de globe-trotter en vue d’éviter de payer des impôts au Canada. Après avoir examiné la preuve présentée dans le présent appel, je conclus que l’appelant résidait au Canada, en 1999 et en 2001. En arrivant à cette conclusion, j’ai tenu compte des éléments énoncés ci‑après. [50] Certains facteurs étayaient la thèse de l’appelant. Au cours de la période en cause, l’appelant n’utilisait pas l’assurance-santé de l’Ontario; il payait sa propre assurance maladie privée. Il payait la connexion Internet à l’hôtel, en Chine, lorsqu’il était dans ce pays. Il possédait une unité condominiale en Thaïlande, qu’il assurait de façon privée. En Thaïlande, il payait la connexion Internet pour son unité condominiale; il détenait une carte de membre de l’hôpital international de Phuket, il était abonné à la Phuket Gazette et il détenait une carte client de la Phucket Gazette. L’appelant détenait des comptes bancaires à New York, à Singapour et en Malaisie. Le bureau du courtier en placements de l’appelant était situé à Belleville (Ontario), mais je note que le relevé de son sommaire de transactions indiquait l’adresse postale de l’appelant en Thaïlande. [51] Toutefois, il n’existait aucun élément de preuve m’amenant à conclure que le mode de vie de l’appelant était centré sur la Chine ou sur la Thaïlande. Lorsqu’il est retourné en Chine en 1999, l’appelant a uniquement apporté ses vêtements et ses effets personnels. Il a loué une suite à l’hôtel et sa famille, et notamment son épouse, sont restés au Canada. L’appelant a déclaré s’être rendu de la Chine, en Malaisie et en Thaïlande à plusieurs reprises et je déduis de son témoignage que, lorsqu’il voyageait, la suite qu’il louait à l’hôtel était louée à d’autres. Il n’utilisait pas la suite d’une façon exclusive. La seule partie du passeport de l’appelant qui a été produite en preuve indiquait que l’appelant détenait un visa d’entrée en Chine qui avait été délivré le 27 mars 1999 et qui expirait le 27 juin 1999. Il indiquait également que l’appelant avait été admis en Thaïlande le 15 mai 1999, à titre de visiteur qui pouvait uniquement rester dans ce pays jusqu’au 13 juin 1999. La convention d’achat concernant l’unité condominiale en Thaïlande désignait l’appelant à titre de ressortissant canadien qui résidait dans la maison de Belleville. Cette convention était datée du 22 mai 1999. L’appelant n’a pas établi qu’il entretenait des liens avec la Chine en 1999 et je conclus qu’il ne résidait pas en Chine en 1999. [52] L’appelant estime avoir passé 77 jours en Thaïlande en 1999 et 140 jours en 2001. Au cours de ces années-là, il a passé presque tout son temps à voyager et, lorsqu’on lui a posé des questions au sujet de ses liens sociaux en Thaïlande, l’appelant s’est contenté de dire qu’il aidait d’autres personnes à ramasser les ordures sur la plage devant l’immeuble d’habitation condominial. En sa qualité de propriétaire de l’unité condominiale, l’appelant était automatiquement membre du club de golf adjacent à l’immeuble d’habitation condominial. Indépendamment de l’achat de l’unité condominiale, rien ne montrait que l’appelant eût établi des liens en Thaïlande, en sus de ceux qu’il devait entretenir afin de lui permettre ainsi qu’à son épouse de jouir d’un certain style de vie pendant qu’ils étaient à cet endroit. [53] Au cours des années en question, l’appelant entretenait des liens étroits avec le Canada. Il détenait un compte de banque conjoint avec son épouse à la RBC, à Belleville, et il était titulaire d’une carte Visa RBC. Il détenait un permis de conduire canadien, un passeport canadien, un compte Sears qui avait été ouvert en 1979 et une carte American Express qu’il avait reçue en 1982. Au mois de mars 1999, l’appelant a ouvert une ligne de crédit de 50 000 $ à la RBC, à Belleville. Un rapport de solvabilité Equifax daté du 7 avril 2005 indiquait que son adresse, à l’égard de ses cartes de crédit et de sa ligne de crédit, était celle de la maison de Belleville. Il indiquait également que l’appelant désignait comme adresse la maison de Belleville depuis le mois de mars 1998. Il utilisait son passeport canadien pour voyager; il avait conservé sa carte santé de l’Ontario même s’il ne l’utilisait pas. En 2001, le courtier en placements de l’appelant était ScotiaMcLeod, à Belleville (Ontario), et l’appelant effectuait des transactions pendant qu’il était au Canada. [54] En 1999 et en 2001, l’appelant a reçu un revenu en intérêts de Citibank et des dividendes de BMS par l’entremise des Chasemellon Shareholders Services. L’adresse postale de l’appelant, pour chacune de ces sociétés, était celle de la maison de Belleville. La société BMS estimait que l’appelant résidait au Canada et aucun impôt n’était retenu aux États-Unis lorsque l’appelant levait ses options d’achat d’actions. [55] L’appelant a déclaré que son fils s’était installé dans la maison de Belleville en 1999 et que le service de téléphone était établi au nom de son fils. Ce témoignage était intéressé et n’était pas étayé par la preuve. Le fils, Jeff, possédait sa propre maison, chemin Colonial, à ce moment-là, et, selon le témoignage de Paul Murphy, le fils désignait la résidence située sur le chemin Colonial lorsqu’il produisait ses déclarations de revenus. [56] L’appelant a tenté de démontrer qu’il était rarement au Canada, en 1999 et en 2001, et il a donné une liste des endroits où il était allé avec son épouse de 1998 à 2001, ainsi que les dates auxquelles il était allé à ces endroits[4]. Ces dates indiquaient que l’appelant était resté au Canada pendant environ 180 jours au cours de la période de trois ans allant de l’année 1999 à l’année 2001 inclusivement. Aucune preuve documentaire ne corrobore ces dates étant donné que l’appelant a déclaré que son passeport, pour cette période-là, avait été perdu lorsque le tsunami avait frappé la Thaïlande. Au cours du contre-interrogatoire, l’avocate de l’intimée a réussi à démontrer qu’à certains moments, l’appelant était resté au Canada plus longtemps que ce qu’indiquait le témoignage que celui‑ci avait présenté au sujet des dates. [57] En se départissant de ses biens immeubles et de ses véhicules, l’appelant a tenté de donner l’impression qu’il avait rompu ses liens avec le Canada et qu’il ne résidait plus dans ce pays. Toutefois, la maison de Belleville et les véhicules avaient toujours appartenu à des membres de l’unité familiale et l’appelant pouvait continuellement s’en servir lorsqu’il revenait au Canada. L’appelant a témoigné qu’il revenait au Canada à Noël, au Nouvel An et pendant l’été afin de voir sa famille et ses amis étant donné que ses liens émotionnels étaient au Canada. Je conclus que la « vie de tous les jours » de l’appelant au Canada au cours de cette période se résumait à ces séjours. Je crois que l’appelant n’a jamais rompu ses liens avec le Canada et qu’il n’avait pas non plus réellement l’intention de rompre ses liens. L’appelant a fait transférer la maison de Belleville à ses enfants, mais il a veillé à en conserver le contrôle. Il détenait une hypothèque à vue sur la maison ainsi qu’une sûreté sur son contenu et il n’a jamais exigé le paiement du principal ou des intérêts afférents à l’hypothèque. Les liens que l’appelant entretenait avec le Canada n’étaient pas simplement des liens physiques. L’appelant entretenait des liens sociaux et émotionnels avec le Canada, liens qu’il ne pouvait pas rompre. Cela étant, je conclus que l’appelant résidait habituellement au Canada en 1999 et en 2001. [58] L’avocat de l’appelant a soutenu qu’étant donné que l’appelant n’était resté chaque année au Canada que pendant 60 jours, il ne pouvait pas être considéré comme un résident. L’un des facteurs qu’il faut prendre en considération se rapporte à la régularité des séjours de l’appelant au Canada et au temps que celui‑ci passait au Canada, mais il ne s’agit néanmoins que l’un des nombreux facteurs dont il faut tenir compte. Dans la décision Johnson c. La Reine, 2007 CCI 288, le juge Paris faisait également face à une situation dans laquelle le contribuable était chaque année revenu au Canada trois ou quatre fois seulement au cours d’une période de deux ans. Le juge a conclu que le contribuable n’avait pas rompu ses liens avec le Canada lorsqu’il était allé travailler aux Émirats arabes unis étant donné qu’il y avait encore ses maisons, qu’il louait, ses REER, son permis de conduire, ses cartes de crédit et ses placements. Dans la décision Johnson, il a été conclu que le contribuable résidait habituellement au Canada. [59] L’appelant avait atteint une étape de sa vie où il avait la capacité de se déplacer. Ses enfants étaient adultes et il ne travaillait plus. Il avait décidé de prendre sa retraite. Toutefois, les observations que le juge Mahoney a faites dans la décision Reeder s’appliquent : 15. Le défendeur en était à une époque de son existence où les déplacements sont fréquents. Il pouvait, désirait et même tenait à voyager. En cela il ne différait pas de ses contemporains, et c’est dans ce contexte qu’il faut considérer les faits de la cause. Il est constant qu’avant le 29 mars 1972 et après le 1er décembre 1972 il résidait au Canada. Ses attaches, quelles qu’elles soient, n’ont cessé un seul moment d’être au Canada, sauf les liens contractés pendant son absence et qui devaient permettre à lui et à sa famille de jouir en France d’un mode de vie acceptable, auquel il s’attendait. Son absence était temporaire quoique, strictement parlant, de durée indéterminée. Ses liens avec la France étaient temporaires et ont disparu à son retour au Canada. 16. Je suis convaincu que si, durant son séjour en France, on avait demandé au défendeur où il habitait d’une manière régulière, normale ou habituelle, il aurait répondu au Canada. Je conclus que le défendeur résidait au Canada durant toute l’année 1972. [60] En l’espèce, lorsque l’appelant a acheté l’unité condominiale en Thaïlande en 1999, on lui a demandé où il vivait et il a donné comme adresse sa maison de Belleville, au Canada. Les paragraphes 152(4) et 163(2) [61] L’année 1999 est-elle frappée de prescription étant donné que le ministre a établi la nouvelle cotisation de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation? Le sous-alinéa 152(4)a)(i) prévoit que le ministre peut établir une nouvelle cotisation si le contribuable, en produisant sa déclaration, a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Il incombe au ministre d’établir les conditions énoncées au sous-alinéa 152(4)a)(i). [62] Au paragraphe 19 de la décision Nesbitt v. R. (1996), 105 F.T.R. 233 (C.F. 1re inst.), le juge Heald a défini la présentation erronée des faits ainsi : L’avocat de la défenderesse a soutenu qu’une déclaration inexacte équivaut à une « présentation erronée des faits » au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i), précité. Je souscris à ce point de vue. [63] En 1999, l’appelant a omis de déclarer les gains qu’il avait tirés de la levée de ses options d’achat d’actions, et même les gains tirés d’options qui lui avaient été accordées lorsqu’il était employé et résidait au Canada. Ces gains s’élevaient en tout à 851 035,89 $ et ils étaient imposables au Canada, même si l’appelant ne résidait pas au Canada. [64] L’appelant a témoigné qu’il avait demandé conseil à divers comptables au sujet de la levée de ses options d’achat d’actions. Il a affirmé sincèrement croire qu’il ne résidait pas au Canada en 1999. Il a déclaré que Price Waterhouse était chargée de préparer et de produire sa déclaration de revenus de l’année 1997 et que le cabinet n’avait pas produit cette déclaration puisqu’il ne résidait pas au Canada. Cette omission a amené l’appelant à croire que le gain tiré des options qui lui avaient été accordées lorsqu’il était employé et résidait au Canada n’était pas imposable s’il ne résidait pas au Canada. [65] Malgré la preuve présentée par l’appelant, j’ai conclu que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration de revenus de l’année 1999. [66] La présentation erronée des faits a‑t‑elle été faite par négligence, par inattention ou par omission volontaire? Je conclus qu’elle était attribuable à une omission volontaire et que le ministre a satisfait à l’obligation qui lui incombait lorsqu’il s’agissait d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. L’appelant affirme s’être renseigné auprès de nombreux comptables et avoir lu de nombreux documents portant sur la façon dont il pouvait lever ses options d’achat d’actions sans payer d’impôt sur la vente des actions qu’il avait reçues. Il a affirmé qu’on lui avait conseillé de s’établir à titre de non-résident du Canada lorsqu’il levait les options. La preuve ne révèle pas les faits que l’appelant a portés à la connaissance de ces comptables et elle ne révèle pas non plus s’il a consulté qui que ce soit au sujet des démarches qu’il devait faire afin de devenir un non-résident du Canada. Le témoignage de l’appelant était intéressé et il n’a pas été corroboré. Il suffit de dire que la question que l’appelant a posée et que les mesures qu’il a prises démontrent que l’appelant n’a jamais eu l’intention de déclarer les montants tirés de la levée de ses options. Les actions de l’appelant démontrent également qu’il n’avait pas réellement l’intention de rompre ses relations avec le Canada. L’appelant voulait maximiser son revenu en ne payant pas d’impôts sur les gains tirés de la levée de ses options d’achat d’actions. Il a organisé ses affaires en vue de donner l’impression qu’il avait rompu ses liens avec le Canada. À mon avis, le fait qu’il a créé l’impression qu’il était un non-résident démontre une omission volontaire. Bien que l’appelant ait témoigné qu’il croyait sincèrement qu’il ne résidait pas au Canada en 1999 et en 2001, je conclus que l’appelant savait qu’il n’avait pas rompu ses liens avec le Canada. Lorsque Paul Murphy l’a rencontré, pourquoi l’appelant aurait-il dit à celui‑ci qu’il avait vendu la maison de Belleville et les véhicules, sans lui dire à qui il les avait vendus? L’appelant a dit à Paul Murphy qu’il ne possédait pas de documents concernant les options d’achat d’actions et qu’il ne pouvait pas obtenir de documents de BMS parce qu’un incendie était survenu dans les locaux de la société. Toutefois, il n’a pas été difficile pour M. Murphy d’obtenir les documents de BMS. Un appel téléphonique et une lettre ont suffi. L’appelant n’a pas été sincère et n’a pas coopéré avec le vérificateur et je tire une déduction défavorable de ses actions. [67] Le ministre a également imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi; il incombait au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, avait fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus de l’année 1999. Compte tenu des observations qui ont ci-dessus été faites, je conclus que le ministre a satisfait à cette obligation et que l’appelant a sciemment fait une omission en produisant sa déclaration de revenus de l’année 1999. [68] L’appelant n’a pas invoqué le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pour justifier son omission de produire sa déclaration de revenus de l’année 2001. [69] Ni l’un ni l’autre avocats n’ont invoqué un argument fondé sur un traité. [70] Les appels sont rejetés et les dépens sont adjugés à l’intimée dans l’appel 2009‑2337(IT)G. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « V. A. Miller » Juge V. A. Miller Traduction certifiée conforme ce 1er jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Annexe A [traduction] Options d’achat d’actions qui ont été levées 1999 Date de l’octroi Date de la levée Nombre d’actions Prix par action ($US) Prix de levée ($US) Taux de conversion Revenu canadien 18 mars 91 5 avril 99 2 314 61,1837 18,1561 1,4990 149 249,23 $ 18 mars 91 19 avril 99 2 313 56,6670 18,1561 1,4826 132 063,65 $ 16 mars 93 19 mai 99 3 155 65,7895 13,4462 1,4659 242 083,29 $ 16 mars 93 30 août 99 3 996 68,3748 13,4462 1,4927 327 639,72 $ 5 avril 94 19 mai 99 7 151 65,7895 12,2724 1,4659 561 001,08 $ 7 mars 95 30 août 99 7 151 65,3748 14,7388 1,4927 540 503,74 $ 26 080 1 952 540,00 $ 2001 Date de l’octroi Date de la levée Nombre d’actions Prix par action ($US) Prix de levée ($US) Taux de conversion Revenu canadien 5 mars 96 17 juillet 01 7 151 50,0642 20,7412 1,5403 322 983,62 $ 4 mars 97 17 juillet 01 5 363 50,0642 32,0034 1,5403 149 193,57 $ 12 514 472 144,18 $ RÉFÉRENCE : 2012CCI139 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-2337(IT)G INTITULÉ : JAMES G. MULLEN c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 novembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 30 avril 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelant : Me Stephen S. Du Avocate de l’intimée : Me Samantha Hurst AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Stephen S. Du 1650 Jin Xiu Rd, bureau 14-2803 Shanghai, Chine 200127 Tél. : +86 18930016562 Téléc. : +1 4165901700 Courriel : stephensdu@gmail.com Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Pièce A-1, onglet 1, lettre d'offre. [2] Transcription, 9 novembre 2011, page 69, ligne 10 [3] Snow c. Canada, [2004] A.C.I. no 267, paragraphe 18. [4] Pièce R‑1, onglet 16.
2012 CCI 14
TCC
2,012
Gros c. La Reine
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2012-01-16
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2022-09-04
Gros c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-16 Référence neutre 2012 CCI 14 Numéro de dossier 2010-3866(IT)I Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-3866(IT)I ENTRE : GÉRARD E. A. GROS, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 15 novembre 2011, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Ilinca Ghibu ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté, selon les motifs de jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 16 e jour de janvier 2012. «Robert J. Hogan» Juge Hogan Référence : 2012 CCI 14 Date : 20120116 Dossier : 2010-3866(IT)I ENTRE : GÉRARD E. A. GROS, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan [1] Gérard E. A. Gros (l’« appelant ») a interjeté appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie le 4 mai 2009 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2008. [2] La question en litige consiste à déterminer si, pour l’année d’imposition 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») était fondé à considérer la somme de 8 616,29 $ que l’appelant a reçue de Fording Canadian Coal Trust (la « fiducie Fording ») comme un revenu de fiducie plutôt qu’un gain en capital imposable. [3] En établissant la cotisation en litige, le ministre s’est fondé sur les faits suivants : a) l’appelant détenait des actions de la compagnie Canadien Pacific; b) suite à une réorganisation, des unités de Fording Canadian Coal Trust furent reçus en échange; c) Fording Canadian Coal Trust est une fiducie de fonds mutuel; d) cette fiducie, créée le 26-03-2003, a été liquidée le 30-10-2008; e) elle a attribué ses revenus aux bénéficiaires de la fiducie pour l’exercice terminé le 31-12-2008; f) l’appelant détenait 87 unités de Fording Canadian Coal Trust; g) un feuillet de renseignement T‑5 a été émis par la firme de courtage Scotia Capital inc. indiquant un montant de redevances de source canadienne de 8 616,29 $. [4] Il ressort des documents déposés en preuve que Teck Cominco Limited (« Teck Cominco ») a fait l’acquisition, de tous les actifs de la fiducie Fording en contrepartie d’actions de Teck Cominco et d’espèces. [5] Selon la déclaration de revenus de la fiducie Fording pour l’année d’imposition 2008, son revenu provenait presque entièrement d’un gain tiré de la disposition de biens miniers. Ce gain est entièrement imposable. La fiducie Fording n’a réalisé aucun gain en capital imposable selon la déclaration de revenus modifiée qu’elle a produite et que le ministre a acceptée. [6] La preuve révèle qu’après avoir reçu de Teck Cominco la contrepartie de l’acquisition, la fiducie Fording a distribué ce montant à ses porteurs de parts à titre de revenu imposable. Par la suite, la fiducie Fording a racheté et annulé toutes les parts de la fiducie pour une somme symbolique. [7] L’appelant a reçu de la fiducie Fording un feuillet T5 qui indique que le montant de 8 616,29 $ versé par la fiducie est composé d’un certain nombre d’actions et d’espèces reçues de Teck Cominco, et que l’appelant doit inclure ce montant dans son revenu. [8] En agissant ainsi, la fiducie Fording voulait s’assurer que tous les revenus provenant de la disposition des biens miniers de Teck Cominco soient imposables entre les mains des porteurs de parts et non entre les mains de la fiducie. [9] Le traitement fiscal des porteurs de parts découle du fait que Teck Cominco a acheté les actifs de la fiducie Fording plutôt que toutes les parts en circulation. Évidemment, si Teck Cominco avait acquis les parts, le coût fiscal des actifs de Fording serait resté le même. En achetant les actifs, Teck Cominco a acquis les biens miniers à leur juste valeur marchande. [10] Il ressort de la preuve qu’un grand nombre de porteurs de parts de la fiducie Fording n’étaient pas imposables, de sorte que la distribution du revenu de la fiducie Fording n’avait aucune conséquence pécuniaire pour eux. Évidemment, il en est autrement pour les porteurs de parts imposables, pour qui les revenus distribués par la fiducie Fording sont imposables à 100%, mais qui ne peuvent déduire le prix d’achat des parts, de sorte qu’indirectement le prix d’achat devient imposable. [11] Le but de la mise en garde dans la circulaire d’information de la direction de la fiducie Fording était d’inciter les porteurs imposables à vendre leurs parts à des acheteurs non imposables pour réaliser un gain en capital à la suite de cette transaction. L’appelant semble ne pas avoir profité de cette mise en garde et souligne que le traitement fiscal proposé par le ministre est peu favorable. [12] L’appelant affirme que la transaction n’a pas donné lieu au traitement fiscal proposé par le ministre lors de sa cotisation. Selon le contribuable, indépendamment des affirmations de la fiducie Fording et de Teck Cominco dans la circulaire d’information et dans l’entente, en bref, l’appelant a disposé des parts de la fiducie Fording en contrepartie des actions de Teck Cominco et d’un paiement en espèces lors d’une transaction à titre de capital. À ce sujet, l’appelant affirme ce qui suit dans son opposition à la cotisation : En fait le contribuable avait originalement fait l’acquisition d’actions de la compagnie Canadien Pacific avec l’intention de recevoir des revenus sous forme de dividendes et de gains en capital. Les titres Fording furent reçus lors d’une autre réorganisation. Fording peut vouloir présenter la transaction sous un angle qui permet une certaine interprétation de la loi de l’impôt sur le revenu, ceci ne change en rien la véritable nature de la transaction pour le contribuable, à savoir une disposition. Il est important, par delà les détails techniques associés aux activités de Fording, de se référer à l’esprit de la loi et aux intentions des législateurs et des codificateurs de la loi, en ce qui concerne les contribuables. En conséquence l’objet de ce présent appel est d’inviter Revenu Canada à analyser l’impact des décisions et interprétations de Fording sur les contribuables engagés de bonne foi dans l’achat et la vente de valeurs mobilières détenues à long terme et d’autoriser un traitement fiscal différent pour le montant de $8616.29 figurant dans les revenus du contribuable pour l’année fiscale 2008. [13] L’appelant soutient que la véritable nature de la transaction est une disposition de valeurs mobilières de la fiducie Fording. Il ajoute que, pour cette raison, les différentes étapes qu’ont suivies Teck Cominco et la fiducie Fording ne sont que des détails dont la Cour ne devrait pas tenir compte lors de la qualification des 8 616,29 $ que l’appelant a reçus. Cependant, l’approche que préconise l’appelant n’est pas conforme à la jurisprudence. En effet, en matière fiscale, il importe de tenir compte de la forme légale que prend une transaction[1]. Dans le cas présent, en s’assurant que la transaction suive un ordre précis, Teck Cominco et la fiducie Fording cherchaient avant tout à obtenir un résultat fiscal précis. En d’autres mots, les conséquences fiscales varient selon la forme que prend une transaction. C’est pourquoi la jurisprudence a établi que lorsqu’une transaction n’est ni un trompe‑l’œil ni contraire à une disposition légale, sa nature juridique ainsi que les rapports et les effets juridiques qu’elle crée doivent être respectés[2]. En l’occurrence, la transaction n’est pas un trompe‑l’œil et ne contrevient à aucune disposition légale. Par conséquent, il ne revient pas à la Cour de la qualifier à nouveau. La Cour doit plutôt respecter et donner effet à la transaction telle qu’elle est. [14] La preuve que l’appelant a présentée indique que l’entente qui a reçu l’approbation des parties à la transaction a eu lieu dans l’ordre et de la manière décrits au paragraphe 3 des présentes. Je note également que la circulaire d’information signale que le traitement fiscal sera peu favorable pour les porteurs de parts imposables : […] tout le montant versé au porteur de parts en vertu de l’entente, ou presque, notamment le dernier versement de rachat, constituera un revenu ordinaire pour celui-ci. […] Le porteur de parts résidant au Canada qui subit une perte en capital lors de l’annulation des parts en vertu de l’entente ne pourra pas déduire cette perte de son revenu ordinaire, notamment le revenu ordinaire versé ou à verser au porteur en vertu de l’entente. [15] La fiducie Fording a même signalé qu’il serait plus avantageux pour les porteurs de parts imposables de disposer de leurs parts avant la date de la conclusion de la transaction afin d’assurer un traitement plus favorable du gain en capital imposable. [16] L’appelant n’a pas tenu compte de ces renseignements et a décidé d’acquérir de nouvelles actions de Teck Cominco à partir d’une distribution entièrement imposable par la fiducie Fording. [17] Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 2012. «Robert J. Hogan» Juge Hogan RÉFÉRENCE : 2012 CCI 14 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3866(IT)I INTITULÉ DE LA CAUSE : GÉRARD E. A. GROS c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 novembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 16 janvier 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Ilinca Ghibu AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Friedberg [1993] 4 R.C.S. 285. [2] Tsiaprailis c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 113 et Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622.
2012 CCI 140
TCC
2,012
Schmidt c. La Reine
fr
2012-04-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30789/index.do
2022-09-04
Schmidt c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-30 Référence neutre 2012 CCI 140 Numéro de dossier 2011-2975(IT)I Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2975(IT)I ENTRE : HELLMUT SCHMIDT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 19 avril 2012, à Calgary (Alberta). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Robert A. Neilson ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2009 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu de ce qui suit : a) le revenu de placements de l’appelant est réduit de 2 765,81 $; b) le gain en capital déclaré par l’appelant est réduit de 469,84 $. À tous les autres égards, l’appel est rejeté sans frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 12e jour de juin 2012. Marie‑Christine Gervais Référence : 2012 CCI 140 Date : 20120430 Dossier : 2011-2975(IT)I ENTRE : HELLMUT SCHMIDT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge V.A. Miller [1] Hellmut Schmidt interjette appel de la nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 2009. La présente affaire intéresse le traitement fiscal qu’il convient d’accorder à un revenu de placements que RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. (« RBC Dominion ») a versé à l’appelant. [2] L’appelant fait valoir que le revenu de placement se compose d’un revenu, de gains en capital imposables et d’un remboursement de capital. [3] L’intimée soutient que la totalité du revenu de placements versé à l’appelant par RBC Dominion constitue un revenu. [4] L’appelant et son épouse étaient propriétaires conjoints de diverses sources de revenu de placements. Au total, 64 pour 100 du revenu conjoint a été déclaré par l’appelant et 36 pour 100, par son épouse. [5] Lorsqu’il a produit sa déclaration de revenus pour 2009, l’appelant a joint un feuillet T5 délivré par RBC Dominion montrant que son épouse et lui avaient reçu un revenu de source étrangère de 17 984 $US et qu’un impôt étranger de 2 697 $US avait été payé. Le revenu de source étrangère équivalait à 20 537,73 $CAN. Toutes les sommes mentionnées ci‑après sont exprimées en dollars canadiens. [6] Selon un sommaire des dépenses et revenus de placements pour 2009 que RBC Dominion a délivré à l’appelant, ce dernier détenait 23 000 unités de DNP Select Income Fund Inc. (« DNP ») et 100 actions ordinaires de Visa Inc. Le sommaire précisait que le revenu de placements versé à l’appelant se composait de dividendes de DNP s’élevant à 20 487,48 $ et de dividendes de Visa s’élevant à 50,25 $. [7] Après avoir effectué une recherche dans Internet, l’appelant a découvert que DNP avait non seulement distribué un revenu de placements en 2009, mais également des gains en capital à long terme en janvier 2009 et un remboursement de capital de février à décembre 2009. Avant de produire sa déclaration de revenus, l’appelant a écrit à RBC Dominion afin d’obtenir un feuillet T5 corrigé ou une formule 1099‑Div faisant état des gains en capital et du remboursement de capital. Il n’a pas reçu de réponse. [8] S’appuyant sur les distributions par action affichées dans Internet par DNP, l’appelant et son épouse ont déclaré seulement 12 854,93 $ au titre du revenu de placements, soit 8 226,94 $ (64 pour 100) et 4 627,99 $ (36 pour 100), respectivement. [9] Selon les calculs de l’appelant, une part de 6 948,67 $ du revenu de placements constituait un remboursement de capital, et ni lui ni son épouse ne l’ont déclarée. Il a également calculé qu’une part de 734,13 $ du revenu de placements constituait un gain en capital, et cette somme a été déclarée son épouse et lui dans une proportion de 36 pour 100 et de 64 pour 100, respectivement. [10] Je ne puis souscrire à la thèse avancée par l’appelant. Il n’a présenté aucun élément de preuve me permettant de conclure que les distributions du genre effectuées par DNP lui ont été transmises. Aucune des sommes reçues par l’appelant ne découlait de la vente de l’une quelconque de ses unités dans DNP. [11] Lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation, le ministre a inclus la totalité de la somme de 7 682,80 $ (6 948,67 $ + 734,13 $) dans le revenu de l’appelant. Dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre a admis que le revenu de placements appartenait conjointement à l’appelant et à son épouse dans une proportion de 64 pour 100 et de 36 pour 100, respectivement, et qu’il avait omis de supprimer le gain en capital déclaré par l’appelant. L’appel est donc accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu de ce qui suit : a) le revenu de placements de l’appelant est réduit de 2 765,81 $; b) le gain en capital déclaré par l’appelant est réduit de 469,84 $. [12] À tous les autres égards, l’appel est rejeté sans frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 12e jour de juin 2012. Marie‑Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 140 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2975(IT)I INTITULÉ : Hellmut Schmidt c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 30 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Robert A. Neilson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 141
TCC
2,012
Hennig c. La Reine
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2012-04-27
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30786/index.do
2022-09-04
Hennig c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-27 Référence neutre 2012 CCI 141 Numéro de dossier 2011-1225(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1225(IT)I ENTRE : SIGNA HENNIG, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu à Edmonton (Alberta), le 12 décembre 2011. Devant : L'honorable juge J. M. Woods Comparutions : Représentant de l'appelante : M. Ronald J. Agar Avocat de l'intimée : Me Gregory Perlinski ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et dont l'avis porte le numéro 714144 est rejeté. Chaque partie assume ses propres dépens. Signé à Ottawa (Ontario), ce 27e jour d'avril 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 141 Date : 20120427 Dossier : 2011-1225(IT)I ENTRE : SIGNA HENNIG, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Woods [1] Il s'agit de savoir en l'espèce si Signa Hennig a, à juste titre, fait l'objet d'une cotisation fondée sur l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne des dividendes qui lui ont été versés par une société qui avait une dette fiscale impayée. [2] La somme en litige, excluant l'intérêt, s'élève à 22 230,02 $. [3] À titre préliminaire, au début de l'audience, j'ai soulevé la question de savoir s'il n'y avait pas lieu d'entendre l'appel sous le régime de la procédure générale plutôt que de la procédure informelle, compte tenu du fait que la somme en litige est supérieure à 12 000 $. Avec le consentement des parties, j'ai ordonné que la procédure générale s'applique à l'appel. [4] Les hypothèses de fait formulées par le ministre du Revenu national lorsqu'il a établi la cotisation sont reproduites ci‑dessous. Ces faits ne sont pas contestés. [TRADUCTION] 13. Pour établir le montant de la dette fiscale de l'appelante au titre de la dette fiscale de la société, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes : a) Hennig Trucking Ltd (la « société ») était une entreprise de camionnage; b) l'époux de l'appelante est décédé le 9 décembre 1992; c) l'appelante a continué d'exploiter la société pendant environ dix ans; d) l'appelante détenait l'ensemble des actions de la société au cours des exercices ayant pris fin le 31 mars 2001 et le 31 mars 2002; e) la société a mis fin à ses activités en 2002 et un dividende de 108 000 $ a été versé à l'appelante; f) au moment où elle a versé le dividende à l'appelante, la société était endettée envers le ministre au titre de l'impôt sur le revenu des sociétés, comme il est indiqué à l'annexe A ci‑jointe; g) aucune contrepartie n'a été donnée par l'appelante au titre du dividende de 108 000 $. Analyse [5] Les exigences techniques permettant de retenir la responsabilité d'une personne suivant l'article 160 sont remplies en l'espèce compte tenu des hypothèses formulées par le ministre, lesquelles n'ont pas été contestées par Mme Hennig. [6] Ronald Agar, l'expert‑comptable qui a représenté Mme Hennig à l'audience, soutient que la cotisation est prescrite parce qu'elle a été établie après l'expiration du délai de prescription de trois ans. [7] L'intimée fait valoir que le délai de prescription ne s'applique pas aux cotisations fondées sur l'article 160 : Canada c. Addison & Leyen Ltd., [2007] 2 R.C.S. 793, 2007 CSC 33. [8] Je suis d'accord avec l'intimée sur ce point et je renvoie au paragraphe 9 de l'arrêt Addison & Leyen : 9 Toutefois, nous estimons qu'il n'était pas possible de recourir au contrôle judiciaire compte tenu des faits en cause. Comme l'a souligné le juge Rothstein, l'interprétation que la majorité de la Cour d'appel fédérale donne à l'art. 160 équivaut à ajouter dans cette disposition un délai de prescription qui n'y figure tout simplement pas. Le ministre peut en tout temps établir une cotisation à l'égard d'un contribuable. Selon le juge Rothstein : Même si dans le sens retenu par les juges majoritaires, le paragraphe 160(1) peut être considéré comme un moyen de recouvrement draconien, il vise aussi une cible précise. Il ne vise que les transferts de biens à des personnes se trouvant dans des relations ou des situations particulières, et seulement lorsque le transfert est en contrepartie d'une valeur inférieure à la juste valeur marchande des biens transférés. Comme le paragraphe 160(1) s'applique dans des circonstances précises et limitées, l'intention du législateur n'est pas obscure. Le législateur voulait que le ministre puisse recouvrer les montants transférés dans ces circonstances limitées afin de régler l'obligation fiscale du premier contribuable, auteur du transfert. Compte tenu des circonstances entourant de telles transactions, il est clair que le législateur souhaitait qu'il n'y ait pas de délai de prescription ni aucune autre condition applicable au moment de l'établissement de la cotisation par le ministre. [par. 92] [9] Monsieur Agar affirme en outre que la cotisation ne tient pas compte de certaines dépenses d'entreprise que Mme Hennig a réglées au moyen du dividende. [10] Cet argument doit aussi être rejeté. Pour justifier une réduction de la cotisation, il faut établir que le dividende était moindre que le montant visé par la cotisation. Cela n'a pas été fait. Il convient également de signaler que Mme Hennig n'a pas réussi à prouver que le montant visé par la cotisation excédait la partie du dividende ayant servi à des fins personnelles. [11] Selon M. Agar, la cotisation doit être annulée parce que les actes de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») étaient injustes. [12] Dans son témoignage, M. Agar a déclaré qu'il avait supposé que l'ARC avait accepté de régler le litige lorsqu'elle avait encaissé un chèque par suite d'une offre de règlement. Il semble qu'il ait commis une erreur en faisant cette supposition. [13] Monsieur Agar soutient en outre que la conduite de l'ARC était injuste parce qu'elle a refusé de remettre l'argent à Mme Hennig après la découverte de l'erreur. Par suite de ce refus, de l'intérêt a couru sur l'argent emprunté pour financer le paiement. L'ARC a également refusé de renoncer à l'intérêt malgré la demande qui lui a été faite en ce sens. [14] À la lumière de la preuve limitée dont je suis saisie, les circonstances en l'espèce paraissent dignes de compassion. Mme Hennig a dû exploiter l'entreprise de camionnage de son époux après le décès de celui‑ci. Elle n'était pas en mesure de le faire et l'entreprise en a subi les contrecoups. J'ajouterais qu'il ne s'agit pas d'une affaire où le revenu a été déclaré en partie seulement. La déclaration de revenus a été établie par un comptable agréé et le revenu a été déclaré. [15] Malheureusement pour Mme Hennig, la Cour n'a pas le pouvoir discrétionnaire d'annuler une cotisation pour des raisons liées à l'équité, peu importe à quel point la situation suscite de la compassion. [16] À l'audience, j'ai donné aux parties un certain temps pour tenter de régler l'appel. Comme aucun règlement n'a été conclu, l'appel doit être rejeté. Signé à Ottawa (Ontario), ce 27e jour d'avril 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 141 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1225(IT)I INTITULÉ : Signa Hennig c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L'AUDIENCE : Edmonton (Alberta) DATE DE L'AUDIENCE : Le 12 décembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge J. M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 27 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l'appelante : M. Ronald J. Agar Avocat de l'intimée : Me Gregory Perlinski AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 142
TCC
2,012
Bydeley c. La Reine
fr
2012-04-30
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Bydeley c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-30 Référence neutre 2012 CCI 142 Numéro de dossier 2011-622(IT)I Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-622(IT)I ENTRE : DIANNE-MARIE BYDELEY, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 11 janvier 2012, à Hamilton (Ontario). Devant : L’honorable juge Paul Bédard Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Steve Bydeley Avocate de l’intimée : Me Alisa Apostle ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Traduction certifiée conforme ce 22e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 142 Date : 20120430 Dossier : 2011-622(IT)I ENTRE : DIANNE-MARIE BYDELEY, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard Les faits [1] Au cours de l’année d’imposition 2009, Dianne-Marie Bydeley (l’« appelante ») a reçu du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (le « payeur ») un revenu de pension ou de retraite de 43 237,80 $. [2] Le payeur a établi un feuillet T4A, État du revenu de pension, de retraite, de rente ou d’autres sources, pour l’année 2009. [3] Au cours de l’année d’imposition 2009, un montant d’impôt de 5 474,37 $ a été retenu à la source au titre du revenu de pension ou de retraite de 43 237,80 $. [4] L’appelante a déclaré un revenu total de zéro dollar dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2009. [5] Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2009, l’appelante a inscrit seulement un montant de 5 474,37 $ au titre de l’impôt retenu à la source. [6] Dans un avis de cotisation daté du 10 juin 2010, le ministre a établi l’obligation fiscale de l’appelante pour l’année d’imposition 2009 et, ce faisant, il a inclus le revenu de 43 237,80 $ que l’appelante avait reçu du payeur. [7] L’appelante a signifié au ministre un avis d’opposition daté du 16 juin 2010 pour l’année d’imposition 2009. [8] Dans un avis de ratification daté du 3 février 2011, le ministre a confirmé l’obligation fiscale de l’appelante pour l’année d’imposition 2009. [9] Pour déterminer l’obligation de l’appelante au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009, le ministre s’est fondé sur les présomptions de fait suivantes : a) les faits énoncés ci-dessus; b) le fait qu’en 2009, l’appelante résidait au 118 Gracefield Crescent, à Kitchener (Ontario); c) le fait qu’en 2009, l’appelante était une résidente du Canada. La question à trancher [10] La question à trancher est de savoir si le ministre a eu raison d’inclure dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2009 le montant de 43 237,80 $ que reçut l’appelante au titre du revenu de pension ou de retraite au cours de cette année-là. Les arguments des parties Les arguments de l’appelante [11] L’appelante soutient d’abord qu’elle ne devrait pas être tenue responsable en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») sans son consentement explicite. À son avis, la possibilité pour le législateur, en vertu de la LIR, de contraindre un homme ou une femme à payer de l’impôt sans le consentement explicite de cette personne constitue une preuve prima facie d’esclavage. [12] L’appelante ajoute que la « personne physique » n’est pas visée par la définition du mot « personne » énoncée dans la LIR et que, par conséquent, la « personne physique » est exemptée de l’obligation de payer de l’impôt sur le revenu. [13] L’appelante affirme également qu’elle n’a aucune obligation contractuelle valide envers l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») du fait de sa demande de numéro d’assurance sociale (« NAS ») et n’a donc aucun [traduction] « revenu imposable ». À cet égard, l’appelante invoque notamment les trois raisons suivantes : a) lorsque l’appelante a demandé un NAS, elle était mineure et n’avait donc pas la capacité juridique de conclure un contrat; b) l’appelante a été incitée à tort à croire qu’elle ne pouvait pas exercer un emploi sans NAS et a été forcée de conclure un contrat avec l’ARC sous la menace ou l’intimidation, soit le risque de perdre une possibilité d’emploi; c) l’ARC a modifié les conditions ou les détails de ce contrat lorsqu’elle a porté à neuf le numéro à huit chiffres sur la demande sans le consentement de l’appelante. [14] Enfin, l’appelante nie qu’elle était une résidente du Canada pour l’année d’imposition 2009 étant donné que, selon la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, le Canada comprend « les eaux intérieures et la mer territoriale du Canada ». Invoquant la maxime juridique inclusio unius est exclusio alterius, qui signifie que « l’inclusion d’une chose exclut toutes les autres », l’appelante soutient qu’elle n’était pas une résidente du Canada en 2009, étant donné qu’elle ne résidait pas dans l’eau ou sur l’eau. Les arguments de l’intimée [15] L’intimée fait valoir qu’au cours de l’année d’imposition 2009, l’appelante a reçu du payeur un revenu de pension ou de retraite de 43 237,80 $ et que le ministre a eu raison d’inclure ce montant dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2009 conformément à l’article 3 et au sous-alinéa 56(1)a)(i) de la LIR. [16] L’intimée ajoute que l’appelante était une résidente du Canada et qu’elle a touché un revenu imposable au cours de l’année d’imposition 2009, de sorte que le ministre a eu raison d’établir une cotisation à l’égard du montant d’impôt que l’appelante devait sur le revenu en question pour l’année d’imposition 2009 conformément à l’article 2 de la LIR. Analyse Le pouvoir du ministre de faire valoir une obligation fiscale en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu [17] L’appelante demande à la Cour canadienne de l’impôt de protéger son droit souverain et inaliénable de choisir de payer ou non des impôts. [18] Tant la Cour suprême de la Colombie-Britannique que la Cour suprême du Canada ont déjà décidé que la LIR est une loi constitutionnelle qui relève de la compétence du gouvernement fédéral d’adopter des lois exigeant le paiement d’impôts sur le revenu. Comme l’a souligné à juste titre l’avocate de l’intimée, il est bien reconnu dans la jurisprudence que le législateur a le pouvoir d’assujettir les citoyens à des impôts. Les décisions pertinentes sont les suivantes : Caron v. The King, [1924] 4 D.L.R. 105 (C.J.C.P.), confirmant l’arrêt de la C.S.C. publié à (1922), 64 R.C.S. 255; Bruno v. Canada (Customs and Revenue Agency), 2002 BCCA 47; R. v. Klundert (2004), 187 C.C.C. (3d) 417 (C.A. Ont.), pourvoi devant la Cour suprême du Canada rejeté, 2005 CarswellOnt 1118 (C.S.C.). [19] En ce qui a trait à l’argument selon lequel la LIR prône une forme d’esclavage, il m’apparaît suffisant d’examiner la définition du mot « slavery » (esclavage) contenue dans le dictionnaire en ligne Oxford English Dictionary (2012) afin de clarifier la question : [traduction] Esclavage, n. : […] Le fait d’être entièrement assujetti à la domination, au pouvoir ou à l’influence d’une personne. [20] La LIR est une loi adoptée par une assemblée législative dont le pouvoir est exercé par un gouvernement élu de manière démocratique. En conséquence, je ne puis voir le bien-fondé de cet argument. Argument de la « personne physique » [21] L’argument de la « personne physique » a déjà été examiné à maintes reprises par la Cour canadienne de l’impôt, par la Cour fédérale du Canada, par la Cour d’appel fédérale, par les cours supérieures et les cours d’appel des provinces et par bon nombre de cours provinciales. [22] L’appelante n’est manifestement pas la première personne à invoquer l’argument de la « personne physique » et, malheureusement, elle n’est probablement pas la dernière non plus. Je n’ai pas l’intention de m’attarder au raisonnement que les tribunaux ont suivi lorsqu’ils se sont penchés sur cette question; il suffit de dire que tous, sans exception, ont rejeté un argument identique à celui que l’appelante a invoqué dans la présente affaire. [23] Je mentionnerai simplement les décisions suivantes : · Kennedy v. Canada (Customs and Revenue Agency), [2000] O.J. No. 3313 (C.S.J. Ont.) (QL). · M.N.R. v. Camplin, 2007 DTC 5165. · R. v. Lindsay, 2006 BCCA 150, [2006] 3 C.T.C. 146. · Canada (M.R.N.) c. Stanchfield, [2009] A.C.F. no 61 (C.F.) (QL). · M.N.R. v. Stanchfield, 2009 DTC 5050 (C.F.). · Hovey Ventures Inc. v. The Queen, 2007 DTC 617. · Kion c. La Reine, 2009 CCI 447. · Canada v. Galbraith, 2001 BCSC 675. · R. v. Dick, 2003 BCPC 13. · R. v. Carew, [1992] B.C.J. No. 995 (C.S. C.-B.) (QL). · R. c. Sullivan, [1991] 1 R.C.S. 489. · PPG Industries Canada Ltd. v. Canada (Attorney General), [1983] B.C.J. No. 2260 (C.A. C.-B.) (QL). [24] À mon avis, l’argument de la « personne physique » est sans fondement. Comme l’a dit le juge P.R. Meyers, [traduction] « il ne serait pas utile de répéter la même analyse et le même raisonnement que ceux qu’ont invoqués les autres tribunaux. Je ne ferais qu’exprimer dans mes propres mots les opinions que ces tribunaux ont déjà exposées de façon plus éloquente. La phrase qui résume le mieux ma conclusion et ma décision est la suivante : “je suis d’accord” ». Voir R. c. Sydel, [2006] 5 C.T.C. 88, au paragraphe 9. Définition du terme « Canada » dans la Loi d’interprétation [25] Malgré l’existence du mot « includes » (« font partie » dans la version française) dans la version anglaise de la définition du mot « Canada » énoncée dans la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, l’appelante soutient que le territoire du Canada se limite à ses eaux intérieures et à sa mer territoriale. [26] Il convient d’abord de souligner que l’article 12 de la Loi d’interprétation est ainsi libellé : Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. [27] La thèse de l’appelante ne tient pas compte du fait que, selon son sens ordinaire, le « Canada » s’entend d’abord et avant tout de ses terres et que la définition législative a pour but d’élargir ce sens de façon à englober également les eaux intérieures et la mer territoriale du Canada. [28] La thèse de l’appelante selon laquelle, pour l’application de la LIR, l’Ontario ne fait pas partie du Canada n’est tout simplement pas défendable. Principes fondamentaux de l’obligation fiscale au Canada [29] L’appelante ajoute qu’elle n’avait aucune obligation contractuelle fondée sur son NAS envers l’ARC et qu’elle n’a donc touché aucun revenu imposable pour l’année d’imposition 2009. [30] La juge Sheridan a été saisie de faits similaires dans la décision Tuck c. R., [2008] 1 C.T.C. 2598, où les appelants ont également contesté les cotisations établies à leur égard en invoquant, notamment, le fait qu’ils n’avaient jamais demandé de NAS et que, par conséquent, les cotisations en question n’étaient pas valides. [31] Appelée à trancher une requête en radiation de l’avis d’appel, la juge Sheridan a conclu que cet argument était sans fondement et souligné qu’il est bien établi dans la jurisprudence que le législateur a le pouvoir d’assujettir les citoyens à des impôts. Voir la décision Tuck, précitée, aux paragraphes 7 et 10. [32] Alors que d’autres pays exigent de l’impôt sur le revenu en fonction de la citoyenneté, du domicile ou de l’obtention d’un numéro analogue au NAS, le principal fondement de la responsabilité imposée par la LIR au titre de l’impôt sur le revenu est la résidence. [33] La personne qui est un résident du Canada au cours d’une année d’imposition est assujettie à l’impôt canadien sur ses revenus de toute provenance. Voir le paragraphe 2(1) de la LIR. [34] Pour déterminer l’obligation de l’appelante au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009, le ministre s’est fondé sur la présomption de fait selon laquelle l’appelante était une résidente du Canada en 2009. [35] Il est bien reconnu en droit que, pour établir les cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions et que la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable. L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie. Voir l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, aux paragraphes 91 à 94. [36] Dans la présente affaire, je ne puis voir comment l’appelante a réussi à s’acquitter de cette charge de preuve initiale. [37] L’appelante a admis qu’elle avait une habitation au 118 Gracefield Crescent, à Kitchener (Ontario) au cours de l’année d’imposition 2009. Voir le témoignage de Dianne-Marie Bydeley, aux pages 2 et 34 de la transcription. [38] De plus, l’appelante n’a pas présenté en l’espèce le moindre type d’élément de preuve susceptible de démontrer, à première vue, qu’elle n’était pas une résidente du Canada au cours de l’année d’imposition 2009. Conclusion [39] En conclusion, l’appelante a reçu du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario un revenu de pension ou de retraite de 43 237,80 $ au cours de l’année d’imposition 2009. [40] En conséquence, le ministre a eu raison d’inclure le montant de 43 237,80 $ dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2009, conformément à l’article 3 et au sous-alinéa 56(1)a)(i) de la LIR. [41] Le ministre a également déterminé correctement l’obligation de l’appelante au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 conformément au paragraphe 2(1) de la Loi. [42] Pour les motifs exposés ci-dessus, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Traduction certifiée conforme ce 22e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 142 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-622(IT)I INTITULÉ : DIANNE-MARIE BYDELEY c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Hamilton (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 janvier 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : Le 30 avril 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Steve Bydeley Avocate de l’intimée : Me Alisa Apostle AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 143
TCC
2,012
Bergeron c. La Reine
fr
2012-04-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30790/index.do
2022-09-04
Bergeron c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-04-30 Référence neutre 2012 CCI 143 Numéro de dossier 2011-1191(IT)I Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1191(IT)I ENTRE : PIERRE BERGERON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 16 avril 2012, à Montréal (Québec) Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Pour l'appelant : l'appelant lui-même Représentante de l'intimée : Mme Nancy Azzi, stagiaire en droit ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2009 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2012 CCI 143 Date : 20120430 Dossier : 2011-1191(IT)I ENTRE : PIERRE BERGERON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] En l’espèce, la question en litige est de savoir si l’appelant, dans le calcul de son revenu, peut déduire une somme de 19 200 $ (déclarée à titre de pension alimentaire) qu’il a versée à sa conjointe en 2009. [2] L’appelant et madame Linda Dufour vivent séparés depuis le 1er décembre 2008 et sont aujourd’hui divorcés. [3] Selon le consentement à jugement sur les mesures accessoires déposé à la Cour supérieure du Québec et signé par l’appelant et madame Dufour en date du 25 septembre 2009 et du 2 octobre 2009 (voir pièce I‑1), il fut notamment convenu de ce qui suit : · à titre de somme globale, l’appelant paiera à son ex‑conjointe la somme de 19 200 $ que cette dernière reconnaît avoir déjà reçu; · à titre de frais, l’appelant paiera à son ex‑conjointe la moitié des honoraires qu’elle aura à assumer, jusqu’à concurrence de 1 500 $; · l’appelant s’engage à transférer à son ex‑conjointe, dans les trente jours du prononcé du jugement à intervenir, la somme de 64 879,52 $ représentant la moitié de la valeur du REER accumulé par l’appelant et son ex‑conjointe; · l’ex‑conjointe reconnaît avoir reçu la somme de 87 500 $, soit la moitié de la valeur de la résidence familiale établie par les parties; · le consentement indique que l’exécution complète du transfert de la somme de 64 879,52 $ constitue une quittance complète et finale de tous droits et recours en réclamation, entre autres, au titre d’une prestation compensatoire, d’une somme globale, du partage des biens, du partage du patrimoine familial et d’une pension alimentaire pour l’ex‑conjointe. [4] L’appelant s’est acquitté du paiement de la somme de 19 200 $ en effectuant trois paiements, soit 5 000 $, 10 000 $ et 4 200 $, lesquels ont été encaissés par l’ex‑conjointe entre le 13 juillet et le 6 août 2009. [5] En l’espèce, pour que l’appelant puisse déduire la somme de 19 200 $, celle‑ci doit constituer une pension alimentaire au sens donné à cette expression au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). La définition de cette expression est ainsi rédigée : «pension alimentaire» Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas : a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit; b) le payeur est légalement le père ou la mère d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province. [6] L’intimée soutient que l’appelant ne peut déduire les trois paiements totalisant 19 200 $ parce qu’ils ne répondent pas à la définition de « pension alimentaire » au sens de la Loi, en ce sens que les paiements dont la déduction est demandée n’étaient pas payables à titre d’allocations périodiques. L’intimée soutient, en s’appuyant sur les critères suivants, élaborés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt McKimmon c. Le ministre du Revenu national, [1990] 1 C.F. 600, que les trois paiements forfaitaires constituent plutôt des sommes payées à titre de capital : [10] Voici certaines considérations dont on peut légitimement tenir compte, me semble-t-il, pour en arriver à une telle décision. Il ne s'agit évidemment pas d'une liste exhaustive. [11] 1. L'intervalle auquel les paiements sont effectués. Les sommes qui sont versées une fois par semaine ou une fois par mois peuvent facilement être qualifiées d'allocations d'entretien. Lorsque les paiements sont effectués à des intervalles plus longs, la question devient moins claire. Même si ce n'est pas impossible, il me paraîtrait difficile de considérer comme des allocations d'entretien des paiements faits à des intervalles plus longs qu'une année. [12] 2. Le montant des paiements par rapport au revenu et au niveau de vie du débiteur et du bénéficiaire. Lorsqu'un paiement représente une partie très importante du revenu d'un contribuable ou même l'excède, il est difficile de considérer un tel paiement comme une allocation d'entretien. Par ailleurs, lorsqu'un paiement ne dépasse pas ce qui serait censé être nécessaire au maintien du niveau de vie du bénéficiaire, il sera plus probablement admissible à titre d'allocation. [13] 3. Les paiements portent-ils intérêt avant leur date d'échéance? On associe plus souvent l'obligation de payer des intérêts à une somme forfaitaire payable par versements qu'à une véritable allocation d'entretien. [14] 4. Les sommes en question peuvent-elles être payées par anticipation au gré du débiteur ou peuvent-elles être exigibles immédiatement à titre de pénalité au gré du bénéficiaire en cas de défaut de paiement? Les dispositions en matière de paiements anticipés et d'exigibilité immédiate sont d'habitude associés à l'obligation de payer des sommes à titre de capital et non à une allocation d'entretien. [15] 5. Les paiements permettent-ils au bénéficiaire d'accumuler un capital important? Ce ne sont manifestement pas tous les paiements à titre de capital qui sont exclus d'une allocation d'entretien: l'expérience indique qu'à titre d'exemples des primes d'assurance-vie et des paiements hypothécaires mensuels réunis, même s'ils permettent une accumulation de capital au cours des années, constituent des frais normaux de subsistance qui sont payés sur le revenu et peuvent faire partie d'une allocation d'entretien. D'autre part, une telle allocation ne devrait pas permettre l'accumulation, sur une brève période, d'un capital important. [16] 6. Les paiements sont-ils censés continuer pendant une période indéfinie ou être d'une durée fixe? Une allocation d'entretien fera habituellement en sorte que ces paiements seront effectués pendant une période indéfinie ou jusqu'à l'arrivée d'un événement (par exemple la majorité d'un enfant) qui modifiera de façon importante les besoins du bénéficiaire. Les sommes payables pendant une durée fixe peuvent au contraire être plus facilement considérées comme un capital. [17] 7. Les paiements convenus peuvent-ils être cédés et l'obligation de payer subsiste-t-elle pendant toute la vie du débiteur ou du bénéficiaire? Une allocation d'entretien est habituellement versée à la personne même du bénéficiaire; elle est par conséquent incessible et prend fin à son décès. Une somme forfaitaire ou un capital, au contraire, fera normalement partie de la succession du bénéficiaire, elle peut donc être cédée et subsistera après son décès. [18] 8. Les paiements sont-ils censés libérer le débiteur de toute obligation future de verser une pension alimentaire? Dans l'affirmative, il est plus facile de considérer les paiements comme l'échange ou l'achat du coût en capital d'une allocation d'entretien. [7] L’appelant allègue essentiellement que le montant de 19 200 $ représente une pension alimentaire de 800 $ par mois étalée sur une période de 24 mois. [8] En l’espèce, la somme de 19 200 $ a été versée en trois paiements, soit 5 000 $, 10 000 $ et 4 200 $, encaissés par l’ex‑conjointe entre le 13 juillet et le 6 août 2009. Une fois les 19 200 $ versés, l’appelant a été libéré de toute réclamation future au titre d’une pension alimentaire pour conjoint. Par conséquent, je conclus que la somme de 19 200 $ ne constituait pas une « allocation périodique » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi. Il ne s’agissait pas d’une pension alimentaire, mais plutôt d’une somme payée à titre de capital qui n’est pas déductible par l’appelant. Un montant forfaitaire versé dans une année d’imposition est admissible à titre d’allocation périodique lorsque l’on peut démontrer que le paiement forfaitaire représente des montants payables périodiquement qui n’étaient dus qu’après la date de l’ordonnance ou de l’accord écrit et qui étaient en souffrance. En l’espèce, l’appelant n’a pas fait une preuve satisfaisante que la somme de 19 200 $ représentait des montants payables périodiquement qui n’étaient dus qu’après la date d’une ordonnance ou d’un accord écrit et qui étaient en souffrance. [9] Pour ces motifs, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard RÉFÉRENCE : 2012 CCI 143 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1191(IT)I INTITULÉ DE LA CAUSE : PIERRE BERGERON ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 16 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : le 30 avril 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : l'appelant lui-même Représentante de l'intimée : Mme Nancy Azzi, stagiaire en droit AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 145
TCC
2,012
Bouchard c. M.R.N.
fr
2012-06-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30823/index.do
2022-09-04
Bouchard c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-05 Référence neutre 2012 CCI 145 Numéro de dossier 2011-2718(EI), 2011-2719(EI) Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011-2718(EI) ENTRE : ODETTE BOUCHARD, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Forage Val-Brillant Inc. et Serge Fournier (2011-2719(EI), le 1er mars 2012, à Rimouski (Québec). Devant : L'honorable juge François Angers Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Éric Tremblay Avocat de l'intimé : Me Gabriel Girouard ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103 de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée, selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Dossier : 2011-2719(EI) ENTRE : FORAGE VAL-BRILLANT INC. ET SERGE FOURNIER, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel d'Odette Bouchard (2011-2718(EI), le 1er mars 2012, à Rimouski (Québec). Devant : L'honorable juge François Angers Comparutions : Avocat des appelants : Me Éric Tremblay Avocat de l'intimé : Me Gabriel Girouard ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103 de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée, selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Référence : 2012 CCI 145 Date : 20120605 Dossiers : 2011-2718(EI), 2011-2719(EI) ENTRE : ODETTE BOUCHARD, FORAGE VAL-BRILLANT INC. ET SERGE FOURNIER, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune et ils concernent une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») voulant que l'appelante Odette Bouchard n'ait pas occupé un emploi assurable du 1er juin au 22 août 2010 et du 13 septembre au 7 novembre 2010 alors qu'elle était au service de l'appelante Forage Val-Brillant Inc. (le payeur). Le ministre a déterminé que l'appelante et le payeur avaient un lien de dépendance entre eux dans le cadre de cet emploi et qu'il n'était pas raisonnable de conclure, compte tenu des circonstances, que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. [2] Il est admis que l'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Serge Fournier est l'époux de l'appelante et l'unique actionnaire du payeur. Le ministre a tenu compte des hypothèses de fait suivantes : a) l'appelante a été constitué en société le 8 juillet 2004; (admis) b) l'appelante exploitait une entreprise spécialisée dans le domaine du forage de puits de tout genre; (admis) c) l'unique actionnaire de l'appelante travaille à plein temps pour Béton Provincial du lundi au vendredi de 7 h à 16 h; (nié) d) de 2004 à 2009, l'appelante n'a eu aucune activité; (nié) e) pendant la période où l'appelante n'avait aucune activité, la travailleuse faisait les rapports d'impôts de l'appelante ainsi que la réponse invariable et mensuelle aux gouvernements à l'effet qu'aucune remise gouvernementale ne serait faite; (admis) f) la travailleuse prenait environ 2 semaines pour faire les rapports d'impôt de l'appelante et n'était pas payée pour faire ce travail; (nié) g) en 2010, l'appelante a obtenu un contrat avec Marzcorp Oil and Gaz afin d'effectuer le nettoyage d'un puits d'une profondeur de 480 pieds; (nié) h) en 2010, l'appelante n'a eu que ce seul contrat qui lui a rapporté la somme de 128 500 $; (nié) i) le chantier de ce contrat était situé dans le bois et était accessible par un chemin forestier. Aucune communication téléphonique ou par radio n'était possible; (nié) j) pour faire ce contrat, l'appelante avait un loader, des soudeuses, un lift, une génératrice et 2 roulottes; (nié) k) pour exécuter ce contrat, l'appelante a embauché 4 employés, soit un contremaître, Régis Sirois, 2 soudeurs, Réjean Sirois et William Angell et la travailleuse; (admis) l) Bernard Gagnon, actionnaire de Marzcorp Oil and Gaz inc., se rendait sur les lieux du chantier presqu'à chaque jour et arrêtait le soir à la résidence de Serge Fournier pour parler du travail en cours; (nié) m) les bureaux de l'appelante étaient situé à la résidence de l'actionnaire de l'appelante et de la travailleuse; (admis) n) avant d'être à l'emploi de l'appelante pendant les périodes en litige, la travailleuse était sans emploi; (admis) o) les principales fonctions de la travailleuse étaient liées à des travaux de teneur de livre, car elle devait monter les factures, faire les paies, les remises gouvernementales, les relevés d'emploi, les feuillets T4, les fins de mois, les dépôts bancaires, et à l'occasion elle devait faire l'achat de pièces et transiger avec les 2 fournisseurs du matériel loué et rédiger des comptes rendus aux 15 jours à la demande du client de l'appelante; (nié) p) toutes les décisions étaient prises par l'unique actionnaire de l'appelante; (admis) q) les heures de travail de la travailleuse étaient de 5 ou 6 heures jusqu'à 16 heures ainsi que les soirs et les fins de semaine au besoin; (nié) r) la travailleuse travaillait 8 heures par jour et au minimum 5 jours par semaine; (nié) s) les heures travaillées par la travailleuse et par les autres employés de l'appelante n'étaient pas inscrites dans un registre; (admis) t) la travailleuse était toujours payée pour 50 heures de travail par semaine peu importe le nombre d'heures réellement travaillées; (admis) u) en fait l'appelante respectait les règles établies par la Commission des normes du travail en versant à ses employés leur salaire régulier pour 40 heures et le reste en temps et demi; (admis) v) cette façon de faire donnait à la travailleuse un taux horaire de 16,50 $ puisqu'elle recevait toujours le même montant, soit 907,50 $ plus son 4 % de vacance qui pour la première période de travail lui a été versé à la fin de ladite période, alors que pour la deuxième période de travail le 4% de vacance lui était versé à chaque paie; (admis) w) les différentes périodes d'embauche en 2010 des travailleurs de l'appelante sont les suivantes : (admis) Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre La travailleuse X X Fin le 22 Début 13 X Fin le 7 Réjean Sirois Du 1er au 27 Début 21 Fin le 1er Début 13 X Fin le 14 Régis Sirois X X Fin le 1er Début 13 Fin le 10 S/O William Angell X Fin le 22 S/O S/O S/O S/O x) du 1er août au 22 août 2010, soit pendant 3 semaines, la travailleuse a été maintenue à l'emploi de l'appelante, alors que l'appelante avait été obligée d'arrêter le chantier dès le 1er août; (admis) y) pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi, la travailleuse devait obtenir 910 heures assurables; (admis) z) les périodes en litige totalisent exactement 20 semaines d'emploi; (nié) aa) si l'appelante avait considéré 40 heures par semaine travaillées par la travailleuse pendant 20 semaines d'emploi, la travailleuse n'aurait pas accumulé suffisamment d'heures de travail pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi; (nié) bb) la travailleuse était systématiquement payée pour 10 heures de temps supplémentaire chaque semaine; (admis) cc) le 25 août 2010, l'appelante remettait à la travailleuse un relevé d'emploi qui indiquait comme premier jour de travail le 1er juin 2010 et comme dernier jour de travail le 22 août 2010 et le nombre d'heures assurables étaient de 580 et la rémunération assurable était de 10 989,60 $; (admis) dd) le 18 novembre 2010, l'appelante remettait à la travailleuse un relevé d'emploi qui indiquait comme premier jour de travail le 13 septembre 2010 et comme dernier jour de travail le 7 novembre 2010 et le nombre d'heures assurables étaient de 400 et la rémunération assurable était de 7 550,40 $; (admis) ee) les relevés d'emploi de la travailleuse ne sont pas conformes au besoin opérationnel de l'appelante quant à la première période de travail et à la réalité quant aux heures réellement travaillées; (nié) [3] Serge Fournier travaille pour Béton Provincial depuis 22 ans. Résident de Ste-Paule, il doit se rendre à Matane (Québec) où est située l'usine de son employeur. Ses heures de travail sont de 6 h à 16 h et il est presque impossible de le rejoindre lorsqu'il est au travail. Il est aussi actionnaire du payeur. [4] Le payeur a eu un contrat en 2004 et ce n'est qu'en 2010 qu'il en a obtenu un autre. Le 30 avril 2010, le payeur a conclu une entente avec Marzcorp Oil & Gas Inc. (« Marzcorp ») dans le but de faire le nettoyage et des travaux d'évaluation d'un puits d'une profondeur de 4 700 pieds, et non de 480 pieds comme l'a supposé le ministre au paragraphe g). Le coût des travaux du contrat s'élevait à 552 003,90 $. Une entente écrite a été produite, mais seul le payeur l'a signée. [5] Puisque M. Fournier travaillait à plein temps, le payeur avait besoin de quelqu'un pour s'occuper de l'administration. L'appelante détient un diplôme de technicienne en administration, et puisqu'elle avait déjà fait ce travail pour le payeur en 2004, elle était tout à fait la personne désignée. Sa description de tâches se trouve à la pièce A-3, mais qu'il me suffise de dire qu'elle devait être présente au travail 40 heures par semaine et devait travailler les soirs et les fins de semaine au besoin. Elle était la réceptionniste et devait être le lien entre les travailleurs du chantier et le payeur et faire toute la comptabilité (états, dépôts, etc.). Elle effectuait ce travail dans un bureau situé dans la résidence qu'elle partageait avec M. Fournier. Elle devait aussi rencontrer chaque jour le représentant de Marzcorp. [6] Pour effectuer les travaux, le payeur a embauché un contremaître et deux autres hommes à tout faire. Le contremaître était payé 20 $ l'heure pour 60 heures de travail par semaine et les deux hommes, 14,50 $ l'heure pour 72 heures par semaine. Ils recevaient cependant un taux majoré de moitié pour les heures qui excédaient 40 heures par semaine. Le puits en question était situé loin de la civilisation et les employés demeuraient sur place dans des roulottes. Ils n'avaient pas besoin de tenir compte de leurs heures de travail et étaient payés ainsi de façon régulière. [7] De son côté, l'appelante, tout comme les autres employés, n'avait pas à tenir compte de ses heures de travail. Elle était rémunérée 16 $ l'heure pour 40 heures et recevait un taux majoré de moitié pour 10 heures supplémentaire chaque semaine. C'était donc le cas donc pour tous les employés. Dans le cas de l'appelante, elle était payée pour 50 heures par semaine peu importe les heures de travail. Le payeur dit avoir suivi la même méthode que son employeur Béton Provincial. [8] Les travaux ont commencé au début de juin 2010. On constate l'ampleur des travaux grâce aux photos déposées en preuve. Selon l'entente, Marzcorp devait verser 276 001,95 $, soit la moitié du coût total des travaux, mais ne l'a pas fait. Nonobstant cela, le payeur a commencé les travaux, et les paiements de Marzcorp tardaient à venir ou n'étaient que de petits montants. Devant cet état de choses, le payeur a décidé de mettre fin aux travaux à la fin de juillet et de mettre ses employés à pied. Le travail de l'appelante s'est cependant poursuivi pendant trois semaines afin qu'elle puisse compléter son travail de gestion, et surtout continuer les démarches auprès de Marzcorp pour se faire payer. Elle a été mise à pied trois semaines plus tard, soit le 22 août 2010, et le payeur a retiré le matériel du chantier. [9] À la mi-septembre, des représentants de Marzcorp ont convaincu le payeur de reprendre les travaux. Ils ont donc versé des fonds; le chantier a été ouvert de nouveau et les employés ont été embauchés de nouveau. Cela n'a cependant pas duré. Ayant toujours de la difficulté à se faire payer, le payeur a mis fin au contrat. Le chantier a été fermé et ils ont quitté les lieux. L'appelante a terminé son emploi le 7 novembre et le dernier employé, le 14 novembre 2010. [10] L'appelante a reçu deux relevés d'emploi qui indiquent en tout 980 heures de travail. N'eût été du fait que le payeur avait mis fin à son contrat avec Marzcorp, l'appelante aurait travaillé plus longtemps. [11] Le payeur a reçu 128 500 $ de Marzcorp pour son travail. Il a entamé une poursuite devant les tribunaux contre Marzcorp pour les 140 000 $ qui lui seraient encore dus. [12] L'appelante a décrit ses tâches, qui sont beaucoup plus semblables à celles d'un gestionnaire que d'une simple commis. Elle touchait à tout, plus précisément, elle assurait le lien entre le payeur et le représentant de Marzcorp. Ses heures de travail étaient de 7 h à 16 h, et parfois quelques heures plus tard. Le payeur est celui qui a fixé ses heures de travail à 50 heures par semaine et l'appelante en était contente car cela compensait les quelques heures de travail bénévole qu'elle consacrait au payeur chaque année pour faire les déclarations de revenus et d'autres petites tâches administratives. Dans le cas du payeur, cela n'avait rien à voir avec les heures de travail établies. [13] Ce qui a aussi retenu l'attention de l'agent des appels est le fait qu'au moment de la mise à pied des employés à la fin juillet, l'appelante était demeurée en poste pour trois semaines additionnelles avant d'être mise à pied, de sorte que ses heures de travail ne correspondent pas à celles des autres travailleurs. [14] L'agent des appels a aussi dit dans son rapport que l'entente du payeur avec Marzcorp n'a pas été signée par cette dernière, ce qui laisse entendre que l'entente n'est pas valide, et également que les coûts de main-d'œuvre prévus par le payeur n'incluaient pas le poste d'une secrétaire générale. Il a aussi retenu que l'appelante travaillait pour le payeur à d'autres moments que pendant la période en cause, pendant environ deux semaines par année sans être rémunérée. Il a conclu que le payeur et l'appelante ont décidé de compenser le travail non rémunéré, ce qui expliquerait pourquoi elle était payée pour 50 heures par semaine. Il a également conclu que quoique le taux horaire soit en-dessous des normes, l'appelante a reçu 47 000 $ durant l'année, ce qui est supérieur au salaire de 32 000 $ pour un travail comparable, selon l'Institut de la statistique du Québec. [15] Le rôle de la Cour en ce qui concerne la décision du ministre est de vérifier si les faits sur lesquels reposent les hypothèses du ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus et, après cette vérification, la Cour doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable (voir Légaré c. Canada, 1999 CanLII 8105 (CAF)). Le rôle du juge a aussi été défini par la Cour d'appel fédérale dans Pérusse c. Canada, 2000 CanLII 15136, au paragraphe 15, et je cite : Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner. Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours « raisonnable »" (le mot du législateur). La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus. Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux. [16] Je tiens d'emblée à préciser que la crédibilité de l'appelante et de son conjoint n'est pas en cause. Les deux ont témoigné avec candeur et ont présenté les faits sans nuancer quoi que ce soit. [17] Le payeur ayant obtenu un contrat de Marzcorp, il devait respecter les obligations qu'il avait acceptées. En plus des employés nécessaires au chantier, le payeur avait besoin d'un gestionnaire pour voir à l'administration. Monsieur Fournier, le conjoint de l'appelante et l'unique actionnaire du payeur, est, de son propre aveu, inhabile en administration qu'il qualifie de paperasse, et devait avoir recours aux services de quelqu'un pour s'occuper de cet aspect. De plus, il occupait un travail à temps plein qui faisait qu'il était difficile à rejoindre. Il a donc retenu les services de l'appelante, laquelle possédait, de toute évidence, les compétences nécessaires pour effectuer ce travail. Selon le payeur, il lui aurait fallu deux employés pour remplacer l'appelante. Compte tenu des qualités de gestionnaire de l'appelante et du fait que son travail est administratif, l'importance de son travail est évidente. [18] Les services de l'appelante étaient rémunérés 16 $ l'heure. L'agent des appels a admis à l'audience que ce taux horaire était inférieur aux normes selon l'institut de la statistique du Québec. Il a cependant dit que puisque l'appelante travaillait pendant 50 heures par semaine, son salaire était de beaucoup supérieur au salaire normal pour un travail comparable. Cela s'explique évidemment par les 10 heures de travail additionnelles par semaine pour lesquelles elle était rémunérée. Il est vrai que ces 50 heures par semaine peuvent être suspectes mais, dans les circonstances, monsieur Fournier a expliqué les conditions d'emploi et celles des travailleurs qui n'avaient pas de lien de dépendance. Il faut aussi reconnaître que ces conditions étaient aussi celles des autres employés du payeur et que personne finalement ne tenait compte de ses heures de travail. On estimait que les heures de travail étaient de 50 par semaine pour l'appelante et de 60 à 72 pour les autres employés, au taux normal pour 40 heures et à un taux majoré de moitié pour les heures supplémentaires. Dans les circonstances, les 50 heures de travail par semaine de l'appelante deviennent moins suspectes. [19] J'accepte l'explication de l'appelante lorsqu'elle témoigne que les dix heures supplémentaires par semaine ne visaient pas à compenser le travail bénévole effectué à d'autres moments que pendant la période en cause. Il s'agissait pour elle d'une sorte de compensation, mais ce n'était pas réellement le cas. Monsieur Fournier a d'ailleurs été très clair sur cette question. Le travail effectué à d'autres moments était la préparation de la déclaration de revenus et de la déclaration annuelle de la société; ces tâches n'exigeaient pas deux semaines de travail, comme l'a conclu l'agent des appels. L'appelante a fait ce travail bénévolement. [20] Dans son analyse, l'agent des appels a également conclu que les 50 heures par semaine pour lesquelles l'appelante était rémunérée lui ont permis d'avoir droit à l'assurance-emploi. Elle a travaillé pendant 980 heures et avait besoin de 910 heures pour avoir droit à l'assurance-emploi. Si elle avait été rémunérée pour 40 heures par semaine, elle n'y aurait pas eu droit. À mon avis, ce dont l'agent des appels n'a pas tenu compte est le fait que le payeur a dû mettre fin à son contrat à mi-chemin pour non-paiement et que, n'eût été de cette situation, le travail de l'appelante ne se serait pas terminé à ce moment précis car les travaux en vertu du contrat n'étaient pas terminés. Il n'est donc pas exact de conclure que la durée de l'emploi de l'appelante visait à lui permettre d'obtenir l'assurance-emploi. [21] L'agent des appels a préparé sur un tableau qui indique les revenus du payeur ainsi que les salaires versés afin de démontrer que le travail de l'appelante n'exigeait pas 50 heures par semaine. À mon avis, il est difficile de faire un lien entre les salaires versés et les revenus du payeur. Il faut se rappeler qu'en l'espèce, le payeur avait beaucoup de difficultés à se faire payer et qu'il devait, malgré tout, payer ses employés en espérant que Marzcorp respecte son engagement. Il faut se rappeler que l'agent des appels a tenu pour acquis que le contrat du payeur avec Marzcorp n'était pas valide parce que Marzcorp ne l'avait pas signé. Il a donc accordé peu d'importance au contrat et semblait comparer les revenus du payeur à des revenus de vente. [22] L'agent des appels, à mon avis, a minimisé l'ampleur du contrat du payeur avec Marzcorp. Il y avait beaucoup plus de matériel au chantier qu'il croyait et il s'agissait d'un contrat de 552 003,90 $ et non de 128 500 $ comme l'indique le paragraphe h) des hypothèses de fait. La profondeur du puits est de 4 700 pieds et non de 480 pieds comme l'indique le paragraphe g). [23] Après avoir tenu compte des témoignages du payeur et de l'appelante et des faits établis lors de l'audience, j'en arrive à la conclusion, avec déférence que la décision du ministre en l'espèce n'est pas raisonnable. Les modalités de cet emploi, sa durée, sa rémunération, sa nature et son importance font en sorte qu'il est raisonnable de conclure que des conditions semblables auraient existé entre deux parties sans lien de dépendance. L'appel est accueilli. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers RÉFÉRENCE : 2012 CCI 145 Nº DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-2718(EI) 2011-2719(EI) INTITULÉS DES CAUSES : Odette Bouchard c. M.R.N. Forage Val-Brillant Inc. & Serge Fournier c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Rimouski (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 1er mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : le 5 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Éric Tremblay Avocat de l'intimé : Me Gabriel Girouard AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelante: Nom : Me Éric Tremblay Cabinet : Tremblay & Tremblay, avocats Matane (Québec) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 148
TCC
2,012
Mercure c. La Reine
fr
2012-05-29
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30818/index.do
2022-09-04
Mercure c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-29 Référence neutre 2012 CCI 148 Numéro de dossier 2011-778(GST)I Juges et Officiers taxateurs Alain Tardif Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2011-778(GST)I ENTRE : CLAUDE MERCURE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 7 février 2012, à Québec (Québec). Devant : L'honorable juge Alain Tardif Comparutions : Pour l'appelant : L’appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Pier-Olivier Julien ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 24 septembre 2009 et porte le numéro 85345 6457 RT001 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif Référence : 2012 CCI 148 Date : 20120529 Dossier : 2011-778(GST)I ENTRE : CLAUDE MERCURE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Tardif [1] Il s’agit d’un appel suite à une décision rejetant une demande de remboursement pour le motif de production en dehors des délais prescrits au paragraphe 256(3) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») qui se lit comme suit : 256.(3) Les remboursements prévus au présent article ne sont versés que si le particulier en fait la demande au plus tard : a) à la date qui suit de deux ans le premier en date des jours suivants : (i) le jour qui suit de deux ans le jour où l’immeuble est occupé pour la première fois de la manière prévue au sous-alinéa (2)d)(i), (ii) le jour où la propriété est transférée conformément au sous‑alinéa (2)d)(ii), (iii) le jour où la construction ou les rénovations majeures de l’immeuble sont achevées en grande partie; b) à toute date postérieure à celle prévue à l’alinéa a), fixée par le ministre. [2] Pour expliquer sa décision, l’intimée a tenu pour acquises les hypothèses de faits suivantes : a) L’appelant a reçu un permis de construction de la ville de Lévis le 9 novembre 2005 pour une durée d’un an et n’a pas demandé de prolongation dudit permis par la suite; b) La conjointe de l’appelant a avisé l’intimée de son changement d’adresse le 1er décembre 2005; c) L’appelant effectue son changement d’adresse pour son permis de conduire le 20 février 2006; d) L’appelant a avisé l’intimée de son changement d’adresse le 27 mars 2006; e) L’appelant admet avoir déménagé dans l’immeuble en avril 2006; f) La conjointe de l’appelant a effectué son changement d’adresse pour son permis de conduire le 8 mai 2006; g) Le ou vers le 25 octobre 2006, l’immeuble situé au 258, rue des mésanges à Saint-Nicolas a été portée au rôle municipal; h) L’appelant a reçu un nouveau compte de taxe municipale d’ajustement pour maison terminée et portée au rôle pour la période du 25 octobre 2006 au 31 décembre 2006; i) Au cours de la vérification effectuée par l’intimée, les factures soumises par l’appelant ont été vérifiées; j) L’intimée a constaté que le coût des travaux du début de la construction jusqu’au 31 décembre 2006 s’élève à 182 572,24 $; k) L’intimée a constaté que le coût des travaux en 2007 s’élève à 2 389,50 $ et représente des achats de pierres extérieures, de moulures ainsi que de céramiques; l) L’intimée a constaté que le coût des travaux en 2008 s’élève à 2 463,20 $ et représente des achats de peinture, de pelouse et de membranes pour l’extérieur; m) L’intimée a constaté que le coût des travaux en 2009 s’élève è 191,60 $ et représente des achats de peinture et de luminaires; n) Par conséquent, les travaux effectués après 2006 étaient minimes et la maison a été achevée en grande partie en décembre 2006. [3] Au soutien de la preuve dont il avait le fardeau, l’appelant a d’abord admis comme étant exacts tous les faits pris pour acquis. Il a expliqué les différentes contraintes qui l’avaient amené à produire sa réclamation. [4] Il s’agissait d’une auto-construction, sa conjointe et lui étant les entrepreneurs ayant exécuté eux-mêmes plusieurs des travaux. Leur planification quant à la réalisation de leur projet s’est vue chambarder lorsqu’ils ont reçu une très bonne offre pour le condo qu’ils occupent. Après avoir accepté l’offre en question, n’ayant pas d’enfants, ils ont décidé de venir occuper les lieux de leur éventuelle résidence, et ce, même si les lieux étaient pratiquement non habitables. S’est ajoutée à cet imprévu, la venue d’un enfant. [5] La venue d’un enfant a fait en sorte qu’ils ont dû intensifier certains travaux de manière à rendre les lieux moins poussiéreux et plus sains pour le bébé, et ce, peut-être, au détriment de travaux un peu plus utiles pour y vivre normalement. Conscient que les travaux ne pouvaient être réalisés suivant une première planification, l’appelant a entrepris de nombreuses démarches auprès des autorités pour éviter que sa demande ne soit disqualifiée pour cause de délais tardifs. [6] La seule question en litige consiste à déterminer si la réclamation de l’appelant était recevable ou non. En d’autres termes, la demande de remboursement a-t-elle été produite dans les délais prescrits? [7] À la lecture des dispositions pertinentes, il est prévu que le début du calcul du délai de remboursement repose sur un état des lieux décrits comme suit : 256.(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois : a) le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d’habitation — immeuble d’habitation à logement unique ou logement en copropriété — ou y fait des rénovations majeures, pour qu’il lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche; b) la juste valeur marchande de l’immeuble, au moment où les travaux sont achevés en grande partie, est inférieure à 450 000 $; c) le particulier a payé la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture par vente, effectuée à son profit, du fonds qui fait partie de l’immeuble ou d’un droit sur ce fonds, ou relativement à la fourniture effectuée à son profit, ou à l’importation par lui, d’améliorations à ce fonds ou, dans le cas d’une maison mobile ou d’une maison flottante, de l’immeuble (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) et aux articles 212 et 218 étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe); d) selon le cas : (i) le premier particulier à occuper l’immeuble après le début des travaux est le particulier ou son proche, (ii) le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble, et la propriété de celui-ci est transférée à l’acquéreur avant que l’immeuble ne soit occupé à titre résidentiel ou d’hébergement. … [8] Le but et les objectifs de ces dispositions législatives sont multiples. On peut notamment mentionner l’encouragement à l’accès à la propriété, la création d’emploi, le soutien aux jeunes familles, etc. [9] À partir de tels objectifs, les dispositions se doivent d’avoir une certaine flexibilité et particulièrement lorsqu’il s’agit d’auto-construction où les intéressés sont particulièrement préoccupés par les coûts. Ils se lancent dans l’aventure par souci d’économie, d’où souvent les délais à déposer leur demande de remboursement; ils veulent, et c’est tout à fait légitime, récupérer le maximum possible. [10] D’autre part, il est normal que des délais soient prévus faute de quoi le programme deviendrait tout à fait ingérable. En l’espèce, l’appelant a soumis des explications qui sont particulières et sympathiques. [11] Dans un projet d’auto-construction, les propriétaires, dont l’appelant et sa compagne, sont généralement plus flexibles et plus tolérants et acceptent des conditions plus difficiles pour l’habitabilité des lieux. Gérant eux-mêmes l’évolution du chantier en exécutant souvent les travaux de finition généralement très dispendieux, les intéressés sont plus ouverts aux contraintes générées par des travaux inachevés. [12] Les conditions d’admissibilité sont certes assujetties à des conditions et des délais. La principale difficulté repose sur l’identification du jour « J ». En effet, les références et critères fournis pour le situer ne sont pas aussi évidents qu’une date d’accident, une journée d’incendie, la date sur un document, etc. Le délai est établi et s’applique selon les termes du paragraphe 256(3) de la LTA. [13] Cette situation fait en sorte d’introduire une certaine subjectivité dans l’évaluation puisque le calcul se fait à partir d’un état des lieux qui ne peut être établi d’une manière absolue. Ainsi, au fil du temps, on a introduit la notion du 90 % des travaux effectués; la mesure n’est pas absolue au point qu’une réclamation puisse être recevable à un jour spécifique et non le jour suivant. [14] Pour arriver à situer dans le temps le moment du début du calcul, on fait référence à une évaluation dans le contexte d’une personne raisonnable. Or, même pour une personne raisonnable, il n’est pas facile de tracer la ligne sur ce que signifie « achevée en grande partie ». Dans un projet d’auto-construction, les intéressés confient souvent le « rough » à des tiers et gardent pour eux-mêmes les travaux de finition généralement plus longs et onéreux. [15] En l’espèce, l’appelant a clairement expliqué le cheminement de son dossier très bien structuré. Il a soumis un dossier dont la qualité est sans reproches. Les explications quant à la date de certaines factures prises en compte par l’intimé sont vraisemblables et très crédibles. [16] Au-delà des explications soumises, l’appelant a fait des admissions dont la portée est déterminante quant à l’issue de l’appel. Pour illustrer la situation, je crois utile de reproduire un extrait du témoignage de l’appelant : TÉMOIGNAGE DE CLAUDE MERCURE (dûment assermenté): SON HONNEUR: Alors Monsieur Mercure, suite à votre contestation et à votre avis d’appel, notamment et particulièrement, il y a eu ce qu’on appelle « la réponse à l’avis d’appel ». M. MERCURE: Exact. SON HONNEUR: À l’intérieur de la réponse à l’avis d’appel, le Ministère a décrit en quelque sorte les faits ou la chronologie des faits sur lesquels il s’est appuyé pour en bout de piste se rendre à la décision avec laquelle vous n’êtes pas d’accord. Si vous permettez, on va faire le tour de ces faits- là et vous allez me dire si vous admettez, ignorez ou contestez la véracité de ce qu’est allégué. Ça va permettre de cibler, en quelque sorte, plus rapidement ce qui est particulièrement litigieux. M. MERCURE: Parfait. SON HONNEUR: Ça va? M. MERCURE: H'm. SON HONNEUR: Alors au paragraphe à la page 3 : « En refusant la demande de remboursement, le Ministère s’est fondé sur les conclusions et les hypothèses de faits suivants... » -- Tel que lu. M. MERCURE: Je vais juste reprendre mon document. SON HONNEUR: Oui. Avez-vous un stylo ou un crayon? M. MERCURE: Oui, bien sûr. SON HONNEUR: À ce moment-là, vous pouvez peut-être prendre des notes en parallèles de manière à ce que... M. MERCURE: Oui. Bien, j’en avais déjà fait--- SON HONNEUR: O.K. M. MERCURE: ---un peu, mais allez-y. SON HONNEUR: Le paragraphe (a), et vous me dites : « Je l’admets », « Je l’ignore » ou « Je le nie ». M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: b)? M. MERCURE: Bien en fait, je les admets tous, si vous voulez gagner du temps là. SON HONNEUR: Oui, mais... M. MERCURE: Très bien, la conjointe, oui, je l’admets. SON HONNEUR: c)? M. MERCURE: Je l’admets aussi. SON HONNEUR: d)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: e)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: f)? M. MERCURE: Je l’admets. g), je l’admets. SON HONNEUR: h)? M. MERCURE: Je l’admets aussi. SON HONNEUR: i)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: j)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: k)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: l)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: m)? M. MERCURE: Je l’admets. SON HONNEUR: Et finalement n)? M. MERCURE: Je l’admets aussi. SON HONNEUR: Et la question en litige, vous êtes conscient de ce sur quoi porte principalement le litige? M. MERCURE: Oui. SON HONNEUR: Je vous écoute. M. MERCURE: Bon. Bien... SON HONNEUR: Maintenant je vous dis là au départ... Je vais vous expliquer très, très, très succinctement la façon dont ça procède. Quand on décide de faire un appel, on assume en quelque sorte ce qu’on peut définir dans notre jargon comme « le fardeau de la preuve ». M. MERCURE: Oui. SON HONNEUR: C'est-à-dire que c’est à vous à relever le fardeau de la preuve et démontrer que vos prétentions sont bien fondées. Suite à votre témoignage la partie adverse peut vous contre-interroger. Si la partie adverse décide de faire entendre des témoins, vous aurez exactement le même droit de contre-interroger. [17] L’appelant est une personne qui comprend bien et vite. Il est très structuré et très bien articulé. De plus, il était bien préparé. Dans un tel contexte je ne peux pas mettre de côté ses admissions qui sont très claires. [18] L’objectif de l’appel de l’appelant est à l’effet que la Cour devrait mettre de côté les dispositions de la Loi. [19] Certes ces mêmes dispositions laissent place à l’interprétation pouvant faire en sorte que le jour fatidique marquant le point de départ du calcul des délais pour prescription peut varier. En l’espèce, l’appelant a fait une admission ne laissant aucune place à l’équivoque ou à l’interprétation. Cette admission situe donc dans le temps clairement le début du temps pour le calcul du délai. [20] La compétence de la Cour a des limites; ces limites sont à l’effet qu’elle doit respecter les dispositions de la Loi. Seul le législateur peut modifier la Loi. L’appelant lui-même a identifié par ses admissions le moment où le calcul du délai a commencé. [21] Conséquemment, l’appel doit être rejeté puisque la réclamation a été déposée après l’expiration du délai prévu par la Loi. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif No DE RÉFÉRENCE : 2012 CCI 148 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-778(GST)I INTITULÉ DE LA CAUSE : CLAUDE MERCURE ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Québec (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Alain Tardif DATE DU JUGEMENT : Le 29 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L’appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Pier-Olivier Julien AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 149
TCC
2,012
Morin c. M.R.N.
fr
2012-05-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30816/index.do
2022-09-04
Morin c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-30 Référence neutre 2012 CCI 149 Numéro de dossier 2010-3907(EI) Juges et Officiers taxateurs Alain Tardif Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2010-3907(EI) ENTRE : SYLVIE MORIN, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 6 février 2012, à Québec (Québec). Devant : L'honorable juge Alain Tardif Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Daniel Payette Avocate de l'intimé : Me Christina Ham ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu de l’alinéa 5(1)a) et le paragraphe 93(3) de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national, en date du 30 septembre 2010 est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif Référence : 2012CCI149 Date : 20120530 Dossier : 2010-3907(EI) ENTRE : SYLVIE MORIN, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Tardif [1] Il s’agit d’un appel relatif à l’assurabilité du travail exécuté par une dame, à titre de gardienne d’un jeune enfant lors de la période allant du 24 août au 31 décembre 2009. L’appelante soutient que le travail en question a été effectué dans le cadre d’un contrat de services alors que l’intimé a conclu que ce même travail avait été effectué dans le cadre d’un contrat de louage de services. [2] L’appel a été initié au moyen d’un avis dont le contenu est le suivant : 1. L’appelante Sylvie Morin est professeur permanente en sciences de l’administration (marketing) à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). 2. Le 1er juin 2009, l’appelante, qui enseignait principalement au campus de Rimouski de cette université depuis 2003, a été transférée au campus de Lévis. 3. L’appelante est la mère d’un enfant, prénommé Louis, qui avait quatorze mois en août 2009 et qui est son premier et seul enfant. 4. À la reprise de la session universitaire d’automne 2009, cet enfant se trouvait en attente de service de garde au CPE L’arc-en-ciel de Lévis aux termes d’une entente en négociation avec l’UQAR donnant préséance d’admission aux enfants des professeurs, des employés et des étudiants de l’UQAR. 5. Comme elle donnait deux cours, de trois heures chacun, à la session d’automne 2009, l’appelante a donc cherché une personne fiable pouvant prendre charge de la garde de son enfant Louis pendant ses heures d’enseignement et de présence à l’université, soit une vingtaine d’heures par semaine en moyenne, réparties sur quatre jours. 6. Le ou vers le 24 août 2009, après avoir reçu quelques offres de services, l’appelante a donc retenu les services de Claire Malenfant dans le cadre d’un contrat de services pour prendre soin de son enfant, de manière occasionnelle et temporaire, dans l’attente de cette admission en garderie. 7. Claire Malenfant n’avait pas de formation scolaire reliée, mais de l’expérience dans les soins des enfants pour avoir élevé les deux siens. 8. Lorsqu’elle a retenu les services de Claire Malenfant, l’appelante a discuté avec elle de savoir si cette dernière préférait un contrat de services ou un contrat de travail. 9. Claire Malenfant a indiqué elle-même qu’elle souhaitait un contrat de services en raison de sa situation personnelle actuelle (elle recevait une pension alimentaire et elle ne voulait pas des déductions à la source d’un employé). 10. L’appelante n’a pas d’entreprise personnelle ni n’est un « employeur ». Sa convention collective lui impose de fournir ses services exclusifs à l’Université et lorsqu’elle utilise pour son enseignement ou ses travaux de recherche l’aide de diverses personnes, ces dernières sont embauchées comme salariés de l’Université. 11. L’appelante recherchait une personne pour lui fournir des services domestiques purement personnels. 12. L’appelante préférait donc aussi être liée à Claire Malenfant par un contrat de services. 13. Les parties se sont donc clairement entendues sur un contrat de services entre elles. 14. Le nombre d’heures par semaine était variable selon le calendrier universitaire (réunions additionnelles, surcroît de travail de l’appelante ou, inversement, semaine de relâche, congés des fêtes). 15. Les parties se sont entendues sur une rémunération hebdomadaire garantie, équivalente à 20 heures de services, payée même si les heures n’étaient pas réellement effectuées. 16. Au-delà de ces vingt heures de services de garde par semaine, Claire Malenfant recevait une majoration en proportion du nombre d’heures de services de garde effectives, laquelle a varié. 17. Il était clairement établi que les services étaient requis de manière temporaire et que l’appelante pouvait en tout temps mettre un terme aux services de Claire Malenfant sans préavis ni indemnité, notamment dès l’entrée de son enfant en garderie. 18. Claire Malenfant devait aussi pouvoir fournir ses services dans différents lieux, savoir chez le père de l’enfant à Lévis, chez elle à son propre domicile, ou chez l’appelante à son domicile de Rivière-Trois-Pistoles, ce à quoi Claire Malenfant avait consenti. 19. Claire Malenfant devait fournir un reçu à chaque vendredi, pour le montant forfaitaire convenu et ses éventuels dépassements, et l’appelante (ou dans certains cas lorsqu’elle était absente le père de l’enfant) lui remettait un chèque personnel en paiement. 20. À la demande expresse de madame Malenfant, on ne prélevait aucune cotisation à aucun régime social, cette dernière souhaitant et devant prendre charge de ses remises d’impôts et autres contributions. Elle n’était couverte par aucun décret, aucune convention collective, ni aucun contrat de travail. 21. L’appelante n’avait aucun « contrôle » sur les services rendus par Claire Malenfant. 22. Par définition, ces services étaient rendus en son absence. 23. Ces services ont finalement toujours été rendus à l’extérieur du domicile de l’appelante, à savoir chez le père de l’enfant qui réside à proximité de son lieu de travail, chez madame Malenfant elle-même, et dans d’autres lieux où cette dernière décidait elle-même, de son propre chef, d’amener l’enfant (chez sa voisine infirmière, dans un restaurant tenu par une amie, chez des amis ayant des enfants). 24. Madame Malenfant était laissée seule avec l’enfant et elle décidait elle‑même de l’horaire et des activités de l’enfant, ainsi que des endroits où l’amener (parc, centre d’achat, etc.). 25. Ces services, rendus sans surveillance, supposaient un niveau très élevé de confiance dans les méthodes d’éducation et de soins dont madame Malenfant décidait elle-même. 26. Les seules instructions que l’appelante pouvait donner étaient de nature générale savoir uniquement les périodes où les fournir et de suivre des consignes usuelles de santé et de sécurité pour un enfant en bas âge (comme ne pas oublier de lui donner la médication qui lui avait été prescrite). 27. Lorsque ses services ont été retenus, madame Malenfant avait indiqué qu’elle n’était pas très bonne en cuisine mais qu’elle pouvait préparer des plats simples pour l’enfant. Or, il s’est avéré qu’elle avait de la difficulté à cuisiner même des mets préparés. 28. Il fut donc convenu qu’elle devait ramener l’enfant à son père pour le dîner que ce dernier préparait. Madame Malenfant mangeait néanmoins avec l’enfant, le nourrissait, et cette période de services lui était payée. 29. Le contrat entre l’appelante et madame Malenfant était un contrat auquel les deux parties pouvaient mettre un terme en tout temps, sans avis, comme seul l’autorise le contrat de services. 30. Madame Malenfant avait d’ailleurs elle-même décidé de le résilier, après quelques semaines, sans préavis, et elle avait envisagé d’ouvrir une garderie familiale chez-elle, mais elle était revenue sur sa décision. 31. L’appelante avait prévenu madame Malenfant qu’elle pouvait en tout temps ne plus requérir ses services si son enfant recevait la place en garderie qu’elle attendait et madame Malenfant y avait consenti. 32. Madame Malenfant a elle-même effectué plusieurs démarches, de sa propre initiative, en vue de trouver une telle place dans une garderie. 33. Madame Malenfant n’avait donc aucune sécurité et elle assumait pleinement le risque de l’entrepreneur. 34. L’appelante n’a pas fourni d’outils de travail à madame Malenfant. 35. L’enfant avait seulement ses propres effets personnels (couches, vêtements, jouets, poussette), qui ne sont fournis par aucun service de garde ni même les hôpitaux. 36. Quand madame Malenfant décidait d’amener l’enfant chez elle, ou chez des tiers, (souvent sa voisine infirmière), elle utilisait ses propres choses dont elle avait besoin, sur place, incluant des jouets et des équipements appartenant à sa voisine. 37. L’appelante n’a pas fourni à madame Malenfant de vêtements de travail et il lui incombait d’avoir le nécessaire – par exemple des vêtements extérieurs chauds pour promener l’enfant ou un téléphone cellulaire pour communiquer en cas d’urgence – à ses seuls frais. 38. Il n’existait aucune exclusivité pour les services. 39. Rien n’interdisait à madame Malenfant de fournir ses services de gardienne à d’autres personnes et rien ne permettait à l’appelante même de savoir si elle a ou n’a pas gardé d’autres enfants pendant ou en dehors des heures où elle lui fournissait ses services de garde. 40. Madame Malenfant avait envisagé d’ouvrir une garderie familiale chez elle et elle avait pleine liberté de le faire. Quant elle en a informée l’appelante, cette dernière lui a seulement indiqué qu’elle n’avait pas choisi ce type de services, en attente d’une place dans un CPE et que, comme cliente, elle devrait y penser si madame Malenfant faisait le choix de ce moyen d’offrir ses services. 41. Madame Malenfant a finalement décidé ne pas ouvrir sa garderie familiale pour des raisons qui lui sont personnelles alors que l’appelante n’avait aucune autorité sur elle qui ait pu l’en empêcher de quelque manière. 42. Madame Malenfant pouvait se livrer à d’autres activités, personnelles ou pour le compte de tiers, lorsqu’elle fournissait ses services (par exemple téléphones personnels, magasinage personnel, démarche diverses pour son propre compte). 43. Il n’existait aucune intégration dans le cadre d’une éventuelle « entreprise » de l’appelante. [3] Étant hors délai, l’intimé n’a pas pu produire de réponse à l’avis d’appel. En vertu d’une ordonnance de cette Cour en date du 21 avril 2011, les faits énumérés à l’avis d’appel sont réputés exacts. [4] À la demande de l’intimé, madame Malenfant, la gardienne, a expliqué et décrit le cheminement qui l’avait conduit à exécuter le travail en litige. Elle a expliqué avoir pris connaissance d’une offre d’emploi sur un site spécialisé, soit celui d’Emploi‑Québec. [5] Elle a dès lors exprimé son intérêt pour le travail offert; elle a rencontré l’appelante qui lui a expliqué ce à quoi consistait le travail. Après discussion et évaluation de la compétence et des aptitudes de madame Malenfant pour le travail, il fut alors convenu d’une méthode de rémunération hebdomadaire et d’un horaire de travail avec des heures très précises de début et de fin du travail. Le travail devait généralement être effectué du lundi au jeudi inclusivement. L’appelante lui a indiqué que la formule de rémunération changerait après quelques mois. [6] Il s’agissait essentiellement d’un travail de gardienne du jeune enfant. L’appelante exigeait que son enfant soit le plus souvent à l’extérieur soutenant qu’il adorait être à l’extérieur et faire des promenades en poussette. À un moment donné, l’obligation de donner le bain à l’enfant s’est ajoutée. [7] Madame Malenfant a expliqué que beau temps mauvais temps, elle faisait de très longues promenades avec l’enfant conformément aux attentes et exigences de l’appelante. [8] À quelques reprises lors de son témoignage, elle a indiqué qu’à certaines occasions, elle trouvait très particulier le fait que les parents lui imposent de sortir et de promener l’enfant, notamment lors de journées pluvieuses ou de grand froid. [9] Elle a, à cet égard, donné l’exemple où elle croyait inapproprié pour l’enfant de sortir à l’extérieur compte tenu du grand froid. Elle a donc pris l’initiative de demander au père si elle pouvait faire la marche à l’intérieur d’un centre commercial ce à quoi le père a acquiescé allant même la reconduire avec sa voiture au centre commercial. [10] Elle a indiqué qu’elle devait respecter les heures quant au début des périodes de travail; elle a aussi affirmé qu’elle devait toujours être de retour à la maison à une heure prédéterminée pour que l’enfant puisse prendre ses médicaments. [11] Lors des marches qui constituaient une partie très importante de la prestation de travail, elle se rendait au parc, chez elle, à un restaurant ou chez sa voisine qui avait la passion des enfants. [12] Il s’agissait généralement de courts arrêts lors desquels elle allait boire, à la toilette ou se réchauffer. Sa voisine aimait beaucoup les enfants; elle avait fait une très longue carrière comme infirmière responsable dans un département des naissances. Elle avait chez elle un certain inventaire de choses qui plaisaient aux enfants qu’elle gardait à l’occasion; il s’agissait d’enfants de sa famille. Elle a même offert des jouets à l’enfant de l’appelante dont madame Malenfant avait la responsabilité. [13] Mesdames Demers et Wajiki ont toutes deux témoigné à la demande de l’appelante. Elles ont essentiellement validé et confirmé le témoignage de madame Malenfant. [14] L’agent des appels a aussi témoigné. Il a expliqué le cheminement qui l’avait conduit à conclure que le contrat en était un de contrat de louage de services. De son témoignage, il est ressorti quelque chose d’inhabituel relativement à ce genre de dossier, en ce qu’il a tiré une conclusion sans préalablement obtenir la version de l’appelante. [15] Il a expliqué avoir fait de nombreuses tentatives sans succès. Il a décrit toutes ces initiatives par ordre chronologique sur une période de près de trois mois. Il a finalement conclu qu’il n’aurait probablement jamais la version détaillée de l’appelante à la lecture d’un document reçu par télécopieur. [16] Le document en question mettait en doute la pertinence de l’enquête, sa qualité mais aussi et surtout son impartialité et son objectivité. Il a donc procédé à l’analyse à partir principalement des explications et pièces fournies par madame Malenfant. [17] Le procureur de l’appelante, aussi le père du jeune enfant, a témoigné. Il a expliqué avoir initié le processus visant à recruter une gardienne répondant aux attentes de la mère. Il a cédulé les entrevues. Il a agi en respectant le choix de la mère et appelante. [18] Ce sont là essentiellement les faits relatés pertinents à la période en litige. Tout le reste de son témoignage a consisté à faire des hypothèses, des spéculations, des interprétations et des perceptions. [19] L’appelante n’a pas témoigné, si ce n’est que par le biais de son avis d’appel dont le contenu est réputé exact aux termes de l’ordonnance en date du 21 avril 2011 et, conséquemment, suffisant selon le procureur de l’appelante. [20] Pour disposer de l’appel, le tribunal dispose d’une procédure écrite qui est l’avis d’appel et de cinq témoignages dont il a été fait mention précédemment. Deux témoignages m’apparaissent beaucoup plus importants; celui de madame Malenfant et celui de l’avocat au dossier, soit maître Daniel Payette. [21] Il aurait été intéressant et très pertinent d’entendre l’appelante; son procureur à cet égard a indiqué que le tribunal devait s’en remettre au contenu de l’avis d’appel et que le contenu faisait foi jusqu’à preuve du contraire. [22] Or, le contenu de l’avis d’appel a été contredit sur plusieurs de ces éléments fondamentaux, et ce, par le biais du long témoignage de madame Malenfant. [23] En pareille situation et particulièrement lorsque les faits sont déterminants quant au droit applicable, la crédibilité revêt une très grande importance. [24] Or, je n’ai aucune raison d’écarter le témoignage de madame Malenfant. Elle a témoigné avec spontanéité et simplicité. Elle a répondu franchement et précisément, bien qu’elle ait à quelques reprises mentionné ne pas se souvenir de certains détails. Il ne s’agissait manifestement pas d’une personne qui voulait cacher ou maquiller quoi que ce soit. [25] D’ailleurs, elle a fait certaines remarques qui validaient sa crédibilité, mais aussi le raisonnement logique de ses réponses. Ainsi, lors du contre-interrogatoire, elle a candidement répliqué entendre pour la première fois des expressions telle « la livraison de services »; elle n’était manifestement pas à l’aise avec une partie du vocabulaire nuancé quant à la nature du contrat litigieux. [26] Elle a expliqué avoir pris connaissance de l’offre d’emploi par le biais d’internet, ce qui s’est avéré confirmé par le témoignage de maître Payette. Ce dernier a indiqué avoir été la personne à l’origine de l’offre d’emploi (Pièce I-1) où, à la rubrique « exigences et condition de travail », il est stipulé ce qui suit : Exigences et conditions de travail Scolarité : Secondaire Années d’expérience reliées à l’emploi : 1 à 6 mois d’expérience Description des compétences : sens des responsabilités, affection pour les enfants, entrain, aimer la promenade Langue(s) demandée(s) : français : très bonne connaissance anglais : aucune connaissance Salaire offert : selon l’expérience de 8,00 $ à : 12,00 $ - de l’heure Nombre d’heures par semaine : 25,00 Statut d’emploi : permanent temps partiel jour, soir Précisions : 3 journées et un soir (mercredi) par semaine Date prévue d’entrée en fonction : 2009-08-17 [27] En vertu du texte de l’offre d’emploi, l’employeur et la personne à contacter étaient Daniel Payette qui s’avère être l’avocat au dossier et qui a témoigné. [28] À partir du texte de l’annonce, il plaide notamment qu’il s’agit là d’un emploi occasionnel. Ses prétentions à cet égard sont exprimées à son plan de plaidoyer comme suit : I. L’appelante n’a pas d’« entreprise » et elle n’est pas un « employeur » tandis que les services rendus par madame Malenfant consistaient en services occasionnels, temporaires, purement personnels et domestiques, de garde d’enfant de l’appelante, qui se trouvaient donc expressément exclus selon les termes de l’alinéa 5(2)a) de la Loi sur l’assurance emploi, que l’intimé n’a malheureusement pas considérée, ainsi qu’il l’aurait dû. [29] Or, strictement rien dans la preuve n’appuie ou ne valide le statut de travail occasionnel. [30] Un travail qui est exécuté par la même personne pour le même payeur, et ce, de façon exclusive pour une longue période, de manière continue, constitue une situation qui milite très fortement pour la présence d’un contrat de louage de services plutôt que d’un contrat d’entreprise. De plus, une telle réalité réfute ou contredit totalement la thèse du travail occasionnel. [31] Les chèques valident et confirment la prépondérance de la preuve voulant que le travail a été effectué en conformité avec le contenu de l’offre d’emploi. [32] De son côté, madame Malenfant a affirmé que, dès son embauche, il avait été clairement convenu que la façon d’être rémunéré serait modifiée à un moment donné, et ce, pour l’exécution du même travail principal qui consistait à garder l’enfant de l’appelante et du père, maître Payette. [33] Les faits soumis en preuve, bien que l’appelante et son procureur pouvaient avoir une perception différente quant à la nature du contrat litigieux, réfutent totalement l’interprétation voulant qu’il se soit agi d’un emploi occasionnel, exécuté dans le cadre d’un contrat d’entreprise. [34] Une telle interprétation sous-entendrait que le tribunal écarte totalement le témoignage de madame Malenfant pour le motif qu’elle a menti ou tout fait pour induire en erreur le tribunal, ce qui n’est pas le cas. Son témoignage a été, au contraire, crédible et très vraisemblable. [35] Madame Malenfant a témoigné d’une manière telle que son témoignage est tout à fait crédible. Elle a été explicite et a fait l’objet d’un contre-interrogatoire serré qui n’a fait ressortir aucun élément qui soit de nature à discréditer ou affecter la vraisemblance des explications fournies. [36] Elle a pris connaissance de l’offre d’emploi décrite à la Pièce I-1; elle a obtenu une entrevue, et de cette entrevue une entente de travail est intervenue. Elle a bien compris les exigences, elle les a acceptés; elle a été honnête quant à ses limites et qualifications. [37] Elle a mérité la confiance de l’appelante qui a accepté de lui confier son fils qu’elle promenait tous les jours ou presque à l’extérieur. Un tel lien de confiance est en soi quelque chose de très particulier en ce qu’il ne s’agit pas là d’une voiture que l’on confie au garagiste, de l’installation d’une douche ou des travaux de peinture. [38] L’appelante a accepté les qualifications et compétences de madame Malenfant, elle l’a considérée comme une personne mature, fiable, responsable puisqu’elle lui confiait son enfant. Il ne s’agit aucunement de la gardienne dont les services étaient retenus pour quelques heures voire quelques jours. [39] Il s’agissait d’un contrat à durée indéterminée auquel il pouvait être mis fin pour une foule de raisons dont certaines ont été mentionnées; je fais notamment référence à la demande acceptée dans une garderie. Il ne s’agissait aucunement de la jeune fille à qui l’on demande de garder une soirée, voire pour les sorties ponctuelles. [40] Il s’agissait d’un contrat dont le contenu, les limites, etc., ont été convenus dans un climat de confiance où les nuances ne sont pas nécessaires, d’autant plus que la prestation de travail devait s’effectuer en l’absence de l’appelante, payeur de la rémunération. La confiance existait et l’appelante tenait pour acquis que la prestation de travail serait livrée suivant ses instructions. [41] L’appelante, par le biais de son procureur, a soutenu que son absence lors des périodes de garde faisait en sorte qu’elle ne pouvait avoir de contrôle sur le travail exécuté et conséquemment qu’il n’y avait pas de lien de subordination. Selon elle, la gardienne avait toute la liberté, l’autonomie voire la capacité de faire autre chose, concluant à la non-exclusivité. [42] L’avis d’appel fait mention qu’elle avait un cellulaire et qu’elle pouvait l’utiliser. Ce sont là des arguments tout à fait impertinents. Un contrat de louage de services n’exige aucunement que le payeur soit présent lors de l’exécution du travail. [43] En réplique à une décision où il était question de garde d’enfants plus âgés et en mesure de s’exprimer, l’appelante a soutenu que la décision n’était pas pertinente étant donné l’âge des enfants en ce qu’ils pouvaient s’exprimer. [44] À ce stade, je me permettrai une seule remarque; même à un très très jeune âge, un enfant voire un bébé est en mesure de s’exprimer et exprimer ses sentiments, cela suppose cependant que les parents soient en mesure de lire ce que l’enfant exprime. [45] En l’espèce, je ne m’attarderai pas sur l’argument que l’absence du payeur l’empêche d’exercer tout pouvoir de contrôle; la jurisprudence a rappelé à maintes reprises que la notion de contrôle devait s’apprécier au niveau de son pouvoir, sa capacité à l’exercer et qu’il n’était pas essentiel de répertorier des situations où il avait été exercé. La dimension présence physique lors de l’exécution de la prestation de travail n’est absolument pas essentielle comme l’a soutenu l’appelante. [46] La prestation de travail fournie par madame Malenfant l’a été à l’intérieur d’un encadrement bien défini que l’appelante a modifié pour différentes raisons à diverses reprises, le tout nécessitant certains ajustements au niveau de la gardienne. [47] Elle devait commencer à telle heure, revenir à telle heure pour les repas et médicaments. Elle devait sortir l’enfant, et ce, bien qu’elle n’était pas en accord avec de telles sorties. [48] L’appelante a soutenu que le tribunal devait prendre en compte les dispositions du droit civil étant donné que le contrat de travail avait eu lieu dans la province de Québec. [49] Il s’agit-là d’une prétention tout à fait adéquate qui ne fait aucunement l’objet de controverse, d’autant plus que je suis d’avis qu’en cette matière le régime de common law et celui du droit civil sont tout à fait cohérents. Dans un cas comme dans l’autre, le lien de subordination est essentiel et distingue le contrat d’entreprise du contrat de louage de services. [50] L’absence d’un lien de subordination permet de conclure à un contrat d’entreprise alors que sa présence permet de conclure à un contrat de louage de services en tenant pour acquis qu’il y a eu aussi prestation de travail et une contrepartie le plus souvent monétaire, définie comme rémunération. [51] Sur cette question, il m’apparaît utile de reproduire un long extrait de la décision dans l’affaire Grimard c. Canada, 2009 CarswellNat 323, 2009 CAF 47, 2009 D.T.C. 5056 (Fr.), [2009] 6 C.T.C. 7 c) L'antinomie droit civil et common law 27 Mais il serait erroné de croire qu'il y a antinomie entre les principes du droit civil québécois sur la question et ce qu'il est convenu d'appeler les critères de common law, soit le contrôle, la propriété des outils, l'expectative de profits et les risques de perte et, enfin, l'intégration du travailleur à l'entreprise. 28 Je reconnais d'emblée, et c'est souvent le cas, qu'il y a une différence de conceptualisation entre le régime de common law et celui du droit civil, laquelle emporte une autre différence, cette fois-ci, au niveau de l'approche quant à la caractérisation de la nature du contrat de travail et de celle du contrat d'entreprise. L'une, l'approche de droit civil, se veut cartésienne et synthétique. L'autre, de common law, analytique. 29 C'est ainsi que le droit civil québécois, quant à lui, définit les éléments requis pour l'existence d'un contrat de travail ou d'un contrat d'entreprise. Pour sa part, la common law énumère plutôt des facteurs ou critères qui, si présents, servent à déterminer l'existence ou non de tels contrats. 30 L'article 2085 du Code exige, entre autres pour qu'il y ait un contrat de travail, la présence d'une direction ou d'un contrôle du travail par l'employeur. Son pendant pour le contrat d'entreprise, l'article 2099, requiert une absence de lien de subordination entre l'entrepreneur et le client quant à l'exécution du contrat. 31 Selon les dictionnaires Le Petit Robert et Le Petit Larousse Illustré, la subordination d'une personne implique la dépendance de celle-ci à une autre ou son assujettissement au contrôle de cette dernière. Le contrat d'entreprise se caractérise donc par une absence de contrôle de l'exécution du travail, un contrôle qu'il ne faut pas confondre avec celui de la qualité et du résultat. Le législateur québécois y ajoute également comme élément de définition le libre choix par l'entrepreneur des moyens d'exécution du contrat. 32 Un contrat se forme par l'accord des volontés des parties à ce contrat. Donc, au stade de l'interprétation du contrat, les articles 1425 et 1426 du Code exigent que l'on recherche la commune intention des parties et que l'on tienne compte d'un certain nombre de facteurs dont, par exemple, les circonstances dans lesquelles il a été conclu. 33 Pour importante qu'elle soit, l'intention des parties n'est pas à elle seule déterminante de la qualification du contrat: voir D&J Driveway Inc. c. Canada (MRN), 2003 CAF 453; Dynamex Canada Inc. c. Canada, 2003 CAF 248. De fait, le comportement des parties dans l'exécution du contrat doit refléter et actualiser cette intention commune, sinon la qualification du contrat se fera en fonction de ce que révèle la réalité factuelle et non de ce que prétendent les parties. 34 En outre, comme le fait remarquer à juste titre le juge, des tiers, dont l'État, peuvent avoir un intérêt à ce que les lois créant des charges sociales pour l'employeur et l'employé soient respectées alors que la tentation peut-être grande pour l'une ou l'autre des parties au contrat, ou les deux, de vouloir les éviter ou de vouloir profiter d'avantages fiscaux qui s'offrent aux entrepreneurs, mais non aux employés. 35 Par contraste, comme je l'ai déjà mentionné, la common law a développé des critères pour analyser la relation entre les parties. Mais il ne faut pas croire que ces critères dits de common law ne sont d'aucune utilité (voire même qu'ils seraient à proscrire et leur usage constituerait une hérésie) dans la qualification d'un contrat de travail en vertu du droit civil québécois. 36 Dans l'affaire Wolf c. La Reine, [2002] 4 C.F. 396, notre collègue, le juge Décary, citait l'extrait suivant de feu Robert P. Gagnon tiré de son volume Le droit du travail au Québec, 5e éd., Cowansville : Éditions Yvon Blais, 2003, p. 67 et précisant le contenu de la notion de subordination en droit civil québécois: Historiquement, le droit civil a d'abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d'application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l'exécution de ses fonctions (art. 1054 C.c.B.-C.; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l'employeur sur l'exécution du travail de l'employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s'est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l'employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l'exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu'on reconnaîtra alors comme l'employeur, de déterminer le travail à exécuter, d'encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s'intégrer dans le cadre de fonctionnement d'une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d'un certain nombre d'indices d'encadrement, d'ailleurs susceptibles de varier selon les contextes: présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d'activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n'exclut pas une telle intégration à l'entreprise. [Je souligne] 37 On retrouve dans cet extrait la notion de contrôle sur l'exécution du travail aussi présente dans les critères de la common law, à cette différence que la notion de contrôle est, en vertu du droit civil québécois, plus qu'un simple critère comme en common law. Elle est une caractéristique essentielle du contrat de travail: voir D&J Driveway, précité, au paragraphe 16 de cette décision; et 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), 2005 CAF 334. 38 Mais on peut également noter dans l'extrait de Me Gagnon que le concept juridique de subordination ou contrôle, pour que l'on puisse conclure à sa présence dans une relation de travail, fait aussi appel en pratique à ce que l'auteur appelle des indices d'encadrement, que notre Cour a qualifié de points de repère dans Le Livreur Plus Inc. c. MRN, 2004 CAF 68 au paragraphe 18; et Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, au paragraphe 3. […] 43 En somme, il n'y a pas, à mon avis, d'antinomie entre les principes du droit civil québécois et les soi-disant critères de common law utilisés pour qualifier la nature juridique de la relation de travail entre deux parties. Dans la recherche d'un lien de subordination juridique, c'est-à-dire de ce contrôle du travail, exigé par le droit civil du Québec pour l'existence d'un contrat de travail, aucune erreur ne résulte du fait que le tribunal prenne en compte, comme indices d'encadrement, les autres critères mis de l'avant par la common law, soit la propriété des outils, l'expectative de profits et les risques de pertes, ainsi que l'intégration dans l'entreprise. [52] L’appelante plaide l’intention et la volonté clairement exprimées des parties lors de la création du lien juridique, dont l’objet était l’exécution d’un travail de gardienne d’enfant. Au tout début de l’audition, j’ai cru bon faire certaines observations à cet égard étant donné l’importance accordée à cet aspect dans le contenu de l’avis d’appel. [53] Sur cette question, l’honorable juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale, s’exprimait dans l’affaire D&J Driveway Inc. c. Ministre du Revenu national, 2003 CAF 453, comme suit : 1 Nous sommes encore une fois saisis de la difficile et élusive question de l'assurabilité d'un emploi. Comme c'est souvent le cas, elle se soulève dans un contexte où l'intention des parties n'est pas consignée par écrit et où cette dernière n'a pas été établie, ou n'a pas fait l'objet de recherche auprès des témoins, à l'audience devant la Cour canadienne de l'impôt. 2 Nous reconnaissons d'emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n'est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d'examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada inc. c. Canada [2003] 305 N.R. 295 (C.A.F.). Mais cette stipulation ou l'interrogatoire des parties sur la question peuvent s'avérer un instrument utile d'interprétation de la nature du contrat intervenu entre les participants. [54] En l’espèce, ce qui fut défini comme clair et précis par l’avocat de l’appelante qui n’était pas présent au moment de l’entente et qui n’a pas jugé bon et approprié de préparer un contrat précis et spécifique alors qu’il avait lui-même placé la commande auprès d’Emploi-Québec (Pièce I-1) est très loin d’être aussi clair pour la personne qui a exécuté le travail litigieux; malgré les prétentions de l’appelante exprimées par son avocat, la gardienne n’était pas en mesure de comprendre suffisamment bien pour donner un consentement éclairé. D’autant plus que sa compréhension était clairement différente de celle de l’appelante. Les faits révélés par la preuve ont clairement démontré que la compréhension, perception et interprétation de la gardienne étaient d’ailleurs les bonnes. [55] Encore là, il eut fallu que les modalités d’exécution du travail soient cohérentes avec la lettre et l’esprit de cette supposée entente totalement absente de la preuve. La preuve ne permet pas de faire un tel constat et de tirer pareilles conclusions. [56] Les prétentions de l’appelante à l’effet qu’il s’agissait d’un travail essentiellement occasionnel ne sont aucunement validées par les faits. D’ailleurs, une telle interprétation ne correspond pas à la description de l’annonce visant à recruter une personne pour l’exécution du travail. [57] Je rappelle que la commande ou l’offre d’emploi a été faite à l’initiative de maître Payette lui-même, selon son propre témoignage. [58] Je ne mets pas en doute les compétences de maître Payette pour exprimer et formuler les attentes de l’appelante. Je rappelle également que ce dernier a été associé au processus de sélection en ce qu’il a lui-même planifié les rencontres auxquelles il n’a cependant pas assisté. Il n’a également pas préparé d’écrit ou de document permettant de lire la volonté des parties ce qui aurait permis de renseigner théoriquement la gardienne; d’autre part, un tel écrit aurait très certainement suscité une réaction de cette dernière. [59] Ainsi, pour disposer du dossier quant à la question de savoir s’il s’agissait d’un travail occasionnel ou non, la cour dispose du long témoignage précis et crédible de madame Malenfant et du contenu de l’avis d’appel de l’appelante qui n’a pas jugé bon témoigner. [60] Je retiens la version et les faits établis par la gardienne et conclus qu’il ne s’agissait pas d’un travail occasionnel, mais d’un contrat à durée indéterminée. [61] Finalement, l’appelante soutient que la preuve disponible a établi qu’il y avait eu absence de tout contrôle ou incapacité d’exercer un quelconque contrôle. [62] Je ne m’attarderai pas sur les critères établis par la common law à savoir la propriété des outils, le risque de pertes et la chance de profit et finalement l’intégration. [63] En territoire couvert par le droit civil, les trois conditions essentielles pour la présence d’un contrat de louage de services sont : (1) La rémunération (2) Une prestation de travail (3) Un lien de subordination En l’espèce, les trois éléments essentiels sont présents. Il n’y a aucun doute quant à la rémunération et à la prestation de travail; la seule controverse se situe au niveau du lien de subordination. À cet égard, la prépondérance de la preuve est à savoir qu’un tel lien de subordination a existé. En effet, la personne qui fournit la prestation de travail est assujettie à l’autorité ou au pouvoir de contrôle du payeur de la rémunération. [64] Il s’agit d’abord et avant tout d’une question d’ordre factuel où les faits établis par la preuve ont démontré d’une manière prépondérante que la gardienne était assujettie à l’autorité de l’appelante qui avait toute la capacité d’intervenir quant à la façon ou les manières que devait avoir la gardienne avec l’enfant. La gardienne n’avait pas, sous peine d’être licenciée, la capacité de refuser d’exécuter les instructions de l’appelante. [65] Pour ces raisons, l’appel doit être rejeté et le bienfondé de la détermination à l’origine de l’appel est confirmé. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif RÉFÉRENCE : 2012CCI149 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3907(EI) INTITULÉ DE LA CAUSE : SYLVIE MORIN ET M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Québec (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Alain Tardif DATE DU JUGEMENT : Le 30 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Daniel Payette Avocate de l'intimé : Me Christina Ham AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelante: Nom : Me Daniel Payette Cabinet : Cabinet Payette Lévis (Québec) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 15
TCC
2,012
Anmar Management Inc. c. M.R.N.
fr
2012-01-10
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30665/index.do
2022-09-04
Anmar Management Inc. c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-10 Référence neutre 2012 CCI 15 Numéro de dossier 2009-2782(CPP) Juges et Officiers taxateurs Diane Campbell Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] Référence : 2012 CCI 15 Date : 20120110 Dossier : 2009-2782(CPP) ENTRE : ANMAR MANAGEMENT INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et TONY PARROTTINO, intervenant. MOTIFS DU JUGEMENT (Révisés à partir de la transcription des motifs du jugement rendus oralement le 25 février 2010, à Calgary (Alberta)) La juge Campbell [1] Qu’il soit consigné au dossier que je rends oralement les motifs dans l’affaire AnMar Management Inc., que j’ai entendue mardi. Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada (que j’appellerai ci-après le « RPC »). [2] Le ministre a déterminé que pour les années d’imposition 2006 et 2007 de l’appelante, M. Tony Parrottino, appelé ci-après le « travailleur », était employé aux termes d’un contrat de louage de services. Par conséquent, le ministre a évalué un montant payable par l’appelante au titre des cotisations au RPC à l’égard du travailleur pour ces deux années d’imposition. [3] L’appelante est une entreprise qui fournit des services de consultation en gestion. Le travailleur a déclaré que la société appelante signait tous les contrats commerciaux intervenant avec des tiers et que ceux-ci étaient les clients de l’appelante. Le travailleur était l’unique actionnaire, le directeur ainsi que le président de l’appelante. L’appelante avait son établissement dans la résidence du travailleur, quoique la majeure partie des services aient été fournis chez les clients. [4] Selon son témoignage, le travailleur avait constitué une société parce qu’un grand nombre des clients voulaient faire affaire avec une personne morale seulement. Depuis la constitution de l’appelante en société, le travailleur fournit ses services à celle‑ci de manière exclusive. [5] Les gains du travailleur dépendaient des bénéfices nets réalisés par l’appelante à la fin de l’année. Le travailleur a témoigné que, sur les conseils d’un comptable, il faisait des retraits de bénéfices nets à titre d’actionnaire afin de réduire son fardeau fiscal. Il ne présentait pas de facture à l’appelante, mais effectuait des retraits, au besoin, tout au long de l’année. Il travaillait autant d’heures qu’il était nécessaire afin d’exécuter les contrats de l’appelante selon les besoins des clients. Les tâches du travailleur comprenaient la fourniture de services, l’obtention de contrats, l’administration, le marketing et la tenue de livres. Malgré qu’il n’ait pas consigné ses heures travaillées, le travailleur tenait un grand livre où étaient inscrits, aux fins de la facturation, les heures travaillées et le taux horaire. Il a déclaré que, mis à part la facturation, il ne servait à rien d’enregistrer ces renseignements. [6] Le travailleur ne s’est jamais fait remplacer puisque, a-t-il dit, personne d’autre ne pouvait faire le travail qu’il faisait. Il était le « visage » de l’entreprise de l’appelante, et il a dit que, sans lui et sans ses connaissances spécialisées, AnMar ne pourrait exister. [7] Le travailleur fournissait les outils et l’équipement nécessaires pour exécuter les services, y compris le bureau, le matériel de bureau et, en plus, un véhicule automobile. L’appelante payait tous les frais d’exploitation, dont une somme proportionnelle au titre des frais de bureau et d’automobile, et remboursait au travailleur les dépenses d’entreprise qu’il engageait personnellement. [8] Selon le ministre, le travailleur ne travaillait pas à son propre compte lorsqu’il fournissait ses services à l’appelante. La société appelante soutient, quant à elle, que le travailleur n’est pas son employé, mais plutôt un entrepreneur indépendant et que, par conséquent, elle n’a pas à verser des cotisations au RPP. [9] En 2005, la première année d’exploitation de l’entreprise, l’Agence du revenu du Canada (« [l’]ARC ») a procédé à une vérification et a exigé que le travailleur reçoive un feuillet T4 et paie des cotisations au RPP. Compte tenu de la recommandation de l’ARC, l’appelante a remis au travailleur un feuillet T4 pour l’année d’imposition 2005, mais non pour les années d'imposition 2006 et 2007. Cependant, selon le travailleur et Mme Duncan, la comptable, l’appelante a payé en temps voulu les cotisations au RPP et l’impôt qu’elle devait verser pour ces deux années. [10] En plus de l’évaluation au titre des cotisations au RPC, le ministre a imposé à l’appelante les pénalités prévues au paragraphe 21(7) du Régime de pensions du Canada (correspondant à dix pour cent du montant que le contribuable est tenu de remettre) et au paragraphe 162(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’appelante soutient que ces pénalités, qui représentent environ 5 800 $, sont excessives. [11] La question soulevée dans cet appel est de savoir si le travailleur était employé par l’appelante aux termes d’un contrat de louage de services, en d’autres mots, à titre d’employé, ou s'il l'était en vertu d’un contrat d’entreprise à titre d’entrepreneur indépendant. La décision prise sur cette question permettra de déterminer s’il s’agit d’un emploi assurable et, par conséquent, si le montant de cotisations au RPC établi par le ministre doit être versé. [12] Pour déterminer si un individu est un employé ou non, les critères ou les facteurs à retenir sont ceux énoncées dans Wiebe Door Services Ltd. c M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, 87 DTC 5025 (C.A.F.). Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] A.C.S. no 61 (QL), la Cour suprême du Canada, aux paragraphes 46 et 47, a analysé les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, et elle a déclaré que la question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. [13] L’intimé a cité plusieurs affaires où il a été décidé qu’une personne qui était l’unique actionnaire et administrateur d’une société était un employé et non un entrepreneur indépendant. Dans Meredith c. La Reine, 2002 CAF 258, la Cour d’appel fédérale a passé en revue les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door et traité de la notion de la « levée du voile corporatif » en droit des sociétés. La Cour d’appel fédérale a dit que les tribunaux ne peuvent pas lever le « voile corporatif » afin de « qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu'ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend ». [14] L’intimé a aussi cité plusieurs affaires, y compris Desmarais c. Le ministre du Revenu national, 2006 CCI 329, MacMillan Properties Inc. c. Le ministre du Revenu national, 2005 CCI 654 et Pro‑Style Stucco & Plastering Ltd. c. La Reine, 2004 CCI 32. Dans toutes ces affaires, la cour a décidé que l’unique actionnaire/directeur d’une société en était aussi l’employé. Cependant, l’avocat de l’intimé n’a cité aucune décision à l’appui du point de vue contraire, à savoir que l’unique actionnaire/directeur d’une société peut aussi être un entrepreneur indépendant, ce que je me serais attendue qu’il fasse si, dans les faits, une telle jurisprudence existe, et elle existe certainement. [15] La juge Miller, dans la décision Kewcorp Financial Inc. c. La Reine, 2008 CCI 598, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) dans Zupet c. M.R.N., 2005 CCI 89 et la juge Sheridan dans 765750 Alberta Ltd. c. M.R.N., 2007 CCI 149, pour ne nommer que ceux‑là, ont tous conclu que des contribuables étaient des entrepreneurs indépendants même s’ils étaient uniques actionnaires/directeurs. [16] Il n’existe pas d’entente écrite entre l’appelante et le travailleur concernant leur relation, mais une chose est claire : la relation que le travailleur avait l’intention d’entretenir avec AnMar était celle d’un entrepreneur indépendant. Je crois que la preuve qu’a produite le travailleur établit que, d’une manière générale, il était suffisamment averti en matière d’affaires pour faire la différence entre le statut d’employé et celui d’entrepreneur indépendant. [17] L’intimé n’a pas évoqué l’intention comme facteur à retenir, mais, au cours des dernières années, l’intention en tant que facteur s’ajoutant à ceux énoncés dans l’arrêt Wiebe Door a pris de l’importance dans la jurisprudence. [18] La notion de l’actionnaire/directeur qui est aussi l’employé de la société qu’il possède et contrôle présente certes des difficultés, mais l’existence d’un tel état de choses n’est pas impossible. La question est la suivante : qui, en pareilles circonstances, détient le contrôle? [19] Le juge Bowman le dit succinctement dans l’affaire Zupet, précitée, aux paragraphes 11 et 12, où il déclare : [11] Je penserais que même les avocats ayant l'habitude de jongler dans leur tête avec une variété de fictions juridiques qui ne ressemblent en rien à la réalité pourraient avoir quelque difficulté philosophique à accepter l'idée qu'une personne virtuelle dont le seul cerveau est celui d'une personne qui le possède exerce sur cette personne un degré de contrôle suffisant pour établir une relation de maître-serviteur. [12] Et pourtant, c'est exactement ce que les tribunaux ont fait. [20] Le juge Bowman, au paragraphe 13 de l’arrêt Zupet, poursuit en signalant les difficultés inhérentes à cette notion, et je cite : [13] […] Cela est un fait reconnu de réalité commerciale (ou, si l'on veut, d'irréalité commerciale). Quelqu'un peut vendre des produits à son entreprise ou en acheter d'elle ou encore louer des biens à son entreprise ou en louer d'elle. Et quelqu'un peut être l'employé de sa propre entreprise. Je comprends qu'il est généralement admis que l'accord des volontés soit un ingrédient essentiel dans un contrat. On pourrait se demander comment il peut y avoir accord des volontés lorsqu'il n'y a qu'une volonté) - en fait, il s'agit d'une identité ou d'une fusion de volontés. Il semble, toutefois, que cela ne préoccupe personne. [21] En fin de compte, qu’avons-nous dans cet appel? Il faut d’abord déterminer s’il existe ou non, entre les parties, une entente écrite ou verbale. Il n’y a pas d’entente écrite en l’espèce, mais, s’il en existait une, elle ne suffirait peut-être pas à elle seule à déterminer la nature de la relation entre les parties. Ensuite, il y a un certain nombre de questions auxquelles il faut répondre. Encore une fois, le juge Bowman, au paragraphe 17 de la décision Zupet, a déclaré que les autres questions qui se posent sont les suivantes : les relations juridiques énoncées sont-elles authentiques et obligatoires et non un trompe-l'oeil? deuxièmement, qu’ont fait les parties en réalité? avec quel genre de relation leur comportement est‑il le plus compatible? troisièmement et finalement, quel genre de relation les parties avaient-elles l'intention d'établir? Toutes ces questions se confondent les unes avec les l’autres et se chevauchent. Dans la majorité des cas, on doit les examiner toutes ensemble et y répondre en considérant le contexte que représentent tous les faits de l’affaire. Il importe, dans la plupart des cas, de prendre du recul et de regarder la situation dans son ensemble. [22] En l’espèce, comme il n’y a aucune allégation de trompe-l’œil, il s’agit de déterminer la nature de l’entente, quoique non écrite, existant entre les parties, soit l’appelante AnMar Management et le travailleur. [23] Je conclus que le contrat en l’espèce était un contrat d’entreprise, c’est-à-dire un contrat entre un entrepreneur indépendant et la société. Le travailleur fournissait tous les outils, le bureau, l’équipement de bureau et le véhicule automobile. Le travailleur avait aussi des chances de réaliser des profits et pouvait essuyer des pertes. Le revenu du travailleur dépendait directement du profit réalisé ou des pertes subies, selon le cas, par la société. En fait, c’est le travailleur qui faisait réaliser des profits ou essuyer des pertes à la société en obtenant des contrats avec des tiers et en les exécutant. Je ne crois pas qu’il soit possible de déterminer la rémunération du travailleur en l’espèce. Il est vrai qu’il y avait une formule selon laquelle le travailleur recevait les bénéfices nets de la société, mais, en l’absence d’un contrat écrit, le travailleur était libre de signer des contrats pour son propre compte et la société pouvait potentiellement alors n'avoir ni profit ni perte dans une année donnée. [24] En ce qui a trait au contrôle, le travailleur fixait lui‑même ses heures de travail. La seule raison pour laquelle le travailleur tenait un grand livre où étaient inscrits les heures qu’il travaillait et les taux horaires, c’était la facturation. À part cela, a-t-il déclaré, ces inscriptions n’avaient aucune utilité. Il établissait son horaire de travail en fonction des besoins des clients. Il ne recevait pas de salaire, mais effectuait plutôt des retraits. Même s’il n’a travaillé pour personne d’autre que la société, les faits présentés ne permettent pas de conclure qu’il n’aurait pas pu le faire s’il en avait fait le choix. [25] L’application des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door tend davantage à indiquer que le contrat est un contrat d’entreprise, quoique, en l’espèce, il faut reconnaître qu’il existe des chevauchements. Il ne s’agit pas d’un cas clair. On ne saurait trop insister sur l’importance de l’intention des parties en l’espèce, et je cite à cet égard les décisions Poulin c. La Reine, 2010 CCI 313, et Wolf c. La Reine, [2000] A.C.I. no 696 (QL). Visiblement, selon la preuve que le travailleur a présentée, son intention dès le départ, tant en sa qualité personnelle qu’en sa qualité d’âme dirigeante d’AnMar Management, était d’être entrepreneur indépendant. Son témoignage est appuyé par celui de Mme Duncan et par le comportement des parties. [26] L’intimé a également soutenu que les définitions des termes « employé », « emploi » et « fonction » ou « charge » au paragraphe 2(1) du RPC visent le travailleur parce qu’il est un dirigeant d’AnMar et que la définition du terme « employé » comprend un « fonctionnaire ». Comme j’ai déterminé que le travailleur n’est pas un employé, ces définitions ne sont pas applicables. Il est un dirigeant, mais j’ai conclu qu’il n’est pas un employé, et, puisqu'il ne fournit pas des services aux termes d’un contrat de louage de services exprès ou tacite, il n’est pas compris dans le champ d’application de la définition du terme « emploi ». La définition des termes « fonction » ou « charge » vise un poste qu’occupe un particulier et qui lui donne droit à une « rémunération déterminée ou constatable », mais, en me fondant sur les faits de l’espèce, j’ai conclu que telle n'est pas la nature du travail en cause. La définition se termine ainsi : « […] "fonctionnaire" s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge », ou, en d’autres mots, une telle fonction ou charge qui lui donne droit à une rémunération déterminée ou constatable. [27] Pour ces motifs, l’appel est accueilli et la décision du ministre selon laquelle le travailleur occupait un emploi ouvrant droit à pension est annulée. Signé à Ottawa (Ontario), ce 10e jour de janvier 2012. « Diane Campbell » Juge Campbell Traduction certifiée conforme ce 23e jour de mars 2012. Erich Klein, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 15 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-2782(CPP) INTITULÉ DE LA CAUSE : AnMar Management Inc. c. Le ministre du Revenu national LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 février 2010 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L’honorable juge Campbell DATE DU JUGEMENT ORAL : Le 25 février 2010 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : Mme Mary Duncan Avocat de l’intimé : Me Robert Neilson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 150
TCC
2,012
A & T Tire & Wheel Limited c. M.R.N.
fr
2012-05-08
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30794/index.do
2022-09-04
A & T Tire & Wheel Limited c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-08 Référence neutre 2012 CCI 150 Numéro de dossier 2011-105(CPP), 2011-106(EI), 2011-107(EI), 2011‑113(EI), 2011-124(EI), 2011-125(CPP), 2011-79(CPP), 2011-80(CPP), 2011-98(CPP), 2011-99(EI) Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossiers : 2011-124(EI), 2011‑113(EI), 2011-106(EI), 2011-107(EI), 2011-99(EI), 2011-125(CPP), 2011-105(CPP), 2011-79(CPP), 2011-80(CPP), 2011-98(CPP) ENTRE : A&T TIRE & WHEEL LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appels entendus les 10 et 11 janvier 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Leigh Somerville Taylor Avocates de l’intimé : Me Cenobar Parker et Me Jasmeen Mann ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels se rapportant aux décisions que le ministre du Revenu national a rendues en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada, selon lesquelles, au cours de la période allant du 1er janvier 2007 au 1er août 2009, Edgar Ganopolsky, Vladimir Mozhar, Hassan Sahly, Jason Smeskal et Michael Young exerçaient auprès de l’appelante un emploi assurable et ouvrant droit à pension, sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Chaque partie supportera ses propres dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 150 Date : 20120508 Dossiers : 2011-124(EI), 2011-113(EI), 2011-106(EI), 2011-107(EI), 2011-99(EI), 2011-125(CPP), 2011-105(CPP), 2011-79(CPP), 2011-80(CPP), 2011-98(CPP) ENTRE : A&T TIRE & WHEEL LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan [1] Il s’agit d’appels de décisions du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon lesquelles, au cours de la période allant du 1er janvier 2007 au 1er août 2009, Edgar Ganopolsky, Vladimir Mozhar, Hassan Sahly, Jason Smeskal et Michael Young (les « travailleurs ») étaient des employés d’A&T Tire & Wheel Ltd. (l’« appelante »), plutôt que des entrepreneurs indépendants. [2] L’appelante a demandé un examen des décisions, qui ont été confirmées. L’appelante affirme que les cinq travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants qui lui fournissaient des services dans le cours des activités des entreprises que ceux‑ci exploitaient pour leur propre bénéfice. [3] L’appelante a appelé à témoigner Michael Young et Vladimir Mozhar (deux des travailleurs ici en cause), Anna Mozhar (la fille de M. Mozhar) et Mathew Foster, Dennis Le Course et Kyle Izzard (des anciens travailleurs de l’appelante) pour qu’ils témoignent au sujet de l’intention des travailleurs d’avoir une relation d’entrepreneur indépendant avec l’appelante. [4] L’intimé a appelé Hassan Sahly et Jason Smeskal à témoigner pour qu’ils établissent que ces travailleurs n’avaient pas l’intention de devenir des entrepreneurs indépendants et que les relations que les travailleurs entretenaient de fait avec l’appelante n’étaient pas compatibles avec une conclusion militant en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. I. Les faits [5] L’appelante exploite une petite entreprise de vente, d’installation et d’entretien de pneus. Dan Smith est l’unique actionnaire de l’appelante. [6] Les appels se rapportent à cinq personnes, à savoir Michael Young, gérant de l’atelier; Vladimir Mozhar, qui trie et entrepose les pneus; Edgar Ganopolsky, qui travaille dans l’atelier et qui exécute des tâches générales telles que l’installation et l’enlèvement de pneus; ainsi que Jason Smeskal et Hassan Sahly, qui ne travaillent plus pour l’appelante, mais dont les responsabilités étaient semblables à celles de M. Ganopolsky. [7] Parmi les personnes au sujet desquelles une preuve a été présentée à l’instruction, M. Young était la seule personne qui possédait une expérience professionnelle pertinente avant de commencer à travailler pour l’appelante. MM. Mozhar, Sahly et Smeskal ont reçu une formation en cours d’emploi de M. Young et des autres travailleurs à l’atelier. M. Sahly et M. Smeskal avaient respectivement 20 et 19 ans lorsqu’ils ont commencé à travailler pour l’appelante. M. Mozhar, qui s’est adressé à la Cour par l’entremise d’un interprète, était avocat en Russie avant d’immigrer au Canada et il n’avait jamais travaillé dans un atelier d’installation de pneus avant d’être embauché par l’appelante. M. Ganopolsky n’était pas disponible pour témoigner à l’instruction et aucune preuve n’a été présentée au sujet de son niveau d’expérience lorsqu’il avait initialement été embauché. [8] La preuve montre que les travailleurs avaient initialement été embauchés conformément à des ententes verbales. Après que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») eut commencé sa vérification, qui a abouti aux décisions qui sont ici en litige, on a demandé à Vladimir Mozhar, à Jason Smeskal et à Michael Young de signer des ententes écrites préparées par l’appelante, dans lesquelles ils étaient désignés à titre d’entrepreneurs indépendants. [9] M. Smeskal n’a jamais signé le contrat. Il était la seule personne en cause dans les présents appels qui a essayé de négocier les conditions du contrat. Le 27 avril 2009 au matin, en arrivant au travail, il avait remis à Michael Young une lettre adressée à Dan Smith, dans laquelle il demandait que le contrat renferme une disposition prévoyant qu’A&T lui fournirait une couverture de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail ainsi qu’une assurance de responsabilité civile adéquate. À 17 h 50, le même jour, M. Smeskal a reçu une lettre de cessation d’emploi accompagnée de deux factures de clients laissant entendre qu’il était mis fin à son emploi à cause d’un [traduction] « travail mal fait ». M. Smeskal croit avoir été congédié parce qu’il avait tenté de négocier les conditions de l’entente qui lui avait été présentée. [10] M. Young a témoigné avoir été embauché par M. Smith pour gérer l’entreprise de l’appelante. Comme il l’a dit : [traduction] « Je m’occupe de mes propres affaires, mais, sur place, mes tâches consistent à faire en sorte que tout se passe bien à l’atelier ainsi qu’à poser de nouveaux pneus et à rappeler les gens. Je fais beaucoup de choses à l’atelier, mais si je décide de ne pas me présenter à un moment donné, l’atelier pourrait ne pas ouvrir[1]. » [11] M. Young a témoigné avoir consenti à travailler pour l’appelante à titre d’entrepreneur indépendant parce que M. Smith lui avait offert la possibilité de diriger une entreprise, tout en ayant droit à une partie de ses bénéfices. [12] M. Young a allégué avoir rencontré M. Smeskal, M. Ganopolsky et M. Sahly lorsqu’ils avaient présenté une demande en vue de travailler pour l’appelante. Le témoin a déclaré avoir clairement fait savoir à chacun de ces travailleurs qu’ils accompliraient leurs tâches à titre d’entrepreneurs indépendants plutôt qu’à titre d’employés. [13] M. Sahly ne se rappelait pas la même chose en ce qui concerne la conversation qu’il avait eue avec M. Young. Ce témoin affirme avoir été embauché comme manœuvre parce qu’il possédait peu d’expérience professionnelle étant donné qu’il venait de terminer ses études secondaires. M. Sahly a témoigné ne pas avoir été informé qu’il agirait comme entrepreneur indépendant. Il a ajouté qu’étant donné qu’il recevait ses instructions de M. Young, il croyait être un employé de l’appelante pendant qu’il travaillait à cet endroit. [14] Le souvenir que M. Smeskal gardait des conversations qu’il avait eues avec M. Young était semblable à celui de M. Sahly. Il se rappelait qu’on lui avait dit, plus d’un an après qu’il eut commencé à travailler pour l’appelante, qu’il était embauché à titre d’entrepreneur indépendant. Il ne se rappelait pas qu’il en avait été question lorsque l’appelante l’avait initialement embauché. [15] M. Mozhar a témoigné avoir convenu de travailler à titre d’entrepreneur indépendant lorsqu’il avait initialement été embauché par l’appelante. [16] À l’exception de Michael Young, tous les travailleurs étaient rémunérés à l’heure pour leurs services pour une semaine normale de travail, soit de 8 à 18 h du lundi au vendredi, et de 8 à 13 h le samedi. Ils touchaient un montant horaire additionnel s’ils effectuaient des heures supplémentaires. M. Young gagnait généralement 850 $ par semaine. Il avait droit à une prime correspondant à 20 p. 100 des bénéfices de l’appelante, laquelle était fixée chaque trimestre. [17] La preuve montre que les travailleurs avaient droit à une ou deux semaines de vacances payées. Les congés de maladie n’étaient pas payés. II. Analyse [18] L’appelante affirme avoir présenté un nombre suffisant d’éléments de preuve pour permettre à la Cour de conclure que les travailleurs avaient l’intention d’être considérés comme des entrepreneurs indépendants pendant qu’ils travaillaient pour elle. Selon l’appelante, la preuve insuffisante présentée par l’intimé ne permet pas de faire abstraction du choix des parties à cet égard. [19] Je ne souscris pas à l’assertion de l’intimé lorsqu’il affirme que la preuve démontre que Jason Smeskal, Edgar Ganopolsky et Hassan Sahly avaient convenu d’être considérés comme des entrepreneurs indépendants pendant qu’ils travaillaient pour l’appelante. Premièrement, la preuve démontre que ces travailleurs n’avaient pas conclu d’ententes écrites avec l’appelante lorsqu’ils avaient été embauchés. M. Young a témoigné qu’ils avaient verbalement convenu d’être considérés comme des entrepreneurs indépendants, mais M. Sahly a témoigné qu’il n’en avait pas été question lorsqu’il avait été embauché. Il croyait avoir été embauché à titre de manœuvre. [20] On avait demandé à M. Smeskal de signer une entente écrite dans laquelle il déclarait être entrepreneur indépendant après que l’ARC eut entrepris la vérification qui a abouti aux décisions visées par les appels. M. Smeskal a tenté de négocier les conditions de l’entente écrite qui lui avait été présentée pour signature. Dans une lettre en date du 27 avril 2009 adressée à Dan Smith, M. Smeskal propose d’apporter les modifications suivantes à la disposition intitulée : [traduction] « Fournitures et matériel » : [traduction] Je souscris également au point 3; toutefois, la disposition suivante devrait être ajoutée : 3. Fournitures et matériel : (Énoncé initial). PLUS : A&T assurera la formation de l’entrepreneur à l’égard du matériel utilisé dans l’atelier. A&T garantit que les outils et la machinerie fixe sont en bon état et qu’ils sont adéquatement entretenus. Dans le cas où des blessures seraient subies ou dans le cas où un accident surviendrait en milieu de travail, A&T couvrira l’entrepreneur auprès de la CSPAAT. De plus, A&T souscrira une assurance de responsabilité civile adéquate couvrant l’entrepreneur lorsqu’il déplace les véhicules des clients. [21] Le sigle « CSPAAT » s’entend de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail établie en Ontario en vue d’administrer le programme d’assurance sans faute au lieu de travail, lequel est financé par les employeurs et vise à assurer, entre autres, l’indemnisation et la réadaptation médicale des travailleurs qui se blessent au travail. Les entrepreneurs indépendants ou les travailleurs autonomes ne sont pas automatiquement couverts par ce programme pour les blessures qu’ils subissent au travail. [22] M. Smeskal a également demandé à être couvert, aux termes de la police d’assurance de l’appelante, pour les dommages qu’il causait aux véhicules des clients. Ces demandes montrent que M. Smeskal hésitait à accepter la caractérisation unilatérale que l’appelante faisait de leur relation. Les parties n’ont pas signé d’entente étant donné que l’appelante a renvoyé M. Smeskal le jour même où celui‑ci avait remis à Dan Smith la lettre dans laquelle il demandait la modification du projet de contrat qu’il avait reçu de l’appelante. Je retiens le témoignage de M. Smeskal lorsqu’il déclare que la demande qu’il avait faite en vue de négocier les conditions du contrat préparé par l’appelante avait contribué à son renvoi et que le renvoi n’était pas attribuable aux motifs que M. Young avait allégués dans son témoignage. [23] Quoi qu’il en soit, la jurisprudence a établi que la déclaration des parties, quant à leur intention de créer une relation d’entrepreneur indépendant, n’est pas en soi déterminante. Dans l’arrêt TBT Personnel Services c. Canada, 2011 CAF 256, la juge Sharlow, qui a rédigé les motifs de la décision rendue à l’unanimité par la cour, dit bien qu’il faut néanmoins appliquer les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) pour déterminer si les faits sont réellement compatibles avec la description que les parties donnent de leur relation. Voici ce que la juge a dit : 9. Dans les arrêts Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.), et Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national – M.N.R.), 2006 CAF 87, [2007] 1 R.C.F. 35, la Cour a ajouté que lorsqu’il est établi que les parties avaient l’intention commune d’établir une relation juridique entre elles, il est nécessaire de tenir compte de cette preuve, mais il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties. [Non souligné dans l’original.] [24] En appréciant la pertinence des contrats que les personnes en cause dans l’affaire TBT Personnel Services avaient signés, la juge Sharlow a ajouté ce qui suit : 35. De telles clauses d’intention sont pertinentes, mais elles ne sont pas déterminantes. Les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door doivent également être examinés afin de déterminer si l’intention des parties contractantes qui semble découler des clauses d’intention se concilie avec les autres modalités du contrat et avec la relation contractuelle qui existait véritablement entre les parties. […] [25] Il faut appliquer les facteurs de l’arrêt Wiebe Door pour déterminer si les intentions déclarées des travailleurs, le cas échéant, sont conformes à la nature véritable de la relation qu’ils entretiennent avec l’employeur. Lorsque ces critères sont appliqués, la preuve montre‑t‑elle qu’un travailleur particulier fournit ses services dans le cours des activités d’une entreprise qu’il exploite pour son propre bénéfice? III. Application des facteurs de l’arrêt Wiebe Door A. Le contrôle [26] Dans les réponses aux avis d’appel, le ministre a supposé que M. Young supervisait les autres travailleurs en sa qualité de gérant de l’atelier de l’appelante. Les tâches de M. Young consistaient à assurer la supervision. M. Young nie la chose, mais il n’a pas réussi à me convaincre que ce n’était pas le cas. [27] M. Sahly avait été embauché à titre de manœuvre. Il ne possédait pas d’expérience professionnelle pertinente lorsqu’il avait commencé à travailler pour l’appelante. Il a témoigné que M. Young lui disait quoi faire et le supervisait dans l’exécution des tâches qui lui étaient confiées. La situation de M. Smeskal était semblable à celle de M. Sahly. En effet, M. Smeskal avait également commencé à travailler comme manœuvre. Lorsqu’il se présentait au travail, M. Young lui assignait des tâches. Il est difficile d’imaginer comment des travailleurs non qualifiés sauraient quoi faire et comment faire le travail si personne ne leur expliquait leurs tâches et ne leur indiquait ce à quoi on s’attendait d’eux. [28] M. Smeskal allègue que M. Young et le personnel désigné par M. Young assuraient sa formation en ce qui concerne le matériel que l’on utilisait pour poser les pneus sur les jantes et pour enlever les pneus des jantes et en ce qui concerne le matériel que l’on utilisait pour équilibrer les roues. Je ne puis concevoir qu’il en aurait été autrement puisque M. Smeskal ne possédait aucune expérience antérieure dans ce domaine. M. Young a nié qu’il supervisait les autres travailleurs, mais il a admis qu’il se pouvait que l’entreprise reste fermée s’il décidait de prendre un jour de congé. Il admettait ainsi que l’on ne pouvait pas se fier aux travailleurs de l’appelante pour qu’ils accomplissent leurs tâches de leur propre chef sans qu’il les supervise. [29] M. Young a reconnu que c’était lui qui traitait avec les clients. Les clients se présentaient le matin et il s’en occupait selon le principe du premier arrivé, premier servi. Si le service qui leur était fourni ne leur plaisait pas, ils se plaignaient à M. Young, qui veillait à ce que le travail soit repris conformément à leurs vœux. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer comment l’atelier pouvait bien fonctionner si M. Young ne supervisait pas les travailleurs. [30] M. Mozhar était lui aussi un travailleur non qualifié lorsqu’il avait été embauché par l’appelante pour travailler à la section des pneus usagés. Il ne parlait pas l’anglais et sa fille avait agi comme interprète lorsqu’il avait été embauché. Dans ces conditions, il semble fort peu vraisemblable qu’il ait pu exécuter ses tâches sans une formation et sans une supervision appropriées. Je ne doute aucunement qu’il ait bien vite appris comment accomplir ses tâches, ce qui lui a permis d’être plus autonome dans l’exercice de ses fonctions. Toutefois, la jurisprudence a établi que ce n’est pas l’exercice réel d’un contrôle qui importe, mais que c’est plutôt la capacité de l’employeur d’exercer un contrôle[2]. [31] Fort peu d’éléments de preuve ont été présentés au sujet des conditions de travail de M. Ganopolsky. Je suppose que, comme l’affirme le ministre, la situation de M. Ganopolsky était analogue à celle des quatre autres travailleurs non qualifiés. L’appelante n’a pas prouvé le contraire et il lui incombait de le faire. [32] M. Young a nié avoir été assujetti à la direction et au contrôle de M. Smith, l’unique actionnaire de l’appelante. MM. Sahly et Smeskal ont affirmé le contraire. Ils ont témoigné qu’ils avaient remarqué que M. Young demandait des instructions de M. Smith. Le témoignage de M. Smeskal est corroboré par les circonstances entourant la cessation de ses services. Selon ce témoin, M. Young lui aurait dit que la décision de le congédier avait été prise par M. Smith. M. Young n’était pas autorisé à ne pas tenir compte des vœux de M. Smith à cet égard. C’était M. Smith qui avait signé la lettre de cessation d’emploi. Cela donne à penser, selon moi, que M. Smith avait joué un rôle essentiel dans la décision et que M. Young avait été chargé d’annoncer la mauvaise nouvelle à M. Smeskal. [33] M. Smith voulait que ses travailleurs soient des entrepreneurs indépendants et M. Young était chargé de convaincre les travailleurs d’accepter ce statut. Après la vérification effectuée par l’ARC, M. Smith voulait que les travailleurs signent des contrats, et M. Young a tenté de faire en sorte qu’ils le fassent. M. Smeskal a essayé de négocier l’entente écrite que l’appelante lui avait présentée et, après avoir discuté de la question avec M. Smith, M. Young a informé M. Smeskal qu’il était congédié. M. Young a témoigné qu’il transmettait le courrier à M. Smith, comme il l’avait fait lorsqu’il avait reçu les lettres de l’ARC concernant les questions qui sont ici en litige. À mon avis, le fait que M. Young ne rendait pas compte tous les jours à M. Smith ne change rien au fait que c’était M. Smith qui exerçait le contrôle ultime sur l’entreprise de l’appelante. M. Young était obligé de se conformer à la philosophie d’entreprise de M. Smith. Cet aspect du critère indique donc l’existence d’une relation employeur‑employé. [34] Je tiens à faire remarquer que les conclusions que j’ai tirées au sujet des rôles respectifs de M. Smith et de M. Young sont conformes aux conclusions tirées par le juge suppléant Weisman qui, dans la décision A&T Tire & Wheel Limited c. Ministre du Revenu national, 2009 CCI 640, a conclu que Justin Bunn, un travailleur engagé par l’appelante à partir du milieu de l’année 2006 jusqu’au mois de septembre 2008, était un employé de l’appelante. Dans cette décision, le juge suppléant Weisman a accordé de l’importance au fait que M. Smith avait admis avoir embauché M. Young pour que celui‑ci gère l’entreprise d’une façon conforme à sa philosophie d’entreprise. M. Smith a témoigné que M. Young était chargé, entre autres, de veiller à ce que les travailleurs respectent les normes de sécurité strictes qu’il avait adoptées aux fins de l’enlèvement et de l’installation des roues et des pneus. L’appelante n’a pas appelé M. Smith à témoigner dans les présents appels. Étant donné qu’il est l’unique actionnaire de la société, M. Smith est particulièrement bien placé pour donner des renseignements pertinents au sujet des faits, et notamment au sujet de l’intention de l’appelante en ce qui concerne la nature de la relation qu’elle entretient avec les travailleurs et des raisons pour lesquelles M. Smeskal a été congédié. Une déduction défavorable peut être tirée du fait que M. Smith n’a pas été appelé à témoigner. La preuve dans son ensemble montre que le rôle joué par M. Smith dans l’entreprise était plus important que celui que M. Young a décrit. La propriété des instruments de travail [35] M. Smeskal et M. Sahly fournissaient leurs propres chaussures de travail. L’appelante fournissait l’uniforme, les outils, le matériel et les locaux utilisés aux fins de l’installation et de l’enlèvement des roues et des pneus. L’appelante n’a présenté aucun élément de preuve précis au sujet des outils ou du matériel utilisés par M. Ganopolsky et par M. Mozhar. Je suppose que leur situation était analogue à celle de M. Smeskal et de M. Sahly. Dans le cas de ces travailleurs, ce critère milite en faveur de l’existence d’une relation employeur-employé. [36] M. Young a témoigné que certains des outils qu’il utilisait pour accomplir ses tâches lui appartenaient. Toutefois, il a reconnu que l’appelante mettait à sa disposition tous les outils dont il avait besoin pour exécuter ses tâches. La valeur des outils et du matériel fournis par l’appelante était de beaucoup supérieure à la valeur des outils appartenant à M. Young. Au mieux, cet aspect du critère n’est pas concluant dans le cas de M. Young. La possibilité de profit; le risque de perte [37] En ce qui concerne quatre des cinq travailleurs, la preuve montre qu’ils étaient tous rémunérés à l’heure pour leurs services. Personne ne gagnait plus de onze dollars l’heure, sauf M. Young. Des dispositions avaient été prises avec M. Young aux fins du partage des bénéfices, mais ces dispositions incitatives n’empêchent pas pour autant de conclure que M. Young était un employé de l’appelante. Tous les travailleurs avaient droit à une paie de vacances. Le montant qui leur était versé était désigné comme étant une [traduction] « PV » dans les grands livres de l’appelante, ces lettres étant une abréviation de [traduction] « paie de vacances ». [38] On n’exigeait rien des travailleurs pour l’utilisation du matériel de l’appelante. Dans son témoignage, M. Young a soutenu que les travailleurs devaient payer s’ils endommageaient plus d’un pneu ou d’une roue par année. Toutefois, la preuve montre qu’aucun des travailleurs n’avait été tenu financièrement responsable des dommages, même si M. Smeskal a témoigné qu’il avait endommagé au moins deux jantes au cours de la même année. [39] L’appelante affirme que les travailleurs auraient pu embaucher des assistants pour les aider dans leurs tâches. Toutefois, aucun des travailleurs ne gagnait suffisamment d’argent pour qu’il soit pratique de le faire. [40] Les travailleurs fournissaient tous leurs services dans les locaux de l’appelante. L’appelante exerçait un contrôle sur le nombre maximum d’heures qu’ils pouvaient effectuer. L’atelier était ouvert durant les heures de travail régulières, ou pour les heures supplémentaires prévues à l’horaire, uniquement si M. Young était présent. [41] L’appelante a allégué que les travailleurs avaient la possibilité de faire un profit s’ils effectuaient un plus grand nombre d’heures. Quant à M. Smeskal, ce dernier avait demandé une augmentation qui lui avait finalement été accordée. Certains éléments de preuve ont été présentés en vue de démontrer que les travailleurs pouvaient utiliser les locaux de l’atelier afin d’assurer l’entretien de véhicules appartenant à des amis et à des membres de la famille et qu’ils pouvaient être directement rémunérés en nature ou au moyen d’une [traduction] « caisse de bière ». Cela ne suffit pas pour donner une possibilité réelle de faire un profit. Le fait d’effectuer des heures supplémentaires et de demander une augmentation de salaire est compatible avec une relation employeur-employé. L’utilisation des installations de l’atelier en vue de fournir des services à des amis et à des membres de la famille est assimilable à l’utilisation, au profit d’amis et de parents, d’une réduction accordée aux employés. [42] Compte tenu de la preuve et de l’application des critères de l’arrêt Wiebe Door, je conclus que les travailleurs étaient des employés de l’appelante pendant toute la période ici en cause. Par conséquent, les décisions du ministre sont confirmées. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 150 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-124(EI), 2011-113(EI), 2011-106(EI), 2011-107(EI), 2011-99(EI), 2011-125(CPP), 2011-105(CPP), 2011-79(CPP), 2011‑80(CPP), 2011-98(CPP) INTITULÉ : A&T TIRE & WHEEL LTD. c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATES DE L’AUDIENCE : Les 10 et 11 janvier 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 8 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocate de l’appelante : Me Leigh Somerville Taylor Avocates de l’intimé : Me Cenobar Parker et Me Jasmeen Mann AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Leigh Somerville Taylor Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Transcription, page 63, lignes 10 à 15. [2] Gagnon c. Ministre du Revenu national, 2007 CAF 33, paragraphe 7.
2012 CCI 151
TCC
2,012
Luscher c. La Reine
fr
2012-05-09
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30795/index.do
2022-09-04
Luscher c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-09 Référence neutre 2012 CCI 151 Numéro de dossier 2011-3079(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3079(IT)I ENTRE : BRIAN A. LUSCHER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel tranché sur le fondement d'un exposé conjoint des faits (déposé le 14 mars 2012) et d'observations écrites (déposées les 29 et 30 mars et le 5 avril 2012) Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb Participants : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Caroline Ebata ____________________________________________________________ JUGEMENT L'appel de l'appelant est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 9e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 151 Date : 20120509 Dossier : 2011-3079(IT)I ENTRE : BRIAN A. LUSCHER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Il s'agit ici de savoir comment le « revenu pour l'année » doit être déterminé pour l'application de l'article 118.94 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et, en particulier, comment les gains en capital réalisés au Canada et les pertes en capital subies dans un autre pays (aux États‑Unis dans ce cas‑ci) doivent être pris en compte aux fins de la détermination du revenu d'une personne pour l'application de cette disposition, qui prévoit ce qui suit : 118.94 Les articles 118 à 118.05 et 118.2, les paragraphes 118.3(2) et (3) et les articles 118.6, 118.8 et 118.9 ne s'appliquent pas au calcul de l'impôt à payer en vertu de la présente partie pour une année d'imposition par un particulier qui ne réside au Canada à aucun moment de l'année, sauf si la totalité ou la presque totalité de son revenu pour l'année est incluse dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada pour l'année. [2] L'appelant n'a résidé au Canada à aucun moment en 2008. Cette année‑là, il a disposé d'un bien canadien imposable et il a déclaré le gain en capital imposable réalisé par suite de cette disposition dans une déclaration de revenus qu'il a produite au Canada pour cette année‑là. Il a également inclus une demande de crédit d'impôt en raison de frais médicaux de 8 865 $, bien qu'il ait biffé le crédit d'impôt non remboursable de 2 514 $ en déterminant le montant de l'impôt à payer (ce qui, par suite du montant retenu et versé à la suite de la vente du bien, a entraîné un remboursement). En évaluant la déclaration de l'appelant, l'Agence du revenu du Canada a de fait pris en compte le crédit d'impôt pour frais médicaux et a augmenté le montant du remboursement. L'appelant a par la suite fait l'objet d'une nouvelle cotisation par laquelle toute demande concernant des frais médicaux a été refusée; l'appelant a interjeté appel de cette nouvelle cotisation. [3] La question de savoir si l'appelant a droit au crédit d'impôt pour frais médicaux dépendra du montant du revenu de l'appelant pour l'année 2008 qui a été inclus dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada en 2008. [4] Selon la thèse de l'appelant, pour déterminer le montant total de son revenu pour l'année 2008, le montant du gain en capital réalisé au Canada (113 692 $) devrait être traité comme représentant son revenu au Canada. L'appelant fait également valoir qu'il n'avait pas de revenu aux États‑Unis étant donné qu'il avait subi une perte en capital aux États‑Unis et que le montant de cette perte en capital (169 767 dollars américains, ou « USD ») excédait ses autres revenus gagnés aux États‑Unis (61 000 USD[1]), même si l'on avait uniquement déduit 3 000 USD au titre de la perte en capital pour déterminer son revenu total aux fins de l'impôt américain (son revenu total étant ramené à 58 000 USD). Par conséquent, l'appelant maintient que la totalité ou la presque totalité de son revenu a été incluse dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada. [5] Selon la thèse de l'intimée, le revenu imposable de l'appelant gagné au Canada en 2008 est son gain en capital imposable (56 846 $) (soit la moitié du gain en capital de 113 692 $) et son autre revenu est le [TRADUCTION] « revenu brut rajusté » de 57 231 USD (61 008 $) qu'il a déclaré dans sa déclaration de revenus américaine pour l'année 2008[2]. Le [TRADUCTION] « revenu brut rajusté » incluait la déduction de 3 000 USD que l'appelant avait demandée à l'égard d'une perte en capital de 169 767 USD qu'il avait subie en 2008 et une déduction de 769 USD au titre d'une [TRADUCTION] « déduction pour activités de production intérieure »[3]. Compte tenu de cette détermination du revenu, l'intimée affirme que le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada (56 846 $) était inférieur à la moitié de la totalité de son revenu pour l'année 2008 (56 846 $ + 61 008 $ = 117 854 $) et, par conséquent, que la totalité ou la presque totalité du revenu de l'appelant pour l'année 2008 n'a pas été incluse dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada. [6] À mon avis, ni l'une ni l'autre thèse n'est exacte en ce qui concerne la détermination du revenu de l'appelant pour l'année 2008. La Loi est divisée en plusieurs parties. En l'espèce, la partie I est celle qui est pertinente. Cette partie est divisée en diverses sections, notamment : Section A — Assujettissement à l'impôt (article 2) Section B — Calcul du revenu (articles 3 à 108) Section C — Calcul du revenu imposable (articles 109 à 114.2) Section D — Revenu imposable gagné au Canada par des non‑résidents (articles 115 et 116) Section E — Calcul de l'impôt (articles 117 à 127.41) [7] L'article 118.94 de la Loi exige deux calculs : l'un se rapporte au revenu de la personne pour l'année et le second au revenu imposable de la personne gagné au Canada pour l'année. Une fois que ces deux montants sont connus, il faut déterminer si la totalité ou la presque totalité du revenu de l'appelant pour l'année 2008 a été incluse dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada pour l'année 2008. Pour ce faire, il faut déterminer les montants qui sont inclus dans le revenu de l'appelant pour l'année 2008 et sont également inclus dans le calcul du revenu imposable de l'appelant gagné au Canada pour l'année 2008. [8] La première question consiste donc à savoir quel est le revenu de l'appelant pour l'année 2008. Étant donné que la section B de la Loi traite du calcul du revenu, il me semble qu'il s'agit de la section à examiner en vue de déterminer le revenu de l'appelant pour l'année 2008. Le revenu de l'appelant pour l'année 2008 [9] L'article 3 de la Loi (qui fait partie de la section B) prévoit notamment ce qui suit : 3 Pour déterminer le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, pour l'application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer : a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien) dont la source se situe au Canada ou à l'étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien; b) le calcul de l'excédent éventuel du montant visé au sous‑alinéa (i) sur le montant visé au sous‑alinéa (ii) : (i) le total des montants suivants : (A) ses gains en capital imposables pour l'année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés, (B) son gain net imposable pour l'année tiré de la disposition de biens meubles déterminés, (ii) l'excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l'année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise pour l'année, subies par le contribuable; c) le calcul de l'excédent éventuel du total établi selon l'alinéa a) plus le montant établi selon l'alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous‑section e dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l'alinéa a)); d) le calcul de l'excédent éventuel de l'excédent calculé selon l'alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l'année qui résultent d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien et des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable pour l'année; [...] e) si un montant est calculé selon l'alinéa d) à l'égard du contribuable pour l'année, le revenu du contribuable pour l'année correspond à ce montant; f) sinon, le revenu du contribuable pour l'année est réputé égal à zéro. [10] L'article 3 énonce les règles générales de détermination du revenu tiré de diverses sources et, en particulier, les règles générales indiquant le montant à inclure dans le revenu pour les gains en capital imposables et pour les pertes en capital déductibles. Le début de l'article 3 prévoit que le revenu d'une personne, pour l'application de la partie I de la Loi, doit être déterminé selon les calculs prévus dans cette disposition. Étant donné que l'article 118.94 figure dans la partie I de la Loi, les règles de détermination du revenu, telles qu'elles sont énoncées à l'article 3, s'appliquent aux fins de la détermination du revenu pour l'application de l'article 118.94 de la Loi. [11] La détermination du revenu pour l'application de la partie I de la Loi n'est pas fondée sur la question de savoir si le revenu est gagné au Canada ou à l'étranger. Pour l'application de la partie I de la Loi, il faut déterminer le revenu conformément aux règles énoncées à l'article 3 et à la section B de la partie I de la Loi, et ce, peu importe où le revenu a été gagné. Il importe de noter qu'une personne qui réside au Canada paiera un impôt sur son revenu imposable[4], qui est déterminé en vertu de la section C de la partie I de la Loi, et qu'une personne qui ne réside pas au Canada, mais qui a été employée au Canada, qui exploitait une entreprise au Canada ou qui a disposé d'un bien canadien imposable paiera, sous réserve de tout traité fiscal applicable, un impôt au Canada sur son revenu imposable gagné au Canada tel qu'il est déterminé en application des dispositions de la section D de la partie I[5]. [12] Par conséquent, pour le premier calcul qu'il faut faire pour l'application de l'article 118.94 de la Loi, il faut déterminer le revenu de l'appelant pour l'année 2008, tel qu'il serait déterminé pour l'application de la partie I de la Loi, et ce, peu importe où le revenu a été gagné. Il ressort clairement de l'alinéa 3b) de la Loi qu'en ce qui concerne les dispositions d'immobilisations, le montant à inclure dans le revenu (à l'égard des gains en capital imposables réalisés ou des pertes en capital déductibles subies au moment de la disposition de ces immobilisations) est le montant, le cas échéant, par lequel les gains en capital imposables réalisés par l'appelant au cours de l'année excédaient ses pertes en capital déductibles pour l'année. [13] L'article 38 de la Loi prévoit notamment ce qui suit : 38 Pour l'application de la présente loi : a) sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, tiré de la disposition d'un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu'il a réalisé pour l'année à la disposition du bien; [...] b) la perte en capital déductible d'un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien est égale à la moitié de la perte en capital que le contribuable a subie, pour l'année, à la disposition du bien; [...] [14] Les gains en capital imposables correspondent donc à la moitié des gains en capital et les pertes en capital déductibles correspondent à la moitié des pertes en capital. En 2008, l'appelant a réalisé un gain en capital à l'égard de la disposition d'un bien au Canada et une perte en capital[6] à l'égard de la disposition d'un bien aux États‑Unis. Comme le prévoit l'article 3 de la Loi, il faut déterminer le revenu de l'appelant pour l'année 2008 en partie en déterminant le montant par lequel ses gains en capital imposables excédaient ses pertes en capital déductibles. Cela comprendrait les gains en capital imposables et les pertes en capital déductibles se rapportant à la disposition de toute immobilisation, et non simplement des biens canadiens imposables (qui sont pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer le revenu imposable gagné au Canada en vertu d'une section distincte de la Loi). [15] Par conséquent, compte tenu des règles de détermination du revenu énoncées à l'alinéa 3b) de la Loi, le revenu de l'appelant pour l'année 2008 se rapportant à ses dispositions d'immobilisations[7] est le suivant : Gain en capital (bien au Canada) 113 692 $ Gain en capital imposable (1/2 du gain en capital) 56 846 $ Perte en capital (bien aux États‑Unis) 180 972 $[8] Perte en capital déductible (1/2 de la perte en capital) (90 486 $) Montant inclus dans le revenu : 0 $ [16] Étant donné que l'alinéa 3b) de la Loi prévoit que le revenu d'un contribuable comprend l'excédent éventuel de ses gains en capital imposables sur ses pertes en capital déductibles, aucun montant ne serait inclus dans le revenu en vertu de l'alinéa 3b) de la Loi étant donné que les gains en capital imposables de l'appelant en 2008 n'excédaient pas ses pertes en capital déductibles. Il faut se rappeler que ce calcul vise à déterminer le revenu total de l'appelant pour l'année 2008, et non son revenu imposable gagné au Canada (qui est utilisé aux fins de la détermination de son obligation fiscale au Canada). [17] L'autre revenu de l'appelant pour l'année 2008 a été gagné aux États‑Unis et il provenait d'intérêts, de dividendes, de rentes et de distributions d'un IRA (compte individuel d'épargne‑retraite aux États‑Unis). Le revenu total indiqué dans la déclaration de revenus américaine de l'appelant était de 58 000 USD. Il me semble qu'il s'agit du point de départ aux fins de la détermination du revenu que l'appelant a gagné aux États‑Unis étant donné que ce montant est celui qui existe avant toute déduction effectuée au titre de la [TRADUCTION] « déduction pour activités de production intérieure », qui semble être une déduction qui est admise dans le calcul du revenu brut rajusté de l'appelant pour l'application du Internal Revenue Code, mais qui ne serait pas une déduction permise aux fins de la détermination du revenu de l'appelant pour l'application de la Loi. [18] Le revenu total de 58 000 USD tenait compte d'une déduction de 3 000 USD pour la perte en capital qui, pour l'application de l'article 3 de la Loi, serait uniquement pertinente à l'égard de gains en capital imposables. Le revenu que l'appelant a gagné aux États‑Unis, sans tenir compte de cette déduction de 3 000 USD, était de 61 000 USD (65 026 $)[9]. On ne sait pas trop s'il faut apporter d'autres rajustements au revenu total en vue de déterminer quel serait le revenu pour l'application de la partie I de la Loi. [19] Par conséquent, il semble que le revenu total de l'appelant pour l'année 2008, tel qu'il est déterminé pour l'application de la partie I de la Loi, serait de 65 026 $. Aucun montant ne serait inclus à l'égard du gain en capital imposable étant donné que ce montant serait compensé par les pertes en capital déductibles. Le revenu imposable de l'appelant gagné au Canada pour l'année 2008 [20] Le second montant qu'il faut déterminer pour l'application de l'article 118.94 de la Loi est le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada. Le paragraphe 115(1) de la Loi prévoit notamment ce qui suit : 115(1) Pour l'application de la présente loi, le revenu imposable gagné au Canada pour une année d'imposition d'une personne qui ne réside au Canada à aucun moment de l'année correspond à l'excédent éventuel du montant qui représenterait son revenu pour l'année selon l'article 3 : a) si elle n'avait pas de revenu autre : [...] (iii) que des gains en capital tirés des dispositions indiquées à l'alinéa b), [...] b) si les seuls gains en capital imposables et les seules pertes en capital déductibles visés à l'alinéa 3b) étaient de semblables gains et de semblables pertes provenant de la disposition (sauf la disposition réputée effectuée selon le paragraphe 218.3(2)) de biens canadiens imposables (sauf des biens protégés par traité); [...] [21] L'expression « bien canadien imposable » est définie au paragraphe 248(1) de la Loi. En l'espèce, il n'est pas contesté que le bien immeuble qui était situé au Canada (que l'appelant a vendu en 2008 et à l'égard duquel, par suite de cette disposition, il a réalisé un gain en capital) était un bien canadien imposable et que les biens dont la disposition a donné lieu à des pertes en capital aux États‑Unis n'étaient pas des biens canadiens imposables. Par conséquent, pour déterminer le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada, il faut uniquement inclure le gain en capital imposable réalisé par suite de la disposition du bien immeuble situé au Canada. On ne tient pas compte des pertes en capital déductibles découlant de la disposition des biens aux États‑Unis (lesquels n'étaient pas des biens canadiens imposables) pour déterminer le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada. [22] Il n'a pas été contesté que les autres revenus que l'appelant a gagnés aux États‑Unis ne doivent pas être inclus pour déterminer le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada. Par conséquent, le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada (lequel est utilisé aux fins de la détermination de son obligation fiscale en vertu de la Loi) est de 56 846 $, soit le montant du gain en capital imposable que l'appelant a réalisé par suite de la disposition de son bien canadien imposable. Comparaison du revenu et du revenu imposable gagné au Canada [23] L'étape suivante consiste à déterminer si la totalité ou la presque totalité du revenu de l'appelant pour l'année 2008 est incluse dans le calcul du revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada en 2008. Afin de déterminer la fraction du revenu de l'appelant qui est incluse dans le calcul de son revenu imposable au Canada, il faut, dans ce cas‑ci, examiner la façon dont le revenu de l'appelant est déterminé et quels montants sont inclus dans son revenu. Il faut ensuite déterminer quels sont les éléments de son revenu qui sont également utilisés dans le calcul du revenu imposable qu'il a gagné au Canada. [24] Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le revenu de l'appelant pour l'année 2008 (tel qu'il est déterminé selon les calculs prévus à l'article 3 de la Loi) était de 65 026 $, ce qui comprenait un revenu de dividendes, un revenu en intérêts, un revenu de rentes et des retraits d'un IRA. Aucune partie de ce revenu de 65 026 $ n'a été incluse dans le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada (soit 56 846 $). Le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada incluait uniquement son gain en capital imposable, qui ne serait pas inclus dans la détermination de son revenu pour l'année 2008 étant donné que les pertes en capital déductibles excédaient les gains en capital imposables. Par conséquent, la totalité ou la presque totalité du revenu de l'appelant pour l'année 2008 n'a pas été incluse dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada et l'appelant n'a pas le droit de demander un crédit d'impôt à l'égard des frais médicaux qu'il a supportés. [25] L'affaire est inhabituelle étant donné que le revenu de l'appelant (de toutes provenances) est inférieur à son revenu imposable gagné au Canada, mais il me semble que tel est le résultat de l'application des règles de détermination du revenu et des dispositions se rapportant à la détermination du revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada. Les pertes en capital déductibles subies par l'appelant aux États‑Unis sont déductibles (si elles n'excèdent pas les gains en capital imposables) lorsqu'il s'agit de déterminer le revenu de l'appelant pour l'application de la partie I de la Loi. Toutefois, ces pertes en capital déductibles ne sont pas déductibles lorsqu'il s'agit de déterminer le revenu imposable que l'appelant a gagné au Canada, puisque les biens dont la disposition a donné lieu aux pertes en capital déductibles n'étaient pas des biens canadiens imposables. La convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis [26] L'appelant s'est reporté à l'article XXV de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis. Le premier paragraphe de cet article, tel qu'il était rédigé à l'égard de l'année d'imposition 2008[10], prévoyait ce qui suit : 1. Les citoyens d'un État contractant qui sont des résidents de l'autre État contractant ne sont soumis dans cet autre État à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les citoyens de cet autre État qui se trouvent dans la même situation. [27] L'appelant était un citoyen américain, mais il ne résidait pas au Canada en 2008, et cette disposition ne s'applique donc pas. [28] Le paragraphe 2 du même article, tel qu'il était rédigé à l'égard de l'année d'imposition 2008[11], prévoyait ce qui suit : 2. Les citoyens d'un État contractant qui ne sont pas des résidents de l'autre État contractant ne sont soumis dans cet autre État à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les citoyens de tout État tiers qui se trouvent dans la même situation (y compris l'État de résidence). [29] Étant donné que le revenu d'un citoyen américain qui ne réside pas au Canada serait déterminé pour l'application de l'article 118.94 de la Loi de la même façon que le revenu d'un citoyen d'un autre pays qui ne réside pas au Canada, l'appelant n'est pas assujetti à une imposition ou à une obligation différente de celles qui s'appliquent à tout citoyen d'un autre pays qui se trouve dans la même situation. Le citoyen d'un autre pays (qui ne réside pas au Canada) dont le revenu est tiré des mêmes sources et s'élève au même montant que celui de l'appelant dans ce cas‑ci n'aurait également pas le droit de demander un crédit d'impôt en vertu de la Loi à l'égard de frais médicaux. Chaque non‑résident, indépendamment de sa citoyenneté, calculerait son revenu pour l'application de l'article 118.94 de la Loi selon les mêmes calculs que ceux qui sont indiqués à l'article 3 et à la section B de la Loi. Par conséquent, cette disposition de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis, telle qu'elle était rédigée pour l'année 2008, ne s'applique pas. [30] Par conséquent, l'appel interjeté par l'appelant est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 9e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 151 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3079(IT)I INTITULÉ : BRIAN A. LUSCHER c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : DATE DE L'AUDIENCE : Par la voie d'observations écrites terminées le 5 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 9 mai 2012 PARTICIPANTS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Caroline Ebata AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Dans la déclaration de revenus américaine de l'année 2008, le [TRADUCTION] « revenu total » indiqué était de 58 000 USD. Ce montant a été déterminé en déduisant des pertes en capital de 3 000 USD, de sorte que le revenu que l'appelant a gagné aux États‑Unis (à l'exclusion de toute déduction des pertes en capital) était de 61 000 USD. [2] 57 231 USD x 1,066 (taux de change moyen pour l'année 2008) = 61 008 $. À titre subsidiaire, l'intimée a soutenu que l'autre revenu de l'appelant était le montant de son revenu total, tel qu'il avait été indiqué dans la déclaration de revenus américaine. [3] La seule différence entre le [TRADUCTION] « revenu total » et le [TRADUCTION] « revenu brut rajusté » était la déduction de 769 USD demandée au titre de la [TRADUCTION] « déduction pour activités de production intérieure ». Aucune explication n'a été donnée au sujet de cette déduction. [4] Paragraphe 2(1) de la Loi. [5] Paragraphe 2(3) de la Loi. Un impôt est également imposé aux non‑résidents sur certains types de paiements effectués par un résident du Canada à un non‑résident du Canada comme le prévoit la partie XIII de la Loi. [6] Dans la déclaration de revenus américaine de l'appelant, il est indiqué qu'une part de la perte en capital qui correspond à 159 964 USD est une « perte en capital à court terme ». La question de savoir s'il y a perte de revenu ou perte en capital pour l'application de la Loi n'a pas été soulevée. Même si le montant peut être comptabilisé à titre de perte en capital pour l'application de la loi américaine intitulée Internal Revenue Code (Code fiscal), cela ne veut pas nécessairement dire qu'il s'agirait également d'une perte en capital pour l'application de la Loi. Aucun élément de preuve ni aucun argument n'ont été présentés au sujet de la question de savoir si les pertes en capital à court terme pour l'application du Internal Revenue Code seraient des pertes en capital pour l'application de la Loi, de sorte que les pertes en capital à court terme seront traitées comme des pertes en capital pour les besoins du présent appel. [7] Les immobilisations de l'appelant n'étaient pas des biens amortissables. Par conséquent, le seul montant qui serait pertinent dans la détermination du revenu de l'appelant par suite de la disposition de l'une ou l'autre de ses immobilisations serait un gain en capital imposable ou une perte en capital déductible. [8] 169 767 USD x 1,066 (taux de change moyen pour l'année 2008) = 180 972 $. [9] 61 000 USD x 1,066 (taux de change moyen pour l'année 2008) = 65 026 $. [10] Cette disposition a été remplacée par le cinquième protocole qui a pris effet en 2009. [11] Cette disposition a été abrogée par le cinquième protocole, qui a pris effet en 2009.
2012 CCI 153
TCC
2,012
Peluso c. La Reine
fr
2012-05-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30802/index.do
2022-09-04
Peluso c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-11 Référence neutre 2012 CCI 153 Numéro de dossier 2010-1013(IT)G Juges et Officiers taxateurs Gaston Jorré Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-1013(IT)G ENTRE : ROBERT PELUSO, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1016(IT)G ENTRE : JOANNE PELUSO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1017(IT)G ENTRE : 9136-9702 QUÉBEC INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1042(IT)G ENTRE : GESTION JONQUIÈRE 412 INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2006 et 2007 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1044(IT)G ENTRE : ROSANNE BERAZNIK, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1046(IT)G ENTRE : ROSEMARY PELUSO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), et Hyman Beraznik (2010‑1047(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2010-1047(IT)G ENTRE : HYMAN BERAZNIK, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Peluso (2010‑1013(IT)G), Joanne Peluso (2010‑1016(IT)G), 9136‑9702 Québec Inc. (2010‑1017(IT)G), Gestion Jonquière 412 Inc. (2010‑1042(IT)G), Rosanne Beraznik (2010‑1044(IT)G), et Rosemary Peluso (2010‑1046(IT)G), les 11 et 12 avril 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 153 Date : 20120511 Dossier : 2010-1013(IT)G ENTRE : ROBERT PELUSO, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1016(IT)G ET ENTRE : JOANNE PELUSO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1017(IT)G ET ENTRE : 9136-9702 QUÉBEC INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1042(IT)G ET ENTRE : GESTION JONQUIÈRE 412 INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1044(IT)G ET ENTRE : ROSANNE BERAZNIK, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1046(IT)G ET ENTRE : ROSEMARY PELUSO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, Dossier : 2010-1047(IT)G ET ENTRE : HYMAN BERAZNIK, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Jorré Introduction [1] Il s'agit ici de savoir si certaines parcelles de terrain détenues par deux sociétés en commandite ont été converties de biens en stock à des biens en immobilisation, donnant ainsi lieu à des gains en capital plutôt qu'à un revenu au moment de leur disposition, au cours des années d'imposition 2005 et 2006[1]. Quel changement d'affectation a pour effet de convertir un bien en stock en un bien dont la disposition donne lieu à un gain en capital? [2] Il est utile au départ d'énoncer les types de biens qui peuvent donner lieu à un gain en capital. D'une façon générale, il y a trois types de biens dont la disposition donne lieu à un gain en capital[2] : 1. Un placement, par exemple un centre commercial qui est détenu à titre de placement à long terme pour en tirer un revenu; 2. Une immobilisation appartenant à une entreprise, par exemple l'usine d'un fabricant de voitures et le bien-fonds sur lequel l'usine est située; 3. Dans le cas d'un particulier, un bien que celui‑ci détient pour son usage personnel, comme un chalet. [3] Par conséquent, les dispositions des biens-fonds en cause donneront lieu à un gain en capital s'il est démontré que ces biens-fonds ont manifestement été convertis de biens en stock à un usage donnant lieu à un gain en capital. [4] Un tel changement exige « une initiative claire et sans équivoque témoignant » du changement[3]. Les faits [5] La première société en commandite en cause est la Meander Limited Partnership. Les ventes de biens-fonds de Meander touchent tous les appelants. [6] La seconde société en commandite en cause est la JR Investments Limited Partnership. Les ventes de biens‑fonds de JR touchent uniquement Joanne Peluso et Rosanne Beraznik. [7] Les appelants ont cité comme témoins M. Steven Taylor, un constructeur qui traitait avec Meander, et M. Hyman Beraznik; l'intimée a cité M. Jean‑Guy Boilard, responsable de la gestion quotidienne de l'aménagement des biens-fonds de Meander. [8] À une exception près, la preuve n'est pas réellement controversée. Cette exception, qui se rapporte au moment où une décision a été prise, n'influe pas sur le résultat. Par conséquent, j'énoncerai simplement les faits sans examiner la preuve. [9] Il n'est pas contesté que les biens‑fonds en question ont tous été initialement acquis à titre de biens en stock. [10] La société Cliffton Group Inc. gérait les deux sociétés en commandite. [11] La société Cliffton exerce ses activités depuis une trentaine d'années; elle s'occupe principalement de l'acquisition et de la gestion d'immeubles commerciaux produisant un revenu à titre de placement à long terme. La propriété des immeubles est détenue par l'intermédiaire d'autres entités juridiques, la société Cliffton assurant la gestion des immeubles; les autres entités versent des frais de gestion à la société Cliffton, dont le siège social est situé à Montréal. [12] Les immeubles sont principalement des centres commerciaux, quoiqu'ils aient également compris des immeubles industriels et des locaux à bureaux. [13] Monsieur Hyman Beraznik et Mme Joanne Peluso gèrent conjointement la société Cliffton. M. Beraznik était le principal responsable du financement et de l'acquisition des immeubles. Ces deux personnes possèdent des dizaines d'années d'expérience dans ce domaine. [14] Au cours de son existence, la société Cliffton ne s'est occupée de l'acquisition et de l'aménagement de biens-fonds en vue de les revendre que dans trois cas. [15] Le premier bien‑fonds était situé à Laval (Québec). Le deuxième était celui qui était détenu par la société en commandite JR Investments, dans l'arrondissement Charlesbourg, à Québec. Le troisième était détenu par la société en commandite Meander dans l'arrondissement Les Rivières, à Québec. [16] Les deux premiers projets se rapportaient aux activités de location de centres commerciaux de la société Cliffton. Dans les deux cas, les biens-fonds étaient adjacents à un centre commercial appartenant à la société Cliffton ou situés près d'un centre commercial appartenant à cette société; la société voulait aménager les biens‑fonds de façon que des quartiers résidentiels soient créés près de ses centres commerciaux, ce qui aurait pour effet d'augmenter les ventes aux centres commerciaux ainsi que leur rentabilité. La société en commandite Meander[4] [17] Dans le cas de Meander, il n'y avait pas de lien avec les centres commerciaux. Lorsque le projet de JR était sur le point d'achever, M. Jean‑Guy Boilard, qui avait géré ce projet, a proposé le projet Meander à la société Cliffton. [18] La société Cliffton a finalement décidé d'acheter les biens‑fonds pour le compte d'une entité devant être constituée. La propriété a été transférée à la société en commandite Meander. [19] On avait l'intention d'aménager les biens‑fonds qui avaient été achetés en les raccordant aux services publics et en vendant des lots à des constructeurs. La chose devait être accomplie en plusieurs phases. [20] Il ressort fort clairement des témoignages des trois témoins qu'il a été très difficile de procéder à la première phase et de livrer aux constructeurs des lots avec services publics aux dates stipulées dans les contrats. [21] Les difficultés découlaient en bonne partie de la décision de la ville d'exiger que tous les câbles soient enfouis. Il s'agissait d'une nouvelle exigence. [22] Lorsque l'on a communiqué avec Hydro‑Québec, la société a fait savoir qu'elle n'avait pas installé de câbles souterrains depuis plusieurs années et qu'elle ne pouvait pas exécuter ces travaux dans le délai requis. [23] Les frais d'aménagement étaient donc beaucoup plus élevés que ce qui avait été prévu, ce qui a suscité un grand nombre de difficultés et beaucoup de stress. Ainsi, il fallait parfois louer des génératrices; il a fallu installer, à grands frais, des câbles électriques extérieurs temporaires; certains propriétaires ont été obligés d'emménager sans avoir d'électricité, et d'autres, sans avoir de ligne téléphonique; certains acheteurs ont également été obligés de rester à l'hôtel pendant un certain temps. [24] Bref, les bénéfices ne représentaient que le quart environ de ce qui avait été prévu, et ce, sans prendre en compte les frais auxquels pourrait donner lieu un litige concernant la première phase, lequel est encore en instance. [25] La preuve montre tout à fait clairement qu'à cause de ces difficultés, la société en commandite Meander a décidé de ne pas procéder aux autres phases. [26] Cette décision a été prise au plus tôt en août 2004 et au plus tard en décembre 2004[5]. [27] Quelle était cette décision? Il s'agissait de la décision de ne pas procéder aux autres phases une fois la première phase achevée. Lors de l'interrogatoire principal, M. Beraznik a déclaré fort clairement qu'au début du mois de décembre, juste avant de prendre des vacances, il n'avait pas encore décidé ce que la société en commandite Meander ferait ensuite. [28] Lors du réinterrogatoire, M. Beraznik a indiqué qu'à ce moment-là, il n'avait pas parlé à son associée, Mme Joanne Peluso, mais que s'ils s'étaient parlé, ils auraient probablement convenu de vendre les biens‑fonds. M. Beraznik a également déclaré qu'ils auraient peut‑être envisagé d'autres possibilités, comme une coentreprise avec une autre partie, aux fins de l'aménagement de biens locatifs, ou une coentreprise avec une autre partie, qui ferait qu'ils fourniraient les biens‑fonds, alors que l'autre partie s'occuperait de tous les travaux, et notamment du raccordement aux services publics. [29] Lorsque, au début du mois de décembre, M. Beraznik a informé M. Boilard qu'il était mis fin au projet, M. Boilard a demandé ce qu'il allait faire, s'il allait vendre. Ils ont également discuté de la valeur possible des biens‑fonds. M. Beraznik a fait savoir qu'ils pourraient discuter plus à fond de la question après ses vacances. [30] Peu de temps après être parti en vacances, M. Beraznik a reçu trois messages de son bureau au sujet de personnes qui avaient téléphoné. Il a fait savoir qu'il les rappellerait une fois arrivé à San Francisco. [31] Monsieur Beraznik a appelé les trois personnes en question, depuis San Francisco. Les trois appels se rapportaient à l'achat possible des biens‑fonds de Meander devant faire partie de la phase 2. Au cours des appels, il a été question des prix possibles. M. Beraznik a dit à toutes ces personnes qu'il y songerait si elles faisaient une offre. [32] Monsieur Beraznik a ensuite appelé Mme Peluso; ils ont convenu de prendre une décision une fois les offres faites. [33] Deux offres ont été faites avant le retour de M. Beraznik de San Francisco; Mme Peluso a commencé à examiner ces offres. En fin de compte, ils ont décidé d'accepter l'offre d'une société à dénomination numérique qui, comme ils l'ont par la suite appris, appartenait à M. Stéphan Huot. [34] Meander a accepté cette offre le 17 décembre 2004[6]. [35] Peu de temps après, les constructeurs qui avaient soumis l'autre offre ont intenté des poursuites contre Meander, ce qui a eu pour effet de retarder la conclusion de la vente de la phase 2. La Cour supérieure du Québec et, à la fin du mois de mai 2008, la Cour d'appel du Québec ont rendu des jugements en faveur de Meander. [36] Au cours d'une conversation que M. Beraznik avait eue avec M. Huot, lorsqu'ils étaient au palais de justice à cause de la poursuite, M. Huot a informé M. Beraznik qu'il voulait acheter tous les biens‑fonds de Meander. [37] Il a été convenu que M. Huot achèterait les biens‑fonds en diverses étapes et qu'étant donné qu'il devait payer comptant, les ventes s'échelonneraient sur un certain nombre d'années. [38] En conséquence, Meander a accepté, le 4 mai 2005, une offre d'achat pour ce qui devait être la phase 3; l'acte de vente concernant la phase 4 est daté du 15 août 2006[7]. [39] Meander n'a jamais confié la vente des biens‑fonds à un courtier. [40] Les états financiers de Meander concernant l'année 2004 indiquent simplement que les ventes de biens-fonds sont imputables au revenu, alors que dans les états financiers concernant les années 2005 et 2006, une distinction est faite entre les [TRADUCTION] « ventes de biens‑fonds — aménagement », lesquelles correspondent aux ventes de lots de la première phase, et le [TRADUCTION] « gain réalisé lors de la vente » des biens‑fonds qui étaient initialement destinés à des phases autres que la première phase. Selon la note 1 jointe aux états financiers concernant l'année 2006 : [TRADUCTION] « En 2005, la société en commandite a abandonné ses activités d'aménagement de biens‑fonds, sauf pour achever le projet déjà en cours, et elle vend les autres biens‑fonds en bloc[8]. » [41] Selon M. Beraznik, le comptable a fait cette distinction entre les biens‑fonds de la première phase et les autres biens‑fonds, dans les états financiers des années 2005 et 2006, après avoir suivi un cours sur les changements d'affectation. Analyse : Meander [42] Pendant leur argumentation, les appelants ont notamment fait valoir que des terrains vagues pouvaient passer des stocks à une affectation donnant lieu à un gain en capital au moment de la disposition. L'intimée n'a pas soutenu le contraire et je reconnais qu'il est possible de faire passer un terrain vague des stocks à une affectation qui donnera lieu à un gain en capital[9]. [43] Les faits ne démontrent pas qu'il y a eu changement d'utilisation des biens‑fonds, qui seraient passés des stocks à une utilisation donnant lieu à un gain en capital au moment de la disposition des biens‑fonds en question, c'est‑à‑dire des biens‑fonds autres que les biens‑fonds de la première phase. [44] Aucun élément de preuve ne montre que les biens‑fonds soient devenus un placement. Aucun élément de preuve ne montre que les biens‑fonds soient devenus des immobilisations devant être utilisées par l'entreprise. [45] Il a clairement été décidé de mettre fin aux autres travaux d'aménagement; aucune mesure et aucune décision n'ont été prises pour que quelque chose d'autre soit fait avant les ventes. On pourrait peut‑être dire qu'il y a eu un « changement de projet », mais il ne s'agit pas d'un changement d'affectation du genre qui donnerait lieu à un gain en capital au moment de la disposition. [46] Il y a simplement eu vente en bloc des biens‑fonds en cause dans chaque phase. [47] Les principes que la Cour d'appel fédérale a énoncés dans l'arrêt Edmund Peachey Ltd. c. La Reine[10] s'appliquent clairement à ces faits. [48] Dans l'affaire Edmund Peachey, une terre agricole, connue sous le nom de ferme Codlin, avait été acquise en 1956 afin d'être aménagée en lots résidentiels avec services publics. En 1960, une demande de changement de zonage avait été présentée pour que le zonage passe d'agricole à résidentiel, mais, en 1961, le zonage est passé à une utilisation industrielle, ce qui empêchait tout aménagement résidentiel. La société Edmund Peachey avait donc renoncé à son projet d'aménagement de la ferme Codlin et, d'une façon plus générale, avait décidé de mettre peu à peu fin aux autres activités de construction d'habitations. [49] Rien d'autre n'a été fait à l'égard de la ferme Codlin et, en 1971, la ferme a été vendue à la suite d'une offre non sollicitée, soit la première offre reçue pour cette terre agricole. [50] La Cour d'appel fédérale a conclu que la disposition était imputable au revenu parce que rien n'avait été fait en vue de changer l'affectation en une affectation qui donnerait lieu à un gain en capital lorsque le bien‑fonds ferait par la suite l'objet d'une disposition. La cour a notamment dit ce qui suit : [La cour a cité le passage suivant de la décision rendue par le président Jackett (tel était alors son titre) dans l'affaire Les Entreprises Chelsea Limitée c. Ministre du Revenu national, [1970] C.T.C. 598, 70 D.T.C. 6379 :] [TRADUCTION] À mon avis, en face d'une telle entreprise, aussi longtemps qu'elle continue de posséder du terrain faisant partie du stock d'origine de la compagnie, on peut raisonnablement supposer que l'entreprise n'a pas été liquidée, faute de preuve d'une initiative quelconque prise dans le but de la liquider, comme par exemple lorsque la compagnie retire le terrain de l'entreprise et le consacre à une autre construction destinée à servir d'immobilisations pour une autre entreprise. C'est à mon avis une définition correcte de la Loi, et c'est à juste titre que le juge de première instance s'en est inspiré. Comme le savant juge de première instance, j'estime qu'une initiative claire et sans équivoque témoignant d'un changement d'intention serait nécessaire pour modifier le caractère du terrain d'un actif engagé à une immobilisation — et que rien, dans les circonstances de la cause ne révèle une semblable initiative concrète et délibérée. Aucune preuve écrite n'indiquait la mise en oeuvre de la nouvelle intention, le terrain n'a pas été affecté à une autre utilisation. Nous n'avons ici que l'intention exprimée par l'appelante de posséder désormais le terrain à titre d'immobilisation. Cela n'est pas suffisant à mon avis pour transformer le produit de sa vente d'un actif engagé en produit d'une vente d'immobilisation. (J'ai souligné le passage de la décision Les Entreprises Chelsea Limitée.) [51] En l'absence d'un changement d'affectation du bien‑fonds donnant lieu, au moment de la disposition, à un gain en capital, il ressort clairement des principes énoncés dans l'arrêt Edmund Peachey que la disposition du bien-fonds en question continue à être imputable au revenu; une simple vente en bloc du stock, comme c'est ici le cas, ne transforme pas le gain tiré de la disposition d'un gain de la nature d'un revenu en un gain en capital[11]. [52] Si la société en commandite Meander avait établi une coentreprise avec une autre société ou avec une autre société de personnes en vue d'aménager des biens locatifs sur les biens‑fonds et si elle avait ensuite, à un moment donné, à cause d'événements survenus dans l'intervalle, disposé d'une partie des biens‑fonds faisant partie de la coentreprise, il se pourrait bien, eu égard aux circonstances, que la disposition soit imputable au capital. Une telle situation est fort différente de celle qui existe en l'espèce[12]. [53] Les appelants ont insisté sur la façon dont le bien‑fonds en question était traité dans les états financiers et sur le fait que les ventes résultaient d'offres non sollicitées. [54] La question de savoir si la disposition d'un bien donnera lieu à un gain de la nature d'un revenu ou à un gain en capital dépend de la raison pour laquelle il a été acquis ou, lorsqu'il est question d'un changement d'affectation, de l'existence d'un changement d'affectation. En déterminant la raison de l'acquisition d'un bien ou l'existence d'un changement d'affectation, les tribunaux tiennent compte non seulement de l'intention déclarée, mais aussi de toutes les circonstances, notamment afin de savoir s'il existe une preuve objective confirmant l'intention déclarée[13]. [55] C'est dans ce contexte que des facteurs tels que des offres non sollicitées ou la façon dont un bien est traité dans les états financiers peuvent être pris en considération aux fins de l'évaluation de la nature du bien. Le fait qu'une offre ne soit pas sollicitée et le fait que le bien soit traité d'une façon particulière dans les états financiers ne peuvent pas en tant que tels avoir pour effet de convertir un bien qui fait partie du stock en un bien qui donnera lieu à un gain en capital au moment de sa disposition[14]. [56] Par conséquent, le gain que Meander a réalisé était imputable au revenu[15]. La société en commandite JR Investments [57] La question qui se pose dans le cas de la société en commandite JR se rapporte à la vente de quatre parcelles de terrain à Charlesbourg, et plus précisément : · une vente, en 2005, à la Fondation de la faune, pour la somme de 180 000 $; · une vente, en 2006, au Centre Jardin Hamel, pour la somme de 58 500 $; · une vente, en 2006, à Développement de la capitale, pour la somme de 401 315 $; · une seconde vente, en 2006, à Développement de la capitale, pour la somme de 360 000 $. [58] La société Cliffton avait aménagé les biens‑fonds à Charlesbourg pendant de nombreuses années. Comme je l'ai déjà expliqué, on avait au départ cherché à augmenter le nombre de personnes habitant à proximité d'un des centres commerciaux de la société, ce qui devait aider à augmenter les ventes du centre commercial[16]. La plupart des biens‑fonds que la société en commandite avait vendus à Charlesbourg étaient composés de lots avec services publics et ils étaient déclarés en tant qu'éléments du revenu. [59] Les quatre lots dont il a ci‑dessus été fait mention ont été déclarés au titre d'un gain en capital. [60] La société en commandite voulait aménager la première parcelle en question, mais elle n'a pas pu le faire et la parcelle a été vendue à la Fondation de la faune. Ce bien‑fonds n'avait pas de services publics. [61] Quant au bien‑fonds vendu au Centre Jardin Hamel, il a été découvert à un moment donné que le centre de jardinage utilisait une petite parcelle triangulaire de terrain appartenant à la société en commandite depuis plusieurs années. À la suite de certaines négociations, la société en commandite avait vendu le terrain au centre de jardinage pour un montant correspondant au montant de l'évaluation municipale. Il s'agissait également d'un bien‑fonds sans services publics. [62] Enfin, les deux ventes à Développement de la capitale étaient également des ventes de biens‑fonds sans services publics. Analyse concernant les biens-fonds de JR [63] Les principes applicables sont les mêmes que ceux dont j'ai déjà fait mention dans le cas de Meander[17]. [64] Les quatre ventes en question n'étaient peut‑être pas des ventes habituelles de lots avec services publics, mais il n'y a rien dans la preuve qui donne à entendre qu'à un moment donné, ces lots devaient être détenus à titre de placements ou qu'ils devaient par ailleurs passer du stock à un type d'affectation de nature à produire un gain en capital lorsqu'ils feraient l'objet d'une disposition. [65] Le simple fait que les parcelles en question ont été vendues sans services publics n'a pas en soi pour effet de convertir ces ventes en ventes produisant des gains en capital. Conclusion[18] [66] Pour ces motifs, les appels sont rejetés avec dépens. Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de mai 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 153 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010‑1013(IT)G, 2010-1016(IT)G, 2010‑1017(IT)G, 2010‑1042(IT)G, 2010‑1044(IT)G, 2010‑1046(IT)G, 2010‑1047(IT)G INTITULÉS : ROBERT PELUSO c. LA REINE JOANNE PELUSO c. LA REINE 9136‑9702 QUÉBEC INC. c. LA REINE GESTION JONQUIÈRE 412 INC. c. LA REINE ROSANNE BERAZNIK c. LA REINE ROSEMARY PELUSO c. LA REINE HYMAN BERAZNIK c. LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec) DATES DE L'AUDIENCE : Les 11 et 12 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Gaston Jorré DATE DU JUGEMENT : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat des appelants : Me Marc-Antoine Deschamps Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Marc-Antoine Deschamps Cabinet : Morency Société d'avocats Montréal (Québec) Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Sauf dans le cas de Gestion Jonquière 412 Inc., pour laquelle les années d'imposition sont les années 2006 et 2007. [2] Voir Principles of Canadian Income Tax Law (septième édition), Peter W. Hogg, Joanne E. Magee et Jinyan Li, à 11.1(b), reproduit dans Tax Partner Main (2012 – publication 3). [3] Voir la décision de la Cour d'appel fédérale dans Edmund Peachey Ltd. c. La Reine, no A‑458‑78, 10 janvier 1979, [1979] A.C.F. no 2 (QL) : [...] Le passage dont il s'est inspiré, extrait du jugement du président Jackett (fonction qu'il remplissait alors) est ainsi rédigé : [TRADUCTION] À mon avis, en face d'une telle entreprise, aussi longtemps qu'elle continue de posséder du terrain faisant partie du stock d'origine de la compagnie, on peut raisonnablement supposer que l'entreprise n'a pas été liquidée, faute de preuve d'une initiative quelconque prise dans le but de la liquider, comme par exemple lorsque la compagnie retire le terrain de l'entreprise et le consacre à une autre construction destinée à servir d'immobilisations pour une autre entreprise. C'est à mon avis une définition correcte de la Loi, et c'est à juste titre que le juge de première instance s'en est inspiré. Comme le savant juge de première instance, j'estime qu'une initiative claire et sans équivoque témoignant d'un changement d'intention serait nécessaire pour modifier le caractère du terrain d'un actif engagé à une immobilisation — et que rien, dans les circonstances de la cause ne révèle une semblable initiative concrète et délibérée. Aucune preuve écrite n'indiquait la mise en oeuvre de la nouvelle intention, le terrain n'a pas été affecté à une autre utilisation. Nous n'avons ici que l'intention exprimée par l'appelante de posséder désormais le terrain à titre d'immobilisation. Cela n'est pas suffisant à mon avis pour transformer le produit de sa vente d'un actif engagé en produit d'une vente d'immobilisation. Cette approche a été suivie par le juge Rothstein (tel était alors son titre) dans Succession de George Duthie c. La Reine, no T‑359‑92, 18 mai 1995, [1995] A.C.F. no 770 (QL) (C.A.F.), et, plus récemment, par le juge Sheridan dans Bodine c. La Reine, 2010 CCI 426, paragraphes 47 et 48. [4] Rien ne dépend : i) de la participation exacte des différents appelants dans la société en commandite Meander; ii) de l'interposition de la fiducie Hyman Beraznik dans le cas de M. Beraznik ou de l'existence de la société Développement Les Méandres inc., qui agissait à titre de prête‑nom (voir l'onglet 37 de la pièce A‑2, page 4, à l'alinéa 4.1a)). On peut en faire abstraction sans danger. [5] Le moment où cette décision a été prise est le seul point litigieux. M. Beraznik a témoigné avoir dit à M. Boilard, en août 2004, que celui‑ci devrait convaincre Meander pour qu'elle procède aux autres phases; M. Beraznik ne voulait pas faire encore une fois l'expérience qu'il venait de vivre. En septembre, les résultats financiers de Meander ont été connus; ils étaient fort décevants. M. Boilard a continué à discuter avec la ville de phases additionnelles et à fournir de nouvelles prévisions au sujet des coûts; il a également continué à engager certains frais peu élevés pour le compte de Meander. Il y a eu des discussions continues entre M. Beraznik et M. Boilard; selon ce que M. Beraznik a dit, au cours de ces discussions, M. Boilard n'avait pas voulu accepter d'abandonner les autres phases. Enfin, au tout début du mois de décembre, juste avant de partir en vacances, M. Beraznik a catégoriquement informé M. Boilard que tout était terminé; ils allaient mettre fin à l'aménagement des biens‑fonds après la première phase. Selon la note 1 jointe aux états financiers de Meander pour l'exercice ayant pris fin le 31 décembre 2006 (voir la pièce A‑2, onglet 62, page 3) : [TRADUCTION] « En 2005, la société en commandite a cessé ses activités d'aménagement de biens‑fonds, sauf pour achever le projet en cours, et elle vend le reste des biens‑fonds en bloc. » Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé sur ce point, je n'ai pas à décider exactement à quel moment cette décision a été prise, mais, si je devais le faire, puisqu'il y a eu certaines activités continues de peu d'importance pour ce qui est de l'exécution des phases postérieures à la première phase, j'aurais conclu qu'il a été mis fin à ces autres phases en décembre 2004. [6] Voir la dernière page de l'onglet 42, pièce A‑2. [7] Voir les onglets 45, 46, 48 et 49 de la pièce A‑2. [8] Voir la pièce A‑2, onglet 60, pages 2 et 3, onglet 61, page 2, et onglet 62, pages 2 et 3. Nous ne savons pas à quel moment ces états ont été préparés, mais les états financiers sont normalement préparés peu de temps après la fin de l'exercice. [9] Étant donné la conclusion que j'ai tirée pour d'autres raisons, je n'ai pas à analyser plus à fond cette question. Toutefois, je tiens à faire remarquer que la décision rendue par la majorité des juges (les juges Major, L'Heureux‑Dubé et Sopinka) dans l'arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, paragraphes 20 à 24, semble donner à entendre que les stocks ne peuvent pas être convertis. Les juges minoritaires (les juges Iacobucci et Gonthier) étaient d'avis contraire : voir le paragraphe 136. [10] Précité. [11] C'est ce que montrent les décisions Sunrise Park Development Limited c. Ministre du Revenu national, 5 octobre 1981, [1981] C.T.C. 2863 (C.R.I.), et R. c. Randall Park Development Ltd., no T‑131‑78, 27 novembre 1978, [1978] C.T.C. 826, 78 D.T.C. 6545 (C.F. 1re inst.). Dans l'affaire Randall Park, un bien‑fonds de 400 acres avait été acquis en 1966 en vue d'être aménagé. En 1969, la fusion de la région dans laquelle le bien‑fonds était situé avec la ville de Halifax avait donné lieu à un zonage qui empêchait l'aménagement, et le bien‑fonds avait été vendu en bloc en 1973. La Cour fédérale a dit ce qui suit : À la lumière des faits que je viens de résumer très brièvement, j'estime que le terrain de Spryfield, pendant qu'il appartenait à la défenderesse, était de même nature qu'une marchandise en stock et que le produit de sa vente était de même nature que le produit de vente d'une marchandise. La défenderesse ne l'a pas acquis en vue d'y établir une usine ou d'en tirer un loyer. Il ne constituait pas un simple placement de fonds inemployés. Son acquisition s'inscrivait dans le cadre de l'activité commerciale de la défenderesse. Il ne représentait à aucun moment un bien d'immobilisation, c'est-à-dire quelque chose qui ne soit pas une marchandise. Certes, sa vente n'était pas typique des opérations commerciales normales de la défenderesse, à savoir la vente des lotissements à bâtir, et ressemblait plutôt à la vente en bloc de marchandises en stock, mais rien en l'espèce ne différencie cette vente de la vente commerciale d'une marchandise qui n'était plus destinée à l'usage pour lequel elle avait été achetée. [...] La défenderesse soutient qu'à cause de cet empêchement, le terrain avait en quelque sorte perdu son caractère de marchandise ou de bien productif de revenu pour acquérir le caractère d'un bien d'immobilisation. Les projets de la défenderesse n'ayant pas été approuvés par le comité de planification urbaine, il est possible que le bien en question ait acquis une nature différente de celle qui avait été envisagée ou escomptée par la défenderesse, mais rien, à mon avis, ne permet de conclure que son caractère de marchandise ou de bien productif de revenu ait jamais changé. Je note que dans l'affaire Jodare Ltd. c. La Reine, no T‑4530‑81, 10 janvier 1986, [1986] 1 C.T.C. 250, le bien‑fonds en question, la parcelle C, avait été acquise, en 1966, par une société de personnes appartenant aux appelantes, Rice Holdings Company. Selon certains éléments de preuve, bon nombre de travaux avaient été exécutés de 1966 à 1973 en vue de la construction de maisons en rangée et d'immeubles d'habitation. En 1973, il avait été décidé de suspendre les travaux parce que les loyers courants du marché étaient insuffisants pour soutenir les rentrées de fonds nécessaires. En 1974, le bien‑fonds a été vendu. De toute évidence, si les loyers ne suffisaient pas, le projet était un projet locatif, soit un placement, et non un projet en vue de la vente de lots. (Je note que Rice Construction, une société différente mais liée, avait initialement acquis le bien-fonds à des fins différentes, dans l'intention de construire et de revendre un immeuble industriel. Toutefois, la décision rendue dans l'affaire Jodare portait sur la nature du bien‑fonds appartenant à Rice Holdings.) [12] La décision Watkins c. Ministre du Revenu national, no 83‑1079, 10 mai 1985, [1985] 2 C.T.C. 2023, illustre une telle situation. Dans la décision Watkins, la Cour a conclu que les habitations qui avaient été construites en vue d'être vendues avaient en réalité fait l'objet d'un changement d'affectation en vue de constituer un placement; elles avaient été conservées en vue d'être louées et elles avaient été louées pendant quatre à six ans. Par suite de certaines circonstances, il avait ensuite été décidé de vendre les habitations. [13] Dans ce cas‑ci, il n'y avait même pas d'intention déclarée quant à un changement d'affectation qui donnerait lieu à un gain en capital au moment de la disposition du bien. [14] Dans ce cas‑ci, les états financiers correspondent à ce que le contribuable croyait comprendre, après que le comptable eut suivi un cours. Il n'y a rien dans l'affaire Jacobson Holdings Ltd. c. La Reine, no T‑2005‑83, 28 novembre 1985, [1986] 1 C.T.C. 87, qui donne à entendre que les états financiers ne constituent pas simplement l'un des facteurs à prendre en considération. Les appelants ont soutenu que [TRADUCTION] « la nature non sollicitée des offres peut avoir pour effet de convertir un élément de stock en une immobilisation dans les affaires immobilières où les contribuables s'occupent d'aménagement immobilier » : voir le résumé écrit du droit et de la jurisprudence des appelants. À l'appui, les appelants citent la décision Woodbine Developments Ltd. c. La Reine, no T‑1010‑83, 9 novembre 1984, [1984] C.T.C. 616. Or, je ne puis rien trouver dans la décision Woodbine qui aille aussi loin que ce que les appelants affirment. Dans l'affaire Woodbine, il n'était pas question de changement d'affectation; il s'agissait de savoir quelle était la nature des sept biens‑fonds qui avaient été acquis entre les années 1973 et 1976 et qui avaient été vendus entre les années 1976 et 1979 — cinq biens‑fonds ayant été vendus en 1979. Selon mon interprétation des faits, à l'exception d'un des biens‑fonds en cause, la société Woodbine avait acheté des biens‑fonds sur lesquels des immeubles étaient situés ou y avait fait construire des immeubles; elle avait acquis les biens‑fonds dans l'intention de tirer un revenu de placement sous la forme de loyers et, à l'exception du seul bien‑fonds qui était un terrain vague, les biens‑fonds avaient de fait été loués. La cour a reconnu que les biens‑fonds avaient été acquis en vue de générer un revenu de placement; le fait que les offres faites étaient non sollicitées constituait une preuve compatible avec les autres éléments de preuve indiquant que les biens‑fonds avaient été acquis à des fins de placement. [15] Étant donné la conclusion que j'ai tirée, je n'ai pas à traiter de la question de savoir si le paragraphe 23(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique dans le cas où il y a eu changement d'affectation à des fins de placement (par exemple, en construisant et en louant des habitations). Toutefois, je tiens à faire les remarques suivantes, portant sur un autre point. Le paragraphe 23(1) est libellé ainsi : 23(1) Lorsque, lors de la disposition d'une entreprise ou d'une partie quelconque d'une entreprise ou après en avoir disposé, ou lors de la cessation de l'exploitation d'une entreprise ou d'une partie quelconque d'une entreprise ou après avoir cessé de l'exploiter, un contribuable a vendu la totalité ou une partie des biens qui étaient à porter à l'inventaire de l'entreprise, les biens ainsi vendus sont réputés, pour l'application de la présente partie, avoir été vendus par lui dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise. Même si la jurisprudence ne m'amenait pas à tirer la conclusion à laquelle je suis arrivé, il m'est difficile de concevoir comment la simple vente de biens‑fonds en bloc, comme c'est ici le cas, pourrait ne pas être visée par le texte clair du paragraphe 23(1), de sorte que la disposition est imputable au revenu. [16] La société en commandite JR n'était pas le propriétaire initial des biens‑fonds; elle en est devenue propriétaire à la suite de certaines difficultés financières. Cela n'a aucune pertinence en l'espèce. [17] Je tiens encore une fois à renvoyer à la décision R. c. Randall Park Development Ltd., ci‑dessus mentionnée à la note de bas de page 11. [18] Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé, je n'ai pas à examiner certaines autres questions de droit secondaires qui se poseraient uniquement s'il y avait eu changement d'affectation.
2012 CCI 154
TCC
2,012
Hokhold c. La Reine
fr
2012-05-09
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30796/index.do
2022-09-04
Hokhold c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-09 Référence neutre 2012 CCI 154 Numéro de dossier 2010-2393(IT)G Juges et Officiers taxateurs Georgette Anne Sheridan Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-2393(IT)G ENTRE : FRANK CHARLES HOKHOLD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appels entendus les 22 et 23 février 2012, à Vancouver (Colombie‑Britannique). Devant : L'honorable juge G. A. Sheridan Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Susan Wong ________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d'imposition 2002 et 2003 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu de ce qui suit : 1. les pénalités imposées pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2007 sont annulées; 2. pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007, l'appelant a supporté des dépenses d'entreprise se rattachant à l'utilisation d'un véhicule automobile qui correspondent à 50 p. 100 des montants déduits indiqués à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel; 3. pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007, l'appelant a supporté des dépenses d'entreprise au titre de salaires qui correspondent à 75 p. 100 des montants déduits indiqués à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel; 4. chaque partie supportera ses propres frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2012. « G. A. Sheridan » Le juge Sheridan Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 154 Date : 20120509 Dossier : 2010-2393(IT)G ENTRE : FRANK CHARLES HOKHOLD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Sheridan [1] L'appelant, Frank Hokhold, est un dentiste qui, en 1994, a commencé à exploiter une entreprise individuelle, à Merritt, une petite collectivité à l'intérieur des terres en Colombie‑Britannique. Le cabinet dentaire était situé dans la maison familiale. Toute la famille prenait part à l'entreprise. Mme Hokhold, qui était assistante dentaire agréée, gérait le cabinet et s'occupait de la tenue de livres, de l'administration du cabinet et des rendez-vous des patients et, au besoin, elle aidait son mari à procéder aux soins dentaires. Les deux enfants ont grandi à la clinique dentaire; dès leur jeune âge, on s'attendait à ce qu'ils aident leur père à exploiter son entreprise après l'école et pendant les fins de semaine. Les enfants, comme la mère, étaient rémunérés pour leur travail. [2] L'appelant interjette appel des nouvelles cotisations que le ministre du Revenu national a établies pour ses années d'imposition 2002 à 2007, par lesquelles certaines dépenses d'entreprise ont été refusées. Les problèmes de l'appelant découlent du fait qu'il a produit en retard sa déclaration de revenus relative à son année d'imposition 2002 et qu'il n'a pas produit de déclarations pour les années 2003 à 2006. Ces dernières années ont fait l'objet de cotisations arbitraires en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi. La déclaration de 2007 a été produite au mois de juin 2008. Le 10 septembre 2008, l'appelant a produit des déclarations modifiées pour les années d'imposition 2002 à 2007. Des avis de ratification ont finalement été délivrés pour toutes les années d'imposition à l'égard desquelles l'appelant interjette maintenant appel. [3] L'appelant agissait pour son propre compte; il a témoigné à l'audience. Mme Hokhold a également témoigné. [4] Le témoignage de l'appelant, en ce qui concerne le travail qu'il effectuait à titre de dentiste, était crédible. L'appelant se consacrait à ses tâches cliniques et déléguait le travail administratif se rapportant au cabinet à Mme Hokhold et, dans une moindre mesure, à ses enfants. Par conséquent, le témoignage de l'appelant, en ce qui concerne les détails relatifs à l'entreprise, était moins utile que celui de Mme Hokhold; il était également moins convaincant étant donné que l'appelant avait tendance à exagérer les faits dans l'espoir de renforcer ses allégations. Un autre point faible se rapportait au fait que l'appelant estimait que l'Agence du revenu du Canada, et plus précisément le service des recouvrements, l'avait maltraité. Cela le rendait moins objectif qu'il aurait autrement pu l'être et détournait parfois son attention des faits pertinents. [5] Toutefois, si la chose peut réconforter l'appelant, je dirai que je puis comprendre sa frustration lorsqu'il a reçu de l'Agence du revenu du Canada une série de lettres kafkaïennes en réponse à des questions, qui me semblent raisonnables, qu'il avait posées au sujet de la vérification[1]. D'autre part, bien qu'il ait passablement été prêt à blâmer l'Agence du revenu du Canada pour ses problèmes, l'appelant n'était pas aussi prêt à reconnaître que ses difficultés étaient attribuables à sa propre omission de produire des déclarations. [6] Par conséquent, le succès que l'appelant a connu dans les présents appels est en bonne partie attribuable au témoignage de Mme Hokhold. Mme Hokhold connaissait bien la situation du cabinet dentaire en tant qu'entreprise et elle a donné des réponses honnêtes. Mme Hokhold ressentait elle aussi le stress provoqué par la double épreuve de la vérification et du recouvrement auxquels l'Agence du revenu du Canada avait procédé, mais elle s'en est néanmoins tenue à la tâche à accomplir, en comblant souvent les lacunes factuelles du témoignage de son mari. Dans l'ensemble, je conclus que Mme Hokhold était un témoin convaincant. [7] Le vérificateur responsable du dossier de l'appelant à l'Agence du revenu du Canada, Mark Wensley, a été appelé à témoigner par l'intimée; il a relaté les étapes du processus de vérification. Analyse [8] Avant de traiter des dépenses d'entreprise qui ont été refusées, il y a deux questions préliminaires à régler : la validité des appels concernant les années 2002 et 2003 et les pénalités pour production tardive imposées par le ministre à l'égard des années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007. La validité des appels concernant les années 2002 et 2003 [9] Selon la preuve non contestée que le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada, M. Wensley, a présentée, les recherches qu'il avait effectuées dans les dossiers électroniques de l'appelant n'indiquaient pas qu'un avis d'opposition ait été présenté à l'égard de ces années d'imposition. L'appelant lui‑même a expliqué qu'il ne s'était pas opposé aux cotisations des années 2002 et 2003 parce qu'il souffrait d'une hypertension grave, exacerbée par le stress que lui causaient les efforts énergiques de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada. Ces actions l'avaient également laissé sans les fonds nécessaires pour retenir les services des avocats et des comptables auxquels il estimait devoir faire appel afin de présenter son opposition. Mme Hokhold a confirmé ce renseignement dans son témoignage. [10] L'omission de l'appelant de présenter des avis d'opposition à l'égard des cotisations des années 2002 et 2003 dans le délai prévu par la Loi veut dire que les conditions à remplir en vue d'interjeter appel en vertu du paragraphe 169(1) n'ont pas été remplies; par conséquent, les appels concernant ces années d'imposition doivent être rejetés. Pénalités pour production tardive concernant les années 2004, 2005, 2006 et 2007 [11] Le ministre a imposé des pénalités pour production tardive répétée pour les années 2004 et 2005 en vertu du paragraphe 162(2) et des pénalités pour production tardive pour les années 2006 et 2007 en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi. À l'audience, l'avocate de l'intimée a fait savoir que sa cliente reconnaissait qu'aucune pénalité ne devait être imposée pour les années 2004, 2005 et 2007. [12] Quant aux pénalités relatives à l'année 2006, le paragraphe 162(1) prévoit que le contribuable est passible d'une pénalité s'il ne produit pas sa déclaration dans le délai prévu par la loi. Toutefois, le contribuable peut éviter ces pénalités s'il réussit à démontrer qu'il a fait preuve de diligence raisonnable en s'efforçant de payer le montant dû à temps (Rupprecht c. La Reine, 2007 CCI 191, conf. par 2009 CAF 314). [13] Dans ce cas‑ci, l'appelant a produit sa déclaration de 2006 le 10 septembre 2008 seulement. À sa décharge, il a encore une fois mentionné les pressions auxquelles il faisait face lorsqu'il s'agissait de continuer à exercer sa profession malgré les activités de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada ainsi que ses problèmes de santé et ses problèmes financiers de plus en plus graves. Toutefois, il faut se rappeler que l'année d'imposition 2006 n'est que l'une des quatre années consécutives pour lesquelles aucune déclaration n'a été produite. Je reconnais que l'appelant faisait face à certaines difficultés, mais il reste qu'il a décidé de cesser de produire des déclarations selon les modalités et dans les délais prévus. L'appelant a témoigné savoir qu'il aurait dû produire des déclarations et payer ses impôts, mais il était à son avis moins important de s'occuper de ses obligations fiscales que d'essayer de s'occuper de ses autres responsabilités. Dans ces conditions, on ne peut pas dire que l'appelant ait tenté d'exercer le genre de diligence raisonnable prévu par la jurisprudence; les pénalités établies en vertu du paragraphe 162(1) sont justifiées pour l'année 2006. Les dépenses d'entreprise [14] Un grand nombre d'éléments ont été examinés et rajustés au cours de la vérification, mais seulement quelques dépenses d'entreprise sont en litige dans les présents appels. Chaque type de dépense sera examiné ci‑dessous sous le titre approprié. 1. Les frais afférents au véhicule automobile, années 2004, 2005, 2006 et 2007 [15] L'avis d'appel n'indique pas clairement les montants que l'appelant a déduits à l'égard des frais afférents au véhicule automobile; je me suis donc fondée sur les chiffres indiqués pour chacune des années d'imposition à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel : Année Montant déduit par l'appelant Montant admis par le ministre 2004 5 729 $ 1 715 $ 2005 5 650 $ 1 378 $ 2006 7 586 $ 1 920 $ 2007 7 924 $ 1 888 $ [16] L'appelant ne possédait qu'une seule voiture, une Ford Windstar, qu'il utilisait pour la famille et pour l'entreprise. Aux fins de l'entreprise, il utilisait la voiture localement pour aller à la banque et au bureau de poste et pour d'autres services liés au cabinet. Il utilisait également la voiture pour des déplacements plus importants, par exemple pour des voyages hebdomadaires à Kamloops en vue d'acheter des fournitures pour l'entreprise et pour des voyages effectués au cours de l'année afin d'assister à des conférences professionnelles, à Vancouver et dans d'autres grands centres de la Colombie‑Britannique. Après avoir examiné les carnets de route de l'appelant, le vérificateur a finalement attribué environ 20 p. 100 de l'utilisation de la voiture aux fins de l'entreprise. [17] À mon avis, cela est trop peu. Je suis d'accord avec l'avocate de l'intimée pour dire que l'appelant a affaibli son témoignage en essayant d'attribuer une fin d'entreprise à des utilisations de toute évidence personnelles, par exemple lorsqu'il s'agissait d'amener les enfants au cinéma afin de les récompenser du travail qu'ils effectuaient pour le cabinet, mais le témoignage de Mme Hokhold était plus convaincant. Elle a réussi à me convaincre que la famille se permettait peu de loisirs. Une seule enfant participait à des activités parascolaires et elle devait néanmoins accomplir ses tâches de bureau lorsqu'elle rentrait à la maison. Le cabinet de l'appelant semble avoir dominé leurs vies. [18] Les Hokhold utilisaient la Ford Windstar pour des voyages hebdomadaires à Kamloops où les prix étaient moins élevés que dans leur petite collectivité éloignée, même en tenant compte du coût de l'essence pour un voyage de 90 km. Il est vrai qu'ils achetaient également de la nourriture pour la famille pendant qu'ils étaient à Kamloops, mais l'appelant se procurait également ce qu'il lui fallait pour son entreprise, comme des fournitures et du matériel de bureau. Quant à l'utilisation locale de la voiture, le vérificateur semble ne pas avoir tenu compte de l'utilisation du véhicule aux fins de l'entreprise, probablement parce que, dans une petite ville telle que Merritt, les Hokhold seraient allés partout à pied pour accomplir les tâches liées à l'entreprise. À mon avis, cette hypothèse n'est pas très réaliste. Quoi qu'il en soit, selon la preuve mise à ma disposition, je suis convaincue que la voiture était utilisée dans une proportion de 50 p. 100 pour les besoins de l'entreprise. 2. Les frais de repas et de représentation [19] Les montants que l'appelant a déduits et que l'Agence du revenu du Canada a admis sont indiqués à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel : Année Montant déduit par l'appelant Montant admis par le ministre (%) 2004 6 444 $ (50 % de 12 888 $) 1 288 $ (20 % du montant déduit) 2005 7 598 $ (50 % de 15 196 $) 1 519 $ (20 % du montant déduit) 2006 5 547 $ (50 % de 11 094 $) 1 109 $ (20 % du montant déduit) 2007 6 911 $ (50 % de 13 822 $) 1 382 $ (20 % du montant déduit) [20] Étant donné que toute la famille s'occupait du cabinet, l'appelant a tenté de qualifier presque chaque miette qu'ils consommaient comme étant des frais de repas. L'avocate de l'intimée a cité l'arrêt Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, paragraphes 76 et 77, à l'appui de la thèse voulant que lorsqu'une dépense aurait de toute façon été supportée, par exemple pour nourrir ou vêtir le contribuable, cette dépense ne peut pas donner lieu à une déduction accordée à l'entreprise. Je suis d'accord avec l'avocate de l'intimée lorsqu'elle dit que les 20 p. 100 admis par le vérificateur correspondent d'une façon appropriée aux sommes que l'appelant dépensait lorsqu'il assistait à des conférences professionnelles ou à d'autres événements professionnels similaires. Par conséquent, il ne convient pas de modifier les montants que le ministre a admis. 3. Les salaires des enfants [21] Le ministre a reconnu que les enfants de la famille Hokhold effectuaient de fait du travail au cabinet de l'appelant, mais il n'a admis que 10 p. 100 des montants qui avaient été déduits pour leurs salaires de l'année 2004 à l'année 2007. L'avocate de l'intimée a soutenu que les documents faisant état de leur rémunération n'étaient pas fiables; ainsi, les documents indiquant le nombre d'heures de travail étaient trop similaires et il était difficile d'établir un lien entre les chèques qui étaient remis pour les salaires et les comptes des enfants. L'avocate de l'intimée a en outre fait valoir que, compte tenu de leurs travaux scolaires et de leurs activités parascolaires et du fait qu'ils touchaient environ dix dollars l'heure, les enfants n'auraient pas pu gagner autant que ce que l'appelant affirmait. [22] N'eût été du témoignage de Mme Hokhold, les arguments de l'avocate m'auraient peut‑être convaincue. Toutefois, je retiens la preuve que Mme Hokhold a présentée au sujet du point jusqu'auquel on s'attendait à ce que les enfants participent à l'entreprise de l'appelant. Mme Hokhold a affirmé qu'elle venait d'un milieu où il était normal pour les enfants d'avoir des tâches familiales; elle avait commencé à travailler lorsqu'elle avait neuf ans seulement. Ses enfants avaient 15 et 13 ans respectivement lorsque, en 2002, ils ont commencé à travailler à la clinique de leur père. Ils aidaient à la réception, ils s'occupaient du classement, ils gardaient les enfants des patients pendant que ceux‑ci étaient traités, ils entraient les données à l'ordinateur, ils remplissaient les formulaires d'assurance, ils préparaient les plateaux dentaires pour les interventions du lendemain et ils faisaient tout ce qu'il fallait faire d'autre. Ils avaient leurs propres comptes de banque et ils devaient payer leurs activités récréatives ou parascolaires à l'aide de leurs propres fonds. [23] Madame Hokhold a expliqué en outre qu'au fur et à mesure que sa dette fiscale augmentait, l'appelant était de moins en moins en mesure de rémunérer des employés et qu'il lui incombait ainsi qu'à ses enfants de combler le vide. De plus, la clinique dentaire était située dans la maison familiale; il n'y avait tout simplement aucune possibilité d'échapper au travail. Mme Hokhold elle‑même était déjà submergée par le travail administratif que l'appelant lui avait délégué. Elle lui avait demandé avec instance d'obtenir de l'aide pour la tenue de livres et pour la comptabilité en 2000, mais sa demande était tombée dans l'oreille d'un sourd, de sorte qu'elle s'était vue obligée de compter de plus en plus sur les enfants. Selon la preuve qu'elle a présentée, ils faisaient de gros sacrifices pour le cabinet dentaire de l'appelant. [24] Madame Hokhold faisait de son mieux pour que les relevés de leurs heures de travail soient à jour, mais il lui était difficile de le faire, compte tenu de toutes ses autres tâches. Je retiens comme raisonnable le témoignage qu'elle a présenté au sujet du nombre d'heures de travail que les enfants effectuaient normalement. J'accepte également les explications qu'elle a données au sujet de ce qui semblait à première vue être des irrégularités en ce qui concerne les chèques qui leur étaient remis. [25] En 2004, en 2005 et en 2006, l'appelant a déduit en tout 12 600 $, 13 000 $ et 12 810 $ pour les salaires des enfants. En 2007, le montant s'élevait en tout à 22 245 $. Compte tenu de son examen des chèques et de ce qui était selon lui raisonnable pour des enfants qui travaillaient[2], M. Wensley a admis 10 p. 100 de ces montants. [26] À mon avis, ce montant n'est pas assez élevé. Même si l'on suppose d'une façon prudente que les enfants travaillaient après l'école pendant deux heures seulement trois jours par semaine et pendant trois heures seulement chaque fin de semaine, compte tenu d'un salaire moyen de dix dollars l'heure, le montant s'élèverait à 4 320 $ pour chaque enfant, soit un montant annuel total de 8 640 $. Ce chiffre représente environ 68 p. 100 des montants déduits en 2004, en 2005 et en 2006. Si cette formule est appliquée à l'année 2007, un montant estimatif prudent s'élèverait à 15 127 $. [27] Je crois que les enfants effectuaient probablement un plus grand nombre d'heures de travail que ce qu'indique l'estimation prudente ci‑dessus mentionnée. Eu égard aux circonstances dans leur ensemble, je conclus que l'appelant a droit à 75 p. 100 des montants mentionnés à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel. 4. Les autres déductions effectuées par l'appelant au titre de dépenses d'entreprise, en 2006 et en 2007 [28] Comme le montre l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel, l'appelant a déduit en 2006, au titre des dépenses d'entreprise, certains montants pour la [TRADUCTION] « perte de revenu » et pour la [TRADUCTION] « perte de matériel d'entreprise »; en 2007, il a encore une fois déduit certains montants pour la [TRADUCTION] « perte de revenu » et pour la [TRADUCTION] « perte de la clientèle ». [29] Un examen de l'avis d'appel montre que l'appelant impute ces pertes aux mesures que l'Agence du revenu du Canada a prises en recouvrant sa dette fiscale. L'appelant a également présenté un témoignage détaillé au sujet de la façon dont les efforts de l'Agence avaient détruit son cabinet. En résumé, l'appelant a justifié ainsi la déduction des dépenses d'entreprise susmentionnées : quant à la [TRADUCTION] « perte de matériel », à cause des activités de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada, il ne pouvait plus arriver à faire les versements se rattachant à la location du matériel qu'il utilisait dans son cabinet dentaire, de sorte que le locateur a repris le matériel. Cela étant, l'appelant s'est vu obligé d'utiliser du vieux matériel, de sorte qu'il était moins efficace dans son travail, ce qui a amené ses patients à s'adresser ailleurs. Cette situation, à laquelle viennent s'ajouter d'autres présumés méfaits, y compris le fait que l'Agence du revenu du Canada avait délivré des demandes de paiement aux assureurs qui payaient les factures dentaires de ses patients, a entraîné une [TRADUCTION] « perte de revenu ». Dans l'intervalle, la détérioration de son cabinet a entraîné la [TRADUCTION] « perte de la clientèle » qu'il avait établie au fil des ans. [30] Je souscris à l'avis de l'avocate de l'intimée lorsqu'elle affirme que ces déductions ne sont pas des dépenses d'entreprise légitimes étant donné que les dépenses n'avaient tout simplement pas été engagées en vue de gagner un revenu comme l'exige l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Il peut y avoir d'autres façons de comptabiliser ces pertes et l'appelant voudra peut‑être demander conseil à des experts sur ce point. [31] L'avis d'appel incluait également une demande d'excuses de la part de l'Agence du revenu du Canada ainsi que de dommages-intérêts s'élevant à 5 000 000 $ à l'égard de l'inconduite présumée de celle‑ci. Comme je l'ai expliqué à l'appelant au début de l'audience, même s'il avait droit à pareille réparation, la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence à cet égard. Conclusion [32] Les appels des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 2002 et 2003 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement. Les appels des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu de ce qui suit : 1. les pénalités imposées pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2007 sont annulées; 2. pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007, l'appelant a supporté des dépenses d'entreprise se rattachant à l'utilisation d'un véhicule automobile qui correspondent à 50 p. 100 des montants déduits indiqués à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel; 3. pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007, l'appelant a supporté des dépenses d'entreprise au titre de salaires qui correspondent à 75 p. 100 des montants déduits indiqués à l'annexe B de la réponse à l'avis d'appel; 4. chaque partie supportera ses propres frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2012. « G. A. Sheridan » Le juge Sheridan Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 154 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-2393(IT)G INTITULÉ : FRANK CHARLES HOKHOLD c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L'AUDIENCE : Les 22 et 23 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge G. A. Sheridan DATE DU JUGEMENT : Le 9 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Susan Wong AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : S/O Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Pièce A-1, onglets 21 à 34. [2] Pièce R-1, onglet 34.
2012 CCI 155
TCC
2,012
Astley c. La Reine
fr
2012-05-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30867/index.do
2022-09-04
Astley c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-11 Référence neutre 2012 CCI 155 Numéro de dossier 2011-2240(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2240(IT)I ENTRE : JENNIFER L. ASTLEY, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu le 8 mars 2012, à Ottawa, Canada, suivi d'observations présentées par écrit le 30 mars, le 13 avril et le 19 avril 2012. Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Peter F. Burnet Avocate de l'intimée : Me Serena Sial ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté par l'appelante est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 11e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 29e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 155 Date : 20120511 Dossier : 2011-2240(IT)I ENTRE : JENNIFER L. ASTLEY, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Il s'agit ici de savoir si l'exigence voulant qu'il faut inclure le revenu d'un époux lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne donnée est admissible à la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») va à l'encontre de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») si les deux particuliers en cause sont mariés, mais n'ont pas commencé à cohabiter. Le paragraphe 15(1) de la Charte prévoit ce qui suit : 15(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. [2] La PFCE d'un particulier pour un mois donné est, conformément à la formule énoncée au paragraphe 122.61(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), réduite du montant du revenu modifié de ce particulier pour l'année de base pour ce mois‑là. Pour les six premiers mois d'une année d'imposition donnée, l'année de base est la deuxième année d'imposition précédente et, pour les six derniers mois d'une année d'imposition donnée, l'année de base est l'année précédente. [3] Le « revenu modifié » est défini ainsi à l'article 122.6 de la Loi : « revenu modifié » En ce qui concerne un particulier pour une année d'imposition, le total des sommes qui représenteraient chacune le revenu pour l'année du particulier ou de la personne qui était son époux ou conjoint de fait visé à la fin de l'année si, dans le calcul de ce revenu, aucune somme : a) n'était incluse : (i) en application de l'alinéa 56(1)q.1) ou du paragraphe 56(6), (ii) au titre d'un gain provenant d'une disposition de bien à laquelle s'applique l'article 79, (iii) au titre d'un gain visé au paragraphe 40(3.21) ; b) n'était déductible en application des alinéas 60y) ou z). [4] Pour déterminer le revenu modifié de l'appelante pour une année de base donnée, il faut ajouter au revenu de l'appelante le revenu de la personne qui était son époux visé à la fin de l'année en question. L'expression « époux visé » est définie ainsi à l'article 122.6 de la Loi : « époux ou conjoint de fait visé » Personne qui, à un moment donné, est l'époux ou conjoint de fait d'un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l'application de la présente définition, une personne n'est considérée comme vivant séparée d'un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend ce moment. [5] Par conséquent, si une personne est un époux ou un conjoint de fait du particulier en cause, il faut inclure le revenu de cette personne pour déterminer le revenu modifié de ce particulier. Étant donné que cette exigence s'applique également aux particuliers qui sont mariés et à ceux qui vivent en union de fait, il n'y a aucun fondement à l'allégation selon laquelle la définition du revenu modifié entraîne de la discrimination entre les couples mariés et ceux qui vivent en union de fait et contrevient donc à l'article 15 de la Charte. [6] Toutefois, l'argument de l'appelante est fondé sur l'exigence voulant que les particuliers qui vivent en union de fait doivent cohabiter, alors que les particuliers qui sont mariés n'ont pas à cohabiter afin d'être considérés comme des époux visés. Pour l'application de la définition d'« époux visé », il n'est pas nécessaire que les particuliers qui sont mariés cohabitent réellement, à condition de ne pas vivre séparés pour cause d'échec de leur mariage. Il n'existe dans cette définition aucune exigence expresse voulant que les particuliers qui vivent en union de fait cohabitent pour être des « conjoints de fait visés » (à condition de ne pas vivre séparés pour cause d'échec de l'union de fait). Toutefois, s'ils ne cohabitent pas, existe‑t‑il une union de fait? [7] L'union de fait est définie ainsi au paragraphe 248(1) de la Loi : « union de fait » Relation qui existe entre deux conjoints de fait. [8] L'expression « conjoint de fait » est définie ainsi au paragraphe 248(1) de la Loi : « conjoint de fait » Quant à un contribuable à un moment donné, personne qui, à ce moment, vit dans une relation conjugale avec le contribuable et qui, selon le cas : a) a vécu ainsi tout au long d'une période d'un an se terminant avant ce moment; b) est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, compte non tenu des alinéas 252(1)c) et e) ni du sous‑alinéa 252(2)a)(iii). Pour l'application de la présente définition, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble dans une relation conjugale sont réputées, à un moment donné après ce moment, vivre ainsi sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur relation, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné. [Non souligné dans l'original.] [9] Le début de la définition de « conjoint de fait » prévoit que cette définition s'applique aux particuliers qui vivent l'un avec l'autre. La fin de la définition ne s'applique également que lorsque les particuliers vivent ensemble. Par conséquent, la cohabitation est une exigence pour que des particuliers soient considérés comme vivant en union de fait. Il faut satisfaire à cette exigence relative à la cohabitation pour qu'il existe une union de fait et, par conséquent, pour que le revenu du conjoint de fait réduise la PFCE de l'un des conjoints de fait. L'appelante a prétendu que cette exigence fait en sorte que la définition du terme « époux visé » va à l'encontre de l'article 15 de la Charte. L'appelante a également souligné qu'elle ne partageait pas ses dépenses ou son revenu avec John Overton pendant qu'ils vivaient séparés. Toutefois, il n'existe aucune exigence voulant que les ressources financières soient partagées pour que deux personnes soient considérées comme vivant en union de fait. De plus, il me semble qu'une allégation de discrimination fondée sur l'article 15 de la Charte ne peut pas être fondée sur la question du partage des ressources financières. [10] L'appelante (qui vivait au Canada) a commencé à communiquer par Internet avec John Overton (qui vivait en Grande‑Bretagne) en 2003. Ils se sont rencontrés une ou deux années plus tard et ils ont poursuivi leur relation. En 2007, ils ont décidé de se marier et ils se sont mariés le 29 février 2008. Après la cérémonie de mariage, John Overton est retourné en Grande‑Bretagne pour que la demande qu'il avait présentée en vue d'immigrer au Canada puisse être traitée. L'appelante agissait comme répondante. L'appelante et M. Overton s'attendaient à ce que le traitement de la demande ne prenne qu'environ huit mois, mais il a fallu plus d'un an pour traiter la demande, et M. Overton ne s'est établi au Canada qu'au mois de juin 2009 et il est devenu résident permanent du Canada au mois de septembre 2009. À la fin de l'année de base 2008, l'appelante et John Overton étaient mariés, mais ils ne cohabitaient pas étant donné que M. Overton était encore au Royaume‑Uni en attendant que sa demande d'immigration soit approuvée. [11] Pour déterminer le droit de l'appelante à la PFCE pour l'année de base 2008 (se rapportant aux paiements que l'appelante a reçus du mois de juillet 2009 au mois de juin 2010) et pour l'année de base 2009 (pour les paiements que l'appelante a reçus en juillet et en août 2010), l'intimée a ajouté le revenu de John Overton pour ces années de base au revenu de l'appelante et a conclu que des prestations avaient été versées en trop au titre de la PFCE du mois de juin 2009 au mois d'août 2010. [12] Pour déterminer si le revenu d'un époux visé est inclus dans le revenu modifié d'une personne pour une année donnée, il faut savoir si l'autre personne est un époux visé à la fin de cette année donnée. Dans ce cas‑ci, il s'agit de savoir si John Overton était un époux visé à la fin de l'année 2008 et à la fin de l'année 2009. Selon les dispositions de la Loi, M. Overton était un époux visé à la fin de chacune de ces années étant donné qu'il était marié à l'appelante et qu'ils ne vivaient pas séparés pour cause d'échec de leur mariage. [13] L'appelante soutient que la définition d'époux visé est uniquement fondée sur la question de savoir s'ils étaient mariés et non sur la question de savoir s'ils cohabitaient. Elle affirme que, compte tenu de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'arrêt Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, l'état matrimonial est un motif analogue pour l'application de l'article 15 de la Charte. La question en litige dans cette affaire‑là, telle que l'a décrite le juge McLachlin (tel était alors son titre), était la suivante : 119 LE JUGE MCLACHLIN — Nous devons décider dans le présent pourvoi si l'exclusion des partenaires non mariés comme bénéficiaires des indemnités d'assurance‑accidents offertes aux partenaires mariés va à l'encontre des garanties d'égalité de la Charte canadienne des droits et libertés. Je suis d'avis qu'il faut répondre par l'affirmative à cette question. [14] Les dispositions portant sur la PFCE, en ce qui concerne l'exigence voulant que le revenu d'une autre personne soit inclus dans le « revenu modifié » d'une personne donnée, s'appliquent à la personne donnée qui est mariée à l'autre personne ainsi qu'à celle qui vit en union de fait avec l'autre personne. Par conséquent, aucune distinction n'est faite entre les couples non mariés (qui vivent en union de fait) et les couples mariés. Toutefois, l'appelante soutient que la distinction à faire est que, pour vivre en union de fait, deux particuliers doivent cohabiter, mais que la cohabitation n'est pas nécessaire si les deux particuliers sont mariés. [15] Dans l'arrêt Withler c. Canada (Procureur général), [2011] 1 R.C.S. 396, 2011 CSC 12, le juge en chef McLachlin et le juge Abella, qui ont rédigé les motifs au nom de la Cour suprême du Canada, ont dit ce qui suit : 30 La jurisprudence a établi un test à deux volets pour l'appréciation d'une demande fondée sur le par. 15(1) : (1) La loi crée‑t‑elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue? (2) La distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétuation d'un préjugé ou l'application de stéréotypes? (Voir Kapp, par. 17.) 31 Ces deux volets indiquent que toute distinction n'est pas en soi contraire au par. 15(1) de la Charte (Andrews; Law; Bande et nation indiennes d'Ermineskin, par. 188). [...] [16] Afin de satisfaire au premier volet du critère, la loi doit créer une distinction. Or, comme il en a ci‑dessus été fait mention, aucune distinction n'est établie dans les dispositions susmentionnées de la Loi entre les couples mariés et ceux qui vivent en union de fait. Dans les deux cas, il faut inclure le revenu de l'époux ou du conjoint de fait pour déterminer le revenu modifié de la personne donnée qui demande la PFCE (à condition qu'ils ne vivent pas séparés pour cause d'échec de leur mariage ou de leur union de fait). Toutefois, il existe une distinction en vertu de la Loi entre les couples mariés qui ne cohabitent pas (par choix ou en raison d'un obstacle juridique et non pour cause d'échec de leur mariage) et les couples non mariés qui ne cohabitent pas. Si elle n'avait pas épousé John Overton au mois de février 2008, l'appelante n'aurait pas eu à inclure le revenu de celui‑ci pour déterminer son revenu modifié pour l'année de base 2008 étant donné qu'ils n'ont commencé à cohabiter qu'au mois de juin 2009. Par conséquent, à cause de son état matrimonial à lui seul, l'appelante devait inclure le revenu de John Overton pour déterminer son revenu modifié pour l'année de base 2008. [17] L'argument de l'appelante est donc le suivant : elle a été victime de discrimination parce qu'elle a épousé John Overton au mois de février 2008, mais n'a commencé à cohabiter avec lui qu'au mois de juin 2009. L'état matrimonial est un motif analogue, mais comme il en a ci‑dessus été fait mention : [...] L'égalité n'est pas une question de similitude, et le par. 15(1) ne garantit pas le droit à un traitement identique. Il garantit plutôt à chacun le droit d'être protégé contre toute discrimination. Par conséquent, pour établir une violation du par. 15(1), une personne « doit démontrer non seulement qu'[elle] ne bénéficie pas d'un traitement égal devant la loi et dans la loi, ou encore que la loi a un effet particulier sur [elle] en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu'elle offre, mais encore que la loi a un effet discriminatoire sur le plan législatif » [...] [18] L'appelante et John Overton ont décidé de se marier. L'appelante a ensuite parrainé M. Overton pour sa demande d'immigration. Pourquoi devraient‑ils être considérés de la même façon qu'un couple qui n'est pas marié et qui ne cohabite pas? [19] Dans l'arrêt Withler c. Canada (Procureur général), précité, le juge en chef McLachlin et le juge Abella, au nom de la Cour suprême du Canada, ont dit ce qui suit : 65 L'analyse à la deuxième étape sert à déterminer si la loi cause une inégalité réelle en perpétuant un désavantage ou un préjugé ou en appliquant un stéréotype qui ne correspond pas à la situation ou aux caractéristiques réelles des demandeurs. À cette étape, la comparaison peut favoriser une meilleure compréhension contextuelle de la situation du demandeur dans le cadre d'un régime législatif et dans la société en général et aider ainsi à déterminer si la mesure législative ou la décision contestée perpétue un désavantage ou un stéréotype. La valeur probante de la preuve comparative, considérée dans cette perspective contextuelle, dépendra des circonstances. (Voir Andrea Wright, « Formulaic Comparisons : Stopping the Charter at the Statutory Human Rights Gate », dans Fay Faraday, Margaret Denike et M. Kate Stephenson, dir., Making Equality Rights Real : Securing Substantive Equality under the Charter (2006), 409, p. 432; Sophia Reibetanz Moreau, « Equality Rights and the Relevance of Comparator Groups » (2006), 5 J. L. & Equality 81; Pothier.) [20] Aucun élément de preuve n'a été présenté afin de démontrer comment l'exigence voulant que les couples mariés, même s'ils ne cohabitent pas, combinent leurs revenus aux fins de la PFCE « perpétue un désavantage ou un stéréotype » à l'égard des couples mariés. Dans la décision Schachtschneider c. La Reine, [1994] 1 C.F. 40[1], le juge Linden a fait les observations suivantes : [...] Il est donc justifié de considérer l'état matrimonial comme un motif analogue aux fins de l'article 15. [...] Comme je l'ai indiqué, il ne faudrait pas confondre le motif de discrimination — l'état matrimonial — et le groupe qui soutient être victime de discrimination — les personnes mariées. C'est donc dire que si l'état matrimonial peut être reconnu comme un motif analogue, pour déterminer s'il y a eu discrimination fondée sur ce motif il faut examiner les circonstances particulières du groupe auquel appartient le plaignant. Dans la présente affaire, la requérante dit être victime de discrimination parce qu'elle est mariée; cependant, on ne peut dire que les personnes mariées ont été défavorisées au Canada d'un point de vue social, politique ou historique (R. c. Swain, arrêt précité, à la page 992). Au contraire, il est fort possible que les membres de notre société qui sont mariés jouissent de certains privilèges et avantages du fait de leur état. Les personnes mariées ne constituent pas une minorité discrète et isolée, pas plus qu'il ne s'agit d'un groupe indépendamment défavorisé. [21] Il me semble qu'il n'existe aucun fondement à l'égard de l'allégation selon laquelle l'exigence voulant que le revenu de John Overton soit inclus dans le revenu de l'appelante, lorsqu'ils sont mariés mais ne cohabitent pas (ce qui ne découle pas de l'échec de leur mariage), constitue de la discrimination envers l'appelante en sa qualité de personne mariée. [22] Par conséquent, l'appel que l'appelante a interjeté est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 11e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 29e jour de juin 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 155 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2240(IT)I INTITULÉ : JENNIFER L. ASTLEY c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L'AUDIENCE : Le 8 mars 2012 (suivie d'observations présentées par écrit le 30 mars, le 13 avril et le 19 avril 2012) MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Peter F. Burnet Avocate de l'intimée : Me Serena Sial AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Peter F. Burnet Cabinet : Jones, Horwitz, Bowles, Burnet Ottawa, Canada Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée, no 23698, 7 septembre 1993, [1993] S.C.C.A. no 335 (QL) (C.S.C.).
2012 CCI 156
TCC
2,012
Sampson c. La Reine
fr
2012-05-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30801/index.do
2022-09-04
Sampson c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-11 Référence neutre 2012 CCI 156 Numéro de dossier 2008-4192(IT)APP Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2008-4192(IT)APP ENTRE : GEORGE SAMPSON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Demande entendue par conférence téléphonique, le 4 mai 2012, à Ottawa (Ontario). Devant : L'honorable juge B. Paris Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Nadine Taylor Pickering ________________________________________________________________ JUGEMENT La demande en vue de l'obtention d'une ordonnance prorogeant le délai dans lequel un avis d'appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 peut être déposé auprès du ministre du Revenu national est rejetée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour de mai 2012. « B. Paris » Le juge Paris Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 156 Date : 20120511 Dossier : 2008-4192(IT)APP ENTRE : GEORGE SAMPSON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Paris [1] Monsieur Sampson a présenté une demande de prorogation du délai dans lequel un appel peut être interjeté à l'égard des nouvelles cotisations concernant ses années d'imposition 2003, 2004, 2005 et 2006. [2] Afin d'obtenir une prorogation de délai, le demandeur doit satisfaire aux conditions énoncées au paragraphe 167(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), qui est libellé ainsi : 167(5) Acceptation de la demande. Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies : a) la demande a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti en vertu de l'article 169 pour interjeter appel; b) le contribuable démontre ce qui suit : (i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel, (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande, (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient, (iv) l'appel est raisonnablement fondé. Les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 [3] La demande relative aux années d'imposition 2003, 2004 et 2005 ne peut pas être accueillie parce que M. Sampson n'a pas satisfait à l'exigence énoncée à l'alinéa 167(5)a) de la Loi, selon laquelle la demande doit être présentée dans l'année suivant l'expiration du délai de 90 jours imparti en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi pour déposer un avis d'appel. [4] L'intimée a déposé un affidavit dans lequel un fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») déclare que M. Sampson avait fait l'objet de nouvelles cotisations le 8 septembre 2006, qu'il avait signifié un avis d'opposition à l'égard de celles‑ci le 10 octobre 2006, et que les nouvelles cotisations avaient été ratifiées le 6 février 2008. M. Sampson n'a pas contesté ces dates. Il a simplement déclaré que, lorsqu'il recevait des documents de l'ARC, il les transmettait à OI Employee Leasing Inc. (« OI ») et qu'il incombait à OI de s'en occuper. [5] Il n'est pas établi qu'OI ait pris des mesures concernant la ratification des nouvelles cotisations concernant les années 2003, 2004 et 2005 avant le 22 décembre 2008, date à laquelle la présente demande a été déposée devant la Cour, soit plus d'un an et 90 jours après la ratification des nouvelles cotisations. Le délai prévu à l'alinéa 167(5)a) pour une demande de prorogation de délai est absolu. La demande de M. Sampson, en ce qui concerne ces années‑là, doit donc être rejetée. L'année d'imposition 2006 [6] L'affidavit que l'intimée a déposé indique que la dernière nouvelle cotisation dont M. Sampson a fait l'objet pour son année d'imposition 2006 datait du 6 mars 2008 et que M. Sampson a déposé un avis d'opposition le 20 mars 2008. L'affidavit indique également que le ministre a ratifié la nouvelle cotisation par un avis daté du 14 août 2008. La demande de prorogation du délai prévu pour interjeter appel de cette nouvelle cotisation a été présentée le 23 décembre 2008, soit dans le délai d'un an et 90 jours prévu à l'alinéa 167(5)a) de la Loi. [7] Toutefois, je ne suis pas convaincu que M. Sampson ait démontré que les conditions énoncées au sous-alinéa 167(5)b)(i) aient été remplies, cette disposition exigeant que le demandeur démontre qu'il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom ou qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel de la nouvelle cotisation (soit dans les 90 jours suivant la date de la ratification). Je ne dispose d'aucun élément de preuve donnant à penser que du 14 août au 12 novembre 2008, M. Sampson n'ait pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom. En outre, M. Sampson n'a pas démontré qu'il avait l'intention d'interjeter appel dans ce délai. Je ne dispose d'aucun élément de preuve indiquant qu'il ait demandé à OI d'interjeter appel en son nom. La déclaration qu'il a faite, à savoir qu'il transmettait à OI les documents qu'il recevait de l'ARC et qu'il s'attendait à ce qu'OI prenne les dispositions nécessaires, est insuffisante et ne démontre pas qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel de la nouvelle cotisation au cours de la période pertinente. Dans la demande qui a été déposée le 23 décembre 2008 pour le compte de M. Sampson, OI déclare qu'un avis d'appel (se rapportant probablement aux nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 2003, 2004 et 2005) a été déposé au mois de mai 2007, mais que, par la suite, aucun droit de dépôt n'a été payé et qu'aucune demande de renonciation au droit de dépôt n'a été présentée. Il est ensuite déclaré dans la demande [TRADUCTION] : « Après la réception d'un autre avis de ratification concernant l'année d'imposition 2006, et après que nous avons appris qu'il n'était plus nécessaire de payer un droit de dépôt, un nouvel avis d'appel a été déposé ». [8] Il me semble que M. Sampson a décidé de ne pas interjeter appel de la nouvelle cotisation avant de présenter sa demande, le 23 décembre 2008, parce qu'il ne voulait pas payer le droit de dépôt nécessaire ni demander une renonciation au droit de dépôt. Quoi qu'il en soit, M. Sampson n'a pas présenté de preuve au sujet des mesures de suivi qu'il avait prises auprès d'OI, le cas échéant, après avoir transmis à celle‑ci l'avis de ratification concernant l'année 2006. En l'espèce, il incombe à M. Sampson de démontrer qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel dans les 90 jours suivant la ratification de la nouvelle cotisation et, en l'absence d'une preuve indiquant les mesures qu'il a prises ou qu'il a tenté de prendre (le cas échéant) par l'entremise d'OI en vue d'interjeter appel, M. Sampson n'a pas satisfait à cette obligation. [9] La conclusion que j'ai tirée est suffisante pour qu'il soit possible de trancher la demande relative à l'année d'imposition 2006. Je n'ai donc pas à examiner l'argument de l'intimée selon lequel M. Sampson n'a pas démontré que l'appel de la nouvelle cotisation était raisonnablement fondé, comme l'exige le sous‑alinéa 167(5)b)(iv) de la Loi. [10] Pour ces motifs, la demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel des nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 2003 à 2006 inclusivement de M. Sampson est rejetée. Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour de mai 2012. « B. Paris » Le juge Paris Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 156 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-4192(IT)APP INTITULÉ : George Sampson c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario) DATE DE L'AUDIENCE : Le 4 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocate de l'intimée : Me Nadine Taylor Pickering AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 157
TCC
2,012
Roper c. La Reine
fr
2012-05-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30803/index.do
2022-09-04
Roper c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-11 Référence neutre 2012 CCI 157 Numéro de dossier 2009-719(IT)G Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-719(IT)G ENTRE : CHRISTOPHER J. ROPER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue le 28 mars 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Avocat de l’appelant : Me John D. Buote Avocate de l’intimée : Me Dominique Gallant ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La requête présentée par l’intimée afin d’obtenir le rejet de l’appel de l’appelant est accueillie sans dépens, et l’appel de l’appelant est rejeté. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 11e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 157 Date : 20120511 Dossier : 2009-719(IT)G ENTRE : CHRISTOPHER J. ROPER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] Il s’agit en l’espèce d’une affaire qui perdure. L’appelant, qui est avocat, a déposé son avis d’appel le 20 février 2009. L’intimée a présenté une demande de précisions et l’appelant a demandé trois prorogations de délai avant de produire ses réponses, lesquelles ont finalement été déposées le 16 juillet 2009. Une réponse à l’avis d’appel a été produite le 24 août 2009. [2] Les parties se sont entendues sur certaines dates pour franchir diverses étapes de l’instance et, le 2 février 2010, le juge Jorré a rendu une ordonnance faisant état de ces dates. En particulier, l’ordonnance prévoyait que les parties devaient produire et signifier des listes de documents au plus tard le 1er avril 2010. L’intimée a déposé et signifié une liste de documents le 1er avril 2010, mais, à cette date, l’appelant n’avait encore produit aucune liste de documents. [3] Les parties ont comparu devant M. le juge Archambault le 30 août 2010 par suite d’une requête de l’intimée visant à obtenir le rejet de l’appel de l’appelant en raison de son défaut de se conformer à l’ordonnance rendue par le juge Jorré. [4] La requête en rejet de l’appel de l’appelant a été rejetée et la Cour a ordonné à ce dernier de préparer une liste de documents et de la signifier à l’intimée au plus tard le 13 septembre 2010. L’appelant a signifié sa liste de documents avec un jour de retard, soit le 14 septembre 2010. Le 13 septembre 2010 était un lundi et aucune raison n’a été offerte pour expliquer la signification tardive de la liste de documents. Les seuls documents figurant sur la liste de documents de l’appelant étaient des copies de ses déclarations de revenus relatives à 2001 (pour la période postérieure à la faillite) et à 2002. [5] Dans son ordonnance (laquelle est datée du 13 septembre 2010), le juge Archambault signale ce qui suit : [traduction] Le défaut, par l’appelant, de se conformer à la présente ordonnance pourrait amener l’intimée à déposer une requête afin d’obtenir le rejet de l’appel de l’appelant et cette requête pourrait être accueillie par la Cour. [6] D’abord par lettre, puis par requête, l’intimée a demandé que l’appel de l’appelant soit rejeté pour défaut de se conformer à l’ordonnance du juge Archambault. [7] Le juge Boyle a entendu la requête de l’intimée le 7 février 2011 et l’a rejetée. Dans son ordonnance, il a prévu que l’appelant pouvait, jusqu’au 18 février 2011, ajouter des documents à sa liste de documents, et il lui a ordonné de payer des dépens de 1 000 $ au plus tard le 9 mars 2011. [8] Le 18 février 2011, l’appelant a fait parvenir une liste de documents à l’avocate de l’intimée et, le 9 mars 2011, il a envoyé un chèque de 1 000 $. Ce chèque a par la suite été refusé pour provision insuffisante. [9] Tandis que l’intimée demandait la tenue d’une audience pour entendre l’appel, l’appelant demandait quant à lui la tenue d’une conférence préparatoire à l’audience. Cette demande de l’appelant a été refusée et l’audition de l’appel a été fixée au 29 septembre 2011. [10] Le 27 septembre 2011, l’appelant a demandé que l’audience fixée au 29 septembre 2011 soit reportée afin de lui permettre de retenir les services d’un avocat. Les parties ont comparu devant le juge en chef adjoint Rossiter le 29 septembre 2011. Ce dernier a fait droit à la demande d’ajournement de l’appelant. Il a reporté l’audition de l’appel au 16 février 2012. Il a aussi ordonné à l’appelant de payer des dépens de 3 500 $ au plus tard le 30 novembre 2011. [11] Le 30 novembre 2011, l’appelant a envoyé un chèque de 3 500 $ à l’avocate de l’intimée. Ce chèque a subséquemment été refusé parce que le compte sur lequel il avait été tiré était fermé. [12] À la date fixée pour l’audition de l’appel de l’appelant, soit le 16 février 2012, les parties ont comparu devant le juge Jorré. L’avocat de l’appelant a tenté de produire des documents qui ne figuraient pas sur la liste de documents de l’appelant. [13] L’audition de l’appel a été ajournée. Dans l’ordonnance qu’il a rendue le 21 février 2012, le juge Jorré a exposé en partie le long historique de la présente affaire et il a condamné l’appelant à payer des dépens de 5 500 $ au plus tard le 16 mars 2012. Il a en outre précisé que si tout ou partie des dépens de 1 000 $ adjugés par le juge Boyle ou des dépens de 3 500 $ adjugés par le juge en chef adjoint Rossiter n’étaient pas payés, ils devaient aussi l’être au plus tard le 16 mars 2012. La totalité des dépens devait être acquittée par chèque certifié. [14] L’ordonnance prévoyait en outre ce qui suit : [traduction] 6. Si les dépens ne sont pas payés au plus tard le 16 mars 2012, l’appel sera rejeté sur demande de l’intimée étayée d’une déclaration sous serment. [15] L’appelant n’a pas versé la somme de 10 000 $ au plus tard le 16 mars 2012 et l’intimée a produit la présente requête afin d’obtenir le rejet de l’appel de l’appelant. L’appelant a payé la somme de 10 000 $ après que l’intimée eut déposé sa requête. [16] Au cours de l’audition de cette requête, il est apparu clairement que l’appelant éprouvait de sérieuses difficultés financières et que cette situation durait depuis un certain temps. Il n’a ni maison, ni automobile, ni économies ni bien corporel de quelque nature que ce soit. Il a été expulsé du condominium qu’il louait. Il a déménagé dans un autre condominium (qu’il loue aussi) situé dans le même immeuble et il est en retard dans le paiement du loyer de cette unité. Il a perdu du personnel à son cabinet juridique en raison de son incapacité à payer ses dettes. Même s’il est difficile de savoir quand ses problèmes financiers ont commencé, il semble qu’il soit incapable, depuis au moins octobre 2011, de payer ses dettes au fur et à mesure qu’elles deviennent exigibles. Il a tenté, sans succès, d’emprunter les 10 000 $ à des membres de sa famille afin de payer les dépens exigibles le 16 mars 2012. Il a finalement réussi à emprunter cette somme au moyen d’une opération privée. [17] Avant la présente requête, l’appelant n’a jamais laissé entrevoir qu’il éprouvait de sérieuses difficultés financières. À l’audience tenue le 16 février 2012 (à la suite de laquelle la Cour a rendu l’ordonnance du 21 février 2012 enjoignant à l’appelant de verser les dépens impayés de 10 000 $ au plus tard le 16 mars 2012), l’appelant n’a pas mentionné qu’il ne serait pas en mesure de payer les 10 000 $ au plus tard le 16 mars 2012. [18] Il est trop tard à l’audience pour l’appelant en défaut de paiement des 10 000 $ au 16 mars 2012 de soulever pour la première fois la question de son incapacité de payer cette somme à temps, alors que ses difficultés financières ont commencé plusieurs mois avant que la Cour ne lui ordonne de verser la somme. L’appelant est avocat et il devrait donc très bien comprendre les conséquences de son défaut de se conformer à une ordonnance claire de la Cour. Il ressort sans équivoque de l’ordonnance prononcée par le juge Jorré que l’appel serait rejeté si l’appelant ne payait pas, au plus tard le 16 mars 2012, les dépens de 10 000 $ adjugés contre lui. L’appelant n’avait pas payé cette somme au 16 mars 2012 et, comme il est prévu dans l’ordonnance du juge Jorré, son appel est donc rejeté. [19] L’avocate de l’intimée a également demandé des dépens supplémentaires. Cependant, comme des dépens de 10 000 $ ont déjà été adjugés à l’intimée (lesquels sont maintenant payés) relativement à une affaire dans laquelle l’appel n’a pas été entendu, aucuns dépens supplémentaires ne seront accordés. [20] La requête présentée par l’intimée afin d’obtenir le rejet de l’appel de l’appelant est accueillie sans dépens, et l’appel de l’appelant est rejeté. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 11e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 157 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-719(IT)G INTITULÉ : Christopher J. Roper c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 mars 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DE L’ORDONNANCE : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelant : Me John D. Buote Avocate de l’intimée : Me Dominique Gallant AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Me John D. Buote Cabinet : McCabe Filkin, Garvie & Hein Brampton (Ontario) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 16
TCC
2,012
Tidd c. La Reine
fr
2012-01-10
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30663/index.do
2022-09-04
Tidd c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-10 Référence neutre 2012 CCI 16 Numéro de dossier 2011-1456(IT)I Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1456(IT)I ENTRE : MAVIS TIDD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu les 5 et 8 décembre 2011, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Avocat de l’appelante : Me Richard Yasny Avocate de l’intimée : Me Alisa Apostle ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 et des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008 est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de janvier 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI16 Date : 20120110 Dossier : 2011-1456(IT)I ENTRE : MAVIS TIDD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT (rendus oralement à l’audience le 8 décembre 2011, à Toronto (Ontario)) La juge V.A. Miller [1] Il s’agit ici de savoir si l’appelante a droit a une déduction de 10 000 $ pour les années 2006, 2007 et 2008 à l’égard d’une résidence des membres du clergé en vertu de l’alinéa 8(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction en tenant pour acquis que l’appelante ne satisfaisait pas au critère du statut ou de la fonction énoncé à l’alinéa 8(1)c). [2] Selon la thèse de l’appelante, pour ce qui est de la législation, elle était membre du clergé au sein de la Toronto International Celebration Church (la « TICC ») et, cela étant, elle avait la charge de cette congrégation. [3] L’appelante et Peter Karl Youngren ont témoigné à l’audience. M. Youngren a décrit la structure de la TICC et le rôle de l’appelante au sein de cette Église. M. Youngren a été pasteur en chef de la TICC jusqu’au 31 décembre 2009. Je l’appellerai M. Youngren de façon à ne pas le confondre avec son père, qui est également pasteur et s’appelle lui aussi Peter Youngren. [4] M. Youngren a témoigné que son père, le pasteur Peter Youngren, a établi la Niagara Celebration Church, à St. Catharines (Ontario), en 1990. En 1999, le pasteur Youngren a décidé de fonder une Église à Toronto. La TICC a ouvert ses portes au mois de septembre 2000 et le premier service a été célébré le 10 septembre 2000. La congrégation a rapidement pris de l’essor et, de nos jours, elle compte environ 2 000 fidèles. [5] M. Youngren était chargé des activités quotidiennes de la TICC et, au cours de la période pertinente, il agissait à titre de pasteur en chef et de chef spirituel de la TICC. Je ne sais pas trop si c’était lui ou son père qui présidait le conseil d’administration de la TICC. [6] La TICC est une Église évangélique. M. Youngren a déclaré que l’Église faisait partie du mouvement non confessionnel qui s’éloignait de la tradition, dans laquelle il y a un ministre principal. Selon la structure de la TICC, tous les membres de l’Église ont ensemble la charge de la congrégation. Il n’y pas de titres et, de fait, un grand nombre de membres de la congrégation ne désignait pas M. Youngren sous le nom de pasteur. [7] Le conseil d’administration de la TICC supervisait uniquement les finances de l’Église. M. Youngren, en sa qualité de pasteur, élaborait la vision spirituelle de la TICC. Il choisissait les pasteurs, les chefs et les ministres de la TICC. Pour être choisies, ces personnes devaient présenter les caractéristiques de leadership chrétien selon sa vision. M. Youngren a déclaré qu’il cherchait à voir si la personne manifestait le [traduction] « fruit de l’esprit ». [8] M. Youngren avait fait venir des gens de l’Église, à Niagara, pour montrer à la congrégation de la TICC comment travailler avec les divers membres de leur congrégation. Il a déclaré qu’il existait un modèle de communion et de leadership chrétiens au sein de la Niagara Celebration Church et qu’ils avaient adopté ce modèle pour la TICC. [9] Selon la description que M. Youngren a faite de la structure de la TICC, je conclus qu’il existait une hiérarchie au sein de la TICC. Cette hiérarchie était, en ordre ascendant, la suivante : a) personnes visitant l’Église pour la première fois, b) membres de la congrégation régulière, c) bénévoles, d) chefs, e) ministres et f) pasteurs. En sa qualité de pasteur en chef, M. Youngren avait le dernier mot à tous les égards. [10] La TICC était divisée en 40 segments, notamment : sacerdoce chargé des petits groupes, sacerdoce chargé de la musique, sacerdoce dispensé aux personnes âgées, sacerdoce desservant les hôpitaux, sacerdoce s’occupant des appels téléphoniques, sacerdoce chargé de l’accueil, sacerdoce responsable des visites et ainsi de suite. Chaque sacerdoce était supervisé par un chef qui était chargé de veiller à ce que le sacerdoce fonctionne bien et à ce qu’il y ait un nombre suffisant de bénévoles pour exécuter son mandat. [11] L’appelante a joint la TICC en l’an 2000. M. Youngren a décrit l’appelante comme étant charismatique, magnétique et comme manifestant le [traduction] « fruit ». Initialement, l’appelante effectuait du travail bénévole au sein de la TICC. En 2003, elle travaillait pour la TICC à plein temps à titre d’adjointe exécutive du pasteur en chef. Elle exerçait ses fonctions du lundi au jeudi. Toutefois, elle travaillait également le soir, les mercredis, jeudis et samedis, pour aider aux classes informatiques organisées par la TICC. En 2004 ou en 2005, la congrégation l’a reconnue à titre de ministre de l’Église. [12] L’appelante supervisait divers sacerdoces; M. Youngren a résumé les tâches accomplies par l’appelante auprès de la TICC, lorsqu’il était pasteur en chef de la TICC. Voici ce qu’il a écrit le 21 décembre 2009 : [traduction] Mavis Tidd est une travailleuse ordonnée chargée de l’évangélisation auprès de la Toronto International Celebration Church. Les tâches qu’elle accomplit pour l’Église sont en résumé les suivantes : a) Elle fait des vérifications approfondies concernant les gens avant de fixer un rendez‑vous pour eux avec un pasteur approprié; b) Prière et counseling : Elle aide ceux qui fournissent les services de pastorale pendant les périodes de grande activité, en priant avec les personnes qui demandent de l’aide et en leur donnant des conseils; c) Sacerdoce dans les hôpitaux : Elle visite les personnes hospitalisées, les réconforte et prie pour elles. Elle visite également les membres confinés chez eux; d) Sacerdoce chargé de l’accueil: Elle choisit, aux fins de l’accueil, des bénévoles parmi les membres et les visiteurs. Elle rédige le guide d’accueil et forme les nouveaux travailleurs affectés à l’accueil. Elle établit tous les mois les horaires pour l’accueil et elle veille à ce qu’un membre du personnel ou un bénévole, au bureau, communique avec les personnes affectées à l’accueil sur une base hebdomadaire. Elle établit également l’horaire des personnes chargées de l’accueil pour d’autres fonctions de l’Église; e) Sacerdoce chargé des visites : Elle coordonne l’équipe responsable des visites en lui donnant le nom des membres confinés chez eux; f) Elle supervise les bénévoles qui s’occupent du bureau et de la banque alimentaire; g) Elle gère tous les baptêmes par immersion et les bénédictions de nouveaux-nés; h) Elle gère les biens, les parcs de stationnement de l’Église, les locations et le personnel associé; i) Participation communautaire: Elle gère les classes informatiques et en établit l’horaire; elle gère la banque alimentaire et en assure la coordination et, pendant la période de Noël, elle gère les dons de paniers d’aliments. Elle assure la liaison entre l’Église et Second Harvest [qui livre les aliments pour notre banque de l’espoir (denrées non périssables) et pour notre service d’approche du centre‑ville] ainsi qu’avec le 700 Club. [13] À l’audience, M. Youngren a dit que l’appelante était son [traduction] « bras droit », sa [traduction] « première ligne de défense ». Selon son témoignage, toute personne qui supervise un programme est un ministre de l’Église. [14] Je note que, dans sa lettre du 21 décembre 2009, M. Youngren a dit que l’appelante était une [traduction] « travailleuse ordonnée chargée de l’évangélisation ». Toutefois, lorsqu’il a témoigné à l’audience, il l’a désignée comme étant un [traduction] « ministre ». [15] Selon le témoignage de M. Youngren, aucune cérémonie d’ordination formelle n’était tenue au sein de la TICC. Lorsqu’une personne devenait ministre au sein de la TICC, on inscrivait son nom dans le [traduction] « Bulletin du dimanche » et cette personne était alors reconnue comme étant un ministre. [16] Au cours de la période pertinente, le personnel était composé de 20 membres. M. Youngren a déclaré que dix d’entre eux étaient ministres ou faisaient partie du clergé. Analyse [17] Selon la thèse de l’appelante, le passage pertinent de l’alinéa 8(1)c) est libellé en ces termes : 8(1) Éléments déductibles – Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, [...] c) Résidence des membres du clergé – lorsque le contribuable, au cours de l’année : (i) d’une part, est membre du clergé ou [...] ministre régulier d’une confession religieuse, (ii) d’autre part : [...] (B) [...] à la charge [...] d’une congrégation. [18] Il s’agit en premier lieu de savoir si l’appelante était membre du clergé de la TICC et, en second lieu, si elle avait la charge d’une congrégation. [19] Selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire qu’un particulier soit ordonné pour être membre du clergé. Voir Kraft v. Minister of National Revenue[1]. La question de savoir si une personne est membre du clergé d’une confession religieuse dépend des pratiques et rituels de cette confession. Au paragraphe 13 de la décision Kraft, le juge Bowman, de la Cour canadienne de l’impôt, a dit ce qui suit : Donc, la question de savoir si une personne est membre du clergé d’une Église donnée dépend des procédures et rituels de cette Église. Il faut un acte officiel de reconnaissance par lequel la personne est distinguée des autres membres de l’Église comme chef spirituel. Il n’est pas nécessaire que cet acte soit fait par un membre supérieur de la hiérarchie ecclésiastique. Certaines Églises ne reconnaissent pas une telle hiérarchie. Cet acte peut être fait par la congrégation. Il faut un engagement à long terme sérieux et officiel à l’égard du saint ministère. Si ces éléments existent, que la confession en cause appelle ou non « ordination» le rituel officiel, la personne qui se voit accorder ce statut par l’Église est à mon avis membre du clergé. [Non souligné dans l’original.] [20] La preuve établissait que l’appelante était distinguée des autres membres de la TICC comme chef. Son nom figurait dans le Bulletin du dimanche et la TICC l’a ensuite reconnue comme ministre. L’appelante a été reconnue par la congrégation à titre de ministre. [21] Je me suis demandé si la preuve établissait que l’appelante était distinguée des autres membres de la congrégation comme « chef spirituel ». [22] Qu’est‑ce qu’un « chef spirituel »? Je suppose qu’il s’agit d’une personne qui cherche à changer les gens plutôt qu’à les diriger ou à les appuyer. Il s’agit de quelqu’un qui non seulement prie pour les gens dans le besoin mais qui leur offre aussi des conseils spirituels. [23] M. Youngren a témoigné que l’appelante [traduction] « faisait tout ce qu’il faisait, sauf qu’elle ne prononçait pas de sermons le dimanche ». L’appelante mettait en pratique le leadership biblique dans chacun des sacerdoces qu’elle supervisait. Elle amenait la paix dans les foyers qu’elle visitait et dans la vie des gens qu’elle rencontrait. Elle offrait des conseils spirituels aux membres de la congrégation de la TICC. [24] L’appelante supervisait les chefs au sein de la TICC. Je conclus qu’elle agissait à titre de chef spirituel au sein de la TICC et qu’elle était reconnue en tant que tel par la congrégation et par le pasteur en chef de la TICC. [25] À mon avis, l’appelante faisait partie du « clergé » pour l’application de l’alinéa 8(1)c) de la Loi. [26] La seconde question à trancher se rapporte à l’élément « fonction » du critère énoncé à l’alinéa 8(1)c). L’appelante avait-elle la charge d’une congrégation? [27] Dans la décision McGorman c. Canada[2], le juge Bowman, de la Cour de l’impôt, a interprété ainsi le terme anglais « ministering » (« desservir » ou « avoir la charge ») : 56 Son travail englobait tout ce qui est traditionnellement accompli par un ministre ou prêtre ayant une église. « To minister » signifie simplement « servir » ou « s’occuper des besoins de ». Un médecin ou une infirmière s’occupe des besoins physiques d’un patient. Un ecclésiastique, ministre, prêtre ou conseiller spirituel s’occupe des besoins spirituels d’une congrégation, sur le plan collectif ou sur le plan individuel. Les ministres du culte sont toutefois appelés à faire beaucoup plus qu’offrir une orientation spirituelle. Ils donnent des conseils en matière psychologique et matrimoniale. Ils donnent des conseils sur des questions liées à la famille ainsi qu’à la carrière. C’est vers l’Église que les gens se tournent face à une infinie variété de problèmes survenant dans la vie. Le mot anglais « ministering » véhicule un concept très vaste, notamment dans le contexte du travail d’un membre du clergé. Il est indéniable que M. Miller s’occupait des besoins des personnes avec qui il traitait, qu’il desservait ou servait ces personnes. [28] L’Agence du revenu du Canada a adopté cette interprétation de l’expression « desservir ou avoir la charge ». Voir les paragraphes 13 et 14 du bulletin IT‑141R qui disent ce qui suit : 13. L’expression « desservir ou avoir la charge » recouvre un concept très large signifiant être au service ou voir aux besoins d’une congrégation, d’un diocèse, d’une paroisse ou de leurs membres. On doit l’examiner dans le contexte des pratiques et des attentes de l’organisation religieuse. Si une personne satisfaisant au critère du statut est employée par une congrégation, on considère qu’elle dessert ou a la charge d’une congrégation si elle s’acquitte d’un rôle pastoral ou sacerdotal de la manière requise par cette congrégation. Si une personne satisfaisant au critère du statut est employée par une organisation religieuse à l’extérieur de l’ordre ou de la confession religieuse, on considère qu’elle dessert ou a la charge d’une congrégation telle une église, les fidèles d’une aumônerie ou un groupe défavorisé si elle s’acquitte d’un rôle pastoral ou sacerdotal compatible avec le sacerdoce religieux de l’organisation au sein de laquelle elle a ce statut. 14. Les personnes qui satisfont au critère du statut qui desservent ou ont une charge à temps partiel ou comme assistant et celles qui accomplissent un sacerdoce spécialisé satisfont au critère de la fonction. Du moment où desservir ou avoir la charge d’une congrégation fait partie intégrante des responsabilités et des attentes de leur emploi, cette activité est admissible. [29] Je conclus que l’appelante avait la charge de la congrégation au sein de la TICC. Elle exerçait ses fonctions sacerdotales de la façon demandée par la congrégation et par le pasteur en chef de la TICC. Le fait de desservir la congrégation ou d’en avoir la charge au sein de la TICC faisait partie intégrante des responsabilités et des attentes de l’emploi de l’appelante. [30] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de janvier 2012. « V.A. Miller » Juge V.A. Miller Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2011CCI16 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1456(IT)I INTITULÉ : MAVIS TIDD c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Les 5 et 8 décembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 10 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelante : Me Richard Yasny Avocate de l’intimée : Me Alisa Apostle AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Richard Yasny Cabinet : Payne Law Professional Corporation Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] [1999] 3 C.T.C. 2185 (C.C.I.) [2] [1999] A.C.I. no 133, 99 DTC 699
2012 CCI 160
TCC
2,012
Aecon Construction Group Inc. c. La Reine
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2012-06-08
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Aecon Construction Group Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-08 Référence neutre 2012 CCI 160 Numéro de dossier 2010-3531(IT)G Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-3531(IT)G ENTRE : AECON CONSTRUCTION GROUP INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue le 15 mars 2012, à Vancouver (Colombie-Britannique) Devant : L’honorable juge François Angers Comparutions : Avocats de l’appelante : Me Edwin G. Kroft, c.r. Me Deborah Taze Avocats de l’intimée : Me Jasmine Sidhu Me Perry Derksen Me Geraldine Chen ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La requête de l’intimée est accueillie, avec dépens, que je fixe à 1 500 $, conformément aux motifs ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 5e jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 160 Date : 20120608 Dossier : 2010-3531(IT)G ENTRE : AECON CONSTRUCTION GROUP INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Angers [1] L’intimée a déposé une requête pour que soit rendue une ordonnance déclarant que Graham Farquharson, de Strathcona Mineral Services Limited, n’est pas inhabile, pour cause de conflit d’intérêts, à faire office de témoin expert pour l’intimée dans cet appel en matière d’impôt sur le revenu. Les affidavits de Graham Farquharson, de Verena Zbyrovski et d’Ali Lakhani ont été produits au soutien de la position de l’intimée, et l’appelante a produit l’affidavit de Susan Washbun au soutien de sa position. [2] La question de fond de l’appel concerne la juste valeur marchande (JVM) en 1993 de gisements miniers situés dans la région de Keno Hill – Galena Hill, près d’Elsa, au Yukon, valeur qui correspond à la somme déductible au titre de frais d’aménagement au Canada conformément à l’article 66 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L’appelante prétend, par l’intermédiaire de ses sociétés remplacées, que la JVM à l’époque se chiffrait à 32 millions de dollars, alors que l’intimée soutient qu’elle ne dépassait pas trois millions de dollars. Les deux parties appelleront des experts à témoigner pour déterminer la JVM. [3] À l’époque, l’appelante se fondait sur le rapport d’évaluation établi par un certain Ross Lawrence, du cabinet Watts, Griffis et McOuat (le cabinet Watts), daté du 17 décembre 1993. Au cours de la vérification, le cabinet Watts a établi une analyse complémentaire datée du 21 septembre 2000, qui a été soumise à l’Agence du revenu du Canada (ARC). En outre, l’appelante a aussi retenu les services d’un certain Christopher Lattanzi, de Micon International Limited, à titre d’expert additionnel. M. Lattanzi a rédigé un rapport daté de juin 2009, mais l’intimée affirme que l’appelante aurait peut‑être communiqué avec M. Lattanzi dès juin 2001. [4] L’ARC avait elle aussi sa propre analyse d’évaluation, faite par M. Gerry Martin, de la section des évaluations d’entreprise, au Bureau des services fiscaux de Calgary. M. Martin était assisté par Paul Hawkins and Associates, un cabinet d’experts‑conseils dans le domaine minier établi à Calgary, et l’analyse d’évaluation était résumée dans une note datée du 9 février 2001. Des lettres de proposition finales ont été envoyées par l’ARC à l’appelante le 1er juin 2001, puis réexaminées en octobre 2001. [5] Au 18 juin 2001, l’appelante avait communiqué avec deux experts confirmés en évaluation minière, à savoir Graham Farquharson (M. F), de Strathcona Minerals Services Limited, et William Roscoe (M. R), de Roscoe Postle and Associates. L’appelante n’a retenu les services d’aucun de ces experts, mais des renseignements leur ont été communiqués, un aspect que j’examinerai plus loin dans les présents motifs. [6] L’appelante a déposé son avis d’appel le 12 novembre 2010, ainsi qu’un avis d’appel modifié le 5 janvier 2011. L’intimée a déposé sa réponse le 4 mars 2011. [7] Au 15 avril 2011, l’intimée avait communiqué avec M. F et appris que l’appelante avait déjà communiqué avec lui. L’intimée a communiqué avec M. R en juin 2011, mais celui-ci a renoncé un mois plus tard à agir comme éventuel témoin expert pour l’intimée. M. R avait présenté une facture à l’appelante et il s’est désisté. Il a envoyé la note suivante à l’avocat de l’intimée : [traduction] Le fait que nous avons reçu une reliure de documents donne à penser qu’il existait des renseignements confidentiels en plus du rapport du cabinet Watts. Le fait que nous avons présenté une facture pour notre travail donnerait certainement l’impression d’un conflit d’intérêts en ce qui nous concerne. Le personnel d’Aecon dispose sans doute de notes qui augmentent le risque d’un conflit d’intérêts. [8] L’intimée a communiqué avec l’appelante le 21 septembre 2011 pour l’informer qu’elle avait communiqué avec M. F et avec M. R. Elle affirmait que le fait que l’appelante ait communiqué avec M. F ne rendrait pas celui-ci inhabile à faire office de témoin expert. L’intimée voulait régler ce problème éventuel au moindre coût possible et avec célérité. L’appelante ne partageait pas l’avis de l’intimée et a adopté la même position en ce qui concerne M. R. C’est pourquoi l’intimée dépose cette requête. [9] Le premier souvenir de M. F en avril 2011 à propos des communications avec l’appelante était la visite d’un représentant de l’appelante avec l’avocat de l’appelante à l’époque. La rencontre devait permettre à ces derniers de s’enquérir si M. F serait disposé à participer à l’examen d’un investissement minier qui était mis en doute par l’ARC. M. F se souvient du nom du représentant, Neil Bacon, vice-président et contrôleur d’Aecon, et le nom du cabinet d’avocats Wildeboar, Rand, Thomson, Apps et Dellelce LLP lui est vaguement familier. [10] Le souvenir le plus marquant de M. F était qu’il avait informé l’appelante qu’il était peu probable que son cabinet se range à l’opinion exprimée par le cabinet Watts. Cette position s’expliquait par ses relations antérieures avec ce cabinet dans un autre litige, à savoir l’affaire Raglan. [11] Par la suite, M. F a passé en revue ses agendas et ses dossiers de correspondance. Les écritures qui s’y trouvaient indiquaient ce qui suit : 1. 18 juin 2001 – appel téléphonique – Neil Bacon – fiscalité – JEL 2. 19 juin 2001 – examen du dossier Keno Hill, Aecon c. ADRC 3. 20 juin 2001 – réunion– Neil Bacon – évaluation Keno Hill – ADRC 4. 22 juin 2001 – appel téléphonique– Neil Bacon – remerciements pour l’affaire Raglan 5. 11 juillet 2001 - [12] Après la réunion du 20 juin 2001, M. F a envoyé le même jour une lettre à M. Bacon. La lettre renfermait une copie de la décision Raglan Mines Ltd v. Blok-Anderson, [1993] O.J. no 727. Dans la lettre, M. F expliquait pourquoi son avis était contraire à celui du cabinet Watts. Il écrivait que le juge avait fait quelques observations intéressantes sur la valeur marchande des actions par rapport à la valeur sous-jacente des gisements miniers, ainsi que sur l’utilisation de réserves « potentielles » dans la méthode de valorisation appelée valeur actualisée des flux de trésorerie que le cabinet Watts avait appliquée. [traduction] « Cela pourrait constituer un contexte intéressant lorsque vous vous demanderez quelle approche adopter dans l’affaire dont nous avons discuté ». [13] À la dernière réunion, tenue le 11 juillet 2001, étaient à nouveau présents M. F, M. Bacon et Me Rand, qui était l’avocat de l’appelante à l’époque. Après avoir examiné sa correspondance, ses dossiers et ses agendas, M. F a écrit à l’avocat de l’intimée le 2 mai 2011 pour l’informer que son annotation [TRADUCTION] « avons refusé d’être imaginatifs » concernait sa réponse à l’invitation de Me Rand à se montrer imaginatifs dans leur réaction à la position de l’ADRC. M. F croyait que la réunion du 11 juillet 2001 avait eu pour résultat que l’appelante ne souhaitait plus discuter de cette affaire avec lui. [14] Dans sa lettre du 16 mai 2011 à l’avocat de l’intimée, en réponse à des demandes de renseignements faites plus tôt par l’avocat, M. F écrivait qu’il n’avait jamais signé un engagement ni aucune entente pour l’accomplissement d’une quelconque mission au nom de l’appelante, qu’il n’avait jamais reçu un quelconque paiement de l’appelante, qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu de l’appelante des renseignements précis à passer en revue, mais, vu la note figurant dans son agenda, il reconnaît qu’on avait dû, à la première réunion, lui remettre des documents à examiner, et il dit qu’il est possible qu’il s’agisse du rapport d’évaluation du cabinet Watts, mais qu’il ne peut pas s’en souvenir avec précision. Il ajoute que [TRADUCTION] « nous n’étions évidemment pas enthousiastes à l’égard des documents que nous avions examinés, quels qu’ils soient, étant donné que nous avions résolu d’envoyer à M. Bacon une copie de la décision Raglan ». Il ajoute aussi qu’aucun dossier de projet n’avait été créé dans cette affaire, qu’il ne se souvient d’aucune demande de confidentialité ni d’aucune stratégie juridique précise, si ce n’est [TRADUCTION] « qu’ils nous suggéraient d’adopter une approche avec laquelle nous n’étions pas à l’aise, et c’est pourquoi nous avons refusé d’être imaginatifs et ne comptions plus finalement entendre parler de cette affaire ». [15] Les points soulevés dans cette requête sont les suivants : a) La question de savoir si M. F est inhabile, pour cause de conflit d’intérêts, à faire office de témoin expert devrait-elle être laissée à l’appréciation du juge du procès, ou bien ma décision sur cette requête interlocutoire peut-elle lier le juge du procès? b) M. F est-il inhabile à faire office de témoin expert pour l’intimée pour cause de conflit d’intérêts? [16] Il est notoire que, avant qu’un témoignage d’expert puisse être admis, l’expert doit être dûment habilité à témoigner. C’est au juge du procès qu’il appartient d’en décider. Selon un arrêt de la Cour suprême du Canada, R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, la recevabilité d’un témoignage d’expert est un processus double. D’abord, le témoin doit être habilité sur la base des quatre critères suivants, à savoir : la pertinence, la nécessité d’aider le juge des faits, l’absence de toute règle d’exclusion et, enfin, la qualification suffisante de l’expert. Une fois entendue la preuve concernant la qualification du témoin expert, le juge doit ensuite statuer sur les domaines à propos desquels il pourra témoigner. Plus précisément, ce pourra être l’ensemble des domaines pertinents pour lesquels l’avocat voudrait que la Cour laisse le témoin s’exprimer, ou quelques-uns seulement des domaines en cause, ou encore aucun d’entre eux. [17] Cela dit, je suis d’avis que cette requête interlocutoire ne concerne pas véritablement l’habilitation préalable d’un expert, mais plutôt le refus d’une partie d’admettre que tel ou tel expert soit appelé à témoigner. Le premier genre de question requiert un examen des quatre critères de l’arrêt Mohan, par opposition à des aspects touchant un conflit d’intérêts ou une crainte de partialité. Il est tout à fait possible de régler le deuxième genre de question au moyen de requêtes interlocutoires et finalement de disposer ou non d’experts sur ce fondement, un exercice qui se distingue tout à fait du premier genre de question. Ce point de vue semble confirmé par les dispositions applicables des Règles des Cours fédérales, récemment modifiées, qui sont formulées ainsi : 52.5(1) La partie à une instance soulève, le plus tôt possible en cour d’instance, toute objection quant à l’habilité à témoigner du témoin expert de la partie adverse. (2) L’objection peut être soulevée, selon le cas : a) par la signification et le dépôt d’un document contenant les détails et le fondement de l’objection ; b) conformément au paragraphe 262(2) ou au sous-alinéa 263c)(i), si, à l’instruction d’une action, elle était connue avant la conférence préparatoire. [18] Cette disposition autorise une partie à faire valoir le plus tôt possible les raisons pour lesquelles tel ou tel expert devrait être déclaré inhabile à témoigner. Les principes à l’origine de cette disposition sont la réduction des coûts et des risques d’allongement du procès et, de manière générale, la rationalisation du déroulement du procès. La Cour canadienne de l’impôt s’apprête à adopter des règles semblables et, bien que l’on puisse penser que cela risque d’encourager d’autres requêtes préventives en habilitation ou en non-habilitation d’experts comme témoins, la règle susdite n’envisage que des « requêtes en non-habilitation d’experts comme témoins ». Le juge du procès conserve donc le pouvoir de déclarer un expert habile à témoigner. [19] La Cour n’est pas encore soumise à une telle règle, mais je crois que l’article 70 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) confère un pouvoir d’appréciation suffisant au juge saisi d’une requête, outre sa compétence fondamentale pour statuer sur cette affaire. [20] Par sa requête, l’intimée ne demande pas si une preuve devrait être jugée recevable ou non. Il ne s’agit pas d’une requête pour qu’il soit décidé à titre définitif si M. F peut ou non témoigner au procès. Le juge du procès dans cette affaire s’intéressera à la preuve portant sur la JVM du gisement minier. La preuve entendue dans le cadre de cette requête ne prétend nullement que l’issue de la requête lierait un juge du procès au moment de statuer sur la recevabilité de la preuve relative à la JVM, ni qu’elle pourrait lui causer des difficultés. La preuve produite ne dit rien de l’effet possible de renseignements confidentiels sur la question de la recevabilité de la preuve et ne dit pas non plus si de tels renseignements auraient un effet sur l’établissement de la JVM. À mon avis, la question soulevée par la requête n’est donc pas une question de preuve relevant exclusivement du juge du procès. [21] Lorsque l’intimée a appris que l’appelante avait déjà communiqué avec M. F, elle en a informé l’appelante. Après en avoir discuté avec M. F, l’intimée a exprimé l’avis que les communications qu’il y avait eu entre l’appelante et M. F ne rendraient pas celui-ci inhabile à faire office de témoin expert pour l’intimée. L’appelante est en désaccord avec l’intimée, et l’intimée voudrait maintenant être fixée sur cet aspect. [22] Le principal précédent portant sur la question de savoir si un expert devrait ou non être déclaré inhabile à témoigner est la décision Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 C.F. 340. Le juge O'Keefe y cite les propos tenus par la protonotaire Milczynski sur une autre requête des mêmes parties. Je reproduis ci‑après les paragraphes 19, 20 et 21 de la décision de la protonotaire, Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 C.F. 76 : [traduction] [19] La méthode qu'il convient d'appliquer pour établir s'il convient de récuser ou non un expert consiste à examiner les faits et les circonstances de l'espèce, ainsi que les éléments suivants : - si l'expert était conscient qu'on lui communiquait des renseignements confidentiels et que l’on s’attendait à ce que leur caractère confidentiel soit respecté; - la nature des renseignements confidentiels; - le risque de divulgation des renseignements confidentiels; - le risque de préjudice pour la partie qui conteste l'expert ou pour la partie qui cherche à retenir les services de l'expert contesté; - l'intérêt de la justice et la confiance du public dans le processus judiciaire. [20] Ces principes exigent donc que la Cour cherche à concilier les intérêts de la partie qui souhaite retenir les services d'un témoin expert et ceux de la partie qui veut protéger ses renseignements confidentiels. À cet égard, l'avocat de Pharmascience signale le risque que des témoins experts soient appelés dans l'unique but de priver la partie adverse de la possibilité de faire appel à leur expertise. Ce risque a été décrit avec éloquence par lord Denning dans Harmony Shipping Co. SA c. Davis et al., [1979] 3 All ER 177 (C.A.) : [traduction] Si une partie pouvait lier les mains d'un expert du simple fait qu'elle lui donnait des instructions, il serait très facile pour un riche client de consulter chacun des experts reconnus dans un domaine donné. Chacun d'eux pourrait donner une opinion défavorable à l'homme riche et, néanmoins, ce dernier pourrait dire à chacun d'eux, « Vous êtes tenu au silence et vous ne pouvez pas témoigner en cour contre moi » [...] Faut-il en conclure que si une partie a accaparé la totalité des experts, la partie adverse est empêchée de faire appel à des témoignages d'experts? Certes non [...] Un témoin expert n'appartient à personne tant en ce qui concerne les faits qu'il a observés que l’appréciation indépendante qu’il en a faite. Étant donné qu'il n'appartient à personne, le témoin a l’obligation de comparaître devant la cour et, à la demande du juge, de témoigner. [21] Dans Labee c. Peters, [1996] A.J. no 809 (Cour du Banc de la Reine de l'Alberta), la Cour, après avoir examiné plusieurs précédents, a énoncé les principes suivants : 1. Un témoin n'appartient à personne. 2. Même si une partie a retenu les services d'un expert et lui a communiqué des renseignements confidentiels, une partie adverse peut néanmoins obtenir l'avis de cet expert et lui demander de témoigner au procès. 3. Par contre, l'expert ne peut pas être interrogé sur les renseignements confidentiels que l'avocat de la partie adverse lui a communiqués, et il ne peut pas non plus divulguer une opinion qu'il a donnée à l'avocat de la partie adverse. [23] Aucune des parties à la présente requête n’a pu préciser la nature des renseignements confidentiels qui auraient pu être communiqués. L’affidavit de M. F ne dit pas s’il a en fait reçu de tels renseignements, et l’appelante n’a pas contre-interrogé M. F sur son affidavit. L’affidavit ne nous renseigne donc pas sur le risque afférent à la communication desdits renseignements ni sur le préjudice qu’une telle communication pourrait causer à l’appelante. Aucune preuve n’a été produite montrant que le fait d’autoriser l’intimée à retenir les services de M. F porterait préjudice à l’appelante. [24] Compte tenu de la preuve produite, il est impossible de conclure que M. F et l’appelante ont échangé des renseignements au point que l’on puisse affirmer que l’un ou l’autre d’entre eux comptait sur le fait que, quels que soient les renseignements en cause, ceux‑ci seraient tenus confidentiels ou seraient protégés. Les services de M. F n’ont jamais été retenus, aucun engagement ni accord de confidentialité n’a été signé, et il n’est pas établi que l’appelante ait prié M. F de ne pas évoquer l’affaire avec qui que ce soit. M. F n’a pas ouvert de dossier, n’a pas facturé de services à l’appelante et n’a reçu d’elle aucun paiement, et il n’a pas non plus été prié de fournir des services. Il me semble que les pourparlers entre M. F et l’appelante en 2001 étaient de nature informelle et n’étaient rien d’autre qu’une tentative de l’appelante de sonder M. F pour savoir s’il partageait son point de vue. Dans son affidavit, M. F ne se souvenait pas d’avoir discuté d’une stratégie juridique précise, hormis le fait d’avoir refusé d’être « imaginatif » dans une éventuelle réponse à la position de l’ARC. Il ne se souvient pas des documents qu’il a examinés, et il n’a pas non plus conservé de documents. Il a dit aussi qu’il avait déjà fait savoir à l’appelante que, compte tenu de son expérience antérieure avec le cabinet Watts, il était peu probable que l’appelante souscrirait à la méthode d’évaluation préconisée par son cabinet à lui. Il est difficile de trouver là le fondement nécessaire qui permettrait à l’appelante d’empêcher que les services de M. F soient retenus par la partie adverse et que M. F donne son opinion. [25] Je ne crois pas que les circonstances de la présente affaire compromettent l’intérêt de la justice et la confiance du public dans le processus judiciaire. Il ne s’agit pas d’un cas où un expert est incité à vendre son opinion au plus offrant quand bien même en résulterait-il une violation d’un accord de confidentialité. [26] Il est depuis longtemps admis par les tribunaux qu’un témoin n’appartient à personne (voir la décision Abbot, précitée). Un témoin expert s’exprime objectivement sur ses connaissances particulières, et les tribunaux devraient dissuader les parties de s’adonner au chalandage d’experts dans le dessein de les faire déclarer inhabiles à témoigner pour la partie adverse. Cette dernière question n’a pas été soulevée en l’espèce, mais c’est néanmoins une question qui intéresse la préservation de l’intégrité du système judiciaire. [27] L’avocat de l’appelante a fait valoir que l’intimée ne subit aucun préjudice, car elle est à même de retenir les services d’un autre expert, et il ajoute que les normes que s’est fixées l’intimée dans son choix d’experts sont trop rigoureuses. Peut-être, mais il n’appartient pas à la Cour de dire quels experts devraient être engagés par l’une ou l’autre des parties, ou de dire qu’un expert serait mieux qu’un autre dans une situation donnée. Les avocats sont maîtres de la preuve qu’ils souhaitent présenter, et il reviendra au juge du procès d’apprécier la preuve ainsi présentée. [28] J’arrive donc à la conclusion que M. F n’est pas inhabile pour cause de conflit d’intérêts à faire office de témoin expert pour l’intimée. L’intimée a droit aux dépens de la requête, que je fixe à 1 500 $. Les parties devaient achever les interrogatoires préalables le 30 mars 2012. Cette date est ici reportée au 28 septembre 2012, les engagements devant être remplis avant le 16 novembre 2012. Les parties doivent communiquer par écrit avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 7 décembre 2012 pour faire savoir à la Cour si l’affaire fera l’objet d’un règlement amiable, si une conférence de médiation serait à propos ou si une date d’audience devrait être fixée. Dans ce dernier cas, les parties déposeront, au plus tard à ladite date, une demande commune de fixation des temps et lieu de l’audience, conformément à l’article 123 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 5e jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 160 No DE DOSSIER DE LA COUR : 2010-3531(IT)G INTITULÉ : Aecon Construction Group Inc. et Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 mars 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge François Angers DATE DE L’ORDONNANCE : Le 8 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l’appelante : Me Edwin G. Kroft, c.r. Me Deborah Taze Avocats de l’intimée : Me Jasmine Sidhu Me Perry Derksen Me Geraldine Chen AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Noms : Edwin Kroft Deborah Taze Cabinet : Blake Cassels & Graydon Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 161
TCC
2,012
Rose c. La Reine
fr
2012-05-11
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30798/index.do
2022-09-04
Rose c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-11 Référence neutre 2012 CCI 161 Numéro de dossier 2011-3147(IT)I Juges et Officiers taxateurs Valerie A. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3147(IT)I ENTRE : ELAINE J. ROSE, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ___________________________________________________________________ Appel entendu le 19 avril 2012, à Calgary (Alberta). Devant : L’honorable juge Valerie Miller Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Robert C. Rose Avocat de l’intimée : Me Robert A. Neilson ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2012. « V. A. Miller » Juge V. A. Miller Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 161 Date : 20120511 Dossier : 2011-3147(IT)I ENTRE : ELAINE J. ROSE, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUDGMENT La juge V. A. Miller [1] Elaine J. Rose interjette appel de la nouvelle cotisation établie à son égard pour son année d’imposition 2009, dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé sa demande de crédit d’impôt pour frais de scolarité et de crédits d’impôt pour études et pour manuels. [2] L’appelante n’était pas présente à l’audience, mais elle a été représentée par son époux. Les faits de l’espèce ne sont pas contestés, mais les parties sont en désaccord quant à l’application de la loi à ces faits. [3] L’appelante est professeure adjointe à plein temps à l’École des sciences infirmières du Collège Mount Royal, à Calgary. Les crédits d’impôt pour frais de scolarité et ceux pour études et pour manuels que l’appelante avait demandés pour 2009 se rapportaient à des frais payés relativement à un programme de troisième cycle en gestion et en leadership organisationnel (le « programme ») de l’Université de Phoenix pour lequel l’appelante étudiait en ligne. Selon les documents présentés au nom de l’appelante, cette dernière était inscrite au programme à plein temps. La durée prévue du programme est de trois années d’études, plus une autre année consacrée à l’achèvement et à la soutenance de la thèse de l’appelante. Le programme n’est pas offert au Canada, mais il est reconnu par l’employeur de l’appelante, pour l’obtention de la titularisation, je suppose. [4] En 2009, l’appelante a suivi huit cours ayant duré de trois à neuf semaines chacun. L’appelante a payé des frais de scolarité s’élevant à 12 186 $US et des frais pour études et pour manuels de 4 650 $US. [5] L’Université de Phoenix avait alors deux campus au Canada, mais l’appelante n’avait aucun lien avec ces campus. Elle ne fréquentait pas ces campus et ne leur payait aucuns frais. Crédit d’impôt pour frais de scolarité [6] La première question à trancher est la question de savoir si l’appelante avait droit à un crédit d’impôt pour les frais de scolarité qu’elle a payés en 2009. Les parties pertinentes de l’article 118.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») se lisent ainsi : Crédit d’impôt pour frais de scolarité 118.5 (1) Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition : a) si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada : (i) établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau postsecondaire, […] b) si, au cours de l’année, le particulier fréquente comme étudiant à plein temps une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme, le produit de la multiplication du taux de base pour l’année par le total des frais de scolarité payés à l’université pour l’année, à l’exception des frais qui ont été : (i) soit payés pour des cours d’une durée inférieure à 13 semaines consécutives, […] [7] Les alinéas 118.5(1)a) et b) établissent les conditions à remplir pour pouvoir demander le crédit d’impôt pour frais de scolarité, à savoir : a) le particulier était inscrit à un établissement d’enseignement situé au Canada, ou b) le particulier fréquentait à plein temps une université située à l’étranger. Lorsque c’est l’alinéa b) qui s’applique, les frais de scolarité doivent alors avoir été payés pour des cours d’une durée d’au moins 13 semaines consécutives. [8] Dans quatre décisions récentes, la Cour a examiné la question de savoir si des particuliers qui suivaient des cours en ligne offerts par l’Université de Phoenix étaient inscrits à un établissement d’enseignement situé au Canada. [9] Le juge Beaubier, dans la décision Robinson c. Canada, 2006 CCI 644, et le juge Little, dans la décision Cammidge c. Canada, 2011 CCI 172, ont tous les deux statué qu’étant donné que l’Université de Phoenix avait des campus situés au Canada, les particuliers qui suivaient en ligne des cours de cette université étaient inscrits à un établissement d’enseignement situé au Canada. Dans la décision Cammidge, le juge Little a conclu qu’en établissant des campus au Canada, l’Université de Phoenix s’était assujettie au droit canadien, ce qui en faisait donc un établissement d’enseignement situé au Canada. [10] Les décisions Robinson et Cammidge n’ont été appliquées ni par le juge Margeson dans Faint c. Canada, 2011 CCI 260 ni par le juge Webb dans Abdalla c. Canada, 2011 CCI 328. Tous deux ont tiré la conclusion que les particuliers inscrits à des cours en ligne offerts par l’Université de Phoenix sans avoir de liens avec les campus de cette université situés au Canada n’étaient pas inscrits à un établissement d’enseignement situé au Canada. Dans la décision Faint, le juge Margeson a déclaré ce qui suit : 25 En ce qui concerne Phoenix, le seul lien avec le Canada est la preuve de l’existence d’un campus de cette université situé au Canada au cours de l’année en question. Toutefois, l’appelante n’a suivi aucun cours à ce campus, elle n’a eu aucun examen établi ou noté pour elle par le campus, elle n’a payé aucuns frais de scolarité au campus, n’y a suivi aucun cours et n’a reçu de ce campus aucune instruction ni aucun soutien technique. 26 Dans ces circonstances, la Cour ne peut pas conclure à l’existence de quelque facteur de rattachement établi qui lui permettrait de décider que Phoenix était un établissement situé au Canada selon l’alinéa 118.5(1)a) de la Loi. 27 Les facteurs que mentionne l’appelante dans son argument ne révèlent l’existence d’aucun lien suffisant avec le campus de Vancouver qui pourrait convaincre la Cour de tirer une conclusion différente. [11] J’adhère aux conclusions tirées dans les décisions Faint (précitée) et Abdalla (précitée). Comme le juge Webb l’a mentionné dans Abdalla (précitée), l’alinéa 118.5(1)a) exige que le particulier soit « inscrit […] à l’un des établissements d’enseignement […] situés au Canada », et non simplement inscrit à un établissement d’enseignement qui comprend un campus situé au Canada. [12] L’appelante était inscrite à un programme de troisième cycle de l’Université de Phoenix, aux États‑Unis. C’est à l’Université de Phoenix qu’elle a payé ses frais de scolarité; tout l’enseignement théorique qu’elle a reçu lui était dispensé à partir des États‑Unis, et, lorsqu’elle devait assister à des séminaires en personne, elle se rendait à l’un des campus situés aux États‑Unis. Elle n’avait pas de lien avec les campus situés au Canada. J’en arrive à la conclusion que l’appelante n’était pas inscrite à un établissement d’enseignement situé au Canada et qu’elle n’a pas rempli les conditions de l’alinéa 118.5(1)a). [13] En ce qui concerne l’application de l’alinéa 118.5(1)b), il n’a pas été contesté que l’appelante était inscrite à plein temps à une université située à l’étranger. La question est de savoir si l’appelante a payé des frais de scolarité pour des cours d’une durée d’au moins 13 semaines consécutives. Quant au sens à attribuer au mot « cours », utilisé dans cet article, la Cour a rendu à ce propos des décisions contradictoires. [14] Dans la décision Ferre c. Canada, 2010 CCI 593, le juge Paris s’est fondé sur la version française de l’alinéa 118.5(1)b) pour décider que le mot « cours » fait référence à un cours unique qui s’insère dans un programme d’études global et non à l’ensemble du programme. Dans la décision Faint (précitée), le juge Margeson a souscrit à la décision Ferre. Selon l’interprétation qui y a été faite de la question, un cours unique suivi par l’appelante doit être d’une durée minimale de 13 semaines consécutives. [15] Cependant, dans Siddell c. Canada, 2011 CCI 250, c’est sur l’intention du législateur que le juge Bowie s’est appuyé pour interpréter le mot « cours » comme se rapportant à l’ensemble du programme suivi par un particulier pendant une année universitaire. Au paragraphe 11, il a exprimé ce qui suit : 11 Il me semble improbable que le législateur ait souhaité accorder un crédit d’impôt à un étudiant qui a suivi les mêmes cinq modules que M. Siddell a suivis en 2008 s’ils ont été suivis simultanément au cours des périodes situées entre le 10 janvier et le 21 mai et entre le 21 août et le 10 décembre, ce qui représente deux semestres, mais qu’il n’ait pas souhaité accorder de crédit à un étudiant qui a suivi les mêmes modules l’un après l’autre comme l’a fait M. Siddell. Cette interprétation de la loi, pour reprendre les termes de la Cour suprême dans Compagnie Immobilière, […] va clairement à l’encontre du but de la loi et compromet la réalisation de ses objets au lieu de l’assurer. Je préfère donc interpréter le mot « course » dans ce contexte comme se rapportant non pas aux modules particuliers, mais à l’ensemble du programme suivi tout au long de l’année universitaire. Je tiens à signaler également que ce sens semble mieux cadrer avec les mots « leading to a degree » (en français, « conduisant à un diplôme ») qui suivent le mot « course » (cours) là où il est employé pour la première fois à l’alinéa 118.5(1)b) de la Loi et qui le suivent aussi dans la définition contenue au paragraphe 118.6(1) de la Loi. Le concept de cours conduisant à un diplôme semble se rapporter à l’ensemble du programme d’étude plutôt qu’à un seul cours compris dans ce programme. [16] Dans la décision Abdalla (précitée), le juge Webb a souscrit à la conclusion tirée dans Siddell, mais il a fondé son raisonnement sur les paragraphes 3(1) et 33(2) de la Loi d’interprétation, selon lesquels le pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité. [17] Pour les années d’imposition 2011 et suivantes, l’alinéa 118.5(1)b) a été modifié de manière à ce que la durée minimale d’un cours soit réduite pour passer de 13 à trois semaines consécutives. L’examen de la modification et de son objet m’amène à conclure que le mot « cours » se rapporte à un cours unique, qui s’insère dans un programme d’études global, comme le juge Paris l’a conclu dans Ferre, et non à l’ensemble du programme, comme l’a conclu le juge Bowie dans Siddell. Les notes techniques et les documents budgétaires expliquent ainsi l’objet de la modification adoptée : Nombre des programmes d’universités étrangères sont fondés sur des semestres de moins de treize semaines, de sorte que de nombreux étudiants canadiens se voient refuser la reconnaissance aux fins de l’impôt de frais d’étude qui seraient admissibles par ailleurs aux crédits ou se voient refuser l’accès aux PAE. Pour accroître la reconnaissance aux fins de l’impôt des frais d’étude de même que l’accès aux PAE pour les étudiants canadiens de niveau postsecondaire qui étudient à l’étranger, le budget de 2011 propose de réduire l’exigence relative à la durée minimale des cours qu’un étudiant canadien inscrit à une université étrangère doit respecter pour avoir droit de demander les crédits d’impôt pour frais de scolarité, pour études et pour les manuels; la durée sera ramenée de treize semaines consécutives à trois semaines consécutives. Il est également proposé de ramener de treize semaines consécutives à trois semaines consécutives la durée exigée aux fins des PAE lorsque l’étudiant est inscrit à un cours à temps plein d’une université. L’exigence relative à la durée minimale de trois semaines consécutives est conforme à la politique qui s’applique aux étudiants de niveau postsecondaire qui étudient au Canada aux fins de l’admissibilité au crédit d’impôt pour études, au crédit d’impôt pour manuels et aux PAE. (Le crédit d’impôt pour frais de scolarité ne prévoit aucune durée minimale lorsque le programme est suivi dans un établissement au Canada.) [18] L’alinéa 118.5(1)b) a été modifié afin que les étudiants canadiens inscrits à plein temps à une université située à l’étranger, et dont les semestres sont d’une durée inférieure à 13 semaines, puissent quand même demander le crédit d’impôt pour frais de scolarité. À mon avis, l’objet de la modification était de faire en sorte que les étudiants qui, comme l’appelante, suivaient leurs cours l’un après l’autre plutôt que simultanément, aient droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité. [19] En l’espèce, chacun des cours suivis par l’appelante en 2009 a duré moins de 13 semaines. Je conclus, avec regret, que l’appelante n’avait pas droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité pour son année d’imposition 2009. [20] Afin que l’appelante ait droit aux crédits d’impôt pour études et pour manuels, les paragraphes 118.6(1) et (2) exigent que l’appelante remplisse les conditions énoncées au paragraphe 118.5(1). L’appelante doit être inscrite comme étudiante à plein temps dans un établissement d’enseignement agréé au sens du paragraphe 118.6(1), lequel définit un « établissement d’enseignement agréé » comme étant a) situé au Canada, ou comme étant b) situé à l’étranger, et où le particulier est inscrit à des cours d’une durée minimale de 13 semaines. [21] Conformément au paragraphe 118.6(2.1), un crédit d’impôt pour manuels ne peut être demandé que par les particuliers qui ont droit à un crédit d’impôt pour études. [22] Étant donné que l’Université de Phoenix n’est pas un établissement d’enseignement situé au Canada et qu’aucun des cours suivis par l’appelante en 2009 n’était d’une durée d’au moins 13 semaines, je conclus que l’université dont il est question en l’espèce n’était pas un « établissement d’enseignement agréé » et que l’appelante ne pouvait pas demander le crédit d’impôt pour études et que, par conséquent, l’appelante n’avait pas droit au crédit d’impôt pour manuels pour l’année 2009. [23] L’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2012. « V. A. Miller » Juge V. A. Miller Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juin 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 161 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3147(IT)I INTITULÉ : ELAINE J. ROSE ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Valerie Miller DATE DU JUGEMENT : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Robert C. Rose Avocat de l’intimée : Me Robert A. Neilson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 162
TCC
2,012
Audet c. La Reine
fr
2012-05-10
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30799/index.do
2022-09-04
Audet c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-10 Référence neutre 2012 CCI 162 Numéro de dossier 2011-1673(IT)I Juges et Officiers taxateurs Lucie Lamarre Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1673(IT)I ENTRE : sébastien audet, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 1 mai 2012, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Marie-France Camiré ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2008 est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2012. « Lucie Lamarre » Juge Lamarre Référence : 2012 CCI 162 Date : 20120510 Dossier : 2011-1673(IT)I ENTRE : sébastien audet, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT La juge Lamarre [1] L’appelant en appelle d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (Ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) pour l’année d’imposition 2008. Le ministre a refusé à l’appelant la déduction d’un montant de 3 000 $ au titre de frais juridiques de même qu’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (PDTPE) de 4 120 $ (soit 8 240 $ X 50%). De ce montant de 4 120 $, l’appelant ne demande plus que 2 584,23 $ (soit 5 168,46 $ X 50%). Faits [2] L’appelant est comptable général accrédité (CGA). Il était actionnaire de trois sociétés, dont deux exploitant dans la vente d’articles de cuisine, soit les sociétés 9145-0411 Québec Inc. et 9153-1772 Québec Inc. Il avait cautionné plusieurs prêts consentis à ces sociétés par diverses institutions financières. Suite à une réclamation de l’une de ces institutions financières auprès de l’appelant en mai 2007, il a vendu les actions de l’une des sociétés, soit 9145-0411 Québec Inc., le 20 août 2007, pour la somme de 300 000 $, dont 150 000 $ payable le même jour et le solde de 150 000 $ payable le 20 février 2008 (voir pièce I-1, onglet 6). De ce montant, seule une somme de 25 000 $ lui a été versée le 20 août 2007. Le solde de 275 000 $ ne lui a jamais été versé. [3] Par ailleurs, l’appelant a aussi travaillé pour une société du nom de Cuisine Gourmet. Il a déposé en preuve les états financiers intérimaires de cette société au 28 février 2006 (pièce A-1). Il a dit que c’est lui qui avait préparé ces états financiers. Il a signé un mandat comptable avec cette société le 3 décembre 2007. Il était retenu pour ses services de consultant pour la structure opérationnelle et la comptabilité de l’entreprise, pour lesquels il recevait des honoraires professionnels (pièce I-1, onglet 9). Ce contrat semble indiquer que l’appelant rendait ces services déjà depuis le 1er janvier 2007, et que son mandat était reconduit (page 2, paragraphe B de la rubrique Objet). À la rubrique ‘Autre Considération’, l’appelant se voyait octroyer le 3 décembre 2007 une option d’achat de 25% des actions votantes de la société pour un prix de 25 000 $ pour une période d’un an. L’appelant n’a jamais exercé cette option. En fait, il s’est vite rendu compte qu’il ne partageait pas la même philosophie d’affaires que l’administrateur de la société Cuisine Gourmet et n’a pas voulu investir davantage. Il avait déjà cautionné un prêt de 148 032 $ consenti le 3 mai 2007 à cette société par la Banque de Développement du Canada (BDC) (voir paragraphe 6 i) de la Réponse à l’avis d’appel amendée). Selon son témoignage, son but en acceptant son mandat avec Cuisine Gourmet était de faire un groupe de sociétés avec celles qu’il détenait déjà dans le même domaine. Dans son avis d’appel, il dit que (selon le plan), Cuisine Gourmet aurait été la société mère qui aurait acquis les deux sociétés dans lesquelles il était actionnaire. Il s’avère que ceci ne s’est jamais concrétisé. En cour, l’appelant a fait allusion au risque d’affaires relié à ce projet de regroupement de sociétés. Il s’agissait d’une question stratégique de reporter l’acquisition de ses deux sociétés par Cuisine Gourmet, car si les affaires ne fonctionnaient pas, il était plus facile de fermer seulement ledit commerce si tout le groupe d’autres sociétés n’était pas impliqué. De fait, l’appelant souligne que les affaires ont dégringolé et ils n’ont jamais pu se rendre à la deuxième étape, soit celle du regroupement de toutes les sociétés. [4] Le 9 janvier 2008, après avoir constaté son impossibilité de faire face à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance, l’appelant a déposé un avis d’intention de faire une proposition à ses créanciers (voir rapport du syndic désigné sur l’état des affaires et des finances du débiteur en vertu des dispositions de l’article 50(5) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (rapport du syndic), pièce I‑1, onglet 8). Le 5 février 2008, Me Michel Charbonneau de l’étude d’avocats Charbonneau, Gauthier & Associés, avisait le syndic responsable du dossier de l’appelant qu’il était disposé à prendre le dossier impliquant la vente d’actions de 9145-0411 Québec Inc. (dont il est fait référence plus haut), pour 3 000 $ incluant les taxes plus 30% des montants perçus (pièce I-1, onglet 3). À l’audition, l’appelant a expliqué qu’il n’avait pas donné lui-même le mandat à Me Charbonneau de le représenter pour aller recouvrer le montant impayé de la vente de ses actions. C’est au moment de rencontrer le syndic que ce dernier a proposé d’inclure le recouvrement de ce montant dans la proposition aux créanciers. L’appelant a mentionné qu’il désirait éviter la faillite afin de préserver son titre professionnel et ainsi préserver sa source de revenu. Il a dit qu’il avait 40 000 $ à sa disposition. Le syndic lui aurait suggéré d’attribuer 30 000 $ pour le dividende aux créanciers et l’autre 10 000 $ en paiement d’honoraires au syndic et à l’avocat pour le recouvrement de la somme due qui serait elle-même redistribuée aux créanciers après paiement des honoraires. L’appelant a expliqué qu’une somme de 7 000 $ avait donc été versée au syndic et qu’il avait lui-même payé l’avocat la somme de 3 000 $. [5] Ainsi, le 8 février 2008, l’appelant a déposé une proposition auprès du Séquestre officiel, laquelle a été recommandée pour acceptation par le syndic le 29 février 2008 dans le rapport du syndic, puis approuvée par la majorité des créanciers le 14 mars 2008, et ensuite ratifiée par la Cour Supérieure du Québec, chambre commerciale, le 8 avril 2008 (pièce I-1, onglets 7 et 8). Dans le rapport du syndic, il est mentionné au paragraphe 5 que le débiteur (l’appelant) a négocié un mandat avec un avocat pour prendre les procédures de collection, à savoir 3 000 $ incluant les taxes plus 30% des montants perçus et que le débiteur avancera le montant de 3 000 $ si les inspecteurs à être nommés acceptent le mandat de Me Charbonneau. Par ailleurs, on inclut un montant total de 10 000 $ dans la rubrique des honoraires et débours du syndic (pièce I-1, onglet 8, paragraphe 5). Plus tard, le 11 mai 2009, dans l’état intérimaire des recettes et des débours du syndic, le syndic indique que le débiteur a exécuté intégralement sa proposition le 16 juin 2008 et que ce dernier a avancé la somme de 3 000 $ à Me Michel Charbonneau pour qu’il débute la collection de la somme à recevoir de l’acheteur des actions de la société 9145-0411 Québec Inc. (pièce I-1, onglet 2, deuxième page). C’est cette somme de 3 000 $ que l’appelant réclame comme déduction pour frais juridiques à l’encontre de ses revenus et que le ministre lui a refusée au motif qu’il s’agit d’une dépense de nature capitale. [6] Par ailleurs, suite à l’exécution de la proposition le 16 juin 2008, l’appelant a également réclamé dans le calcul de son revenu imposable, un montant de 28 180 $ au titre de déductions pour garanties personnelles payées sur prêts commerciaux (voir déclaration de revenu pour l’année 2008, pièce I-1, onglet 1, autres revenus, déductions et crédits). Ce montant incluait le paiement d’une somme de 5 168,46 $ qu’il a versée sur le prêt de 148 032 $ de la BDC à Cuisine Gourmet, qu’il avait cautionné (voir alinéas 6 i), o) et p) de la Réponse à l’avis d’appel amendée). Ce dernier montant a été refusé par le ministre au motif que cela ne pouvait constituer une PDTPE puisque l’appelant n’était pas actionnaire de la société Cuisine Gourmet et qu’il n’a pas démontré qu’il avait cautionné ce prêt dans le but de gagner un revenu d’entreprise ou de bien. C’est ce deuxième montant qui est en litige devant moi. Analyse Frais juridiques [7] L’intimée invoque que les frais juridiques constituent dans ce cas-ci une dépense de nature capitale et donc non déductible aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la LIR, lequel se lit comme suit : Déductions ARTICLE 18 : Exceptions d’ordre général 18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles : […] b) Dépense ou perte en capital ‑ une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie; [8] L’intimée soutient que le but en engageant les frais juridiques était de recouvrer le gain en capital réalisé sur la vente d’actions, faisant en sorte que la dépense est de nature capitale. Par ailleurs, elle soutient que même si les frais juridiques font partie des frais à payer au syndic, comme le prétend l’appelant, il s’agit quand même d’une dépense de nature capitale puisque l’appelant a expliqué qu’il avait été voir le syndic dans le but de faire une proposition afin d’éviter la faillite pour pouvoir continuer d’exercer sa profession comme CGA. À ce sujet, elle s’appuie sur l’arrêt Canada c. Doiron, [2012] A.C.F. no 316 (QL), 2012 CAF 71, qui rappelle que le droit de pratiquer une profession dont l’exercice est régi par une corporation professionnelle est un actif de nature durable et que les dépenses réclamées ayant pour but d’acquérir, de préserver ou de retrouver ce droit de pratique sont des dépenses de nature capitale qui ne sont pas déductibles aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la LIR (voir paragraphes 34, 35 et 42 de l’arrêt Doiron). [9] L’appelant, de son côté, soutient que ce n’est pas lui qui a personnellement engagé l’avocat et que c’est sur le conseil du syndic qu’il a remis la somme de 3 000 $ à l’avocat. Par ailleurs, il ne comprend pas pourquoi le ministre a fait une distinction entre les frais de 7 000 $ versés au syndic et acceptés comme dépenses déductibles et le montant de 3 000 $ payé à l’avocat qui ne serait pas déductible. Il a cité l’affaire Renaud c. R., 2006 CarswellNat 1654, 2006 CCI 354, dans laquelle notre cour avait jugé que les honoraires du syndic étaient déductibles au motif que la proposition concordataire avait été faite pour des motifs d’affaires. [10] Je n’ai pas à me prononcer sur la déductibilité des honoraires de 7 000 $ versés au syndic puisque ceux-ci ont déjà été accordés à l’appelant, à tort ou à raison, par le ministre. Ce montant n’est pas en litige devant moi. [11] Quant au montant de 3 000 $ payé directement par l’appelant à l’avocat, il est clair que ce montant a été payé pour recouvrer le produit de la vente des actions de la société 9145-0411 Québec Inc. Le profit réalisé lors de la vente des actions constitue un gain en capital dont 50% seulement est imposable puisqu’il s’agit dans ce cas-ci d’un profit sur un investissement. Il ne s’agit pas d’un revenu d’entreprise ou de bien totalement imposable. Il en ressort que toute dépense engagée pour recouvrer le produit de disposition qui donne lieu à un gain en capital est également de nature capitale. Une telle dépense n’est pas déductible aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la LIR. De plus, même si c’est le syndic qui a donné mandat à l’avocat de recouvrer cette somme, il n’en demeure pas moins que c’est sur une entente avec l’appelant que fût prise la décision d’inclure ce compte à recevoir dans la proposition aux créanciers. L’appelant a non seulement donné son accord, mais a lui-même payé l’avocat pour réaliser sa créance. Dans les circonstances, on ne peut inclure les frais juridiques en question dans la même catégorie que les frais payés au syndic. [12] En conclusion, sur ce point, l’appelant ne pouvait déduire de son revenu pour l’année 2008, les frais juridiques de 3 000 $. PDTPE [13] L’intimée refuse la déduction d’une perte au titre d’un placement d’entreprise sur le montant de 5 168,46 $ payé par l’appelant à la BDC aux termes de la garantie qu’il avait donnée sur un prêt à la société Cuisine Gourmet. Selon le ministre, l’appelant n’a pas droit à cette perte puisqu’il n’était pas actionnaire de la société et qu’il n’a pas démontré qu’il avait donné cette garantie dans le but de gagner un revenu d’entreprise ou de bien. En payant ce montant à la BDC, l’appelant a payé une partie de la dette de Cuisine Gourmet, qui de ce fait devenait débitrice de l’appelant. [14] Les articles pertinents de la LIR pour déterminer le droit à une PDTPE sont reproduits ci-après : Sous-section c ‑ Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles ARTICLE 38: Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible Pour l’application de la présente loi : […] c) la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien est égale à la moitié de la perte au titre d’un placement d’entreprise que ce contribuable a subie, pour l’année, à la disposition du bien. ARTICLE 39: Sens de gain en capital et de perte en capital (1) Pour l’application de la présente loi : […] c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977: (i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique, (ii) soit en faveur d’une personne avec laquelle il n’avait aucun lien de dépendance, d’un bien qui est : (iii) soit une action du capital-actions d’une société exploitant une petite entreprise, (iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est : (A) une société exploitant une petite entreprise, (B) un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois, (C) une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi, ARTICLE 40 : Règles générales (2) Restrictions. Malgré le paragraphe (1) : […] g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d’un bien, dans la mesure où elle est : […] (ii) une perte résultant de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) d’une entreprise ou d’un bien, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance, ARTICLE 50 : Créances reconnues comme irrécouvrables et actions d’une société en faillite 50. (1) Pour l’application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas : a) un contribuable établit qu’une créance qui lui est due à la fin d’une année d’imposition (autre qu’une créance qui lui serait due du fait de la disposition d’un bien à usage personnel) s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable; b) une action du capital-actions d’une société (autre qu’une action reçue par un contribuable en contrepartie de la disposition d’un bien à usage personnel) appartient au contribuable à la fin d’une année d’imposition et : (i) soit la société est devenue au cours de l’année un failli au sens du paragraphe 128(3), (ii) soit elle est une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations, insolvable au sens de cette loi et au sujet de laquelle une ordonnance de mise en liquidation en vertu de cette loi a été rendue au cours de l’année, (iii) soit les conditions suivantes sont réunies à la fin de l’année : (A) la société est insolvable, (B) ni la société ni une société qu’elle contrôle n’exploite d’entreprise, (C) la juste valeur marchande de l’action est nulle, (D) il est raisonnable de s’attendre à ce que la société soit dissoute ou liquidée et ne commence pas à exploiter une entreprise, le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l’action à la fin de l’année pour un produit nul et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l’année à un coût nul, à condition qu’il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le présent paragraphe s’applique à la créance ou à l’action. [15] Ainsi, pour pouvoir déduire une PDTPE en vertu des articles 38 et 39 de la LIR, l’appelant doit démontrer qu’il a subi une perte en capital résultant de la disposition d’un bien. Aux termes de l’article 50 de la LIR, le contribuable est réputé avoir disposé d’une créance qui lui est due à la fin de l’année pour un produit nul si cette créance s’est révélée irrécouvrable au cours de l’année. Si le contribuable détient des actions d’une société qui devient un failli ou devient insolvable au cours de l’année, il sera réputé avoir disposé des actions à la fin de l’année pour un produit nul. [16] Dans la présente instance, il est clair que l’appelant n’a jamais été actionnaire de Cuisine Gourmet. Quant à la créance qui lui était due par Cuisine Gourmet, par suite du paiement par lui de la garantie, le ministre invoque le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la LIR pour dire que la perte subie par l’appelant sur la créance qu’il détenait était nulle puisque cette créance n’aurait pas été acquise par l’appelant en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Selon le ministre, l’appelant n’étant pas actionnaire, il ne pouvait s’attendre à aucun revenu de dividende. De plus, le fait de donner une garantie, ne lui assurait aucun revenu d’intérêt puisque ce n’est pas lui qui avait avancé le prêt portant intérêt. Les revenus tirés par l’appelant de Cuisine Gourmet étaient des honoraires professionnels qui provenaient du mandat comptable qu’il avait reçu de la société et pour lequel il rendait des services spécifiques. Ces revenus n’étaient aucunement liés à la garantie donnée à la BDC sur le prêt effectué par cette dernière à la société. [17] De son côté, l’appelant soutient que malgré le fait qu’il ne détenait aucune action dans Cuisine Gourmet, il y était étroitement impliqué financièrement puisqu’il avait endossé personnellement le prêt de 148 000 $ de la BDC, y travaillait 100% de son temps dans l’optique d’y intégrer ses deux autres sociétés pour en faire un seul groupe. Pour lui, il est évident que l’endossement du prêt constituait un investissement dans une entreprise dans le but de gagner un revenu. [18] Seul le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la LIR est en jeu ici. L’arrêt Byram c. Canada, 1999 CanLII 7428 (CAF), traite spécifiquement de l’application de ce sous-alinéa. Ainsi, l’examen requis par cette disposition ne porte que sur le but dans lequel la créance a été acquise. Dans le cas d’une garantie, il faut se reporter au moment où la garantie a été donnée afin de déterminer dans quel but la garantie avait été donnée à l’origine (voir Cadillac-Fairview Corp. c. Canada, [1996] A.C.I. no 209 (QL), aux paragraphes 10 et 11, 97 DTC 405, pages 407 et 408). Ici ce serait le 3 mai 2007. [19] Par ailleurs, le sous-alinéa 40(2)g)(ii) exige qu’il existe un lien entre le contribuable (ici l’endosseur) et le revenu. Toutefois, il n’est pas nécessaire que le contribuable tire directement le revenu du prêt (Byram, par. 16). Ainsi, on accepte qu’un actionnaire d’une société puisse prêter à sa société sans intérêt et que ce prêt soit fait dans le but de gagner un revenu, puisque le prêt ainsi octroyé peut stimuler le rendement de la société, qui ultimement déclarera des dividendes à l’actionnaire (Byram, par. 17 et 18). [20] Également, bien que de plus en plus, on considère les réalités commerciales actuelles comme suffisantes pour démontrer que la perspective de réaliser un revenu de dividendes justifie la déduction d’une perte en capital en vertu du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) (Byram, par. 19), si le contribuable ne détient pas d’actions de la société débitrice, la preuve d’un lien suffisant entre le contribuable et les gains éventuels de la société débitrice est beaucoup plus exigeante. Ainsi, une déduction ne peut être tellement éloignée du flux de revenu correspondant que son lien avec la perspective de revenu est, au mieux, ténu (Byram, par. 21 et 23). En d’autres termes, si le lien entre le revenu éventuel et la dépense est trop ténu ou trop lointain, on ne pourra invoquer que la dépense a été engagée dans le but de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien. [21] Dans le cas présent, l’appelant n’a jamais été actionnaire de Société Gourmet, et ses propres sociétés n’ont jamais été intégrées dans un groupe de sociétés avec cette dernière. Cet état de fait, de l’aveu même de l’appelant, résulte de sa propre décision compte tenu du caractère risqué de l’affaire. Donc, il était impossible légalement pour l’appelant de soutirer quelque revenu de Société Gourmet du prêt qu’il avait accepté d’endosser. [22] Dans l’affaire Toews c. R., 2005 CCI 597, 2005 CarswellNat 5836, le contribuable avait prêté sans intérêt à une société dans laquelle il n’était pas actionnaire, mais dont il était l’un des bénéficiaires d’une fiducie, elle-même actionnaire de la société. Selon l’acte de fiducie, les fiduciaires (dont l’un d’eux était le contribuable) avaient le pouvoir discrétionnaire de payer un bénéficiaire à l’exclusion des autres bénéficiaires. Le juge Bowie de cette cour a conclu qu’il n’existait pas un lien nécessaire entre le revenu provenant du prêt et le contribuable, car compte tenu de la structure choisie, il était possible que le contribuable ne touche jamais de revenu de la société exploitante ayant reçu le prêt, puisque selon l’acte de fiducie, il pouvait être exclu comme bénéficiaire par une décision discrétionnaire des fiduciaires. Il n’a donc pas pu déduire une PDTPE. Le juge Bowie s’était par ailleurs appuyé sur la décision rendue dans Service c. La Reine, 2004 CCI 592, 2004 DTC 3317, confirmé par 2005 CAF 163, dans laquelle la cour avait conclu qu’un prêt sans intérêt accordé par un contribuable à une société de portefeuille dont toutes les actions étaient détenues par sa femme n’avait pas été fait dans le but de gagner un revenu étant donné qu’il n’existait aucun lien entre le contribuable et la société exploitante. [23] Dans la présente affaire, l’appelant était rémunéré pour les services qu’il rendait à cette société en recevant des honoraires professionnels, et ce contrat de services a été légalement reconnu lors de la signature du mandat comptable en décembre 2007. Ce n’est qu’à ce moment qu’on a donné à l’appelant une option d’achat d’actions dans la société. Au moment d’endosser le prêt, en mai 2007, l’appelant ne pouvait même pas prétendre avoir le droit d’exercer cette option. Par ailleurs, au moment de s’acquitter de son obligation, il n’avait toujours pas exercé son option d’achat et n’était donc toujours pas actionnaire de la société. Dans son optique, il avait accepté d’endosser le prêt à Cuisine Gourmet dans un but d’investissement, afin d’accroître, dans un certain sens, le potentiel de revenu de ses propres entreprises. Toutefois, rien n’avait été mis en place à ce moment pour s’assurer d’un retour sur cet investissement. Cette fin alléguée est trop indirecte et trop éloignée pour conclure que l’appelant pouvait s’attendre à tirer un revenu du prêt qu’il avait endossé (voir Byram, au paragraphe 20 qui cite la décision Mark Resources Inc. c. Canada, [1993] A.C.I. no 265 (QL)). [24] Pour ces raisons, l’appelant ne peut avoir droit à une PDTPE sur le montant de 5 168,46 $ qu’il a payé à la BDC puisque cette perte est réputée nulle aux termes du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la LIR. [25] L’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2012. « Lucie Lamarre » Juge Lamarre RÉFÉRENCE : 2012 CCI 162 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1673(IT)I INTITULÉ DE LA CAUSE : sébastien audet c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 1 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Lucie Lamarre DATE DU JUGEMENT : le 10 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Marie-France Camiré AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 163
TCC
2,012
Friedlander c. La Reine
fr
2012-03-26
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30800/index.do
2022-09-04
Friedlander c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-03-26 Référence neutre 2012 CCI 163 Numéro de dossier 2011-1907(IT)I Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1907(IT)I ENTRE : JACOB FRIEDLANDER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 26 mars 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Tony Cheung ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des cotisations T‑1‑OVP concernant les années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 de l’appelant sont accueillis en partie. et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que les pénalités établies en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être annulées. Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juin 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 163 Date : 20120512 Dossier : 2011-1907(IT)I ENTRE : JACOB FRIEDLANDER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Paris [1] M. Friedlander interjette appel de cotisations d’impôt établies à l’égard de cotisations excédentaires faites à un régime enregistré d’épargne-retraite (« REER ») entre les années 2002 et 2006, ainsi que des pénalités et des intérêts y afférents. [2] M. Friedlander a immigré au Canada en 2000. Sa langue première est l’espagnol. En 2002, il a voulu ouvrir un compte de placement chez TD Canada Trust. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, il ne travaillait pas et qu’il n’avait pas de revenus. Il restait à la maison avec deux enfants en bas âge et il étudiait également. L’employé de TD Canada Trust que M. Friedlander a consulté a ouvert un compte de REER au nom de M. Friedlander, bien que ce dernier n’ait pas demandé à ouvrir un compte de REER. De toute évidence, un compte de REER ne convenait pas dans le cas de M. Friedlander. M. Friedlander a dit à l’employé de la banque qu’il voulait faire un placement, par exemple dans un certificat de dépôt qui est l’équivalent américain d’un dépôt à terme. L’employé de la banque a plutôt placé l’argent dans un compte de REER composé de fonds communs de placement au nom de M. Friedlander. [3] M. Friedlander a déposé en tout un montant de 11 450 $ dans le compte entre les années 2002 et 2006. Il n’a pas demandé de déductions à l’égard de ses cotisations à un REER pour ces années‑là. De fait, il n’avait aucun revenu au cours des années en question. Cependant, le problème qui se posait dans le cas de M. Friedlander était que celui‑ci n’avait pas de déductions inutilisées au titre des REER pour les années d’imposition 2002 à 2006. Les dépôts que M. Friedlander a effectués dans le compte étaient donc supérieurs au plafond autorisé et M. Friedlander avait un excédent cumulatif au titre des REER pour chacune de ces années, de sorte qu’il avait à payer un impôt en vertu du paragraphe 204.1(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et qu’il était donc une personne à qui la partie X.1 de la Loi s’appliquait au cours de chacune de ces années. Un contribuable qui se trouve dans cette situation peut demander au ministre du Revenu national, en vertu du paragraphe 204.1(4), de renoncer à cet impôt. Il le fait en présentant un formulaire T3012A lui permettant d’obtenir le consentement du ministre pour que l’établissement financier lui rembourse les cotisations excédentaires sans retenir d’impôt. Toutefois, en tant que personne à qui la partie X.l de la Loi s’applique, le contribuable doit produire une déclaration en vertu du paragraphe 204.3(1), au moyen d’un formulaire Tl‑OVP, et verser l’impôt dans les 90 jours qui suivent la fin de l’année, à moins qu’il n’ait été renoncé à l’impôt avant la fin de ce délai de 90 jours (voir le juge Bowie, dans la décision Pereira-Jennings c. La Reine, 2009 A.C.I. no 239, premier paragraphe). [4] Dans ce cas‑ci, M. Friedlander n’a pas produit de déclarations Tl-OVP auprès du ministre tant qu’il n’a pas été avisé des cotisations excédentaires, au mois de janvier 2009, lorsqu’il a reçu une lettre de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lui faisant part du problème. La lettre de l’ARC renvoyait à une lettre antérieure censément envoyée à M. Friedlander, mais ce dernier a affirmé ne pas avoir reçu cette lettre. Étant donné que l’avocat de l’intimée a déclaré que l’intimée acceptait la version des faits donnée par M. Friedlander dans son témoignage, et qu’il n’a pas contre-interrogé M. Friedlander sur ce point, je crois que M. Friedlander n’a pas reçu la lettre antérieure. Je tiens également à ajouter que M. Friedlander était selon moi un témoin crédible. [5] Une fois qu’il a été mis au courant des cotisations excédentaires, M. Friedlander a présenté des formulaires Tl-OVP pour toutes les années d’imposition et il a retiré les cotisations excédentaires du compte de REER. Toutefois, il est certain que les formulaires Tl-OVP n’ont pas été présentés et que l’impôt n’a pas été payé ou qu’il n’y a pas été renoncé dans les 90 jours suivant la fin de chaque année d’imposition. Le ministre a donc établi une cotisation à l’égard de l’impôt prévu au paragraphe 204.1(2.1), au taux mensuel de un pour cent de l’excédent cumulatif, plus la pénalité prévue au paragraphe 162(1) de la Loi et les intérêts y afférents. [6] Il semble que la cotisation dont M. Friedlander a fait l’objet se soit élevée en tout, pour l’impôt, les intérêts et les pénalités, à environ 4 350 $, sur les dépôts de 11 450 $ qui avaient été effectués dans le compte. Si M. Friedlander n’a pas payé les montants établis, les intérêts continueront à courir. [7] M. Friedlander a interjeté appel devant la Cour en vue de demander un allègement. [8] Selon la position que l’intimée a prise, la Cour n’a pas compétence pour renoncer à l’impôt, aux pénalités et aux intérêts. Comme il en a ci‑dessus été fait mention dans les présents motifs, le paragraphe 204.1(4) confère au ministre le pouvoir de renoncer à l’impôt qui est dû en vertu du paragraphe 204.1(2.1). M. Friedlander a demandé au ministre de renoncer à l’impôt, mais le ministre a rejeté la demande. [9] Pour les besoins du présent appel, il est clair que je ne suis pas autorisé à modifier la décision que le ministre a prise au sujet de la renonciation. Toutefois, je suis autorisé à examiner les pénalités établies en vertu du paragraphe 162(1) par suite de l’omission de produire les déclarations Tl-OVP. Ces pénalités peuvent être annulées lorsque le contribuable a fait preuve d’une diligence raisonnable à l’égard des exigences en matière de production. [10] Dans la décision Pereira-Jennings, le juge Bowie a dit ce qui suit au paragraphe 7 : […] Pour se prévaloir avec succès du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, il ne suffit pas de faire preuve de bonne foi passive et de bonnes intentions. Il faut que la contribuable présente des preuves convaincantes des gestes qu’elle a posés afin de satisfaire aux exigences de la loi. […] [11] Toutefois, dans l’arrêt Les Résidences Majeau c. la Reine, 2010 CAF 28, la Cour d’appel fédérale a fait les observations suivantes au sujet des circonstances dans lesquelles un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué – en particulier, en ce qui concerne une seconde possibilité d’établir la diligence raisonnable dont le juge Bowie n’avait pas fait mention dans la décision Pereira‑Jennings. Aux paragraphes 8, 9 et 10 de l’arrêt Les Résidences Majeau, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit : Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité. L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e. une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité. [12] En l’espèce, je conclus que l’omission de M. Friedlander de produire les déclarations Tl‑OVP était attribuable à une erreur de fait raisonnable. L’intimée ne conteste pas que M. Friedlander se trompait au sujet de la nature du compte qu’il avait ouvert chez TD Canada Trust. S’il avait su ce qu’était ce type de compte, je crois qu’il l’aurait fermé. Si le compte avait été un compte de placement ordinaire, il n’aurait pas été obligé de produire des déclarations T1‑OVP. [13] Le second aspect du moyen de défense, énoncé dans l’arrêt Les Résidences Majeau, est que l’erreur doit être raisonnable. Je conclus qu’il s’agissait d’une erreur raisonnable. J’accepte la preuve que M. Friedlander a présentée, lorsqu’il affirme que l’employé de la banque n’a jamais parlé de la question des REER ou n’a jamais donné d’explications à cet égard, c’est‑à‑dire que M. Friedlander n’a jamais demandé qu’un compte de REER soit ouvert et que, si la nature du compte lui avait été expliquée, M. Friedlander n’aurait pas décidé d’ouvrir un compte de REER. Il est clair qu’un tel compte ne convenait pas à ses besoins, à ce moment‑là. [14] Je crois également que M. Friedlander se serait probablement fortement fié à l’employé de la banque pour que celui‑ci choisisse un type approprié de compte étant donné que l’anglais n’était pas sa langue première, qu’il venait d’arriver au Canada et qu’il ne connaissait pas les produits de placement canadiens. Je conclus que l’erreur était une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que M. Friedlander aurait commise. [15] Pour ces motifs, je conclus que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable a été établi et que les pénalités doivent être annulées. [16] J’aimerais également faire certaines remarques au sujet de la demande que M. Friedlander a présentée au ministre pour qu’il soit renoncé à l’impôt en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Le ministre a refusé cette demande compte tenu du fait que M. Friedlander n’avait pas démontré que le versement de cotisations excédentaires à un REER était attribuable à une erreur raisonnable. Le ministre a également pris la position selon laquelle les notes figurant dans les avis de cotisation concernant les années d’imposition 2002 à 2006 de M. Friedlander, selon lesquelles il y avait des droits inutilisés de cotisation à un REER, auraient dû permettre à celui‑ci de se rendre compte qu’il avait versé des cotisations excédentaires. [17] J’ai certaines observations à faire au sujet des notes figurant dans les avis de cotisation. Premièrement, l’anglais n’est pas la langue première de M. Friedlander. Il est facile de voir comment M. Friedlander ne se serait pas rendu compte de l’importance des notes concernant les droits inutilisés de cotisation à un REER, surtout qu’il s’agissait en particulier d’une note parmi tant d’autres, toutes passablement obscures, figurant dans les avis de cotisation. Deuxièmement, et ce qui est peut-être encore plus important, mentionner des droits inutilisés de cotisation à un REER, ce n’est pas la même chose que mentionner des cotisations excédentaires. Même si M. Friedlander avait su jusqu’à quel point la mention de cotisations excédentaires était importante, il n’a pas été question dans ce cas‑ci de cotisations excédentaires. [18] J’encourage fortement M. Friedlander à demander un second examen impartial de la décision dont fait état la lettre du 18 avril 2011 rédigée par N. Polychronis, laquelle a été produite à l’audience, et je recommande fortement à la personne qui examinera cette décision de tenir compte des observations que je fais dans les présents motifs. [19] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie et les pénalités sont annulées. Je recommande à M. Friedlander de joindre une copie des présents motifs à la demande qu’il présentera en vue d’un second examen. Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juin 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 163 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1907(IT)I INTITULÉ : Jacob Friedlander c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 11 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Tony Cheung AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 164
TCC
2,012
François-Philippe Cloutier et Julie Farley c. M.R.N.
fr
2012-05-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30814/index.do
2022-09-04
François-Philippe Cloutier et Julie Farley c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-30 Référence neutre 2012 CCI 164 Numéro de dossier 2011-2152(EI) Juges et Officiers taxateurs Alain Tardif Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011-2152(EI) ENTRE : FRANCOIS-PHILIPPE CLOUTIER ET JULIE FARLEY, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et CAROLLE LACHANCE, intervenante. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 10 février 2012, à Québec (Québec). Devant : L'honorable juge Alain Tardif Comparutions : Avocat des appelants : Me Martin Bouffard Avocat de l'intimé : Me Simon Vincente Pour l’intervenante : L’intervenante elle-même ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la décision établie en vertu de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi par le ministre du Revenu national pour la période du 3 août 2009 au 10 septembre 2010 à savoir si l’intervenante, madame Carolle Lachance, avait exercé un emploi assurable auprès des appelants est rejeté. La décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs de jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Le juge Tardif Référence : 2012 CCI 164 Date : 20120530 Dossier : 2011-2152(EI) ENTRE : FRANCOIS-PHILIPPE CLOUTIER ET JULIE FARLEY, appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et CAROLLE LACHANCE, intervenante. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Tardif [1] Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision établie à l’égard des appelants par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») à savoir si Carolle Lachance (la « travailleuse ») avait exercé un emploi assurable lorsqu’à leur service pour la période du 3 août 2009 au 10 septembre 2010. [2] Au moment de la période en litige, l’appelante était médecin spécialiste; ses heures de travail étaient irrégulières en ce qu’elle devait composer avec des urgences, des heures de gardes, etc. Les appelants accordaient une très grande importance aux qualités requises d’une gardienne pour assumer l’importante, mais aussi délicate tâche de garder leurs enfants à la résidence familiale. [3] La preuve a établi que les appelants exigeaient que tout soit mis en œuvre pour le plus grand bien-être, le confort, la sécurité et le bonheur de leurs enfants. Tout ce qui était étranger à la garde des enfants tel que le ménage et l’entretien des lieux était secondaire. [4] Ainsi, les travaux d’entretien et de nettoyage étaient secondaires; la gardienne pouvait ainsi faire des mots croisés ou des mots cachés en plus de faire et de recevoir des appels relatifs à des dossiers personnels si cela permettait une meilleure attention lors des siestes des enfants. [5] La gardienne avait une interprétation un peu différente quant aux tâches à accomplir, la priorité quant à son rôle de gardienne était cependant la même. Pour illustrer sa pensée quant à l’autorité des appelants, mais aussi quant aux autres tâches à accomplir, la gardienne a affirmé que l’appelant lui avait indiqué qu’elle n’avait pas correctement fait le travail de nettoyage dans une garde‑robe. [6] Le fait que le travail de gardienne ait été l’objet fondamental du contrat est clairement ressorti; à l’occasion, lorsque l’appelante terminait une période de garde tôt le matin, elle revenait à la maison et libérait la gardienne en demi-journée. [7] De plus, lors des vacances ou voyages, les appelants auraient pu demander que certains travaux ménagers soient effectués, tels que le lavage et le ménage; il n’en était pas ainsi; de plus, la gardienne recevait le plein montant convenu. Pourquoi? Les appelants ne voulaient pas risquer que la gardienne quitte pour se trouver un travail rémunéré d’une manière ininterrompue. [8] À partir des témoignages, il n’est pas facile de répertorier plusieurs éléments démontrant une ou des manifestations d’autorité. À cet égard, les principaux éléments sont l’incident du nettoyage de la garde-robe, le fait qu’elle devait respecter un horaire fixe quant à son arrivée sur les lieux du travail, l’endroit où avait lieu la garde, etc. [9] La preuve a cependant fait ressortir d’une manière non équivoque que la considération principale et l’objet fondamental du contrat étaient la garde des enfants. La preuve a aussi établi que la gardienne possédait toutes les qualités requises pour assumer la responsabilité de son rôle de gardienne. [10] Un lien de confiance a rapidement été établi; les parties faisaient tout pour que celui-ci se maintienne sauf, à la fin, où les relations se sont, d’une part, détériorées et, d’autre part, la sérénité de chacune des parties a pris une tournure plutôt conflictuelle qui a atteint son apogée quand la gardienne a fait une demande pour obtenir des prestations d’assurance-emploi. [11] La nature du contrat intervenu doit s’apprécier à partir d’une seule question tout à fait fondamentale. Existait-il une relation d’autorité ou un lien de subordination entre les parents et la gardienne? En l’espèce, l’exercice s’avère plutôt difficile en ce que les faits révélés par la preuve ne permettent pas de constater des situations claires et déterminantes où la partie payeuse a exercé clairement son autorité si ce n’est au moment où le contrat a été convenu et lors de l’incident de la garde-robe. [12] Sur cet aspect, il est cependant important de rappeler que la preuve du lien de subordination n’exige aucunement que la démonstration soit faite par des faits précis ou lors d’une situation décrite ou largement documentée. Il suffit que la preuve démontre d’une manière déterminante que la partie payeuse avait un tel pouvoir et qu’elle n’y a jamais renoncé. [13] En l’espèce, la gardienne a-t-elle négocié ses conditions de travail d’égal à égal? La gardienne aurait-elle pu se faire remplacer pour exécuter l’objet du contrat par quelqu’un d’autre? La gardienne aurait-elle pu imposer certains comportements avec les enfants? La gardienne aurait-elle pu questionner, contester, voir ignorer certaines directives relatives à la façon de se comporter avec les enfants? La gardienne aurait-elle pu refuser de coucher les enfants à l’heure indiquée, etc.? Ce sont là quelques questions auxquelles la preuve ne permet pas de répondre. [14] Par contre, il est clairement ressorti que les antécédents de la gardienne avaient été pris en compte. Ses valeurs, son sens de responsabilité, ses compétences avec les enfants, etc., ont été évalués, appréciés et acceptés. Un profond lien de confiance a été établi; ce lien fut important à un tel point que la gardienne recevait la rémunération convenue sans avoir à garder lors de certaines situations ponctuelles. Pourquoi? Parce que les parents ne voulaient pas risquer de perdre les qualités qu’ils avaient constatées chez leur gardienne. [15] Une telle réalité générait un très grand respect des parties l’une envers l’autre puisqu’il semble que les deux parties étaient très satisfaites de la situation. Dans un tel contexte, il devenait difficile de faire la preuve de situations où des sanctions ont été envisagées, des réprimandes formulées. Faute d’une telle preuve, doit-on conclure à l’absence d’un lien de subordination? [16] Je ne crois pas. Rien dans la preuve ne permet de conclure que la gardienne disposait d’une liberté, d’une autonomie et d’une flexibilité qui caractérisent un contrat d’entreprise. Le respect mutuel des parties ne signifie pas pour autant que les parties ont négocié d’égal à égal. [17] Les personnes qui occupent des emplois techniques pouvant exiger des connaissances et des aptitudes très pointues au point qu’il soit impossible de leur enseigner quoi que ce soit, celles qui exécutent le travail en l’absence totale du payeur et celles qui possèdent des connaissances supérieures, seraient-elles privées du statut d’une personne salariée? [18] La réponse à toutes ces questions est évidemment négative en ce que la détention du pouvoir de contrôle n’exige aucunement l’inexpérience du payeur; le statut de salarié n’est d’ailleurs pas incompatible avec les notions de liberté, d’autonomie et de flexibilité. [19] La personne qui œuvre dans un domaine aussi particulier que celui de garder des enfants à la maison des parents doit avoir des qualités nombreuses et précises en conformité avec les attentes des parents. Il doit s’établir rapidement un lien de confiance totale où il n’y a aucun espace ou presque pour les irritants pouvant avoir des effets ou conséquences sur la qualité des services de garde, les enfants étant généralement la plus importante et profonde préoccupation des parents. [20] Ainsi, il est évident qu’une gardienne d’enfants qui possède tous ces attributs ne pourrait pas s’absenter et confier les enfants dont elle a la garde à quelqu’un d’autre sans l’approbation des parents. [21] Si un parent confie ses enfants à une garderie, le lien de confiance se tisse entre la garderie et le parent, la dimension personnelle n’a pas la même importance. [22] Pour les appelants, leurs enfants étaient au centre de leur vie; manifestement, ils n’étaient prêts à aucun compromis en ce qui concerne la qualité des services de garde. [23] Les appelants soutiennent que les parties se sont entendues pour que le travail de gardienne soit effectué dans le cadre d’un contrat de services. Toujours selon les appelants, il n’y avait aucune équivoque à cet effet. [24] Le tout a débuté par des annonces dans les journaux indiquant qu’un travail de gardienne était offert où la gardienne devrait signer des reçus pour attester le paiement du montant payé à titre de gardienne. [25] Les conditions claires et évidentes du contrat de services telles qu’alléguées par les appelants n’étaient pas aussi claires et évidentes pour la personne qui a accepté le poste de gardienne. [26] D'ailleurs, l’argument du reçu exigé est quelque chose de particulier en ce qui a trait au travail de gardienne d’enfants. En effet, ce déboursé a une incidence fiscale alors que autres travaux (tels que réparations, électricité, plomberie, peinture, décoration, aménagement paysager, etc.) n’ont aucun impact sur la déclaration de revenus pour une résidence personnelle. Ces autres travaux sont généralement exécutés par un entrepreneur qui fournit un reçu. Le fait d’obtenir ou d’exiger un reçu n’a aucun impact déterminant sur la qualification de la nature d’un contrat relatif à la garde d’enfants. [27] Lorsque deux parties conviennent d’un contrat de services ou d’un contrat d’entreprise, cela suppose que les parties négocient d’égal à égal et l’absence d’ascendant de l’un ou l’autre sur l’autre, tout en gardant à l’esprit le contexte voulant que les deux parties aient intérêt à ce qu’une entente intervienne. Cet intérêt peut se traduire par un comportement laissant croire à un lien de subordination ou à l’absence d’égalité chez l’une ou l’autre des parties. [28] Cette situation est d’autant plus possible qu’il n’est pas rare que l’une des parties exige que le contrat en soit un de services étant donné les nombreux avantages qui en découlent notamment au niveau des coûts, facilité de gestion, économie de paperasse, possibilité d’imputer des dépenses aux revenus, etc. alors qu’il peut en être autrement pour l’autre partie. [29] Les appelants ont soutenu que la détermination devait être établie à partir de l’entente intervenue, à savoir que les parties avaient convenu que le travail serait effectué dans le cadre d’un contrat de services. [30] Lorsque la volonté et l’intention des parties sont clairement exprimées et que le consentement obtenu n’est pas assujetti aux causes de nullité prévues par le droit civil, les parties doivent assumer les conséquences juridiques de leur choix et cela, en autant que les faits reliés à l’exécution du contrat soient cohérents avec la formule du contrat retenu. [31] En l’espèce, les appelants ont affirmé qu’il ne faisait aucun doute que l’entente constituait un contrat d’entreprise. La gardienne a, quant à elle, affirmé qu’elle n’avait aucunement cette interprétation, sa compréhension étant qu’elle devait payer ses impôts à la fin de l’année. Chose certaine, elle croyait que son travail en était un qui était protégé par l’assurance-emploi. La conclusion qui se dégage du témoignage des parties au contrat litigieux est donc à l’effet que l’entente n’était pas aussi claire que les appelants le soutiennent. [32] Pour être pris en compte, la volonté et l’intention des parties doivent se manifester tout au long de l’exécution du contrat. En d’autres termes, les faits relatifs à l’exécution du travail doivent valider et confirmer le choix prétendu quant au contrat. [33] Le travail de gardienne d’enfants est un travail fort particulier en ce qu’il peut s’effectuer de différentes façons et selon certaines caractéristiques. Ainsi, un travail de gardienne peut être qualifié d’occasionnel et, de par cette réalité, ne peut être assurable. Il s’agit notamment de toutes les situations où les parents retiennent les services d’un jeune adolescent, d’un parent, d’un voisin ou d’un ami pour garder son ou ses enfants généralement pour de courtes durées, une soirée, une urgence, etc. [34] D’autres choisissent de confier leurs enfants à une entreprise à l’extérieur de leur résidence dans une entreprise spécialisée et encadrée et assujettie à toute une série de contraintes administratives. D’autres ont recours à une garderie non encadrée ou simplement à une gardienne ou un gardien qui garde chez lui à sa propre résidence. Il s’agit là de quelques hypothèses où il est possible d’effectuer le travail de gardien ou de gardienne. [35] En l’espèce, les appelants désiraient obtenir une gardienne responsable, fiable, qualifiée possédant toutes les qualités pour que leurs enfants obtiennent le meilleur encadrement qui soit, sans aucune concession ni compromis, et cela, à la résidence familiale. [36] Pour obtenir satisfaction, les appelants étaient disposés à payer une très bonne rémunération bonifiée par plusieurs avantages, en offrant à la gardienne des heures de travail écourtées, un salaire garanti travail fait ou non, une grande autonomie voire liberté quant à la façon d’exercer le travail, pourvu que toute son attention, tout son intérêt et toute sa préoccupation soient dirigés et concentrés entièrement sur le bien-être, le confort, la sécurité et les besoins du ou des enfants. Non seulement le travail de gardienne était le volet important, il était le seul. Tout le reste était secondaire. [37] Il existait un très grand lien de confiance entre les appelants et la gardienne, laquelle agissait manifestement en conformité avec les attentes des appelants au point que ceux-ci lui témoignaient leur appréciation par une certaine bonification de la situation avec des heures de travail écourtées et rémunérées lors des absences des appelants. [38] La distinction entre un contrat de services et un contrat de louage de services repose sur l’existence ou non d’un lien de subordination qui se traduit par le pouvoir de contrôler le travail. [39] Il n’est pas nécessaire que le pouvoir de contrôle soit exercé; il suffit essentiellement de détenir un tel pouvoir et de ne pas y avoir renoncé. Il devient extrêmement difficile de déterminer la nature du contrat si la personne engagée exécute le travail à la satisfaction de l’autre partie et possède toutes les qualités, qualifications et connaissances dans le contexte où elle aime son travail. [40] En l’espèce, les appelants détenaient-ils un tel pouvoir de contrôle, ont-ils abdiqué ce pouvoir, l’ont-ils exercé? Les appelants ont soutenu que les conditions d’embauche étaient claires et précises, en ce qu’un reçu devait être émis. Effectivement de façon générale, un salarié touche son salaire sans être tenu de signer un reçu pour attester le paiement de son salaire. En matière de garde d’enfants, la situation est différente pour les raisons déjà mentionnées. [41] Une prestation de travail effectué par une même personne, pour le compte et le bénéfice d’un même payeur, dont l’objet est clairement défini et assujetti à un encadrement tout aussi défini, pour une durée indéfinie, d’une manière répétitive et continue, constitue un contexte très difficilement réconciliable avec un contrat d’entreprise. [42] Un contrat d’entreprise est généralement assez précis quant à la durée ou est assujetti à des éléments précis qui situent la fin dans le temps. Il se peut également qu’un contrat d’entreprise prévoie une durée indéterminée avec une formule continue et répétitive. Il s’agit notamment de tous les contrats d’entretien, l’entrepreneur ayant cependant le loisir de travailler pour plusieurs payeurs et de programmer, à sa discrétion, l’horaire pour l’exécution des tâches. [43] Ce possible rapprochement s’arrête là puisque l’entrepreneur a le pouvoir, la capacité, et l’autonomie d’avoir plus d’un payeur. Cette autonomie, cette flexibilité, et cette non-exclusivité sont des caractéristiques qui confèrent aux parties un statut d’égal à égal ou aucun statut de suprématie de l’une ou l’autre des parties sur l’autre. [44] En l’espèce, la gardienne devait commencer à des heures définies non par elle, mais par les contraintes professionnelles des parents. Après l’évaluation des compétences qui rencontraient et répondaient aux attentes des parents, un très grand lien de confiance a été créé et manifestement le travail exécuté les comblait. [45] Dans un tel contexte, les parents n’ont pas eu l’occasion de sévir ou même manifester des signes évidents ou extérieurs démontrant leur autorité. Ils étaient pleinement satisfaits du travail de la gardienne au point de la rémunérer même lorsqu’elle ne gardait pas pour être certains de ne pas la perdre, notamment pour éviter qu’elle décroche ailleurs un travail plus continu et régulier. [46] Cet élément valide la thèse du contrat de louage de services bien que non suffisant, ni déterminant. Il s’inscrit dans la liste des autres caractéristiques à l’appui de la conclusion voulant qu’il s’agisse d’un contrat de louage de services. [47] Je conclus donc que le travail en litige a été exécuté dans le cadre d’un contrat de louage de services et, notamment, pour les raisons suivantes : · la régularité, continuité et durée indéterminée du travail; · l’encadrement, le début et la fin du travail décidé exclusivement par le payeur; · l’absence d’autonomie de la gardienne; · l’exclusivité. La gardienne n’aurait pu se faire remplacer sans autorisation et approbation; · la forme particulière de la rémunération; · le pouvoir d’intervention et/ou le contrôle unilatéral détenu par le payeur; et · l’inégalité dans la relation contractuelle. Les parties n’étaient pas égales dans les négociations bien que le payeur ait été très accommodant, très respectueux. [48] Ce sont là divers éléments qui, pris isolément, ne sont pas suffisants pour conclure au contrat de louage de services, mais cumulativement ils deviennent suffisants pour conclure à une prépondérance de la preuve en faveur du contrat de louage de services. [49] Une analyse du contrôle exercé par l’employeur en examinant les directives de l’employeur concernant la nature du travail à accomplir (le « quoi »), la manière de le faire (le « comment »), l’endroit (le « où ») et le moment où il doit être effectué, et dans quel délai (le « quand ») il doit être accompli, ainsi que l’existence d’un droit de sanctionner et contrôler le travail permet d’arriver à une appréciation de la relation du travail, en restant fidèle aux règles du droit civil. [50] La Loi ne comporte aucun indice ni aucune définition pour distinguer un contrat de louage de services d’un autre type de contrat, tel un contrat de service. Il appartient à la Cour de déterminer la nature du travail en faisant appel aux principes appropriés du droit civil en ce qui concerne le Québec, et au principe de la common law en ce qui concerne les autres provinces. [51] Pour les appels issus des provinces où le principe de la common law s’applique, la pratique de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale est d’apprécier la relation entre le prestataire du service et le bénéficiaire selon les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Dans l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256, la Cour d’appel a ainsi résumé l’état de la Loi : [8] L’arrêt qui fait autorité en ce qui concerne les principes pour établir une distinction entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise est Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.). Le juge Major, rédigeant l’arrêt de la Cour suprême du Canada, a approuvé Wiebe Door dans l’arrêt 67112 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983. Il a résumé, aux paragraphes 47 et 48, les principes pertinents comme suit : 47. […] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. 48. Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire. [52] Certaines décisions récentes indiquent que l’intention commune des parties quant à la nature de leur relation juridique doit aussi faire partie de l’analyse, quand cette intention est conforme à la réalité : [9] Dans les arrêts Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.), et Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national - M.N.R.) 2006 CAF 87, [2007] 1 R.C.F. 35, la Cour a ajouté que lorsqu’il est établi que les parties avaient l’intention commune d’établir une relation juridique entre elles, il est nécessaire de tenir compte de cette preuve, mais il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties. [Je souligne] [53] Donc, selon l’arrêt TNT Personnel, l’intention commune des parties doit être prise en compte lorsque les faits concordent avec cette intention déclarée. L’intention commune des parties doit cependant être établie; il est difficile d’établir une telle intention lorsque les parties au contrat offrent des témoignages divergents en l’absence d’un contrat écrit. [54] À cette difficulté s’ajoute le fait que les parties à un contrat sont souvent inégales quant aux connaissances requises pour faire certaines distinctions et comprendre les nuances. D’ailleurs, de telles lacunes peuvent exister même en présence d’un écrit. Conséquemment, il est important de démontrer que l’employé a signé le contrat en connaissant les conséquences juridiques, y compris l’impact sur la possibilité des prestations de l’assurance-emploi. [55] Il faut préciser que l’arrêt TNT Personnel émane de la province de l’Ontario, la Cour d’appel n’avait donc pas l’avantage de se référer au Code civil du Québec dans ce domaine. En effet, la Loi d'interprétation, LRC 1985, c I-21, édicte qu’en présence d’un concept du droit privé dans une loi fédérale, il faut avoir recours à la loi provinciale appropriée : 8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte. 8.2 Sauf règle de droit s’y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes. [56] Dans une publication au sujet du bijuridisme canadien, le juge Archambault établit l’applicabilité de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation pour la détermination de la relation du travail dans le sens de l’article 5 de la Loi sur l’assurance-emploi[1]. Après avoir effectué un survol de l’état de la jurisprudence sur l’interprétation des lois fédérales qui font appel aux concepts de droit privé provincial, notamment après avoir exposé les doctrines de la complémentarité, et celui de dissociation, le juge Archambault conclut que la bonne approche à suivre suite à l’amendement de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation en 2001 est celui de complémentarité: [33] À mon avis, avant de suivre des précédents dans lesquels les tribunaux ont appliqué le principe de dissociation ou le principe d’uniformité, il faudra s’interroger si les interprétations qu’ils ont adoptées ou les principes qu’ils ont exposés sont toujours justifiés à la lumière de l’article 8.1 [loi d’interprétation]. Avant l’entrée en vigueur de cet article, les tribunaux se reconnaissaient une certaine latitude pour appliquer soit le principe d’uniformité ou le principe de complémentarité. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 8.1, ils sont tenus de respecter le principe individuel de la souveraineté parlementaire et d’utiliser le principe de complémentarité dans l’interprétation de toute loi fédérale. [57] Le Code civil du Québec, LRQ, c C-1991, définit un contrat de travail à l’article 2085 : 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. [58] Donc, au Québec, le contrat de travail a trois caractéristiques : (1) le travail; (2) la rémunération; et (3) la direction ou le contrôle par l’employeur – ce qu’on peut aussi appeler un lien de subordination. [59] Après voir étudié les provisions du Code civil du Québec pour distinguer entre un contrat de service et un contrat de travail, le juge Archambault conclut ce qui suit : [38] La définition du contrat de travail de l’article 2085 C.c.Q. permet de dégager les trois éléments constitutifs essentiels d’un tel contrat, soit i) le travail, ii) la rémunération et iii) les liens de subordination. Quant au contrat de service, quatre conditions doivent être réunies selon les articles 2098 et 2099 C.c.Q. : i) fourniture d’un service, ii) en contrepartie d’un prix, iii) libre de choix pour le prestataire de services des moyens d’exécution du contrat et iv) absence de lien de subordination quant à son exécution. Il ressort de l’analyse des articles 2085, 2098 et 2099 que le lien de subordination est non seulement l’un des éléments « constitutifs » essentiel du contrat de travail mais également « distinctif » de ce contrat par rapport au contrat de service. [60] Ainsi, le juge Archambault a identifié le lien de subordination comme étant le critère de distinction entre un contrat de travail et un contrat de service selon le Code civil du Québec. [61] En ce qui concerne l’intention des parties, et l’expression de la volonté des parties, le juge Archambault exprime ce qui suit dans son article : [97] Même si les parties contractantes ont manifesté leur intention dans leur contrat écrit ou verbal ou qu’une telle intention peut être induite de leur comportement, cela ne signifie pas que les tribunaux vont nécessairement considérer ce fait comme décisif. Comme l’indique le juge Décary dans l’arrêt Wolf précité, il faut que le contrat soit exécuté conformément à cette intention. Ainsi, ce n’est pas parce que les parties ont appelé leur contrat un « contrat de service » et qu’elles ont stipulé que le travail sera exécuté par un « travailleur autonome » et qu’il n’existe pas de relation employeur‑employé, qu’il s’agit nécessairement d’un contrat de service. Le contrat pourrait correspondre à un contrat de travail. Tel que l’édicte l’article 1425 C.c.Q., on doit rechercher quelle est la véritable commune intention des parties et non pas s’arrêter au sens littéral des termes utilisés dans le contrat. Les tribunaux doivent également vérifier la conformité de la conduite des parties avec les prescriptions législatives relatives aux contrats. Voici ce qu’écrit Robert P. Gagnon108 : 91 — Appréciation factuelle — La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s’est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties : Dans le contrat, le distributeur reconnaît lui‑même qu’il agit à son compte à titre d’entrepreneur indépendant. Il n’y aura pas lieu de revenir sur ce point, puisque cela ne changerait rien à la réalité; d’ailleurs ce que l’on prétend être est souvent ce que l’on n’est pas. [Je souligne.] [98] Dans l’affaire D & J Driveway, le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale écrit109 : 2 Nous reconnaissons d’emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n’est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d’examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada inc. c. Canada, (2003), 305 N.R. 295 (C.A.F.). Mais cette stipulation ou l’interrogatoire des parties sur la question peuvent s’avérer un instrument utile d’interprétation de la nature du contrat intervenu entre les participants. [Je souligne.] ___________________ 108 Op. cit. (note 31), à la p. 66. 109 Précitée (note 4). Voir aussi les propos du juge Noël dans Wolf reproduits au par. 90 ci‑dessus. Voir également note 93. [99] Les juges peuvent donc requalifier le contrat pour que sa dénomination corresponde à la réalité. En France, la requalification du contrat résulte de l’application du principe de la réalité110. La Cour de cassation adopte une approche semblable à celle suivie au Canada111 : Attendu que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs; [...] ___________________ 110 Verdier, Coeuret et Souriac, op. cit. (note 49), à la p. 315. 111 Cass. soc., 19 décembre 2000, Bull. civ. 2000.V.337, no 437 (locataire d’un taxi : salarié). Voir également Cass. soc., 23 avril 1997, Bull. civ. 1997.V.103, no 142 (pasteur des églises adventistes : renvoi à la Cour d’appel). [100] À mon avis, cette vérification de la conformité est nécessaire en matière d’interprétation de contrats de travail, puisqu’il peut y avoir intérêt à maquiller la nature véritable d’une relation contractuelle entre un payeur et un travailleur. L’expérience révèle en effet qu’il arrive que des employeurs, désirant diminuer leurs charges fiscales à l’égard de leurs salariés, décident de les traiter comme des travailleurs autonomes. Cette décision peut intervenir tant au début de la relation contractuelle que par la suite112. Pareillement, certains salariés pourraient avoir intérêt à maquiller leur contrat de travail en contrat de service parce que les circonstances sont telles qu’ils ne prévoient pas avoir besoin de prestations d’assurance‑emploi et qu’ils désirent éliminer leurs cotisations d’employé au régime d’assurance‑emploi, ou encore parce qu’ils veulent avoir plus de latitude pour déduire certaines dépenses aux fins du calcul de leur revenu en vertu de la Loi de l’impôt113. [101] Comme la LAE, de façon générale, n’autorise le versement de prestations d’assurance‑emploi qu’aux salariés qui perdent leur emploi114, la vigilance des tribunaux est requise pour démasquer les faux travailleurs autonomes. Les tribunaux doivent également s’assurer que la caisse de l’assurance‑emploi, d’où sont tirées ces prestations, reçoit les cotisations de tous ceux qui y sont tenus, y compris les faux autonomes et leurs employeurs. ___________________ 112 Pour une étude des problèmes suscités par ce phénomène, voir un document de discussion de la Commission du droit du Canada, Travailler, oui mais ... Le droit du travail à retravailler, décembre 2004, en ligne : Commission du droit du Canada, http://www.lcc.gc.ca/pdf/work_f.pdf. 113 Le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt dispose qu’en dehors des déductions prévues par cette loi, aucune déduction ne peut être faite. Si un travailleur est autonome, il pourra généralement déduire toute dépense courante engagée en vue de tirer un revenu d’une entreprise. 114 Voir note 7. [62] Le juge Archambault conclut que dans tous les cas, l’exécution du contrat, c’est-à-dire la manière dont les parties se sont comportées, doit être examiné pour déterminer la nature du contrat : [102] La nécessité de prouver l’exécution du contrat existe non seulement dans les cas où les parties ont manifesté expressément ou implicitement leur intention d’adopter l’un ou l’autre du contrat de travail et du contrat de service, mais aussi dans tous les cas où la preuve de cette intention est insuffisante ou absente. Cette preuve de l’exécution du contrat porte sur les trois éléments constitutifs essentiels à l’existence du contrat de travail. Généralement, la preuve des deux premiers éléments (le travail et la rémunération) ne fera pas trop problème, puisqu’il s’agit de faits matériels relativement faciles à établir. Faire la preuve du lien de subordination juridique, à savoir le pouvoir de direction ou de contrôle qu’a exercé ou aurait pu exercer un employeur, constitue, par contre, une tâche très délicate. Elle sera d’autant plus délicate que l’employeur aura exercé peu ou point de direction ou de contrôle. [63] Le juge Archambault donne ensuite des indices ressortant du droit civil du Québec pour établir l’existence ou non d’un lien de subordination juridique : [103] La meilleure preuve sera la preuve directe de faits établissant que le travail s’est réellement effectué sous la direction et le contrôle du payeur. Cette preuve pourra être faite par des documents ou témoignages révélant des directives précises données au travailleur non seulement sur le travail à accomplir (le « quoi »)115, mais aussi sur la manière de le faire (le « comment »)116, l’endroit où il doit être exécuté (le « où »), et le moment où il doit être effectué et dans quel délai (le « quand »). À ces faits, pourront s’ajouter ceux démontrant que le payeur a supervisé le travail117, notamment en exigeant que le travailleur rende des comptes régulièrement, en remplissant régulièrement des fiches d’évaluation du travail accompli par le travailleur, en rencontrant celui‑ci pour lui communiquer les résultats de l’évaluation et, peut‑être, en le sanctionnant118. Avec l’ensemble de tels éléments de preuve, il pourrait être relativement facile de conclure à l’existence d’un lien de subordination. ___________________ 115 Services Barbara‑Rourke Adaptation Réadaptation c. Québec (Sous‑ministre du Revenu), [2002] J.Q. no 470 (QL) (C.A. Qué.), par. 10, 44 à 48 (responsables de la prestation de services de famille d’accueil (dans une résidence d’un tiers) recrutées par un centre de réadaptation pour déficients intellectuels: salariés); Guérette c. Lapierre, [2003] J.Q. no 4952 (QL) (C.S. Qué.), par. 25 et 26 (travaux de construction de balcon au chalet du payeur par un ouvrier à la retraite : salarié). 116 À mon avis, quand un payeur impose à un travailleur les méthodes ou les moyens d’exécution d’un travail, il exerce une direction sur lui. La preuve que le payeur a agi de la sorte constitue une preuve directe de l’exercice du pouvoir de direction et non une simple preuve indiciaire. Il convient de noter, toutefois, que la ligne de démarcation entre une preuve directe et une preuve indirecte ou indiciaire peut être ténue. Dans la mesure où la preuve directe des faits n’est pas considérée comme suffisamment probante (notamment en raison du nombre limité des directives), ces faits pourraient être traités comme des indices à être considérés avec les autres indices décrits plus bas. Pour des exemples jurisprudentiels de l’appréciation du pouvoir de contrôle exercé sur le « comment », voir : Sauvé, précité (note 4), par. 19 et 22; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 21; Neblina Spa Enr., précité (note 95), par. 5, 14, 16; Services de santé Marleen Tassé, précité (note 31), par. 12, 16, 24, 25, 30, 50, 70 à 74; Québec (Commission des normes du travail) c. Desrochers, 2001 CanLII 8641 (QC CQ), 2001 IIJCan 8641 (C.Q.), par. 23 à 26 (travail dans une cordonnerie : salariée); Dr Denis Paquette, précité (note 99), par. 6, 33 (nos 6 à 8), 36, 49 à 52. 117 Services Barbara‑Rourke, précité (note 115), par. 44; Les Entreprises Gérald Petit, précité (note 101), par. 10, 15 et 21; Importations Jacsim, précité (note 100), par. 22; Guérette, précité (note 115), par. 25; Services de santé Marleen Tassé inc., précité (note 31), par. 12, 20 à 22, 27 à 29, 73, 87; Seitz, précité (note 98), par. 15, 22, 25, 45, 62. [64] La prépondérance de la preuve a établi que les parties au contrat avaient une interprétation fort différente de la nature du contrat. Cette même preuve a aussi établi que les appelants n’ont jamais abdiqué ou renoncé à leur pouvoir de contrôle principalement exprimé et manifesté lors de l’entente. En d’autres termes, la gardienne n’avait pas la même appréciation que les appelants quant à la nature du contrat intervenu. Pour ce qui est de la façon dont le travail a été effectué, elle ne valide pas l’interprétation des appelants à savoir qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise. La prépondérance de la preuve ne permet pas de conclure que les appelants ont relevé le fardeau de la preuve qui leur incombait pour obtenir gain de cause. [65] Pour ces raisons, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Le juge Tardif RÉFÉRENCE : 2012 CCI 164 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2152(EI) INTITULÉ DE LA CAUSE : François-Philippe Cloutier et Julie Farley et M.R.N. et Carolle Lachance LIEU DE L’AUDIENCE : Québec (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 10 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Alain Tardif DATE DU JUGEMENT : Le 30 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat des appelants : Me Martin Bouffard Avocat de l’intimé : Me Simon Vincent Pour l’intervenante : L’intervenante elle-même AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Me Martin Bouffard Cabinet : Morency, Société d’avocats Québec (Québec) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada Pour l’intervenante : [1]Pierre ARCHAMBAULT (juge), « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer », dans L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien — Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005), Montréal, Association de planification fiscale et financière -Ministère de la Justice du Canada, 2005, pp. 2:1-86, aux pages 2:15 et suiv.
2012 CCI 166
TCC
2,012
Ottawa Ritz Hotel Company Limited c. La Reine
fr
2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30811/index.do
2022-09-04
Ottawa Ritz Hotel Company Limited c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 166 Numéro de dossier 2011-879(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-879(IT)I ENTRE : OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 2 avril 2012, à Ottawa, Canada. Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Jack R. Bowerman Avocate de l’intimée : Me Tanis Halpape ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté par l’appelante est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012CCI166 Date : 20120518 Dossier : 2011-879(IT)I ENTRE : OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] L’appelante est une société qui a versé un dividende de 32 000 $ au cours de son exercice qui a pris fin le 31 mars 2007. La déclaration de revenus relative à l’année d’imposition 2007 a été produite le 5 juin 2010 seulement. L’appelante a demandé un remboursement au titre de dividendes de 10 667 $ dans sa déclaration de revenus de 2007, mais ce remboursement a été refusé. Une pénalité a également été imposée en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). [2] Le paragraphe 129(1) de la Loi prévoit ce qui suit : 129(1) Lorsque la déclaration de revenu d’une société en vertu de la présente partie pour une année d’imposition est faite dans les trois ans suivant la fin de l’année, le ministre : a) peut, lors de l’envoi par la poste de l’avis de cotisation pour l’année, rembourser, sans que demande en soit faite, une somme (appelée « remboursement au titre de dividendes » à la présente loi) égale au moins élevé des montants suivants : (i) le tiers de l’ensemble des dividendes imposables que la société a versés sur des actions de son capital-actions au cours de l’année et à un moment où elle était une société privée, (ii) son impôt en main remboursable au titre de dividendes, à la fin de l’année; b) doit effectuer le remboursement au titre de dividendes avec diligence après avoir posté l’avis de cotisation, si la société en fait la demande par écrit au cours de la période pendant laquelle le ministre pourrait établir, aux termes du paragraphe 152(4), une cotisation concernant l’impôt payable en vertu de la présente partie par la société pour l’année s’il n’était pas tenu compte de l’alinéa 152(4)a). [3] Le remboursement au titre de dividendes est le moindre de deux montants – le tiers de l’ensemble des dividendes imposables versés au cours d’une année d’imposition particulière ou l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de la société à la fin de l’année. Le ministre peut effectuer un remboursement au titre de dividendes comme le prévoit cette disposition, sans que le contribuable demande ce remboursement (alinéa a)). Si le ministre ne verse pas volontairement le remboursement, le contribuable peut demander ce remboursement et le ministre doit ensuite effectuer le remboursement (alinéa b)). Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, la déclaration de la société de l’année particulière pour laquelle le remboursement est demandé doit être produite dans les trois années qui suivent la fin de l’année en question. Si la déclaration n’est pas produite dans ce délai de trois ans, l’alinéa a) et l’alinéa b) ne s’appliquent pas. [4] Dans la décision Tawa Developments Inc. c. La Reine, 2011 CCI 440, 2011 DTC 1324, le juge Hogan a confirmé que, lorsque la déclaration de revenus n’est pas produite dans le délai de trois ans mentionné au paragraphe 129(1) de la Loi, « la disposition énoncée au paragraphe 129(1) au sujet du remboursement au titre de dividendes [devient] inopérante [...] et [...] le remboursement ne [peut] être obtenu ». Étant donné que l’appelante n’a pas produit sa déclaration de revenus concernant son année d’imposition 2007 dans les trois années qui suivaient la fin de l’année d’imposition, les dispositions des alinéas a) et b) du paragraphe 129(1) ne s’appliquent pas et le ministre n’est pas obligé de verser à l’appelante le remboursement au titre de dividendes. [5] Bien que la question n’ait pas été soulevée au cours de l’audience, le juge Hogan a fait remarquer, dans la décision Tawa Developments Inc., précitée, que, si le remboursement au titre de dividendes n’est pas versé à la société contribuable, l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de cette société n’est pas réduit du montant du remboursement au titre de dividendes qui aurait pu être payé, mais qui ne l’a pas été parce que la déclaration de revenus n’a pas été produite dans le délai imparti de trois ans. Par conséquent, l’impôt en main remboursable au titre de dividendes de l’appelante n’est pas réduit du montant de 10 667 $ que l’appelante a demandé lorsqu’elle a produit, le 5 juin 2010, sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 étant donné que ce montant n’a pas été versé à l’appelante. [6] L’appelante s’est également vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit : (2) La personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) après avoir été mise en demeure de le faire conformément au paragraphe 150(2) et qui, avant le moment du défaut, devait payer une pénalité en application du présent paragraphe ou du paragraphe (1) pour défaut de production d’une déclaration de revenu pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants : a) 10 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite; b) le produit de 2 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 20, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite. [7] Le délai dans lequel la déclaration de revenus d’une société contribuable doit être produite est énoncé à l’alinéa 150(l)a) de la Loi : 150(1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d’imposition d’un contribuable : a) dans le cas d’une société, par la société, ou en son nom, dans les six mois suivant la fin de l’année si, selon le cas : (i) au cours de l’année, l’un des faits suivants se vérifie : (A) la société réside au Canada, […] [8] Il n’est pas contesté que l’appelante résidait au Canada. Par conséquent, l’appelante était tenue de produire sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 (qui a pris fin le 31 mars 2007) au plus tard à la fin du mois de septembre 2007. [9] L’appelante n’a pas produit sa déclaration de revenus pour son année d’imposition 2007 selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) de la Loi. Aucune copie de la mise en demeure qui a été envoyée à l’appelante n’a été présentée au cours de l’audience, mais une copie de la lettre de l’Agence du revenu du Canada, en date du 12 juin 2008, a été présentée. Le premier paragraphe de cette lettre dit ce qui suit : [traduction] Nous accusons réception, par la présente lettre, de la demande que vous avez présentée en vue d’obtenir un délai additionnel afin de vous conformer à notre avis de production de la déclaration de revenus susmentionnée. [10] La déclaration de revenus mentionnée dans la lettre était la déclaration de revenus de l’appelante pour la période qui a pris fin le 31 mars 2007. Par conséquent, la mise en demeure concernant la production de la déclaration de revenus pour l’année d’imposition qui a pris fin le 31 mars 2007 avait fort probablement été signifiée à l’appelante. Dans cette lettre, l’Agence du revenu du Canada disait que, si la déclaration de revenus n’était pas produite au plus tard le 31 août 2008, des mesures d’observation additionnelles pourraient être prises. [11] L’appelante devait payer une pénalité, en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi, à l’égard de sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006. Par conséquent, toutes les conditions relatives à l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 162(2) de la Loi (telles qu’elles sont énoncées aux alinéas a), b) et c) de cette disposition) sont réunies. [12] Dans la décision Kadrie v. The Queen, 2001 DTC 967, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a confirmé que le contribuable qui s’était vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi pouvait se prévaloir du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Il me semble que rien n’empêche que ce moyen de défense puisse également être invoqué par une personne qui s’est vu imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi. Toutefois, l’appelante devra établir que les conditions applicables au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ont été remplies. [13] Dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. La Reine, 2010 CAF 28, le juge Létourneau, au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit : [7] Quant à la pénalité, nous sommes satisfaits que le juge n’a pas commis d’erreur en la maintenant. Pour y échapper, l’appelante devait établir qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable. [8] Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité. [9] L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e.une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. [10] Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité. [14] La pénalité en question n’a pas été précisée dans cette décision de la Cour d’appel fédérale, mais il ressort de la décision[1] du juge Tardif, qui a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, que la pénalité est celle qui, avant le 1er avril 2007, était imposée en vertu de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise. L’imposition de cette pénalité était également assujettie au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable (voir Pillar Oilfield Projects Ltd. v. The Queen, [1993] G.S.T.C. 49). [15] Dans ce cas-ci, c’est l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année 2007 (à la suite d’une mise en demeure), qui a suivi l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006 selon les modalités et dans le délai prévus, qui a donné lieu à l’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi. Dans ce cas‑ci, aucune erreur de fait raisonnable n’a été commise. [16] Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut également être établi si l’appelante a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’omission de produire sa déclaration de revenus. [17] Edgar Mitchell était président de l’appelante. Son épouse est décédée subitement le 29 décembre 2008, à l’âge de 49 ans. Jack Bowerman, CA, CMA, était le comptable de l’appelante. Sa mère est décédée au printemps 2009. De plus, il a subi une chirurgie à la main gauche à l’automne 2009 et il n’a pas pu travailler pendant deux mois. [18] Le décès subit de l’épouse de M. Mitchell, président de l’appelante, a été un événement traumatisant pour celui‑ci, mais ce décès est survenu plus d’un an après la date limite de production de la déclaration de revenus de l’année 2007 prévue au paragraphe 150(1) de la loi. Les événements auxquels le comptable a fait face ont eu lieu un an et demi à deux ans après la date limite de production de la déclaration de revenus de l’année 2007 de l’appelante. [19] L’appelante n’a pas réussi à établir qu’elle avait pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’omission de produire la déclaration de revenus de la société pour l’année 2007 avant la fin du mois de septembre 2007 (soit le moment où cette déclaration devait être produite en vertu du paragraphe 150(1) de la Loi). Aucune explication n’a été donnée au sujet de l’omission de produire la déclaration de revenus de l’année d’imposition 2006 selon les modalités et dans le délai prévus. [20] Par conséquent, l’appel que l’appelante a interjeté est rejeté sans frais. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012CCI166 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-879(IT)I INTITULÉ : OTTAWA RITZ HOTEL COMPANY LIMITED c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Jack R. Bowerman Avocate de l’intimée : Me Tanis Halpape AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2009 CCI 286, [2009] G.S.T.C. 90, [2009] 2009 G.S.T.C. 118.
2012 CCI 167
TCC
2,012
Legal c. La Reine
fr
2012-05-16
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30886/index.do
2022-09-04
Legal c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-16 Référence neutre 2012 CCI 167 Numéro de dossier 2011-3464(EA)I Juges et Officiers taxateurs Joe E. Hershfield Sujets Loi de 2001 sur l’accise Contenu de la décision Dossier : 2011-3464(EA)I ENTRE : LISE A. LEGAL, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 13 avril 2012, à Winnipeg (Manitoba). Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocat de l’intimée : Me Charles Camirand ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel de la cotisation concernant un droit d’accise établie en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise, L.C. 2002, ch. 22, pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mai 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 167 Date : 20120516 Dossier : 2011-3464(EA)I ENTRE : LISE A. LEGAL, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hershfield [1] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise, L.C. 2002, ch. 22 (la « Loi »). [2] L’appelante était titulaire d’une licence de tabac en vertu de la Loi et elle fabriquait des produits du tabac à partir de tabac brut acquis en balles de feuilles sèches de cultivateurs de tabac biologique canadiens. En sa qualité de fabricant titulaire d'une licence, l’appelante est tenue, en vertu de la Loi, de payer un droit sur ces produits au moment où ceux‑ci sont emballés. [3] Les produits du tabac qui font l’objet du présent appel auraient censément été offerts en vente à des clients dans des emballages de 13 et de 36 grammes chacun. La clientèle était composée de membres des Premières Nations. Le tabac transformé était utilisé à des fins cérémoniales. [4] Par suite de modifications apportées à la Loi ou plus particulièrement au barème des taux établi au mois de juillet 2008, le droit était de 2,8925 $ par 50 grammes ou par fraction de 50 grammes contenus dans un emballage. Selon ce barème des taux, un emballage de 13 grammes et un emballage de 36 grammes étaient chacun assujettis à un droit fixe de 2,8925 $, ce qui voulait dire que le droit était beaucoup plus élevé au gramme dans le cas d’un emballage plus petit. [5] Pour la période de trois mois allant du mois d’octobre au mois de décembre 2008, l’appelante a calculé le droit qui était dû en combinant de façon fictive les emballages qui étaient vendus, de façon que le droit de 2,8925 $ soit payé pour 50 grammes de tabac vendu, indépendamment de la façon dont le tabac était emballé. Selon la cotisation établie par le ministre, le droit qui était dû au cours de cette période était calculé compte tenu du fait que chaque emballage de 13 grammes et que chaque emballage de 36 grammes étaient assujettis à un droit, au taux de 2,8925 $. [6] Les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac, DORS/2003‑288 (le « Règlement ») sont les suivantes : 2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. « emballé » a) Se dit du tabac en feuilles ou des produits du tabac qui sont présentés dans un emballage réglementaire; b) Se dit de l’alcool qui est présenté : (i) soit dans un contenant d’une capacité maximale de 100 L qui est habituellement vendu aux consommateurs sans que l’alcool n’ait à être emballé de nouveau, (ii) soit dans un contenant spécial marqué. 42(1) Un droit sur les produits du tabac fabriqués au Canada ou importés et sur le tabac en feuilles importé est imposé aux taux figurant à l’annexe 1 et est exigible : a) dans le cas de produits du tabac fabriqués au Canada, du titulaire de licence de tabac qui les a fabriqués, au moment de leur emballage; [...] Annexe 1 Taux du droit sur les produits du tabac 3. Tabac fabriqué, à l’exclusion des cigarettes et des bâtonnets de tabac : a) [...] b) 2,8925 $ la quantité de 50 grammes, ou fraction de cette quantité, contenue dans un emballage, dans les autres cas. Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac Emballage réglementaire 2 Pour l’application de l’alinéa a) de la définition de « emballé » à l’article 2 de la Loi, est un emballage réglementaire : a) dans le cas du tabac en feuilles, toute manoque préparée pour la vente ou tout contenant dans lequel une manoque ou les parties brisées de la feuille sont empaquetées pour la vente; b) dans le cas d’un produit du tabac, le plus petit emballage dans lequel il est normalement offert en vente au public, y compris l’enveloppe extérieure habituellement présentée au consommateur. Estampilles 4(1) Sous réserve du paragraphe (5), doit être apposée bien en vue sur les emballages des produits de tabac ci‑après, de façon à les cacheter, une des estampilles de tabac figurant à l’annexe applicable selon les spécifications qui y sont indiquées : [...] c) dans le cas des emballages de tabac fabriqué, sauf les cigarettes et les bâtonnets de tabac, l’estampille figurant à l’annexe 3. [7] Il n’est pas contesté que l’appelante est visée par la disposition d’assujettissement figurant à l’article 42 de la Loi. L’appelante reconnaît être titulaire d’une licence de tabac, avoir fabriqué des produits du tabac au Canada et être tenue de payer un droit au taux prescrit au moment où pareils produits sont emballés. Il n’est pas contesté que le taux applicable est celui qui est prévu à l’alinéa 3b) de l’annexe 1 reproduite ci‑dessus. [8] Dans le présent appel, il s’agit principalement de savoir, comme l’a soutenu l’appelante, si les dispositions, qui sont entrées en vigueur au cours de la période en question, étaient censées s’appliquer (ou devraient s’appliquer) au type de produit qu’elle fabriquait et qu’elle vendait ou au type d’activités commerciales qu’elle exerçait. L’appelante présente des arguments solides indiquant que telle ne pouvait pas être l’intention du législateur lorsqu’il a modifié le régime et elle demande à la Cour de donner une interprétation atténuée au langage exprès de la Loi et au Règlement, de façon qu’elle puisse calculer au prorata les 2,8925 $ qui sont dus pour 50 grammes. Comme l’appelante l’a soutenu devant la Cour, le droit à payer devrait être fondé sur la quantité totale de grammes qui est vendue pour une commande, divisée par 50 et multipliée par le taux applicable. [9] De plus, une autre question a été soulevée à l’audience. Bien qu’elle ait initialement reconnu que les emballages en question étaient en fait des emballages de 13 grammes et des emballages de 36 grammes, comme l’indiquent les emballages produits à l’audience, l’appelante a souligné, en se fondant sur ses documents de vente, que presque toutes ses ventes, dans une commande individuelle, étaient effectuées pour un nombre d’emballages dont le poids total était de plus de 50 grammes. On emballait les produits vendus en plaçant ensemble plusieurs emballages de 13 et de 36 grammes dans un seul emballage aux fins de la livraison, soit en les plaçant normalement dans une boîte. S’il était conclu que l’emballage servant à la livraison était l’emballage pertinent, cela aurait pour effet de réduire l’obligation de l’appelante. [10] En fait, depuis que la question de la cotisation s’est posée, l’appelante a modifié sa méthode d’emballage. Elle enveloppe maintenant quatre boîtes individuelles de 12,5 grammes dans un seul emballage en fixant un prix global et en les vendant ensemble. L’appelante appose un timbre de droit acquitté sur ce gros emballage, afin que les emballages plus petits qu’il renferme ne puissent pas être vendus séparément. Avant, elle apposait un timbre de droit acquitté sur chaque emballage de 13 grammes ou de 36 grammes, ces emballages pouvant être vendus séparément, indépendamment de la façon dont ils étaient emballés pour la livraison. [11] Selon la nouvelle méthode d’emballage qu’elle a adoptée, l’appelante paie un droit de 2,8925 $ sur les 50 grammes de tabac vendu. À part la façon d’apposer le timbre de droit acquitté, cette méthode n’est pas en pratique tellement différente, au point de vue de la livraison, de l’ancienne méthode. Or, l’Agence du revenu du Canada a apparemment approuvé cette méthode. Tel est le résultat que l’appelante veut voir appliqué à l’ancienne méthode d’emballage. [12] Cette thèse est sensée, mais les dispositions applicables, tel qu’elles sont rédigées, ne permettent pas d’en tenir compte. Le moment où le droit est imposé en vertu de l’article 42 de la Loi est celui où le tabac est emballé et le terme « emballé » est défini à l’article 2 comme voulant dire « présenté dans un emballage réglementaire »; les règles concernant l’estampillage qui ont ci‑dessus été reproduites indiquent clairement que le paquet pertinent est « le plus petit emballage dans lequel il est normalement offert en vente au public, y compris l’enveloppe extérieure habituellement présentée au consommateur ». [13] Les plus petits emballages offerts en vente au public étaient des emballages de 13 et de 36 grammes. Le fait qu’ils étaient ensuite emballés dans un emballage plus gros aux fins de la livraison ne répond pas à l’exigence selon laquelle c’est le moment où le produit du tabac a initialement été emballé qui entre en ligne de compte. Cela étant, cet argument est dénué de fondement. [14] Indépendamment de cet argument, l’appelante a admis que l’emballage pertinent, au cours de la période en question, était l’emballage de 13 grammes ou l’emballage de 36 grammes, chaque emballage étant enveloppé pour être présenté, commercialisé et vendu aux clients en tant que tel. De fait, tel était le principal point soulevé par l’appelante : ses prix devaient augmenter si elle continuait à utiliser la méthode initiale d’emballage en vue de tenir compte du droit plus élevé ou elle devait emballer et vendre de plus grandes quantités. D’une façon ou d’une autre, ce qui était selon l’appelante une politique essentiellement mauvaise nuisait à son entreprise, du moins eu égard aux circonstances de son entreprise particulière. [15] L’appelante a soutenu que, si la politique visait à décourager l’emballage du tabac en petits emballages, par exemple, en rendant le tabac moins accessible, cela pouvait être sensé uniquement à l’égard de la vente de cigarettes, mais compte tenu des pressions que l’industrie du tabac a exercées avec succès, cette industrie n’avait pas été assujettie à ce nouveau régime de droits. [16] L’appelante a peut‑être bien raison étant donné que ses produits du tabac sont, et je donnerai ci‑dessous des précisions, uniquement censés être utilisés à des fins cérémoniales par les membres des Premières Nations. Je ne suis pas en mesure de me prononcer d’une façon ou d’une autre, mais de toute façon, l’appelante n’obtiendra pas satisfaction en faisant valoir à la Cour sa vision à l’égard d’une méthode plus équitable et plus sensée de lever des droits d’accise sur ses produits du tabac. L’appelante doit exercer des pressions auprès du législateur. [17] Après avoir cerné la principale question soulevée par l’appelante, à savoir si les dispositions, qui sont entrées en vigueur au cours de la période en question, étaient censées s’appliquer (ou devraient à juste titre être interprétées comme s’appliquant) au type de produit fabriqué et vendu par l’appelante ou au type d’activités commerciales que l’appelante exerçait, je dois en dire davantage au sujet du produit du tabac que l’appelante fabrique ainsi qu’au sujet de son entreprise. [18] L’entreprise de l’appelante est exploitée sous le nom de « Mother Earth Tobacco », à Portage la Prairie (Manitoba). Au cours de la période pertinente, il s’agissait d’une entreprise individuelle. Toutefois, à l’heure actuelle, l’entreprise est exploitée en tant que société de personnes avec Mme Bullard, qui a été présentée comme étant un membre de la Première Nation Dakota s’y connaissant en matière de fabrication du tabac cérémonial utilisé pour les rituels de son peuple. Mme Bullard n’est associée à l’appelante que depuis récemment, mais elle participe à l’entreprise depuis sa création, en 2005, et elle connaissait personnellement tous les aspects de son exploitation, depuis le début. Mme Bullard connaîtrait censément le sens et l’intégrité du travail à effectuer ainsi que les exigences concernant le traitement, pour la fabrication du tabac cérémonial. Elle a témoigné pour le compte de l’appelante. [19] Mme Bullard a expliqué que le tabac cérémonial n’est pas un produit d’usage courant. Les Autochtones le considéraient comme l’un de quatre produits médicinaux sacrés et il était utilisé comme offrande cérémoniale par la communauté que Mother Earth Tobacco approvisionnait. [20] Mme Bullard a expliqué que l’emballage initial de 36 grammes était trop gros compte tenu de l’usage auquel il était réservé et que les clients demandaient des emballages plus petits. L’emballage de 13 grammes a connu plus de succès. Il représentait le gros de leur entreprise. À un prix de vente d’environ douze dollars l’emballage, il était d’un prix plus abordable pour les clients à faible revenu des détaillants situés dans une réserve qui achetaient le produit de l’appelante[1]. Selon le nouveau régime, un emballage de quatre boîtes, qui ne pouvaient pas être vendues séparément, coûterait pour les acheteurs plus de 50 $, ce qui était moins viable sur le marché qu’ils approvisionnaient au point de vue de la quantité nécessaire et du prix qu’il fallait payer. [21] La nouvelle méthode d’emballage réglait le problème d’établissement des prix causé par le nouveau régime de droits, mais elle avait une incidence défavorable sur les ventes compte tenu de la réalité, quant aux quantités nécessaires et quant au prix au point de vente, lorsqu’il s’agissait de répondre aux besoins des consommateurs du produit qui s’en servaient à des fins cérémoniales. [22] Il est essentiellement plaidé que la disposition concernant le droit en question figurant à l’annexe 1 de la Loi a pour effet de taxer du tabac qui n’a jamais été fabriqué et, pour comble, que cette idée onéreuse porte atteinte aux rituels sacrés des Autochtones dans la pratique de leurs croyances religieuses et spirituelles, et tout cela, parce qu’ils ont besoin d’emballages dans des quantités culturellement appropriées. Qui plus est, l’industrie des producteurs de tabac pour cigarettes a exercé avec succès des pressions afin d’être exclue de ce régime. L’appelante se demande pourquoi personne n’entend raison. [23] Je comprends bien le plaidoyer de l’appelante. Et comme je l’ai déjà dit dans les présents motifs, l’appelante présente des arguments solides indiquant que telle ne pouvait pas être l’intention du législateur dans un régime législatif bien pensé. Toutefois, la demande de l’appelante, fondée sur cette possibilité et sur l’iniquité apparente des incidences de ce régime, lorsqu’elle veut que j’interprète de façon atténuée ou que je reformule le régime imposé par notre système parlementaire, ne peut pas être prise en considération compte tenu de la compétence restreinte de la Cour et du fait que je ne sais pas comment d’autres intéressés, et notamment les responsables des politiques gouvernementales, répondraient aux préoccupations de l’appelante[2]. [24] Toutefois, je n’hésite pas à recommander que la politique de ce régime d’imposition soit réexaminée et que les modifications nécessaires soient envisagées. De fait, si le plaidoyer de l’appelante est aussi valable qu’elle l’affirme, il pourrait être envisagé d’accorder un décret de remise. [25] Quoi qu’il en soit, l’appel doit être rejeté. Le droit imposé est le droit à payer en vertu des dispositions pertinentes de la Loi. L’appel est rejeté sans frais. Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mai 2012. « J. E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 167 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3464(EA)I INTITULÉ : LISE A. LEGAL c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba) DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J. E. Hershfield DATE DU JUGEMENT : Le 16 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocat de l’intimée : Me Charles Camirand AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Il a également été reconnu que d’autres acheteurs, notamment les organismes des Premières Nations et les établissements gérés par le gouvernement, tels que les établissements correctionnels, seraient moins sensibles aux prix. En ce qui concerne la question de l’établissement des prix, il est noté que, si le nouveau droit était ajouté à un emballage de 13 grammes, le prix du produit augmenterait d’environ 25 p. 100. Si le nouveau droit était ajouté à un emballage de 50 grammes, le prix du produit augmenterait d’environ 6 p. 100. Le droit est considérablement plus élevé pour la personne qui achète la quantité plus petite, et dont le revenu est souvent peu élevé. [2] En fait, aussi convaincante et aussi logique que soit la preuve non contestée que l’appelante a présentée, il peut bien être présomptueux pour l’appelante ou pour moi de supposer qu’elle est la porte-parole des Premières Nations, au Canada, qui pourraient par exemple chercher un accommodement encore plus étendu que celui qui est ici demandé. Sur ce point, l’appelante a soutenu qu’il existait une obligation de consultation avant que le législateur impose un droit inéquitable à l’égard d’un usage fondé sur la coutume et à l'égard de la taille des emballages de tabac cérémonial. Cet argument donne par ailleurs à penser que la chose porterait atteinte au droit ancestral d’accès au tabac cérémonial et d’utilisation du tabac cérémonial. Cette allégation, si elle était fondée, devrait d’une façon plus appropriée être invoquée par les Premières Nations qui utilisent le tabac plutôt que par le fabricant commercial du produit.
2012 CCI 168
TCC
2,012
Chan c. La Reine
fr
2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30807/index.do
2022-09-04
Chan c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 168 Numéro de dossier 2011-1031(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1031(IT)I ENTRE : EVELYN W. CHAN, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 2 avril 2012, à Ottawa, Canada. Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocate de l’intimée : Mme Maria Abdoullaeva (stagiaire) ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel que l’appelante a interjeté à l’encontre de la cotisation relative à une pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de la déclaration de revenus qu’elle avait produite pour l’année 2008 est accueilli sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi à l’égard de la déclaration de revenus qu’elle a produite pour l’année 2008 est supprimée. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012CCI168 Date : 20120518 Dossier : 2011-1031(IT)I ENTRE : EVELYN W. CHAN, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Il s’agit ici de savoir si la pénalité qui a été imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard d’un montant que l’appelante n’avait pas inclus dans le calcul de son revenu, dans la déclaration de revenus qu’elle avait produite pour l’année 2008 (après avoir omis d’inclure un montant dans son revenu lorsqu’elle avait produit sa déclaration de revenus pour l’année 2007) doit être confirmée ou si elle doit être supprimée. La disposition en question prévoit ce qui suit : 163(1) Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant. [2] La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est imposée à la personne qui n’a pas déclaré un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration de revenus produite pour une année particulière, et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes. L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas inclus certains montants dans son revenu en produisant ses déclarations de revenus pour les années 2007 et 2008. [3] Dans la décision Saunders c. La Reine, 2006 CCI 51, 2006 DTC 2267, [2006] 2 C.T.C. 2255, la juge Woods a dit ce qui suit : 12 La pénalité visée par le paragraphe 163(1) est un exemple d’un cas de responsabilité stricte, même si la Cour a déjà jugé que cette pénalité pouvait être annulée si le contribuable réussissait à établir qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable. […] [4] Dans la décision Dunlop c. La Reine, 2009 CCI 177, 2009 DTC 1124, [2009] 6 C.T.C. 2223, le juge Boyle a réitéré que la pénalité ne s’applique pas si le contribuable « peut prouver qu’il a montré le niveau requis de diligence raisonnable ». [5] Dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. La Reine, 2010 CAF 28, le juge Létourneau, au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit : [7] Quant à la pénalité, nous sommes satisfaits que le juge n’a pas commis d’erreur en la maintenant. Pour y échapper, l’appelante devait établir qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable. [8] Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité. [9] L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e. une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. [10] Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité. [6] La pénalité en question n’a pas été précisée dans cette décision de la Cour d’appel fédérale, mais il ressort de la décision[1] du juge Tardif, qui a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, que la pénalité était celle qui, avant le 1er avril 2007, était imposée en vertu de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise. L’imposition de cette pénalité était également assujettie au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable (voir Pillar Oilfield Projects Ltd. v. The Queen, [1993] G.S.T.C. 49). [7] Par conséquent, si l’appelante peut établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable, la pénalité sera annulée. L’appelante doit établir qu’elle a commis une erreur de fait raisonnable ou qu’elle a pris des précautions raisonnables pour éviter que ne soient omis dans son revenu des années 2007 et 2008 les montants qui devaient y être inclus. [8] En 2007, le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu s’élevait à 1 156 $; ce montant était composé des éléments suivants : Dividendes imposables 145 $ Autre revenu 1 010 $ Demande de déduction de gains en capital selon le feuillet T3 1 $ Total : 1 156 $ [9] Ces montants se rapportaient tous à des placements que l’appelante avait effectués par l’entremise de TD Waterhouse. L’appelante a expliqué que les feuillets de renseignements se rapportant à ces montants n’avaient toujours pas été reçus à la fin du mois de mars 2008 et qu’ils avaient uniquement été reçus après qu’elle eut produit sa déclaration de revenus pour l’année 2007. [10] En 2008, l’appelante n’a pas déclaré une partie de son revenu de placement dans sa déclaration de revenus de l’année 2008. Dans le formulaire de déclaration de renseignements qui a été produit au cours de l’audience, il est déclaré que le montant du revenu non déclaré à l’égard duquel la pénalité était établie s’élevait à 5 226 $. Dans la réponse, il est déclaré que le montant a été déterminé ainsi : Dividendes imposables 2 075,00 $ Intérêts 2 555,00 $ Autre revenu 560,00 $ Autre revenu de dividendes 89,00 $ Moins impôt étranger payé : (52,35 $) Total : 5 226,65 $ [11] L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas inclus les revenus susmentionnés en produisant sa déclaration de revenus pour l’année 2008. La pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi était fondée sur le montant de 5 226 $. Aucune explication n’a été donnée au sujet de la raison pour laquelle une déduction avait été effectuée pour l’impôt étranger payé. La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est de 10 p. 100 du « montant à inclure dans le calcul [du] revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée » que la personne n’a pas inclus dans le calcul de son revenu. Le montant payé pour l’impôt étranger est généralement déduit dans le calcul de l’impôt à payer plutôt que dans le calcul du revenu[2]. Il ressort également du formulaire de déclaration de revenus qui a été produit qu’un crédit pour impôt étranger de 165,63 $[3] a été admis à titre de déduction lorsque le montant de l’impôt à payer a été déterminé. On ne sait pas trop pourquoi ce montant a été déduit dans le calcul du montant de revenu que l’appelante n’avait pas déclaré. Quoi qu’il en soit, étant donné que cette déduction avait pour effet de réduire le montant à l’égard duquel la pénalité a été établie et comme le ministre ne peut pas interjeter appel de sa propre cotisation[4], aucun rajustement ne sera apporté à ce montant. [12] Dans le formulaire de déclaration de revenus qui a été produit au cours de l’audience, le montant non déclaré de 2 075 $ a été décrit comme se rapportant à des [traduction] « dividendes imposables ». En 2008, le paragraphe 82(1) de la Loi prévoyait notamment ce qui suit : 82 (1) Le total des sommes ci-après est à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition : a) l’excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii) : (i) le total des sommes, à l’exception des dividendes déterminés et des sommes visées aux alinéas c), d) ou e), que le contribuable reçoit au cours de l’année de sociétés résidant au Canada au titre ou en paiement intégral ou partiel de dividendes imposables, (ii) si le contribuable est un particulier, le total des sommes qu’il a versées au cours de l’année et qui sont réputées par le paragraphe 260(5) avoir été reçues par une autre personne à titre de dividendes imposables (autres que des dividendes déterminés); a.1) l’excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii) : (i) le total des sommes, à l’exception des sommes incluses dans le calcul du revenu du contribuable par l’effet des alinéas c), d) ou e), que le contribuable a reçues au cours de l’année de sociétés résidant au Canada au titre ou en paiement intégral ou partiel de dividendes déterminés, (ii) si le contribuable est un particulier, le total des sommes qu’il a versées au cours de l’année et qui sont réputées par le paragraphe 260(5) avoir été reçues par une autre personne à titre de dividendes déterminés; b) si le contribuable est un particulier, autre qu’une fiducie qui est un organisme de bienfaisance enregistré, le total des sommes suivantes : (i) 25 % de la somme déterminée selon l’alinéa a) relativement au contribuable pour l’année, (ii) 45 % de la somme déterminée selon l’alinéa a.1) relativement au contribuable pour l’année; […] [13] En 2008, les dividendes reçus de sociétés résidant au Canada étaient assujettis à une majoration de 25 p. 100 ou de 45 p. 100[5]. Dans ce cas‑ci, les dividendes non déclarés étaient décrits ainsi dans le formulaire de déclaration de revenus : Dividendes imposables 2 075 $ Dividendes non déterminés autres que les dividendes déterminés 89 $ [14] Étant donné que les dividendes qui n’étaient pas des dividendes déterminés ont été déclarés séparément, le montant de 2 075 $ doit représenter le montant imposable des dividendes déterminés. Étant donné que le montant de la majoration des dividendes déterminés se serait élevé à 45 p. 100 du montant reçu, cela entraînerait une différence importante entre le montant des dividendes qui avaient été reçus et le montant des dividendes imposables pour les dividendes déterminés. Il ressort clairement du début du paragraphe 82(1) de la Loi[6] que le montant à inclure dans le calcul du revenu est le montant du dividende qui a été reçu et le montant additionnel (le montant de la majoration) qui, en 2008, aurait représenté 45 p. 100 du montant du dividende reçu si le montant était un dividende déterminé. Il semble donc qu’étant donné que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi correspond à 10 p. 100 du montant à inclure dans le calcul du revenu, la pénalité serait imposée sur le montant majoré, comme cela a été fait dans ce cas‑ci. [15] Ce résultat ne semble pas logique. Par exemple, supposons qu’un particulier a reçu un dividende de 10 000 $ en 2008. S’il s’agit d’un dividende déterminé, un montant additionnel de 45 p. 100 serait inclus dans le revenu, ce qui donnerait un montant de 14 500 $ en tout. La pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi pour omission d’inclure ce montant dans le revenu s’élèverait à 1 450 $[7]. Toutefois, si le même particulier avait reçu un montant de 10 000 $ au titre d’un revenu en intérêts qui n’avait pas été inclus dans le revenu, la pénalité qui serait imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi serait de 1 000 $[8]. Toutefois, l’obligation fiscale découlant d’un dividende déterminé de 10 000 $ (par suite du crédit d’impôt pour dividendes) serait inférieure à l’obligation fiscale découlant d’un revenu en intérêts de 10 000 $[9]. Par conséquent, l’impôt sur le revenu que le particulier devrait payer à la suite de la réception d’un dividende déterminé de 10 000 $ serait inférieur à l’impôt sur le revenu qu’il devrait payer par suite de la réception du même montant au titre d’un revenu en intérêts, mais l’omission d’inclure le montant du dividende imposable à l’égard du dividende déterminé entraînerait, en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi, des pénalités plus élevées que l’omission d’inclure le même montant reçu au titre d’un revenu en intérêts, et ce, parce que la pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi est fondée sur le montant qui n’a pas été inclus dans le calcul du revenu et non sur l’impôt que ce montant aurait généré ou sur le montant que le contribuable a reçu. [16] Dans ce cas‑ci, le montant du dividende imposable de 2 075 $ pour l’année 2008 est le montant majoré à l’égard des dividendes déterminés. Par conséquent, le montant réel des dividendes reçus en 2008 se serait élevé à 1 431 $[10]. Compte tenu de la pénalité que l’intimée a imposée, l’omission de l’appelante d’inclure le montant majoré à l’égard du montant de 1 431 $ auquel s’élevaient les dividendes déterminés qu’elle a reçus entraînera une pénalité de 207,50 $ en vertu du paragraphe 163(l) de la Loi. Si le montant reçu (1 431 $) s’était rapporté à des intérêts non déclarés, la pénalité ne se serait élevée qu’à 143,10 $. [17] Dans le présent appel, il s’agit de savoir si l’appelante a établi qu’elle avait fait preuve du degré requis de diligence raisonnable pour éviter l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour l’année 2007 ou pour éviter l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour l’année 2008. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, la pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi si les conditions énoncées aux alinéas a) et b) sont réunies. Il me semble que la pénalité ne doit pas être imposée si l’appelante peut établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour éviter l’omission d’inclure les montants en question dans son revenu. [18] Dans la décision Franck c. La Reine, 2011 CCI 179, le juge Hogan a dit ce qui suit : 2. […] le paragraphe 163(1) de la Loi prévoit qu’il doit y avoir eu omission à l’égard de deux années sur quatre années consécutives. Par conséquent, une défense de diligence raisonnable pour au moins une des années pourrait venir annuler la pénalité. [19] Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable résulte de la classification de l’infraction à titre d’infraction de responsabilité stricte. Dans l’arrêt La Reine c. La Corporation de la ville de Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, le juge Dickson (tel était alors son titre), qui a rédigé les motifs au nom de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit : Je conclus, pour les motifs que j’ai indiqués, qu’il y a des raisons impératives pour reconnaître trois catégories d’infractions plutôt que les deux catégories traditionnelles : 1. Les infractions dans lesquelles la mens rea, qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance, l’insouciance, doit être prouvée par la poursuite soit qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis, soit par preuve spécifique. 2. Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea; l’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question. Ces infractions peuvent être à juste titre appelées des infractions de responsabilité stricte. C’est ainsi que le juge Estey les a appelées dans l’affaire Hickey. 3. Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute. [20] Dans de nombreuses décisions, il a été conclu que le contribuable peut invoquer un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui, si ce moyen est établi, lui permet d’éviter une pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. La pénalité peut uniquement être imposée en vertu de cette disposition de la Loi que si le contribuable n’inclut pas un montant dans son revenu au cours de deux années différentes. Par conséquent, l’« acte » comporte deux omissions – l’omission d’inclure un montant dans le revenu au cours d’une année et l’omission d’inclure un montant dans le revenu au cours d’une autre année dans les trois années suivant la première omission. [21] Par conséquent, comme l’a dit le juge Hogan, le contribuable qui peut établir qu’il a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de la première omission d’inclure un montant dans son revenu ou de la seconde omission d’inclure un montant dans son revenu aura gain de cause à l’égard de l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. Même si le calcul du montant de la pénalité est uniquement basé sur le second montant que le contribuable a omis d’inclure dans le calcul de son revenu, pour que la pénalité soit imposée, ce contribuable doit avoir omis d’inclure des montants dans le calcul de son revenu au cours de deux années différentes et les deux omissions feraient partie de l’« acte ». Dans ce cas‑ci, l’appelante aura gain de cause si elle réussit à établir qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de son omission d’inclure 1 156 $ dans son revenu pour l’année 2007 ou de son omission d’inclure 5 226 $ dans son revenu pour l’année 2008. [22] Le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu pour l’année 2007 s’élevait à 1 156 $. Des dividendes imposables de 145 $ sont inclus dans ce montant. Rien n’indiquait s’il s’agissait de dividendes déterminés. À supposer que ces dividendes soient des dividendes déterminés, le montant que l’appelante a de fait reçu s’élevait à 100 $. Le revenu total de l’appelante en 2007 (y compris les montants non déclarés) s’élevait à 109 123 $. Par conséquent, le montant non déclaré (y compris le montant du dividende imposable) représentait 1,06 p. 100 du revenu total de l’appelante pour l’année 2007. L’appelante a expliqué que TD Waterhouse (qui détenait les placements générant le revenu) ne lui avait pas envoyé les feuillets de renseignements nécessaires avant la fin du mois de mars. Les feuillets T3 et T5 concernant l’année 2007 auraient dû être établis et envoyés au plus tard aux dates suivantes : Feuillets T5 (dividendes, intérêts et autres revenus) 29 février 2008[11] Feuillets T3 (fiducies) 31 mars 2008[12] [23] L’erreur de fait que l’appelante a commise en 2007 était la suivante : l’appelante avait erronément cru avoir en sa possession tous les feuillets de renseignements que TD Waterhouse devait lui envoyer au plus tard à la fin du mois de mars et elle a donc cru qu’elle déclarait tout son revenu lorsqu’elle avait préparé sa déclaration de revenus, au début du mois d’avril. Il me semble s’agir d’une erreur raisonnable. Le montant que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu ne représentait que 1,06 p. 100 de son revenu total en 2007. L’erreur que l’appelante a commise en omettant d’inclure ce montant dans son revenu était une erreur innocente. Il semble également raisonnable de croire qu’une grosse institution financière telle que TD Waterhouse se serait conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu du Règlement de l’impôt sur le revenu lorsqu’il s’agissait de transmettre les feuillets d’impôt nécessaires avant la date limite établie dans ce règlement. Il me semble qu’une personne raisonnable faisant face aux mêmes circonstances aurait pu commettre la même erreur et omettre par erreur une petite partie de son revenu. Par conséquent, l’appelante a établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission d’inclure le montant de 1 156 $ dans son revenu pour l’année 2007. [24] Cela est suffisant pour trancher l’appel, mais l’appelante a également expliqué les circonstances dans lesquelles elle avait omis de déclarer le montant pour l’année 2008. Au cours de l’année 2008, l’appelante a transféré à TD Waterhouse (où elle avait déjà un compte) certains placements qu’elle détenait à la Banque nationale. Afin de conserver les deux groupes de placements séparément tant que le transfert n’était pas effectué, l’appelante a ouvert un compte distinct chez TD Waterhouse. Une fois qu’elle était convaincue que tous les placements avaient été transférés par la Banque nationale, elle a demandé à TD Waterhouse de transférer tous les placements du compte temporaire à l’autre compte qu’elle détenait chez TD Waterhouse. [25] TD Waterhouse a de fait transféré les placements, mais, pour une raison inexpliquée, le revenu tiré des placements qui étaient détenus dans le compte temporaire n’a pas été ajouté au revenu de placement déclaré relativement au compte principal de l’appelante, chez TD Waterhouse, et aucun feuillet T5 ou T3 distinct n’a été envoyé à l’appelante pour ce revenu de placement. [26] Le montant qui a été omis pour l’année 2008 (le montant du dividende imposable) s’élevait à 5 226 $, et le revenu total de l’appelante, pour l’année 2008, s’élevait à 111 768 $. Par conséquent, les montants omis représentaient 4,7 p. 100 du revenu total de l’appelante. Les montants qui ont été omis représentaient moins de 5 p. 100 du revenu total de l’appelante, mais ils représentaient un pourcentage élevé de son revenu de placement. Les montants que l’appelante n’a pas inclus dans son revenu et à l’égard desquels la pénalité a été calculée et les montants totaux de chaque type de revenu étaient les suivants : Type de revenu Montant déclaré Montant non déclaré Montant total % du total non déclaré Dividendes imposables 3 041 $ 2 075 $ 5 116 $ 41 % Intérêts et revenus de placement 14 940 $ 2 555 $ 17 495 $ 15 % Autre revenu 2 343 $ 560 $ 2 903 $ 19 % Dividende non déterminé 43 $ 89 $ 132 $ 67 % [27] Le pourcentage du montant total qui aurait dû être déclaré pour chaque type de revenu est élevé – il va de l5 p. 100 des intérêts et du revenu de placement à 67 p. 100 des dividendes non déterminés, quoique le montant réel des dividendes non déterminés qui n’a pas été déclaré ait été peu élevé (89 $). Si, lorsqu’il s’était agi de veiller à ce que tout son revenu soit déclaré par TD Waterhouse, l’appelante avait été aussi diligente qu’elle l’avait été lorsqu’il s’était agi de veiller à ce que tous ses placements soient transférés par la Banque nationale, elle aurait remarqué le revenu manquant. De plus, étant donné que, l’année précédente, TD Waterhouse avait envoyé les feuillets de renseignements en retard, une personne raisonnable aurait pris des mesures additionnelles afin de veiller à ce que, pour l’année 2008, TD Waterhouse déclare avec exactitude tous les montants. L’erreur de fait que l’appelante a commise pour l’année 2008 n’était pas une erreur raisonnable et l’appelante n’a pas pris de mesures raisonnables pour s’assurer que tout son revenu de placement était inclus dans son revenu pour l’année 2008. Par conséquent, il me semble que l’appelante n’a pas fait preuve de la diligence raisonnable nécessaire en ce qui concerne l’année 2008. Toutefois, étant donné qu’il suffit qu’elle établisse qu’elle a fait preuve de la diligence raisonnable nécessaire pour une seule des années pour lesquelles un montant n’a pas été inclus dans son revenu et puisqu’elle a établi qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’omission d’inclure un montant dans son revenu pour 2007, l’appel sera accueilli. [28] Par conséquent, l’appel est accueilli sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi à l’égard de la déclaration de revenus que l’appelante a produite pour l’année 2008 est supprimée. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012CCI168 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1031(IT)I INTITULÉ : EVELYN W. CHAN c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocate de l’intimée : Mme Maria Abdoullaeva (stagiaire) AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2009 CCI 286, [2009] G.S.T.C. 90, [2009] 2009 G.S.T.C. 118. [2] Article 126 de la Loi. [3] Le montant de 165,63 $ inclut l’impôt étranger additionnel de 52,35 $ payé à l'égard d'un revenu qui n'avait pas été déclaré. Dans le formulaire, le total de 165,63 $ a été déterminé ainsi : Montant antérieur de 113,28 $ + changement de 52,35 $ = 165,63 $. [4] Valdis v. The Queen, [2001] 1 C.T.C. 2827. [5] Pourcentage inférieur après l'année 2009. [6] Voir également l'alinéa 12(1)j) de la Loi. [7] À supposer que c'était la seconde fois au cours de quatre années consécutives qu'un montant n'était pas inclus dans le revenu et qu'un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pouvait être invoqué. [8] À supposer que c'était la seconde fois au cours de quatre années consécutives qu'un montant n'était pas inclus dans le revenu et qu'un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pouvait être invoqué. [9] Par exemple, supposons qu'un particulier a eu d'autres revenus en 2008 et que tout revenu additionnel était imposé au taux de 29 p. 100 en vertu de la Loi. Supposons que les dividendes mentionnés ci‑dessous ont été reçus de sociétés résidant au Canada. Le tableau suivant illustre uniquement l'obligation fiscale en vertu de la Loi (et n'inclut pas une obligation découlant d'une loi de l'impôt sur le revenu provinciale) qui serait imposée sur les montants de revenu additionnels suivants : Dividende (autre qu'un dividende déterminé) Dividende déterminé Revenu en intérêts A. Montant reçu : 10 000 $ 10 000 $ 10 000 $ B. Majoration pour les dividendes (par. 82(1)) (25 % ou 45 %) 2 500 $ 4 500 $ s.o. C. Montant total inclus dans le calcul du revenu (A + B) 12 500 $ 14 500 $ 10 000 $ D. Impôt à payer (art. 117) (29 % de C) 3 625 $ 4 205 $ 2 900 $ E. Moins : Crédit d'impôt pour dividendes (art. 121) (2/3 ou 11/18 de B) 1 667 $ 2 750 $ s.o. F. Impôt net à payer : (D – E) 1 958 $ 1 455 $ 2 900 $ [10] 1 431 $ + 45 % de 1 431 $ = 2 075 $. [11] Paragraphes 201(1) et 205(1) et article 209 du Règlement de l'impôt sur le revenu. [12] Paragraphe 204(2) et article 209 du Règlement de l'impôt sur le revenu et article 26 et définition de « jour férié » au paragraphe 35(1) de la Loi d'interprétation. Le 30 mars 2008 était un dimanche.
2012 CCI 17
TCC
2,012
Kit Yan Lee c. La Reine
fr
2012-01-19
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30673/index.do
2022-09-04
Kit Yan Lee c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-19 Référence neutre 2012 CCI 17 Numéro de dossier 2010-105(IT)I Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-105(IT)I ENTRE : VINCENT KIT YAN LEE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 17 octobre 2011, à Vancouver (Colombie‑Britannique). Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocat de l’intimée : Me Zachary Froese ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine à nouveau et établisse de nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 29e jour de février 2012. Martine Maltais, traductrice Référence : 2012 CCI 17 Date : 20120119 Dossier : 2010-105(IT)I ENTRE : VINCENT KIT YAN LEE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan [1] En 1995, l’appelant, son épouse et leurs deux enfants, ont quitté Hong Kong pour immigrer au Canada dans le cadre du Programme d’immigration des gens d’affaires du gouvernement fédéral. Selon son témoignage, l’appelant détenait approximativement un million de dollars en capital lorsqu’il est entré au Canada. [2] L’appelant a investi environ 150 000 $ pour acquérir des parts de société afin de répondre aux conditions du Programme d’immigration des gens d’affaires et il a payé 260 000 $ pour l’achat d’un condominium à Vancouver pour lequel il avait initialement contracté une hypothèque de 140 000 $. [3] L’appelant soutient qu’il a rencontré des difficultés pour trouver un emploi au Canada et qu’il a occupé des emplois peu spécialisés. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il s’est trouvé dans l’obligation d’utiliser son capital pour payer les dépenses personnelles de sa famille, une situation qui a rapidement entraîné l’érosion de ce capital. Comme preuve de ce fait, il a fait valoir qu’il avait dû grever sa résidence de Vancouver d’une nouvelle hypothèque de 140 000 $. [4] En 1997, pour augmenter ses revenus, l’appelant a commencé à se livrer à ce qui est appelé de la spéculation à très court terme de titres négociables, ce qu’il a continué à faire pendant les années d’imposition en cause. [5] Pendant la période en question, l’appelant détenait deux comptes de banque personnels (les « comptes personnels ») et un certain nombre de comptes qu’il utilisait pour faire le commerce des valeurs mobilières (les « comptes de commerce des valeurs mobilières »). [6] Selon l’appelant, ses activités de commerce des valeurs mobilières ont entraîné des pertes importantes, lesquelles totalisent 154 508 $ pour une période de dix ans ayant commencé en 1997. L’appelant a imputé ces pertes à son capital; plus précisément, il a imputé à son capital une perte de 1 275,58 $ pour l’année d’imposition 2005 et une autre de 43 931,55 $ pour l’année d’imposition 2006. [7] Selon l’appelant, ces pertes, en plus des dépenses personnelles de sa famille, l’ont laissé sans capital et avec peu de moyens pour subvenir aux besoins personnels des siens. L’appelant a expliqué que l’effritement de son avoir net a entraîné des difficultés d’ordre personnel et qu’il vit maintenant séparé de sa femme et de ses enfants. L’appelant soutient également qu’il occupe maintenant un emploi de concierge à très bas salaire afin d’apporter un certain soutien à la famille avec laquelle il ne vit plus. La résidence principale de Vancouver a été vendue, et les membres de la famille de l’appelant vivent dans un logement loué. [8] L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a d’abord entrepris une vérification des activités de l’appelant afin de déterminer si lesdites activités pourraient être assujetties à la taxe sur les produits et services. Il est ressorti de cette vérification que tel n’était pas le cas. L’ARC a ensuite entrepris une vérification en matière d’impôt du revenu à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006. [9] C’est M. Cen, un vérificateur de l’ARC détenant un baccalauréat en administration des affaires, qui supervisait le travail de vérification. M. Cen a conclu, en se fondant sur les statistiques établies par Statistiques Canada relativement aux dépenses d’une famille de quatre personnes, que l’appelant avait omis, pour les années d’imposition 2005 et 2006, de déclarer un revenu de 64 821 $ et un revenu de 107 786 $ respectivement. M. Cen a utilisé cette méthode parce qu’il n’était pas arrivé à obtenir les renseignements financiers et comptables demandés à l’appelant. Cependant, M. Cen reconnaît que, au moment de la vérification, l’appelant vivait à Hong Kong, et qu’il communiquait avec l’appelant par l’entremise du fils et de la fille de ce dernier, lesquels avaient de la difficulté à s’occuper des demandes qui avaient trait à la vérification des revenus de leur père. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas accès à ses dossiers financiers, étant donné que ces dossiers étaient au Canada et que lui‑même vivait à Hong Kong. [10] C’est M. Leong, agent des appels à l’ARC, qui a traité l’opposition de l’appelant aux nouvelles cotisations. Afin de reconstituer les revenus non déclarés de l’appelant pour la période en litige, M. Leong a mis de côté la méthode que M. Cen avait utilisée et s’est servi d’une méthode des dépôts modifiée. [11] L’intimée a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006 pour le motif que l’appelant avait omis de déclarer ses revenus pour les années en cause. L’intimée soutient que l’appelant n’avait pas subi les pertes de 1 275,58 $ qu’il a déclarées pour l’année 2005 et celles de 43 931,55 $ qu’il a déclarées pour l’année 2006. Selon l’intimée, l’appelant avait plutôt réalisé des gains de 4 704,87 $ pour l’année 2005 et de 2 185,92 $ pour l’année 2006. L’intimée a aussi établi à l’égard de l’appelant de nouvelles cotisations relatives à des revenus non déclarés de 27 222 $ pour l’année d’imposition 2005 (soit une somme de 13 143 $ correspondant à des dépôts non expliqués faits par l’appelant dans ses comptes personnels ainsi qu’une somme de 14 079 $ correspondant à des dépôts faits par l’appelant dans ses comptes personnels à partir de ses comptes de commerce des valeurs mobilières) et des revenus non déclarés de 83 218 $ pour l’année d’imposition 2006 (soit une somme de 13 501 $ correspondant à des dépôts non expliqués faits par l’appelant dans ses comptes personnels et une somme de 69 717 $ correspondant à des dépôts faits par l’appelant dans ses comptes personnels à partir de ses comptes de commerce des valeurs mobilières). [12] L’appelant a saisi la Cour d’une preuve documentaire substantielle, constituée pour la majeure partie de documents et de déclarations énumérant les opérations boursières que l’appelant a effectuées dans chacune des années en cause. Ces documents n’avaient pas été communiqués à l’agent des appels avant l’établissement des nouvelles cotisations, étant donné qu’ils ont été communiqués à l’avocat de l’intimée à un certain moment avant l’audience de l’appel interjeté par l’appelant. [13] En l’espèce, M. Leong a eu l’occasion d’examiner les documents. Comme je l’ai indiqué précédemment, les calculs détaillés de M. Leong démontrent que l’appelant a réalisé des gains de 4 704,87 $ pour l’année 2005 et de 2 185,92 $ pour 2006, plutôt que d’avoir subi les pertes de 1 275,58 $ et de 43 931,55 $ qu’il avait déclarées pour chacune de ces années. I. Position de l’appelant [14] L’appelant soutient que, selon la jurisprudence, il peut avoir gain de cause en l’espèce, pourvu que la preuve dont il a saisi la Cour lui permette de réfuter prima facie les hypothèses avancées par le ministre. Par exemple, l’appelant peut avoir gain de cause en établissant, selon la prépondérance des probabilités, des faits nouveaux dont le ministre n’avait pas tenu compte et qui démontreraient que l’appelant n’a pas gagné les revenus que l’intimée a considérés comme non déclarés par l’appelant. L’appelant peut aussi faire la démonstration que les hypothèses de fait du ministre sont fausses. Une fois établie la preuve prima facie de l’appelant, le fardeau de la preuve revient au ministre qui doit alors établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits lui permettant de justifier l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant. [15] L’appelant affirme qu’il a déclaré tous ses revenus pour la période en question, et il soutient sa position en indiquant que, pendant cette période, il a connu des difficultés financières. L’appelant soutient également que l’argent qu’il avait déposé dans ses comptes personnels ne provenait pas de sources imposables mais de capitaux qu’il avait transférés et de sommes qu’il avait empruntées en prélevant les sommes en question sur ses comptes de commerce des valeurs mobilières et sur le compte de banque de sa sœur. L’appelant soutient qu’il a réussi à établir une preuve prima facie qui démolit les hypothèses sur lesquelles s’est fondé le ministre pour établir les nouvelles cotisations qui font l’objet du litige. L’appelant a aussi indiqué que selon l’enquête de l’intimée elle‑même, les revenus qu’il a tirés de ses opérations boursières de négociation étaient très peu élevés. [16] L’appelant admet qu’il a produit tardivement les documents qu’il devait faire parvenir au ministre, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Cependant, l’appelant soutient qu’en définitive, il a fait parvenir au ministre ainsi qu’à l’avocat de celui‑ci tous les dossiers financiers concernant ses opérations boursières, et ce, avant l’audience. II. Position de l’intimée [17] Comme je l’ai mentionné précédemment, selon l’intimée, au lieu d’avoir subi les pertes de 1 275,58 $ qu’il a déclarées pour l’année 2005 et celles de 43 931,55 $ qu’il a déclarées pour l’année 2006, l’appelant aurait plutôt réalisé des gains de 4 704,87 $ pour l’année 2005 et de 2 185,92 $ pour l’année 2006. L’intimée a aussi établi à l’égard de l’appelant de nouvelles cotisations relatives à des revenus non déclarés de 27 222 $ pour l’année 2005 (soit une somme de 13 143 $ correspondant à des dépôts non expliqués faits par l’appelant dans ses comptes personnels ainsi qu’une somme de 14 079 $ correspondant à des dépôts faits par l’appelant dans ses comptes personnels à partir de ses comptes de commerce des valeurs mobilières) et des revenus non déclarés de 83 218 $ pour l’année 2006 (soit une somme de 13 501 $ correspondant à des dépôts non expliqués faits par l’appelant dans ses comptes personnels ainsi qu’une somme de 69 717 $ correspondant à des dépôts faits par l’appelant dans ses comptes personnels à partir de ses comptes de commerce des valeurs mobilières). À l’appui des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant, l’intimée soutient que l’appelant n’a pas démoli l’hypothèse du ministre voulant que les dépôts non expliqués faits par l’appelant dans ses comptes personnels ainsi que les dépôts faits par l’appelant dans ses comptes personnels à partir de ses comptes de commerce des valeurs mobilières soient des revenus imposables. III. Analyse [18] Les malheurs que l’appelant a vécus en ce qui a trait à l’impôt sont largement causés par son omission de communiquer au vérificateur de l’ARC les documents demandés par ce dernier au stade de la vérification. L’appelant a offert à propos de son inaction une explication crédible, à savoir qu’il se trouvait à Hong Kong à l’époque de la vérification et que les documents dont il est question en l’espèce se trouvaient dans la résidence familiale de Vancouver. L’épouse de l’appelant n’était pas en mesure de traiter les demandes du vérificateur, et l’appelant a dû laisser l’affaire entre les mains de son fils et de sa fille, lesquels n’avaient pas d’expérience en ce qui concerne les dossiers financiers ou la façon de répondre à des demandes portant sur le respect des obligations fiscales. Cependant, il est reconnu que le ministre peut utiliser des méthodes de rechange pour déterminer le revenu d’un contribuable qui omet de produire ses déclarations de revenu, de tenir ou de conserver des registres et des dossiers fiables, ou, comme c’est le cas ici, de donner au ministre accès à ses dossiers financiers. [19] Dans le jugement Cantore c. La Reine[1], j’ai relevé l’affirmation suivante : [11] [. . .] Les deux méthodes les plus fréquemment utilisées sont communément appelées la méthode de l'avoir net et la méthode des dépôts. Le vérificateur qui utilise la méthode de l'avoir net calcule d'abord les actifs nets du contribuable (l'actif moins le passif) au début de la période pertinente. Il effectue le même calcul pour la fin de la période pertinente. Il est présumé que l'augmentation de l'avoir net, plus le coût de la vie estimatif pour le contribuable et les personnes à sa charge, moins le revenu déclaré du contribuable et de son conjoint, le cas échéant, représentent les revenus non déclarés du contribuable. [12] La méthode des dépôts est fondée sur une analyse de tous les dépôts effectués dans l'ensemble des comptes bancaires du contribuable. Le ministre suppose que les dépôts constituent des revenus imposables. Le revenu net est calculé en soustrayant les fonds virés entre les comptes bancaires du contribuable ainsi que les sommes empruntées par le contribuable. La Cour a reconnu que la méthode des dépôts est une méthode de vérification de rechange appropriée. [20] Dans la présente affaire, l’agent des appels a fondé son analyse sur une méthode des dépôts modifiée. L’agent n’a pas exclu de son analyse les dépôts faits dans les comptes personnels de l’appelant à partir des comptes de commerce des valeurs mobilières que l’appelant détenait, la raison en étant que l’agent n’avait pas les dossiers concernant ces comptes et qu’il n’a pas pu les examiner avant l’établissement des nouvelles cotisations à la suite de l’étude de l’opposition de l’appelant. [21] Dans l'article « Anatomy of a Net Worth Assessment », David E. Graham souligne que la méthode de l'avoir net donne souvent une représentation plus fiable du revenu du contribuable que la méthode des dépôts : [TRADUCTION] En général, l'analyse des dépôts ne constitue pas une méthode de calcul du revenu aussi précise que l'évaluation de l'avoir net. Il se peut que l'analyse des dépôts n'accorde pas assez d'importance à la provenance des sommes déposées dans les comptes bancaires (ce qui entraînerait une surimposition). De même, il se peut que l'analyse des dépôts ne tienne pas compte des sommes qui n'ont jamais été déposées dans les comptes bancaires (ce qui donnerait lieu à une sous‑imposition). Les contribuables qui font l'objet d'une analyse des dépôts devraient s'assurer que les fonds virés entre leurs comptes bancaires ne soient pas traités comme des dépôts[2]. . [Non souligné dans l'original.] [22] La méthode que l'ARC a utilisée ne modifie pas le fardeau juridique qui incombe à l'appelant en l'espèce. Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada[3], la Cour suprême du Canada fait l’examen des règles applicables au fardeau de la preuve dans les appels de nature fiscale[4] : · Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités. · Le contribuable a le fardeau initial de démolir[5] les présomptions exactes sur lesquelles le ministre s’est fondé pour l’établissement de sa cotisation, mais rien de plus. · Le contribuable se sera acquitté de cette charge initiale de démolir l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il aura présenté une preuve prima facie[6]. · Une fois que le contribuable a présenté sa preuve prima facie, le fardeau de la preuve passe alors au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie faite par le contribuable en faisant la preuve de ses présomptions selon la prépondérance des probabilités[7]. · Si le ministre ne produit pas de preuve satisfaisante, le contribuable obtiendra gain de cause[8]. [23] Dans l’article intitulé « Onus of Proof and Ministerial Assumptions : The Role and Evolution of Burden of Proof in Income Tax Appeals », les auteurs donnent ce qui constitue, à mon avis, un résumé exact des règles applicables au fardeau juridique qui incombe aux contribuables dans les appels de nature fiscale : [TRADUCTION] 6) Si la Couronne prétend que, pour établir la cotisation, le ministre s'est fondé sur des hypothèses de fait précises, le contribuable doit : a) soit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre ne s'est pas fondé sur ces hypothèses de fait; b) soit démontrer que les hypothèses de fait énoncées par le ministre ne sont pas pertinentes; c) soit démolir les hypothèses de fait du ministre. 7) La « démolition » des hypothèses de fait énoncées par le ministre exige tout simplement la présentation d'une preuve prima facie démontrant que ces hypothèses ne sont pas exactes. [...] 9) Lorsque le contribuable a présenté une preuve prima facie permettant de réfuter les hypothèses du ministre, la charge de la preuve et la norme de preuve redeviennent celles qui s'appliquent normalement en matière civile[9]. [24] J’ai ajourné l’audience de la présente affaire au 21 janvier 2011 pour permettre au représentant de l’intimée d’analyser les rapports financiers concernant les opérations boursières de l’appelant et d’évaluer la possibilité que l’appelant se serve de pertes subies pendant des périodes antérieures à la période en cause pour compenser les revenus non déclarés calculés par le ministre. Malheureusement, les parties ont été incapables de s’entendre sur l’incidence de ces éléments sur les nouvelles cotisations établies par le ministre. [25] Je me trouve ainsi amené à faire l’examen de la preuve. En premier lieu, l’appelant m’a donné l’impression d’être un témoin crédible et son témoignage est corroboré par la preuve dont il est question plus loin. La méthode des dépôts modifiée que l’intimée a utilisée comporte des défauts parce que l’intimée n’a pas pris en compte les virements effectués entre les divers comptes de l’appelant. Un virement de fonds entre deux comptes de banque détenus par le même particulier ne peut pas mener à la création de revenu. L’ARC elle-même a analysé les opérations que l’appelant a effectuées en matière de valeurs mobilières et elle a convenu que ces opérations n’avaient rapporté à l’appelant que des revenus modiques pour les années en cause. Il n’y a pas de preuve fiable que l’appelant disposait d’une autre source de revenus non déclarés. En considérant la preuve dans son ensemble, je suis d’avis que les revenus non déclarés de l’appelant se limitaient à 4 704,87 $ et à 2 185,92 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006 respectivement. IV. Conclusion [26] Selon les conclusions que j’ai formulées ci-dessus, les revenus non déclarés de l’appelant sont de 4 704,87 $ et de 2 185,92 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006 respectivement. Cependant, comme le montant d’impôt en litige pour l’année d’imposition 2006 excède 12 000 $ et que l’appelant a choisi que son appel soit régi par la procédure informelle, la diminution d’impôt auquel l’appelant a droit pour l’année en question ne peut pas excéder 12 000 $. [27] L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine à nouveau et établisse de nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 29e jour de février 2012. Martine Maltais, traductrice RÉFÉRENCE : 2012 CCI 17 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-105(IT)I INTITULÉ : VINCENT KIT YAN LEE c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 19 janvier 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocat de l’intimée : Me Zachary Froese AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2010 CCI 367, 2010 DTC 1242. [2] David E. Graham, « Anatomy of a Net Worth Assessment », 2007 British Columbia Tax Conference (Association canadienne d’études fiscales, 2007), 11:1-55, à la page 50. [3] [1997] 2 R.C.S. 336. [4] Ibidem, aux paragraphes 92 à 95. [5] Voir aussi : Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] S.C.R. 486. [6] Voir aussi : Kamin v. M.N.R., 93 DTC 62 (CCI); Goodwin v. M.N.R., 82 DTC 1679 (C.R.I.). [7] Voir aussi : Magilb Development Corp. Ltd. v. The Queen, 87 DTC 5012 (C.F. 1re inst.), à la page 5018. [8] Voir aussi : MacIsaac v. M.N.R., 74 DTC 6380 (C.A.F.) à la page 6381. [9] William Innes & Hemamalini Moorthy, « Onus of Proof and Ministerial Assumptions: The Role and Evolution of Burden of Proof in Income Tax Appeals », (1998) Canadian Tax Journal, vol. 46, no 6, 1187, à la page 1210.
2012 CCI 170
TCC
2,012
Cyr c. M.R.N.
fr
2012-05-29
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30817/index.do
2022-09-04
Cyr c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-29 Référence neutre 2012 CCI 170 Numéro de dossier 2010-2064(EI), 2010-3124(EI), 2010-3125(EI) Juges et Officiers taxateurs Alain Tardif Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossiers : 2010-2064(EI) 2010-3124(EI) ENTRE : MICHEL CYR, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et J.M. CYR SPORTS INC., intervenante. ____________________________________________________________________ Appels entendus sur preuve commune avec le dossier de Jean Cyr (2010‑3125(EI)), le 29 août 2011 aux Îles-de-la-Madeleine (Québec) Devant : l’honorable juge Alain Tardif Comparutions : Avocat de l’appelant : Me Alain Brophy Avocate de l’intimé : Me Marie-France Dompierre Avocat de l’intervenante : Me Simon Delisle ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels sont rejetés et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif Dossier: 2010-3125(EI) ENTRE : JEAN CYR, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et J.M. CYR SPORTS INC., intervenante. ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec les dossiers de Michel Cyr (2010‑2064(EI) et 2010-3124(EI)), le 29 août 2011 aux Îles-de-la-Madeleine (Québec) Devant : l’honorable juge Alain Tardif Comparutions : Avocat de l’appelant : Me Alain Brophy Avocate de l’intimé : Me Marie-France Dompierre Avocat de l’intervenante : Me Simon Delisle ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif Référence : 2012 CCI 170 Date : 20120529 Dossiers : 2010-2064(EI) 2010-3124(EI) ENTRE : MICHEL CYR, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et J.M. CYR SPORTS INC., intervenante, ET : Dossier : 2010-3125(EI) JEAN CYR, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et J.M. CYR SPORTS INC., intervenante. MOTIFS DU JUGEMENT Juge Tardif [1] Il s’agit d’appels relatifs à une question d’assurabilité. Les appelants et l’intimé ont convenu de procéder au moyen d’une preuve commune. [2] Les appelants ont admis la presque totalité des faits pertinents. Les faits admis tels qu’il ressort aux arguments présentés par les appelants à la Réplique se lisent comme suit : i. La société J.M. Cyr Sports Inc. (ci-après « J.M. Cyr ») fut fondée le 9 avril 1987 et opère dans le domaine de la vente au détail et la réparation d’articles de sports. ii. Les activités de J.M. Cyr se déroulent tout au long de l’année. iii. Au moment de son incorporation, les actionnaires de J.M. Cyr étaient Michel Cyr, Jean Cyr, Fernand Cyr et Marie-Marthe Leblanc. iv. Chaque actionnaire détenait 25 % des actions votantes de la société. v. Fernand Cyr est l’époux de Marie-Marthe Leblanc. Ils sont les parents de Michel et Jean Cyr. vi. Le 24 octobre 2007, J.M. Cyr a mandaté des experts-comptables, des fiscalistes ainsi que des juristes afin de procéder à une réorganisation corporative pour assurer une pérennité familiale de la société. vii. À cette date, le capital-actions de la société fut modifié de la façon suivante : J.M. Cyr Sports inc. Détenteur Catégorie A 1 vote/action Catégorie D sans droit de vote Catégorie F sans droit de vote Pourcentage des droits de vote Michel Cyr 100 30 000 50 % Jean Cyr 100 30 000 50 % Fernand Cyr 30 000 31 598 0 % Marie-Marthe Leblanc 30 000 0 % Total : 200 120 000 31 598 100 % viii. Dans le cadre de cette réorganisation, 50% des actions votantes de catégorie « A » furent émises à Michel et Jean Cyr, respectivement. ix. Aucune action votante ne fut émise à Fernand Cyr et Marie-Marthe Leblanc lors de la réorganisation corporative du 24 octobre 2007. Par contre, des actions privilégiées leur furent émises. … 13. Le 23 décembre 2008 et le 24 décembre 2009, Jean Cyr a rempli des demandes d’assurance-emploi pour les périodes du 7 janvier 2008 au 20 décembre 2008 et du 29 décembre 2008 au 19 décembre 2009. 14. Le ou vers le 13 novembre 2008, Michel Cyr a rempli des demandes d’assurance-emploi pour les périodes du 5 novembre 2007 au 1er novembre 2008 et du 10 novembre 2008 au 31 octobre 2009. 15. Conformément à la procédure prévue à la Loi sur l’assurance-emploi, les demandes de décision quant à l’assurabilité des appelants ont été examinées par des agents de décision de l’ARC. 16. Il a été statué selon les alinéas 5(1)a) et 5(2)b) de la Loi sur l’assurance‑emploi (ci-après « la loi ») que les appelants n’occupaient pas des emplois assurables puisqu’ils détenaient chacun plus de 40 % des actions votantes de leur employeur. 17. Les décisions suivantes furent rendues par l’Agence du Revenu du Canada et sont en litige dans le présent dossier : - Concernant Michel Cyr : . En date du 15 décembre 2009, une décision pour la période du 5 novembre 2007 au 1er novembre 2008; . En date du 10 mars 2010, une décision pour les périodes du 10 novembre 2008 au 31 octobre 2009; - Concernant Jean Cyr : . En date du 10 mars 2010, une décision pour les périodes du 7 janvier 2008 au 20 décembre 2008 et du 29 décembre 2008 au 19 décembre 2009. 18. Les représentants des appelants ont discuté avec les agents de décision de l’ARC pour comprendre le refus d’accorder des prestations d’assurance‑emploi à Jean et Michel Cyr pour les périodes susmentionnées. 19. Les représentants des appelants ont réalisé à ce moment que la réorganisation du 24 octobre 2007 de J.M. Cyr empêchait les demandeurs de bénéficier des prestations d’assurance-emploi. 20. Après les périodes en litige, la société J.M. Cyr a, alors, mandaté ses procureurs pour effectuer une seconde réorganisation corporative afin que Michel Cyr et Jean Cyr détiennent moins de 40 % des actions votantes de J.M. Cyr afin de pouvoir bénéficier des prestations d’assurance-emploi. 21. Ainsi, le 9 mars 2010, le capital-actions fut modifié de la façon suivante : Nom de l’actionnaire Pourcentage de vote Pourcentage de participation Catégorie d’actions détenues Nombre d’actions détenues Fernand Cyr 10 % 0 % 0 % 10 % 0 % 0 % A D F 20 30 000 31 598 Jean Cyr 40 % 0 % 40 % 0 % A D 80 30 000 Michel Cyr 40 % 0 % 40 % 0 % A D 80 30 000 Marie-Marthe Leblanc 10 % 0 % 10 % 0 % A D 20 30 000 22. Le 8 février 2010, Jean et Michel Cyr ont fait appel des décisions du ministre du Revenu national (ci-après, le « Ministre ») et lui ont demandé de reconnaître rétroactivement la modification du capital-actions de J.M. Cyr et ainsi, de reconnaître le statut « assurable » de leurs emplois pour les périodes en litige. 23. Le 14 avril 2010, après l’analyse des appels, le Ministre a maintenu sa décision quant aux statuts de non-assurabilité des appelants. 24. Jean et Michel Cyr ont donc fait appel des décisions du Ministre à la Cour canadienne de l’impôt le 28 juin 2010. 25. Le 5 septembre 2011, la Cour canadienne de l’impôt a entendu la preuve dans les dossiers d’assurance-emploi de Michel et de Jean Cyr. Elle a ensuite suspendu l’audience jusqu’à l’issue de la requête en rectification devant la Cour Supérieure du Québec. 26. Le 23 février 2012, les appelants se sont désistés de leur requête en rectification devant la Cour Supérieure du Québec. [3] La preuve soumise par les appelants a établi que le père des appelants M. Fernand Cyr détenait une très forte autorité morale sur les faits et gestes de ses deux fils, Michel et Jean Cyr. Cette même preuve a aussi fait ressortir que l’exploitation du commerce se fait d’une manière fort particulière; en effet un seul des deux fils y travaillait alors que l’autre n’y travaillait pas recevant ainsi des prestations d’assurance-emploi; après un certain temps, le fils bénéficiaire de prestations d’assurance-emploi reprenait le travail tandis que l’autre fils devenait bénéficiaire de prestations. [4] En d’autres termes, les frères Michel et Jean Cyr, tous deux appelants, ne travaillaient pas ensemble, mais d’une façon alternative. Le père, Fernand Cyr, a indiqué que la viabilité du commerce reposait sur cette formule de travail partagé, l’assurance-emploi étant de ce fait quelque chose de très important sinon fondamental à la survie même du commerce. [5] Cette dimension ou cet aspect de la preuve n’est cependant pas pertinente à la solution du présent litige, elle le sera sans doute à un autre possible litige où les fondements de la déterminante seront différents de ceux dont il est question en l’espèce. [6] En effet, en l’espèce, la question consiste essentiellement a décider dans un premier temps si l’intimé a correctement évalué et analysé la situation en prenant pour acquis que les deux appelants Jean et Michel Cyr détenaient tous deux chacun 50 % des actions avec droit de vote ou si elle devait plutôt prendre pour acquis la structure corrigée au terme de laquelle les mêmes appelants détenaient cette fois 40 % chacun, le 20 % résiduel étant partagé à parts égales soit 10 % à leur père Fernand ainsi qu’à leur mère. [7] Tel qu’admis par les appelants, la première structure et ou planification résultait d’un mandat confié à de véritables professionnels et ou experts en la matière. Les appelants et leur père, bailleur de fonds, ont pris connaissance et accepté d’une manière formelle la planification proposée, et ce, sachant l’importance de l’assurabilité des emplois tel que mentionné aux paragraphes 3 et 4. [8] Sous prétexte qu’ils n’ont pas été informés et ne savaient pas que cette nouvelle structure les priverait du droit à l’assurance-emploi, ils ont à nouveau mandaté les experts pour modifier la structure de la société de manière à ce que les appelants Jean et Michel Cyr deviennent détenteurs d’un pourcentage d’action avec droit de vote de 40 % chacun au lieu de 50 % comme avant. [9] Prétendre et soutenir qu’une erreur a été commise au moment de la première planification est une excuse fort discutable d’autant plus que les personnes mandatées étaient des professionnels en la matière. J’ouvre ici une parenthèse à savoir si l’État est responsable ou doit prendre à sa charge les erreurs généralement prises en charge par les assureurs des professionnels concernés si erreur il y a eu; évidemment il s’agit là d’hypothèse très spéculative puisqu’il est toujours plus facile d’imputer la responsabilité d’une situation à quelqu’un d’autre. [10] Les corrections demandées ont été effectuées; les emplois sont-ils devenus assurables automatiquement? le tribunal doit-il procéder à l’analyse et conclure à partir de la réorganisation corrigée pour déterminer l’assurabilité ou s’il doit plutôt conclure à partir de la première structure où les appelants détenaient chacun 50 % des actions avec droit de vote. [11] Dans l’hypothèse où le travail des appelants serait déterminé assurable aux termes de l’analyse, le même travail ne devrait-il pas être exclu des emplois assurables pour un autre motif à savoir le lien de dépendance; il s’agit là d’un autre débat. [12] La jurisprudence établit que la détermination du contrôle des actions avec droit de vote est une question mixte de fait et de droit, qui est distinct de la question du contrôle de l’entreprise[1]. [13] Dans l’arrêt Sexton c. M.R.N., [1991] A.C.F. no 417, 132 N.R. 71, le juge Hugeson de la Cour d’appel fédérale suggère une analyse à deux étapes pour répondre à la question du contrôle des actions : dans un premier temps, il faut identifier le détenteur des actions portant le droit de vote; il faut ensuite déterminer s’il y a des circonstances qui empêchent le libre exercice de droit de vote, et le cas échéant, l’identité de la personne qui peut exercer ce droit à la place du détenteur du vote : 10 La détermination du contrôle des actions donnant droit de vote dans une corporation est une question mixte de droit et de fait. Dans un premier temps, il faut déterminer qui est titulaire des actions; ensuite il faut voir s'il existe des entravant le titulaire dans l'exercice libre et autonome de son droit de vote et, le cas échéant, qui peut légalement exercer ce droit à la place du titulaire. 11 Celui qui a le contrôle administratif ou opérationnel d'une corporation ne contrôle pas nécessairement les actions de celle-ci; en fait, il arrive souvent, dans le monde moderne des affaires, que ceux qui sont chargés de la gérance d'une corporation détiennent peu ou pas du tout de ses actions. 12 Dans la présente espèce, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que les requérants, qui détenaient chacun dix-sept pour cent des actions votantes de la corporation, contrôlaient réellement cette dernière. Cette conclusion, si juste soit‑elle, n'est aucunement déterminante quant au contrôle du droit de vote dans les trente-trois pour cent des actions détenues par chacun des enfants des requérants. En fait, comme le juge a lui-même déclaré, Michel et Charlène Sexton "étaient pro-priétaires et détenaient le pouvoir de jure de contrôler la nouvelle compagnie" et rien dans la preuve ne permettait de conclure qu'ils s'étaient jamais dépouillés de leur droit de vote dans les actions qui leur appartenaient ou avaient entravé de quelque façon que ce soit le libre exercice de ce droit. [14] L’exemple donné par le juge Hugeson pour l’absence du contrôle des actions avec droit de vote par l’actionnaire est notamment le cas des actions déposées dans une fiducie, ce qui suspend temporairement le droit de vote par le détenteur des actions. [15] En l’espèce, la preuve démontre que pendant la période en question, de 2007 à 2010, toutes les actions avec droit de vote émises par l’employeur, J.M. Cyr Sports inc., étaient détenues à parts égales par les appelants. Donc, légalement, chacun des appelants avait le contrôle de 50 % des actions avec droit de vote. [16] Selon les témoignages des appelants et monsieur Fernand Cyr, l’ultime décideur de la direction de la compagnie était, monsieur Fernand Cyr. Même si les appelants n’utilisaient jamais leur droit de vote contre le gré de leur père, il n’en demeure pas moins qu’il n’y avait aucune restriction sur le contrôle des actions avec droit de vote de la compagnie par les appelants. [17] Il faut également préciser qu’une détermination du contrôle des activités de la compagnie, y compris les finances, par Monsieur Fernand Cyr n’exclut pas une détermination que les appelants contrôlaient chacun 50 % des actions avec droit de vote de la compagnie pendant la période en question : il est tout à fait possible, voire même fréquent, qu’une compagnie soit gérée par un administrateur salarié qui ne jouit pas du contrôle des actions avec droit de vote de la société. [18] L’implication des deux frères dans la compagnie au niveau des achats de marchandises, l’embauche du personnel et leur autorité de signer des chèques au nom de la compagnie permet de constater qu’il était possible de gérer la compagnie par eux-mêmes sans tenir compte de l’opinion de leur père. [19] Les appelants, ainsi que monsieur Fernand Cyr, ont témoigné au fait qu’il n’a jamais été leur intention de rendre les appelants inadmissibles à l’assurance‑emploi, même s’ils voulaient procéder à la réorganisation du capital‑actions de la compagnie pour protéger l’investissement de Fernand Cyr et faciliter le bon roulement de la compagnie en cas d’« accident ». [20] Il est un principe bien établi que l’incidence fiscale découle de la manière dont le contribuable a structuré ses activités économiques. La Cour suprême du Canada a déjà statué sur cette question dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, 99 D.T.C. 5682, [1999] 3 R.C.S. 622: 39 Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l'opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci : Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n'a jamais statué que la réalité économique d'une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'oeil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables: Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache. [Je souligne] Ce principe, voulant que « les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale », s’applique également à la Loi sur l’assurance-emploi. Ce principe ne donne pas ouverture à la rétroactivité. En d’autres termes, le contribuable ne peut faire des corrections rétroactives en fonction du résultat obtenu à la suite d’une vérification à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur d’écriture. [21] Il s’agit là d’un principe tout à fait raisonnable et compréhensible étant donné que s’il en était autrement, tout intéressé pourrait amender, modifier toute situation produisant des conséquences fiscales non prévues et non désirées. [22] Une telle contrainte ne fait cependant pas échec à une situation où l’erreur est essentiellement cléricale et manifeste auquel cas il est possible de corriger sans conséquence de telles erreurs d’écritures. Il est aussi possible de faire des corrections, amendements lorsque les parties sont d’accord. De telles modifications, corrections ou amendements ne peuvent cependant pas avoir des effets quant au tiers dont évidement l’intimé, qui doit prendre en compte la situation juridique au moment où l’analyse est faite. [23] En l’espèce, il ne s’agit aucunement de ce genre d’erreur puisque le pourcentage d’actions avec droit de vote d’une compagnie est un aspect fondamental dans l’organisation d’une société. D’autre part, je rappelle que la planification et l’organisation ont été préparées par des personnes qualifiées. Pour ce qui est des corrections ou de la nouvelle répartition du capital-actions avec droit de vote, il s’agit là d’une structure non opposable à l’intimé. [24] En matière d’assurabilité; les parties à une entente, convention ou autre peuvent s’entendre pour rendre un changement rétroactif. Par contre, de tels changements ne sont pas opposables à l’endroit des tiers dont évidement l’intimé. [25] Pour toutes ces raisons, je confirme le bienfondé de la détermination qui a fait l’objet des appels en concluant que l’intimé a, à juste titre, pris en compte la réalité qui prévalait lors de l’analyse, au moment où les appelants détenaient chacun 50 % des actions avec droit de vote de la société. Détenant chacun 50 % des actions avec droit de vote, le travail des appelants effectué lors des périodes en litige devait être exclu des emplois assurables d’où les appels sont rejetés. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Alain Tardif » Juge Tardif Nº DE RÉFÉRENCE : 2012 CCI 170 Nºs DE DOSSIER DE LA COUR : 2010-2064(EI), 2010-3124(EI) et 2010‑3125(EI) INTITULÉ DE LA CAUSE : JEAN CYR et MICHEL CYR c. M.R.N. et J.M. CYR SPORTS INC. LIEU DE L’AUDIENCE : Îles-de-la-Madeleine (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 29 août 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L’honorable juge Alain Tardif DATE DU JUGEMENT : Le 29 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocat des appelants : Me Alain Brophy Avocate de l’intimé : Me Marie-France Dompierre Avocat de l’intervenante : Me Simon Delisle AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS : Pour les appelants : Nom : Me Alain Brophy Cabinet : Deveau Bourgeois et associés Laval (Québec) Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada Pour l’intervenante : Nom : Me Simon Delisle Cabinet : Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & associés Laval (Québec) [1] Sexton c. M.R.N., [1991] A.C.F. no 417, 132 N.R. 71, 1991.
2012 CCI 172
TCC
2,012
Parrotta c. Canada (Ressources humaines et Développement des compétences)
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2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30810/index.do
2022-09-04
Parrotta c. Canada (Ressources humaines et Développement des compétences) Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 172 Numéro de dossier 2011-2012(OAS) Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi sur la sécurité de la vieillesse Contenu de la décision Dossier : 2011-2012(OAS) ENTRE : RACHELE PARROTTA, appelante, et LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Domenico Parrotta (2011-2007(OAS)), le 21 mars 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Domenico Parrotta Avocate de l’intimé : Me Stéphanie Côté ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel que l’appelante a interjeté du calcul que l’intimé a effectué de son revenu pour les années de référence 2008 et 2009 ainsi que du calcul de son revenu conformément au paragraphe 14(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2012. Marie-Christine Gervais Dossier : 2011-2007(OAS) ENTRE : DOMENICO PARROTTA, appelant, et LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Rachele Parrotta (2011-2012(OAS)), le 21 mars 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimé : Me Stéphanie Côté ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel que l’appelant a interjeté du calcul que l’intimé a effectué de son revenu pour les années de référence 2008 et 2009 ainsi que du calcul de son revenu conformément au paragraphe 14(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse est rejeté sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI172 Date : 20120518 Dossiers : 2011-2012(OAS) 2011-2007(OAS) ENTRE : RACHELE PARROTTA et DOMENICO PARROTTA, appelants, et LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Paris [1] M. et Mme Parrotta interjettent appel du calcul de leur revenu combiné, utilisé aux fins de la détermination du montant de leur supplément de revenu garanti (le « SRG ») en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la « LSV ») pour les périodes de paiement allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 ainsi que du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011. [2] M. Parrotta agissait pour son propre compte ainsi que pour le compte de son épouse; il a été la seule personne à témoigner à l’audience. [3] Le SRG est basé sur le revenu du bénéficiaire, déterminé suivant la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour certaines périodes que je décrirai ci‑dessous. [4] La compétence de la Cour dans la présente affaire lui est conférée au paragraphe 28(2) de la LSV et est limitée à la détermination du revenu des appelants tiré d’une source particulière ou de sources précisées dans la LIR pour la période ou pour les périodes pertinentes. [5] Dans la plupart des cas, le SRG est basé sur le revenu du bénéficiaire pour l’année civile précédant la période du paiement de la prestation. La période du paiement de la prestation commence le 1er juillet et se termine le 30 juin de l’année suivante. L’année civile précédant la période de paiement de la prestation est désignée sous le nom d’« année de référence ». En vertu de la LSV, les personnes qui présentent une demande en vue d’obtenir le SRG doivent fournir une déclaration de revenus pour l’année de référence se rapportant à chaque période de paiement de la prestation. [6] La LSV prévoit également le cas dans lequel on s’attend à ce que le revenu du demandeur baisse après l’année de référence à cause de la perte du revenu tiré d’une entreprise, d’un emploi ou d’une charge ou à cause d’une réduction du revenu perçu au titre d’un régime de pension. Selon ces dispositions, la prestation peut être basée sur le revenu réduit actuel du demandeur plutôt que sur le revenu de l’année de référence. Le demandeur qui subit une réduction du revenu tiré d’une charge, d’un emploi ou d’une entreprise ou du revenu perçu au titre d’un régime de pension peut présenter une déclaration supplémentaire de revenus au cours d’une période de paiement. Le ministre calcule ensuite à nouveau le revenu du demandeur conformément aux paragraphes 14(2) à (6) de la LSV. Généralement, le nouveau calcul comprend les montants suivants : – le revenu que le demandeur perçoit au titre d’un régime de pension pour l’année en cours; – le revenu que le demandeur tire d’une charge ou d’un emploi pour l’année en cours; – le revenu que le demandeur tire de toutes les autres sources pour l’année de référence. [7] La disposition pertinente aux fins de la présente affaire figure au paragraphe 14(2), qui est libellé ainsi : […] 14(2) Déclaration supplémentaire – Le demandeur – ou son époux ou conjoint de fait, dans le cas où celui-ci produit la déclaration visée à l’alinéa 15(2)a) – peut produire une seconde déclaration s’il a cessé une activité rémunérée – charge, emploi ou exploitation d’une entreprise – pendant la période de paiement en cours. La seconde déclaration est à produire au plus tard à la fin de la deuxième période de paiement suivant la période de paiement en cours et indique le revenu estimatif pour l’année civile au cours de laquelle se produit la cessation, lequel correspond alors au total des éléments suivants : a) le produit de son revenu perçu au titre de tout régime de pension au cours de la partie de l’année civile qui suit le mois de la cessation et de la fraction dont le numérateur est douze et le dénominateur le nombre de mois compris dans cette partie d’année; b) son revenu perçu au titre de toute activité rémunérée pour cette année civile, compte non tenu du revenu perçu au titre de l’activité qu’il a cessé d’exercer; c) son revenu pour l’année de référence, compte non tenu du revenu perçu au cours de celle-ci au titre de toute activité rémunérée ou de tout régime de pension. [8] Dans ce cas‑ci, M. et Mme Parrotta ont disposé, en 2009, d’un bien locatif qui leur appartenait conjointement. M. Parrotta a également cessé d’exploiter une entreprise en 2009. Les époux ont ensuite produit des déclarations supplémentaires de revenus pour les années 2009 et 2010 et ils s’attendaient à ce que les prestations versées au titre du SRG augmentent à cause de la perte de ces sources de revenus. [9] Étant donné que les dispositions pertinentes de la LSV ne permettent pas un nouveau calcul du revenu basé sur une réduction d’un revenu de location, le ministre a uniquement tenu compte de la perte du revenu d’entreprise subie par M. Parrotta. Toutefois, M. Parrotta avait subi une perte d’entreprise en 2008, laquelle a été éliminée du revenu calculé à nouveau, de sorte que le revenu calculé à nouveau était plus élevé que le revenu de M. Parrotta pour l’année de référence. Le nouveau calcul concernant l’année 2010 a également entraîné, dans le cas de M. Parrotta, une augmentation de son revenu par rapport à celui de l’année de référence, et ce, pour la même raison : M. Parrotta avait déclaré une perte d’entreprise en 2009. Étant donné que cela était plus avantageux pour les Parrotta, le ministre a continué à calculer les prestations au titre du SRG en tenant compte de leur revenu combiné au cours de chacune des années de référence 2008 et 2009. [10] Les calculs du ministre sont décrits ci‑dessous : [traduction] Revenu combiné de M. et de Mme Parrotta pour l’année de référence 2008 : Revenu perçu au titre du Régime de pensions du Canada 8 562,00 $ Revenu de location 1 305,00 $ Entreprise (travailleur autonome) (5 003,00 $) Revenu de M. Parrotta pour l’année 2008 4 864,00 $ Revenu de Mme Parrotta en 2008 3 081,00 $ Revenu combiné total pour l’année 2008 : 7 945,00 $ Nouveau calcul de leur revenu combiné pour l’année 2009 sans la perte d’entreprise : Revenu perçu au titre du Régime de pensions du Canada pour l’année 2009 8 777,04 $ Revenu de l’année de référence 2008 (autre que le revenu tiré d’une entreprise, d’une charge ou d’un emploi ou le revenu perçu au titre d’un régime de pension) Revenu de location 1 305,00 $ Revenu total de M. Parrotta calculé à nouveau 10 082,04 $ Revenu de Mme Parrotta pour l’année 2008 3 081,00 $ Revenu combiné total pour l’année 2008 13 163,04 $ Revenu combiné de M. et de Mme Parrotta pour l’année de référence 2009 : Revenu perçu au titre du Régime de pensions du Canada 8 777,04 $ Dividendes; gains en capital 5 373,00 $ Revenu de location 5 581,00 $ Entreprise (travailleur autonome) (5 888,00 $) Revenu total de M. Parrotta pour l’année 2009 13 843,04 $ Revenu de Mme Parrotta pour l’année 2009 12 774,00 $ Revenu combiné total pour l’année 2009 26 617,04 $ Nouveau calcul de leur revenu combiné sans la perte d’entreprise : Revenu perçu au titre du Régime de pensions du Canada pour l’année 2010 8 812,20 $ Revenu de l’année de référence 2009 (autre que le revenu tiré d’une entreprise, d’une charge ou d’un emploi ou le revenu perçu au titre d’un régime de pension) Dividendes; gains en capital 5 373,00 $ Revenu de location 5 581,00 $ Revenu total de M. Parrotta calculé à nouveau 19 776,20 $ Revenu de Mme Parrotta pour l’année 2009 12 774,00 $ Revenu combiné total calculé à nouveau 35 540,20 $ [11] M. Parrotta a admis que les montants utilisés par le ministre dans ces calculs étaient exacts, mais il ne souscrivait pas à l’inclusion du revenu de location dans le nouveau calcul du revenu pour l’année 2010. Il estimait qu’étant donné qu’aucun revenu de location n’avait été gagné par les époux en 2010, ce revenu ne devait pas être inclus dans le nouveau calcul. [12] Toutefois, le ministre était clairement tenu d’inclure le revenu de location suivant l’alinéa 14(2)c) de la LSV étant donné qu’il s’agissait du revenu de location gagné au cours de l’année de référence 2009, jusqu’au moment de la disposition du bien. [13] À un moment donné, M. Parrotta a affirmé que la disposition du bien locatif, en 2009, n’avait entraîné aucun gain en capital pour son épouse et lui-même parce qu’ils avaient transféré le bien à leurs enfants. Toutefois, il a admis qu’ils avaient déclaré le gain tiré de la disposition dans leurs déclarations de revenus de l’année 2009 et qu’ils n’avaient pas contesté les cotisations d’impôt dans lesquelles le gain était inclus dans leur revenu pour l’année d’imposition 2009. En outre, aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour en vue d’établir que le gain avait été déclaré d’une façon erronée. Par conséquent, il n’a pas été démontré que la détermination du revenu combiné pour les années de référence 2008 et 2009 était inexacte et les appels sont donc rejetés. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI172 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-2012(OAS), 2011-2007(OAS) INTITULÉ : RACHELE PARROTTA, DOMENICO PARROTTA c. M.R.H.D.C. LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour les appelants : Les appelants eux-mêmes Avocate de l’intimé : Me Stéphanie Côté AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 173
TCC
2,012
Global Cash Access (Canada) Inc. c. La Reine
fr
2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30808/index.do
2022-09-04
Global Cash Access (Canada) Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 173 Numéro de dossier 2008-922(GST)G Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2008-922(GST)G ENTRE : GLOBAL CASH ACCESS (CANADA) INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu du 28 au 30 septembre et les 6 et 8 décembre 2011, à Toronto (Ontario). Devant : L'honorable juge Judith Woods Comparutions : Avocats de l'appelante : Me Dalton J. Albrecht Me David W. Chodikoff Me Rahul Sharma M. David Carter (stagiaire) Avocates de l'intimée : Me Marilyn Vardy Me Annie Paré Me Sharon Lee ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel d'une cotisation établie au titre de la Loi sur la taxe d'accise est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, pour le motif que 25 p. 100 de la taxe sur les produits et services payée par l'appelante à l'égard de frais versés à des casinos, à Windsor et à Niagara Falls, a été payé par erreur. Les dépens sont adjugés à l'intimée. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 5e jour d'octobre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 173 Date : 20120518 Dossier : 2008-922(GST)G ENTRE : GLOBAL CASH ACCESS (CANADA) INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Woods I. Introduction [1] Global Cash Access (Canada) Inc. (« Global ») fournit aux clients de casinos un service leur permettant d'utiliser des cartes de crédit Visa ou Mastercard afin d'obtenir de l'argent pour des activités de jeu. Le service est appelé [TRADUCTION] « service d'accès à des fonds » ou [TRADUCTION] « transaction en quasi‑espèces ». [2] Les clients versent des frais à Global pour le service (les « frais de Global »). Global de son côté verse des frais aux casinos pour faciliter le service (les « frais des casinos »). [3] Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi ») concernant la taxe sur les produits et services (la « TPS ») exigée sur les frais des casinos. La question est de savoir si ces frais constituent une contrepartie pour un service financier exonéré fourni par les casinos. [4] Le montant total de la TPS en litige, qui s'élève à 2 155 507,85 $, se rapporte à des transactions effectuées au cours de la période allant de l'année 1996 à l'année 2004 inclusivement, à des casinos situés dans deux villes de l'Ontario, soit à Windsor et à Niagara Falls. [5] Les casinos seront désignés comme étant le « casino de Niagara Falls » et le « casino de Windsor », et collectivement les « casinos ». Pour plus de simplicité, les mêmes termes seront employés pour décrire la Société des casinos de l'Ontario, qui exploite les casinos. [6] L'appel se rapporte à une cotisation dont Global a fait l'objet, mais le ministre avait initialement établi une cotisation à l'égard des casinos pour le motif qu'ils auraient dû percevoir la TPS de Global. Les casinos ont payé le montant des cotisations et Global les a remboursés. [7] Global a ensuite présenté une demande de remboursement pour le motif que la TPS avait été payée par erreur. En réponse, le ministre a établi à l'égard de Global une cotisation par laquelle la demande de remboursement était refusée. Le présent appel porte sur cette cotisation. [8] Je suppose que Global ne se serait pas opposée à la cotisation si elle avait eu droit à des crédits de taxe sur les intrants. Toutefois, le service d'accès à des fonds que Global fournit est un service financier, ce qui ne permet pas à Global d'être admissible à des crédits de taxe sur les intrants. II. Le contexte factuel [9] À l'audience, des témoignages ont été présentés pour le compte de Global par Darren Simmons, vice‑président principal du développement international de la société mère de Global, et par Christopher Vavricka, conseiller en affaires qui possède énormément d'expérience en ce qui concerne les opérations effectuées par cartes de crédit. L'intimée a cité deux employés des casinos : Victoria Vasiladis, chef de caisse au casino de Windsor, et Greg Yott, directeur de la cage et de la caisse au casino de Niagara Falls. A. La description de l'entreprise de Global [10] Global est une filiale canadienne d'une société américaine qui est un gros fournisseur de services d'accès à des fonds dans les casinos, en Amérique du Nord. [11] Par suite d'acquisitions d'entreprises mettant en cause la société mère de Global, la dénomination sociale de Global a été changée à deux reprises au cours de la période en question. Les anciens noms, Cashcall Systems Inc. et First Data Financial Services Canada Inc., figurent dans certaines pièces. [12] Comme il en a ci‑dessus été fait mention, l'entreprise de Global permet aux clients des casinos d'utiliser leurs cartes de crédit afin d'obtenir de l'argent. Global traite avec les associations de cartes de crédit Visa et Mastercard et est un marchand en vertu des règles de ces associations. En sa qualité de marchand, Global « vend » des chèques aux clients, qui les échangent ensuite contre de l'argent. Les clients peuvent obtenir de l'argent jusqu'à la limite de leurs cartes, laquelle est habituellement beaucoup plus élevée que le montant disponible pour une avance en argent obtenue au moyen d'un guichet automatique. [13] Du point de vue des clients, l'opération est semblable à une opération normale effectuée par carte de crédit aux fins de l'achat de marchandises, sauf que des frais sont exigés. Le processus est fortement automatisé et les autorisations des banques émettrices des cartes sont obtenues rapidement. [14] Du point de vue des banques émettrices de cartes, les opérations font l'objet d'un examen plus minutieux que dans le cas d'une opération habituelle effectuée par carte de crédit. Global est en mesure de satisfaire aux exigences des banques au moyen d'une combinaison de technologies complexes, d'une infrastructure relativement importante et d'une multitude de relations d'affaires. [15] Global a conclu avec les casinos des ententes qui lui permettent de conserver du matériel dans leurs locaux et d'obtenir de l'aide de leur personnel. Les employés de Global ne sont qu'occasionnellement sur les lieux, par exemple lorsqu'ils s'occupent du matériel de Global et lorsqu'ils forment les employés des casinos en ce qui concerne le processus de transaction. [16] Habituellement, le client effectue l'opération à l'un des divers kiosques automatiques appartenant à Global, lesquels sont situés sur le plancher du casino. Chaque kiosque comporte un petit dispositif de point de vente permettant de lire la carte de crédit du client; ce dispositif est semblable, quant à l'apparence, aux lecteurs de cartes de crédit situés dans les établissements de détail. Le kiosque est également doté d'un combiné téléphonique appartenant à Global qui assure une liaison directe avec les employés hors site de Global. Les enseignes des kiosques indiquent « Visa » ou « Mastercard ». [17] La première étape exige que le client glisse une carte de crédit dans le dispositif de point de vente. Le client suit une série de messages‑guides figurant sur le dispositif; il demande un certain montant et il autorise les frais de Global. La banque émettrice de la carte peut ensuite autoriser ou refuser la demande. La banque peut également parler au client à l'aide du téléphone de Global dont le kiosque est doté à cette fin. [18] Si l'opération est autorisée, on demande au client de se rendre à l'une des cages des caisses du casino afin d'achever l'opération. Les cages des caisses servent à de nombreuses opérations financières effectuées par les casinos, comme des opérations de change et l'encaissement des jetons. [19] Au lieu d'utiliser le kiosque, le client peut effectuer une opération directement à la cage de caisse. On a expliqué que les usagers habituels du service peuvent sauter l'étape du kiosque et s'adresser directement aux caissiers. [20] Les casinos ont le droit de limiter le nombre de kiosques sur le plancher, et ils ont le droit d'indiquer l'emplacement des kiosques. À un moment donné, le casino de Niagara Falls a exigé qu'on enlève les kiosques, de sorte que les clients devaient effectuer les opérations à la cage de caisse. [21] Les cages des caisses sont également dotées d'un matériel appartenant à Global. Ce matériel est composé d'un autre terminal semblable à celui qui se trouve dans les kiosques, d'une imprimante et de stocks de formulaires de chèques. [22] Une fois que la banque émettrice de la carte a autorisé l'opération, le caissier doit suivre un processus précis de transaction, et notamment obtenir des renseignements de vérification et une autorisation écrite du client à l'égard de l'opération. Le processus de transaction comporte également l'impression d'un chèque émis par Global en faveur du casino. Une fois le processus de transaction achevé, le caissier négocie le chèque et remet l'argent (ou les jetons) au client. Les casinos déposent ensuite les chèques dans leurs comptes de banque. [23] Le règlement de la transaction a lieu quelques jours plus tard. En général, la banque émettrice de la carte remet à Global le montant de l'avance en argent et les frais de Global y afférents. Global compense ensuite le chèque déposé par le casino. Global paie les frais des casinos séparément quelques semaines plus tard. [24] En effectuant l'opération, le client a en fait reçu une avance en argent de la banque émettrice de la carte. L'avance correspond au montant que le client a reçu et aux frais de Global. [25] Les frais de Global sont relativement élevés. Le client paie environ 17 $ pour une transaction de 100 $. Les frais globaux des casinos représentent environ 50 p. 100 de l'ensemble des frais de Global. [26] Les casinos encourent un certain risque financier en raison des opérations. En plus du risque de l'insolvabilité de Global, les casinos sont exposés à un risque s'ils ne suivent pas le processus de transaction approprié ou s'ils ne déposent pas tous les chèques dans leurs comptes de banque. Si une opération effectuée par carte de crédit est annulée à cause d'un différend avec un client, les casinos pourraient avoir à assumer la perte si le caissier ne s'était pas strictement conformé au processus de transaction. Les pertes réelles subies par les casinos étaient minimes. B. Les ententes conclues entre Global et les casinos [27] Les dispositions que Global prenait avec les casinos étaient régies par des ententes écrites. Quatre ententes principales sont ici en cause : deux ententes conclues avec le casino de Windsor, en vigueur en 1995 et en 1999, et deux ententes avec le casino de Niagara Falls, en vigueur en 1996 et en l'an 2000. (1) Les ententes conclues en 1995, en 1996 et en 1999 [28] Les deux ententes conclues avec le casino de Windsor et l'entente de 1996 conclue avec le casino de Niagara Falls sont fort similaires. Certaines des dispositions clés de l'entente de 1996 conclue avec le casino de Niagara Falls sont reproduites ci‑dessous : [TRADUCTION] ATTENDU que Cashcall exploite un service d'accès à des fonds par lequel le titulaire d'une carte de crédit approuvée (le « titulaire ») peut obtenir des fonds au moyen de l'achat et de la négociation d'un effet de paiement, sous réserve de la limite de crédit disponible pour le titulaire, de l'autorisation appropriée de la transaction, du paiement des frais applicables et des procédures de sécurité internes de Cashcall (les « services d'accès à des fonds »); ATTENDU que Cashcall et le centre de services veulent conclure une entente par laquelle Cashcall deviendra un fournisseur de services d'accès à des fonds au centre de services; PAR CONSÉQUENT, en contrepartie des engagements réciproques énoncés dans la présente entente et moyennant d'autres contreparties valables reçues, Cashcall et le centre de services s'entendent sur les dispositions suivantes : 1. Statut du fournisseur. Cashcall aura le droit d'être le fournisseur exclusif des services d'accès à des fonds dans les locaux du centre de services pendant la durée de la présente entente. Cashcall reconnaît que le centre de services acceptera les cartes de crédit en utilisant les dispositifs des points de vente. 2. Entretien du matériel et fournitures. Le matériel nécessaire à l'utilisation du service d'accès à des fonds de Cashcall appartient et continuera à appartenir à Cashcall. Cashcall fournira et installera le matériel et assurera son entretien. Le centre de services installera à ses frais toutes les lignes téléphoniques nécessaires à l'utilisation du service d'accès à des fonds de Cashcall et se chargera de leur entretien. Cashcall fournira à ses frais toutes les fournitures nécessaires aux fins de l'utilisation de ce matériel, y compris les effets de paiement de Cashcall. 3. Processus de transaction. Les parties conviennent que le processus à suivre aux fins de la conclusion d'une transaction se rattachant au service d'accès à des fonds de Cashcall et de l'émission de l'effet de paiement sera le suivant : i. Si la carte de crédit comporte une date de validité inscrite en relief, la date de la transaction ne peut pas être antérieure à la date de validité. ii. La date de la transaction ne peut pas être postérieure à la date d'expiration inscrite en relief sur la carte de crédit. iii. Un code d'autorisation valide doit être obtenu de Cashcall, électroniquement ou manuellement (oralement). iv. Le recto de l'effet de paiement doit être rempli (manuellement ou électroniquement). v. Le titulaire doit apposer ses initiales à côté des frais de Cashcall, au recto de l'effet de paiement, en vue de reconnaître que des frais seront exigés en plus des fonds auxquels il a accès. vi. L'employé du centre de services doit inscrire les renseignements d'identification appropriés ainsi que l'adresse et le numéro de téléphone du titulaire et le numéro d'identification bancaire de la banque émettrice de la carte de crédit sur l'effet de paiement, dans les espaces réservés à cette fin. vii. Le titulaire doit apposer sa signature dans l'espace prévu à cette fin au verso de l'effet de paiement, et la signature doit correspondre à celle qui figure sur la carte de crédit. viii. L'empreinte de la carte de crédit doit apparaître sur l'effet de paiement et cette empreinte doit être lisible. [...] 10. Paiements de commissions. Cashcall versera pour chaque transaction une commission au centre de services, conformément à la pièce jointe A, pour chaque transaction permettant l'accès à des fonds de Cashcall effectuée au cours de la durée de la présente entente. Ces paiements seront effectués au cours du mois suivant celui pendant lequel la transaction aura été effectuée, à compter de la fin du mois suivant immédiatement la date de prise d'effet de la présente entente. Tous les paiements de commissions au centre de services régis par la présente entente seront effectués en dollars canadiens. (2) L'entente conclue en l'an 2000 [29] L'entente conclue avec le casino de Niagara Falls en l'an 2000 est sensiblement différente des autres ententes. Selon cette entente, le casino de Niagara Falls a le droit principal de déterminer le montant des frais à exiger du client, c'est‑à‑dire les frais de Global. [30] L'entente est également ambiguë. En particulier, une clause prévoit les frais que Global doit verser au casino, alors qu'une autre clause prévoit les frais que le casino doit verser à Global. Les deux clauses indiquent des structures de frais différentes; les parties à l'entente doivent choisir l'une d'elles. Dans ce cas‑ci, les parties ont choisi la structure de frais selon laquelle le casino de Niagara Falls doit effectuer un paiement à Global. Les structures de frais différentes ne sont pas très sensées, puisque la fourniture, en vertu de l'entente, est la même. [31] Si c'est le casino de Niagara Falls qui paie les frais, comme l'indique l'entente, l'appel interjeté par Global devrait être accueilli en ce qui concerne cette entente, parce que Global n'a pas payé une fourniture effectuée par le casino de Niagara Falls. C'est plutôt le casino de Niagara Falls qui a payé une fourniture effectuée par Global. [32] Cette interprétation semble favoriser Global dans le présent appel, mais Global ne l'a pas préconisée et, à l'audience, aucune des deux parties n'a expressément mis l'accent sur cette interprétation. La Cour a ensuite demandé aux parties de fournir des observations écrites. [33] Dans leurs observations, les deux parties ont soutenu que l'entente doit avoir le même effet que les ententes antérieures, c'est‑à‑dire que Global paie des frais au casino de Niagara Falls pour une fourniture effectuée par le casino de Niagara Falls. En fait, les deux parties affirment que le mécanisme de paiement énoncé dans l'entente ne veut pas dire ce qui est stipulé. [34] J'ai examiné la preuve dans son ensemble et je reconnais que l'entente comporte une erreur lorsqu'elle prévoit que le casino de Niagara Falls doit verser des frais à Global. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le fait que l'entente prévoit des mécanismes de paiement différents allant dans les deux sens n'est pas très sensé. [35] Je reconnais donc qu'en vertu de l'entente, le casino de Niagara Falls a reçu des frais pour une fourniture effectuée en faveur de Global. Cela est conforme à la position que les deux parties ont prise. III. Le régime légal [36] Les dispositions légales pertinentes sont reproduites à l'annexe. [37] Conformément au paragraphe 165(1) de la Loi, l'acquéreur d'une fourniture taxable doit payer la TPS, qui est calculée sur la valeur de la contrepartie de la fourniture. [38] La fourniture d'un « service financier », tel que cette expression est définie, est une fourniture exonérée et n'est pas taxable (annexe V, partie VII). [39] La définition du terme « service financier » est complexe (article 123 de la Loi et le Règlement sur les services financiers). Au risque de trop simplifier les choses, voici quelques aspects saillants de la Loi : (i) un service financier inclut le paiement ou le transfert d'argent, sauf le paiement d'argent en contrepartie de la fourniture d'un bien autre qu'un effet financier (alinéas a) et n) de la définition de « service financier »); (ii) un service financier inclut l'émission d'un effet financier (alinéa d) de la définition de « service financier »); (iii) un service financier inclut la prise de mesures en vue d'effectuer un service financier (alinéa l) de la définition de « service financier »); (iv) un service financier exclut certains services qui sont rendus conjointement avec un service financier, comme la collecte ou la communication de renseignements, l'établissement ou le traitement de documents, et l'assistance à la clientèle (alinéa r.4) de la définition de « service financier »); (v) un service financier exclut un bien mis à la disposition d'une personne conjointement avec la prestation par celle‑ci d'un service financier (alinéa r.5) de la définition de « service financier »); (vi) un service financier exclut un service administratif, sauf si le fournisseur de service est à risque (alinéa t) de la définition de « service financier » et paragraphe 4(3) du Règlement). [40] Il convient également de mentionner les principes que les tribunaux ont adoptés au sujet d'une fourniture unique, par opposition à des fournitures multiples. Les principes que le juge Rip (tel était alors son titre) a décrits dans la décision O. A. Brown Ltd. c. La Reine, [1995] A.C.I. no 678 (QL), no 94‑435(GST)I, 10 juillet 1995 (CCI), ont récemment été confirmés par la Cour suprême du Canada : Calgary (Ville) c. Canada, 2012 CSC 20, au par. 32. Le critère est « de savoir si, au fond et en réalité, la [prétendue] fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale » (par. 35). En outre, « il faudrait se demander dans quelle mesure les services qui constitueraient une fourniture unique sont liés les uns aux autres, quelle est l'étendue de leur interdépendance et de leur enchevêtrement, et si chaque service fait partie intégrante d'un ensemble [composite] » (par. 36). [41] La Loi prévoit également des règles spéciales applicables à des fournitures multiples pour une contrepartie unique. [42] Il n'est pas tenu compte d'une fourniture qui est accessoire à une fourniture principale pour les besoins de la TPS. L'article 138 de la Loi prévoit que, lorsqu'il y a des fournitures multiples pour une contrepartie unique, une fourniture accessoire est réputée faire partie de la fourniture principale. Les principes à appliquer pour arriver à cette détermination ont récemment été décrits dans l'arrêt 9056-2059 Québec Inc. c. Canada, 2011 CAF 296, [2012] 1 R.C.F. F‑3, au par. 34 : [...] l'article 138 s'entend d'un élément secondaire au sens de mineur ou non essentiel. Ne suffit pas pour que la seconde condition soit remplie que la fourniture ou le service soit secondaire, faut‑il encore que cette fourniture ou service soit minime par rapport à l'activité principale. [...] [43] L'article 139 de la Loi traite des cas dans lesquels un service financier est fourni avec un service non financier pour une contrepartie unique. En général, si la partie de la contrepartie se rapportant au service financier représente plus de 50 p. 100 de la contrepartie totale, la contrepartie est entièrement exonérée de la TPS pour le motif que tous les services sont réputés être des services financiers. IV. Aperçu des thèses des parties [44] Global soutient que les casinos n'ont effectué qu'une seule fourniture et qu'il s'agit d'un service financier. [45] Global a décrit la fourniture comme étant composée de deux parties, la prise de mesures en vue de l'émission de chèques par Global et l'encaissement des chèques. Il est soutenu que chaque partie est visée par la définition du terme « service financier ». La prise de mesures en vue de l'émission de chèques est un service financier au sens de l'alinéa l) de la définition du terme. L'encaissement des chèques est un service financier en vertu de l'alinéa a) ou de l'alinéa d). Étant donné que chaque partie est décrite dans la Loi comme étant un service financier, la fourniture unique composée l'est également. [46] Le principal argument invoqué par Global est qu'il s'agit d'une fourniture unique, mais Global affirme subsidiairement que s'il y a deux fournitures, chacune est un service financier. [47] La thèse de l'intimée va complètement à l'encontre de celle de Global, c'est‑à‑dire que les casinos ne fournissaient pas de services financiers à Global. L'intimée affirme qu'il y a eu un ensemble de fournitures, ces fournitures étant toutes exclues des services financiers en vertu des alinéas r.4), r.5) et t) de la définition de ce terme. [48] Dans son argumentation, l'intimée reconnaît que l'encaissement d'un chèque peut être considéré comme un service financier. Toutefois, l'intimée affirme que l'encaissement des chèques était un service fourni directement aux clients, et non à Global. Elle soutient que ce service faisait partie des services financiers habituels des casinos qui étaient offerts aux clients sans contrepartie. V. Analyse [49] Pour les besoins du présent appel, il faut examiner la façon dont un ensemble de fournitures doit être caractérisé dans le contexte de la définition du terme « service financier ». Comme il en a ci‑dessus été fait mention, une partie soutient que toutes les fournitures sont des services financiers, alors que l'autre affirme qu'aucune de ces fournitures ne l'est. J'ai conclu que l'approche à adopter se situait entre les deux. [50] À mon avis, parmi l'ensemble de fournitures effectuées par les casinos, certaines sont des services financiers, alors que d'autres n'en sont pas. L'élément « service financier » est l'encaissement des chèques, qui est admissible en vertu de l'alinéa a) de la définition du terme « service financier ». Les alinéas r.4) et r.5) excluent le reste des fournitures. [51] Étant donné que la fourniture est une combinaison de services financiers et de services non financiers, il faut examiner la question de la répartition. Étant donné que les deux parties ont décidé de prendre uniquement des positions « tout ou rien », ni l'une ni l'autre n'a soumis des observations détaillées au sujet de la question de la répartition. [52] L'analyse effectuée ci‑dessous a été organisée sous les titres suivants : A. Quelle fourniture (ou quelles fournitures) les casinos effectuaient‑ils? B. La fourniture est‑elle un service financier au sens de l'un ou l'autre des alinéas a) à m) de la définition de ce terme? C. La fourniture est-elle exclue des services financiers au sens de l'un ou l'autre des alinéas r.4), r.5) ou t)? D. Si certains éléments de la fourniture sont des services financiers alors que d'autres n'en sont pas, de quelle façon la contrepartie devrait‑elle être répartie? A. Quelle fourniture (ou quelles fournitures) les casinos effectuaient‑ils? [53] Dans cette section, j'examinerai la nature de la fourniture. Il s'agit de savoir ce que les casinos fournissaient en échange des frais des casinos qu'ils exigeaient. [54] Les ententes écrites sont cruciales dans cette analyse. Selon une condition clé de toutes les ententes, Global est le fournisseur exclusif des services d'accès à des fonds dans les locaux des casinos. Les trois ententes les plus anciennes prévoient que Global a le [TRADUCTION] « droit » d'être le fournisseur exclusif. La dernière entente prévoit que Global [TRADUCTION] « sera » le fournisseur exclusif. [55] Les attendus des ententes, ainsi que les modalités des ententes, donnent à penser que cette modalité décrit une fourniture essentielle en vertu des ententes. Par contre, M. Simmons a témoigné qu'il ne s'agissait pas d'une condition importante. [56] En ce qui concerne le témoignage de M. Simmons sur ce point, j'aimerais faire remarquer qu'il n'est pas un témoin désintéressé et qu'il n'a pas donné de raisons satisfaisantes pour dire que cette condition n'était pas importante. Je n'ai pas jugé son témoignage convaincant. [57] Toutefois, je retiens le témoignage de M. Simmons lorsqu'il a déclaré que l'octroi de l'exclusivité n'était pas une condition clé, parce qu'à ce moment‑là, Global avait peu de concurrents. [58] Un aspect essentiel des ententes est donc que les casinos autorisaient Global à exploiter son entreprise dans leurs locaux. Cela semble décrire un rôle passif pour les casinos, mais cela ne décrit pas la relation avec exactitude. Les casinos étaient passifs du fait qu'ils permettaient que des kiosques soient installés dans leurs locaux, mais ils étaient également actifs en ce qui concerne les activités menées aux cages des caisses. [59] L'intimée affirme que les services des caissiers ne faisaient pas tous partie de la fourniture que les casinos effectuaient en faveur de Global. Elle affirme que l'encaissement des chèques ne faisait pas partie de la fourniture, parce que les casinos fournissaient souvent des services financiers aux clients, sans frais. [60] La preuve sur ce point n'est pas aussi claire que je l'aurais voulu. Somme toute, j'ai conclu que l'encaissement des chèques de Global faisait partie de la fourniture que les casinos effectuaient en faveur de Global. [61] Trois ententes définissent le service de Global comme étant un service permettant aux clients d'obtenir de l'argent ou des fonds, ce qui donne à penser que le service que Global fournissait aux clients ne consistait pas uniquement à émettre des chèques. Le service comprenait la fourniture d'argent. [62] La quatrième entente, soit l'entente conclue en 1996 avec le casino de Niagara Falls, décrit le service fourni par Global comme étant [TRADUCTION] « l'accès à des fonds ou à des avances équivalant à des espèces » selon la définition figurant dans les règlements des associations de cartes de crédit. Les règlements n'ont pas été produits en preuve. En l'absence d'autres éléments de preuve, je conclus que cette entente doit être interprétée de la même façon que les autres, c'est‑à‑dire que la fourniture inclut l'encaissement de chèques. [63] Par conséquent, l'ensemble de fournitures effectuées par les casinos comporte trois principaux aspects : 1) permettre que des kiosques soient installés dans les locaux; (2) fournir des services de soutien aux cages des caisses, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients; (3) encaisser les chèques de Global. B. Les fournitures sont‑elles des services financiers visés par l'un ou l'autre des alinéas a) à m) de la définition de ce terme? [64] Il s'agit ensuite de savoir si les fournitures effectuées par les casinos sont décrites à l'un ou l'autre des alinéas a) à m) de la définition du terme « service financier ». [65] Global soutient que les alinéas a), d) et l) s'appliquent tous. Elle affirme que la prise de mesures en vue de l'émission de chèques est visée par l'alinéa l), et que l'encaissement de chèques est visé par l'alinéa a) ou par l'alinéa d). [66] Je souscris à ces arguments. [67] J'examinerai d'abord les activités des casinos à l'égard de l'émission de chèques. Cela comporte le fait de permettre que des kiosques soient installés dans les locaux et la fourniture de services de soutien aux cages des caisses, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients. [68] L'alinéa l) de la définition du terme « service financier » est ainsi libellé : l) le fait de consentir à effectuer, ou de prendre les mesures en vue d'effectuer, un service qui, à la fois : (i) est visé à l'un des alinéas a) à i), (ii) n'est pas visé aux alinéas n) à t); [Non souligné dans l'original.] [69] L'intimée affirme que les actions des casinos étaient trop passives pour qu'il soit possible de les décrire comme constituant le fait de « prendre les mesures en vue ». À mon avis, cette interprétation est trop stricte et n'est pas étayée par le contexte ou par l'objet de la loi. [70] L'expression « prendre des mesures » dans ce contexte a été interprétée d'une façon libérale comme étant « planifier ou prévoir; faire en sorte qu'une chose se produise » : La Banque Royale du Canada c. La Reine, 2005 CCI 802, au par. 15. [71] Une interprétation libérale est également étayée par la politique administrative de l'Agence du revenu du Canada au cours de la période en question. Le passage pertinent de la politique P‑239 (abrogée depuis lors), qui était en vigueur au cours d'une partie de la période pertinente, est reproduit ci‑dessous : · l'intermédiaire aidera le fournisseur ou l'acquéreur, ou les deux, relativement à la fourniture d'un service financier; · le fournisseur et/ou l'acquéreur compte sur un intermédiaire (ou plusieurs) pour obtenir de l'aide au cours de la fourniture d'un service financier; · l'intermédiaire est directement engagé dans le processus de fourniture d'un service financier et consacrera donc le temps et les efforts nécessaires pour effectuer la fourniture d'un service décrit aux alinéas a) à i) de la définition de service financier. [72] Les casinos sont directement engagés dans l'émission de chèques et s'occupent activement de le faire, puisqu'ils permettent l'installation de kiosques dans leurs locaux et qu'ils fournissent des services de soutien quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients. Par conséquent, les casinos « prennent les mesures » en vue de l'émission de chèques au sens de la politique précitée. La fourniture est visée par l'alinéa l). [73] J'examinerai maintenant le service d'encaissement des chèques de Global. [74] Global invoque la décision Elgin Mills Leslie Holdings Ltd. c. La Reine, no 98‑1950(GST)I, 4 février 2000, [2000] A.C.I. no 64 (QL) (CCI), dans laquelle il a été conclu qu'un service d'encaissement de chèques était visé par les alinéas a) et d) de la définition du terme « service financier ». Ces dispositions sont ainsi libellées : a) L'échange, le paiement, l'émission, la réception ou le transfert d'argent, réalisé au moyen d'échange de monnaie, d'opération de crédit ou de débit d'un compte ou autrement; [...] d) l'émission, l'octroi, l'attribution, l'acceptation, l'endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier; [75] L'analyse qui a été effectuée dans la décision Elgin Mills est sans aucun doute pertinente, mais j'aimerais faire remarquer que les casinos ne s'occupaient pas d'encaissement de chèques au sens habituel du terme. Les seuls chèques qui sont fournis sont ceux de Global. De plus, les ententes prévoient que Global garantit le paiement des chèques, si le processus de transaction est respecté. Le rôle des casinos, lorsqu'il s'agit d'encaisser les chèques de Global, est semblable à celui d'un payeur. [76] Même si le rôle des casinos est semblable à celui d'un payeur, cette activité est visée par le libellé général des alinéas a) et d). La nature restreinte du rôle n'exclut pas l'activité de ces dispositions. C. Les fournitures sont‑elles exclues du terme « service financier » en vertu de l'un ou l'autre des alinéas r.4), r.5) ou t)? [77] La question suivante est de savoir si une partie quelconque de la fourniture est visée par les exclusions précises figurant dans la définition du terme « service financier ». J'examinerai séparément les activités en cause lorsqu'il s'agit de faciliter l'émission des chèques et l'encaissement des chèques. [78] Quant à la facilitation de l'émission des chèques, l'intimée affirme que ces activités sont exclues par les alinéas r.4), r.5) et t). Je souscris à cet argument en ce qui concerne les alinéas r.4) et r.5), mais non en ce qui concerne l'alinéa t). [79] En 2010, la définition du terme « service financier » a été modifiée rétroactivement en réponse aux décisions judiciaires. Les alinéas r.4) et r.5) faisaient partie de cette modification. Ils prévoient les exclusions suivantes : r.4) le service, sauf un service visé par règlement, qui est rendu en préparation de la prestation effective ou éventuelle d'un service visé à l'un des alinéas a) à i) et l), ou conjointement avec un tel service, et qui consiste en l'un des services suivants : (i) un service de collecte, de regroupement ou de communication de renseignements, (ii) un service d'étude de marché, de conception de produits, d'établissement ou de traitement de documents, d'assistance à la clientèle, de publicité ou de promotion ou un service semblable; r.5) un bien, sauf un effet financier ou un bien visé par règlement, qui est livré à une personne, ou mis à sa disposition, conjointement avec la prestation par celle‑ci d'un service visé à l'un des alinéas a) à i) et l); [80] À mon avis, les activités des casinos, lorsqu'il s'agissait de prendre des mesures en vue de l'émission des chèques de Global, étaient visées par ces deux dispositions. Cette fourniture a deux parties principales : (1) le fait de permettre l'installation de kiosques dans les locaux; (2) la fourniture de services de soutien aux cages des caisses, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients. [81] En permettant l'installation de kiosques dans les locaux des casinos, ceux‑ci effectuent une fourniture de biens au sens de l'alinéa r.5). Le terme « bien » est défini en des termes généraux au paragraphe 123(1). [82] En fournissant les services de soutien des caissiers, les casinos effectuent une fourniture décrite à l'alinéa r.4). Les services sont fournis conjointement avec l'émission de chèques, un service financier, et consistent principalement en la collecte et la communication de renseignements ainsi qu'en l'établissement et le traitement de documents. Les caissiers peuvent également fournir des services d'assistance à la clientèle. Toutes ces activités sont visées par l'alinéa r.4). [83] Je conclus donc que la fourniture effectuée par les casinos conjointement avec la prise de mesures en vue de l'émission de chèques est exclue des services financiers par suite des alinéas r.4) et r.5) combinés. [84] Compte tenu de cette conclusion, je n'ai pas à examiner la question de l'exclusion des services administratifs figurant à l'alinéa t). Je tiens à faire remarquer brièvement que cette disposition ne s'applique pas, parce que les casinos sont à risque en effectuant la fourniture. Le risque comporte tout au moins la prise en charge de la perte si une opération est annulée par la banque émettrice de la carte et si le casino n'a pas respecté le processus de transaction requis. [85] Quant au service d'encaissement des chèques de Global, je conclus qu'aucune des exclusions ne s'applique à ce service. Plus précisément, l'encaissement de chèques n'est pas visé par les alinéas r.4) ou r.5). Quant à l'alinéa t), le service peut être considéré comme un service administratif, mais les casinos sont à risque à l'égard des chèques, au sens de la définition de « personne à risque » figurant dans le Règlement. Par conséquent, l'alinéa t) ne s'applique pas. [86] L'appelante affirme que l'encaissement de chèques n'est pas un service administratif, parce qu'il s'agit d'un service expressément mentionné à titre de service financier. Elle invoque la décision La Banque Royale du Canada c. La Reine, précitée, au par. 18. [87] Je suis d'accord pour dire que la décision Banque Royale étaye la thèse selon laquelle l'encaissement de chèques n'est pas un service administratif pour l'application de l'alinéa t). Toutefois, je préfère fonder ma conclusion sur le fait que les casinos sont des « personnes à risque » à l'égard des chèques. [88] Le Règlement définit une « personne à risque » comme incluant une personne qui a fourni une indemnité se rapportant à un effet. Le terme « indemnité » est général et englobe la protection que les casinos fournissent à Global à l'égard des chèques s'ils ne respectent pas le processus de transaction. [89] En outre, une « personne à risque » n'inclut pas une personne qui est à risque uniquement parce qu'elle fournit un service de compensation ou de règlement. Cette exclusion ne s'applique pas au service d'encaissement des chèques. Même si l'encaissement des chèques de Global constitue un service de compensation ou de règlement, l'« indemnité » ne se rapporte pas à ce service, mais plutôt à l'omission de respecter le processus de transaction. [90] Je conclus que les casinos sont à risque à l'égard des chèques et que l'alinéa t) ne s'applique donc pas au service d'encaissement des chèques de Global. [91] Où cela nous mène‑t‑il? J'ai conclu qu'un élément de la fourniture est compris dans la définition du terme « service financier » et qu'il s'agit de l'encaissement des chèques de Global. D. De quelle façon la contrepartie devrait-elle être répartie? [92] Étant donné qu'une partie seulement de la fourniture est visée par la définition du terme « service financier », il faut se demander s'il y a des fournitures multiples pour l'application de la Loi. [93] Les principaux éléments de l'ensemble de fournitures sont les suivants : (1) permettre que des kiosques soient installés dans les locaux; (2) fournir des services de soutien aux cages des caisses, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients; (3) encaisser les chèques de Global. [94] À mon avis, ces fournitures ne sont pas interdépendantes au point qu'elles devraient être considérées comme une fourniture unique selon les principes énoncés dans la décision O. A. Brown Ltd. Il est pratique, mais non nécessaire, que les casinos fournissent tous ces éléments. Je ferai également remarquer que cette conclusion est également davantage compatible avec la définition du terme « service financier » et avec la Loi dans son ensemble. [95] Global affirme qu'il y a une seule fourniture, parce que chaque partie de la fourniture n'est pas utile à elle seule (observations écrites de l'appelante, par. 124). Je ne suis pas d'accord. Il serait possible pour Global de fournir certaines parties de la fourniture elle‑même. Dans ce cas, l'apport d'une partie de la fourniture par les casinos serait utile à lui seul. [96] Quant à la règle de la fourniture accessoire, aucun de ces éléments ne constitue qu'une partie mineure de la fourniture, de façon à être accessoire au sens décrit dans la décision 9056‑2059 Québec Inc., précitée. [97] Il convient donc de répartir la contrepartie entre les fournitures taxables et les fournitures exonérées. Je conclus qu'il convient d'attribuer la contrepartie dans une proportion de 25 p. 100 à l'encaissement des chèques. Il s'agit d'une fourniture essentielle, mais non de la fourniture dominante. La fourniture dominante se rapporte à l'émission des chèques de Global. Cela comporte le fait de permettre l'installation de kiosques dans les locaux et la fourniture des services des caissiers, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour les clients. Global reconnaît la chose dans ses observations écrites (par. 129). [98] En arrivant à ces conclusions, j'ai tenu compte du fait que, selon toute probabilité, aucune des fournitures ne comportait un coût marginal élevé pour les casinos. Les casinos avaient déjà à leur disposition les installations, les services de caissiers et des montants considérables d'argent. En outre, je ne suis pas convaincue que les casinos croyaient que les risques qu'ils assumaient étaient élevés. [99] Par conséquent, je conclus que les frais des casinos sont exonérés, dans une proportion de 25 p. 100, à titre de service financier, quant à l'encaissement des chèques de Global, et que le reste des frais des casinos sont assujettis à la TPS. VI. Conclusion [100] L'appel sera accueilli, et la cotisation sera renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, pour le motif que 25 p. 100 de la TPS a été payé par erreur. Les dépens seront adjugés à l'intimée. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 5e jour d'octobre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur ANNEXE Extraits de la Loi sur la taxe d'accise, partie IX, L.C. 1990, ch. 45, dans sa forme modifiée. 123 Définitions — (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X. [...] « argent »Y sont assimilés la monnaie, les chèques, les billets à ordre, les lettres de crédit, les traites, les chèques de voyage, les lettres de change, les bons de poste, les mandats-poste, les versements postaux et tout autre effet, canadien ou étranger, de même nature. La présente définition exclut la monnaie dont la juste valeur marchande dépasse la valeur nominale dans le pays d'origine et celle fournie ou détenue pour sa valeur numismatique. « bien » À l'exclusion d'argent, tous biens — meubles et immeubles — tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part. « effet financier » a) Titre de créance; b) titre de participation; c) police d'assurance; d) participation dans une société de personnes ou une fiducie ou droit dans une succession, ou droit y afférent; e) métal précieux; f) option ou contrat, négocié dans une bourse de commerce reconnue, pour la fourniture à terme de marchandises; g) effet visé par règlement; h) garantie, acceptation ou indemnité visant un effet visé à l'alinéa a), b), d), e) ou g); i) option ou contrat pour la fourniture à terme d'argent ou d'un effet visé à l'un des alinéas a) à h). « service financier » a) L'échange, le paiement, l'émission, la réception ou le transfert d'argent, réalisé au moyen d'échange de monnaie, d'opération de crédit ou de débit d'un compte ou autrement; b) la tenue d'un compte d'épargne, de chèques, de dépôt, de prêts, d'achats à crédit ou autre; c) le prêt ou l'emprunt d'un effet financier; d) l'émission, l'octroi, l'attribution, l'acceptation, l'endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier; e) l'offre, la modification, la remise ou la réception d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité visant un effet financier; f) le paiement ou la réception d'argent à titre de dividendes, sauf les ristournes, d'intérêts, de principal ou d'avantages, ou tout paiement ou réception d'argent semblable, relativement à un effet financier; f.1) le paiement ou la réception d'un montant en règlement total ou partiel d'une réclamation découlant d'une police d'assurance; g) l'octroi d'une avance ou de crédit ou le prêt d'argent; h) la souscription d'un effet financier; i) un service rendu en conformité avec les modalités d'une convention portant sur le paiement de montants visés par une pièce justificative de carte de crédit ou de paiement; j) le service consistant à faire des enquêtes et des recommandations concernant l'indemnité accordée en règlement d'un sinistre prévu par : (i) une police d'assurance maritime, (ii) une police d'assurance autre qu'une police d'assurance‑accidents, d'assurance‑maladie ou d'assurance‑vie, dans le cas où le service est fourni : (A) soit par un assureur ou une personne autorisée par permis obtenu en application de la législation d'une province à rendre un tel service, (B) soit à un assureur ou un groupe d'assureurs par une personne qui serait tenue d'être ainsi autorisée n'eût été le fait qu'elle en est dispensée par la législation d'une province; j.1) le service consistant à remettre à un assureur ou au fournisseur du service visé à l'alinéa j) une évaluation des dommages causés à un bien ou, en cas de perte d'un bien, de sa valeur, à condition que le fournisseur de l'évaluation examine le bien ou son dernier emplacement connu avant sa perte; k) une fourniture réputée par le paragraphe 150(1) ou l'article 158 être une fourniture de service financier; l) le fait de consentir à effectuer, ou de prendre les mesures en vue d'effectuer, un service qui, à la fois : (i) est visé à l'un des alinéas a) à i), (ii) n'est pas visé aux alinéas n) à t); m) un service visé par règlement. La présente définition exclut : n) le paiement ou la réception d'argent en contrepartie de la fourniture d'un bien autre qu'un effet financier ou d'un service autre qu'un service financier; o) le paiement ou la réception d'argent en règlement d'une réclamation (sauf une réclamation en vertu d'une police d'assurance) en vertu d'une garantie ou d'un accord semblable visant un bien autre qu'un effet financier ou un service autre qu'un service financier; p) les services de conseil, sauf un service visé aux alinéas j) ou j.1); q) l'un des services suivants rendus soit à un régime de placement, au sens du paragraphe 149(5), soit à une personne morale, à une société de personnes ou à une fiducie dont l'activité principale consiste à investir des fonds, si le fournisseur est une personne qui rend des services de gestion ou d'administration au régime, à la personne morale, à la société de personnes ou à la fiducie : (i) un service de gestion ou d'administration, (ii) tout autre service (sauf un service prévu par règlement); q.1) un service de gestion des actifs; r) les services professionnels rendus par un comptable, un actuaire, un avocat ou un notaire dans l'exercice de sa profession; r.1) le fait de prendre des mesures en vue du transfert de la propriété des parts du capital social d'une coopérative d'habitation; r.2) le service de recouvrement de créances rendu aux termes d'une convention conclue entre la personne qui consent à effectuer le service, ou qui prend des mesures afin qu'il soit effectué, et une personne donnée (sauf le débiteur) relativement à tout ou partie d'une créance, y compris le service qui consiste à tenter de recouvrer la créance, à prendre des mesures en vue de son recouvrement, à en négocier le paiement ou à réaliser ou à tenter de réaliser une garantie donnée à son égard; en est exclu le service qui consiste uniquement à accepter d'une personne (sauf la personne donnée) un paiement en règlement de tout ou partie d'un compte, sauf si la personne qui effectue le service, selon le cas : (i) peut, aux termes de la convention, soit tenter de recouvrer tout ou partie du compte, soit réaliser ou tenter de réaliser une garantie donnée à son égard, (ii) a pour entreprise principale le recouvrement de créances; r.3) le service, sauf un service visé par règlement, qui consiste à gérer le crédit relatif à des cartes de crédit ou de paiement, à des comptes de crédit, d'achats à crédit ou de prêts ou à des comptes portant sur une avance, rendu à une personne qui consent ou pourrait consentir un crédit relativement à ces cartes ou comptes, y compris le service rendu à cette personne qui consiste, selon le cas : (i) à vérifier, à évaluer ou à autoriser le crédit, (ii) à prendre, en son nom, des décisions relatives à l'octroi de crédit ou à une demande d'octroi de crédit, (iii) à créer ou à tenir, pour elle, des dossiers relatifs à l'octroi de crédit ou à une demande d'octroi de crédit ou relatifs aux cartes ou aux comptes, (iv) à contrôler le registre des paiements d'une autre personne ou à traiter les paiements faits ou à faire par celle‑ci; r.4) le service, sauf un service visé par règlement, qui est rendu en préparation de la prestation effective ou éventuelle d'un service visé à l'un des alinéas a) à i) et l), ou conjointement avec un tel service, et qui consiste en l'un des services suivants : (i) un service de collecte, de regroupement ou de communication de renseignements, (ii) un service d'étude de marché, de conception de produits, d'établissement ou de traitement de documents, d'assistance à la clientèle, de publicité ou de promotion ou un service semblable; r.5) un bien, sauf un effet financier ou un bien visé par règlement, qui est livré à une personne, ou mis à sa disposition, conjointement avec la prestation par celle‑ci d'un service visé à l'un des alinéas a) à i) et l); s) les services dont la fourniture est réputée taxable aux termes de la présente partie; t) les services visés par règlement. « titre de créance » Droit de se faire payer de l'argent, y compris le dépôt d'argent. La présente définition exclut le bail, la licence ou l'accord semblable visant l'utilisation ou le droit d'utilisation de biens autres que des effets financiers. 138 Fournitures accessoires — Pour l'application de la présente partie, le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d'un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s'ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique. 139 Services financiers dans une fourniture mixte — Pour l'application de la présente partie, dans le cas où au moins un service financier est fourni avec au moins un service non financier ou un bien qui n'est pas une immobilisation du fournisseur, pour une contrepartie unique, la fourniture de chacun des services et biens est réputée être une fourniture de service financier si les conditions suivantes sont réunies : a) le service financier est lié au service non financier ou au bien; b) le fournisseur a l'habitude de fournir ces services ou des services semblables, ou des biens et des services semblables, ensemble dans le cours normal de son entreprise; c) le total des montants dont chacun représenterait la contrepartie d'un service financier ainsi fourni, s'il était fourni séparément, compte pour plus de la moitié du total des montants dont chacun représenterait la contrepartie d'un service ou d'un bien ainsi fourni, s'ils étaient fournis séparément. 165(1) Taux de la taxe sur les produits et services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 6 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture. Annexe V, partie VII — Services financiers 1. La fourniture de services financiers qui ne figurent pas à la partie IX de l'annexe VI. Extrait du Règlement sur les services financiers — Règlement concernant les services prévus aux alinéas m) et t) de la définition de « service financier » 4(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article. « effet » Argent, compte, pièce justificative de carte de crédit ou de paiement, ou effet financier. « personne à risque » Personne exposée à un risque financier du fait de la propriété, de l'acquisition ou de l'émission par la personne d'un effet à l'égard duquel un service mentionné au paragraphe (2) est offert, ou à cause d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité se rapportant à l'effet, à l'exclusion de la personne qui s'expose à un tel risque dans le cadre et du seul fait de l'autorisation d'une opération relative à l'effet ou de la fourniture d'un service de compensation ou de règlement relativement à l'effet. (2) Sous réserve du paragraphe (3), pour l'application de l'alinéa t) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la Loi, sont visés les services suivants, sauf ceux mentionnés à l'article 3 : a) la communication, la collecte ou le traitement de renseignements; b) les services administratifs, y compris ceux reliés au paiement ou au recouvrement de dividendes, d'intérêts, de capital, de créances, d'avantages ou d'autres montants, à l'exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement. (3) Pour l'application de l'alinéa t) de la définition de « service financier », au paragraphe 123(1) de la Loi, ne sont pas visés les services mentionnés au paragraphe (2) et fournis relativement à un effet par : a) la personne à risque; b) une personne membre du même groupe étroitement lié que la personne à risque, si l'acquéreur du service n'est ni la personne à risque ni une autre personne membre du même groupe étroitement lié que celle‑ci; c) le mandataire, le vendeur ou le courtier qui prend des mesures en vue de l'émission, du renouvellement, de la modification ou du transfert de propriété de l'effet pour le compte de la personne à risque ou d'une personne membre du même groupe étroitement lié que celle‑ci. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 173 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-922(GST)G INTITULÉ : GLOBAL CASH ACCESS (CANADA) INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATES DE L'AUDIENCE : Les 28, 29 et 30 septembre et les 6 et 8 décembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge J. M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l'appelante : Me Dalton J. Albrecht Me David W. Chodikoff Me Rahul Sharma M. David Carter (stagiaire) Avocates de l'intimée : Me Marilyn Vardy Me Annie Paré Me Sharon Lee AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Dalton J. Albrecht Cabinet : Miller Thomson Pouliot sencrl Toronto (Ontario) Pour l'intimée : Nom : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 174
TCC
2,012
Benedict c. La Reine
fr
2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30809/index.do
2022-09-04
Benedict c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 174 Numéro de dossier 2011-1804(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-1804(IT)I ENTRE : PETER BENEDICT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 10 mai 2012 à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Représentant de l’appelant : M. Graham Mudge Avocats de l’intimée : Me Leslie Ross Me Craig Maw ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 est accueilli, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l’appelant a le droit de déduire des pertes autres que des pertes en capital de 41 545,62 $ et de 16 034,50 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009, respectivement. Chaque partie assumera ses propres dépens. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 29e jour de juin 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. Référence : 2012 CCI 174 Date : 20120518 Dossier : 2011-1804(IT)I ENTRE : PETER BENEDICT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] L’appelant, Peter Benedict, a acquis de ses parents vers 1994 une propriété de 43 acres sur laquelle il a établi une entreprise de pisciculture. La propriété a été vendue pour 750 000 $ en 2007. [2] M. Benedict a demandé la déduction d’une perte finale pour 2007 à l’égard de biens amortissables concernant l’entreprise de pisciculture, et de pertes autres que des pertes en capital pour 2008 et 2009 relativement à la portion inutilisée de la perte finale. [3] Le présent appel concerne des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), dans lesquelles la déduction des pertes autres que des pertes en capital a été refusée en totalité. On ne sait pas avec certitude si la perte finale a aussi été refusée étant donné que l’année d’imposition 2007 n’est pas visée par l’appel. Il semble qu’un litige relatif à l’exonération des gains en capital pour cette année‑là est n’a pas encore été réglé. [4] L’appelant soutient qu’il a subi une perte finale de 74 250,59 $ concernant l’entreprise de pisciculture lorsque la propriété a été vendue et que l’exploitation de l’entreprise a cessé. L’appelant a déduit 16 670,47 $ pour 2007, 41 545,62 $ pour 2008 et 16 034,50 $ pour 2009. [5] L’intimée présente deux arguments à l’appui des cotisations. [6] Le premier argument repose sur le fait qu’il n’y a pas de pertes autres que des pertes en capital à reporter parce que M. Benedict n’a demandé que la déduction d’une perte finale de 16 670,47 $ pour 2007. [7] L’argument ci‑dessus est fondé sur une considération d’ordre technique et je ne l’admets pas. Selon le paragraphe 20(16) de la Loi, un contribuable est tenu de déduire le montant total d’une perte finale subie, laquelle perte est le solde de la fraction non amortie du coût en capital d’une catégorie pour l’année dans laquelle il n’y a plus de biens dans cette catégorie. Le paragraphe 20(16) de la Loi est ainsi libellé : 20(16) Perte finale. Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), lorsque, à la fin d’une année d’imposition : a) d’une part, le total des montants utilisés pour le calcul des éléments A à D de la formule figurant à la définition de « fraction non amortie du coût en capital » au paragraphe 13(21) est supérieur au total des montants utilisés pour le calcul des éléments E à J de la même formule, au titre des biens amortissables d’une catégorie prescrite d’un contribuable; b) d’autre part, le contribuable ne possède plus de biens de cette catégorie; dans le calcul de son revenu pour l’année : c) il doit déduire l’excédent déterminé en vertu de l’alinéa a); d) il ne peut déduire aucun montant pour l’année en vertu de l’alinéa (1)a) à l’égard des biens de cette catégorie. [8] La disposition ci‑dessus ne comporte pas de choix, contrairement à celle concernant la déduction pour amortissement, qui autorise un contribuable à choisir l’année à l’égard de laquelle la déduction est demandée. [9] Le montant total de la perte finale à déduire ressortait clairement du tableau de la déduction pour amortissement qui était joint à la déclaration de revenus de M. Benedict pour l’année d’imposition 2007. Ce montant était de 74 250,59 $. Une déduction du montant total n’a pas été demandée, mais cela n’empêche pas que le report ait lieu. Le report est fondé sur la déduction de la perte finale exigée par la loi et non sur la déduction demandée par le contribuable. [10] Je me penche à présent sur le second argument de l’intimée. [11] L’intimée soutient que M. Benedict n’a pas réussi à démontrer les éléments essentiels du paragraphe 20(16) de la Loi. Elle avance que l’appelant n’a pas réussi à démontrer (1) le moment où les biens amortissables ont été acquis, (2) la valeur d’origine des biens au moyen de factures appropriées, (3) l’absence de biens dans les catégories aux fins d’amortissement en 2007, (4) la façon dont on a disposé des biens et (5) la juste valeur marchande des biens. [12] Je suis convaincue par la preuve présentée par M. Benedict en ce qui concerne les quatre premiers éléments. Le cinquième élément pose davantage de difficultés. [13] Je voudrais d’abord faire observer que rien dans la preuve dont je suis saisie ne laisse croire que M. Benedict n’a pas fait une comptabilisation appropriée des dépenses supportées relativement à l’entreprise de pisciculture. Ses déclarations fiscales, aussi bien les déclarations de revenus que les déclarations de taxe sur les produits et services (la « TPS »), ont été établies par Graham Mudge, un comptable qui a également représenté M. Benedict à l’audience. La déclaration de revenus de 2007 a été entièrement produite en preuve, et des extraits d’autres déclarations ont été présentés. [14] Rien dans la preuve ne porte à croire à l’existence d’une quelconque irrégularité à l’égard des annexes relatives aux dépenses ou à la déduction pour amortissement. Il a également été produit en preuve une liste de factures préparée par M. Mudge relativement aux remboursements de la TPS demandés. Il semble que les dépenses ont été minutieusement enregistrées et qu’elles paraissent raisonnables. [15] Dans ces circonstances, si le solde de la fraction non amortie du coût en capital pour 2007 doit être contesté, il devrait y avoir un autre fondement pour le faire. J’admets que l’appelant aurait dû produire certaines factures, mais, à mon avis, cela ne devrait pas porter un coup fatal à l’appel, étant donné que la plupart des dépenses ont été supportées beaucoup plus tôt. [16] Quant à la manière dont on a disposé des biens, M. Benedict a fourni un témoignage détaillé et cohérent à cet effet à l’audience. J’admets ce témoignage. Il aurait été, bien entendu, préférable d’obtenir davantage de pièces justificatives. Toutefois, le témoignage était suffisamment détaillé pour être considéré comme étant raisonnablement digne de foi. [17] Il est peu probable que les biens de l’entreprise aient eu une très grande valeur au moment de la cessation des activités. Pour une grande part, les biens amortissables consistaient en des structures et du vieux matériel qui avaient été laissés sur la propriété. M. Benedict a déclaré qu’il avait vendu un tracteur à un tiers pour 10 000 $ et qu’il avait donné un vieux véhicule à un employé. J’admets ce témoignage. [18] C’est le cinquième élément qui pose davantage de difficultés pour M. Benedict. La plupart des biens concernant l’entreprise de pisciculture ont été laissés sur la propriété lorsque celle‑ci a été vendue. Ils ont été acquis par l’acheteur de la propriété, mais la convention d’achat‑vente n’attribuait pas de prix d’achat à ces biens. [19] Selon le témoignage de M. Benedict, l’acheteur ne voulait pas exploiter l’entreprise de pisciculture. Ce témoignage est compatible avec la preuve dans son ensemble. M. Benedict a disposé d’un véhicule et d’un tracteur, et la convention d’achat‑vente l’autorisait à enlever des articles entreposés dans un abri et dans le sous‑sol. Si l’exploitation de l’entreprise de pisciculture devait continuer, certains de ces articles auraient vraisemblablement été achetés par l’acheteur de la propriété. [20] Toutefois, même si l’acheteur n’a pas proposé d’exploiter l’entreprise de pisciculture, il se peut qu’il ait voulu faire l’acquisition de certains biens mobiliers pour l’entretien général de la propriété. Il pourrait être raisonnable d’attribuer une partie du prix d’achat à ces articles. [21] J’ai décidé qu’il était approprié d’accorder le bénéfice du doute à M. Benedict sur cette question. Je suis convaincue que seulement un petit montant serait attribué à des biens amortissables. [22] J’aimerais également faire observer que la réponse de l’intimée n’a pas énoncé d’hypothèses relativement à la cotisation de l’année d’imposition 2009. Par conséquent, le fardeau de la preuve doit incomber à l’intimée pour l’année 2009. M. Benedict ne voulait pas qu’il y ait un renversement du fardeau de la preuve fondé sur une considération d’ordre technique, mais, à mon avis, il est approprié d’en tenir compte pour accorder le bénéfice du doute à M. Benedict. [23] L’appel est accueilli, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que M. Benedict a le droit de déduire des pertes autres que des pertes en capital de 41 545,62 $ et de 16 034,50 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009, respectivement. [24] En ce qui concerne les dépens, il est, à mon avis, approprié que chaque partie assume sa propre part des dépens. Il semble que le représentant de l’appelante n’a préparé de documents pour étayer la cause qu’une journée ou deux avant l’audience. Si les documents avaient été préparés plus tôt, il aurait été possible de régler la présente affaire sans tenir d’audience. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 29e jour de juin 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 174 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-1804(IT)I INTITULÉ : PETER BENEDICT c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 10 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelant : M. Graham Mudge Avocats de l’intimée : Me Leslie Ross Me Craig Maw AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 175
TCC
2,012
Baldassarra c. La Reine
fr
2012-05-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30806/index.do
2022-09-04
Baldassarra c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-18 Référence neutre 2012 CCI 175 Numéro de dossier 2011-2622(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2622(IT)I ENTRE : ENZO BALDASSARRA, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu le 11 mai 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L'honorable juge J. M. Woods Comparutions : Représentant de l'appelant : M. Domenic Serra Avocate de l'intimée : Me Rita Araujo ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté à l'encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2005 et 2006 est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 175 Date : 20120518 Dossier : 2011-2622(IT)I ENTRE : ENZO BALDASSARRA, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Woods [1] L'appelant, Enzo Baldassarra, interjette appel à l'encontre de cotisations établies à son égard en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2005 et 2006. La question en litige est de savoir si les paiements de 15 000 $ au total que l'appelant a reçus chaque année d'Aro Excavating Ltd. (la société « Aro ») devraient être ajoutés au revenu de l'appelant à titre de revenu tiré d'un emploi. [2] L'appelant a témoigné pour son propre compte. Un ancien propriétaire de la société Aro, à savoir Cesare Aromatario, a été appelé à témoigner pour le compte de l'intimée. [3] L'appelant était contremaître et opérateur d'équipement lourd chez Aro, une société qui a depuis fermé ses portes. Il était membre d'un syndicat et était rémunéré à l'heure, sauf pour les montants en litige. [4] Il y a deux types de paiements en litige : des paiements mensuels de 1 000 $ et des primes de Noël de 5 000 $. Les paiements mensuels étaient versés chaque mois, sauf pour les mois de juillet et d'août durant la période pertinente, de telle sorte que le montant total payé était de 15 000 $ chaque année. [5] J'examinerai d'abord les paiements mensuels de 1 000 $. [6] Selon le témoignage de l'appelant, les paiements en question représentaient un remboursement de dépenses supportées dans l'accomplissement des fonctions de son emploi. Les dépenses comprenaient des outils, de l'essence et des frais de représentation, à savoir des frais de repas et des dépenses liées à des événements sportifs. L'appelant a déclaré qu'il remettait des reçus à la société Aro, et que cette dernière arrondissait les montants à 1 000 $ par mois, soit le montant approximatif qu'il dépensait. [7] Le témoignage de l'appelant a été contredit par M. Aromatario. Ce dernier a déclaré que les paiements mensuels avaient été négociés à titre de rémunération supplémentaire qui devait être versée en sus du salaire horaire régulier. Il a affirmé que toute dépense était remboursée séparément, et que l'appelant n'était pas tenu de s'occuper de quelque activité de représentation que ce soit dans l'exercice de ses fonctions. [8] L'intimée a produit en preuve les documents comptables qui font état des paiements en question. Ces paiements ont été portés à un compte appelé [TRADUCTION] « Sous‑traitance », ce qui, manifestement, est incorrect. M. Aromatario n'était pas certain, mais il pensait que les montants ne figuraient pas dans les feuillets T4. [9] Selon la prépondérance de la preuve, on serait porté à croire que les paiements mensuels étaient, comme l'a déclaré M. Aromatario, une rémunération supplémentaire plutôt qu'un remboursement de dépenses. La société Aro aurait dû inclure ces paiements dans les feuillets T4, mais il semble qu'elle les a cachés dans un compte de sous‑traitance. [10] Le témoignage de l'appelant selon lequel il a supporté des dépenses mensuelles allant de 800 $ à 1 100 $ semble improbable. Pourquoi la société Aro ne rembourserait‑elle pas tout simplement les dépenses si des reçus avaient été fournis, comme l'appelant l'a laissé entendre? Pourquoi la société Aro porterait‑elle les montants à un compte de sous‑traitance si les montants représentaient des remboursements de dépenses? [11] Le témoignage de l'appelant était un témoignage intéressé et aucune preuve à l'appui n'a été présentée. Je conclus que les paiements mensuels doivent être ajoutés au revenu de l'appelant. [12] Quant aux primes de Noël de 5 000 $, le représentant de l'appelant a laissé entendre que ce montant pourrait avoir été inclus dans les feuillets T4. Cela est certainement possible, mais improbable, à mon avis. D'une part, l'appelant n'a fourni aucun feuillet T4 pour qu'on puisse faire un rapprochement et démontrer que les primes ont été incluses dans ces feuillets. D'autre part, le fait que la société Aro a mal classé les paiements en les portant à un compte de sous‑traitance laisse croire que ces paiements n'étaient pas déclarés comme un revenu d'emploi. [13] Je conclus que les primes de Noël doivent être incluses dans le revenu de l'appelant. [14] L'appel est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de mai 2012. « J. M. Woods » Le juge Woods Traduction certifiée conforme ce 4e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 175 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2622(IT)I INTITULÉ : ENZO BALDASSARRA c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L'AUDIENCE : Le 11 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge J. M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 18 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l'appelant : M. Domenic Serra Avocate de l'intimée : Me Rita Araujo AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 176
TCC
2,012
Dexter c. La Reine
fr
2012-05-30
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30815/index.do
2022-09-04
Dexter c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-30 Référence neutre 2012 CCI 176 Numéro de dossier 2011-672(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-672(IT)I ENTRE : KERRY MICHELE DEXTER, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 3 avril 2012, à Ottawa, Canada. Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocat de l’intimée : Me Shane Aikat ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté par l’appelante est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant compte du fait que l’appelante n’a pas reçu de paiements en trop au titre de la prestation fiscale canadienne pour enfants au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010. L’intimée versera à l’appelante des dépens de 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 30e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012CCI176 Date : 20120530 Dossier : 2011-672(IT)I ENTRE : KERRY MICHELE DEXTER, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Il s’agit ici de savoir si l’appelante est le particulier admissible à l’égard de son fils aux fins de la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de mai 2010 (la « période visée par l’appel »). Le 18 juin 2010, un avis de détermination a été délivré à l’égard des années de base 2007 et 2008, cet avis indiquant que l’appelante n’avait pas droit à la PFCE pour ce qui est du montant de 3 274 $ qui lui avait été versé au cours de la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009, et du montant de 3 131 $ qui lui avait été versé au cours de la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010. [2] L’appelante a contesté le fait que tous les montants lui avaient été versés étant donné que certains paiements avaient été déposés dans un compte détenu par son ex‑époux. Toutefois, lorsque l’appelante avait déposé l’avis relatif à la PFCE, elle avait demandé à l’Agence du revenu du Canada de déposer les montants dans ce compte. Elle avait uniquement changé ces instructions au mois d’août ou de septembre 2009 (le premier paiement qui n’a pas été déposé dans le compte en question était celui qui se rapportait au mois de septembre 2009). Étant donné que l’appelante avait demandé que les paiements afférents à la PFCE soient déposés directement dans le compte bancaire de son ex‑époux, elle ne peut pas maintenant affirmer ne pas avoir reçu ces paiements. [3] Dans la réponse (et dans la réponse modifiée), il est déclaré que l’appelante a été avisée qu’elle n’avait pas droit aux paiements afférents à la PFCE effectués pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009 parce qu’elle n’était pas la principale responsable des soins de son fils au cours de cette période, ni aux paiements effectués pour la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010 parce qu’il y avait [traduction] « un changement quant aux enfants admissibles ». Aucun autre renseignement et aucune autre explication au sujet du [traduction] « changement quant aux enfants admissibles » n’ont été fournis dans la réponse (ou dans la réponse modifiée) ou au cours de l’audience. [4] En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), la PFCE est traitée comme un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la Loi et, par conséquent, si le particulier est admissible, le montant lui est versé à titre de remboursement de ce paiement en trop. En vertu du paragraphe 122.61(1) de la Loi, le montant payé en trop est calculé sur une base mensuelle. Cette disposition prévoit notamment ce qui suit : 122.61(1) Lorsqu’une personne […] produi[t] une déclaration de revenu pour l’année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l’année est réputé se produire au cours d’un mois par rapport auquel l’année est l’année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant : 1/12 [(A - B) + C + M] où : A représente le total des montants suivants : a) le produit de 1 090 $[1] par le nombre de personnes à charge admissibles à l’égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois, […] C le résultat du calcul suivant : F – (G × H) où : F représente : a) si la personne est, au début du mois, un particulier admissible à l’égard d’une seule personne à charge admissible, 1 463 $[2], […] [5] L’appelante a deux enfants – une fille et un fils. La seule question en litige dans le présent appel se rapporte aux montants payés à l’égard du fils. Étant donné que le paiement en trop est réputé avoir été effectué au cours d’un mois pour lequel une personne est un particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début du mois, il faut déterminer si cette personne était un particulier admissible au début de chaque mois, à l’égard de la personne à charge admissible. Il ne s’ensuit donc pas nécessairement que, parce qu’une personne était le particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début d’un mois particulier, cette personne serait le particulier admissible au début du mois suivant à l’égard de la personne à charge admissible. Les définitions des expressions « particulier admissible » et « personne à charge admissible » figurant à l’article 122.6 de la Loi sont libellées ainsi : « particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment : a) elle réside avec la personne à charge; b) elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière; […] Pour l’application de la présente définition : f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère; g) la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement; h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne. « personne à charge admissible » S’agissant de la personne à charge admissible d’un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment : a) elle est âgée de moins de 18 ans; b) elle n’est pas quelqu’un pour qui un montant a été déduit en application de l’alinéa 118(1)a) dans le calcul de l’impôt payable par son époux ou conjoint de fait en vertu de la présente partie pour l’année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment; c) elle n’est pas quelqu’un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment. [6] En l’espèce, l’intimée conteste le fait que le fils de l’appelante résidait avec celle‑ci au cours de la période visée par l’appel. Si le fils ne résidait pas avec l’appelante au cours de la période visée par l’appel, l’appelante n’est pas un particulier admissible à l’égard de son fils (étant donné qu’elle ne résidait pas avec son fils) et elle n’a donc pas droit à la PFCE. Si le fils résidait avec l’appelante, la thèse de l’intimée est que l’appelante n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils au cours de la période visée par l’appel. [7] L’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » précitée établit une présomption si l’enfant réside avec sa mère. Cette disposition prévoit que la mère est présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge », si l’enfant réside avec elle. Cette présomption ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement. Ces circonstances sont énoncées au paragraphe 6301(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») et incluent, entre autres, le cas dans lequel « plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents ». [8] Les faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour déterminer que l’appelante n’avait pas droit aux paiements afférents à la PFCE effectués à l’égard du fils (et pour confirmer la détermination à la suite de la signification de l’avis d’opposition) sont exposés au paragraphe 6 de la réponse modifiée (les mêmes hypothèses étant émises au paragraphe 6 de la réponse); il s’agit des faits suivants : [traduction] 6. Afin d’effectuer les déterminations et de les confirmer, le ministre s’est fondé sur les mêmes hypothèses de fait suivantes : a) au cours de l’année d’imposition 1990, l’appelante et Claude Courville se sont mariés; b) deux enfants, J et E, sont issus du mariage avec Claude Courville; c) au mois de mai 2008, l’appelante et Claude Courville se sont séparés et Claude Courville a continué à assumer la responsabilité pour le soin de l’enfant E; d) compte tenu des renseignements fournis dans le questionnaire remis à l’appelante, le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas assumé la responsabilité pour le soin de l’enfant E aux fins de la PFCE pour la période allant du mois de juin 2008 au mois de mai 2010 lorsqu’elle avait reçu les paiements afférents à la PFCE effectués pour l’enfant E au cours de cette période. [9] Aucune hypothèse n’a été émise au sujet de la question de savoir si Claude Courville avait déposé l’avis prévu au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard du fils de l’appelante et, au cours de l’audience, aucune preuve indiquant que Claude Courville avait déposé cet avis n’a été présentée. Il n’a pas été soutenu que l’une ou l’autre des autres circonstances prévues par règlement énoncées au paragraphe 6301(1) du Règlement s’appliquait dans ce cas‑ci. Par conséquent, si le fils résidait avec l’appelante au cours d’une partie de la période visée par l’appel, la présomption selon laquelle l’appelante était « la personne qui assum[ait] principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge » au cours de cette période s’applique. [10] Les seules hypothèses qui ont été émises au sujet de la question de savoir si l’appelante était le particulier admissible à l’égard de son fils au cours de la période visée par l’appel étaient que [traduction] « Claude Courville a[vait] continué à assumer la responsabilité pour le soin de l’enfant », (alinéa 6c) de la réponse modifiée) et que l’appelante n’avait pas assumé la responsabilité pour [traduction] « le soin » du fils (alinéa 6d) de la réponse modifiée). Il faut remplir deux conditions pour être un particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible : a) la personne en question doit résider avec la personne à charge; b) la personne en question doit être « la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière ». [11] Le terme « soin » figure à l’alinéa b) de la définition de l’expression « particulier admissible ». La condition énoncée à l’alinéa b) est que la personne « père ou mère [...] assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de [la personne à charge] ». L’alinéa h) de la définition de l’expression « particulier admissible » prévoit ce qui suit : h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne. [12] Les critères prévus par règlement sont énoncés en ces termes à l’article 6302 du Règlement : 6302 Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible : a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens; b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside; c) l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts; d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin; e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne; f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière; g) de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider; h) l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside. [13] Dans l’arrêt La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, [2004] 5 C.T.C. 98, le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d’appel fédérale, a dit ce qui suit : [8] Dans la réponse à l’avis d’appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 : [TRADUCTION] En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : [...] q) API, APII, APIII, APIV et APV n’ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz; r) Les données sismiques n’ont pas été utilisées pour fins d’exploration; [...] z) Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d’exploration au Canada (« FEC ») au sens de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). […] [24] Le juge Rip a supprimé l’alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n’ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre ». [25] J’estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n’ont pas leur place dans l’énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n’a pas à être prouvé par les parties comme s’il s’agissait d’un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c’est à la Cour qu’il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit. [26] Toutefois, il serait plus exact de qualifier l’hypothèse formulée à l’alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l’alinéa 66.1(6)a) requiert d’appliquer le droit aux faits. L’alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu’une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l’achat de données sismiques en l’espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d’une conclusion mixte de fait et de droit. S’il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit. [14] Il me semble que la question de savoir si l’appelante [traduction] « assum[ait] la responsabilité pour le soin de l’enfant […] aux fins de la PFCE » donne lieu à une conclusion mixte de fait et de droit. La pertinence du « soin », aux fins de la PFCE, se rapporte à la question de savoir si l’appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils. Il est uniquement possible de trancher la question en appliquant le droit aux faits. L’article 6302 du Règlement énonce les divers critères qui « servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible ». Le ministre aurait dû émettre une hypothèse au sujet des éléments factuels du critère, en ce qui concerne « le soin et l’éducation », plutôt que de conclure que l’appelante [traduction] « n’avait pas assumé la responsabilité pour le soin de l’enfant […] aux fins de la PFCE » ou que quelqu’un d’autre assumait le « soin » de l’enfant. Les hypothèses figurant aux alinéas 6c) et d) de la réponse ne sont donc pas appropriées. [15] Le ministre n’a émis aucune hypothèse factuelle au sujet de la question de savoir si le fils résidait avec l’appelante ou si l’appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils. Le ministre a donc la charge de la preuve à l’égard de tout fait sur lequel il veut se fonder quant à ces questions. Dans l’arrêt La Reine c. Loewen, 2004 CAF 146, la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les observations suivantes : [11] Les contraintes imposées au ministre lorsqu’il invoque des hypothèses n’empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d’appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4). [16] L’autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour suprême du Canada de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Loewen a été refusée ([2004] A.C.S.C. no 298). [17] Le seul élément de preuve se rapportant à la question de savoir si le fils résidait avec l’appelante a été fourni par l’appelante. Il est clair que, lorsque l’appelante a quitté Claude Courville, son fils ne l’a pas accompagnée. L’appelante vivait initialement avec une amie ou dans un refuge pour femmes. Toutefois, avant le mois d’août 2009, elle vivait à un endroit où son fils pouvait vivre avec elle et, à compter du 1er août 2009, son fils a recommencé à vivre avec elle. Il est donc clair que, pour la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juillet 2009, le fils ne résidait pas avec l’appelante (et que l’appelante n’était donc pas le particulier admissible à l’égard de son fils au cours de cette période), mais que, pour la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, le fils résidait avec l’appelante. [18] Étant donné que le fils résidait avec l’appelante au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, et puisque rien ne montre que Claude Courville a déposé l’avis pertinent concernant la PFCE relative à leur fils, la présomption établie à l’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » précitée s’applique. L’appelante est donc présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge ». Aucune preuve n’a été présentée afin de réfuter cette présomption et l’appelante remplit donc les deux conditions nécessaires pour être le particulier admissible à l’égard de son fils pour la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010 – le fils résidait avec elle et elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de son fils au cours de cette période. [19] L’avocat de l’intimée a demandé que le jugement ne traite pas de la question de savoir si un montant avait été payé en trop, mais qu’il renvoie simplement l’affaire au ministre pour nouvelle détermination. L’avocat a fait cette demande parce que, au cours de l’audience, l’appelante avait déclaré s’être remariée. Or, l’Agence du revenu du Canada n’avait pas pris en compte le revenu de l’époux en déterminant si un paiement en trop avait été effectué au titre de la PFCE. L’unique fondement de la décision selon laquelle un montant avait été payé en trop est celui dont il a ci‑dessus été fait mention. Aucune preuve n’a été présentée au sujet du montant auquel s’élevait le revenu de l’époux de l’appelante. Toutefois, dans l’avis d’appel qu’elle a déposé le 27 février 2011, l’appelante a déclaré ce qui suit : [traduction] Je suis maintenant remariée et sans emploi; seul mon mari subvient à mes besoins. [20] La PFCE d’un particulier pour un mois particulier est, conformément à la formule énoncée au paragraphe 122.61(1) de la Loi, réduite du montant du revenu modifié de ce particulier pour l’année de base pour ce mois‑là. Pour les six premiers mois d’une année civile particulière, l’année de base est la deuxième année d’imposition précédente, et pour les six derniers mois d’une année civile particulière, l’année de base est l’année d’imposition immédiatement précédente[3]. [21] L’expression « revenu modifié » est définie ainsi à l’article 122.6 de la Loi : « revenu modifié » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, le total des sommes qui représenteraient chacune le revenu pour l’année du particulier ou de la personne qui était son époux ou conjoint de fait visé à la fin de l’année si, dans le calcul de ce revenu, aucune somme : a) n’était incluse : (i) en application de l’alinéa 56(1)q.1) ou du paragraphe 56(6), (ii) au titre d’un gain provenant d’une disposition de bien à laquelle s’applique l’article 79, (iii) au titre d’un gain visé au paragraphe 40(3.21); b) n’était déductible en application des alinéas 60y) ou z). [22] En déterminant le revenu modifié de l’appelante pour une année de base particulière, il faut ajouter au revenu de l’appelante le revenu de la personne qui était l’époux ou le conjoint de fait visé à la fin de cette année‑là. L’expression « époux ou conjoint de fait visé » est définie ainsi à l’article 122.6 de la Loi : « époux ou conjoint de fait visé » Personne qui, à un moment donné, est l’époux ou conjoint de fait d’un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l’application de la présente définition, une personne n’est considérée comme vivant séparée d’un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait, pendant une période d’au moins 90 jours qui comprend ce moment. [23] En l’espèce, les années de base pertinentes sont les années 2007 et 2008. L’année de base 2007 est pertinente pour les paiements mensuels effectués au cours de la période allant du mois de juillet 2008 au mois de juin 2009, et l’année de base 2008 est pertinente pour les paiements mensuels effectués au cours de la période allant du mois de juillet 2009 au mois de mai 2010 (étant donné que la période visée par l’appel prend fin au mois de mai 2010). Dans ce cas‑ci, étant donné que l’appelante n’était pas le particulier admissible à l’égard de son fils pour la période allant du mois de juin 2008 au mois de juillet 2009, il importe peu de savoir s’il y avait un époux ou conjoint de fait visé à la fin de l’année de base 2007. Toutefois, étant donné que l’appelante était un particulier admissible à l’égard de son fils au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010, la chose pourrait influer sur son droit aux paiements afférents à la PFCE au cours de cette période si elle avait (ou si elle était réputée avoir) un époux ou conjoint de fait à la fin de l’année 2008 (compte tenu du revenu de celui‑ci). Toutefois, rien ne montre qu’il y avait un époux ou conjoint de fait à la fin de l’année 2008 ou que l’appelante et son époux avaient conjointement fait le choix prévu au paragraphe 122.62(7) de la Loi, tel qu’il était libellé avant sa modification, en 2011[4]. De plus, aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet du revenu du nouvel époux au cours d’une année quelconque. Par conséquent, rien ne permet de conclure que les paiements qui ont été effectués en faveur de l’appelante au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010 doivent être rajustés. [24] Il me semble également important d’examiner la nature de l’appel dans ce cas‑ci. Il s’agit d’un appel d’une détermination que le ministre a effectuée pour la PFCE se rapportant aux années de base 2007 et 2008. Or, le paragraphe 152(1.2) de la Loi prévoit notamment ce qui suit : 152(1.2) Les alinéas 56(1)l) et 60o), la présente section et la section J, dans la mesure où ces dispositions portent sur une cotisation ou une nouvelle cotisation ou sur l’établissement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute détermination ou nouvelle détermination effectuée selon le paragraphe (1.01) et aux montants déterminés ou déterminés de nouveau en application de la présente section ou aux montants qui sont réputés par l’article 122.61 être des paiements en trop au titre des sommes dont un contribuable est redevable en vertu de la présente partie. [25] Les paiements effectués au titre de la PFCE sont des remboursements mensuels de paiements en trop effectués au titre de l’obligation fiscale d’une personne[5]. Le présent appel porte sur la question de savoir s’il y a eu paiement en trop de l’obligation fiscale de l’appelante (lequel a entraîné un remboursement au titre de la PFCE). Il faut déterminer si l’appelante était un particulier admissible au début de chaque mois au cours de la période visée par l’appel, mais ce n’est pas la question sur laquelle porte l’appel en définitive. Il s’agit plutôt de savoir si le paiement en trop de l’obligation fiscale de l’appelante (lequel a été effectué au titre de la PFCE) était exact. Par conséquent, le jugement, comme ce serait le cas s’il s’agissait d’un appel d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation, doit traiter de la question de l’obligation qui incombe à l’appelante en vertu de la Loi, laquelle résulte en l’espèce de la détermination selon laquelle l’appelante avait reçu un montant en trop au titre de la PFCE. [26] Par conséquent, l’appel interjeté par l’appelante est accueilli et l’affaire déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant compte du fait que l’appelante n’a pas reçu de paiements en trop au titre de la PFCE au cours de la période allant du mois d’août 2009 au mois de mai 2010. L’intimée versera à l’appelante des dépens de 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 30e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012CCI176 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-672(IT)I INTITULÉ : KERRY MICHELE DEXTER c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 30 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle-même Avocat de l’intimée : Me Shane Aikat AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi. [2] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi. [3] Pour les particuliers, c'est l'année civile qui est l'année d'imposition (paragraphe 249(1) de la Loi). [4] Le paragraphe 122.62(7) de la Loi a été modifié à L.C. 2011, ch. 24, art. 39, et s'applique aux événements postérieurs au mois de juin 2011. [5] Paragraphe 122.61(1) de la Loi.
2012 CCI 177
TCC
2,012
Johnston c. La Reine
fr
2012-05-29
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30813/index.do
2022-09-04
Johnston c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-29 Référence neutre 2012 CCI 177 Numéro de dossier 2011-3026(IT)I Juges et Officiers taxateurs Patrick J. Boyle Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3026(IT)I ENTRE : ANNE JOHNSTON, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 10 avril 2012, à London (Ontario). Devant : L'honorable juge Patrick Boyle Comparutions : Représentant de l'appelante : M. Terry Norris Avocat de l'intimée : Me Paul Klippenstein ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour l'année d'imposition 2008 de l'appelante, est rejeté conformément aux motifs de jugement ci‑joints. Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de mai 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil Référence : 2012 CCI 177 Date : 20120529 Dossier : 2011‑3026(IT)I ENTRE : ANNE JOHNSTON, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Boyle [1] En 2008, Mme Anne Johnston a demandé un crédit d'impôt pour frais médicaux (le « CIFM ») à l'égard du coût d'acquisition et d'installation d'une cuve thermale devant être utilisée comme piscine d'hydrothérapie par sa fille Erin, qui est atteinte d'une déficience grave et importante, soit une quadriplégie spastique associée à la paralysie cérébrale ainsi que d'autres problèmes médicaux. [2] Erin est la fille adulte de l'appelante, Anne Johnston, et du mari de cette dernière, Brian Johnston. Erin est atteinte de multiples déficiences depuis sa naissance. Elle est atteinte de quadriplégie spastique associée à la paralysie cérébrale avec contraction des membres, et elle doit se déplacer en fauteuil roulant. La contraction des membres limite sa capacité physique de se déplacer et de contrôler ses mouvements musculaires. Elle a subi une chirurgie au cours de laquelle les tendons ont été coupés aux deux jambes. Erin est aveugle, elle est atteinte d'une perte auditive aux deux oreilles, et elle n'est plus ou moins capable de se nourrir qu'avec de l'aide. Erin a des parents, de la famille et des amis qui lui apportent du soutien et qui lui manifestent de l'amour et de l'affection. [3] La maison des Johnston a été transformée pour les besoins d'Erin. Elle est dotée, à l'extérieur, d'un appareil élévateur et d'une rampe; une chambre à coucher et une salle de bains ont été installées au rez-de-chaussée pour Erin; les obstacles qui empêchaient Erin de ramper ou de se déplacer dans son fauteuil roulant ont été supprimés. [4] Le médecin d'Erin a recommandé des séances quotidiennes d'hydrothérapie dans une cuve thermale appropriée en vue de faciliter la stimulation et la relaxation des muscles, la respiration et la circulation sanguine, de soulager la douleur et d'améliorer la mobilité et la flexibilité des muscles. [5] Après qu'Erin eut atteint l'âge de 18 ans, elle ne bénéficiait plus des installations d'hydrothérapie que les Johnston avaient antérieurement pu utiliser localement, dans la région de Sarnia. Sur les conseils du médecin d'Erin, les Johnston ont cherché à acquérir et à installer une piscine appropriée pour l'hydrothérapie. Ils ont pu trouver une cuve thermale d'une marque et d'un modèle particuliers dont la capacité, la pression et le volume ainsi que l'emplacement des jets étaient appropriés pour aider Erin. Le coût, y compris l'installation, n'excédait que légèrement le plafond annuel de 10 000 $. [6] Le père dépose Erin dans la piscine cinq jours par semaine, pour une séance d'une heure. Les thérapeutes professionnels d'Erin ont formé M. Johnston pour que celui‑ci soit capable de s'occuper de cette thérapie quotidienne additionnelle. Les Johnston signalent que les séances d'hydrothérapie offrent à leur fille un soulagement important remarquable, que ce soit au point de vue physique ou quant à son état d'esprit et à son attitude mentale pour la journée. [7] La preuve montre clairement que les Johnston ont acquis et utilisé la cuve thermale uniquement pour les traitements recommandés et au profit d'Erin. Rien ne donne à entendre qu'ils auraient normalement voulu la cuve thermale ou qu'ils l'auraient normalement utilisée. Ils songeaient uniquement aux besoins et au confort d'Erin ainsi qu'à la soulager. Ils n'avaient même pas envisagé la possibilité d'un crédit d'impôt lorsqu'ils ont acquis la piscine pour Erin. [8] L'alinéa 118.2(2)l.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») est ainsi libellé : (2) Frais médicaux. Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés : […] l.2) pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l’habitation du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a) – ne jouissant pas d’un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé – pour lui permettre d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne, pourvu que ces frais, à la fois : (i) ne soient pas d’un type dont on pourrait normalement s’attendre à ce qu’ils aient pour effet d’augmenter la valeur de l’habitation, (ii) soient d’un type que n’engagerait pas normalement la personne jouissant d’un développement physique normal ou n’ayant pas un handicap moteur grave et prolongé; [9] Avant que des modifications soient apportées à cette disposition pour y ajouter les sous-alinéas (i) et (ii), en 2005, les frais engagés dans un cas comme celui d'Erin auraient été admissibles. Erin ne jouit pas d'un développement physique normal et elle a un handicap moteur grave et prolongé. Les séances d'hydrothérapie dans la cuve thermale lui permettent de mieux se déplacer à la maison et d'accomplir plus facilement les tâches de la vie quotidienne. [10] Toutefois, en 2005, le législateur a modifié la disposition prévoyant le CIFM en question en ajoutant les sous-alinéas (i) et (ii) sur la recommandation du ministère des Finances, en réponse à certaines décisions rendues par la présente cour et par la Cour d'appel fédérale, qui avaient conclu que les frais afférents à des cuves thermales et à des planchers en bois franc étaient admissibles dans les circonstances appropriées. [11] Le sous-alinéa (i) prévoit qu'en plus d'être par ailleurs admissibles au CIFM, les frais de rénovation ou de transformation d'une habitation ne doivent pas être d'un type dont on pourrait normalement s'attendre à ce qu'ils aient pour effet d'augmenter la valeur de l'habitation en question. Certains éléments de preuve ont été admis devant la Cour, indiquant que les valeurs des cuves thermales et des piscines sont fort subjectives d'un acheteur éventuel à l'autre et qu'elles peuvent souvent limiter le marché disponible ou ne pas entraîner d'augmentation de la valeur de la propriété. Tel a été l'avis qu'un agent immobilier a donné aux Johnston. Dans ce cas‑ci, je suis convaincu que le type de cuve thermale que les Johnston ont installée n'était pas de nature à accroître la valeur de leur maison et le sous-alinéa (i) n'a pas pour effet de rendre inadmissibles les frais afférents à la cuve thermale dans ce cas‑ci. [12] Toutefois, le sous-alinéa (ii) pose plus de problèmes. Il exige fondamentalement que les rénovations ou transformations admissibles apportées à l'habitation soient d'un type que n'engagerait pas normalement une personne jouissant d'un développement physique normal et capable de se déplacer normalement. Aucun élément de preuve n'a été présenté dans un sens ou dans l'autre, mais je dois prendre connaissance d'office du fait qu'un grand nombre de Canadiens bien portants installent des cuves thermales similaires dans leurs maisons et dans leurs cours. À mon avis, les cuves thermales habituelles généralement offertes sur le marché de détail, telles que celle des Johnston, ne peuvent pas satisfaire à cette dernière exigence. [13] Il est peut-être regrettable que, dans un cas comme celui d'Erin Johnston, cette dernière restriction s'applique, peu importe la raison pour laquelle la cuve thermale était utilisée ou la mesure dans laquelle elle servait aux séances d'hydrothérapie. Les Johnston et leur représentant, M. Norris, pourraient fort bien avoir raison de mettre en doute une politique qui n'accorde pas de mesures de redressement, bien que la cuve thermale ait principalement été installée et qu'elle soit uniquement utilisée pour répondre aux besoins d'Erin. Toutefois, l'intention du législateur ne saurait être plus claire. Cette intention ressort des notes explicatives et des documents budgétaires du ministère des Finances accompagnant les modifications apportées à la législation en 2005, et cela concorde également avec la décision du juge Paris dans l'affaire Hendricks c. La Reine, 2008 CCI 497, 2008 DTC 4852, ainsi qu'avec la décision que j'ai rendue en 2009 dans l'affaire Barnes c. La Reine, 2009 CCI 429, 2009 DTC 1282. Dans l'affaire Hendricks, des planchers de bois franc avaient été installés pour une personne gravement atteinte d'asthme. Dans l'affaire Barnes, dans une situation semblable à celle d'Erin, une piscine avait été installée à l'intention de la fille du contribuable pour ses besoins et pour son usage exclusif, sur recommandation de ses médecins. La Cour ne peut pas faire abstraction des dispositions législatives claires édictées par le législateur ou y passer outre, et ce, même si, comme l'a soutenu le représentant de l'appelante, les modifications sont beaucoup trop restrictives, lorsqu'il s'agit de remédier à des cas antérieurs d'abus perçu, soit un problème qui ne se pose pas en l'espèce. [14] Cela ne veut pas dire que, dans les circonstances appropriées, une cuve thermale ou une piscine spécialement conçues ou modifiées pour une personne, à des fins de physiothérapie thérapeutique, ne pourront pas être admissibles. [15] L'appel interjeté par Mme Johnston ne satisfait pas au critère prévu par la loi pour la seule et unique raison que le sous-alinéa (ii) impose une exigence à laquelle la cuve thermale des Johnston ne satisfait pas. Le législateur a clairement fait en sorte que la barre à franchir soit haute. [16] Le représentant de Mme Johnston a également invoqué des arguments axés sur la discrimination, fondés sur les garanties d'égalité de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Ses arguments étaient fondés sur le traitement inégal et discriminatoire d'Erin Johnston. Toutefois, je ne puis constater aucune discrimination ni aucun traitement inégal à l'égard d'Erin, comparativement à d'autres Canadiens. Aucun autre Canadien, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant, d'une personne à charge ou non, ou d'une personne atteinte d'une déficience ou non, n'a le droit de déduire les frais d'une cuve thermale au titre du CIFM en pareilles circonstances. Si j'ai bien compris, l'argument invoqué en vertu de la Charte était essentiellement qu'aucune aide fiscale n'est disponible à l'égard des frais médicaux recommandés et nécessaires pour les séances d'hydrothérapie d'Erin. Or, la définition des frais médicaux qui seront admissibles au CIFM et la modification des conditions d'admissibilité ne constituent ni l'une ni l'autre une forme de discrimination prohibée par la Charte. De fait, c’est une tâche qui incombe au législateur lorsqu'il s'agit de créer et de mettre en œuvre de façon continue des programmes d'aide sociale. Il n'est pas loisible à la Cour de substituer son jugement quant à savoir où il faudrait tracer ou retracer de telles lignes de démarcation. [17] La Cour regrette de ne pas pouvoir, dans le cadre des dispositions de la Loi, accorder à Mme Johnston la mesure de redressement demandée. La Cour souhaite à Erin et à ses parents de continuer à obtenir du succès dans les traitements d'Erin. La preuve soumise par le père et par la mère montrait clairement qu'il était vraiment plus important pour eux d'assurer le soulagement continu d'Erin que d'avoir droit à la déduction d'impôt. [18] La règle de droit applicable exige que je rejette l'appel. Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de mai 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil RÉFÉRENCE : 2012 CCI 177 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3026(IT)I INTITULÉ : ANNE JOHNSTON c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : London (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 10 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable Patrick Boyle DATE DU JUGEMENT : Le 29 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l'appelante : M. Terry Norris Avocat de l'intimée : Me Paul Klippenstein AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 178
TCC
2,012
Maxi Maid Services Ltd. c. La Reine
fr
2012-05-29
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30812/index.do
2022-09-04
Maxi Maid Services Ltd. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-29 Référence neutre 2012 CCI 178 Numéro de dossier 2011-2476(IT)I Juges et Officiers taxateurs Campbell J. Miller Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2476(IT)I ENTRE : MAXI MAID SERVICES LTD., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 9 mai 2012 à Kelowna (Colombie‑Britannique). Par : L’honorable juge Campbell J. Miller Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Darren Umeris Avocate de l’intimée : Me Holly Popenia ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est accueilli, et la cotisation faisant état d’une pénalité est annulée. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. Référence : 2012 CCI 178 Date : 20120529 Dossier : 2011-2476(IT)I ENTRE : MAXI MAID SERVICES LTD., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge C. Miller [1] Maxi Maid Services Ltd. (la société « Maxi Maid ») interjette appel sous le régime de la procédure informelle à l’encontre de la pénalité imposée par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour le fait que la Maxi Maid avait omis de remettre des retenues à la source dans le délai prévu (paragraphe 227(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)). [2] Malheureusement, le représentant de l’appelante, l’unique actionnaire et administrateur, M. Umeris, a présenté une preuve quelque peu vague quant à la réalité des faits. Toutefois, j’ai tiré quelques points clés de la preuve qu’il a présentée. [3] Pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, M. Umeris a modifié, en 2008, la façon habituelle dont la Maxi Maid le payait : au lieu de recevoir un salaire toutes les deux semaines, M. Umeris a plutôt choisi d’effectuer des retraits sur le compte de la société, retraits qu’il considérait comme des dividendes. Pour l’année 2008, ces retraits sous forme de dividendes de 1 800 $ à 2 000 $ qu’il effectuait une semaine sur deux représentaient un montant total d’un peu plus de 40 000 $. Ce montant était inférieur au salaire que M. Umeris avait reçu en 2007 ou en 2009. [4] L’exercice de la Maxi Maid se termine le 31 octobre. [5] En avril 2009, lorsqu’il s’apprêtait à produire sa déclaration de revenus des particuliers, M. Umeris a rencontré son comptable pour obtenir le formulaire T5 nécessaire relativement aux dividendes, et il a alors appris que la Maxi Maid n’était pas en mesure de verser des dividendes, et qu’elle devait plutôt lui verser un salaire. Il a été établi que le salaire approprié à attribuer à M. Umeris pour 2008 était de 50 000 $. M. Umeris a alors rempli, en avril 2009, le feuillet T4 et la déclaration T4 sommaire nécessaires, lesquels faisaient état d’un salaire de 50 000 $ en 2008. Il a ensuite, toujours en avril 2009, préparé une écriture de redressement qui contre-passait les versements de dividendes. Cette écriture se présentait de la manière suivante : [traduction] Écriture de redressement 30 décembre 2008 Débits Crédits 2680 – Prêts de l’actionnaire 1 255,05 $ 1060 – Compte bancaire (chèques) 39 344,95 $ 5745 – Retraits de l’actionnaire ou dividendes 40 600 $ écriture de redressement nécessaire pour éliminer les dividendes/retraits de l’actionnaire. [6] M. Umeris a aussi calculé les retenues à la source nécessaires sur le salaire de 50 000 $, soit environ 12 773 $, et il a versé ce montant au gouvernement en mai 2009. [7] L’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC »), ayant reçu la déclaration T4 sommaire de la Maxi Maid pour 2008 où figurait un salaire de 50 000 $ payé en 2008, sans pour autant avoir reçu les retenues à la source avant mai 2009, a établi une pénalité pour production tardive en application du paragraphe 227(9) de la Loi, qui est ainsi libellé : 227(9) Sous réserve du paragraphe (9.5), toute personne qui ne remet pas ou ne paye pas au cours d’une année civile, de la manière et dans le délai prévus à la présente loi ou à son règlement, un montant déduit ou retenu conformément à la présente loi ou à son règlement ou un montant d’impôt qu’elle doit payer conformément à l’article 116 ou à une disposition réglementaire prise en application du paragraphe 215(4) est passible d’une pénalité : a) soit, sous réserve de l’alinéa b) : (i) si le receveur général reçoit ce montant au plus tard à la date où il est exigible, mais que le montant n’est pas payé de la manière prévue, de 3 % du montant, (ii) si le receveur général reçoit ce montant : (A) au plus trois jours après la date où il est exigible, de 3% du montant, (B) plus de trois jours, mais au plus cinq jours après la date où il est exigible, de 5 % du montant, (C) plus de cinq jours, mais au plus sept jours après la date où il est exigible, de 7 % du montant, (iii) si ce montant n’est pas payé ou remis au plus tard le septième jour suivant la date où il est exigible, de 10 % du montant; b) soit de 20 % du montant qui aurait dû être remis ou payé au cours de l’année si, au moment du défaut, une pénalité en application du présent paragraphe était payable par la personne et si le défaut a été commis sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. [8] L’intimée soutient que les paiements faits aux deux semaines tout au long de l’année 2008 étaient en réalité des versements de salaire, et que les écritures de redressement comptables faites à l’égard de M. Umeris en avril 2009, qui étaient des écritures de contre-passation des dividendes versés, traduisent cette réalité. L’intimée affirme aussi que cette conclusion est davantage compatible avec les faits selon lesquels la Maxi Maid versait un salaire à M. Umeris aux deux semaines dans les années antérieures et postérieures à 2008. Ce que la position de l’intimée indique, toutefois, c’est qu’il y a une violation du paragraphe 227(8) de la Loi plutôt que du paragraphe 227(9) de la Loi. Il est évident que, selon le paragraphe 227(9) de la Loi, il faut qu’il y ait un défaut de versement de sommes qui ont été retenues, et non un défaut de versement de sommes qui n’ont jamais été retenues, mais qu’on aurait peut‑être dû retenir. Les pénalités imposées à une personne qui omet d’effectuer des retenues sont prévues au paragraphe 227(8) de la Loi, qui est ainsi libellé : 227(8) Sous réserve du paragraphe (8.5), toute personne qui ne déduit pas ou ne retient pas un montant au cours d’une année civile conformément au paragraphe 153(1) ou à l’article 215 est passible d’une pénalité : a) soit de 10 % du montant qui aurait dû être déduit ou retenu; b) soit de 20 % du montant qui aurait dû être déduit ou retenu au cours de l’année si, au moment du défaut, une pénalité en application du présent paragraphe était payable par la personne sur ce montant et si le défaut a été commis sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. [9] Malheureusement, je n’ai pas abordé ce sujet avec l’avocate de la Couronne à l’audience, bien que Me Popenia ait soutenu que le paragraphe 227(9) de la Loi s’applique en cas de défaut de versement de fonds qui auraient dû être retenus. Je ne souscris pas à cet argument, et ce n’est pas ce que prévoit la disposition en question. [10] Le paragraphe 227(8) de la Loi prévoit expressément que le contribuable qui omet d’effectuer une retenue est passible d’une pénalité. Si le contribuable ne remet pas dans le délai prévu des fonds qui ont été retenus, une pénalité différente s’applique, à savoir celle prévue au paragraphe 227(9) de la Loi. En l’espèce, la Maxi Maid n’a pas omis de remettre dans le délai prévu des fonds qui avaient été retenus. La Maxi Maid a effectué des retenues en avril 2009 et elle les a versées en mai 2009. [11] Il s’agirait d’un gaspillage de temps, d’efforts et de ressources que d’accueillir l’appel au seul motif qu’une cotisation a été établie à l’égard du contribuable en application de la mauvaise disposition de la Loi, juste pour permettre à la Couronne de se raviser et d’établir une cotisation en vertu du paragraphe 227(8) de la Loi, en supposant qu’elle pourrait surmonter la difficulté posée par le délai de prescription de trois ans, ce qui exige l’existence d’une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. [12] La difficulté à laquelle le ministre se heurte est que, lorsqu’il s’agit de l’imposition d’une pénalité, le fardeau de la preuve incombe au ministre. Ce dernier n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve en établissant, selon la prépondérance des probabilités, que des fonds avaient été retenus en 2008. Pour prouver que la Maxi Maid est allée à l’encontre du paragraphe 227(8) de la Loi, le ministre devrait prouver qu’un salaire a été versé en 2008. Malheureusement, M. Umeris n’a produit aucun livre ni registre de la société qui nous permette de tirer au clair ce qui s’est réellement passé en 2008. Il ne nous reste que la preuve non contredite de M. Umeris selon laquelle il a effectué des retraits sous forme de dividendes et que ce n’est qu’en avril 2009 que des mesures ont été prises pour rectifier la situation. Rien ne permet d’établir que lesdits retraits sous forme de dividendes n’étaient que le fruit de l’imagination de M. Umeris. J’admets le fait que la Maxi Maid n’a pas fait de versements de salaire aux deux semaines à M. Umeris tout au long de l’année 2008. [13] L’on est alors amené à se demander si l’écriture comptable de redressement quelque peu inhabituelle a comme par magie rétabli les choses, de sorte qu’un montant de 1 800 $ que M. Umeris avait retiré de la société en septembre 2008, par exemple, était à ce moment‑là de la nature d’un salaire, de sorte que M. Umeris aurait dû savoir qu’il devait veiller à ce que la Maxi Maid effectue des retenues à la source. Ou faut‑il se demander si, comme l’a souligné le juge en chef Bowman dans la décision VanNieuwkerk c. Canada[1], les écritures comptables créent la réalité ou ne font que refléter la réalité. J’ajouterais ceci à cette réflexion : ou ni l’un ni l’autre. [14] La situation nous amène à constater que, même si j’interprétais l’écriture comptable comme ayant donné aux sommes versées la nature de salaire dès leur versement, il serait fourni à M. Umeris le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui, à mon avis, peut être invoqué relativement aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 227(8) de la Loi (voir les observations du juge Bowie dans la décision 741290 Ontario Inc. c. Canada[2]). Étant donné que l’intention de la Maxi Maid et de M. Umeris, à l’époque pertinente, n’était pas que les retraits représentent des salaires, comment peut‑on imputer une faute à la Maxi Maid pour défaut d’effectuer et de remettre des retenues à la source? La société a‑t‑elle agi de manière raisonnable? Il n’est pas inhabituel pour de petites entreprises de déterminer à la fin de l’exercice la manière dont le propriétaire ou le directeur doit être rémunéré. Selon la thèse du ministre, il faudrait que cette décision soit prise au moment où tout retrait est effectué par une société en faveur de son propriétaire ou de son directeur. Cette façon de voir les choses n’est pas conforme à la réalité commerciale. M. Umeris n’a pas été d’une grande aide pour clarifier la situation, compte tenu de ses vagues connaissances comptables et du manque de documents à l’appui. Toutefois, pour ce qui est de l’espèce, je suis convaincu que le ministre n’est pas parvenu à prouver qu’un montant avait été retenu en 2008 et qu’il n’avait pas été remis dans le délai prévu. [15] La brève incursion de M. Umeris dans l’établissement d’une répartition adéquate de la rémunération entre les dividendes et le salaire s’est révélée être un fiasco. Comme je le lui ai mentionné à l’audience, et je le répète, M. Umeris aurait avantage à demander conseil à un comptable professionnel compétent afin d’éviter une pareille situation à l’avenir. [16] L’appel est accueilli et la cotisation faisant état d’une pénalité est annulée. Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juin 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 178 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2476(IT)I INTITULÉ : MAXI MAID SERVICES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Kelowna (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 9 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Campbell J. Miller DATE DU JUGEMENT : Le 29 mai 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Darren Umeris Avocate de l’intimée : Me Holly Popenia AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : s/o Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2003 CCI 670. [2] 2011 CCI 91.
2012 CCI 179
TCC
2,012
Grossett c. La Reine
fr
2012-06-07
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30834/index.do
2022-09-04
Grossett c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-07 Référence neutre 2012 CCI 179 Numéro de dossier 2009-705(IT)I Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2008-1720(IT)I ENTRE : JAMES O. GROSSETT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appels entendus le 28 mars 2012 à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocate de l’intimée : Me Erin Strashin ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 à 2006 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2009-705(IT)I ENTRE : ONEIL GROSSETT, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appels entendus le 28 mars 2012 à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Pour les appelants : Les appelants eux‑mêmes Avocate de l’intimée : Me Erin Strashin ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 à 2006 sont accueillis en partie et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 179 Date : 20120607 Dossiers : 2008-1720(IT)I, 2009-705(IT)I ENTRE : JAMES O. GROSSETT, ONEIL GROSSETT, appelants, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Paris [1] Les appelants interjettent appel à l’encontre de nouvelles cotisations établies à leur égard relativement aux années d’imposition 2002 à 2006, dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé leurs demandes de crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour les montants suivants : James Grosset Oneil Grosset 2002 2003 2004 2005 2006 23 039 $ 9 500 $ 10 500 $ 13 041 $ 8 200 $ 10 200 $ 10 900 $ 11 545,98 $ 10 565 $ 3 590 $ [2] Le ministre a refusé les demandes compte tenu du fait que les appelants n’avaient fait aucun don à des organismes de bienfaisance dans les années visées par l’appel, et qu’ils avaient acheté des reçus pour don de bienfaisance qu’ils ont utilisés à l’appui de leurs demandes. [3] À titre subsidiaire, s’il est conclu que les appelants ont fait un quelconque don à quelque organisme de bienfaisance que ce soit dans les années visées par l’appel, l’intimée soutient que les reçus pour don de bienfaisance délivrés aux appelants ne satisfont pas aux exigences énoncées dans le Règlement de l’impôt sur le revenu. [4] Une nouvelle cotisation a aussi été établie à l’égard d’Oneill Grossett, dans laquelle certains frais de garde d’enfants qu’il avait déduits pour ses années d’imposition 2003 à 2006 ont été refusés. Toutefois, l’intimée a admis les frais en question à l’audience. [5] Les appelants avaient le fardeau de réfuter les hypothèses émises par le ministre, sauf en ce qui concerne les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2002 et 2003 qui ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation selon le paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). LES FAITS [6] À la demande de l’intimée, et avec le consentement des appelants, les appels ont été entendus sur preuve commune. Les appelants ont tous les deux témoigné à l’audience et l’intimée a appelé trois témoins de l’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC »). [7] Il ressort de la preuve que les appelants ont tous les deux fait appel aux services d’Ambrose Danso‑Dapaah, faisant affaire sous le nom d’ADD Accounting (« ADD »), pour l’établissement de leurs déclarations de revenus pour les années 2002, 2003 et 2004. [8] Le 15 décembre 2008, M. Danso‑Dapaah a plaidé coupable pour avoir vendu à des clients de faux reçus pour don de bienfaisance pour les années d’imposition allant de 2002 à 2005 afin de leur permettre de réduire frauduleusement leur impôt sur le revenu à payer. M. Danso‑Dapaah vendait les reçus pour une partie (habituellement 10 %) du montant du don figurant sur le reçu. Il a reconnu qu’il avait fourni de faux reçus pour don de bienfaisance pour une valeur nominale totale de plus de 39 millions de dollars durant la période. [9] M. Danso‑Dapaah a délivré de faux reçus pour dons au nom de plusieurs organismes de bienfaisance dont il était administrateur, y compris la Canafrica International Foundation et la Canadian Foundation for Child Development. [10] L’ARC a entamé une enquête à l’égard des activités de M. Danso‑Dapaah en 2006, et a saisi des documents en vertu de mandats de perquisition exécutés en novembre 2006. Ces documents comportaient environ 6 800 dossiers fiscaux électroniques provenant de Cantax ainsi que des factures de clients d’ADD qui indiquaient les frais d’établissement de déclarations, la valeur nominale des reçus pour don de bienfaisance et des frais correspondant à 10 % de ce montant. La vérificatrice principale chargée du dossier, à savoir Barbara Lovie, a témoigné sur le fait qu’elle avait trouvé des factures provenant d’ADD adressées à Oneil et à James Grossett pour l’établissement de leurs déclarations de revenus pour 2003 et 2004. La facture concernant la déclaration de revenus pour 2003 d’Oneil Grossett contenait la note [traduction] « reçu 10 900 $ » et des frais correspondants de 1 090 $. La facture concernant sa déclaration de revenus pour 2004 contenait la note [traduction] « reçu 11 545,98 $ » et des frais correspondants de 1 150 $. La facture relative à l’établissement de la déclaration de revenus de James Grossett pour 2003 mentionnait un reçu de 9 500 $ et des frais correspondants de 800 $. Mme Lovie a déclaré qu’elle croyait que James Grossett avait obtenu une ristourne pour les frais figurant sur le reçu parce qu’il avait adressé d’autres personnes à ADD. La facture de James Grossett concernant sa déclaration de revenus pour 2004 mentionnait [traduction] « reçu 10 500 $ Canafrica Foundation » et des frais correspondants de 1 050 $. [11] Un des employés de M. Danso‑Dapaah, George Gudu, travaillait aussi pour Frances Kungu, qui exploitait Payless Tax Inc. (« Payless »). Parallèlement, M. Gudu exploitait sa propre entreprise sous le nom de Senyo Accounting (« Senyo »). Senyo et Payless établissaient toutes les deux des déclarations de revenus, et il semblait y avoir un certain chevauchement entre ces activités. En 2007, M. Kungu a été accusé d’avoir vendu de faux reçus pour don de bienfaisance. Il n’a pas comparu à l’instruction de sa cause et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. M. Gudu a également été accusé d’avoir vendu et utilisé de faux reçus dans l’établissement de déclarations de revenus, et il a plaidé coupable à ces accusations. Là encore, les reçus étaient habituellement vendus pour 10 % de la valeur nominale du reçu. Rien qu’en 2006, les reçus vendus représentaient plus de quatre millions de dollars. Les organismes de bienfaisance qui ont utilisé ces stratagèmes sont entre autres : Pan Africa Multicultural Centre, Avenue Development Foundation et Bible Teaching Ministries. Les fouilles effectuées dans les locaux de Payless ont permis aux enquêteurs de l’ARC de mettre la main sur des copies électroniques de déclarations de revenus ainsi que des factures indiquant les frais d’établissement de déclarations de revenus et les frais d’établissement de reçus pour don de bienfaisance. L’ARC a également trouvé des carnets de reçus pour dons à divers organismes de bienfaisance, dont certains reçus avaient été signés à l’avance, ainsi qu’une liste de personnes auxquelles on avait donné des reçus à vendre et un registre des montants qui avaient été payés pour les reçus. [12] Selon le témoignage de Deborah Edyvean, l’enquêteuse principale chargée des dossiers de Payless et de George Gudu, les documents saisis contenaient des factures pour Oneil Grossett concernant l’établissement de ses déclarations de revenus pour 2005 et 2006 et pour James Grossett pour l’établissement de sa déclaration de revenus pour 2006. Les factures établies pour Oneil indiquaient des frais de 1 050 $ pour 2005 relativement à un reçu de 10 565 $, et des frais de 360 $ pour 2006 relativement à un reçu de 3 590 $. La facture au nom de James Grossett pour l’année d’imposition 2006 indiquait des frais de 660 $ correspondant à un chiffre de « 8 200 ». James Grossett avait demandé une déduction de 8 200 $ au titre de dons de bienfaisance dans sa déclaration de revenus pour 2006. [13] Dans leur témoignage, les appelants affirment qu’ils n’ont pas acheté de faux reçus pour don de bienfaisance pour les années en question. Ils soutiennent qu’ils ont fait des dons en espèces et des dons d’articles ménagers ainsi que d’appareils électroniques d’une valeur égale au montant total des dons de bienfaisance déduits. Les appelants ont également déclaré qu’ils avaient consulté le site Web de l’ARC pour se renseigner au sujet des organismes de bienfaisance, et qu’ils avaient vérifié que ces organismes étaient enregistrés. [14] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve présentée, je conclus que ni James ni Oneil ne sont des témoins crédibles. Il est difficile de croire, à mon avis, que l’un ou l’autre ait été dans une situation financière lui permettant de faire les dons qu’ils ont déduits. Par exemple, le don de 23 039 $ que James Grossett prétend avoir fait en 2002 aurait été égal à presque la moitié de son revenu total de 50 702 $. Pour Oneil, un père seul qui venait de commencer un travail en 2002, le don de 10 200 $ qu’il prétend avoir fait aurait été égal à environ un quart de son revenu total de 45 808 $. La même tendance peut être observée dans les autres années d’imposition en question. Même si une partie de tels dons avait été faite en nature, je ne vois toujours pas comment la situation financière des appelants pouvait leur permettre de faire les dons en argent ou les dons de biens qu’ils affirment avoir faits. En outre, des dons aussi importants auraient été totalement incompatibles avec les habitudes des appelants en matière de dons. Entre 1988 et 2010, James Grossett n’a demandé aucun crédit d’impôt pour don de bienfaisance autre que ceux en question. Il n’y avait aucun document concernant les années antérieures à 1988. La seule autre déduction pour don de bienfaisance demandée par Oneil depuis qu’il avait commencé à produire des déclarations de revenus en 1994 était de 25 $ pour 2001. [15] En outre, les explications des deux appelants quant à la manière dont les prétendus dons avaient été faits n’étaient pas plausibles. Malgré les gros montants en cause, les appelants ont tous les deux déclaré qu’une partie importante des dons avait été faite en espèces. Le reste consisterait en des dons d’articles ménagers d’occasion. [16] James Grossett a déclaré qu’il avait fait plusieurs dons en espèces dans chacune des années en cause, mais qu’il n’avait obtenu un reçu qu’à la fin de chaque année pour le montant total des dons. Il m’est difficile de croire qu’il aurait simplement donné des milliers de dollars en espèces à M. Danso‑Dapaah, à plusieurs reprises, sans lui demander de documents ou de reçus. [17] Oneil Grossett a déclaré qu’il retirait de l’argent de son compte bancaire à différents moments de l’année et qu’il le conservait à la maison. Il a affirmé qu’après avoir reçu son feuillet T4, il mettait l’argent dans une enveloppe, avec tous ses autres documents fiscaux, pour que son père les remette à M. Danso‑Dapaah. Il ne me semble pas logique qu’il retire de l’argent à divers moments de l’année et qu’il le conserve à la maison jusqu’à ce qu’il soit remis à M. Danso‑Dapaah, plutôt que de le laisser à la banque et d’émettre un seul chèque à l’ordre de l’organisme de bienfaisance. [18] En outre, il n’y a pas de concordance entre le moment où les prétendus dons auraient été faits et celui où les reçus ont été délivrés, étant donné qu’Oneil a déclaré qu’il avait remis les dons à son père après avoir reçu son feuillet T4 pour l’année civile précédente. Les reçus qu’il avait, pourtant, portaient tous soit une date de l’année civile en question soit la date du dernier jour de l’année. [19] Oneil et James Grossett ont tous les deux soutenu que les membres de leur collectivité effectuaient leurs opérations au comptant, mais il semblait également que les deux avaient des comptes bancaires qu’ils utilisaient. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne pouvaient lier les prétendus dons en espèces à de quelconques retraits précis de leurs comptes ou à une tout autre source de fonds. [20] Une autre difficulté posée par le témoignage des appelants consiste dans le fait qu’aucun d’eux n’était capable de donner autre chose qu’une description vague des biens qu’ils prétendent avoir donné, et ni l’un ni l’autre n’avaient de document écrit concernant ces biens. [21] En résumé, les documents saisis par l’ARC lors des enquêtes menées à l’égard des activités de M. Danso‑Dapaah, de M. Kungu et de M. Gudu montrent que les appelants ont tous les deux participé au stratagème de faux reçus pour don de bienfaisance. Compte tenu de l’absence totale de toute preuve crédible selon laquelle ils ont, en réalité, fait les dons en cause, je suis convaincu qu’ils ont acheté les reçus pour don de bienfaisance utilisés pour demander les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance à l’égard des années visées par l’appel. [22] Les montants payés pour les reçus ne seraient pas admissibles à titre de dons, étant donné qu’« un don est le transfert volontaire du bien d’un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d’avantage ni de contrepartie » (propos du juge Linden dans l’arrêt Her Majesty the Queen v. Albert D. Friedberg, 92 DTC 6031 à la page 6032). En l’espèce, les appelants ont acheté les reçus pour obtenir une réduction de leurs impôts, et ils n’avaient aucune intention de faire un don à quelque organisme de bienfaisance que ce soit. [23] Après avoir conclu que les appelants ont tous les deux acheté sciemment de faux reçus pour don de bienfaisance qui ont été utilisés pour demander des crédits d’impôt auxquels ils n’avaient pas droit, il est évident que les appelants ont tous les deux fait une présentation erronée des faits dans leurs déclarations de revenus pour 2002 et 2003 (ainsi que dans celles des autres années en question). Par conséquent, c’est à juste titre que le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard des appelants pour leurs années d’imposition 2002 et 2003 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. [24] Compte tenu des conclusions énoncées ci‑dessus, il n’est pas nécessaire que je me penche sur l’argument subsidiaire soulevé par l’intimée concernant le caractère suffisant des reçus pour dons. [25] Les appels interjetés par James Grossett sont rejetés. Les appels interjetés par Oneil Grossett sont accueillis en partie, compte tenu du fait que des frais de garde d’enfants de 3 600 $, de 2 100 $, de 4 000 $ et de 4 000 $ doivent lui être accordés dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 179 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-1720(IT)I, 2009-705(IT)I INTITULÉ : James O. Grossett c. SA MAJESTÉ LA REINE Oneil Grossett c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 7 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour les appelants : Les appelants eux‑mêmes Avocate de l’intimée : Me Erin Strashin AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 18
TCC
2,012
Bégin c. La Reine
fr
2012-01-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30666/index.do
2022-09-04
Bégin c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-12 Référence neutre 2012 CCI 18 Numéro de dossier 2010-2986(IT)I Juges et Officiers taxateurs Johanne D’Auray Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-2986(IT)I ENTRE : ANDRÉ BÉGIN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appels entendus le 21 octobre 2011, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Johanne D'Auray Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Serge Fournier Avocat de l'intimée : Me Gabriel Girouard ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 sont rejetés. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2012. « Johanne D’Auray » Juge D'Auray Référence : 2012 CCI 18 Date : 20120112 Dossier : 2010-2986(IT)I ENTRE : ANDRÉ BÉGIN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT La juge D'Auray [1] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes : - Est-ce que le ministre était justifié d’ajouter aux revenus de l’appelant des commissions s’élevant à 33 883 $ pour l’année d’imposition 2005 et à 28 400 $ pour l’année d’imposition 2006 en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ? - Si je décidais que les commissions étaient imposables en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi, est-ce que le ministre serait justifié de refuser à titre de déduction les primes rattachées auxdites polices d’assurance vie en vertu de l’alinéa 18(1)(h) de la Loi ? LES FAITS [2] Les faits suivants ont été admis par l’appelant à l’audience : a) L’appelant était courtier en assurance vie. b) Au cours des années en question, l’appelant a, parallèlement à ses activités habituelles en assurance vie, mis en place une activité commerciale lui permettant de réaliser des profits en souscrivant des polices d’assurance vie individuelles pour lui-même, sa conjointe et son père. c) L’appelant tirait un profit de cette activité, car les commissions qu’il recevait relativement à ces assurances vie individuelles étaient supérieures aux primes déboursées. d) Pour les années d’imposition 2005 et 2006, l’appelant a reçu, à titre de commissions pour les polices d’assurance vie individuelles, des montants de 33 883 $ et de 28 400 $ respectivement. e) Pour les années d’imposition 2005 et 2006, l’appelant a versé, à titre de primes d’assurance vie individuelles, des montants de 20 826 $ et de 15 721 $. f) L’appelant était le bénéficiaire des assurances vie de sa conjointe et de son père. Sa conjointe était la bénéficiaire de l’assurance vie de l’appelant. g) Pendant leur période d’assurance, l’appelant, sa conjointe et son père ont bénéficié des protections prévues dans ces polices. h) L’appelant savait, lors de la signature des contrats, qu’il allait abandonner les polices d’assurance vie peu de temps avant la fin de la période minimale d’adhésion qui était de 24 mois. i) La maison de courtage avec laquelle l’appelant faisait des affaires payait les primes relatives aux polices d’assurance vie individuelles à même le versement des commissions. j) L’objectif de l’appelant était de gagner un revenu en utilisant à son avantage le système de rémunération de certaines compagnies d’assurance vis-à-vis leurs vendeurs. [3] Lors de la production de ses déclarations de revenus, l’appelant a déclaré des revenus bruts de commissions s’élevant à 4 652 $ et à 1 892 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006 respectivement. L’appelant a expliqué à l’Agence du Revenu du Canada (ARC) lors de la production de ses déclarations de revenus pourquoi, selon lui, il n’avait pas à inclure dans ses revenus les sommes reçues pour les commissions relatives aux assurances vie individuelles. [4] Les Assurances Luc Deguire Inc., le payeur, a produit des T4A indiquant des montants de 34 500 $ et de 28 400 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006 respectivement. Ces sommes incluaient le montant de commissions que l’appelant avait reçu pour les polices d’assurance vie individuelles qu’il avait souscrites sur sa vie, celle de sa conjointe et celle de son père. [5] À l’audience, l’appelant a fait valoir que les commissions qu’il a reçues à l’égard des polices d’assurance vie individuelles ne devraient pas être incluses dans le calcul de ses revenus pour les années d’imposition 2005 et 2006. Subsidiairement, il a fait valoir que, si les commissions doivent être incluses à titre de revenu d’entreprise, les primes devraient être déductibles comme dépenses engagées dans le but de tirer un revenu d’entreprise. [6] À l’appui de sa thèse, il se réfère au paragraphe 27 du Bulletin d’interprétation IT-470 R qui se lit comme suit : […] lorsqu’un vendeur d’assurance-vie acquiert une police d’assurance-vie et qu’il touche une commission sur cette police, celle-ci n’est pas imposable pourvu que le vendeur soit propriétaire de la police et qu’il soit tenu de verser les primes exigées à l’égard de cette police. [7] Cela étant dit, l’ARC a aussi mentionné que le paragraphe 27 du Bulletin ne vise que les cas où l’achat des polices a été fait dans un but personnel et non pas à titre d’investissement ou pour gagner un revenu d’entreprise. [8] Dans le cas présent, il a été admis à différentes reprises que l’achat des polices d’assurance vie individuelles par l’appelant avait été fait pour augmenter ses revenus. Je cite les paragraphes 2, 4 et 8 de l’avis d’appel : 2. Au cours des années d’imposition 2005 et 2006, l’Appelant en plus des ses activités habituelles en assurances-vie a mis en place une activité commerciale lui permettant de réaliser des profits, soit la différence entre le montant des primes versées pour une assurance-vie spécifique et le montant des commissions versées par les assureurs en regard de ces assurances. […] 4. Ainsi, de façon parallèle à ses activités de courtier en assurances-vie, l’Appelant a mis en place diverses assurances-vie dont il a [sic] acquittait les primes et ce, de façon à obtenir des commissions pour par la suite laisser expirer les assurances sans avoir à rembourser les commissions reçues. […] 8. L’Appelant n’a jamais eu l’intention de maintenir ces polices d’assurance-vie après la période nécessaire à rendre acquises les commissions reçues en regard desdites assurances. [9] L’appelant a d’ailleurs confirmé ces allégations de faits lors de son témoignage à l’audience. ANALYSE [10] Je tiens d’abord à souligner que je ne suis pas liée par le Bulletin d’interprétation[1]. De plus, même s’il y avait un doute sur le sens de la Loi, je suis d’avis que l’appelant ne peut soulever ce bulletin dans le présent appel; l’appelant a acheté les polices d’assurance vie non pas dans un but personnel, mais plutôt pour gagner un revenu d’entreprise. [11] L’appelant me demande aussi de ne pas tenir compte de la décision Bilodeau[2], rendue par ma collègue, la juge Lamarre. [12] Dans cette décision, M. Bilodeau avait souscrit des polices d’assurance vie universelles avec des coûts d’assurance garantis pour lui et sa conjointe. Comme l’explique la juge Lamarre dans sa décision : [4] […] celui qui investit dans une telle police investit une somme plus importante dès le début, laquelle est déposée dans un fonds, dont les revenus s’accumulent libre d’impôt et servent à payer le coût d’assurance sur une période moyenne d’environ 5 à 7 ans, selon le taux de rendement dans le fonds. M. Bilodeau alléguait qu’il avait acquis les polices d’assurance à des fins personnelles, car il n’y avait aucune valeur de rachat pour les premières années. M. Bilodeau avait fait valoir que c’est la non-imposition de la commission qui lui permettait d’absorber le coût élevé de l’assurance. M. Bilodeau avait versé des primes totalisant 57 166,51 $ pour les deux polices et avait reçu une commission de 43 115 $. [13] M. Bilodeau s’appuyait sur le même bulletin d’interprétation pour faire valoir la non-imposition des commissions qu’il avait gagnées relativement à ces assurances pour lui et sa conjointe. Selon l’ARC, les achats avaient été faits à des fins d’investissement et, donc, le Bulletin d’interprétation ne s’appliquait pas. [14] La juge a conclu que M. Bilodeau avait gagné des commissions à titre d’agent d’assurance. Par conséquent, les commissions étaient imposables en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi. Aux paragraphes 14 et 19 de sa décision, la juge Lamarre s’exprimait ainsi : [14] À mon avis, la commission reçue au montant de 43 115 $ est un revenu imposable aux termes du paragraphe 9(1) de la LIR. Il s’agit là d’un revenu que l’appelant tire de son entreprise. En effet, l’appelant a reçu cette somme dans le cadre de l’exercice de sa profession de courtier en assurance-vie. S’il n’avait pas été courtier, il n’aurait pas reçu cette commission. […] […] [19] En conséquence, que les polices aient été acquises par l’appelant pour des fins personnelles, ou pour obtenir un rendement libre d’impôt, ne change rien à mon avis à l’imposabilité de la commission qu’il a reçue dans le cadre de l’exercice de sa profession. [15] L’appelant n’est pas d’accord avec la conclusion de la juge Lamarre. Selon lui, les commissions ne sont pas imposables, car les polices ont été souscrites à des fins personnelles. Les questions posées par l’appelant sont les suivantes : - Est-il logique d’imposer des commissions sur des polices dont on a payé les primes ? - Est-ce qu’un contribuable gagne un revenu d’affaires en spéculant sur sa propre vie ? [16] Il est difficile pour moi de répondre à ces questions qui sont, à mon avis, des questions qui touchent les politiques fiscales. Je dois me restreindre aux textes de la Loi. Dans le présent appel, il a été établi en preuve que l’appelant a acheté les polices d’assurance vie individuelles pour gagner un revenu au sens du paragraphe 9(1) de la Loi. Par conséquent, les prétentions de l’appelant, qui fait valoir en argument que les polices d’assurance vie ont été achetées à des fins personnelles, ne tiennent pas. De plus, comme l’indique ma collègue la juge Lamarre, que ce soit à des fins personnelles ou commerciales, les commissions ont été gagnées par le contribuable dans le cadre de l’exercice de sa profession d’agent d’assurance et, par conséquent, elles sont imposables. [17] Je suis donc d’accord avec l’intimée que les commissions de 33 883 $ et de 28 400 $ doivent être incluses dans le calcul du revenu de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006. [18] Ayant conclu que les commissions étaient imposables, je passe maintenant à la deuxième question en litige. Est-ce que l’appelant peut déduire dans le calcul de ses revenus les primes qu’il a payées pour l’achat des polices d’assurance vie individuelles ? [19] L’appelant soutient que les primes sont des dépenses engagées en vue de tirer un bénéfice d’une entreprise au sens du paragraphe 9(1) de la Loi. [20] L’intimée allègue que l’appelant ne peut pas déduire le montant des primes en vertu de l’alinéa 18(1)h) de la Loi. Elle fait aussi valoir que le fait qu’une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels n’influe aucunement sur la qualification de la source de revenus à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense. L’intimée se fonde sur l’arrêt Stewart[3], où les juges Iacobucci et Bastarache affirmaient au paragraphe 57 : […] que la déductibilité des dépenses présuppose l'existence d'une source de revenu et, partant, qu'elle ne doit pas être confondue avec l'examen préliminaire portant sur l'existence de cette source. Si la déductibilité d'une dépense particulière est en cause, ce n'est pas l'existence d'une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se rapporter. Le fait qu'une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n'influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. […] [Je souligne.] [21] Les dispositions pertinentes de la Loi qui s’appliquent dans le présent appel sont le paragraphe 9(1), les alinéas 18(1)a) et 18(1)h) et la définition, à l’article 248, des frais personnels ou de subsistance : 9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année. Exceptions d’ordre général 18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles : Restriction générale a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien; […] Frais personnels ou de subsistance h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui; La définition des frais personnels ou de subsistance se trouve à l’article 248 de la Loi. Je n’ai transcrit que la partie pertinente : Sont compris parmi les frais personnels ou de subsistance : a) […] b) les dépenses, primes ou autres frais afférents à une police d’assurance, un contrat de rentes ou à d’autres contrats de ce genre, si le produit de la police ou du contrat est payable au contribuable ou à une personne unie à lui par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption, ou au profit du contribuable ou de cette personne; c) […] [Je souligne.] [22] Bien que les primes d’assurance aient été payées par l’appelant pour gagner un revenu d’entreprise, elles ne peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’entreprise de l’appelant. La preuve a révélé que les primes sont afférentes à des polices d’assurance dont le produit, pendant qu’elles étaient en vigueur, était payable à l’appelant ou à sa conjointe. Les primes sont donc des frais personnels ou de subsistance qui ne sont pas déductibles en vertu de l’alinéa 18(1)h) de la Loi. [23] L’appelant ne peut donc pas déduire les primes relatives aux polices d’assurance vie individuelles de 20 826 $ et de 15 721 $ qu’il a souscrites pour les années d’imposition 2005 et 2006 respectivement. [24] Par conséquent, les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2005 et 2006 sont rejetés. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2012. « Johanne D’Auray » Juge D'Auray RÉFÉRENCE : 2012 CCI 18 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-2986(IT)I INTITULÉ DE LA CAUSE : ANDRÉ BÉGIN c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Johanne D'Auray DATE DU JUGEMENT : Le 12 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelant : Me Serge Fournier Avocat de l'intimée : Me Gabriel Girouard AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelant : Nom : Me Serge Fournier Cabinet : BCF s.e.n.c.r.l. Montréal (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Les politiques et l'interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un "facteur important": le juge de Grandpré dans l'arrêt Harel c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, à la p. 859. [2] Bilodeau c. Sa Majesté la Reine, 2009 CCI 315. [3] Stewart c. Sa Majesté la Reine, [2002] 2 R.C.S. 645.
2012 CCI 180
TCC
2,012
D'Elia c. La Reine
fr
2012-05-31
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30819/index.do
2022-09-04
D'Elia c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-31 Référence neutre 2012 CCI 180 Numéro de dossier 2011-2286(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2286(IT)I ENTRE : MICHELLE D'ELIA, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu le 16 avril 2012, à Edmonton (Alberta) Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l'appelante : L'appelante elle-même Avocate de l'intimée : Me Paige Atkinson ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté par l'appelante est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles décisions, pour le motif que l'appelante n'a pas reçu de paiements en trop au titre de la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») au cours de la période allant du mois de février 2007 au mois de juin 2008 et qu'elle n'a pas reçu de paiements en trop à l'égard du crédit pour taxe sur les produits et services (le « CTPS ») pour les trimestres ayant commencé au mois d'avril 2007, ainsi qu'au mois de juillet 2008 jusqu'au mois d'avril 2009. L'intimée paiera les dépens de l'appelante, lesquels sont fixés à 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 31e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 180 Date : 20120531 Dossier : 2011-2286(IT)I ENTRE : MICHELLE D'ELIA, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Il s'agit ici de savoir si l'appelante est le particulier admissible à l'égard de son fils pour les besoins de la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour la période allant du mois de février 2007 au mois de juin 2008 (la « période relative à la PFCE ») et si son fils était une personne à charge admissible au début des mois d'avril 2007, de juillet 2008, d'octobre 2008, de janvier 2009 et d'avril 2009 pour les besoins du crédit pour taxe sur les produits et services (le « CTPS »). L'appelante a été avisée qu'elle n'avait pas droit aux paiements au titre de la PFCE au cours de la période relative à la PFCE et qu'elle n'avait pas droit à une partie des montants qui lui avaient été versés au titre du CTPS pour les mois susmentionnés, étant donné qu'elle n'assumait plus la responsabilité pour le soin de son fils. [2] L'appelante et Arturo D'Elia se sont mariés et ils ont eu un fils. Ils se sont séparés au mois de janvier 2007 et, depuis lors, ils vivent séparés pour cause d'échec de leur mariage. [3] Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), la PFCE est traitée comme un paiement en trop de l'obligation qui incombe à la personne en cause selon la Loi et, par conséquent, si cette personne est un particulier admissible, ce montant lui est versé à titre de remboursement du paiement en trop. Aux termes du paragraphe 122.61(1) de la Loi, le montant payé en trop est calculé chaque mois. Cette disposition prévoit notamment ce qui suit : 122.61(1) Lorsqu'une personne [...] produi[t] une déclaration de revenu pour l'année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l'année est réputé se produire au cours d'un mois par rapport auquel l'année est l'année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant : 1/12 [(A - B) + C + M] où : A représente le total des montants suivants : a) le produit de 1 090 $[1] par le nombre de personnes à charge admissibles à l'égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois, [...] C le résultat du calcul suivant : F – (G × H) où : F représente : a) si la personne est, au début du mois, un particulier admissible à l'égard d'une seule personne à charge admissible, 1 463 $[2], [...] [4] Étant donné que le paiement en trop est réputé se produire au cours d'un mois pour lequel la personne est un particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible au début du mois, il faut déterminer si cette personne était un particulier admissible au début de chaque mois à l'égard de la personne à charge admissible. Il ne s'ensuit donc pas nécessairement que, parce qu'une personne était le particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible au début d'un mois particulier, cette personne sera le particulier admissible à l'égard de la personne à charge au début du mois suivant. Les définitions des expressions « particulier admissible » et « personne à charge admissible » figurant à l'article 122.6 de la Loi sont ainsi libellées : « particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment : a) elle réside avec la personne à charge; b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière; [...] Pour l'application de la présente définition : f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère; g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement; h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne. « personne à charge admissible » S'agissant de la personne à charge admissible d'un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment : a) elle est âgée de moins de 18 ans; b) elle n'est pas quelqu'un pour qui un montant a été déduit en application de l'alinéa 118(1)a) dans le calcul de l'impôt payable par son époux ou conjoint de fait en vertu de la présente partie pour l'année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment; c) elle n'est pas quelqu'un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment. [5] Le CTPS est uniquement déterminé pour les particuliers admissibles par rapport à des mois déterminés. Le paragraphe 122.5(3) de la Loi prévoit notamment ce qui suit : 122.5(3) Le particulier admissible par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition qui produit une déclaration de revenu pour l'année et qui demande un montant en vertu du présent paragraphe est réputé avoir payé au cours de ce mois, au titre de son impôt payable en vertu de la présente partie pour l'année, un montant égal au quart du montant obtenu par la formule suivante : A - B où : A représente la somme des montants suivants : a) 213 $[3], b) 213 $ pour son proche admissible par rapport à ce mois; c) 213 $, s'il n'a pas de proche admissible par rapport à ce mois, mais peut déduire un montant pour l'année en application du paragraphe 118(1), par l'effet de l'alinéa 118(1)b), pour une de ses personnes à charge admissibles par rapport à ce mois, d) le produit de la multiplication de 112 $ par le nombre de ses personnes à charge admissibles par rapport à ce mois, à l'exclusion d'une telle personne pour laquelle un montant est inclus par application de l'alinéa c) dans le calcul du total pour le mois déterminé, [...] [Non souligné dans l'original.] [6] Le paragraphe 122.5(4) de la Loi prévoit ce qui suit : (4) Pour l'application du présent article, les mois déterminés d'une année d'imposition sont juillet et octobre de l'année d'imposition suivante et janvier et avril de la deuxième année d'imposition suivante. [7] Les définitions des expressions « particulier admissible »[4], « personne à charge admissible » et « proche admissible » figurent à l'article 122.5 de la Loi et sont ainsi libellées : « particulier admissible » Par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition, particulier, à l'exception d'une fiducie, qui, avant ce mois, selon le cas : a) a atteint l'âge de 19 ans; b) a résidé avec un enfant dont il était le père ou la mère; c) était marié ou vivait en union de fait. « personne à charge admissible » Est une personne à charge admissible d'un particulier par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition la personne qui, au début de ce mois, répond aux conditions suivantes : a) elle est l'enfant du particulier ou est à sa charge ou à la charge de l'époux ou du conjoint de fait visé du particulier; b) elle vit avec le particulier; c) elle est âgée de moins de 19 ans; d) elle n'est pas un particulier admissible par rapport au mois déterminé; e) elle n'est pas le proche admissible d'un particulier par rapport au mois déterminé. « proche admissible » Est un proche admissible d'un particulier par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition la personne qui, au début de ce mois, est l'époux ou le conjoint de fait visé du particulier. [8] Le paragraphe 122.5(6) de la Loi prévoit ce qui suit : (6) La personne qui, en l'absence du présent paragraphe, serait la personne à charge admissible de plusieurs particuliers par rapport à un mois déterminé d'une année d'imposition est réputée être la personne à charge admissible par rapport à ce mois : a) soit de celui parmi ces particuliers sur lequel ceux‑ci se sont mis d'accord; b) soit, en l'absence d'accord, du particulier qui, au début de ce mois, est un particulier admissible, au sens de l'article 122.6, à son égard; c) soit, dans les autres cas, de nul autre que le particulier désigné par le ministre. [Non souligné dans l'original.] [9] Il faut remplir deux conditions pour être un particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible pour les besoins de la PFCE : a) le particulier en question doit résider avec la personne à charge admissible; b) le particulier en question doit être « la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge ». [10] Les paiements afférents à la PFCE sont effectués tous les mois, et il faut remplir ces conditions au début de chaque mois pour recevoir un paiement au titre de la PFCE au cours de ce mois‑là. Les paiements afférents au CTPS sont effectués quatre fois l'an et il suffit de remplir les conditions applicables au début de certains mois — à savoir les mois de janvier, d'avril, de juillet et d'octobre — pour recevoir le paiement au titre du CTPS pour ce trimestre. Pour l'application de la PFCE et du CTPS, le fils de l'appelante doit résider avec celle‑ci. S'il résidait avec l'appelante et avec son père, il s'agirait de savoir, pour les besoins de la PFCE et du CTPS, si c'était le père ou la mère qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant. C'est ce qu'exige la définition du terme « particulier admissible » pour les besoins de la PFCE. Pour les besoins du CTPS (si l'enfant est une personne à charge admissible de plus d'une personne), la personne qui a droit au CTPS est celle qui est le particulier admissible à l'égard de l'enfant pour l'application de la PFCE (étant donné que l'appelante et Arturo D'Elia ne se sont pas mis d'accord sur la question de savoir duquel leur fils serait la personne à charge). [11] Par suite des définitions susmentionnées ainsi que des exigences applicables à la PFCE et au CTPS, les questions à trancher aux fins de l'appel sont les suivantes : a) Le fils de l'appelante résidait‑il avec celle-ci au début d'un des mois en cause au cours de la période relative à la PFCE, pour ce qui est du paiement afférent à la PFCE et du paiement afférent au CTPS pour le mois d'avril 2007 et, dans l'affirmative, pour quels mois? Et, puisque le mois d'avril 2007 fait partie de la période relative à la PFCE, le fils résidait‑il avec l'appelante au début de l'un ou l'autre des mois de juillet 2008, d'octobre 2008, de janvier 2009 et d'avril 2009 pour l'application du CTPS? b) Si l'enfant résidait avec l'appelante au début de l'un de ces mois, résidait‑il également avec Arturo D'Elia au début du même mois ou des mêmes mois? c) Si, au début d'un mois ou de mois particuliers, l'enfant résidait avec l'appelante et avec Arturo D'Elia, était‑ce la mère ou le père qui assumait principalement, au début de ce mois ou de ces mois, la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant à ce moment‑là? [12] Seule l'appelante a témoigné à l'audience. Il faut avant tout trancher la question de savoir si l'enfant résidait avec l'appelante au début de l'un des mois pertinents susmentionnés. Lors de l'examen de cette question, il faut également se demander si l'enfant résidait avec Arturo D'Elia au début de l'un de ces mois. [13] Dans l'arrêt Thomson v. M.N.R., [1946] R.C.S. 209, le juge Rand, de la Cour suprême du Canada, a fait les remarques suivantes au sujet des termes « résidant » et « résidence habituelle » : [TRADUCTION] La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l'objet, l'intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d'en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes causes, mais aussi suivant les différents aspects d'une même cause. Dans un cas donné, certains éléments seront suffisants; dans d'autres, on retrouvera d'autres éléments, dont certains seront communs et certains autres nouveaux. L'expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu'à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu'il s'agit de la résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie. [14] Dans la décision S. R. c. La Reine, 2003 CCI 649, le juge Bonner s'est exprimé ainsi : 12 L'expression « réside avec », telle qu'elle est utilisée dans la définition du terme « particulier admissible » à l'article 122.6, doit être interprétée de manière à tenir compte de l'objet de la loi. Cette loi visait à mettre en oeuvre la prestation fiscale pour enfants. Cette prestation avait été mise en place en 1993 en vue de fournir un paiement mensuel unique non imposable aux conjoints ayant la garde d'un enfant. L'enfant devait être le bénéficiaire de ce paiement, lequel était versé au parent assumant principalement la responsabilité pour son soin et son éducation. Le critère est le fait de résider avec le parent. La présence physique d'un enfant qui vient rendre visite à la résidence d'un parent ne permet pas de remplir la condition imposée par la loi. Le verbe « résider », tel qu'il est utilisé à l'article 122.6, a une connotation de résidence établie et habituelle. [...] [15] Dans la décision Lapierre c. La Reine, 2005 CCI 720, 2005 D.T.C. 1715, le juge Dussault s'est ainsi prononcé : 13 Si la résidence est le concept fondamental utilisé aux fins de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu en vertu de la Loi, il n'y est cependant pas défini et ce sont les tribunaux qui ont tenté d'en circonscrire les limites. Essentiellement une question de fait, la résidence d'une personne à un endroit donné s'établit par un certain nombre de critères de temps, d'objet, d'intention et de continuité qui n'ont pas nécessairement toujours la même importance et qui peuvent varier selon les circonstances de chaque cas (voir Thomson v. M.N.R, [1946] R.C.S. 209). Toutefois, la résidence implique une certaine constance, une certaine régularité ou encore une certaine permanence selon le mode de vie habituel d'une personne en relation avec un lieu donné et se distingue de ce qu'on peut qualifier de visites ou de séjours à des fins particulières ou de façon sporadique. Lorsque la Loi pose comme condition de résider avec une autre personne, je ne crois pas qu'il convient d'accorder au verbe résider un sens qui s'écarte du concept de résidence tel qu'il a été élaboré par les tribunaux. Résider avec quelqu'un c'est vivre ou demeurer avec quelqu'un dans un endroit donné avec une certaine constance, une certaine régularité ou encore d'une manière habituelle. [16] Il faut donc déterminer si l'enfant vivait avec l'appelante ou avec Arturo D'Elia, ou avec les deux, de manière établie et habituelle. Il ne s'agit pas simplement de savoir chez qui l'enfant était le premier jour d'un mois donné. L'enfant avait‑il une résidence établie et habituelle chez l'appelante ou chez Arturo D'Elia? Au cours de cette période, vivait‑il régulièrement avec l'un ou l'autre ou avec les deux? [17] Sur ce point, l'intimée a émis les hypothèses suivantes : [TRADUCTION] 19. En déterminant de nouveau la PFCE de l'appelante pour les années de base 2005 et 2006 et le CTPS pour les années de base 2005 et 2007, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes : a) l'appelante et Arturo D'Elia (l'« époux ») étaient mariés; b) l'appelante et l'époux ont commencé à vivre séparés au mois de janvier 2007, pour cause d'échec de leur mariage; c) l'appelante et l'époux ont un enfant, S.D., [...]; d) conformément à l'accord de séparation du 1er février 2007 (l'« accord ») : (i) l'appelante et l'époux ont la garde partagée de S.D.; (ii) S.D. réside principalement avec l'époux; (iii) l'appelante jouit d'un droit de visite équitable et raisonnable à l'égard de S.D.; e) au cours de la période allant du mois de janvier 2007 au mois d'août 2008, pour chaque période de deux semaines, S.D. résidait, comme l'indique l'annexe C jointe à la réponse à l'avis d'appel et en faisant partie (l'« annexe C ») : (i) avec l'appelante, pendant 48 heures; (ii) avec l'époux, pendant 288 heures; f) au cours de la période qui a commencé au mois d'août 2008, pour chaque période de deux semaines, S.D. résidait, comme l'annexe C l'indique : (i) avec l'appelante, pendant 129 heures; (ii) avec l'époux, pendant 207 heures; [...] [18] Le libellé de ces hypothèses me semble susciter plus d'une question. Premièrement, les hypothèses se rapportent à la question de savoir où l'enfant « résidait ». Or, il est uniquement possible d'établir l'endroit où une personne « réside » en appliquant le droit aux faits. Comme je l'ai mentionné dans la décision Nadalin c. La Reine, 2012 CCI 48, il ne me semble pas approprié d'émettre une hypothèse au sujet de l'endroit où une personne « réside », étant donné qu'il s'agit d'une conclusion qu'il faut tirer après avoir examiné tous les faits pertinents et après avoir ensuite appliqué le droit aux faits. Il faudrait, dans les hypothèses, préciser les faits particuliers qui nous amèneraient à conclure qu'une personne réside à un endroit particulier ou avec une personne particulière, et non la conclusion (celle-ci devant être tirée en appliquant le droit aux faits). Par conséquent, il me semble que les hypothèses portant sur le fait que l'enfant résidait avec l'appelante ou avec Arturo D'Elia ne sont pas des hypothèses appropriées. [19] De plus, les hypothèses font mention du fait que l'enfant résidait principalement avec Arturo D'Elia. La question de savoir si l'appelante sera le particulier admissible à l'égard de son fils pour les besoins de la PFCE ou si le fils sera une personne à charge admissible de l'appelante pour les besoins du CTPS dépendra de la question de savoir si le fils résidait avec l'appelante, et non si le fils résidait principalement avec l'appelante. Le terme « réside » n'est pas modifié par quelque mot que ce soit et, en particulier, il n'est pas modifié par le mot « principalement » dans la définition du terme « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, ou dans la définition du terme « personne à charge admissible » à l'article 122.5 de la Loi. [20] La preuve montrait clairement que l'appelante et Arturo D'Elia avaient la garde partagée de leur fils pendant toute la période visée par l'appel. L'accord de séparation conclu entre l'appelante et Arturo D'Elia prévoyait qu'ils auraient la garde partagée de leur fils. L'accord de séparation prévoyait que [TRADUCTION] « la résidence principale » du fils serait située chez Arturo d'Elia, mais les dispositions applicables de la Loi exigent uniquement que l'enfant réside avec l'appelante, et non qu'il réside principalement avec l'appelante. De plus, il s'agit de savoir où l'enfant résidait en fait, ce qui peut être différent de ce dont les parties avaient convenu. [21] L'appelante a soumis des copies de calendriers mensuels pour les années 2007 et 2008, lesquels indiquent clairement le temps que leur fils passait, en alternance, avec son père ou avec sa mère. Les calendriers qui ont été soumis indiquent une différence importante entre le nombre d'heures que l'enfant passait chez l'appelante ou au cours desquelles l'appelante était responsable de l'enfant et le nombre d'heures mentionné dans la réponse. Le temps pendant lequel l'appelante était responsable de l'enfant, tel qu'il est indiqué dans les calendriers qui ont été soumis, représentait de 40 p. 100 à 69 p. 100 du temps, à l'exclusion du mois de décembre 2007, pendant lequel l'enfant était en Argentine avec son père. Rien n'indiquait que la situation avait changé en 2009. Il me semble que l'enfant avait une résidence établie et habituelle chez l'appelante et chez Arturo D'Elia en 2007, en 2008 et en 2009. Le fait que l'enfant a effectué un long séjour en Argentine avec son père, au mois de décembre 2007, ne change rien à la conclusion selon laquelle il avait une résidence établie et habituelle chez l'appelante ainsi que chez Arturo D'Elia. [22] Par conséquent, il me semble que l'enfant résidait avec l'appelante ainsi qu'avec Arturo D'Elia au début de chaque mois au cours de la période relative à la PFCE ainsi qu'au début de chacun des mois de juillet 2008, d'octobre 2008, de janvier 2009 et d'avril 2009. [23] Il s'agit ensuite de savoir si l'appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de son fils au cours de la période visée par l'appel. [24] L'alinéa f) de la définition du terme « particulier admissible », à l'article 122.6 de la Loi (au sujet de la PFCE), établit une présomption si l'enfant réside avec sa mère. Cette disposition prévoit que la mère est présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge », si l'enfant réside avec elle. Cette présomption ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement. Les circonstances prévues par règlement (dans lesquelles la présomption ne s'applique pas) sont énoncées au paragraphe 6301(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement ») et incluent, entre autres, le cas dans lequel « plus d'une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d'elles à des endroits différents ». [25] Les « faits » sur lesquels le ministre s'est fondé en décidant que l'appelante n'avait pas droit aux paiements afférents à la PFCE et au CTPS effectués à l'égard de son fils sont exposés au paragraphe 19 de la réponse : [TRADUCTION] 19. En déterminant de nouveau la PFCE de l'appelante pour les années de base 2005 et 2006 et le CTPS pour les années de base 2005 et 2007, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes : a) l'appelante et Arturo D'Elia (l'« époux ») étaient mariés; b) l'appelante et l'époux ont commencé à vivre séparés au mois de janvier 2007, pour cause d'échec de leur mariage; c) l'appelante et l'époux ont un enfant, S.D., [...]; d) conformément à l'accord de séparation du 1er février 2007 (l'« accord ») : (i) l'appelante et l'époux ont la garde partagée de S.D.; (ii) S.D. réside principalement avec l'époux; (iii) L'appelante jouit d'un droit de visite équitable et raisonnable à l'égard de S.D.; e) au cours de la période allant du mois de janvier 2007 au mois d'août 2008, pour chaque période de deux semaines, S.D. résidait, comme l'indique l'annexe C jointe à la réponse à l'avis d'appel et en faisant partie (l'« annexe C ») : (i) avec l'appelante, pendant 48 heures; (ii) avec l'époux, pendant 288 heures; f) au cours de la période qui a commencé au mois d'août 2008, pour chaque période de deux semaines, S.D. résidait, comme l'annexe C l'indique : (i) avec l'appelante, pendant 129 heures; (ii) avec l'époux, pendant 207 heures; g) en ce qui concerne la PFCE, les années de base 2005 et 2006 s'entendent des mois suivants : Année de base Mois 2005 juillet 2006 à juin 2007 2006 juillet 2007 à juin 2008 h) l'appelante a reçu les paiements afférents à la PFCE qui suivent, comme l'indique l'annexe A : Année Montant reçu Mois visés par les paiements 2005 1 923,02 $ juillet 2006 à juin 2007 2006 3 083,19 $ juillet 2007 à juin 2008 i) l'appelante avait droit aux paiements suivants, au titre de la PFCE concernant S.D., comme l'indique l'annexe A : Année Montant auquel l'appelante avait droit Mois État matrimonial 2005 634,71 $ juillet 2006 à janv. 2007 mariée 0 $ fév. 2007 à juin 2007 séparée 2006 0 $ juillet 2007 à juin 2008 séparée j) l'appelante a reçu des paiements en trop, au titre de la PFCE, de 1 288,31 $ et de 3 083,19 $ pour les années de base 2005 et 2006 respectivement, comme l'indique l'annexe A; k) en ce qui concerne le CTPS, les années de base 2005 et 2007 s'entendent des trimestres suivants : Année de base Trimestres commençant 2005 de juillet 2006 à avril 2007 2007 de juillet 2008 à avril 2009 l) l'appelante a reçu les paiements afférents au CTPS qui suivent, comme l'indique l'annexe B : Année Montant reçu Trimestres visés par les paiements Montant versé pour : 2005 99,99 $ juillet 2006 à janv. 2007 l'appelante, l'époux et S.D. 146,48 $ avril 2007 l'appelante et S.D. 2007 394 $ juillet 2008 à avril 2009 l'appelante et S.D. m) l'appelante avait droit aux paiements suivants, au titre du CTPS, comme l'indique l'annexe B : Année Montant auquel l'appelante avait droit Trimestres Personnes visées 2005 99,99 $ juillet 2006 à janv. 2007 l'appelante, l'époux et S.D. 57,98 $ avril 2007 l'appelante 2007 321,80 $ juillet 2008 à avril 2009 l'appelante n) l'appelante a reçu des paiements en trop, au titre du CTPS, de 88,50 $ et de 72,20 $ pour les années de base 2005 et 2007 respectivement. [26] Les hypothèses énoncées aux alinéas h) à n) se rapportent aux montants versés à l'appelante au titre de la PFCE et du CTPS, aux montants qui, selon l'intimée, auraient dû être versés à l'appelante et aux montants qui, selon l'intimée, ont été payés en trop à l'appelante. [27] Dans l'arrêt R. c. Anchor Pointe Energy Ltd, 2003 CAF 294, le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit : [8] Dans la réponse à l'avis d'appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 : [TRADUCTION] En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : [...] q) API, APII, APIII, APIV et APV n'ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz; r) Les données sismiques n'ont pas été utilisées pour fins d'exploration; [...] z) Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d'exploration au Canada (« FEC ») au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). [...] [24] Le juge Rip a supprimé l'alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n'ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre ». [25] J'estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n'ont pas leur place dans l'énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n'a pas à être prouvé par les parties comme s'il s'agissait d'un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c'est à la Cour qu'il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit. [26] Toutefois, il serait plus exact de qualifier l'hypothèse formulée à l'alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l'alinéa 66.1(6)a) requiert d'appliquer le droit aux faits. L'alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu'une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l'achat de données sismiques en l'espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d'une conclusion mixte de fait et de droit. S'il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit. [28] Les hypothèses qui ont été émises à l'égard du droit de l'appelante aux paiements au titre de la PFCE et du CTPS ainsi que du montant que l'appelante aurait reçu en trop à ce titre ne sont pas des hypothèses de fait appropriées. Il est uniquement possible de déterminer le montant que l'appelante avait le droit de recevoir en appliquant le droit aux faits et, par conséquent, le montant que l'appelante avait le droit de recevoir au titre de la PFCE et du CTPS et le montant reçu en trop constituent des conclusions mixtes de fait et de droit. Il ne s'agit pas d'hypothèses appropriées. Les faits pertinents qui mèneraient à cette conclusion auraient dû être extraits et clairement précisés. [29] Aucune hypothèse n'a été émise au sujet de la question de savoir si Arturo D'Elia avait déposé l'avis prévu au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard du fils de l'appelante et il n'a pas été établi, au cours de l'audience, qu'il avait déposé cet avis. Dans l'arrêt R. c. Loewen, 2004 CAF 146, [2004] 4 R.C.F. 3, la juge Sharlow, au nom de la Cour d'appel fédérale, a fait les remarques suivantes : [11] Les contraintes imposées au ministre lorsqu'il invoque des hypothèses n'empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423 (C.A.), autorisation d'appel à la C.S.C. refusée, [1996] A.C.S.C. no 4. [30] La demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Loewen a été refusée ([2004] A.C.S.C. no 298 (QL)). [31] Au paragraphe 8 de la réponse, il est déclaré [TRADUCTION] qu'« une autre personne avait demandé la PFCE à compter du 1er janvier 2007 » pour l'enfant. Toutefois, ce n'était pas l'un des faits qui étaient énoncés dans le paragraphe indiquant les hypothèses qui avaient été émises. De plus, il ne s'agit pas d'un fait dont l'appelante aurait connaissance, mais il s'agit d'un fait dont l'intimée aurait connaissance. Par conséquent, il incombait à l'intimée de prouver ce fait. Étant donné qu'aucun élément de preuve n'a été soumis en vue d'établir ce fait, il n'a pas été prouvé. [32] Il n'a pas été soutenu que l'une ou l'autre des circonstances prévues au paragraphe 6301(1) du Règlement s'appliquait en l'espèce. Par conséquent, si le fils résidait chez l'appelante au cours d'une partie de la période visée par l'appel, la présomption selon laquelle l'appelante était « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge » au cours de cette période s'appliquera. [33] L'alinéa h) de la définition du terme « particulier admissible » (au sujet de la PFCE), à l'article 122.6 de la Loi, prévoit ce qui suit : h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne. [34] Ces critères prévus par règlement sont ainsi énoncés à l'article 6302 du Règlement : 6302 Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible : a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens; b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside; c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts; d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin; e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne; f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière; g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider; h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside. [35] Aucune hypothèse n'a été émise au sujet des critères susmentionnés[5]. Le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit dans l'arrêt R. c. Anchor Pointe Energy Ltd., précité : [23] Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver. [...] [36] L'omission de plaider des hypothèses se rapportant à l'un des critères concernant le soin et l'éducation énoncés à l'article 6302 du Règlement veut dire que l'appelante ne connaît pas la thèse à réfuter à l'égard de ces critères ou qu'elle ne savait pas que le ministre contesterait la présomption selon laquelle l'appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant. L'avocate de l'intimée avait soutenu que les hypothèses relatives au nombre d'heures pendant lesquelles l'enfant résidait avec son père et avec sa mère devraient être interprétées comme des hypothèses se rapportant à la question de savoir si c'était le père ou la mère qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant. Toutefois, les hypothèses de fait (et non les hypothèses se rapportant à des conclusions mixtes de fait et de droit) doivent être « précises et exactes ». Les hypothèses se rapportant au nombre d'heures pendant lesquelles l'enfant résidait avec son père et avec sa mère ne peuvent pas être interprétées comme constituant des hypothèses précises et exactes émises à l'égard de faits se rapportant à l'un des critères mentionnés à l'article 6302 du Règlement. Plusieurs critères sont énumérés à l'article 6302 du Règlement et aucune des hypothèses ne porte sur ces critères. [37] Les seuls éléments de preuve présentés au cours de l'audience au sujet des critères énumérés à l'article 6302 du Règlement étaient les déclarations de l'appelante selon lesquelles la personne qui assumait la responsabilité de l'enfant à un moment particulier s'occupait des urgences médicales qui survenaient pendant ce temps et que le père et la mère devaient tous deux s'entendre si l'enfant devait prendre part à une activité particulière. Cette preuve ne suffit pas pour réfuter la présomption selon laquelle l'appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant. [38] L'avocate de l'intimée a également invoqué un argument subsidiaire se rapportant aux dispositions qui avaient été prises au sujet de la garde partagée. Toutefois, étant donné que les dispositions relatives à la PFCE et au CTPS se rapportant à la garde partagée ont uniquement été ajoutées à la Loi en ce qui concerne les paiements afférents à la PFCE et au CTPS effectués pour les mois postérieurs au mois de juin 2011, ces dispositions ne s'appliquent pas en l'espèce. [39] Étant donné que le fils de l'appelante résidait avec celle‑ci au cours de la période allant de l'année 2007 à l'année 2009, et puisque rien ne montrait qu'Arturo D'Elia avait déposé l'avis pertinent pour la PFCE à l'égard de leur fils, la présomption figurant à l'alinéa f) de la définition du terme « particulier admissible » s'applique. Par conséquent, l'appelante est présumée être « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge ». Les quelques éléments de preuve portant sur les critères énoncés à l'article 6302 du Règlement ne sont clairement pas suffisants pour réfuter cette présomption et, par conséquent, l'appelante remplit les deux conditions nécessaires pour être le particulier admissible à l'égard de son fils pour les besoins de la PFCE pour la période allant du mois de février 2007 au mois de juin 2008 : le fils résidait avec l'appelante et l'appelante était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant à ce moment‑là. L'enfant était également une personne à charge admissible de l'appelante au début des mois d'avril 2007, de juillet 2008, d'octobre 2008, de janvier 2009 et d'avril 2009 pour les besoins du CTPS. [40] Par conséquent, l'appel interjeté par l'appelante est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles décisions, pour le motif que l'appelante n'a pas reçu de paiements en trop au titre de la PFCE au cours de la période allant du mois de février 2007 au mois de juin 2008 et qu'elle n'a pas reçu de paiements en trop à l'égard du CTPS pour les trimestres ayant commencé au mois d'avril 2007, ainsi qu'au mois de juillet 2008 jusqu'au mois d'avril 2009. L'intimée paiera les dépens de l'appelante, lesquels sont fixés à 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 31e jour de mai 2012. « Wyman W. Webb » Le juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 180 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2286(IT)I INTITULÉ : MICHELLE D'ELIA c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Edmonton (Alberta) DATE DE L'AUDIENCE : Le 16 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 31 mai 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelante : L'appelante elle-même Avocate de l'intimée : Me Paige Atkinson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi. [2] Ce montant est rajusté chaque année comme le prévoit le paragraphe 122.61(5) de la Loi. [3] Ce montant et les autres montants mentionnés dans cette disposition sont rajustés chaque année comme le prévoit le paragraphe 117.1(1) de la Loi. [4] Les expressions « particulier admissible » et « personne à charge admissible » sont utilisées pour les besoins de la PFCE et du CTPS, mais ces expressions se voient attribuer des sens différents pour l'application du CTPS (article 122.5) et de la PFCE (article 122.6). [5] Un accord de séparation avait été conclu, mais rien n'indiquait qu'une ordonnance eût été rendue à l'égard de l'enfant par un tribunal.
2012 CCI 181
TCC
2,012
SoftSim Technologies Inc. c. La Reine
fr
2012-06-07
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30832/index.do
2022-09-04
SoftSim Technologies Inc. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-07 Référence neutre 2012 CCI 181 Numéro de dossier 2008-2527(IT)G Juges et Officiers taxateurs Johanne D’Auray Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2008-2527(IT)G ENTRE : SOFTSIM TECHNOLOGIES INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue les 7 et 8 novembre 2011, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray Comparutions : Avocat de l’appelante : Me Pierre-Paul Persico Avocate de l’intimée : Me Antonia Paraherakis ____________________________________________________________________ ORDONNANCE L’intimée ayant déposé un avis de requête en vue d’obtenir une ordonnance assurant l’exécution d’une entente conclue par les parties conformément au paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu; Les observations des parties ayant été entendues; Il est ordonné que la requête visant à assurer l’exécution de l’entente et que les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 soient accueillis, avec dépens, les nouvelles cotisations devant être déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux conditions de la contre-offre datée du 28 janvier 2011. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « Johanne D’Auray » Juge D’Auray Traduction certifiée conforme ce 26e jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2008-2531(IT)G ENTRE : BARADA CONSULTING INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue les 7 et 8 novembre 2011, à Montréal (Québec). Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray Comparutions : Avocat de l’appelante : Me Pierre-Paul Persico Avocate de l’intimée : Me Antonia Paraherakis ____________________________________________________________________ ORDONNANCE L’intimée ayant déposé un avis de requête en vue d’obtenir une ordonnance assurant l’exécution d’une entente conclue par les parties conformément au paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu; Les observations des parties ayant été entendues; Il est ordonné que la requête visant à assurer l’exécution du règlement et que les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 soient accueillis, avec dépens, les nouvelles cotisations devant être déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux conditions de la contre-offre datée du 28 janvier 2011. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « Johanne D’Auray » Juge D’Auray Traduction certifiée conforme ce 26e jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 181 Date : 20120607 Dossier : 2008-2527(IT)G ENTRE : SOFTSIM TECHNOLOGIES INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ET Dossier : 2008-2531(IT)G ENTRE : BARADA CONSULTING INC., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE La juge D’Auray [1] Barada Consulting Inc. (« Barada ») et Softsim Technologies Inc. (« Softsim ») ont toutes deux interjeté appel de leurs nouvelles cotisations d’impôt pour les années 2003 à 2006 inclusivement. Dans les deux cas, une question commune s’est posée, à savoir si les appelantes ont conclu des ententes avec l’intimée en vue de régler leurs appels respectifs. [2] L’intimée a présenté, contre les deux appelantes, une requête dans laquelle elle demande à la Cour d’assurer l’exécution des règlements censément conclus en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), lequel est libellé ainsi : 169(3) Règlement d’un appel après consentement. Malgré l’article 152, en vue de régler un appel interjeté en application d’une disposition de la présente loi, le ministre peut établir à tout moment, avec le consentement écrit du contribuable, une nouvelle cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par le contribuable en vertu de la présente loi. [3] La requête a été entendue sur preuve commune. [4] Au cours des négociations en vue d’un règlement, les appelantes étaient représentées par le même cabinet d’avocats, Starnino Mostovac, et les positions que les avocats de ce cabinet ont prises au cours des négociations s’appliquaient également aux deux appelantes. [5] Selon l’intimée, les règlements conclus avec les appelantes se sont cristallisés lorsque l’intimée a reçu de leur avocat une lettre datée du 4 février 2011 disant ce qui suit : [traduction] La présente vise à confirmer que les clientes susmentionnées acceptent votre contre-offre datée du 28 janvier 2011, sans aucuns frais et sans que quelque fait ne soit admis. Voir la pièce R‑1, onglet 8. [6] Par conséquent, l’intimée demande que la requête et que les appels soient accueillis et que les nouvelles cotisations soient renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvelles cotisations conformément aux règlements conclus en vertu du paragraphe 169(3) et de l’article 171 de la Loi. [7] Les appelantes s’opposent à la requête. Elles déclarent avoir donné à leur avocat un mandat en vue de négocier une entente, mais non en vue de conclure un règlement. [8] Avant d’examiner la requête au fond, je dois me pencher sur trois questions préliminaires, à savoir si la Cour a compétence pour entendre la requête; si le secret professionnel s’applique au témoignage de Me Delisle; et si le Code civil du Québec (le « C.C.Q. ») s’applique en tant que droit substantiel supplétif. LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES La compétence de la Cour [9] Les parties ont soutenu que la Cour a la compétence voulue pour entendre la requête. Je suis d’accord. L’intimée cherche à obtenir une ordonnance accueillant les appels et renvoyant les nouvelles cotisations au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux règlements conclus en vertu du paragraphe 169(3) et conformément à l’alinéa 171(1)b) de la Loi. Ce redressement relève de la compétence exclusive de la Cour. [10] La Cour a par le passé décidé qu’elle avait compétence pour trancher des questions de cette nature. Dans la décision Huppe c. Canada, 2010 CCI 644, le juge Webb a procédé à une analyse de la compétence de la Cour, lorsqu’il s’agit d’assurer l’exécution d’un règlement entre les parties. Au paragraphe 18 de ses motifs, le juge Webb a conclu ce qui suit : [18] La Cour a donc compétence pour statuer sur des appels interjetés en vertu de la Loi et, relativement à ces appels, la Cour a le pouvoir d’accueillir un appel et d’accorder les mesures de réparation prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, y compris le pouvoir de modifier la cotisation ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Étant donné que la mesure de réparation que l’appelant chercherait à obtenir (compte tenu du fait que l’appelant a signalé que l’affaire a été réglée) serait de modifier la cotisation ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, et vu qu’il a été explicitement accordé à la Cour le pouvoir d’ordonner cette mesure de réparation en statuant sur un appel, j’estime que la Cour a compétence pour ordonner l’exécution de l’entente (en accueillant l’appel et en modifiant la cotisation ou en la déférant au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation), si l’appelant peut établir qu’une telle entente a été conclue en l’espèce. En ce qui concerne les mesures de réparation prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, il n’est pas nécessaire que la Cour soit une cour en equity pour accorder de telles mesures de réparation étant donné qu’elle a obtenu le pouvoir d’accorder ces mesures de réparation précises. Si toutefois l’exécution en nature du contrat devait exiger l’octroi d’une quelconque mesure de réparation, autre que les mesures prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, la Cour n’aurait donc pas compétence pour accorder une telle mesure de réparation. [Non souligné dans l’original.] [11] De même, dans la décision 1390758 Ontario Corp. c. Canada, 2010 CCI 572, le juge Bowie a conclu que la Cour a compétence pour confirmer un règlement conclu en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi. Au paragraphe 3 de ses motifs, le juge fait les remarques suivantes : [3] De toute évidence, la Cour a compétence sur la question puisqu’il s’agit d’un appel, dûment interjeté, à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). [12] J’adopte les motifs des juges Webb et Bowie. Par conséquent, si je décide que les règlements ont de fait été conclus par les parties, la Cour a compétence pour assurer l’exécution de ces règlements. Le secret professionnel [13] Lors de l’audition de la requête, l’intimée a cité comme témoin Me Delisle, du cabinet Starnino Mostovac. Me Delisle avait agi comme avocat des appelantes lors de la négociation des règlements qu’auraient conclus les parties. Les appelantes se sont opposées au témoignage de Me Delisle; elles affirmaient que les propos échangés entre Me Delisle et l’avocat de l’intimée, Me Leduc, au sujet des règlements qu’auraient conclus les parties étaient visés par le secret professionnel. Elles s’opposaient en particulier à toute question concernant l’existence et l’étendue du mandat qu’elles avaient confié à Me Delisle. [14] Il s’agit donc de savoir si, à la suite de la conclusion du règlement qu’elle conteste, une partie peut invoquer le secret professionnel en vue d’empêcher l’avocat qui la représentait au cours des négociations de témoigner au sujet de l’existence et de l’étendue de son mandat. [15] Lors de l’audience, j’ai reporté à plus tard l’objection des appelantes. Toutefois, j’ai indiqué en tant qu’avis préliminaire, qu’eu égard aux circonstances de la requête, la preuve de l’existence et de l’étendue d’un mandat n’était pas visée par le secret professionnel. [16] J’ai examiné la jurisprudence établie en droit civil et en common law, et je suis d’avis que le secret professionnel ne s’applique pas à la preuve présentée par l’avocat. [17] Dans l’arrêt Saar Foundation Canada Inc. c. 2643-4654 Québec Inc., [1994] J.Q. no 105, la Cour d’appel du Québec (les juges Beauregard, Rousseau-Houle et Deschamps) a conclu que l’avocat pouvait témoigner au sujet de l’existence et de l’étendue d’un mandat sans trahir le secret professionnel. La cour a dit ce qui suit aux paragraphes 7 et 8 de ses motifs de jugement : 7 Le premier juge a eu raison de dire que l’existence et l’étendue du mandat de Mes Beaumont et Breton relativement au contrat mentionné plus haut sont des questions de fait qui ne mettent pas en jeu la théorie du secret professionnel; 8 Une personne ne saurait donner un mandat à un avocat pour négocier un contrat en son nom, prétendre que son mandataire a excédé les limites de son mandat pour ensuite s’opposer à ce que l’autre partie contractante puisse interroger le mandataire quant à l’existence et l’étendue du mandat; en l’espèce, comme l’a fait remarquer le juge de première instance, ou bien Mes Beaumont et Breton affirmeront qu’ils n’avaient pas mandat d’écrire ce qu’ils ont écrit, ou bien ils affirmeront que les appelants leur avaient donné instructions d’écrire à l’avocat des intimées ce qu’ils lui ont écrit : dans les deux cas Mes Beaumont et Breton ne trahiront aucun secret professionnel; [18] Dans la décision Turpin, Gagnon c. Turpin, Bélec, 2004 CanLII 48000 (C.S.Q.), le juge Fournier explique la distinction entre les offres de règlement et le mandat que possède l’avocat lorsqu’il s’agit de conclure un règlement conformément à la position prise par son client. Les offres de règlement sont protégées par le secret professionnel, alors que le mandat ne l’est pas. Aux paragraphes 4, 5 et 6 de ses motifs, le juge Fournier a dit ce qui suit : [4] Par exemple dans le cas d’un litige en responsabilité civile, l’offre écrite ou verbale de payer une somme d’argent ne pourrait être opposée à celui qui la fait et serait comme telle considérée couverte par le secret professionnel. [5] Or dans le cadre de négociation, le mandat même de l’avocat aux fins de transaction est d’énoncer la position de son client. Les termes des propositions ne sont pas couverts par le secret professionnel. Ils ne visent qu’un règlement qui se négocie par procureur interposé. [6] C’est le sens qu’il faut donner au jugement du juge Fraiberg dans Ferlatte c. Ventes Rudolph inc., voici ce qu’il écrit sur la question : [traduction] [12] Selon certaines décisions judiciaires non controversées qui ont été rendues au Québec, dans les provinces de common law et en Angleterre, le secret professionnel protège les communications entre les avocats des parties adverses visant au règlement d’un litige. Par conséquent, les offres de règlement ne peuvent pas être produites en preuve à moins d’être acceptées, auquel cas elles sont admissibles, non en tant que preuve indiquant que les personnes qui ont soumis l’offre admettent leur responsabilité à l’égard des demandes des personnes à qui l’offre est faite, mais qu’elles ont décidé de mettre fin au différend en s’entendant sur les conditions des offres. Pareilles communications sont protégées par le secret professionnel pour des raisons de principe; en effet, en l’absence de protection, les parties hésiteraient à tenter de négocier un règlement, car elles craindraient que leurs initiatives reviennent les hanter à l’instruction en cas d’échec. [13] Le même objectif, à savoir prévenir un conflit inutile, justifie la divulgation des communications tendant à établir le règlement au lieu de leur protection privilégiée [...] [19] La décision P.I. v. H.I., 27 B.C.L.R. 397, est également intéressante, selon moi; la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait décidé, dans des circonstances semblables à celles qui existent ici, que le secret professionnel ne s’appliquait pas. Le litige portait sur le partage de biens familiaux. L’avocat de la femme (H.I.), Me McNair, avait accepté une offre de règlement de l’avocat du mari (P.I.), et avait confirmé son acceptation par écrit. La femme avait ensuite répudié le règlement conclu par son avocat. Le mari avait intenté une action en vue d’assurer l’exécution du règlement qui aurait été conclu. Dans sa défense, la femme avait allégué que son avocat n’était pas autorisé à agir en son nom lorsqu’il avait censément accepté l’offre de règlement. Lors de l’interrogatoire préalable, l’avocat de la femme avait posé certaines questions à Me McNair au sujet des conversations qu’il avait eues avec l’avocat du mari ainsi qu’au sujet des instructions qui lui avaient été données, le cas échéant, en ce qui concerne les offres et les contre-offres qui avaient été faites et qui avaient mené au règlement qui aurait été conclu. Me McNair avait refusé de répondre pour le motif que cela constituerait une violation du secret professionnel. [20] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu qu’eu égard aux circonstances, le secret professionnel ne s’appliquait pas. Au nom de la cour, le juge McFarlane a dit ce qui suit aux paragraphes 12 à 15 de ses motifs de jugement : [traduction] 12 Le premier moyen avancé par l’appelante était que les communications entre Me McNair et l’avocat du mari ne constituaient pas des communications confidentielles et qu’elles n’étaient donc pas protégées. À l’appui de cette thèse, l’appelante a invoqué la décision Conlon v. Conlons, Ltd. (1952) 2 All E. R. 462. Le lord juge Singleton avait examiné la question du secret professionnel et avait mentionné la décision rendue par Sir George Jessel, maître du rôle, dans l’affaire Anderson v. Bank of British Columbia; à la page 465, il avait ajouté ce qui suit : [traduction] Il existe une autre règle tout aussi importante; il s’agit d’une règle d’intérêt public. Si deux parties arrivent à une entente, elles devraient à première vue être liées par cette entente. De même, si deux parties arrivent à une entente par l’entremise de leurs mandataires autorisés, l’entente devrait être exécutoire entre les mandants des mandataires qui étaient autorisés à conclure l’entente. Si les mandataires sont les avocats des parties, les deux règles ou principes risquent peut-être de donner lieu à un conflit. Ce que le client dit à l’avocat est normalement protégé, mais si le client dit à l’avocat : « Veuillez régler l’affaire aux conditions suivantes », et si l’avocat le fait, la situation est différente; en effet, il s’agit peut-être là d’instructions données à l’avocat par le client : « Veuillez dire telle ou telle chose à l’autre partie », et si l’avocat, agissant conformément aux instructions de son client, dit à l’avocat de l’autre partie : « Mon client m’a donné des instructions en vue d’accepter 1 000 livres et les frais » et que la chose aboutit à la conclusion d’une entente entre les deux avocats en règlement de la demande, je ne crois pas que le premier client puisse invoquer le secret professionnel quant à ce qu’il a dit à son avocat, tout en demandant à son avocat de communiquer avec l’autre partie. 13 Le lord juge ajoute ensuite ce qui suit à la page 466 : En donnant ainsi des instructions à ses avocats, le demandeur voudrait que ceux‑ci communiquent la chose à l’autre partie. 14 Le lord juge Morris est arrivé à une conclusion similaire lorsqu’il a dit ce qui suit à la page 466 : À mon avis, il ne s’agit pas de demandes de renseignements quant à des communications effectuées à titre confidentiel entre le demandeur et son avocat. 15 À mon avis, telle est la situation en l’espèce. [21] Les remarques qui précèdent sont suffisantes pour que la question puisse être réglée, mais je suis également d’avis que, par leur conduite, les appelantes ont implicitement renoncé au secret professionnel. Au cours de l’audience, l’avocat des appelantes a indiqué que les appelantes renonçaient au secret professionnel : voir la transcription, volume l, page 91, ligne 17. Il est vrai que le lendemain, l’avocat des appelantes a soulevé des objections et a invoqué le secret professionnel : voir la transcription, volume 2, pages 5 à 11, mais une partie ne peut pas renoncer au secret professionnel et l’invoquer par la suite, après que le témoignage a en bonne partie été présenté et qu’un certain nombre de documents ont été produits en preuve. [22] En outre, je note qu’au cours des interrogatoires principaux des témoins, les appelantes ont produit en preuve un certain nombre de courriels faisant état de la conduite des négociations en vue d’un règlement et qu’elles ont déposé un exposé des faits et du droit dans lequel elles identifiaient les courriels échangés entre les parties au sujet des règlements qui auraient été conclus. Ces mesures étayent également mon avis, à savoir que les appelantes ont renoncé au secret professionnel : Boisvert c. Corp. Planagex Ltée, 2000 J.Q. no 1624. Le droit civil du Québec [23] Les parties ont soutenu que le droit civil du Québec constituait le droit substantiel supplétif pour ce qui est du droit applicable aux contrats, aux mandats et aux règlements. Je suis d’accord, sauf pour ce qui est de l’application des dispositions du C.C.Q. portant sur les règlements. En effet, le droit civil du Québec ne devrait s’appliquer que si aucune disposition législative fiscale fédérale ne s’applique. À mon avis, il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux dispositions du C.C.Q. portant sur les règlements étant donné que le droit fiscal fédéral régit la question. [24] La requête porte sur un règlement conclu en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi et cette disposition l’emporte clairement sur le C.C.Q. Je n’ai donc pas à examiner les dispositions du C.C.Q. relatives aux règlements. Les points litigieux [25] Dans la présente requête : (i) Je dois avant tout établir si les parties ont conclu un règlement, ce qui m’oblige à décider si les appelantes ont donné à leur avocat un mandat en vue du règlement des appels; (ii) En second lieu, je dois décider si les règlements, le cas échéant, sont justifiables eu égard aux faits et au droit, et notamment si les conditions énoncées au paragraphe 169(3) de la Loi sont remplies. (i) Les appelantes ont-elles donné un mandat à leur avocat en vue de la conclusion d’un règlement? [26] La question de savoir si les appelantes ont donné un mandat en vue du règlement de leurs appels est une question de fait. Il incombe à l’intimée d’établir l’existence du mandat. [27] Les faits pertinents sont les suivants : [28] Au cours des négociations en vue d’un règlement qui ont eu lieu avec l’intimée, les appelantes étaient représentées par le cabinet d’avocats Starnino Mostovac. À compter du 18 janvier 2011, Me Delisle était principalement responsable des négociations, quoique Me Mostovac ait également été en cause. Voir la transcription, volume 1, page 99, lignes 14 à 18. [29] Lors de l’audition de la requête, M. Dhafir Burhan, administrateur de Barada, et Mme Sumaya Abdalla, administratrice de Softsim, ont témoigné pour les appelantes. Les deux témoins sont titulaires de diplômes universitaires et s’exprimaient avec aisance. [30] Par une ordonnance datée du 29 avril 2010, le juge en chef Rip, de la présente cour, a fixé la date d’audition des appels au 14 février 2011, l’audience devant durer cinq jours et être tenue à Montréal. [31] Les questions soulevées dans les appels concernant Barada étaient les suivantes : - L’appelante était-elle associée à Softsim au cours des années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, conformément à l’alinéa 256(1)b) de la Loi? - L’appelante avait-elle droit, pour son année d’imposition 2003, à une déduction de 20 000 $ au titre des frais de bureau? - L’appelante avait-elle droit à une déduction de 10 000 $ au titre des dépenses d’entreprise pour son année d’imposition 2005? - L’appelante était-elle passible d’une pénalité de 656 $ conformément au paragraphe 163(2) de la Loi à l’égard de dépenses de 10 000 $ qu’elle avait déduites de son revenu pour son année d’imposition 2005? Voir la transcription, volume 1, pages 12 et 13, et pièce R‑1, onglets 1 et 5. [32] Les questions soulevées dans les appels concernant Softsim étaient les suivantes : - L’appelante était-elle associée à Barada au cours de ses années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 conformément à l’alinéa 256(1)b) de la Loi? - L’appelante a-t-elle eu raison d’inclure le montant de 400 000 $ dans son année d’imposition 2005, au lieu de l’inclure dans son année d’imposition 2004 comme l’a fait le ministre du Revenu national lorsqu’il a établi une nouvelle cotisation? - L’appelante avait-elle le droit de déduire les montants suivants au titre des dépenses d’entreprise? le 31 mai 2004 le 31 mai 2005 le 31 mai 2006 Frais de bureau 3 832 $ 3 132 $ Frais se rattachant à des sous-traitants 11 816 $* Frais professionnels 6 400 $** Frais d’entretien 23 615 $ (23 615 $) Autres dépenses 1 935 $ 2 870 $** - Les rajustements que le ministre du Revenu national a apportés aux frais de R. et D. et de CDTI étaient-ils justifiés? Voir la transcription, volume 1, pages 13 à 15, et pièce R‑1, onglets 2 et 5. [33] Les négociations en vue du règlement des appels ont débuté le 18 janvier 2011, avec une lettre par laquelle Me Mostovac offrait à l’intimée de régler l’affaire compte tenu du fait que les montants en litige dans les appels de Barada et de Softsim seraient réduits de 50 p. 100. Me Delisle a témoigné que M. Burhan avait donné à Me Mostovac le mandat concernant cette offre au cours d’un appel téléphonique. Voir la transcription, volume 1, page 21, et pièce R‑1, onglet 3. [34] L’intimée a rejeté l’offre au moyen d’une lettre datée du 28 janvier 2011. Dans cette lettre, l’avocat de l’intimée, Me Leduc, a soumis la contre-offre suivante : [traduction] [...] Nous proposons plus particulièrement, sans qu’aucun fait ne soit admis, que les dépenses suivantes, qui ont été rejetées au stade de la vérification, soient admises en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Barada pourrait déduire les montants suivants et la pénalité serait annulée : (i) pour l’année d’imposition 2003, le montant de 20 000 $; (ii) pour l’année d’imposition 2005, le montant de 10 000 $ et les pénalités appliquées à ce montant seraient annulées. Softsim pourrait déduire les montants suivants : (i) pour l’année d’imposition 2004, le montant de 23 983 $2; (ii) pour l’année d’imposition 2005, le montant de 6 002 $3. Par conséquent, aucune autre modification ne serait apportée aux nouvelles cotisations visées par les appels et chaque partie paierait ses propres frais. […] __________________ 2 Ce montant inclut : 6 400 $ (frais professionnels), 3 832 $ (frais de bureau), 11 816 $ (frais se rattachant à des sous-traitants) et 1 935 $ (autres dépenses). 3 Ce montant inclut : 3 132 $ (frais de bureau) et 2 870 $ (autres dépenses). Voir la pièce R-1, onglet 4. [35] Selon Me Delisle, la contre-offre susmentionnée de l’intimée en date du 28 janvier 2011 a été acceptée par les appelantes au cours d’une conversation téléphonique, le 3 février 2011. Me Delisle a expliqué qu’il avait appelé Me Leduc le même jour pour lui faire savoir que les appelantes avaient consenti à régler leurs appels conformément à la contre-offre. Toutefois, Me Delisle a rappelé Me Leduc une heure plus tard en vue de l’informer que ses clientes avaient changé d’avis et qu’elles ne voulaient plus régler les appels. Voir la transcription, volume 1, pages 118 à 122. Voir également la pièce R‑2, page 2, courriels envoyés à 14 h 59 et à 15 h 13, et la pièce A‑13, page l, courriel envoyé à 15 h 49. [36] Le 4 février 2011, à 0 h 23, M. Burhan a envoyé le courriel suivant à ses avocats, Mes Delisle et Mostovac : [traduction] Les quatre derniers jours nous ont causé beaucoup de stress; nous n’avons pas pu, aujourd’hui, nous concentrer clairement étant donné que nous n’avons pas pu dormir pendant ces quatre jours. Nous avons passé toute la soirée à discuter de l’affaire et nous avons décidé que notre santé est plus importante et que le stress se ressent sur nos enfants. Sumaya et moi-même avons décidé d’accepter l’offre dont vous avez discuté avec Me Leduc. Nous sommes fatigués et notre état de santé ne nous permet pas de nous présenter devant le tribunal. Il s’agit d’une décision définitive. Veuillez prendre les dispositions nécessaires avec eux et nous nous présenterons pour signer l’entente. Il s’agit vraiment de notre décision définitive; nous tenons à vous remercier de l’aide que vous nous avez apportée. Meilleures salutations. Sumaya et Dhafir Voir la pièce R-2, p. 1, courriel envoyé à 0 h 23, ou pièce A‑14. [37] À 8 h 50 le même jour, M. Burhan a envoyé un autre courriel à ses avocats pour leur dire d’aller de l’avant, mais d’essayer de régler une autre question. Les passages pertinents du courriel sont les suivants : [traduction] [...]. Veuillez faire de votre mieux pour que Me Leduc abandonne la question de l’association pour les années 2006 et 2005. Sinon, allez de l’avant avec l’entente comme nous en avons discuté hier (en ce qui concerne les dépenses et l’annulation de la pénalité). Nous ne changeons pas d’avis [...] [...] J’espère que vous comprenez ce que nous voulons dire. N’hésitez pas à nous appeler si vous avez des questions et veuillez parler ensuite à Me Leduc afin de mener d’une façon ou d’une autre l’affaire à bonne fin. Voir la pièce R‑4, page 1, ou la pièce A‑15. [38] Après avoir reçu les deux courriels susmentionnés des appelantes, Mes Delisle et Mostovac ont tenu une téléconférence avec M. Burhan en vue de discuter du contenu des courriels susmentionnés. Selon le témoignage de Me Delisle, les appelantes ont accepté, au cours de la téléconférence, d’abandonner la question de l’association. Voir la transcription, volume l, pages 198 et 199, lignes 12 à 14. [39] Après la téléconférence, à 10 h 58, le 4 février 2011, M. Burhan a envoyé un courriel à Mes Delisle et Mostovac en vue de confirmer le mandat concernant le règlement; il disait ce qui suit : [traduction] Objet : Allez de l’avant, nous acceptons. Le présent courriel vise à confirmer que Sumaya et moi-même avons accepté l’entente comme il en a été question hier avec Me Leduc : Selon ce que nous croyons comprendre : - l’ARC admettra toutes les dépenses de Softsim et de Barada pour les années en question; - l’ARC supprimera la pénalité imposée à Barada. Veuillez aller de l’avant et les informer de notre acceptation. Meilleures salutations. Voir la pièce R‑3, page 1, courriel envoyé à 10 h 58, ou la pièce A‑16. [40] Sans savoir que M. Burhan avait envoyé à ses avocats les courriels susmentionnés, par lesquels les conditions de la contre-offre du 28 janvier 2011 étaient acceptées, Me Leduc a envoyé à Me Delisle, par télécopieur, le 4 février 2011, à 10 h 21, une lettre disant qu’il était surpris d’apprendre que ses clientes avaient changé d’avis, mais dans un dernier effort en vue du règlement des appels, il indiquait que la contre-offre valait encore jusqu’à midi, le 4 février 2011. Voir la pièce R‑1, onglet 7. [41] Me Delisle a envoyé à M. Burhan, le 4 février 2011, à 11 h 06, un courriel confirmant qu’il avait informé Me Leduc qu’ils avaient accepté la contre-offre du 28 janvier 2011. Voir la pièce R‑3, page 1, courriel envoyé à 11 h 06. [42] M. Burhan a envoyé à ses avocats, le 4 février 2011, à 11 h 31, un autre courriel disant ce qui suit : [traduction] N’oubliez pas de préciser dans l’entente que vous préparez avec l’ARC qu’aucun fait n’est admis. Voir la pièce R-3, courriel envoyé à 11 h 31, ou la pièce A‑20. [43] Me Delisle a également envoyé à Me Leduc, par télécopieur, à 11 h 42, une lettre indiquant que ses clientes acceptaient de régler l’affaire compte tenu de la contre-offre datée du 28 janvier 2011. Voir la pièce R‑1, onglet 8. [44] Me Leduc a accepté de préparer les documents se rapportant à l’entente, intitulés : [traduction] « Règlement à l’amiable effectué conformément au paragraphe 169(3) de la Loi ». Lorsque Me Leduc a transmis les documents, Me Delisle avait déjà quitté le bureau. Me Delisle a témoigné qu’il avait l’intention d’examiner les documents et de les signer le lundi 7 février 2011 au cours de la matinée. Voir la transcription, volume l, pages 47 à 49, et la pièce R‑l, onglets 9 et 10. [45] Le samedi 5 février 2011, les appelantes ont envoyé à Mes Delisle et Mostovac un courriel dans lequel elles demandaient conseil sur une question particulière : [traduction] Nous avons besoin de vos conseils au sujet des questions suivantes : [...] Nous savons qu’il est maintenant trop tard. [...] Quelle est la meilleure façon de régler ces questions sans que cela ait des incidences sur le règlement? [...] Étant donné que nous avons convenu de ne pas porter l’affaire devant le tribunal, nous aimerions que vous nous aidiez à trouver la meilleure façon d’effectuer les rajustements. [...] Voir la pièce R‑4, page 2, courriel envoyé à 13 h 44. [46] Le dimanche 6 février 2011, M. Burhan a envoyé à Mes Delisle et Mostovac un courriel dans lequel il indiquait des problèmes importants se rattachant aux règlements. Le lundi 7 février 2011, ils ont envoyé par courriel une offre de règlement révisée. Voir la pièce R‑4, pages 3 à 7. [47] Me Leduc a témoigné que Me Mostovac l’avait appelé le 7 février 2011 au matin en vue de lui faire savoir que, pendant le week-end, les appelantes avaient changé d’avis. Elles ne voulaient plus régler l’affaire conformément à la contre-offre du 28 janvier 2011. Me Mostovac a également informé Me Leduc que son cabinet déposerait une requête en vue de cesser d’agir à titre d’avocat ou que les appelantes lui retireraient son mandat. Voir la transcription, volume l, pages 51 et 70. [48] Plus tard ce jour‑là, le 7 février 2011, les appelantes, à la suite d’une téléconférence avec leurs avocats, ont décidé de retirer le mandat qu’elles avaient confié au cabinet Starnino Mostovac ainsi qu’à Mes Delisle et Mostovac. Voir la pièce R‑4, page 7, courriel envoyé à 10 h 13. [49] Le 15 février 2011, le cabinet d’avocats Spiegel Sohmer Inc. a déposé, pour le compte des appelantes, une notification de constitution d’un nouvel avocat. Analyse [50] Me Delisle a déclaré dans son témoignage qu’à son avis, il avait obtenu un mandat en vue de régler les appels conformément à la contre-offre du 28 janvier 2011. Je comprends pourquoi Me Delisle croyait avoir ce mandat; les courriels sont fort explicites et ils étayent clairement la façon dont Me Delisle envisageait la situation. Voir la transcription, volume l, page 203, lignes 13 à 20, et page 205, lignes 11 à 18. [51] Me Leduc a témoigné que, quant à lui, il n’y avait pas lieu de douter du fait que Mes Delisle et Mostovac avaient pour mandat de régler les appels des appelantes. Les avocats des appelantes n’ont jamais indiqué que le mandat qui leur avait été confié était restreint et les empêchait de conclure une entente pour le compte de leurs clientes. [52] Les appelantes ont affirmé n’avoir jamais donné à Me Delisle un mandat autorisant celui‑ci à régler leurs appels. Au moyen des témoignages de leurs administrateurs respectifs et de l’argumentation des avocats, elles ont soutenu ce qui suit : - à leur avis, elles pouvaient continuer à négocier tant qu’elles n’avaient pas examiné et signé l’entente. De plus, elles n’auraient jamais consenti à régler leurs appels sans obtenir au préalable l’approbation de l’avocat de l’entreprise, Me Champagne; - étant donné qu’à leur avis, elles pouvaient continuer à négocier, elles n’étaient pas arrivées à un règlement sur tous les éléments essentiels. En invoquant cet argument, elles renvoyaient aux dispositions du C.C.Q. portant sur les règlements, lesquelles disposent qu’un règlement est indivisible quant à son objet et qu’il faut traiter de tous les éléments essentiels; - il y avait au départ un malentendu entre les appelantes et Me Delisle; - de nouveaux documents avaient été découverts au cours du week-end, et elles ne pouvaient plus continuer à aller de l’avant avec le règlement des appels; - elles subissaient des pressions pour régler l’affaire. [53] Je suis convaincue que les appelantes ont donné à Me Delisle un mandat aux fins du règlement des appels. [54] À mon avis, les réponses des administrateurs des appelantes sont des justifications auxquelles ceux‑ci sont arrivés après coup. Ainsi, si les appelantes estimaient qu’il était important que l’avocat de l’entreprise, Me Champagne, vérifie les ententes prévues au paragraphe 169(3) de la Loi, pourquoi n’ont-elles jamais inclus la chose comme condition du règlement des appels? Il n’y a rien en ce sens dans les courriels que les appelantes ont envoyés à Me Delisle et les appelantes n’ont jamais donné à entendre que cette restriction existait lorsque leur avocat a interrogé Me Delisle. Il en va de même quant à l’argument des appelantes selon lequel elles n’auraient jamais accepté un règlement sans avoir d’abord obtenu de leur avocat des ententes formelles. Or, rien ne montre qu’une telle condition ait été énoncée au cours des négociations. [55] M. Burhan et Mme Abdalla sont des gens instruits. Je ne puis accepter qu’ils aient cru qu’ils allaient continuer à négocier alors que les courriels qu’ils avaient envoyés à leur avocat indiquaient clairement que les appelantes acceptaient la contre-offre de l’intimée en date du 28 janvier 2011. En outre, au moyen d’un courriel envoyé le 4 février 2011, à 11 h 06, Me Delisle les informait clairement qu’il avait fait savoir à Me Leduc qu’elles avaient accepté de régler l’affaire conformément à la contre-offre du 28 janvier 2011. Voir la pièce R‑3. [56] La preuve révélait également que les appelantes n’avaient même pas tenté de savoir si les règlements conclus en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi satisfaisaient aux conditions énoncées dans la contre-offre du 28 janvier 2011. Elles n’ont jamais demandé à voir les ententes. [57] Je ne souscris pas à l’argument des appelantes lorsqu’elles affirment que les règlements conclus en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi n’incluaient pas tous les éléments essentiels exigés par le C.C.Q. M. Burhan et Mme Abdalla étaient au courant du contenu des ententes auxquelles on était arrivé. Me Delisle a confirmé le contenu des ententes aux appelantes. Voir les pièces R‑2 et R‑3. En outre, M. Burhan lui-même a parlé du contenu des règlements dans un courriel envoyé à l’avocat des appelantes. Voir la pièce R‑3. Sans entrer dans les détails quant à la substance des appels, un certain nombre de discussions ont eu lieu entre l’avocat des appelantes et l’avocat de l’intimée au sujet des autres questions. Les appelantes savaient que, si elles acceptaient la contre-offre de l’intimée en date du 28 janvier 2011, aucune modification ne serait apportée à la cotisation quant aux autres questions. [58] Quant à la découverte de nouveaux documents au cours du week-end du 5 février 2011, lesquels auraient pu avoir des incidences sur les règlements, M. Burhan a admis lors du contre-interrogatoire qu’ils avaient déjà les documents en leur possession avant le week-end du 5 février 2011. En outre, Me Leduc a témoigné que les appelantes lui avaient envoyé, le 9 février 2011, certains des soi-disant nouveaux documents pour qu’il les examine. Me Leduc a indiqué qu’il ne s’agissait pas de nouveaux documents. Il n’y a pas lieu de mettre en question le témoignage de Me Leduc. La nature des documents étaye le témoignage de Me Leduc. Il s’agit de documents élémentaires de l’entreprise des appelantes dont les administrateurs auraient dû être au courant, à savoir le grand livre de Softsim, la demande relative aux activités de recherche scientifique et de développement, les déclarations de revenus des sociétés et les états financiers de Softsim. Voir la pièce R‑5 et la transcription, volume 2, pages 61 et 62. [59] Je n’accepte pas le témoignage de M. Burhan en ce qui concerne son interprétation des instructions données à son avocat. Ainsi, M. Burhan a indiqué que, quant à lui, les mots [traduction] « veuillez aller de l’avant et les informer de notre acceptation » voulaient dire qu’ils acceptaient de ne pas porter l’affaire devant le tribunal, qu’ils essayaient de régler l’affaire, que c’était réellement ce que l’on voulait dire. M. Burhan s’exprimait avec aisance; si c’est ce qu’il voulait dire, je suis convaincue qu’il l’aurait clairement dit. Voir la transcription, volume 2, page 35, lignes 19 à 23. [60] La tentative que M. Burhan a faite pour minimiser l’importance d’autres éléments de preuve indiquant qu’un règlement avait été conclu ne me convainc pas non plus. Lorsqu’on a demandé à M. Burhan, lors du contre-interrogatoire, ce qu’il voulait dire lorsqu’il avait déclaré : [traduction] Nous avons finalement obtenu une réponse quant aux 50 900 $. Nous savons qu’il est trop tard. et : [traduction] Vers la fin du week-end. Quelle est la meilleure façon de régler ces questions sans que cela ait des incidences sur le règlement? Il a répondu : [traduction] Oui, je voulais dire qu’à défaut de décision, il fallait laisser tomber, que nous n’allions plus négocier, qu’il fallait leur annoncer la chose en douceur pour qu’ils continuent à négocier, c’est ce que cela veut dire. Voir la pièce R-2, et la transcription, volume 2, page 68, lignes 10 à 24, et page 69, lignes 1 à 7. De plus, lorsqu’on lui a demandé lors du contre-interrogatoire si les mots « entente de négociation » et « entente de règlement » voulaient dire la même chose, il a répondu : [traduction] Selon le contexte, les mots « règlement » et « négociation » pourraient vouloir dire la même chose. Voir la transcription, volume 2, pages 69 et 70. [61] M. Burhan a également déclaré qu’il y avait eu au départ un malentendu avec Me Delisle. Il a déclaré que Me Delisle et lui-même parlent l’anglais avec des accents; par conséquent, selon M. Burhan, à cause de leurs accents différents, ils avaient eu de la difficulté à communiquer l’un avec l’autre. Toutefois, toutes les discussions ont été confirmées au moyen de courriels. La preuve n’étaye donc pas l’argument des appelantes lorsqu’elles affirment que le mandat en vue du règlement était vicié à cause d’un malentendu entre elles et Me Delisle au sujet du mandat. Voir la transcription, volume 2, pages 16 et 17. [62] M. Burhan a également témoigné que l’on avait exercé énormément de pressions pour que les appelantes acceptent le règlement. Il a affirmé que ces pressions avaient été exercées par l’avocat des appelantes, qu’elles étaient attribuables au peu de temps que la Cour avait accordé aux fins de la préparation de leurs appels (il a affirmé avoir été informé de la date de l’audience deux semaines seulement avant celle-ci) ainsi qu’à l’intimée, à cause du délai que Me Leduc avait fixé aux fins de l’acceptation de la contre-offre. [63] Je comprends bien que M. Burhan et Mme Abdalla ont bien pu croire que des pressions étaient exercées pour qu’ils prennent une décision, mais il n’existait aucune preuve de coercition, de fraude ou de mauvaise foi. Il a été décidé, dans des situations factuelles similaires, qu’en l’absence d’une preuve de coercition, de mauvaise foi ou de fraude, un règlement demeure valide. Dans l’affaire Oberoi v. HMQ, 2006 DTC 3110, M. Oberoi avait accepté de régler son appel, mais il avait ensuite envoyé à l’intimée une lettre l’informant qu’il ne voulait plus aller de l’avant avec le règlement. Il avait déclaré qu’il était sous l’effet du stress et que ses avocats avaient exercé énormément de pressions pour qu’il aille de l’avant avec le règlement. Au paragraphe 26 de ses motifs, la juge Lamarre-Proulx a dit ceci : [26] La preuve démontre clairement que l’ancienne avocate de l’appelant avait un mandat de ce dernier pour signer le règlement à l’amiable, ce qu’elle a fait. Elle n’a pas outrepassé son mandat, elle a agi dans le cadre de celui‑ci. Et au paragraphe 33: [33] Si l’appelant est convaincu que son avocate lui a donné de mauvais conseils, il dispose d’autres moyens pour faire entendre sa cause, mais cela ne se fera pas devant la présente Cour. Pour notre cour, le règlement à l’amiable est exécutoire. La requête doit donc être rejetée. [64] Il est intéressant de noter que M. Burhan a affirmé que l’intimée exerçait énormément de pressions pour qu’il accepte le règlement au plus tard le 4 février 2011, à midi. Toutefois, la preuve montre qu’il avait déjà accepté la contre-offre de l’intimée avant de recevoir la lettre dans laquelle Me Leduc fixait le délai à midi, le 4 février 2011. Voir la pièce R‑2. [65] Compte tenu de la preuve, je conclus qu’un mandat a été donné à Me Delisle pour qu’il règle les appels des appelantes. [66] En arrivant à cette conclusion, je suis bien consciente du critère énoncé par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 : [traduction] [...] le véritable critère quant à la véracité de l’histoire d’un témoin dans un tel cas doit être son accord avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement comme étant raisonnable dans cette situation et dans ces conditions... [Non souligné dans l’original.] [67] À mon avis, une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement qu’un mandat avait été donné à Me Delisle pour qu’il règle les appels le 4 février 2011. Je souscris à l’analyse de l’intimée, à savoir que les appelantes avaient décidé au cours du week-end que le règlement qu’elles avaient accepté ne leur plaisait plus et qu’elles croyaient qu’en le répudiant, elles seraient en mesure d’obtenir encore plus. (ii) L’entente qui a été conclue était-elle justifiable eu égard aux faits et au droit? [68] La Cour d’appel fédérale a récemment réaffirmé le principe de droit voulant que les règlements, en droit fiscal fédéral, soient conformes à la Loi. Dans l’arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, le juge Stratas, au nom de la Cour, a dit ce qui suit aux paragraphes 22 et 23 de ses motifs de jugement : [22] Notre Cour est liée par son arrêt Galway c. Ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 (C.A.). Le juge en chef Jackett, au nom de la Cour unanime, y posait en principe (à la page 602) que « le Ministre a l’obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l’impôt exigible d’après les faits qu’il établit et en conformité de son interprétation de la loi ». Il s’ensuivait selon lui que le ministre « ne peut établir une cotisation pour un certain montant fixé afin de donner effet à un compromis ». Le ministre ne peut établir de cotisation « que d’après les faits et en conformité de la loi, et non pour donner effet à un compromis ». Voir aussi Cohen c. La Reine [1980] C.T.C. 318 (C.A.F.). [23] Plus récemment, notre Cour a réaffirmé ce principe de Galway dans l’arrêt Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.), au paragraphe 37 duquel le juge Sexton rappelait au nom de la Cour unanime que « le ministre du Revenu national est tenu de rendre ses décisions en se fondant uniquement sur des considérations tirées de la Loi elle-même » et qu’il ne peut conclure de « marchés » étrangers à ces considérations. Voir aussi, dans le même sens, Longley c. Minister of National Revenue (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 238 (C.A.), page 455. [69] J’ai analysé la contre-offre des appelantes ainsi que les consentements écrits prévus au paragraphe 169(3) de la Loi et je suis d’avis que les compromis que l’intimée a faits au sujet de Barada, à savoir qu’elle autorisait des déductions additionnelles au titre des frais de bureau et des dépenses d’entreprise conformément au paragraphe 9(1) de la Loi et qu’elle renonçait aux pénalités relatives aux frais de bureau, sont justifiables eu égard aux faits et au droit. Je suis également d’avis que les compromis que l’intimée a faits à l’égard de Softsim en admettant des dépenses d’entreprise additionnelles conformément au paragraphe 9(1) de la Loi sont justifiables eu égard aux faits et au droit. J’aurais pu arriver aux mêmes conclusions dans un jugement. Voir la pièce R‑1, onglets 4 et 8, pièce R-2, page 2, et pièce R‑3, page 1. [70] Les appelantes soutiennent que les conditions énoncées au paragraphe 169(3) de la Loi n’ont pas été remplies étant donné que M. Burhan et Mme Abdalla n’ont pas signé les documents administratifs produits sous la cote R‑1, onglet 9, dans le cas de Barada, et sous la cote R‑1, onglet 10, dans le cas de Softsim. [71] Les appelantes affirment qu’en l’absence des signatures des dirigeants des contribuables, à savoir M. Burhan pour Barada et Mme Abdalla pour Softsim, la Cour ne peut pas ratifier une entente conclue en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi. Elles se fondent sur le libellé du paragraphe 169(3) : Malgré l’article 152, en vue de régler un appel interjeté en application d’une disposition de la présente loi, le ministre peut établir à tout moment, avec le consentement écrit du contribuable, une nouvelle cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par le contribuable en vertu de la présente loi. [Non souligné dans l’original] [72] Les appelantes font valoir que le paragraphe 169(3) fait mention du « contribuable » et non du « représentant légal », soit l’expression utilisée aux paragraphes 164(6), 159(1) et 70(2) de la Loi. Les termes « contribuables » et « représentant légal » sont définis ainsi à l’article 248 de la Loi : « contribuables » Sont comprises parmi les contribuables toutes les personnes, même si elles ne sont pas tenues de payer de l’impôt. « représentant légal » Quant à un contribuable, syndic de faillite, cessionnaire, liquidateur, curateur, séquestre de tout genre, fiduciaire, héritier, administrateur du bien d’autrui, liquidateur de succession, exécuteur testamentaire, conseil ou autre personne semblable, qui administre ou liquide, en qualité de représentant ou de fiduciaire, les biens qui appartiennent ou appartenaient au contribuable ou à sa succession, ou qui sont ou étaient détenus pour leur compte, ou qui, en cette qualité, exerce une influence dominante sur ces biens ou s’en occupe autrement. [73] Les appelantes affirment que le législateur a fait une distinction entre le contribuable et le représentant légal. Selon elles, étant donné que le mot « contribuable » est utilisé au paragraphe 169(3), un représentant légal ne peut pas apposer sa signature pour le compte du contribuable. Les ententes conclues en vertu du paragraphe 169(3) ne sont donc pas valides. [74] Je ne souscris pas aux prétentions des appelantes. L’expression « représentant légal », dans la Loi, ne s’entend pas des avocats agissant pour le compte des parties aux fins d’un litige. Le représentant légal agit en qualité de fiduciaire afin d’administrer ou de liquider des biens qui appartiennent au contribuable ou à sa succession ou qui sont détenus pour son compte. Le mot « avocat » est défini au paragraphe 248(1) de la Loi; il a le sens qui lui est attribué au paragraphe 232(1) de la Loi, à savoir : [...] Dans la province de Québec, un avocat ou notaire et, dans toute autre province, un barrister ou un solicitor. [75] En l’espèce, il est clair que le cabinet d’avocats Starnino Mostovac agissait pour le compte des appelantes à l’égard des appels. Ils étaient les avocats inscrits au dossier conformément à l’article 31 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale). [76] Le paragraphe 169(3) de la Loi fait mention du consentement écrit du contribuable. À mon avis, le consentement écrit peut être donné par l’avocat inscrit au dossier. [77] Les dispositions du C.C.Q. portant sur le mandat étayent cette thèse. Les dispositions pertinentes figurent aux articles 2130 et 2137 du C.C.Q. Elles sont libellées ainsi : 2130. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s’oblige à l’exercer. [...] 2137. Les pouvoirs que l’on donne à des personnes de faire un acte qui n’est pas étranger à la profession ou aux fonctions qu’elles exercent, mais se déduisent de leur nature, n’ont pas besoin d’être mentionnés expressément. [78] Ces deux dispositions du C.C.Q. considérées ensemble autorisent Me Delisle à donner le consentement écrit requis pour le compte des appelantes en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, Me Delisle agissait conformément à son mandat lorsqu’il a envoyé la lettre suivante pour le compte des appelantes, le 4 février 2011 : [traduction] La présente vise à confirmer que les clientes susmentionnées acceptent votre contre-offre de règlement en date du 28 janvier 2011, sans aucuns frais et sans que quelque fait ne soit admis. Voir la pièce R‑1, onglet 8. [79] En l’espèce, les contrats concernant les règlements prévus au paragraphe 169(3) de la Loi ont été formés le 4 février 2011, lorsque l’avocat des appelantes a informé l’intimée par écrit que les appelantes acceptaient la contre-offre que l’intimée avait soumise le 28 janvier 2011. Cela satisfaisait aux exigences du paragraphe 169(3) de la Loi, qui exige uniquement qu’un consentement écrit soit donné par le contribuable ou par l’avocat inscrit au dossier. [80] Les documents intitulés : [traduction] « Règlement à l’amiable effectué conformément au paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu », produits sous la cote R‑2, onglets 9 et 10, sont des documents administratifs. Comme l’avocat de l’intimée, Me Leduc, l’a expliqué, les documents visent à aider les contribuables et l’ARC aux fins de l’établissement d’une cotisation. Comme il en a déjà été fait mention, le paragraphe 169(3) de la Loi n’exige pas que l’entente soit consignée sous la forme de documents administratifs; c’est plutôt le consentement écrit du contribuable ou de l’avocat inscrit au dossier qui est nécessaire. [81] Je suis d’avis que les conditions énoncées au paragraphe 169(3) ont été remplies, lorsque Me Delisle, pour le compte des appelantes, a informé par écrit l’avocat de l’intimée que les appelantes acceptaient de régler leurs appels conformément à la contre-offre du 28 janvier 2011. [82] Il va sans dire que le consentement que l’avocat donne par écrit doit correspondre à ce dont il a été convenu. Compte tenu de la preuve, je suis convaincue que le consentement écrit correspond à ce dont les parties ont convenu. Voir la pièce R-l, onglets 4, 7 et 8. [83] Dans l’affaire 1390758 Ontario Corp. c. La Reine, 2010 CCI 572, l’appelante, après avoir convenu de régler son appel, avait déclaré ne pas être au courant des incidences du règlement; elle avait cherché à répudier le règlement, à faire entendre l’appel et à obtenir une décision au fond. Le juge Bowie a confirmé le règlement et a fait une remarque importante au paragraphe 37 : [37] La Couronne règle régulièrement des réclamations contractuelles et des réclamations en responsabilité civile délictuelle, déposées par elle ou contre elle. Aucune raison ne justifierait que les litiges fiscaux ne fassent pas également l’objet d’un règlement. Les deux parties à un litige ont le droit de savoir que, si elles investissent le temps et les efforts nécessaires en vue de négocier une transaction, l’entente les liera. [84] Les parties ont consacré beaucoup de temps et d’efforts en cherchant à régler les présents appels. S’il faut prendre les règlements au sérieux, je suis entièrement d’accord avec le juge Bowie lorsqu’il dit que les règlements devraient lier les parties. [85] Par conséquent, j’accueille la requête visant à assurer l’exécution des règlements avec dépens ainsi que les appels interjetés par les appelantes, et je défère les nouvelles cotisations au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu de la contre-offre en date du 28 janvier 2011. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « Johanne D’Auray » Juge D’Auray Traduction certifiée conforme ce 26e jour d’octobre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 181 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2008-2527(IT)G 2008-2531(IT)G INTITULÉ : SOFTSIM TECHNOLOGIES INC. c. LA REINE BARADA TECHNOLOGIES INC. c. LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 novembre 2011 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable Johanne D’Auray DATE DE L’ORDONNANCE : Le 7 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelante : Me Pierre-Paul Persico Avocate de l’intimée : Me Antonia Paraherakis AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Pierre-Paul Persico Cabinet : Spiegel Sohmer Inc. Montréal (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 185
TCC
2,012
Thelwell c. La Reine
fr
2012-06-07
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30830/index.do
2022-09-04
Thelwell c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-07 Référence neutre 2012 CCI 185 Numéro de dossier 2011-3158(GST)I Juges et Officiers taxateurs Patrick J. Boyle Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2011‑3158(GST)I ENTRE : JUNIOR GEORGE THELWELL, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Tina Thelwell (2011‑3159(GST)I) le 12 avril 2012, à London (Ontario). Devant : L’honorable juge Patrick Boyle Comparutions : Représentant de l’appelant : M. Peter Tindall Avocat de l’intimée : Me Paul Klippenstein ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 19 août 2009, pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, est rejeté, sauf en ce qui concerne les crédits de taxe sur les intrants supplémentaires de 578,17 $ admis par la Couronne au début de l’audience, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Toronto (Ontario), ce 7e jour de juin 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2012. S. Tasset Dossier : 2011‑3159(GST)I ENTRE : TINA THELWELL, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Junior George Thelwell (2011‑3158(GST)I) le 12 avril 2012, à London (Ontario). Devant : L’honorable juge Patrick Boyle Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Peter Tindall Avocat de l’intimée : Me Paul Klippenstein ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 6 août 2010, pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Toronto (Ontario), ce 7e jour de juin 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2012 S. Tasset Référence : 2012 CCI 185 Date : 20120607 Dossiers : 2011‑3158(GST)I 2011‑3159(GST)I ENTRE : JUNIOR GEORGE THELWELL, TINA THELWELL, appelants, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Boyle [1] Monsieur Junior Thelwell exploitait une petite entreprise de messagerie sous le nom de Discount Courier Services. Ses livraisons étaient effectuées dans les régions du Sud et du Sud‑Ouest de l’Ontario. En 2008, ses revenus déclarés tirés de son entreprise atteignaient un peu plus de 100 000 $ et il sous‑traitait pour environ 5 000 $ de travaux que lui confiaient ses clients et qu’il n’était pas en mesure d’accomplir. [2] Son épouse, Mme Tina Thelwell, travaillait pour l’entreprise. Elle s’occupait de la gestion des contrats, des écritures et de tâches administratives, notamment la réception des commandes d’expédition des clients, la tenue de registres pour les véhicules et pour les commandes et, de façon générale, elle tenait les livres et les documents de l’entreprise. [3] En 2007, les Thelwell ont commencé à s’adresser à un nouveau spécialiste en déclarations de revenus, M. Rudolfo (Rudy) Terracina. Ce dernier exploitait une entreprise qui remplissait les déclarations de revenus et offrait des conseils en matière fiscale sous le nom de « Doctor Tax ». Selon la preuve présentée en l’espèce, notamment le témoignage et les documents des Thelwell et le témoignage de M. Terracina, il semble que le terme « Doctor » était employé comme verbe (le verbe anglais « to doctor » ayant le sens de falsifier, manipuler) et non comme titre. À l’insu des Thelwell, M. Terracina avait antérieurement plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d’accise et il avait été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement à purger dans un établissement fédéral pour fraude fiscale parce qu’il avait frauduleusement rempli les déclarations de revenus d’autres clients. Il a également été condamné pour fabrication de fausses dépenses devant être déduites dans les déclarations de revenus de ses clients. Dans l’affaire dont je suis saisi, il semble qu’il ait repris ses anciennes habitudes. Malheureusement, peut‑être, pour les Thelwell, il ne suffit pas, pour être spécialiste en matière fiscale, de se présenter comme tel. [4] En l’espèce, les déclarations de revenus pour 2008 des Thelwell ont été mises en preuve. Elles ont été remplies par M. Terracina. Ni ce dernier, ni aucun des Thelwell n’a été en mesure d’expliquer les sommes déduites. Junior Thelwell a affirmé, et cela est crédible, qu’il ne s’agissait pas de son domaine de responsabilité, que cette tâche était confiée à son épouse et qu’elle s’était adressée à M. Terracina, de sorte que ces derniers devraient pouvoir fournir les explications nécessaires. Tina Thelwell a affirmé que les chiffres avaient été réunis et établis par M. Terracina et qu’il fallait donc s’enquérir de ces questions auprès de lui. Dans son témoignage, M. Terracina s’en est remis à Tina Thelwell parce que c’est elle qui lui avait fourni tous les renseignements, qu’il n’a pas, selon ses dires, vérifiés. À la lumière des réponses qu’il a données aux questions qui lui ont été posées, il semble qu’il ne lui soit pas venu à l’esprit de vérifier si les sommes déduites satisfaisaient à tout le moins à des critères préliminaires en ce qui concerne ce qui est raisonnable ou acceptable. [5] Heureusement, je ne suis pas saisi des questions d’impôt sur le revenu des Thelwell pour 2008. Les appels intéressent uniquement leurs demandes de crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») au titre de la TPS relative à des dépenses liées à l’entreprise de Discount Courier Services et, dans le cas de Tina Thelwell, la TPS à payer au titre d’améliorations apportées à une résidence qu’ils ont maintenant vendue, la TPS à payer au titre de la nouvelle résidence qu’ils ont achetée ainsi que la TPS payée au titre du coût d’achat de deux véhicules qu’elle a acquis, mais qu’elle mettait à la disposition de l’entreprise Discount Courier Services de son mari. [6] Pour ajouter à la situation fiscale difficile dans laquelle ils se trouvent après avoir suivi les conseils de M. Terracina et la méthode de déclaration qu’il leur a recommandée, les Thelwell ont choisi l’un de ses collaborateurs ou collègues occasionnels, M. Peter Tindall, pour les représenter dans le cadre de leurs appels en matière de TPS entendus selon la procédure informelle. M. Tindall se fait passer pour une personne habile à agir comme représentant des contribuables dans les appels en matière de TPS instruits selon la procédure informelle. Malheureusement, il ne semblait pas savoir qu’il incombe aux contribuables d’établir leur droit à l’allégement de la taxe demandé, il n’avait pas prévu qu’il serait nécessaire de présenter en preuve des pièces justificatives quant à l’un ou l’autre des aspects de l’entreprise ni apprécié la valeur de ce genre de documents, il n’a même pas produit une quelconque ventilation des dépenses engagées et encore moins un réel relevé des dépenses présenté dans un document s’apparentant à un grand livre général ou d’authentiques reçus d’achats pour les dépenses. M. Tindall n’a présenté aucun élément de preuve quant aux améliorations apportées à l’ancienne maison ou à quoi que ce soit d’autre se rapportant à celle‑ci ni en ce qui concerne l’acquisition de la nouvelle demeure. Il ne possède aucune formation, aucune expérience ni aucun titre dans le domaine du droit ou des techniques juridiques. Son expérience de travail antérieure relevait d’un domaine non connexe. [7] Les Canadiens sont libres de choisir qui ils veulent pour les représenter dans le cadre des appels entendus selon la procédure informelle, et le droit de choisir englobe le droit de faire un mauvais choix. Malheureusement pour les Thelwell, il semble que, par suite de leur choix, la preuve était carrément insuffisante pour me permettre de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les dépenses sous‑jacentes au titre desquelles ils ont demandé des CTI ont même été réellement supportées et encore moins qu’elles étaient liées à l’entreprise. Aucun document ni élément de preuve n’a été produit au soutien de l’allégation voulant que la TPS relative aux dépenses se rapportant à la maison des Thelwell doive donner lieu à un CTI ou être par ailleurs remboursable. De même, je ne suis saisi d’aucun argument ou élément de preuve touchant la très vague prétention fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») qu’a avancée M. Tindall dans les avis d’appel. Comme il fut expliqué à ce dernier au début de l’audience, la Cour n’a aucune compétence pour entendre ni son allégation d’intimidation et d’abus de la part de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») dans le cadre de la vérification ni sa réclamation relative au coût subi par les contribuables pour se conformer à celle‑ci. Comme il n’a pas déposé une preuve suffisante pour permettre à ses clients de s’acquitter du fardeau de la preuve qui leur incombait, et comme il n’a présenté aucune preuve ni aucun argument à l’appui de la prétention fondée sur la Charte ou de la déduction d’un CTI au titre des résidences, les appels doivent être rejetés, sous réserve uniquement de la concession relative à la somme de 578,17 $ faite par la Couronne au début de l’audience en ce qui a trait à l’appel de Junior Thelwell. [8] Je n’ai aucune raison de ne pas croire les Thelwell lorsqu’ils affirment que Junior Thelwell exploitait l’entreprise Discount Courier Services, que les deux véhicules acquis par Tina Thelwell l’ont été pour servir principalement dans le cadre de l’entreprise de messagerie, mais que c’est elle qui les a achetés parce que sa cote de solvabilité était plus avantageuse que celle de son mari, et que Tina Thelwell travaillait réellement pour l’entreprise Discount Courier Services de son mari. Cette preuve est toutefois bien insuffisante au regard de celle nécessaire pour établir l’existence d’un droit au montant des CTI demandé par les Thelwell et refusé par l’ARC. [9] Il semble que les Thelwell ne soient pas complètement étrangers à leur situation actuelle. Premièrement, ils ont choisi la personne qui a rempli leurs déclarations de revenus, ils ont choisi de suivre ses conseils et ils ont choisi de signer les déclarations remplies par cette personne même si, comme l’a précisé M. Terracina, les dépenses de l’entreprise paraissaient avoir explosé en 2008 et même s’ils demeuraient incapables d’expliquer comment cela avait pu se produire ou en quoi consistaient ces déductions. [10] Deuxièmement, ils ont choisi M. Tindall pour les représenter dans le cadre de la présente affaire, sur la recommandation, ou à tout le moins avec le soutien, de M. Terracina. [11] Je ne puis par ailleurs ajouter foi au témoignage de Tina Thelwell voulant que les deux sous‑baux qu’elle a conclus avec l’entreprise de son mari aient été établis en 2003 et en 2008. Il peut paraître étrange, dans les présentes circonstances, qu’ils soient tous deux libellés de façon identique. Mme Thelwell a reconnu que les documents n’avaient que récemment été imprimés et signés, mais elle a affirmé qu’ils existaient bel et bien et qu’elle les avait à sa disposition sous forme électronique depuis 2003 et 2008. Les documents stipulent tous deux que le sous‑bail est consenti à Discount Courier Services Inc. Or, cette entreprise n’a été constituée en société qu’au cours de 2007, sur la recommandation de M. Terracina. Il m’est absolument impossible d’admettre qu’une dénomination sociale ait été utilisée en 2003 relativement à une entreprise qui n’a été constituée en société qu’en 2007. [12] Je signale en outre que les explications offertes par les trois témoins étaient en grande partie incompatibles et contradictoires. Personne ne pouvait expliquer les montants des dépenses et de la perte consécutive inscrites par Tina Thelwell dans son état des résultats des activités d’une profession libérale au titre des services de gestion qu’elle fournissait à l’entreprise de son mari. Personne ne pouvait expliquer pourquoi les revenus qu’elle avait tirés de la sous‑location à bail des automobiles ne semblaient pas figurer dans cet état des résultats ni pourquoi cette somme n’a pas, quoi qu’il en soit, été inscrite sur la page réservée aux revenus dans la déclaration si, comme il l’a laissé entendre, M. Terracina doit avoir joint une autre annexe à l’état des résultats des activités d’une entreprise pour les revenus et les dépenses liés à la location. Les parties ne pouvaient s’entendre sur le rôle, s’il en est un, joué par la nouvelle société Discount Courier Services Inc. en 2008 en ce qui touche l’entreprise individuelle Discount Courier Services de Junior Thelwell alors même que des frais de gestion de 24 000 $ ont été payés à cette société selon le témoignage de M. Terracina et la déclaration remplie par ce dernier. Personne ne pouvait expliquer pourquoi les fournitures de bureau et les frais de bureau déduits au titre de l’entreprise de messagerie de Junior Thelwell et de l’entreprise de services de gestion de Tina Thelwell excédaient 20 000 $. Et personne ne pouvait expliquer quel genre de frais de déplacement totalisant plus de 5 000 $ ont bien pu être engagés par Junior Thelwell pour l’hébergement et les repas dans le cadre de son entreprise qui fait des livraisons locales le jour même. [13] Ce ne sont là que quelques exemples des raisons pour lesquelles je ne puis considérer aucune des sommes déduites comme ayant été engagée ou comme raisonnable si elle a été engagée. À mon avis, la preuve ne permet donc pas d’établir que les dépenses sous‑jacentes au titre desquelles les Thelwell ont demandé des CTI en l’espèce ont été réellement engagées ou qu’elles se rapportaient à une quelconque entreprise ou activité commerciale. Dans ces circonstances, il m’est tout simplement impossible d’accepter le témoignage de l’un ou l’autre des trois témoins, à moins qu’il ne soit corroboré par des pièces justificatives dignes de foi, concomitantes et satisfaisantes, lesquelles font défaut au regard des questions en litige dans la présente affaire. [14] Pour ces raisons, l’appel de Tina Thelwell est rejeté et l’appel de Junior Thelwell est également rejeté, sauf en ce qui concerne la somme de 578,17 $ admise par la Couronne au début de l’audience. Signé à Toronto (Ontario), ce 7e jour de juin 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012 CCI 185 NOS DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011‑3158(GST)I, 2011‑3159(GST)I INTITULÉS : Junior George Thelwell et SMR, et Tina Thelwell et SMR LIEU DE L’AUDIENCE : London (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Patrick Boyle DATE DU JUGEMENT : Le 7 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant des appelants : M. Peter Tindall Avocat de l’intimée : Me Paul Klippenstein AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 186
TCC
2,012
Clearwater Seafoods Holdings Trust c. La Reine
fr
2012-06-01
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30820/index.do
2022-09-04
Clearwater Seafoods Holdings Trust c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-01 Référence neutre 2012 CCI 186 Numéro de dossier 2011-2015(IT)G Juges et Officiers taxateurs Steven K. D'Arcy Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2015(IT)G ENTRE : CLEARWATER SEAFOODS HOLDINGS TRUST, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue le 27 février 2012, à Halifax (Nouvelle-Écosse). Devant : L'honorable juge Steven K. D'Arcy Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Bruce S. Russell Avocate de l'intimée : Me Melanie Petrunia ____________________________________________________________________ ORDONNANCE VU la requête présentée par l'avocat de l'appelante dans le but d'obtenir une directive autorisant l'appelante dans le présent appel à être remplacée par Clearwater Seafoods Incorporated, au titre de l'article 29 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale); Conformément aux motifs d'ordonnance ci‑joints : LA COUR ordonne ce qui suit : 1. la requête est rejetée sans frais; 2. si l'intimée croit que la Cour devrait rejeter l'appel, la requête appropriée doit être déposée dans les 30 jours de la présente ordonnance; 3. si l'intimée ne dépose pas une telle requête, les parties soumettront par écrit à la Cour un calendrier dont elles auront mutuellement convenu, dans les 45 jours de la date de la présente ordonnance. Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012. « S. D’Arcy » Juge D'Arcy Traduction certifiée conforme Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil Référence : 2012CCI186 Date : 20120601 Dossier : 2011-2015(IT)G ENTRE : CLEARWATER SEAFOODS HOLDINGS TRUST, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L'ORDONNANCE Le juge D'Arcy [1] L'appelante, Clearwater Seafoods Holdings Trust (la « fiducie »), a présenté une requête en vue d'obtenir une directive de la Cour, conformément à l'article 29 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), en vue de permettre que l'appelante dans le présent appel soit remplacée par Clearwater Seafoods Incorporated (« Seafoods Inc. »). [2] La question soulevée par la requête se pose lorsque, dans le cadre de la mise en œuvre d'un plan d'arrangement, une société a acquis l'actif et pris en charge le passif d'une fiducie de revenu. Il s'agit de savoir si la société peut devenir l'appelante dans un appel interjeté par la fiducie de revenu avant la mise en œuvre de ce plan. [3] Selon la position que l'appelante a prise, Seafoods Inc., en sa qualité de remplaçante en titre et en droit de la fiducie, devrait avoir le droit de remplacer la fiducie à titre d'appelante dans le présent appel. L'avocat de l'appelante a soutenu que [traduction] « [...] la directive demandée en vertu de l'article 29 des Règles est conforme à l'objectif du législateur et du ministère fédéral des Finances, soit de faciliter la conversion des fiducies de revenu en sociétés publiques rapidement et sans incidence fiscale »[1]. [4] Selon la position que l'intimée a prise, Seafoods Inc. ne peut pas prendre la place de la fiducie à titre d'appelante dans l'appel. L'intimée fait valoir qu'un contribuable ne peut pas transférer une obligation fiscale. De plus, elle soutient que l'appelante dans le présent appel a été éteinte et qu'elle ne possède donc plus la capacité légale de poursuivre l'appel. Le résumé des faits [5] La fiducie a interjeté appel devant la Cour le 10 juin 2011 à l'égard de nouvelles cotisations établies pour ses années d'imposition 2002 et 2003. [6] Les nouvelles cotisations avaient pour effet d'augmenter l'impôt sur le revenu que la fiducie devait payer. La fiducie n'a pas payé les impôts additionnels établis par le ministre. [7] La fiducie prenait part à un plan d'arrangement qui avait été dressé en vertu de l'article 192 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[2] et dont la mise en œuvre a été complétée le 2 octobre 2011 (le « plan d'arrangement »). [8] Les parties n'ont pas informé la Cour des activités réellement exercées par la fiducie avant la mise en œuvre du plan d'arrangement. L'article 2.5 de la déclaration de fiducie prévoit que la fiducie est une fiducie à but restreint. L'article 4.1 de la déclaration de fiducie énonce les objets de la fiducie, qui semblent se rapporter principalement à l'achat et à la détention de titres et à la détention d'argent. [9] Avant la mise en œuvre du plan d'arrangement, toutes les parts de la fiducie étaient détenues par Clearwater Seafoods Income Fund (le « fonds »), une fiducie de placement à capital variable, non constituée en personne morale et régie par les lois de l'Ontario. [10] Par suite de changements apportés à l'imposition des fiducies de revenu, le fonds et la fiducie (conjointement avec certaines personnes qui avaient effectué des placements dans le fonds) ont mis sur pied le plan d'arrangement. L'objet du plan était de convertir la fiducie de revenu en une société. [11] Le 2 octobre 2011, dans le cadre de la mise en œuvre du plan d'arrangement, Seafoods Inc. a acquis toutes les parts du fonds, et tous les détenteurs de parts du fonds sont devenus des actionnaires de Seafood Inc. Immédiatement après, les événements suivants se sont produits : - la fiducie a remis son actif au fonds et le fonds a pris en charge le passif de la fiducie; - le fonds a ensuite remis son actif à Seafoods Inc. et Seafoods Inc. a pris en charge le passif du fonds. [12] Le plan d'arrangement prévoit qu'après que la fiducie aura remis son actif au fonds et que le fonds aura pris en charge le passif de la fiducie, [traduction] « [...] 1a fiducie sera dissoute, conformément au droit applicable et à la déclaration de fiducie [de la fiducie] »[3]. [13] L'article 14 de la déclaration de fiducie énonce la marche à suivre aux fins de l'extinction de la fiducie. Le droit [14] L'article 29 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) est ainsi libellé : 29. (1) Lorsque l’intérêt ou la responsabilité d’une partie à l’instance est transféré ou transmis à une autre personne en raison d’une cession, d’une faillite, d’un décès ou de toute autre cause, à tout moment de l’instance, nulle autre procédure ne peut être engagée avant que le greffier ne soit avisé du transfert ou de la transmission, ainsi que des modalités qui s’y rapportent. (2) Sur réception de l’avis dont il est fait mention au paragraphe (1), le greffier consulte les parties concernant les circonstances dans lesquelles l’instance doit être continuée et fait rapport de ces consultations au juge en chef. (3) Le juge en chef ou un juge désigné par lui pour traiter de l’affaire peut donner une directive de continuer l’instance ou toute autre directive qui lui semble appropriée. [15] Je dois examiner la question de savoir si l'appelante a transféré ou transmis à Seafoods Inc., en raison d'une cession, d'une faillite, d'un décès ou de toute autre cause, l'intérêt ou la responsabilité qu'elle avait à l'égard de l'objet de l'appel. [16] Afin de trancher la question, la Cour doit examiner la common law ainsi que toute disposition légale pertinente. L'article 29 n'autorise pas lui-même la cession ou la dévolution d'un intérêt dans une instance. [17] J'examinerai d'abord les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu[4] (la « Loi »). [18] L'obligation de payer l'impôt sur le revenu est une obligation prévue par la loi. L'impôt sur le revenu est établi en vertu de la Loi, sur le revenu imposable d'une personne[5]. [19] Par conséquent, la personne qui gagne un revenu imposable est le contribuable à l'égard de ce revenu, c'est-à-dire que c'est elle qui est tenue de payer l'impôt sur le revenu[6]. Cette obligation prend naissance au moment où le revenu est gagné, et ce, quel que soit le moment où l'Agence du revenu du Canada établit une cotisation[7]. [20] Comme la juge Sharlow l'a fait remarquer dans l'arrêt Fundy Settlement c. Canada, 2010 CAF 309, 2010 DTC 5189, au paragraphe 5, « [...] le contribuable peut être un individu, une société ou une fiducie. Bien qu'une fiducie ne constitue pas une personne en droit, la Loi de l'impôt sur le revenu considère les fiducies comme des personnes aux fins de l'impôt sur le revenu ». [21] C'est le contribuable qui fait l'objet de la cotisation selon l'article 152 de la Loi et c'est le contribuable qui a le droit de déposer un avis d'opposition en vertu de l'article 165 de la Loi. En outre, c'est le contribuable qui a le droit, après avoir signifié l'avis d'opposition, d'interjeter appel de la cotisation (ou de la nouvelle cotisation) devant la Cour. [22] En l'espèce, le ministre avait établi une cotisation à l'égard de la fiducie relativement à un revenu imposable censément gagné par la fiducie. En outre, c'est la fiducie qui a déposé l'avis d'opposition et qui a interjeté appel devant la Cour. [23] L'avocat de l'appelante ne m'a renvoyé à aucune disposition de la Loi autorisant la fiducie à céder ses droits d'appel à un tiers, tel que Seafoods Inc., et il n'existe à ma connaissance aucune disposition de ce genre. [24] L'avocat de l'appelante a confirmé que la fiducie, le fonds et Seafoods Inc. se fondaient sur les dispositions de l'article 88.1 de la Loi afin d'éviter d'avoir à payer l'impôt sur le transfert, en faveur du fonds, des actifs de la fiducie ainsi que sur le transfert subséquent des actifs du fonds en faveur de Seafoods Inc. [25] L'avocat de l'appelante n'a pas soutenu que, compte tenu de l'article 88.1 de la Loi, Seafoods Inc. maintenait la fiducie ou que cette disposition prévoyait le transfert des droits d'appel de la fiducie en faveur de Seafoods Inc. De fait, l'avocat de l'appelante a reconnu que l'article 88.1 incorpore les dispositions relatives à la liquidation figurant au paragraphe 88(1) de la Loi. [26] En résumé, je suis d'avis que la cession et la prise en charge de toute dette fiscale éventuelle de la fiducie ne donnent pas lieu à l'acquisition par Seafoods Inc. des droits de l'appelante en l'espèce. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la fiducie et c'est la fiducie qui a exercé ses droits d'appel en interjetant appel devant la Cour. Aucune disposition de la Loi ne permet à la fiducie de substituer Seafoods Inc. à titre d'appelante dans le présent appel. [27] J'examinerai maintenant la common law. [28] L'article 2.2 de l'entente de transfert de prise en charge conclue entre la fiducie et le fonds prévoit ce qui suit : [traduction] Le fonds prend en charge et s'engage à payer et à acquitter les dettes, obligations, contrats et engagements existants de la fiducie, de quelque nature ou genre que de soit, et il indemnisera la fiducie à cet égard, ainsi qu'en ce qui concerne toute responsabilité afférente aux impôts, aux intérêts ou aux pénalités pour lesquels la fiducie a fait l'objet ou peut à juste titre faire l'objet d'une cotisation au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada)[8]. [29] À mon avis, une entente par laquelle une partie prend en charge l'obligation fiscale d'une autre partie ne peut pas lier le ministre. [30] Dans l'ouvrage intitulé : The Law of Contracts in Canada[9], Fridman fait une distinction entre la cession de charges ou d'obligations en vertu d'un contrat et la cession des avantages d'un contrat. En ce qui concerne les charges ou obligations, il dit ce qui suit[10] : [traduction] Strictement parlant, et sur le plan du droit, il est inexact de parler de la cession des obligations ou charges imposées par contrat à une partie au contrat. Comme il a clairement été dit dans l'arrêt National Trust Co. c. Mead, une partie à un contrat peut céder des droits, mais elle ne peut pas céder d'obligations en vue de se libérer d'une obligation contractuelle. La partie à qui incombe une obligation aux termes d'un contrat est toujours personnellement tenue d'en assurer l'exécution, et elle sera tenue responsable de toute inexécution de l'obligation. [...] [Renvois omis.] [31] Dans l'arrêt National Trust Co. c. Mead[11], la juge Wilson a écrit ce qui suit : Voilà longtemps que la common law reconnaît que si l'on peut être libre de céder à un tiers les avantages découlant d'un contrat, il n'en va pas de même des obligations contractuelles. C'est là un principe qui procède de la fusion de deux principes fondamentaux du droit des contrats: 1) celui selon lequel les parties peuvent contracter avec qui elles veulent (la liberté contractuelle); et 2) celui selon lequel les parties ne sont pas tenues de s'acquitter d'obligations contractuelles à la création desquelles elles n'ont pas participé (effets relatifs du contrat). [...] [32] Le fait que Seafoods Inc. est peut-être maintenant légalement tenue, envers la fiducie, de payer une dette fiscale de la fiducie ne change rien au fait que la Couronne est néanmoins créancière de la fiducie. En outre, la prise en charge et la cession d’une telle dette n'entraînent pas le transfert par la fiducie de ses droits d'appel à l'égard des cotisations pertinentes. [33] Pour les motifs susmentionnés, la requête est rejetée sans frais. [34] Les parties ont soulevé une autre question. Au cours de son argumentation, l'avocate de l'intimée a déclaré que la fiducie était éteinte. L'avocat de l'appelante a fait remarquer que, si la Cour rejette l'appel pour le motif que la fiducie a été éteinte, le ministre se verra obligé d'établir une cotisation de tiers au titre du paragraphe 160(1) de la Loi, [traduction] « de sorte que le litige au fond reviendra à son point de départ ». [35] Le problème que posent ces arguments, selon moi, est que la Cour n'est pas saisie de la question de savoir si l'appel doit être rejeté ou abandonné. [36] En outre, il n'est pas possible, compte tenu de la preuve restreinte dont je dispose, de savoir si la fiducie a qualité pour mener à bien l'appel. De plus, avant de se prononcer, la Cour doit examiner certaines questions de droit que les parties n'ont pas soulevées au cours de l'audition de la requête. Ainsi, compte tenu de la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire 460354 Ontario Inc. et al. v. The Queen, 92 DTC 6536, les parties doivent, à mon avis, traiter de la question de savoir si, eu égard à la situation factuelle qui existe dans ce cas‑ci, la Cour doit refuser à un contribuable le droit d'en appeler d'une cotisation validement établie. [37] Si l'intimée croit que la Cour doit rejeter l'appel, la requête appropriée doit être déposée dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance. Si une telle requête n'est pas déposée, les parties soumettront par écrit à la Cour un calendrier dont elles auront mutuellement convenu, dans les 45 jours de la date de la présente ordonnance. Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012. « S. D’Arcy » Juge D'Arcy Traduction certifiée conforme Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil RÉFÉRENCE : 2012CCI186 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2015(IT)G INTITULÉ : CLEARWATER SEAFOODS HOLDINGS TRUST c. LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Halifax (Nouvelle-Écosse) DATE DE L’AUDIENCE : Le 27 février 2012 MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L’honorable juge Steven K. D'Arcy DATE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le 1er juin 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelante : Me Bruce S. Russell Avocate de l'intimée : Me Melanie Petrunia AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Bruce S. Russell Cabinet : McInnes Cooper Halifax (Nouvelle-Écosse) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Observations écrites de l'appelante, par. 11. [2] L.R.C. 1985, ch. C-44. [3] Alinéa 3.1j) du plan d'arrangement produit à titre d'annexe A de l'entente relative à l'arrangement modifiée et révisée contenue dans la pièce B jointe à l'affidavit de Robert Wight. [4] L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). [5] Voir le paragraphe 2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. [6] Le terme « contribuable » est défini au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu comme incluant « toutes les personnes, même si elles ne sont pas tenues de payer l'impôt ». Ce terme peut inclure une personne qui a fait l'objet d'une cotisation à l'égard d'un montant qui n'était pas un revenu de cette personne, par exemple dans le cas d'une personne qui fait l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 160(1) [voir Gaucher v. The Queen, 2000 DTC 6678 (C.A.F.)]. [7] Voir La Reine c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396 (C.F. 1re inst.). .[8] Pièce B jointe à l'affidavit de Robert Wight. [9] G.H.L Fridman, The Law of Contract in Canada, 5e éd. (Toronto : Thomson Carswell, 2006), p. 175. [10] Ibid., p. 694. [11] [1990] 2 R.C.S. 410 , p. 426.
2012 CCI 187
TCC
2,012
Brewster c. La Reine
fr
2012-06-01
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30821/index.do
2022-09-04
Brewster c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-01 Référence neutre 2012 CCI 187 Numéro de dossier 2011-3577(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3577(IT)I ENTRE : ROBERT L. BREWSTER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 16 avril 2012, à Edmonton (Alberta). Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Robert Neilson ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté par l'appelant de la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'obligation qui lui incombe en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 2009 est accueilli, et la nouvelle cotisation est annulée. L'intimée doit payer des dépens à l'appelant, ceux‑ci étant fixés à 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil Référence : 2012CCI187 Date : 20120601 Dossier : 2011-3577(IT)I ENTRE : ROBERT L. BREWSTER, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] L'appelant a fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour son année d'imposition 2009 pour le motif qu'en 2009, des placements non admissibles avaient été acquis dans son compte de régime enregistré d'épargne-retraite (le « REER »). [2] Au cours de l'audience, l'appelant a déclaré qu'en 2009, il avait acquis, par l'entremise de son compte de REER chez CIBC Investor Services Inc., des actions de Bebida Beverage Co., de Bioelectronics Corp. et d'Opti Canada Inc. L'appelant n'a pas pu fournir de détails particuliers au sujet de ces sociétés, et l'intimée n'a pas pu le faire non plus. D'autres particuliers que l'appelant connaissait lui avaient recommandé ces sociétés, et l'appelant avait communiqué avec CIBC Investor Services Inc., qui avait pris des dispositions pour que les actions soient acquises dans son compte de REER. Il n'avait pas été question du fait que ces actions n’étaient peut‑être pas des placements admissibles pour le compte de REER de l'appelant, et il n’y avait aucune indication en ce sens. [3] Le paragraphe 146(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), tel qu'il était libellé en 2009, prévoyait notamment ce qui suit : 146(10) Lorsque, à un moment donné d'une année d'imposition, une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite : a) acquiert un placement non admissible; [...] la juste valeur marchande c) du placement non admissible au moment de son acquisition par la fiducie; [...] […] doit être incluse dans le calcul du revenu, pour l'année, du contribuable qui est le rentier en vertu du régime à ce moment. [4] Un « placement non admissible » est un placement qui n'est pas un « placement admissible » (paragraphes 146(1) et 207.01(1) de la Loi). Pour déterminer quels sont les placements admissibles, il faut examiner la définition de « placement admissible », au paragraphe 146(1) de la Loi, certaines parties de la définition de « placement admissible » figurant à l'article 204 de la Loi ainsi que l'article 4900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement ») (lequel, au paragraphe 4900(6), incorpore la définition de « société admissible » figurant au paragraphe 5100(1) du Règlement). [5] CIBC Investor Services Inc. a délivré les quatre feuillets T4RSP suivants, intitulés : « État du revenu provenant d'un REER », au nom de l'appelant pour l'année 2009 : Date Montant 2011-12-07 2 533,49 $ 2011-12-07 3 729,60 $ 2011-12-07 5 107,30 $ 2011-12-07 (2 207,92 $) Total: 9 162,47 $ [6] Les formulaires sont tous datés tel qu'il est ci‑dessus indiqué, mais les formulaires qui ont été produits à l'audience étaient des copies. On ne sait pas trop à quel moment les formulaires originaux ont été envoyés par CIBC Investor Services Inc., mais je retiens le témoignage de l'appelant, lorsque celui‑ci déclare qu'il ne savait pas que son compte de REER posait des problèmes tant que l'Agence du revenu du Canada ne l'a pas avisé qu'une nouvelle cotisation avait été établie à son égard. [7] Aucune explication n'a été fournie au sujet des formulaires ou de quelque autre façon en vue d'expliquer pourquoi ces formulaires avaient été délivrés. Ils semblent se rapporter au placement que l'appelant a effectué dans les trois sociétés susmentionnées, mais il n'est pas possible de savoir quel formulaire se rapporte à une société précise ou même si les montants en question se rapportent aux sociétés que l'appelant a ci‑dessus mentionnées. Les placements qui auraient censément été des « placements non admissibles » n'ont pas été identifiés dans la réponse. [8] Les hypothèses émises par le ministre sont énoncées au paragraphe 10 de la réponse; il s'agit des hypothèses suivantes : [traduction] 10. En déterminant l'obligation fiscale de l'appelant pour l'année d'imposition 2009, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes : a) l'appelant était titulaire du compte de REER portant le numéro de contrat [...]; b) le compte de REER était un compte autogéré; c) par l'entremise de son compte de REER, l'appelant a acquis des placements non admissibles totalisant 11 369 $. [9] Dans l'arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, [2004] 5 C.T.C. 98, le juge Rothstein (tel était alors son titre), qui a rédigé les motifs au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit : [8] Dans la réponse à l'avis d'appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 : [traduction] En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : [...] q) API, APII, APIII, APIV et APV n'ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz; r) Les données sismiques n'ont pas été utilisées aux fins d'exploration; [...] z) Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d'exploration au Canada (« FEC » ) au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). […] [24] Le juge Rip a supprimé l'alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n'ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre » . [25] J'estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n'ont pas leur place dans l'énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n'a pas à être prouvé par les parties comme s'il s'agissait d'un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c'est à la Cour qu'il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit. [26] Toutefois, il serait plus exact de qualifier l'hypothèse formulée à l'alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l'alinéa 66.1(6)a) requiert d'appliquer le droit aux faits. L'alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu'une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l'achat de données sismiques en l'espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d'une conclusion mixte de fait et de droit. S'il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit. [10] Il me semble que la question de savoir si l'appelant a acquis des « placements non admissibles » par l'entremise de son compte de REER est une conclusion mixte de fait et de droit qui peut uniquement être tirée compte tenu des faits se rapportant aux placements et en appliquant ensuite le droit à ces faits. Il ne convient pas pour le ministre de faire une supposition au sujet de la conclusion finale, à savoir que les placements n'étaient pas des placements admissibles. Les éléments factuels auraient dû être séparés et clairement énoncés à l'intention de l'appelant. Quelqu'un doit avoir conclu que l'appelant avait acquis des placements non admissibles, mais compte tenu de la réponse ainsi que des renseignements fournis au cours de l'audience, il n'est même pas possible de déterminer si les actions détenues dans les sociétés mentionnées par l'appelant sont les placements qui ont été jugés non admissibles. [11] Le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit dans l'arrêt The Queen v. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 DTC 5512 : [23] Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver. [12] Dans ce cas-ci, les hypothèses n'indiquent même pas quels placements étaient des placements non admissibles. Les hypothèses énoncées dans la réponse ne sont pas précises et ne permettent pas à l'appelant de savoir quelle est la preuve qu'il doit réfuter. [13] L'avocat de l'intimée a soutenu que l'appelant devait prouver que les placements étaient des placements admissibles. Dans l'arrêt McMillan c. la Reine, 2012 CAF 126, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit : 7 […] À notre avis, il est de droit constant que la charge initiale qui incombe au contribuable est de « réfuter » les hypothèses que le ministre a émises dans la cotisation. Il est satisfait à cette charge initiale lorsque le contribuable présente au moins une preuve prima facie. Une fois que le contribuable a présenté une preuve prima facie, il incombe au ministre de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les hypothèses sont exactes (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, paragraphes 92 à 94; House c. Canada, [2011] CAF 234, 422 N.R. 144, paragraphe 30). [14] Il me semble que la déduction logique est que, si le ministre n'a pas émis d'hypothèses valables à l'appui de la nouvelle cotisation, il n'existe aucune hypothèse que l'appelant doit « réfuter », de sorte que celui‑ci aura gain de cause. [15] Il importe de noter que, dans la liste des « placements admissibles », sont incluses les « actions cotées à une bourse de valeurs [...] visée par règlement » (alinéa d) de la définition de « placement admissible », à l'article 204 de la Loi) et les actions d'une « société publique » (alinéa 4900(1)b) du Règlement)[1]. Il n'existait aucun lien entre l'appelant et l'une ou l'autre des sociétés susmentionnées; l'appelant avait simplement communiqué avec CIBC Investor Services Inc. en vue d'acquérir des actions de ces sociétés. Si les actions n'étaient pas cotées en bourse ou si les sociétés n'étaient pas des sociétés publiques, comment CIBC Investor Services Inc. a‑t‑elle acquis les actions pour le compte de REER de l'appelant? [16] En l'espèce, puisqu'aucune hypothèse de fait valable n'a été émise à l'égard des placements qui étaient non admissibles, il n'existait aucune hypothèse valable que l'appelant devait « réfuter ». Étant donné que l'intimée n'a pas présenté de preuve permettant de conclure que l'un ou l'autre des placements était un placement non admissible[2], l'appel que l'appelant a interjeté est accueilli, et la nouvelle cotisation est annulée. L'intimée devra payer des dépens à l'appelant, ceux‑ci étant fixés à 250 $. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil RÉFÉRENCE : 2012CCI187 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3577(IT)I INTITULÉ : ROBERT L. BREWSTER c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Edmonton (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 16 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 1er juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelant : L'appelant lui-même Avocat de l'intimée : Me Robert Neilson AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L'expression « société publique » est définie au paragraphe 89(1) de la Loi; cette définition s'applique pour l'application de la Loi, comme le prévoit le paragraphe 248(1) de la Loi. Toutefois, je n'ai pas pu trouver de lien ou de renvoi indiquant que cette définition s'applique pour les besoins de l'article 4900 du Règlement, comme le paragraphe 20(1.1) de la Loi, qui prevoit que les définitions figurant au paragraphe 13(21) de la Loi s'appliquent aux dispositions réglementaires prises en vertu de l'alinéa (1)a). La question n'a pas été soulevée au cours de l'audience et je la reporte à plus tard, étant donné qu'elle n'influe pas sur ma décision en l'espèce. S'il n'existe aucun lien ni aucun renvoi indiquant que cette définition de la « société publique » s'applique pour l'application de l'article 4900 du Règlement, quelle est la définition d'une « société publique » pour les besoins de l'article 4900 du Règlement? En particulier, la société devrait-elle résider au Canada (ce qui est une condition imposée selon la définition figurant au paragraphe 89(1) de la Loi)? [2] Si l'intimée avait tenté de présenter une preuve, la question de savoir quelle était la preuve qu'elle aurait pu présenter, compte tenu de la réponse, se serait posée.
2012 CCI 189
TCC
2,012
Monsef c. La Reine
fr
2012-06-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30828/index.do
2022-09-04
Monsef c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-05 Référence neutre 2012 CCI 189 Numéro de dossier 2012-396(IT)APP Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2012-396(IT)APP ENTRE : JOHN MONSEF, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Demande entendue le 1er mai 2012 à Vancouver (Colombie‑Britannique). Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour le requérant : Le requérant lui‑même Pour l’intimée : M. Nabeel Peermohamed, (stagiaire en droit) Me Amandeep Sandhu ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La demande du requérant en vue d’obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 du requérant est rejetée, sans dépens. Signé à Edmonton (Alberta), ce 5e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 12e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. Référence : 2012 CCI 189 Date : 20120605 Dossier : 2012-396(IT)APP ENTRE : JOHN MONSEF, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] Le 19 janvier 2012, le requérant a déposé une demande de prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 du requérant. L’avis de ratification de ces nouvelles cotisations était daté du 9 septembre 2010. [2] Le délai pour interjeter appel à la Cour est prévu au paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui, avant le 15 décembre 2010, était ainsi libellé : 169(1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation : a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié[1] par la poste au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. [3] Si un contribuable n’interjette pas appel dans le délai prévu (ce qui est le cas du requérant), il peut, selon l’article 167 de la Loi, présenter une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Toutefois, l’alinéa 167(5)a) de la Loi prévoit ce qui suit : (5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies : a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;[...] [4] Par conséquent, en vertu de l’alinéa 167(5)a) de la Loi, aucune ordonnance ne peut être rendue pour faire droit à la demande de prorogation de délai, à moins que le requérant n’ait présenté la demande de prorogation de délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 du requérant dans un délai d’un an et 90 jours suivant la date où un avis portant que les nouvelles cotisations ont été ratifiées a été expédié par la poste[2] au requérant. [5] En l’espèce, la demande du requérant visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 du requérant (demande qui a été présentée le 19 janvier 2012) n’a pas été présentée dans le délai prévu, étant donné qu’elle a été présentée plus d’un an et quatre mois après la ratification des nouvelles cotisations en question (le 9 septembre 2010). Par conséquent, la Cour ne peut pas faire droit à la demande de prorogation du délai pour interjeter appel relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 du requérant. L’alinéa 167(5)a) de la Loi est clair et aucune disposition de la Loi ne permettrait à la Cour de proroger ce délai. [6] En conséquence, la demande présentée par le requérant en vue d’obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 est rejetée, sans dépens. Signé à Edmonton (Alberta), ce 5e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 12e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 189 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2012-396(IT)APP INTITULÉ : JOHN MONSEF c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er mai 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DE L’ORDONNANCE : Le 5 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour le requérant : Le requérant lui‑même Pour l’intimée : M. Nabeel Peermohamed (stagiaire en droit) Me Amandeep Sandhu AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour le requérant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L’expression « expédié par la poste » a été remplacée par le terme « envoyé », ce changement étant entré en vigueur le 15 décembre 2010. [2] Il découle du paragraphe 244(14) de la Loi que la date de mise à la poste ou d’envoi de l’avis de ratification est présumée être la date apparaissant sur cet avis.
2012 CCI 190
TCC
2,012
Sedlak c. La Reine
fr
2012-06-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30829/index.do
2022-09-04
Sedlak c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-05 Référence neutre 2012 CCI 190 Numéro de dossier 2012-292(IT)APP Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2012-292(IT)APP ENTRE : PETER SEDLAK, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Demande entendue le 30 avril 2012 à Vancouver (Colombie‑Britannique). Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour le requérant : Le requérant lui‑même Pour l’intimée : M. Nabeel Peermohamed (stagiaire en droit) ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La demande du requérant en vue d’obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant est rejetée, sans dépens. Signé à Edmonton (Alberta), ce 5e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. Référence : 2012 CCI 190 Date : 20120605 Dossier : 2012-292(IT)APP ENTRE : PETER SEDLAK, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] Le 11 janvier 2012, le requérant a déposé une demande de prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant. C’était la deuxième fois que le requérant présentait une demande de prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant. La première demande a été déposée le 11 août 2010 et a fait l’objet d’un désistement le 19 octobre 2010[1]. [2] L’avis de ratification des nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant était daté du 10 octobre 2008. [3] Le délai pour interjeter appel à la Cour est prévu au paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui, avant le 15 décembre 2010, était ainsi libellé : 169(1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation : a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste[2] au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. [4] Si un contribuable n’interjette pas appel dans le délai prévu (ce qui est le cas du requérant), il peut, selon l’article 167 de la Loi, présenter une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Toutefois, l’alinéa 167(5)a) de la Loi prévoit ce qui suit : (5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies : a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;[...] [5] Par conséquent, en vertu de l’alinéa 167(5)a) de la Loi, aucune ordonnance ne peut être rendue pour faire droit à la demande de prorogation de délai, à moins que le requérant n’ait présenté la demande (de prorogation de délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant) dans un délai d’un an et 90 jours suivant la date où un avis portant que les nouvelles cotisations ont été ratifiées a été expédié par la poste[3]. [6] En l’espèce, la première demande du requérant visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant (demande qui a été déposée le 11 août 2010) n’a été présentée qu’un an et dix mois après la ratification des nouvelles cotisations en question (le 10 octobre 2008). Par conséquent, la Cour ne pouvait pas faire droit à la première demande de prorogation du délai pour interjeter appel relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant, même s’il n’y avait pas eu de désistement. La deuxième demande déposée le 11 janvier 2012 n’a manifestement pas été présentée dans le délai prévu à l’alinéa 167(5)a) de la Loi. La Cour ne peut donc pas faire droit à la demande de prorogation du délai pour interjeter appel relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 du requérant. L’alinéa 167(5)a) de la Loi est clair et aucune disposition de la Loi ne permettrait à la Cour de proroger ce délai. [7] En conséquence, la demande présentée par le requérant en vue d’obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la Cour relativement aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 est rejetée, sans dépens. Signé à Edmonton (Alberta), ce 5e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 190 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2012-292(IT)APP INTITULÉ : PETER SEDLAK c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 30 avril 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DE L’ORDONNANCE : Le 5 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour le requérant : Le requérant lui‑même Pour l’intimée : M. Nabeel Peermohamed (stagiaire en droit) AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour le requérant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L’avis de désistement était daté du 19 octobre 2010 et avait été déposé le lendemain, soit le 20 octobre 2010. [2] L’expression « expédié par la poste » a été remplacée par le terme « envoyé », ce changement étant entré en vigueur le 15 décembre 2010. [3] Il découle du paragraphe 244(14) de la Loi que la date de mise à la poste ou d’envoi de l’avis de ratification est présumée être la date apparaissant sur cet avis.
2012 CCI 196
TCC
2,012
Tyskerud c. La Reine
fr
2012-06-05
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30824/index.do
2022-09-04
Tyskerud c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-05 Référence neutre 2012 CCI 196 Numéro de dossier 2011-2880(IT)I Juges et Officiers taxateurs Theodore E. Margeson Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2880(IT)I ENTRE : ROSETTA TYSKERUD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 6 mars 2012, à Nanaïmo (Colombie-Britannique). Devant : L'honorable juge T.E. Margeson Comparutions : Représentant de l'appelante : M. Graydon Tyskerud Avocate de l'intimée : Me Geraldine Chen ____________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2005 est rejeté, et la nouvelle cotisation établie par le ministre est confirmée. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012. « T.E. Margeson » Juge Margeson Traduction certifiée conforme ce 17e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil Référence : 2012 CCI 196 Date : 20120605 Dossier : 2011-2880(IT)I ENTRE : ROSETTA TYSKERUD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Margeson [1] Le présent appel se rapporte à l'année d'imposition 2005, lorsque le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l'égard de l'appelante en augmentant son revenu pour cette année-là de 41 765,58 $ et qu'il a imposé des pénalités pour faute lourde. [2] L'augmentation de revenu découlait d'un virement du compte bancaire de 647876 B.C. Ltd. (la « société ») au compte de ligne de crédit personnelle, établi chez TD Canada Trust, lequel était détenu conjointement par l'appelante et par son mari. Le montant viré correspondait au montant du découvert qui existait dans le compte à ce moment-là. [3] Une fois les fonds virés, le compte a été fermé. La preuve [4] L'appelante a témoigné avoir constitué la société en personne morale et en être l'unique actionnaire et administratrice. La société a été constituée en personne morale en 2002. Au mois de décembre 2005, elle a acheté Terminal Park Stationery, qui vendait des billets de loterie, de la papeterie et de petits cadeaux. [5] La société a conclu une entente de crédit bancaire pour petite entreprise avec TD Canada Trust, qui a accordé à celle‑ci une ligne de crédit de 204 000 $. [6] L'appelante et son mari disposaient d'une ligne de crédit personnelle de 50 000 $. Le montant viré, de 41 765,58 $, était dû personnellement par l'appelante et par son mari. [7] L'appelante a identifié une inscription de 5 000 $ dans le compte bancaire de la société, pièce A‑l, onglet 3, comme étant le seul dépôt personnel qui avait été effectué dans le compte bancaire de la société. Tous les autres dépôts provenaient des ressources de l'entreprise. [8] L'appelante a déclaré qu'avant le 15 décembre 2005, un montant de 41 765,58 $ était dû sur sa ligne de crédit personnelle et qu'après cette date, la société avait un découvert de 17 962,71 $. [9] L'appelante n'a pas déclaré le montant de 41 765,58 $ à titre de revenu personnel. Les dépôts effectués dans le compte de la société étaient principalement composés d'argent. [10] L'intimée a cité Roberta Groenig, enquêtrice à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »). Le dossier lui avait été confié pour qu'elle vérifie les mouvements de fonds entre l'appelante et la société. La société avait viré des fonds aux fins du paiement de la ligne de crédit personnelle de l'appelante. Une cotisation a été établie à l'égard de ces fonds et des pénalités pour faute lourde ont été imposées. La ligne de crédit de 204 000 $ était utilisée par la société. Mme Groenig a dit que les fonds avaient été virés du compte de la société aux fins de la fermeture de la ligne de crédit personnelle de l'appelante. Il y avait de grosses sorties de fonds provenant du compte de la société. Ces fonds ont servi au paiement des cartes de crédit du mari. [11] Tous les documents reçus de l'appelante ont été scannés et mis sur des disques et ils ont été fournis à l'appelante. [12] Mme Groenig a recommandé que des pénalités soient imposées en vertu du paragraphe 163(2), parce que le paiement en question avait servi à la fermeture d'une ligne de crédit personnelle. La ligne de crédit de la société a été payée. Le montant élevé qui avait été viré comparativement au montant du revenu a également joué lorsqu'il s'est agi d'imposer les pénalités. L'argumentation présentée pour le compte de l'appelante [13] L'appelante prend essentiellement la position selon laquelle la société ne lui avait pas conféré d'avantage en sa qualité d'actionnaire. Elle renvoie à la définition du mot [traduction] « conférer » comme voulant dire [traduction] « accorder, octroyer ou offrir ». À son avis, étant donné qu'elle est personnellement responsable du montant de 41 765,58 $, il n'y a pas d'avantage. [14] Quant aux « pénalités pour faute lourde », l'appelante affirme qu'elle sait que la banque la tient personnellement responsable de cette dette et que le montant y afférent doit être remboursé à la banque, de sorte qu'elle n'en tire aucun avantage et qu'il n'est donc pas nécessaire d'inclure le montant en question dans son revenu. [15] L'appelante demande à la Cour d'accueillir l'appel et de conclure que le montant de 41 765,58 $ n'est pas un avantage qui lui a été conféré en sa qualité d'actionnaire et que les pénalités devraient être supprimées. L'argumentation présentée pour le compte de l'intimée [16] Dans le cadre de l'argumentation, l'avocate de l'intimée a soutenu que l'appelante n'avait pas prêté à la société le montant de 41 765,58 $ dont il est question dans le présent appel et qu'il ne s'agissait pas du remboursement d'un prêt d'actionnaire. [17] Aucune des exceptions établies aux alinéas 15(1)a) à d) ne s'applique. Par conséquent, l'appelante doit inclure le montant dans le calcul de son revenu. Il s'agissait d'un avantage que la société avait conféré à l'appelante en sa qualité d'actionnaire. [traduction] « L'appelante a délibérément retiré l'argent du compte bancaire de la société, qui était composé des recettes de l'entreprise et de sommes retirées de la ligne de crédit de la société, et elle a utilisé cet argent à des fins personnelles. » L'appelante a utilisé l'argent de la société afin de rembourser ses dettes personnelles, et non pour rembourser les dettes de la société. Par ses propres actions, sa dette personnelle est devenue la dette de la société. [18] L'appelante savait ou aurait dû savoir qu'elle obtenait un avantage, étant donné qu'elle utilisait l'argent de la société afin de rembourser une dette qu'elle avait personnellement contractée. Elle savait ou aurait dû savoir qu'elle retirait l'argent du compte d'entreprise et de la ligne de crédit de la société. [19] L'appelante a témoigné qu'à part le montant de 5 000 $, les 21 527,31 $ qui étaient dans le compte bancaire de la société avant le virement étaient des recettes de l'entreprise de Terminal Park Stationery. Elle était au courant de la chose et elle a affirmé ne pas avoir payé le montant à l'aide de son propre compte, parce qu'elle ne disposait pas des fonds nécessaires. Il ne s'agissait pas d'une erreur innocente comme une erreur de tenue de livres; il s'agissait d'une appropriation active. L'appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passait. [20] Contrairement à ce que l'appelante a allégué, le montant de 41 765,58 $ n'était pas du tout un prêt d'actionnaire. Il s'agissait d'une ligne de crédit accordée à la société jusqu'à concurrence d'un montant de 204 000 $. La société était responsable des paiements à effectuer sur la ligne de crédit. L'appelante a fourni une garantie à l'égard de la ligne de crédit en grevant sa résidence personnelle d'une hypothèque, mais cela ne veut pas dire qu'il s'agissait d'un prêt de l'appelante en faveur de la société. L'appelante n'a pas avancé les 204 000 $ à la société. [21] À part le montant de 5 000 $, l'appelante n'a fourni aucune preuve indiquant qu'elle avait consenti des prêts à la société[1]. Il ne s'agissait donc pas du remboursement d'un prêt d'actionnaire. [22] Le simple fait qu'un actionnaire avance de l'argent à une société ne suffit pas pour établir l'existence d'un prêt en faveur de cette dernière ni le solde de tout prêt qui aurait censément été consenti, dans la mesure où l'argent avancé devrait même être considéré comme un prêt[2]. [23] L'appelante a commis une faute lourde en omettant d'inclure le montant de 41 765,58 $ dans son revenu de l'année d'imposition 2005. Elle était l'unique actionnaire de la société et elle était responsable de la tenue du livre de paie et des opérations bancaires. Elle s'occupait des activités quotidiennes de la société. Elle a personnellement retiré l'argent de la ligne de crédit de la société et elle l'a utilisé afin de rembourser une dette personnelle. Elle a remboursé sa ligne de crédit personnelle à l'aide de l'argent de la société et elle n’était plus obligée d'effectuer des paiements pour cette dette personnelle. Comment est-il possible qu'elle ne se soit pas rendu compte qu'elle avait obtenu un avantage personnel? [24] La valeur de l'avantage était élevée par rapport au revenu déclaré de l'appelante, de 12 925 $. L'appelante a intentionnellement omis de déclarer le revenu ou elle a fait preuve d'aveuglement volontaire en ce qui concerne le fait que ce montant aurait dû être inclus dans sa déclaration de revenus. [25] L'appelante n'a pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que la cotisation était erronée. L'appel devrait être rejeté. La réplique [26] En réplique, l'appelante a soutenu qu'elle avait fourni une preuve indiquant qu'elle était personnellement responsable de la dette de la société. [27] L'intimée n'a pas fourni de preuve indiquant que l'appelante avait obtenu un avantage et elle n'a pas réfuté la preuve de l'appelante, lorsque celle‑ci affirme ne pas avoir obtenu d'avantage. Le ministre n'a pas prouvé sa demande. Analyse et décision [28] Étant donné qu'en réplique, l'appelante a soutenu que le ministre n'avait pas fourni de preuve en vue de contester la position qu'elle avait prise, à savoir qu'elle n'avait pas obtenu d'avantage, de sorte que l'appel devrait être accueilli, la Cour doit signaler qu'il incombe à l'appelante dans ce cas‑ci de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation est inexacte. Contrairement à ce que l'appelante allègue, le ministre n'a aucune obligation de ce genre. Il incombe au ministre de convaincre la Cour qu'il a été satisfait aux exigences du paragraphe 163(2), mais c'est la seule charge qu’il doit assumer. [29] Sur le plan des principes, la Cour est convaincue que l'appelante a obtenu l'avantage allégué. Les fonds en question étaient sans aucun doute ceux de la société, et non ceux de l'appelante. [30] L'appelante a clairement retiré ces fonds et elle les a utilisés à ses propres fins. [31] La Cour n'est pas convaincue que l'appelante a consenti un prêt à la société, au montant des fonds retirés, ou que le montant de 5 000 $ que l'appelante affirme avoir avancé à la société ait été un prêt, que l'intention était de le considérer comme un prêt, et le solde impayé n'a pas été établi. La Cour est convaincue que, par ses actions, l'appelante, lorsqu'elle a obtenu la ligne de crédit pour la société, n'a pas consenti un prêt à ce montant à cette dernière. L'appelante n'a donc pas reçu les fonds en question de la société en remboursement d'un prêt d'actionnaire. [32] Lorsqu'elle a reçu les fonds en question de la société, l'appelante a clairement obtenu un avantage en sa qualité d'actionnaire et, cela étant, l'avantage est visé par les dispositions de l'article 15 de la loi. [33] Quant à la pénalité, la Cour est convaincue que le ministre s'est acquitté de son fardeau à cet égard. L'appelante savait ou aurait dû savoir que les fonds en question constituaient un avantage obtenu de la société et elle aurait dû les déclarer à titre de revenu au cours de l'année en question. Le montant en question est élevé par rapport au revenu déclaré de l'appelante. L'appelante n'en était pas à ses débuts dans les affaires et elle était, de fait, responsable des comptes de la société, ainsi que des opérations bancaires et des activités de la société. L'appelante a de toute évidence toujours reçu des conseils comptables et bancaires et elle était au courant de la situation pour ce qui est des comptes bancaires de la société. [34] Dans ces conditions, la Cour doit conclure que l'appelante est passible des pénalités imposées au titre du paragraphe 163(2) de la Loi. [35] L'appel est rejeté, et la nouvelle cotisation établie par le ministre est confirmée. Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012. « T.E. Margeson » Juge Margeson Traduction certifiée conforme ce 17e jour de juillet 2012. Christian Laroche, LL.B. Juriste-traducteur et traducteur-conseil RÉFÉRENCE : 2012 CCI 196 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2880(IT)I INTITULÉ : ROSETTA TYSKERUD c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Nanaïmo (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 mars 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge T.E. Margeson DATE DU JUGEMENT : Le 5 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l'appelante : M. Graydon Tyskerud Avocate de l'intimée : Me Geraldine Chen AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : S/O Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Pereira c. Canada, 2009 CCI 388, 2009 DTC 1248. [2] Poushinsky c. Canada, 2005 CCI 463, 2006 DTC 2108.
2012 CCI 197
TCC
2,012
Dionne c. La Reine
fr
2012-06-08
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30836/index.do
2022-09-04
Dionne c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-08 Référence neutre 2012 CCI 197 Numéro de dossier 2011-3089(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3089(IT)I ENTRE : ANDRE DIONNE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue le 2 mai 2012, à Vancouver (Colombie‑Britannique). Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Représentant de l’appelant : M. Michael F. Campagne Avocate de l’intimée : Me Dawn Francis ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La requête présentée par l’intimée afin de faire annuler les appels de l’appelant concernant ses années d’imposition 2004 à 2010 inclusivement est accueillie et ces appels sont annulés sans dépens, et l’appel interjeté à l’encontre de la détermination datée du 12 août 2011 selon laquelle la fille de l’appelant n’avait pas droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées est également annulé sans dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 6e jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI197 Date : 20120608 Dossier : 2011-3089(IT)I ENTRE : ANDRE DIONNE, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] L’appelant a déposé un avis d’appel par lequel il prétendait interjeter appel de la détermination effectuée par l’Agence du revenu du Canada le 12 août 2011, selon laquelle sa fille n’avait pas droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2004 à 2010 inclusivement. Dans son avis d’appel, l’appelant demandait également qu’il lui soit permis de se prévaloir des crédits d’impôt pour personnes handicapées non utilisés par sa fille pour les années d’imposition 2004 à 2010 et que son épouse reçoive des paiements additionnels au titre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants (la « PFCE ») pour la période de janvier 2004 à aujourd’hui. [2] Au début de l’audience, l’intimée a présenté une requête dans le but de faire annuler les appels de l’appelant compte tenu de ce qui suit : a) si les appels avaient trait à une cotisation concernant l’une ou l’autre de ses années d’imposition 2004 à 2010 inclusivement, l’appelant n’a signifié aucun avis d’opposition visant une telle cotisation avant d’introduire son appel; b) si l’appel a trait à la détermination datée du 12 août 2011, l’appelant n’a signifié aucun avis d’opposition visant cette détermination avant d’introduire l’appel. [3] L’appelant fait valoir que la lettre de son représentant datée du 15 octobre 2009 constituait son avis d’opposition aux cotisations établies pour les années d’imposition mentionnées dans son avis d’appel. Le 15 octobre 2009, le représentant de l’appelant a écrit au [traduction] « répartiteur – Crédit d’impôt pour personnes handicapées, Centre fiscal de Surrey » une lettre dans laquelle il sollicitait un redressement des déclarations de revenus T1 de l’appelant pour 2002 à 2008 et demandait que des sommes additionnelles au titre de la PFCE soient versées à l’épouse de l’appelant, Lisa Dionne, pour la période de 2003 à 2008. [4] Si un particulier est admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées en vertu de l’article 118.3 de la Loi, son père ou sa mère (ou certains autres membres de sa famille) peut se prévaloir du crédit d’impôt pour personnes handicapées non utilisé par ce particulier pourvu que les conditions prévues au paragraphe 118.3(2) de la Loi soient remplies. De même, le montant de la PFCE payé au « particulier admissible » relativement à ce particulier augmentera si, dans la formule décrite au paragraphe 122.61(1) de la Loi, M est un montant positif. [5] L’appel a été interjeté seulement par Andre Dionne. Alors que ce dernier demandait le crédit d’impôt pour personnes handicapées non utilisé, il demandait, dans l’avis d’appel, que des sommes additionnelles au titre de la PFCE soient versées à son épouse, laquelle n’est pas partie à l’appel. Toute opposition à une décision concernant la question de savoir si Lisa Dionne a droit à de telles sommes ou tout appel concernant une telle décision aurait dû être déposé par celle‑ci en conformité avec les dispositions applicables à cet égard. [6] Pour ce qui est de l’appel de l’appelant concernant la cotisation établie relativement à ses années d’imposition 2004 à 2010 (qui n’aurait trait qu’à sa demande concernant les crédits d’impôt pour personnes handicapées non utilisés), la lettre du 15 octobre 2009 n’indiquait pas que l’appelant s’opposait à une cotisation établie à l’égard de l’une ou l’autre de ces années d’imposition. Il demandait simplement un redressement de ses déclarations de revenus. De plus, la lettre a été envoyée au répartiteur – Crédit d’impôt pour personnes handicapées, non au chef des Appels. Le paragraphe 165(2) de la Loi prévoit ce qui suit : 165(2) L’avis d’opposition prévu au présent article est signifié au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal de l’Agence du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier. [7] La demande de redressement des T1 fait état des années d’imposition 2002 à 2008, alors que l’avis d’appel mentionne les années 2004 à 2010. Le tableau qui suit indique la date à laquelle la cotisation a été établie[1] en vertu de la Loi à l’égard de l’appelant pour chacune des années mentionnées dans l’avis d’appel : Année d’imposition Date de la cotisation 2004 12 mai 2005 2005 15 juin 2006 2006 16 octobre 2007 2007 30 novembre 2009 2008 30 novembre 2009 2009 24 mai 2011 2010 9 mai 2011 [8] Le délai[2] dans lequel un avis d’opposition aurait pu être signifié relativement à la cotisation établie à l’égard de l’impôt à payer par l’appelant pour l’une ou l’autre des années d’imposition 2004, 2005 ou 2006 a expiré le 15 octobre 1999, tout comme le délai[3] dans lequel une demande de prorogation du délai de signification de l’avis d’opposition relatif à l’une ou l’autre de ces années d’imposition aurait pu être présentée. Par conséquent, même si l’appelant avait indiqué qu’il s’opposait à l’une de ces cotisations et avait fait parvenir la lettre au chef des Appels, le délai dans lequel il aurait pu signifier un avis d’opposition relativement à ces années d’imposition (ou demander une prorogation du délai de signification d’un avis d’opposition) était expiré avant qu’il envoie la lettre le 15 octobre 2009. [9] Pour les années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010, la lettre du 15 octobre 2009 ne pouvait pas constituer un avis d’opposition à une cotisation concernant l’une de ces années, étant donné qu’à cette date aucune cotisation n’avait été établie à l’égard de l’appelant pour ces années. [10] Le paragraphe 169(1) de la Loi prévoit ce qui suit : 169(1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation : a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été envoyé[4] au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. [11] Dans l’arrêt Bormann v. The Queen, 2006 DTC 6147, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit : 3 Le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu oblige le contribuable à signifier un avis d’opposition s’il veut interjeter appel d’une cotisation. En d’autres mots, la signification d’un avis est une condition préalable à l’introduction d’un appel. 4 Comme je l’ai mentionné, l’appelant n’a pas signifié d’avis d’opposition et il n’existe aucune preuve qu’il ait demandé au ministre une prorogation de délai afin de signaler un avis d’opposition. 5 La loi est claire : lorsqu’il n’y a pas eu de demande de prorogation de délai, la Cour de l’impôt n’a pas la compétence de proroger le délai par souci d’équité. Minuteman Press of Canada Company Limited c. M.R.N. 88 DTC 6278, (C.A.F.). 6 Par conséquent, il n’y a aucun fondement à l’allégation selon laquelle le juge de la Cour de l’impôt aurait commis une erreur en rejetant les appels de l’appelant pour les années d’imposition de 1992 à 1998. [12] Comme l’appelant n’a pas signifié un avis d’opposition valable à l’égard d’une cotisation établie relativement à l’une ou l’autre de ses années d’imposition 2004 à 2010 inclusivement avant de déposer son avis d’appel auprès de la Cour le 6 octobre 2011, il n’a pas satisfait à la « condition préalable à l’introduction d’un appel » et ses appels concernant les cotisations établies pour ces années d’imposition sont annulés. [13] Comme l’appel a trait à la détermination datée du 12 août 2011, le paragraphe 152(1.01), qui a été ajouté à la Loi en 2011, s’applique. Cette disposition prévoit ce qui suit : 152(1.01) À la demande d’un particulier faite sur le formulaire prescrit, le ministre, avec diligence, détermine si une somme est déductible en application de l’article 118.3, ou le serait en l’absence de l’alinéa 118.3(1)c), dans le calcul de l’impôt à payer par le particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition et envoie un avis de la détermination au particulier. [14] Si des montants d’impôt sont payables par un particulier pour 2008 et 2009 (et que, par conséquent, le particulier aurait pu déposer un avis d’opposition relativement aux cotisations établies pour ces années), la nouvelle disposition s’appliquera seulement si le particulier a déposé le formulaire approprié après le 26 juin 2011. Pour 2008 et 2009, des montants d’impôt étaient payables par l’appelant sous le régime de la Loi. Par conséquent, cette nouvelle disposition s’appliquerait à l’appelant seulement si le formulaire a été déposé après le 26 juin 2011. Comme l’appelant a déposé le formulaire le 15 octobre 2009, cette nouvelle disposition n’est pas applicable au regard de la question de savoir si l’appelant a le droit de déduire un montant en vertu du paragraphe 118.3(2) de la Loi dans le calcul du montant d’impôt qu’il doit payer pour l’une ou l’autre des années d’imposition mentionnées dans la lettre de son représentant datée du 15 octobre 2009. [15] La détermination du 12 août 2011 concernait l’admissibilité de la fille de l’appelant au crédit d’impôt pour personnes handicapées. La procédure qui doit être suivie pour interjeter appel de cette détermination est la même que celle qui s’applique si une personne décide d’interjeter appel d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation[5]. Par conséquent, un avis d’opposition valable doit être signifié avant qu’un appel soit introduit devant la Cour. Comme aucun avis d’opposition n’a été signifié à l’égard de cette détermination avant que l’appel soit introduit, l’appel interjeté à la Cour à l’encontre de cette détermination est annulé. [16] En conséquence, les appels interjetés par l’appelant relativement à ses années d’imposition 2004 à 2010 inclusivement sont annulés sans dépens, et l’appel interjeté à l’encontre de la détermination du 12 août 2011 selon laquelle la fille de l’appelant n’avait pas droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées est également annulé sans dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 6e jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI197 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3089(IT)I INTITULÉ : Andre Dionne c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 mai 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DE L’ORDONNANCE : Le 8 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelant : M. Michael F. Campagne Avocate de l’intimée : Me Dawn Francis AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L’appelant n’a fait l’objet d’une nouvelle cotisation relativement à aucune de ces années d’imposition. [2] Compte tenu des dispositions des paragraphes 165(1) et 244(14) de la Loi, l’avis d’opposition d’un particulier concernant la cotisation établie pour une année donnée doit être signifié au plus tard un an après la date d’échéance de production qui est applicable au particulier pour l’année en cause ou 90 jours après la date de l’avis de cotisation pour cette même année. [3] Compte tenu des dispositions de l’alinéa 166.1(7)a) de la Loi, une demande de prorogation du délai de signification d’un avis d’opposition doit être présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition prévu au paragraphe 165(1) de la Loi. [4] Le terme « envoyé » a remplacé le terme « expédié par la poste » le 15 décembre 2010. [5] Paragraphe 152(1.2) de la Loi.
2012 CCI 198
TCC
2,012
Colborne c. La Reine
fr
2012-08-20
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30928/index.do
2022-09-04
Colborne c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-08-20 Référence neutre 2012 CCI 198 Numéro de dossier 2010-1712(IT)G Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2010-1712(IT)G ENTRE : TAMMY COLBORNE, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu le 28 mai 2012, à Moncton (Nouveau‑Brunswick). Devant : L'honorable juge François Angers Comparutions : Pour l'appelante : L'appelante elle‑même Avocat de l'intimée : Me Marcel Prevost ________________________________________________________________ JUGEMENT L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu est accueilli et la cotisation est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints. L'appelante a droit à ses dépens. Signé ce 20e jour d'août 2012. « François Angers » Le juge Angers Traduction certifiée conforme ce 3e jour de décembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 198 Date : 20120820 Dossier : 2010-1712(IT)G ENTRE : TAMMY COLBORNE, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Le 10 juin 2008, une cotisation de 84 499,89 $ a été établie à l'égard de l'appelante en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») et, le 24 février 2010, la cotisation a été ratifiée. La cotisation a été établie relativement à un transfert de biens qui ont été qualifiés de paiements comptant faits à l'appelante par la société 511432 NB Incorporated (ci‑après dénommée la « 511 ») du 1er janvier 2005 au 15 août 2006 (la « période »). [2] Durant cette période, l'appelante était une employée de la 511 à temps plein ou à temps partiel. Elle aidait le commis comptable et le comptable de la 511 et exerçait certaines fonctions de gestion. Elle vivait également, durant la période, en union de fait avec Ronald Poirier, qui était l'unique administrateur et actionnaire de la 511, une société qui exerçait ses activités dans le domaine des communications; plus précisément, la société faisait la vente de téléphones portables. [3] En 2004, la 511 éprouvait des difficultés financières et, pour augmenter ses revenus, elle avait acquis un « guichet bancaire générique », c'est‑à‑dire un guichet bancaire (le « guichet ») dont l'exploitation ne dépend pas des banques, qu'elle avait placé au motel Colonial Inn (ci‑après dénommé le « motel »), à Moncton, au Nouveau‑Brunswick. [4] Au cours de la période pertinente, la situation financière de la 511 ne s'était pas améliorée. La 511 était déjà fortement endettée envers sa banque et, afin de pouvoir payer ses salaires, elle avait ouvert un compte bancaire dans une autre banque, mais aucune ligne de crédit ne lui avait été accordée, sauf pour des montants négligeables. [5] Étant donné que la 511 n'avait pas accès au crédit, il lui était devenu difficile d'approvisionner suffisamment son guichet en argent comptant pour les clients qui l'utilisaient. La situation était encore plus difficile durant les fins de semaine, lorsque toutes les banques étaient fermées. Bien que la 511 eût une carte bancaire, elle ne pouvait retirer que de très petits montants et elle n'avait donc pas accès à de l'argent comptant pendant les fins de semaine. [6] L'appelante bénéficiait d'une autorisation de découvert de 2 000 $ sur son compte bancaire personnel. Ainsi, la 511 tirait un chèque payable à l'appelante que cette dernière pouvait déposer, et elle pouvait donc immédiatement retirer un montant allant jusqu'à 2 000 $. Elle déposait ensuite l'argent au guichet de la 511 pour qu'on puisse effectuer des retraits. Dans les 24 heures, l'argent retiré du guichet était automatiquement déposé à nouveau dans le compte bancaire de la 511 par un centre de traitement. Si les chèques payables à l'appelante étaient supérieurs à 2 000 $, celle‑ci ne retirait que 2 000 $; elle effectuait un autre retrait ultérieurement pour finalement couvrir tout le montant du chèque, de telle sorte que le montant total finissait par être versé au guichet et finalement déposé à nouveau dans le compte bancaire de la 511. [7] Durant la période en question, plus de 400 000 $ sont passés par le guichet et, de ce montant, 104 982,21 $ sont passés par le compte bancaire de l'appelante. De ce dernier montant, il a été déduit la paie nette de l'appelante pour la période, qui s'élevait à 20 482,32 $, le solde restant étant de 84 499,89 $, ce qui représente le montant de la cotisation. [8] La plupart des opérations effectuées par l'intermédiaire de l'appelante avaient pour but de couvrir les opérations de fin de semaine effectuées au guichet. Cela explique pourquoi, à certaines occasions, deux chèques aux montants identiques étaient tirés le même jour. Un autre dépôt pouvait être effectué durant la fin de semaine, s'il le fallait. Cela était nécessaire lorsqu'un congrès ou une autre activité était organisé au motel et qu'il y avait donc plus de retraits effectués que d'habitude. En fin de compte, tout l'argent retiré du guichet finissait par retourner dans le compte bancaire de la 511. [9] Selon l'appelante, les montants de tous les chèques que la 511 avait tirés à son nom durant la période et qu'elle avait touchés étaient versés à nouveau dans le compte de la 511 dans les 24 heures suivant le retrait effectué par un client. Le guichet était alimenté en argent comptant lorsque le personnel du motel appelait la 511 pour l'aviser que le guichet ne pouvait plus faire d'opérations. [10] L'explication ci‑dessus a été fournie à l'agent de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») lors de conversations qu'il avait eues avec Ronald Poirier. L'agent de recouvrement a plus tard écrit à l'appelante pour lui demander d'autres documents. On lui a par la suite fourni le grand livre général de la 511, où figurent tous les dépôts effectués au compte de la 511 par l'intermédiaire du centre de traitement, y compris certains dépôts qui étaient identifiés par le numéro du chèque payable à l'appelante. Les relevés bancaires personnels de l'appelante n'ont pas été fournis à l'agent de recouvrement, quoique, à l'audience, l'appelante a déclaré qu'elle croyait les avoir fournis. [11] Les critères dont dépend le déclenchement de l'application du paragraphe 160(1) de la LIR ont été énoncés dans de nombreuses décisions de la Cour et dans de nombreux arrêts de la Cour d'appel fédérale. Dans l'arrêt R. c. Livingston, 2008 CAF 89, le juge Sexton a fait les observations suivantes au paragraphe 17 : 1) L'auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert. 2) Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon. 3) Le bénéficiaire du transfert doit être : i. soit l'époux ou conjoint de fait de l'auteur du transfert au moment de celui‑ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait; ii. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert; iii. soit une personne avec laquelle l'auteur du transfert avait un lien de dépendance. 4) La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert. [12] Il est intéressant, je crois, de citer aussi les paragraphes 18 et 19 de l'arrêt Livingston pour mieux comprendre l'application du paragraphe 160(1) de la LIR : L'application de ces critères dépend dans une mesure particulièrement importante de l'objet du paragraphe 160(1). Dans l'arrêt Medland c. Canada, 98 D.T.C. 6358 (C.A.F.) (Medland), notre Cour a conclu que l'objet et l'esprit de ce paragraphe « consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint [ou encore à un mineur ou à une personne avec qui il a un lien de dépendance] afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû ». Voir aussi le paragraphe 10 de Heavyside c. Canada, [1996] A.C.F. no 1608 (C.A.) [QL] (Heavyside). De façon encore plus pertinente pour la présente espèce, la Cour canadienne de l'impôt a posé en principe qu'il serait contraire à l'objet du paragraphe 160(1) que l'auteur d'un transfert permette au bénéficiaire de celui‑ci d'utiliser les sommes transférées pour payer les dettes dudit auteur en favorisant des créanciers déterminés aux dépens de l'ARC; voir le paragraphe 19 de Raphael c. Canada, 2000 D.T.C. 2434. Comme il sera expliqué plus loin, étant donné l'objet du paragraphe 160(1), l'intention de l'auteur et du bénéficiaire du transfert de frustrer l'ARC en tant que créancier peut se révéler pertinente pour l'examen du caractère suffisant ou non de la contrepartie. Cependant, je ne voudrais pas que l'on en conclue qu'il doive y avoir intention de frustrer l'ARC pour déclencher l'application du paragraphe 160(1). En effet, ce paragraphe peut s'appliquer au bénéficiaire d'un transfert qui n'a pas l'intention d'aider le débiteur fiscal principal à éviter de payer ses impôts; voir le paragraphe 3 de Wannan c. Canada, 2003 CAF 423. [13] En l'espèce, aucune preuve n'a été produite pour contester le fait que l'auteur du transfert, à savoir la 511, était tenu de payer de l'impôt en vertu de la LIR au moment des transferts. L'appelante a également admis qu'elle vivait en union de fait avec l'unique administrateur et actionnaire de la 511, ce qui faisait d'eux des personnes liées en vertu de la LIR. Quant à la question de savoir s'il y avait eu un transfert réel de fonds, la Cour d'appel fédérale a clairement établi, dans l'arrêt Livingston, précité, que le dépôt de sommes sur le compte bancaire d'une autre personne constitue un transfert de biens. Voici la teneur des observations de la cour au paragraphe 21 de cet arrêt : Le dépôt de sommes sur le compte bancaire d'une autre personne constitue un transfert de biens. Rappelons, pour lever toute ambiguïté, que le dépôt de sommes par Mme Davies sur le compte de l'intimée permettait à cette dernière de les en retirer n'importe quand. Le bien transféré était le droit d'exiger de la banque qu'elle remette à l'intimée la totalité des sommes déposées. La valeur de ce droit était la valeur totale desdites sommes. [14] Il ne fait donc aucun doute que le dépôt de chèques de la 511 sur le compte bancaire de l'appelante constituait un transfert de biens. Il reste donc à trancher la question de savoir si une contrepartie adéquate a été donnée au moment des transferts. [15] J'aimerais souligner le fait que l'appelante et Ronald Poirier ont tous deux témoigné avec franchise et que leur crédibilité n'est pas mise en cause en l'espèce. Je n'ai aucune raison de ne pas croire que l'unique but de toute l'opération était d'alimenter suffisamment le guichet de la 511 en argent comptant afin de satisfaire ses utilisateurs, et que les chèques tirés au nom de l'appelante durant la période l'avaient été à cette fin même. J'admets le témoignage de l'appelante selon lequel tout l'argent comptant provenant du dépôt des chèques tirés était déposé dans le guichet de la 511 et que ces fonds étaient versés à nouveau au compte bancaire de la 511 dans les 24 heures. La pièce A‑1 constitue un élément de preuve de ce mouvement de fonds dans le compte de la 511. [16] Il est vrai qu'il n'existe aucun document pour démontrer ou corroborer le dépôt réel de fonds dans le guichet, mais je n'ai aucune raison de ne pas croire l'explication de l'appelante et de Ronald Poirier selon laquelle l'objet de l'opération était de faire en sorte que la 511 ait suffisamment d'argent comptant pendant les fins de semaine pour alimenter le guichet. Étant donné que la 511 ne disposait pas de ligne de crédit, elle utilisait la ligne de crédit de l'appelante. Je n'ai pas non plus de raison de ne pas croire que tout l'argent provenant des dépôts était versé au guichet, et donc versé à nouveau dans le compte bancaire de la 511, et que les choses se passaient ainsi parce que la 511 avait épuisé la ligne de crédit qu'elle avait auprès de l'une de ses banques et qu'elle ne bénéficiait pas de ligne de crédit pour son nouveau compte à l'autre banque. Si l'argent provenant des chèques payables à l'appelante n'avait pas été versé à nouveau dans le compte bancaire de la 511, ce compte aurait fait l'objet d'un découvert substantiel. Compte tenu des difficultés financières de la 511, je ne crois pas que celle‑ci aurait autrement survécu durant toute la période. Pour exploiter un guichet, on n'a besoin que d'un montant minimal d'argent comptant dans le guichet, étant donné que c'est le même argent qui circule, par l'intermédiaire du centre de traitement, du guichet au compte du propriétaire du guichet et qui retourne encore au guichet. En l'espèce, le but de l'opération était de permettre à la 511 d'avoir accès à de l'argent comptant les fins de semaine, lorsqu'elle n'avait aucun autre moyen d'en obtenir. Je ne vois donc pas comment cette opération aurait pu produire 84 499,89 $, qui est le montant de la cotisation établie à l'égard de l'appelante, car il ne fait aucun doute qu'il s'agissait du même argent qui circulait. [17] Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'en l'espèce, un contrat valide existait entre l'appelante et la 511 en ce sens que l'argent transféré à l'appelante devait être utilisé uniquement dans l'intérêt de la 511, étant donné qu'il était déposé immédiatement ou dans un très court laps de temps au guichet de la 511. En déposant au guichet de la 511 le même montant que celui qu'elle avait reçu, l'appelante donnait à la 511 une contrepartie équivalente en valeur à celle du bien transféré; en d'autres termes, le même montant d'argent était à nouveau transféré à la 511. Par conséquent, l'appelante a donné une contrepartie complète pour les fonds transférés par la 511. Dans ces circonstances, je conclus que l'article 160 de la LIR ne s'applique pas. L'appel est accueilli et la cotisation est annulée. L'appelante a droit à ses dépens. Signé ce 20e jour d'août 2012. « François Angers » Le juge Angers Traduction certifiée conforme ce 3e jour de décembre 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 198 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-1712(IT)G INTITULÉ : Tammy Colborne c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L'AUDIENCE : Moncton (Nouveau‑Brunswick) DATE DE L'AUDIENCE : Le 28 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : Le 20 août 2012 COMPARUTIONS : Pour l'appelante : L'appelante elle‑même Pour l'intimée : Me Marcel Prevost AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante : Nom : Cabinet : Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 2
TCC
2,012
Chamard c. La Reine
fr
2012-01-09
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30660/index.do
2022-09-04
Chamard c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-09 Référence neutre 2012 CCI 2 Numéro de dossier 2010-190(GST)G Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2010-190(GST)G ENTRE : MARTINE CHAMARD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 28 novembre 2011, à Montréal (Québec) Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Avocat de l'appelante : Me Dany Afram Me Aaron Rodgers Avocat de l'intimée : Me Danny Galarneau ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelante en vertu du paragraphe 325 de la Loi sur la taxe d’accise dont l’avis est daté du 22 avril 2008 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2012 CCI 2 Date : 20120109 Dossier : 2010-190(GST)G ENTRE : MARTINE CHAMARD, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] L’appelante conteste une cotisation de 14 837,37 $ établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise (« LTA »). La cotisation se rapporte au transfert à l’appelante par monsieur Jean Belval d’une somme de 56 000 $, par le biais d’un chèque daté du 23 avril 2003. Au moment du transfert, monsieur Belval avait une dette fiscale de 14 837,35 $ en vertu fins de la LTA. [2] La seule question en litige est de déterminer si l’intimée était justifiée de cotiser l’appelante pour un montant de 14 837,37 $ à l’égard d’un transfert entre personnes ayant un lien de dépendance pour une contrepartie moindre que la juste valeur marchande du bien cédé. Position de l’appelante [3] L’appelante soutient que le chèque de 56 000 $ a été tiré à son ordre par monsieur Belval en paiement d’une dette alors due aux termes d’une entente intervenue le 23 mars 1993 entre elle et monsieur Belval, entente qui concernait des mesures provisoires entérinées par jugement dans le dossier No. 500-12-209909-930 de la Cour supérieure de la province de Québec. (« l’Entente ») (Pièce A-2). L’Entente prévoit notamment que monsieur Belval devait verser à l’appelante « la somme de cinq-cent cinquante (550 $) à titre de pension alimentaire hebdomadaire pour elle-même et les trois enfants, payables le vendredi ». De façon plus spécifique, l’appelante prétend que le chèque de 56 000 $ avait été tiré à son ordre en paiement d’arrérages de cette pension alimentaire que monsieur Belval s’était engagé à lui verser aux termes de l’Entente, arrérages liés à la période allant du 23 mars 1993 au 31 décembre 1999. Par conséquent, l’appelante soutient qu’elle ne peut être tenue, en vertu de l’article 325 de la LTA, solidairement responsable de la dette fiscale de monsieur Belval au moment où le chèque de 56 000 $ avait été tiré à son ordre puisque les arrérages constituaient une contrepartie supérieure à la juste valeur marchande du bien qui lui avait été cédé, en l’espèce le chèque de 56 000 $. Position de l’intimée [4] L’intimée soutient essentiellement que : i) le chèque de 56 000 $ n’avait pas été tiré par monsieur Belval à l’ordre de l’appelante en paiement des arrérages de pension alimentaire liés à la période allant du 23 mars 1993 au 31 décembre 1999; ii) l’appelante ne peut se prévaloir de l’exception prévue au paragraphe 325(4) de la LTA notamment parce qu'au moment du transfert, elle vivait en couple avec monsieur Belval. [5] L’appelante a témoigné. Monsieur Belval et madame Lise Dupuis ont témoigné à l’appui de la position de l’appelante. Par ailleurs, madame Francine Martin (agente aux oppositions à l’Agence) et monsieur Frédéric Ward (agent à la gestion financière de l’Agence) ont témoigné à l’appui de la position de l’intimée. Témoignage de monsieur Belval [6] Monsieur Belval a témoigné que : i) de 1971 à 1985, il avait travaillé pour la Communauté urbaine de Montréal (CUM) à titre de policier; ii) en 1985, il avait cessé de travailler pour cause de lésion professionnelle qui ne fut reconnue par la Commission des lésions professionnelles qu’en avril 2005; iii) en juin 1992, l’appelante avait quitté la résidence familiale. Depuis juin 1992, l’appelante et lui vivent séparés pour cause d’échec de leur mariage; iv) le 23 mars 1993, il avait conclu l’Entente avec l’appelante; v) en avril 1994, il avait fait cession de ses biens et il avait été libéré de sa faillite en 1998; vi) pour la période allant de juin 1992 au 20 janvier 1999, il n’avait versé aucun montant à l’appelante aux termes de l’Entente; vii) le 16 décembre 1998, la Cour supérieure du Québec ordonne dans un jugement (Pièce A-3) à la CUM de « remettre sans délai au débiteur Jean Belval toutes les sommes détenues pour et à son acquit, sous réserve des droits de l’intimée Martine Chamard aux termes de la saisie pour pension alimentaire pratiquée par le Percepteur des pensions alimentaires dans le dossier 450-12-016560-957 ». Monsieur Belval a expliqué qu’aux termes du jugement, l’appelante avait reçu un chèque (daté du 20 janvier 1999) de 69 372,80 $ qui avait servi à payer les arrérages de pension alimentaire pour les années 1992, 1993 et 1994 et une partie des arrérages liés à l’année 1999. viii) le 23 avril 2003, il avait tiré un chèque de 56 000 $ à l’ordre de l’appelante (Pièce I-2) en paiement des arrérages de pension alimentaire liés aux années 1995 et 1996; ix) il avait payé à l’appelante les arrérages de pension alimentaire liés à l’année 1998 en juin 2003; x) pour la période allant de mai 1992 à décembre 1993, il avait résidé chez ses beaux-parents à Montréal; xi) pour la période allant de décembre 1993 à la fin de l’année 1999, il avait résidé chez ses parents à Ogden; xii) pour la période allant de janvier 2000 à décembre 2003, il avait résidé chez Me Jean-Pierre Rancourt (un ami) à l’Île-des-Sœurs à Montréal; xiii) pour la période allant de mai 2003 à décembre 2003, il avait résidé chez madame Lise Dupuis (une amie) à l’Île-des-Sœurs à Montréal. [7] Je souligne que la preuve a révélé par ailleurs (voir Pièce I-5) que, depuis 1999, l’adresse figurant sur le permis de conduire de monsieur Belval était celle où résidait l’appelante. Monsieur Belval a expliqué qu’il était plus pratique et plus sûr pour lui de recevoir son courrier à la résidence de l’appelante compte tenu de ses nombreux déménagements, courrier qu’il cueillait lorsqu’il allait visiter ses enfants à la résidence de l’appelante qui demeure une amie nonobstant leur séparation. Témoignage de l’appelante [8] L’appelante a témoigné que : i) elle avait vécu séparée de monsieur Belval depuis 1992 pour cause d’échec de leur mariage; ii) depuis leur séparation, monsieur Belval n’avait jamais payé à temps la pension alimentaire qu’il s’était engagé à lui payer aux termes de l’Entente; iii) le montant de 69 372,80 $ qu’elle avait encaissé en janvier 1999 constituait en quelque sorte un paiement des arrérages de pension alimentaire liés aux années 1993 et 1994. Je souligne que le témoignage de l’appelante à cet égard est contredit par le contenu d’une lettre (datée du 26 avril 2009) adressée au procureur de l'appelante (Pièce I-4). En effet, dans la lettre, l’appelante indiquait à son procureur que la CUM lui avait remis ce en janvier 1999 la somme de 121 121 $ à titre d’arrérages couvrant la période de mars 1994 à juillet 1998 soit 220 semaines à 550.00 $ ». Je rappelle que l’appelante et monsieur Belval avaient témoigné que l’appelante avait plutôt reçu de la CUM un montant de 69 372,80 $ couvrant les arrérages de pension alimentaire liés à une période différente de celle indiquée dans cette lettre. Appelée à expliquer en contre-interrogatoire les incohérences entre son témoignage et celui de monsieur Belval et le contenu de la lettre du 26 avril 2002, l’appelante a témoigné qu’elle « y était allée de mémoire quand elle avait écrit la lettre » et que ce n’est que récemment que son comptable lui avait fait remarquer que les informations contenues dans la lettre étaient inexactes. Autrement dit, l’appelante soutient que sa mémoire lui avait joué un tour. Je tiens à souligner que l’appelante ne m’a pas convaincu que les informations contenues dans la lettre du 26 avril 2002 étaient inexactes étant donné que la preuve a, par ailleurs, révélé que l’appelante avait inclus un montant de 121 121 $ (et non pas un montant de 69 372,80 $) à titre de revenu de pension alimentaire dans sa déclaration de revenus pour l’année 1999. L’appelante a été incapable d’expliquer pourquoi elle avait inclus dans le calcul de son revenu à titre de revenu de pension alimentaire pour l’année 1999 un montant de 121 121 $ plutôt que le montant de 69 372,80 qu'elle prétend avoir reçu. Elle a ajouté que seul son comptable (qui avait rempli sa déclaration de revenus pour l’année 1999), qui évidemment n’avait pas été appelé à témoigner, pourrait donner des explications à cet égard puisqu’elle ne révisait aucune de ses déclarations de revenus étant donné qu’elle n’avait absolument aucune connaissance en matière de comptabilité et d’impôt. En effet, il aurait été fort intéressant d’entendre le témoignage de ce comptable (dont elle n’a même pas jugé utile de mentionner le nom) à cet égard. L’appelante était en mesure de le faire témoigner. Elle ne l’a pas fait. J’en infère que ce témoignage lui aurait été défavorable. Les contradictions entre la lettre du 26 avril 2009 et le témoignage de l’appelante et le fait qu’elle ait inclus dans le calcul de son revenu pour l’année 1999 un montant de 121 121 $ plutôt qu’un montant de 69 372,80 $ me portent à croire que le contenu de la lettre constitue la vérité. Toutes ces contradictions m’ont convaincu qu’il serait dangereux d’accorder de la crédibilité au témoignage de l’appelante et, par voie de conséquence, au témoignage de monsieur Belval sans preuve concordante et probante sous forme de documentation ou de témoignages de témoins crédibles. J’ajouterai que l’appelante aurait pu produire en l’espèce toute la documentation liée à la saisie pour pension alimentaire pratiquée par le Percepteur des pensions alimentaires à la faillite de monsieur Belval et à la somme que la mise en cause (CUM) devait remettre sans délai au débiteur Jean Belval. Cette documentation aurait peut-être pu être déposée en preuve par l'appelante. L’appelante ne l’a pas fait. J’en infère que cette preuve aurait été défavorable à l’appelante. iv) le 23 avril 2003, monsieur Belval avait tiré un chèque de 56 000 $ à son ordre en paiement des arrérages de pension alimentaire liés aux années 1995 et 1996. Je souligne immédiatement à cet égard que la preuve a révélé par ailleurs que l’appelante n’avait pas inclus ce montant à titre de revenu de pension alimentaire dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2003. En effet, la preuve a révélé que seuls les montants suivants avaient été inclus dans le calcul du revenu de l’appelante à titre de revenu de pension alimentaire : En 1999 : 121 121 $ En 2000 : 28 600 $ En 2001 28 600 $ En 2002 28 000 $ Je note encore une fois que l’appelante n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi le montant de 56 000 $ n’avait pas été inclus dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2003 et pourquoi le montant de 28 600 $ avait été par ailleurs inclus dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Témoignage de Lise Dupuis [9] Il ressort essentiellement du témoignage de madame Lise Dupuis (une amie de monsieur Belval) que ce dernier avait résidé au domicile de cette dernière pendant la période allant de mai 2003 à décembre 2003. Analyse et conclusion [10] Selon le paragraphe 325(1) de la LTA, le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables à l’égard de toute somme que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la LTA au cours de l’année d’imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d’une année antérieure. Toutefois, la responsabilité du bénéficiaire du transfert est limitée au moins élevé des deux montants suivants : i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande (JVM) du bien au moment du transfert sur la JVM, à ce moment, de la contrepartie donnée pour ce bien et ii) le montant de la dette fiscale de l’auteur du transfert. Il ressort de ces dispositions fiscales que l’appelante ne peut être tenue solidairement responsable à l’égard de la dette fiscale de monsieur Belval au moment où l’appelante avait encaissé le chèque de 56 000 $ si le chèque avait été tiré en paiement des arrérages de pension alimentaire pour les années 1995 et 1996 qui étaient prétendument exigibles aux termes de l’Entente. [11] De plus, il ressort du paragraphe 325(4) que l’appelante ne peut être tenue solidairement responsable de la dette fiscale de monsieur Belval au moment où l’appelante avait encaissé le chèque de 56 000 $ si le chèque avait été tiré en paiement d’une obligation prévue à un accord écrit de séparation et si, au moment où le chèque avait été fait, monsieur Belval et l’appelante vivaient séparés pour cause d’échec de leur mariage. [12] En d’autres termes, pour ne pas être tenue solidairement responsable de la dette fiscale de monsieur Belval au moment où l’appelante a encaissé le chèque de 56 000 $, cette dernière devait d'abord prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le chèque avait été tiré en paiement des arrérages de pension alimentaire des années 1995 et 1996. La preuve de l’appelante à cet égard reposait uniquement sur son témoignage et sur celui de monsieur Belval. Compte tenu de ma conclusion à l’égard de la valeur probante de leurs témoignages, je me dois de conclure que l’appelante ne s’est pas acquittée de l'obligation qu'elle avait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le chèque de 56 000 $ avait été tiré en paiement des arrérages de pension alimentaire des années 1995 et 1996. [13] J’ajouterai que l’appelante ne peut bénéficier de l’exception prévue au paragraphe 325(4) de la LTA (même si elle avait vécu séparée de monsieur Belval, ce dont je doute, pour cause d'échec de leur mariage au moment où le chèque de 56 000 $ avait été tiré) parce qu'elle n'a pas réussi à démontrer que le chèque de 56 000 $ avait été tiré en paiement d'une obligation prévue à un accord de séparation. [14] Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de janvier 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard RÉFÉRENCE : 2012 CCI 2 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-190(GST)G INTITULÉ DE LA CAUSE : Martine Chamard et Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L’AUDIENCE : le 28 novembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : le 9 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l'appelante : Me Dany Afram Me Aaron Rodgers Avocat de l'intimée : Me Danny Galarneau AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l'appelante: Noms : Me Dany Afram Me Aaron Rodgers Cabinet : Miller Thomson Montréal (Québec) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 20
TCC
2,012
Lipson c. La Reine
fr
2012-01-13
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30667/index.do
2022-09-04
Lipson c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-13 Référence neutre 2012 CCI 20 Numéro de dossier 2009-1193(IT)G Juges et Officiers taxateurs Gaston Jorré Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2009-1193(IT)G ENTRE : HOWARD LIPSON, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Harriet Lipson (2009‑1196(IT)G), le 30 août 2010, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocats de l'appelant : Me David Sohmer Me Julie Gaudreault-Martel Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 7 janvier 2008 et portent les numéros 1‑071231‑103544, 1‑071231‑103356 et 1‑071231‑103141, est accueilli avec dépens, et les cotisations sont annulées. Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 6e jour de mars 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Dossier : 2009-1196(IT)G ENTRE : HARRIET LIPSON, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Howard Lipson (2009‑1193(IT)G), le 30 août 2010, à Montréal (Québec). Devant : L'honorable juge Gaston Jorré Comparutions : Avocats de l'appelante : Me David Sohmer Me Julie Gaudreault‑Martel Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault ________________________________________________________________ JUGEMENT Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 7 janvier 2008 et portent les numéros 1‑071231‑104022, 1‑071231‑103936 et 1‑071231‑103805, est accueilli avec dépens, et les cotisations sont annulées. Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 6e jour de mars 2012. Yves Bellefeuille, réviseur Référence : 2012 CCI 20 Date : 20120113 Dossiers : 2009-1193(IT)G 2009-1196(IT)G ENTRE : HOWARD LIPSON, HARRIET LIPSON, appelants, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Jorré Introduction [1] Madame Esther Crelinsten avait prévu dans son testament des legs particuliers et une distribution du reliquat de sa succession entre ses trois enfants dont deux, les appelants, sont des non‑résidents. [2] Après le décès de Mme Crelinsten en 2006, sa succession a procédé à cinq distributions de capital à chacun des enfants de la défunte. [3] Ces distributions n'ont donné lieu à aucune obligation fiscale[1]. [4] À la cinquième distribution, les appelants ont envoyé un avis au ministre du Revenu national (le « ministre ») en application du paragraphe 116(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Les appelants n'ont envoyé aucun avis relativement aux autres distributions. [5] Par la suite, le ministre a imposé des pénalités à chacun des appelants en application du paragraphe 162(7) de la Loi au motif que ces derniers avaient omis d'envoyer un avis à l'égard de trois distributions. [6] Chacune des pénalités représentait la somme maximale prévue audit paragraphe. [7] Ces pénalités représentaient une somme totale de 15 000 $, et il y avait aussi un montant total de plus de 3 900 $ d'intérêts au moment de l'établissement des cotisations. Exposé conjoint des faits [8] Les faits ne sont pas contestés en l'espèce. La preuve a été présentée au moyen d'un exposé conjoint des faits et de documents produits d'un commun accord. [9] Le contenu de l'exposé conjoint des faits est le suivant : [TRADUCTION] 1. Le 18 juin 1940, Esther Crelinsten a épousé Julius Lipson. 2. Pendant toute la période pertinente, Esther Crelinsten résidait au Canada. 3. Le 15 septembre 1995, Julius Lipson est décédé. 4. Le 24 septembre 1996, Esther Crelinsten a signé son testament (le « testament »). 5. Le testament prévoyait des legs particuliers, et les trois enfants d'Esther Crelinsten, à savoir Howard Lipson, Harriet Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg, étaient désignés comme légataires du reliquat de la succession. 6. Le 16 juin 2003, Esther Crelinsten est décédée, et son dernier domicile était au Québec. 7. Harriet Lipson a refusé d'être la liquidatrice de la succession d'Esther Crelinsten (la « succession »), et Howard Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg ont donc agi en qualité de liquidateurs. 8. Les biens de la succession étaient situés au Canada et l'administration de la succession se faisait également au Canada. Pendant toute la période pertinente, la succession était un résident du Canada. 9. [...] les trois légataires à titre universel : Howard Lipson, Harriet Lipson et Joan Lipson‑Bloomberg. 10. La succession a procédé à des distributions de capital à chacun des trois légataires à titre universel de la manière suivante : 12 décembre 2003 56 000 $ 23 janvier 2004 125 000 $ 29 octobre 2004 108 000 $ 22 juillet 2005 30 667 $ 12 juin 2007 18 862 $ 11. Le 22 juin 2007 ou aux environs de cette date, Howard Lipson et Harriet Lipson ont envoyé au ministre du Revenu national (le « ministre ») l'avis prévu au paragraphe 116(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») relativement à la distribution faite le 12 juin 2007. 12. Le 29 novembre 2007, le ministre a délivré à Howard Lipson et à Harriet Lipson un certificat en vertu du paragraphe 116(4) de la Loi relativement à la distribution faite le 12 juin 2007. 13. Ni Howard Lipson ni Harriet Lipson n'ont envoyé d'avis au ministre concernant les distributions faites le 12 décembre 2003, le 23 janvier 2004, le 29 octobre 2004 et le 22 juillet 2005. 14. Pendant toute la période pertinente, Howard Lipson et Harriet Lipson étaient des non‑résidents. 15. Le 7 janvier 2008, le ministre a établi des cotisations à l'égard de Howard Lipson et de Harriet Lipson en vertu du paragraphe 162(7) de la Loi pour non‑respect du paragraphe 116(3) de la Loi en ce qui concerne les distributions faites le 23 janvier 2004, le 29 octobre 2004 et le 22 juillet 2005. Analyse [10] La succession de Mme Crelinsten est régie par le droit québécois. [11] Le paragraphe 162(7) de la Loi impose une pénalité à toute personne qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités prévues par la Loi ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la Loi. [12] Le ministre a établi des cotisations à l'égard des appelants en se fondant sur le fait qu'ils ne s'étaient pas conformés au paragraphe 116(3) de la Loi. Cette disposition est ainsi libellée : La personne non‑résidente qui dispose de son bien canadien imposable [...] est tenue d'envoyer au ministre, dans les dix jours suivant la disposition, sous pli recommandé, un avis contenant les renseignements suivants [...] [13] Le paragraphe 248(1) de la Loi définit en partie l'expression « bien canadien imposable » de la manière suivante : « bien canadien imposable » À un moment donné d'une année d'imposition, les biens suivants d'un contribuable : [...] h) les participations au capital d'une fiducie (sauf une fiducie d'investissement à participation unitaire) résidant au Canada; [...] [14] Le même paragraphe de la Loi définit le terme « disposition » comme étant notamment : d) si le bien est la participation d'un contribuable au capital d'une fiducie, ou une partie d'une telle participation, [...] un paiement de la fiducie effectué au contribuable après 1999 qu'il est raisonnable de considérer comme ayant été effectué en raison de la participation du contribuable au capital de la fiducie. [15] L'intimée soutient que les appelants ont disposé de la participation qu'ils avaient au capital d'une fiducie, et que, par conséquent, ils avaient l'obligation d'envoyer des avis au ministre en application du paragraphe 116(3) de la Loi. [16] L'intimée ne peut avoir raison que si une succession québécoise est une fiducie pour l'application de la définition de l'expression « bien canadien imposable ». [17] Selon le Code civil du Québec, il ne fait aucun doute qu'une succession n'est pas une fiducie[2]. [18] L'intimée fait valoir que la Loi traite une succession comme une fiducie. Elle invoque le paragraphe 248(1) de la Loi, qui dispose ceci : « fiducie » S'entend au sens du paragraphe 104(1). Elle invoque aussi le paragraphe 104(1) de la Loi, qui est ainsi libellé : Dans la présente loi, la mention d'une fiducie ou d'une succession (appelées « fiducie » à la présente sous‑section) vaut également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire, de l'administrateur successoral, du liquidateur de succession, de l'héritier ou d'un autre représentant légal ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie. Toutefois, [...] La version anglaise du paragraphe 104(1) de la Loi est libellée de la manière suivante : In this Act, a reference to a trust or estate (in this subdivision referred to as a “trust”) shall, unless the context otherwise requires, be read to include a reference to the trustee, executor, administrator, liquidator of a succession, heir or other legal representative having ownership or control of the trust property, but, except for [...] [19] Les appelants ne sont pas d'accord avec l'intimée, et soutiennent que le paragraphe 104(1) de la Loi ne définit pas le terme « fiducie » et que le fait de prévoir qu'une fiducie ou une succession est appelée « fiducie » est une question de formulation plutôt que de définition. Il est donc erroné de conclure qu'une succession doit toujours être considérée comme une fiducie aux fins de l'application de la Loi. [20] Je souscris à la conclusion des appelants. Je pense qu'il est utile de pousser l'analyse plus loin. [21] L'expression « au sens de » est utilisée dans de nombreuses lois, et le paragraphe 248(1) de la Loi dispose aussi que : « succession » S'entend au sens du paragraphe 104(1). [22] Lorsque j'ai examiné pour la première fois l'argument des appelants sur ce point, j'ai été préoccupé par la question suivante : quel est l'effet de la définition du terme « fiducie » au paragraphe 248(1) de la Loi? Le législateur utilise des termes particuliers pour une raison et, s'il est possible d'attribuer un sens raisonnable aux termes de la loi, c'est ce sens qu'on doit retenir. [23] Au départ, je ne voyais pas trop quel était l'objet de la définition au paragraphe 248(1) de la Loi compte tenu du paragraphe 104(1). Serait‑il possible que les deux paragraphes aient constitué une formulation étonnante visant à traiter les successions comme des fiducies et les fiducies comme des successions[3]? [24] Ce n'est manifestement pas le cas. Non seulement le paragraphe 104(1) de la Loi est‑il libellé d'une manière qui ne se prête pas à une telle fin, mais aussi le législateur aurait formulé la disposition concernée beaucoup plus clairement s'il avait voulu que la loi considère les fiducies et les successions comme équivalentes. [25] Le fait d'affirmer que le terme fiducie « s'entend au sens du paragraphe 104(1) » doit être interprété comme voulant dire que, dans l'ensemble de la Loi, la mention de « fiducie » vaut également mention « du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire, de l'administrateur successoral, du liquidateur [...] », selon le cas. [26] Le libellé n'intègre pas dans la Loi dans son ensemble une règle selon laquelle le terme « fiducie » signifie « fiducie ou succession »[4]. Cela ressort clairement lorsqu'on examine l'objet de la disposition. [27] Lorsqu'on examine le libellé du paragraphe 104(1) de la Loi et le fait que les successions et les fiducies ne sont pas des personnes morales, il devient évident que l'objet de la disposition est de simplifier la formulation. [28] En l'absence de cette disposition, parfois, lorsqu'il faut expliquer comment calculer le revenu, il faudrait que la Loi mentionne la fiducie ou la succession, qui n'est pas une personne morale, mais ailleurs, lorsqu'une obligation d'accomplir un acte est imposée, comme la production d'une déclaration de revenus, il faudrait mentionner la personne responsable de l'exécution de cette obligation, par exemple le fiduciaire. [29] La technique de rédaction utilisée vise à éviter de devoir faire une distinction entre la fiducie ou la succession et la personne tenue d'accomplir un acte; lorsqu'une disposition utilise le libellé « fiducie ou succession », il faut comprendre qu'il s'agit soit de la fiducie ou de la succession, soit de la personne tenue d'exécuter une obligation à l'égard de la fiducie ou de la succession. La technique permet aussi d'éviter d'avoir à répéter un ensemble d'autres personnes qui peuvent être celles à qui incombe l'obligation. [30] C'est là l'effet du renvoi à la définition qui est fait au paragraphe 248(1) de la Loi; il ne s'agit pas de traiter une succession comme une fiducie. [31] Il n'y a donc pas eu de disposition d'un bien visé à l'alinéa h) de la définition de l'expression « bien canadien imposable » et, par conséquent, il n'y avait aucune obligation pour les appelants d'envoyer un avis en application du paragraphe 116(3) de la Loi. [32] En conséquence, c'est à tort que les pénalités ont été imposées. [33] Compte tenu de la conclusion qui précède, il n'est pas nécessaire pour la Cour de se pencher sur les autres arguments soulevés à l'audience. Conclusion [34] Pour les motifs exposés ci‑dessus, les appels sont accueillis avec dépens. [35] Avant de conclure, je me sens dans l'obligation de poser la question suivante : dans les circonstances, comment ces affaires ont‑elles pu en arriver jusqu'ici avec les pénalités en question, même si les cotisations avaient été fondées en droit? [36] Des pénalités et des intérêts totalisant presque 19 000 $ ont été imposés à deux non‑résidents vivant en Californie, à cause de distributions faites dans des circonstances telles que, apparemment, ces distributions n'avaient donné lieu à aucune obligation fiscale. [37] De telles pénalités semblent déraisonnablement élevées compte tenu des circonstances de l'affaire dont j'ai connaissance, et il est difficile de concevoir comment des pénalités aussi élevées renforcent le respect de la Loi[5]. [38] Bien qu'il ne fasse aucun doute, depuis au moins l'époque du Bill of Rights anglais de 1688, que l'exécutif n'a pas le pouvoir de suspendre l'application de la loi[6], le paragraphe 220(1) de la Loi dispose que : Le ministre assure l'application et l'exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi. [39] Le pouvoir d'appliquer la loi permet au ministre d'utiliser les ressources de façon efficace et de manière à renforcer le respect de la Loi. En conséquence, lorsqu'il applique la Loi, le ministre n'est pas tenu d'imposer une pénalité chaque fois que les conditions préalables à l'imposition de cette pénalité sont remplies; il peut faire appel au bon sens pour imposer une pénalité ou non[7]. Plus précisément, en l'espèce, le ministre n'aurait pas été tenu, si le paragraphe 116(3) de la Loi avait été applicable, d'imposer des pénalités pour chaque manquement de chacun des appelants; en fait, il n'aurait pas été nécessairement tenu d'imposer quelque pénalité que ce soit. [40] En outre, le paragraphe 220(3.1) de la Loi prévoit explicitement ce qui suit : Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l'année d'imposition d'un contribuable [...] ou sur demande du contribuable [...] faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d'un montant de pénalité ou d'intérêts payable par ailleurs par le contribuable [...] en application de la présente loi [...] [41] Je tiens à souligner que, selon le paragraphe 220(3.1) de la Loi, le ministre peut renoncer à des pénalités ou à des intérêts après coup ou il peut les annuler; cette disposition autorise également le ministre à renoncer à une partie des pénalités ou des intérêts, ou à les annuler en partie[8]. [42] Compte tenu de ce qui précède, à moins qu'il n'y ait d'autres faits surprenants qui ne soient pas liés directement aux questions à trancher et qui n'aient pas été présentés à l'audience, je comprends difficilement pourquoi, à un moment ou à un autre, au stade de l'établissement de la cotisation ou après, et bien avant la tenue de l'audience, le ministre n'a pas exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi pour exiger des pénalités beaucoup moins importantes que celles qu'il a imposées — ou pour ramener ces pénalités à un niveau beaucoup moins élevé. Quant au renforcement du respect de la Loi, n'aurait‑il pas été suffisant d'imposer les pénalités une seule fois? Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de janvier 2012. « Gaston Jorré » Le juge Jorré Traduction certifiée conforme ce 6e jour de mars 2012. Yves Bellefeuille, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 20 NOS DES DOSSIERS DE LA COUR : 2009-1193(IT)G 2009-1196(IT)G INTITULÉS : HOWARD LIPSON et HARRIET LIPSON c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec) DATE DE L'AUDIENCE : Le 30 août 2010 MOTIFS DU JUGEMENT : L'honorable juge Gaston Jorré DATE DU JUGEMENT : Le 13 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocats des appelants : Me David Sohmer Me Julie Gaudreault‑Martel Avocat de l'intimée : Me Pascal Tétrault AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Noms : David Sohmer Julie Gaudreault-Martel Cabinet : Spiegel Sohmer Montréal (Québec) Pour l'intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Rien dans les éléments de preuve produits d'un commun accord n'indique que les distributions ont donné lieu à une obligation fiscale à l'égard de qui que ce soit. [2] Le livre troisième du Code civil du Québec (articles 613 à 898) porte sur les successions. Les fiducies sont manifestement très différentes des successions; les articles 1260 à 1265 du Code civil du Québec traitent de la nature d'une fiducie. Bien entendu, un testament peut établir une fiducie, mais la succession en soi n'est pas une fiducie. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner la situation d'une succession dans les provinces de common law, je tiens à préciser que, même si les administrateurs de successions ont souvent des obligations qui s'apparentent à celles qui existent dans le cas d'une fiducie et que ces administrateurs sont parfois assimilés à des fiduciaires à certaines fins (voir par exemple la définition de « fiducie » à l'article 1 de la Loi sur les fiduciaires, L.R.O. 1990, ch. T.23), il ne me semble pas que la succession qui est ouverte au décès d'une personne établit en soi et automatiquement une fiducie. [3] Je relève que le libellé français utilise le terme « succession » pour le terme anglais « estate ». Il ressort clairement d'une lecture combinée des versions française et anglaise que la mention de « estate » inclut également une « succession » au Québec. [4] Même si la formulation pouvait donner lieu à ce résultat, ce qui n'est pas le cas, elle ne s'appliquerait pas à la Loi dans son ensemble. Cela est indiqué par le fait même que le libellé du paragraphe 104(1) de la Loi commence par la formule « Dans la présente loi [...] », alors que le passage entre parenthèses au début du paragraphe utilise les mots « à la présente sous‑section ». Compte tenu du fait que le rédacteur savait, et avait clairement déclaré, qu'une grande partie du paragraphe 104(1) serait applicable à l'ensemble de la Loi, il n'aurait pas limité les termes entre parenthèses « appelées “fiducie” » en ajoutant les mots « à la présente sous‑section » si son intention avait été que ces mots s'appliquent à l'ensemble de la Loi. Une autre indication selon laquelle les paragraphes 104(1) et 248(1) de la Loi n'ont pas pour effet d'inclure les successions parmi les fiducies est le fait que la Loi utilise les expressions « succession ou fiducie » ou « fiducie ou succession » dans de nombreuses dispositions. Voir, par exemple, les alinéas 13(7.3)b), 150(1)c), 212(1)c) et 256(4)b), les paragraphes 19(6), 44(3), 70(3) et 212(11), le sous‑alinéa 60a)(ii), et la définition de « frais personnels ou de subsistance » au paragraphe 248(1) de la version actuelle de la Loi. [5] Il est bien reconnu, dans l'administration de diverses lois et de divers programmes, que la plus grande conformité à la loi est obtenue au moyen d'un ensemble de mesures appropriées et progressives, y compris l'information et la sensibilisation, le contrôle quant à la conformité par des moyens tels que la vérification dans le cas de l'impôt, l'application de diverses dispositions civiles qui imposent des pénalités et, finalement, s'il y a lieu, l'application de dispositions pénales. Un tel ensemble de mesures d'application est souvent appelé le « continuum de conformité » ou le « continuum d'observation de la loi ». [6] Voir Vestey v. Inland Revenue Commissioners, [1980] A.C. 1148 (Ch. des lords), à la page 1195. [7] Bien sûr, il y a des contraintes juridiques qui se posent pour le ministre lorsqu'il agit de la sorte; il n'est pas nécessaire de les examiner en l'espèce. [8] Encore une fois, le ministre est soumis à des contraintes juridiques lorsqu'il applique le paragraphe 220(3.1) de la Loi; ces contraintes n'ont pas besoin d'être examinées en l'espèce.
2012 CCI 202
TCC
2,012
Hill c. La Reine
fr
2012-06-07
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30942/index.do
2022-09-04
Hill c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-07 Référence neutre 2012 CCI 202 Numéro de dossier 2011-3973(IT)APP Juges et Officiers taxateurs Brent Paris Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-3973(IT)APP ENTRE : SEDWICK HILL, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Demande de prorogation de délai entendue le 21 mars 2012 à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge B. Paris Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Tony Cheung ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La demande de l’appelant visant à obtenir la prorogation du délai dans lequel il peut déposer un avis d’appel à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à ses années d’imposition 2000, 2001, 2003, 2004, 2005 et 2006 est rejetée. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 19e jour de septembre 2012. Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur. Référence : 2012 CCI 202 Date : 20120607 Dossier : 2011-3973(IT)APP ENTRE : SEDWICK HILL, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Paris [1] Monsieur Hill a présenté une demande en vertu de l’article 167 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») afin d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel il peut déposer un avis d’appel à l’égard des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition 2000, 2001, 2003, 2004, 2005 et 2006. À l’audience, M. Hill a également fait mention d’une nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 1999, mais la Cour n’est pas saisie de cette dernière. Années d’imposition 2005 et 2006 [2] Le 15 mai 2009, M. Hill a produit des déclarations de revenus pour ses années d’imposition 2005 et 2006 et, le 5 octobre 2010, le ministre a établi des cotisations relativement à celles‑ci. Le 20 novembre 2010, M. Hill a produit un avis d’opposition à l’égard de ces cotisations, mais le ministre n’a pas répondu à cette opposition. Même si l’intimée ne conteste pas la demande par laquelle M. Hill tente d’obtenir la prorogation du délai pour déposer un avis d’appel relativement à ses années d’imposition 2005 et 2006, il n’est pas opportun en l’espèce de rendre une ordonnance à cet effet, car le délai pour déposer un avis d’appel n’est pas encore expiré. Selon le paragraphe 169(1) de la LIR, M. Hill a actuellement le droit d’interjeter appel à la Cour et aucune prorogation du délai imparti pour déposer un appel relativement aux années d’imposition 2005 et 2006 n’est requise. M. Hill devrait maintenant déposer à la Cour un avis d’appel ainsi que les frais de dépôt applicables, le cas échéant. Années d’imposition 2000, 2001, 2003 et 2004 [3] Les années d’imposition 2000 et 2001 de M. Hill ont initialement fait l’objet de cotisations le 27 janvier 2003. Il s’agissait de cotisations arbitraires établies en vertu du paragraphe 152(7) de la LIR parce que M. Hill n’avait pas produit de déclarations pour ces années. Il a subséquemment produit des déclarations pour les années 2000 et 2001 le 1er mars 2005 et le 7 mars 2005, respectivement, et ces années ont fait l’objet de nouvelles cotisations le 22 octobre 2007. [4] La preuve ne permet pas de savoir quand M. Hill a produit des déclarations de revenus pour ses années d’imposition 2003 et 2004, mais celles‑ci ont fait l’objet de cotisations initiales le 14 avril 2005, puis de nouvelles cotisations le 27 octobre 2007. [5] Les nouvelles cotisations d’octobre 2007 visant les années d’imposition 2000, 2001, 2003 et 2004 ont eu pour effet d’accroître le revenu total de M. Hill d’environ un million de dollars. Elles comportaient en outre des pénalités et des intérêts. M. Hill s’est opposé à ces nouvelles cotisations le 2 novembre 2007. [6] Vers le 29 décembre 2008, M. Hill a retenu les services de M. Gianni De Micco pour le représenter dans le cadre de ces oppositions. M. De Micco a présenté des observations à l’agent des appels de l’ARC, M. Ron Tammer, entre janvier et mars 2009. [7] Le 4 mars 2009, M. De Micco a envoyé le courriel suivant à M. Hill : [traduction] Bonjour Sedwick, J’ai de bonnes nouvelles pour vous. M. Ron Tammer a finalement capitulé et il a accepté la plupart des modifications que nous demandions dans notre dernière lettre d’observations, soit celle de février 2009. Nous avions demandé une réduction d’environ 254 984 $ (comprenant le prêt d’avocat, le refinancement de Maple, les pertes immobilières, Carl Lewis). Il fera parvenir à nos bureaux une nouvelle offre de règlement comprenant ces modifications. Nous vous en enverrons une copie en format PDF lorsque nous l’aurons reçue. Pour que cette nouvelle offre soit acceptée, M. Tammer demande qu’elle soit signée au plus tard vendredi de cette semaine. Monsieur Tammer a également mentionné que les années d’imposition 2005 et 2006 avaient fait l’objet de cotisations arbitraires, qu’il est disposé à accepter vos documents originaux à cet égard et que, si vous les lui remettez au plus tard le 30 avril 2008, il en tiendra compte dans le cadre des oppositions et il annulera les sommes établies arbitrairement. Vous avez avantage à produire ces documents. J’ai dit que je vous demanderais des instructions sur ces points. Voulez‑vous que nous remplissions vos déclarations de revenus relatives à 2005 et à 2006? Dans l’affirmative, veuillez nous faire parvenir les documents pertinents. Monsieur Hill a répondu ce qui suit : [traduction] C’est une excellente nouvelle. Oui, je veux produire mes déclarations pour 2005 et 2006. Je vais réunir les documents nécessaires sous peu. Merci. Sedwick Hill [8] L’offre présentée par M. Tammer réduisait les nouvelles cotisations d’une somme totale d’environ 400 000 $. Pour conclure le règlement, l’ARC exigeait que M. Hill renonce à son droit d’opposition ou d’appel relativement aux questions traitées dans le règlement. Cette renonciation est ainsi libellée : [TRADUCTION] RENONCIATION AU DROIT D’OPPOSITION OU D’APPEL Paragraphe 165(1.2) Restriction – Malgré les paragraphes (1) et (1.1), aucune opposition ne peut être faite par un contribuable à une cotisation établie en application des paragraphes 118.1(11), 152(4.2), 169(3) ou 220(3.1). Il est entendu que cette interdiction vaut pour les oppositions relatives à une question pour laquelle le contribuable a renoncé par écrit à son droit d'opposition. Paragraphe 169(2.2) Questions faisant l’objet d’une renonciation – Malgré les paragraphes (1) et (2), il est entendu qu’un contribuable ne peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier une cotisation établie en vertu de la présente partie relativement à une question à l’égard de laquelle le contribuable a renoncé par écrit à son droit d’opposition ou d’appel. Années d’imposition – 1999, 2000, 2001, 2003 et 2004 Je renonce à tous les droits d’opposition et d’appel en ce qui concerne les éléments suivants : • revenus non déclarés; • déductions refusées; • pertes autres que pertes en capital refusées. Cette renonciation est conditionnelle à ce que l’Agence du revenu du Canada établisse de nouvelles cotisations comme il est précisé ci‑dessous : Revenu d’entreprise brut 1999 2000 2001 2003 2005 Modifications proposées par l’agent des appels -3 700,00 -19 492,00 -59 698,63 -67 785,63 -258 841,34 J’ai lu les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu reproduites ci‑dessus et je comprends que je ne pourrai pas présenter d’opposition ou d’appel relativement aux années d’imposition susmentionnées. Je comprends et j’accepte que le présent règlement lie mes héritiers, mes exécuteurs testamentaires, mes fiduciaires, mes administrateurs successoraux ainsi que toute autre personne dont la responsabilité pourrait être retenue au titre des impôts, des intérêts et des pénalités découlant du présent règlement. __________________________ Signature du contribuable Sedwick Hill, NAS : XXXXXX XXX __________________________ Date [9] À l’audience, M. Hill a témoigné qu’il avait subi une énorme pression en raison du bref délai que M. Tammer lui avait donné pour accepter l’offre de règlement. Selon son témoignage, M. Tammer lui a dit que l’offre était à prendre ou à laisser, mais que, s’il ne l’acceptait pas, il serait tenu de payer l’impôt pour le revenu supplémentaire d’un million de dollars faisant l’objet des nouvelles cotisations. M. Hill a témoigné que M. De Micco lui avait aussi expliqué que le fait de ne pas signer le règlement équivaudrait à renoncer à celui‑ci. M. De Micco aurait aussi dit à M. Hill qu’ils pourraient contester [traduction] « plus tard » le solde de 600 000 $ visé par les nouvelles cotisations. [10] Monsieur Hill a affirmé qu’il avait signé l’offre de règlement et inscrit sur le formulaire la mention [traduction] « signé sous la contrainte », ou des termes au même effet, et qu’il avait retourné le document à M. De Micco. Ce dernier a répondu ainsi à M. Hill par courriel le 11 mars 2009 : [traduction] Bonjour Sedwick, Nous avons reçu le document signé par télécopieur. Évidemment, nous ne pouvons utiliser une signature apposée sous la contrainte puisqu’il n’y aurait alors aucune entente. Nous avons envoyé le document signé sans la mention de la signature apposée sous la contrainte. Le document a été envoyé par télécopieur à M. Ron Tammer aujourd’hui et nous avons obtenu confirmation de cet envoi. Nous allons maintenant nous occuper des déclarations de revenus pour 2005 et 2006. Nous devrons également produire une déclaration pour 2008 afin de réclamer une importante PDTPE. YSIS devra aussi produire des déclarations de revenus des sociétés. Sedwick, nous voulons en outre mettre votre compte à jour. En effet, une facture est exigible depuis presque 60 jours. Auriez‑vous l’obligeance de nous faire parvenir un chèque de 1 504,13 $ à l’ordre de « Urgent Solutions Inc. ». Comme nous en avons déjà discuté, vous pouvez dater le chèque du 15 mars 2009. Veuillez agréer nos salutations distinguées. Gianni De Micco, B. Comm. [11] Monsieur Hill a répondu ce qui suit par courriel[1] : [traduction] Merci Gianni, je m’en occupe. Sedwick [12] L’intimée a contesté le témoignage de M. Hill voulant qu’il ait inscrit sur l’offre de règlement une quelconque mention laissant entendre qu’il signait le document sous la contrainte. Cependant, à la lumière du courriel envoyé par M. De Micco à M. Hill, lequel courriel paraît authentique et renvoie à la mention visant la [traduction] « signature apposée sous la contrainte » inscrite par M. Hill, j’accepte le fait que ce dernier a, comme il l’affirme, ainsi qualifié sa signature de l’offre et que la mention supplémentaire a d’une façon ou d’une autre été supprimée par M. De Micco avant que le document constatant le règlement ne soit renvoyé à M. Tammer. [13] De nouvelles cotisations conformes à l’entente de règlement ont été établies à l’égard de M. Hill. Ces nouvelles cotisations portent la date du 9 avril 2009. [14] Le témoignage de M. Hill sur ce qui s’est passé ensuite est vague. Bien qu’il affirme avoir continuellement informé l’ARC depuis l’établissement de ces nouvelles cotisations du fait que les renonciations ont été signées sous la contrainte, il n’a pu fournir aucune précision sur ses communications avec l’ARC antérieures à juin 2010, moment où il a écrit au ministre. Il n’avait de double d’aucune pièce de correspondance avec l’ARC antérieurement à celle adressée au ministre ni aucun document établissant une quelconque communication avec M. De Micco après avril 2009. [15] En octobre 2009, M. Hill a effectivement envoyé une lettre au greffe de la Cour. Elle était ainsi adressée : [traduction] « À : ARC ». M. Hill précisait qu’il voulait [traduction] « [s]’opposer à l’impôt fixé arbitrairement par les vérificateurs de l’ARC sur [s]on revenu ». Cette lettre ne faisait mention ni de l’entente de règlement intervenue le 9 mars 2009, ni des nouvelles cotisations datées du 9 avril 2009, ni du fait qu’un règlement avait été conclu sous la contrainte. [16] Le 6 novembre 2009, le greffe a informé M. Hill que son avis d’appel ne précisait pas la date de la nouvelle cotisation, de la confirmation ou de la décision visée par son opposition. Le greffe l’a en outre informé du délai de 90 jours prévu par la LIR pour la production d’un appel et de son droit de présenter une demande de prorogation de délai si la période de 90 jours était expirée. On lui a remis les formulaires nécessaires pour préparer une demande et un appel, et on lui a demandé de répondre dans les 15 jours. Le greffe lui a à nouveau écrit en février 2010 et en juin 2010 pour lui faire savoir qu’il attendait toujours ses documents et que, s’il ne recevait rien dans les 15 jours suivants, il ne prendrait aucune autre mesure. [17] Il ne semble pas que le greffe ait reçu quoi que ce soit d’autre de M. Hill jusqu’à ce que la présente demande soit déposée le 16 décembre 2011. [18] Cependant, M. Hill a témoigné qu’en février 2010, il avait fait poster à la Cour de l’impôt par une amie un avis d’appel qu’il avait préparé. Il a également produit une déclaration signée sous serment par Sandra Tulshi, dans lequel cette dernière affirme avoir posté certains documents à la Cour de l’impôt pour M. Hill. Mme Tulshi n’a pas été appelée à témoigner à l’audience et M. Hill n’avait pas en sa possession un double des documents qui auraient été postés à la Cour. [19] Monsieur Hill a aussi déclaré qu’il avait appelé à la Cour de l’impôt, peut‑être en juin 2010, et que le greffe l’avait informé qu’il n’avait rien reçu de sa part. Dans la demande en cause, M. Hill a écrit qu’il n’avait pas donné suite parce qu’il était alors en négociation avec divers services de l’ARC dans l’espoir de régler l’affaire sans recourir aux tribunaux. [20] Le 10 juin 2010, il a adressé au ministre du Revenu national une lettre dans laquelle il soulevait la question de la contrainte et demandait au ministre d’intervenir. Le 16 août 2010, le ministre a répondu à M. Hill que ce denier avait renoncé à son droit d’interjeter appel des nouvelles cotisations et que l’affaire ne serait pas examinée à nouveau. [21] En août 2010, M. Hill a produit auprès de l’ARC des déclarations de revenus modifiées relativement à ses années d’imposition 2001, 2003 et 2004, déclarations par lesquelles il demandait que des ajustements soient apportés à certains éléments n’ayant aucun lien avec les questions réglées dans l’entente de règlement de mars 2009. Selon un affidavit fait par un fonctionnaire de l’ARC, les déclarations modifiées ont été considérées comme une demande fondée sur le paragraphe 152(4.2) de la LIR parce que la période normale de nouvelle cotisation pour ces déclarations avait expirée. Le paragraphe 152(4.2) confère au ministre, lorsque le contribuable demande un ajustement, le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation à l’égard d’une année d’imposition pour laquelle la période de nouvelle cotisation a pris fin. Les droits d’opposition et d’appel visant ce genre de nouvelles cotisations sont abolis par les paragraphes 165(1.2) et 169(2.2) de la LIR. Le paragraphe 152(4.2) est ainsi libellé : 152(4.2) Nouvelle cotisation et nouvelle détermination – Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable – particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire – pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois : a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie; b) déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année. [22] Le 5 octobre 2010, le ministre a accordé certains des ajustements demandés par M. Hill et il a envoyé des avis de nouvelle cotisation relativement à ces années conformément au paragraphe 152(4.2). [23] Le 30 novembre 2010, M. Hill a demandé d’autres ajustements pour les années d’imposition 2001, 2003 et 2004, cette fois à l’égard d’éléments qui étaient visés par l’entente de règlement. Le ministre a traité la demande comme s’il s’agissait d’une demande d’examen administratif de la décision du 5 octobre 2010 d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de ces années et il a refusé les ajustements le 8 août 2011. [24] Monsieur Hill a à nouveau écrit à l’ARC le 14 septembre 2011 afin, semble‑t‑il, de réitérer sa demande du 30 novembre 2010. L’ARC a refusé cette demande par une lettre datée du 27 octobre 2011. [25] Le 16 décembre 2011, M. Hill a déposé la demande en cause auprès de la Cour. Question en litige [26] Il s’agit en l’espèce de décider si la renonciation du 9 mars 2009 signée par M. Hill l’empêche d’interjeter appel relativement aux questions exposées dans la renonciation. M. Hill soutient qu’il a signé la renonciation sous la contrainte et qu’il devrait pouvoir contester toutes les sommes visées par les nouvelles cotisations établies relativement aux années en cause. Analyse [27] Il est clairement établi en droit qu’une partie peut répudier un contrat par ailleurs valide si elle y a consenti sous la contrainte. Dans son ouvrage intitulé The Law of Contract in Canada (5e éd. 2006), à la page 308, l’auteur G.H.L. Fridman s’exprime en ces termes : [traduction] L’idée essentielle qui sous‑tend un argument fondé sur la contrainte tient au fait qu’une personne a exercé sur une autre une pression indue ou illégitime afin que cette dernière agisse malgré elle à l’encontre de ses propres intérêts. [28] Il m’incombe de décider en l’espèce si l’agent des appels de l’ARC a exercé une pression indue ou illégitime sur M. Hill pour qu’il signe la renonciation. Il s’agit d’une question de fait. [29] La preuve révèle que M. Hill a eu connaissance de l’offre de règlement par un courriel envoyé par M. De Micco le mercredi 4 mars 2009. Dans ce courriel, M. De Micco écrit que l’agent des appels de l’ARC impose la condition suivante : [traduction] « Pour que cette nouvelle offre [de règlement] soit acceptée, M. Tammer demande qu’elle soit signée au plus tard vendredi de cette semaine ». M. Hill a affirmé qu’on lui avait dit que, s’il refusait l’offre, le dossier serait classé sans aucun ajustement et qu’il devrait payer l’impôt pour le revenu d’un million de dollars, conformément aux nouvelles cotisations. [30] À mon avis, les actes de l’agent des appels de l’ARC, tels qu’ils sont décrits par M. Hill, ne constituent pas une pression indue ou illégitime. Il me semble que les conditions prévues par l’offre de règlement ne pouvaient constituer une surprise totale pour M. Hill. Selon le courriel que M. De Micco a envoyé à ce dernier le 4 mars 2009, le règlement proposé reflétait en grande partie ce que M. De Micco avait proposé au nom de M. Hill. La partie pertinente du courriel de M. De Micco est ainsi rédigée : [traduction] J’ai de bonnes nouvelles pour vous. M. Ron Tammer [le vérificateur de l’ARC] a finalement capitulé et il a accepté la plupart des modifications que nous demandions dans notre dernière lettre d’observations, soit celle de février 2009. [Non souligné dans l’original.] [31] Dans ce contexte, comme il ressort des courriels de M. De Micco, le court délai fixé pour répondre à l’offre ne paraît pas déraisonnable. De plus, le délai n’était apparemment pas très ferme, car M. Hill n’a signé et retourné la renonciation à M. De Micco que le mercredi de la semaine suivante, soit le 11 mars 2009. Je remarque également que M. Hill n’a pas tenté d’obtenir une prorogation de ce délai. [32] Compte tenu de l’ensemble de la situation, je ne suis pas convaincu que la renonciation a été obtenue par suite d’une quelconque pression indue ou illégitime qu’aurait exercée le vérificateur de l’ARC sur M. Hill. L’imposition d’un court délai pour l’acceptation d’une offre de règlement et la condition voulant que l’offre soit [traduction] « à prendre ou à laisser » ne peuvent être assimilées au genre de pression ou de menace susceptible de permettre à M. Hill de considérer l’entente comme nulle. [33] Cette conclusion est compatible avec la jurisprudence relative à des affaires où des contribuables ont allégué que les renonciations consenties en faveur de l’ARC l’avaient été sous la contrainte. [34] Dans l’arrêt Smerchanski c. Ministre du Revenu national, [1977] 2 R.C.S. 23, la Cour suprême du Canada a estimé que la renonciation obtenue d’un contribuable sous la menace de poursuites pour fraude fiscale était exécutoire parce que le ministère du Revenu national avait de bonnes raisons d’intenter des poursuites, fait dont avait convenu le contribuable. La Cour suprême a donc conclu que la menace de poursuites dans cette affaire n’était pas indue ou illégitime. [35] Dans la décision Anthony c. La Reine, 2007 CCI 606, la Cour est arrivée à la conclusion que la pression, exercée sur un contribuable pour qu’il signe une renonciation, par un vérificateur qui voulait [traduction] « classer le dossier » ne constituait pas une preuve suffisante de contrainte. [36] En outre, l’affirmation de l’agent des appels selon laquelle M. Hill serait tenu de payer toutes les sommes fixées dans les nouvelles cotisations s’il n’acceptait pas le règlement ne me semble pas être une « menace ». Il s’agissait simplement d’un constat des conséquences juridiques qui découleraient de l’établissement des nouvelles cotisations en l’absence d’un règlement. Il importe également de signaler qu’en cas de refus de l’offre, M. Hill aurait toujours eu le droit d’interjeter appel des nouvelles cotisations à la Cour canadienne de l’impôt. [37] Même si j’avais conclu que la renonciation en l’espèce avait été obtenue au moyen de la contrainte, je conviens avec l’avocat de l’intimée que M. Hill, par sa conduite postérieure à la signature de la renonciation, a ratifié l’entente de règlement. Comme un contrat conclu sous la contrainte est susceptible d’annulation plutôt que frappé de nullité absolue[2], il subsistera toujours une entente exécutoire si le contrat est ratifié une fois que la présumée contrainte a pris fin[3]. [38] Dans la présente affaire, M. Hill n’a pas réussi à montrer qu’il a pris, dès que M. De Micco a envoyé l’entente signée, de quelconques mesures pour aviser ce dernier ou le vérificateur de l’ARC qu’il n’était pas d’accord avec l’entente de règlement. En fait, dans sa réponse au courriel de M. De Micco l’informant que l’entente avait été envoyée à l’ARC sans mention relative à la contrainte, M. Hill n’a même pas soulevé ce point ni manifesté le moindre désaccord avec ce que M. De Micco avait fait. [39] Aucun élément de preuve en l’espèce ne permet de conclure que M. Hill a demandé à M. De Micco de retirer l’acceptation. Je note aussi que l’avis d’appel envoyé à la Cour par M. Hill en octobre 2009 ne faisait nullement état de la renonciation ou de la question de la contrainte. Par conséquent, M. Hill n’a pas établi qu’il a pris des mesures dès que possible après la cessation de la présumée contrainte pour faire annuler l’entente de règlement et la renonciation. [40] Pour ces motifs, je conclus qu’il n’est pas loisible à M. Hill d’agir maintenant comme si le règlement et la renonciation étaient nuls. Comme le paragraphe 169(2.2) de la LIR l’empêche d’interjeter appel des nouvelles cotisations établies relativement à ses années d’imposition 2000, 2001, 2003 et 2004, la demande de prorogation du délai pour interjeter appel de ces nouvelles cotisations doit être rejetée. [41] Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande présentée à l’égard des années d’imposition 2005 et 2006 est également rejetée, et M. Hill peut déposer auprès de la Cour un avis d’appel concernant les nouvelles cotisations relatives à ces années ainsi que les frais de dépôt applicables. Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2012. « B. Paris » Juge Paris Traduction certifiée conforme ce 19e jour de septembre 2012. Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 202 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-3973(IT)APP INTITULÉ : Sedwick Hill c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 mars 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge B. Paris DATE DU JUGEMENT : Le 7 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimée : Me Tony Cheung AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Même si l’heure figurant sur le courriel du 9 mars 2009 que M. Hill a adressé à M. De Micco précède le moment où M. De Micco a envoyé son courriel à M. Hill ce jour‑là, il est évident que ce dernier répondait au courriel de M. De Micco. Il ressort de l’examen de chacun des courriels antérieurs produits sous la cote A‑2 que l’heure figurant sur les réponses envoyées par courriel par M. Hill précède toujours celle des courriels de M. De Micco auxquels il répond. J’en déduis donc que, pour une raison ou pour une autre, le système de télécopie ou l’horloge de l’ordinateur de M. Hill ne montre pas l’heure exacte. [2] Voir Byle v. Byle, [1990] 65 D.L.R. (4th) 641, à la p. 649 (C.A. C.-B.). [3] Chitty on Contracts, 30e éd., 2008, aux p. 621 et 622.
2012 CCI 203
TCC
2,012
B2C Intelligence Group Inc. c. M.R.N.
fr
2012-06-08
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30835/index.do
2022-09-04
B2C Intelligence Group Inc. c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-08 Référence neutre 2012 CCI 203 Numéro de dossier 2010-3554(CPP) Juges et Officiers taxateurs Patrick J. Boyle Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossier : 2010-3554(CPP) ENTRE : B2C INTELLIGENCE GROUP INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 24 avril 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Patrick Boyle Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Gil Gagea Avocat de l’intimé : Me Christopher M. Bartlett ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté en vertu du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada est rejeté, et la décision rendue par le ministre du Revenu national le 19 août 2010 est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de juin 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 28e jour d’août 2012. S. Tasset Référence : 2012 CCI 203 Date : 20120608 Dossier : 2010-3554(CPP) ENTRE : B2C INTELLIGENCE GROUP INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Boyle [1] B2C Intelligence Group Inc. (B2C) interjette appel à l’encontre d’évaluations établies en vertu du Régime de pensions du Canada (le RPC) à l’égard de deux de ses employés pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. [2] B2C est une société canadienne dont les seuls actionnaires sont les deux employés en question, M. Khalid Toma et son épouse, Mme Hedeel Salman. B2C exerçait ses activités depuis le domicile du couple à Mississauga. M. Toma et son épouse sont résidents canadiens. [3] B2C est un acronyme pour « Business to Commerce ». C’est une société de conseils en technologie exploitée à l’échelle mondiale. Nombre de ses clients se trouvent au Royaume-Uni et en Europe. Pour fournir ces services, B2C dispose, outre les connaissances spécialisées de M. Toma, d’un accès, en Inde, en Ukraine et en Russie, à un bassin de professionnels très talentueux dans les domaines de l’informatique et des technologies de l’information, qui sont disposés à travailler à ses contrats en tant que sous-traitants. B2C recourt régulièrement à des non-Canadiens pour l’exécution de ses contrats étrangers. Le travail fait par Mme Salman pour B2C consiste à s’occuper de la commercialisation et à s’assurer que les demandes de propositions sont reçues et que les propositions sont dûment soumises et présentées. Son travail pour B2C l’oblige aussi à s’absenter régulièrement du Canada. [4] Deux contrats conclus entre B2C et une société du Royaume-Uni ont été déposés en preuve. L’autre partie au contrat, la société du Royaume-Uni, sous-traitait à B2C ses engagements envers des entreprises britanniques sans lien de dépendance, à savoir Vodafone UK et Cooperative Financial Services Bank. La preuve révèle qu’il s’agissait là de contrats représentatifs de la manière dont B2C mène ses activités, du moins ses activités commerciales à l’étranger. Il ressort clairement de ces contrats que B2C s’engage à fournir des services professionnels à ses clients et aux clients de ceux‑ci. Les contrats précisent quel employé de B2C fournira les services à moins d’entente contraire (dans les deux cas, l’employé était M. Toma), mais il est tout à fait clair, à la lecture des contrats, que B2C s’engageait à fournir les services demandés en recourant à ses professionnels et ne s’engageait pas à affecter son personnel, ses employés ou ses sous-traitants à l’exercice d’une fonction pour ses clients, ou pour les clients de ses clients, comme le ferait une agence de placement. [5] Un emploi ouvrant droit à pension est défini, à l’alinéa 6(1)a) du RPC, comme un emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté. [6] L’alinéa 6(2)k) du RPC prévoit qu’un emploi excepté comprend tout emploi qui est excepté de l’emploi ouvrant droit à pension selon un règlement pris en vertu de l’article 7. L’alinéa 7(1)a) du RPC prévoit que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements en vue d’assimiler à un emploi ouvrant droit à pension « tout emploi à l’étranger ou en partie à l’étranger, qui serait un emploi ouvrant droit à pension s’il était exercé au Canada ». [7] La partie III du Règlement sur le RPC est intitulée « Emploi inclus dans un emploi ouvrant droit à pension ou excepté d’un tel emploi, par règlement ». L’article 16 du Règlement concerne l’emploi hors du Canada. L’alinéa 16(1)b) prévoit explicitement que « [l]’emploi ouvrant droit à pension comprend l’emploi hors du Canada […] qui ouvrirait droit à pension s’il était exercé au Canada, si l’employé qui l’occupe est un résident du Canada et s’il reçoit son salaire à un établissement de son employeur situé au Canada ou dudit établissement ». [8] L’appelante soutient que l’emploi de M. Toma et de Mme Salman auprès de B2C était un emploi hors du Canada. Il ne m’apparaît pas tout à fait évident que les deux employés étaient employés hors du Canada du seul fait qu’une partie des services fournis à leur employeur canadien les amenait à voyager pour s’occuper de clients étrangers et pour rencontrer des clients éventuels. Cependant, même si leur emploi était un emploi hors du Canada, il est manifeste, et il n’est pas contesté par l’appelante, que : 1) l’emploi de M. Toma et celui de Mme Salman seraient des emplois ouvrant droit à pension si tous les clients et clients éventuels de B2C étaient au Canada; 2) M. Toma et Mme Salman sont tous deux résidents du Canada; 3) chacun de ces deux employés recevait son salaire à un établissement de B2C situé au Canada ou dudit établissement. Il est donc manifeste que, même si l’emploi constitue un emploi hors du Canada parce que certains des services fournis par les employés à leur employeur B2C étaient fournis hors du Canada, l’emploi est néanmoins réputé être un emploi ouvrant droit à pension en vertu de l’alinéa 16(1)b) du Règlement. [9] Cette conclusion s’accorde avec un jugement du juge Hershfield, de la Cour canadienne de l'impôt, DatEx Semiconductor Incorporated c. M.R.N.[1], où la Cour a examiné l’alinéa 16(1)b) du Règlement et, plus précisément, la définition de l’expression « établissement situé au Canada » et le sens des mots « reçoit son salaire à un établissement de son employeur au Canada ou dudit établissement ». [10] L’appelante soutient que, même si l’alinéa 16(1)b) du Règlement considère cet emploi comme un emploi ouvrant droit à pension, cet emploi n’est pas un emploi ouvrant droit à pension, à cause de l’article 34 du Règlement, qui traite de personnes placées par une agence de placement. Cet argument est erroné en droit, et cela, pour deux raisons. [11] D’abord, l’article 34 énonce une règle qui considère les agences de placement comme les employeurs des personnes qu’elles placent. Cette disposition ne fait pas d’un emploi ouvrant droit à pension un emploi n’ouvrant pas droit à pension. [12] Deuxièmement, il est clair que B2C n’est pas une « agence de placement » selon la définition donnée au paragraphe 34(2) du Règlement. La preuve ne permet pas de considérer B2C comme une entité « s’occupant de placer des personnes dans des emplois, de fournir les services de personnes ou de trouver des emplois pour des personnes moyennant des honoraires, récompenses ou autres formes de rémunération ». Il ressort clairement des contrats représentatifs déposés en preuve que B2C s’engage envers ses clients à fournir ses services de consultation professionnelle par l’intermédiaire de personnes nommément désignées travaillant pour elle. [13] L’appelante a accordé une importance considérable à la section relative aux agences de placement, dans la publication intitulée « À propos du Régime de pensions du Canada et de l’assurance-emploi », une publication de la Division des décisions concernant le RPC et l’A-E de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Il ressort clairement de la section « Définition » de cette publication que le document ne s’intéresse qu’aux entités qui sont des agences de placement au sens du paragraphe 34(2) susmentionné du Règlement. Puisque B2C n’est pas une telle entité, cette publication de l’ARC n’est pas elle non plus une considération pertinente. [14] Dans un arrêt de la Cour d'appel fédérale, OLTCPI Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national)[2], la cour a examiné le sens de l’expression « agence de placement » dans le Règlement sur le RPC. Elle considérait la difficulté que représente le fait de s’assurer que les dispositions relatives aux agences de placement ne s’appliquent pas à des personnes, comme les sous-traitants, qui fournissent des services obligeant les travailleurs à se présenter chez leur client pour exécuter leurs fonctions, parfois sous la direction de ce client. Elle a souligné que la question qui se pose à cet égard est celle de savoir si la personne concernée ne fait que fournir du personnel ou si elle le fait à l’occasion de la fourniture d’un service distinct. La Cour a cité en l’approuvant un jugement de la Cour canadienne de l'impôt, Supreme Tractor Services Ltd. c. M.R.N.[3] Le juge de la Cour de l’impôt s’y exprimait ainsi : 13 Je considère qu’il s’agit surtout de savoir non pas qui est le bénéficiaire ultime du travail ou des services fournis, ce qui couvrirait toutes les situations de sous-traitance possibles, mais plutôt qui a l’obligation de fournir le service. Si la prétendue agence de placement a l’obligation d’assurer un service en plus de la fourniture de personnel, c’est une entité qui fournit ce service plutôt que de placer des gens et qui n’est pas visée par les Règlements. [15] Compte tenu de l’article 34 du Règlement sur le RPC, et de la manière dont cet article a été interprété dans les décisions OLTCPI et Supreme Tractor, il ressort ce qui suit : au vu de la preuve qui m’a été soumise concernant les activités et les contrats de B2C, B2C s’engage à fournir à ses clients un service qui n’est pas un service de placement de personnes, et le placement de ses travailleurs chez ses clients ultimes ne constitue pas une simple fourniture de personnel, mais une fonction exercée par B2C à l’occasion de la fourniture d’un service distinct. [16] Il n’importe pas que B2C ait pu exercer ses activités en tant qu’agence de placement si elle avait été réorganisée et si ses clients avaient consenti à ce que la relation soit ainsi modifiée. [17] L’appel est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de juin 2012. « Patrick Boyle » Juge Boyle Traduction certifiée conforme ce 28e jour d’août 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012 CCI 203 No DE DOSSIER DE LA COUR : 2010‑3554(CPP) INTITULÉ : B2C INTELLIGENCE GROUP INC. ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Patrick Boyle DATE DU JUGEMENT : Le 8 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Gil Gagea Avocat de l’intimé : Me Christopher M. Bartlett AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2007 CCI 189, [2007] A.C.I. n° 128 (QL). [2] 2010 CAF 74, [2010] A.C.F. n° 379 (QL) [OLTCPI]. [3] 2001 CanLII 748, 2000-4909-CPP [Supreme Tractor].
2012 CCI 204
TCC
2,012
Brosamler (Succession) c. La Reine
fr
2012-06-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30841/index.do
2022-09-04
Brosamler (Succession) c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-12 Référence neutre 2012 CCI 204 Numéro de dossier 2011-3192(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011‑3192(IT)I ENTRE : SUCCESSION DU DÉFUNT GUNNAR BROSAMLER, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 2 mai 2012 à Vancouver (Colombie‑Britannique) Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Avocate de l’appelante : Me Elizabeth Junkin Avocate de l’intimée : Me Holly Popenia ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel visant la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, dans le calcul de l’obligation fiscale du défunt Gunnar Brosamler au titre de la Loi pour sa dernière année d’imposition, qui s’est terminée le 8 avril 2008, il y a lieu de soustraire de l’impôt payable le moindre des deux montants suivants : a) celui qui serait soustrait du montant d’impôt sur le revenu payable au titre de la Loi pour cette année-là si la somme de 94 038 $ venait s’ajouter aux pertes en capital réalisées par la succession du défunt Gunnar Brosamler dans l’année s’achevant le 8 avril 2009, lesquelles, aux termes de l’alinéa 164(6)c) de la Loi, sont réputées être des pertes en capital du défunt Gunnar Brosamler résultant de la disposition d’immobilisations par celui-ci durant sa dernière année d’imposition, qui s’est achevée le 8 avril 2008; b) 12 000 $. L’intimée doit verser à l’appelante les dépens, dont le montant est fixé à 1 200 $. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 9e jour d’août 2012 Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012CCI204 Date : 20120612 Dossier : 2011‑3192(IT)I ENTRE : SUCCESSION DU DÉFUNT GUNNAR BROSAMLER, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] Cet appel concerne deux contribuables, à savoir le défunt Gunnar Brosamler (qui est représenté par l’exécutrice testamentaire de la succession du défunt Gunnar Brosamler) et la succession du défunt Gunnar Brosamler (qui est représentée par la même exécutrice testamentaire). Par souci de commodité, le défunt Gunnar Brosamler sera ci‑après appelé « M. Brosamler » et sa succession sera ci‑après appelée la « succession ». Cet appel a été interjeté selon la procédure informelle, et l’avocate de l’appelante a confirmé que sa cliente avait décidé de limiter l’appel à 12 000 $ du montant d’impôt visé par la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « Loi »). [2] M. Brosamler est décédé le 8 avril 2008 en Allemagne, pays dont il était alors résident. Il possédait, au moment de son décès, trois immeubles à usage locatif à Vancouver (Colombie-Britannique), qu’il avait acquis plusieurs années auparavant. Le montant des gains en capital réalisés par M. Brosamler du fait de la disposition réputée de ces immeubles aux termes du paragraphe 70(5) de la Loi n’est pas contesté; ces gains en capital sont les suivants : Immeuble sur West 3rd Immeuble sur West 16th Immeuble sur Allison Produit de disposition (juste valeur marchande en date du 8 avril 2008) 2 950 000 $ 1 500 000 $ 2 300 000 $ Prix de base rajusté 53 000 $ 172 500 $ 145 200 $ Gain en capital 2 897 000 $ 1 327 500 $ 2 154 800 $ Total 6 379 300 $ [3] Linda Leonard est la seule exécutrice testamentaire et la seule bénéficiaire aux termes du testament de M. Brosamler. Compte tenu des gains en capital très importants résultant de la disposition réputée des immeubles aux termes de la Loi ainsi que du substantiel impôt sur les successions payable en Allemagne, Mme Leonard a estimé qu’elle devait générer environ trois millions de dollars et qu’il lui fallait donc vendre au moins deux des immeubles. Les immeubles sur West 3rd et West 16th ont été vendus dans l’année qui a suivi le décès de M. Brosamler, ce qui a entraîné dans chaque cas une perte en capital. Lorsque le choix dont il est question à l’alinéa 164(6)c) de la Loi a été fait, les pertes en capital réalisées par la succession ont été réputées représenter des pertes en capital de M. Brosamler résultant de la disposition d’immobilisations au cours de sa dernière année d’imposition, qui s’est achevée le 8 avril 2008. En l’espèce, c’est le montant des pertes en capital qui est en litige. [4] Le testament de M. Brosamler a été homologué en Allemagne. Les deux parties ont convenu que la succession ne serait en mesure de vendre les immeubles à un tiers que si l’acte formaliste de transfert de M. Brosamler à la succession était enregistré conformément à la Land Title Act (Colombie‑Britannique), c’est-à-dire si le sceau était réapposé sur les lettres d’homologation en Colombie‑Britannique. Des frais d’homologation au titre de la Probate Fee Act (Colombie‑Britannique) et des frais juridiques ont été engagés pour obtenir des lettres d’homologation auxiliaires en Colombie‑Britannique. [5] La succession a ajouté une partie des frais susmentionnés au prix de base rajusté des immeubles (ce qui a eu pour effet d’augmenter le montant des pertes en capital de la succession réalisées à la disposition des immeubles, pertes qui, comme il a été noté précédemment, sont réputées être des pertes en capital réalisées par M. Brosamler au cours de sa dernière année d’imposition). L’Agence du revenu du Canada a soustrait du prix de base rajusté des immeubles le montant ajouté relativement à ces frais juridiques et d’homologation. La question à trancher dans le cadre du présent appel est de savoir si une partie desdits frais peut être ajoutée au prix de base rajusté des immeubles vendus ou, subsidiairement, si elle peut être déduite en tant que dépense liée à la disposition des immeubles. [6] La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Her Majesty the Queen v. Stirling, [1985] 1 C.T.C. 275, 85 DTC 5199 : [...] Sauf erreur, le mot « coût » qu’on trouve dans ces articles signifie le prix que le contribuable a accepté de payer pour obtenir le bien en question; il ne comprend pas les dépenses que le contribuable a pu engager pour être en mesure de payer ce prix ou de conserver le bien par la suite. Les dispositions citées précédemment se rapportent au calcul d’un gain en capital. [7] L’avocate de l’intimée a fait valoir que, comme la succession avait acquis un intérêt dans les immeubles aux termes de la Estate Administration Act (Colombie‑Britannique), les lettres d’homologation auxiliaires n’étaient pas nécessaires pour l’acquisition de cet intérêt. Le paragraphe 77(1) de la Estate Administration Act (Colombie‑Britannique) prévoit : [traduction] 77(1) Malgré une disposition testamentaire, si des biens immobiliers sont dévolus à une personne sans que quiconque ne puisse se prévaloir d’un droit de survie, au décès de la personne en question, ces biens seront dévolus à ses représentants personnels comme s’il s’agissait d’un chatel réel leur étant dévolu. [8] Il semblerait aussi, compte tenu de la décision rendue par la Cour d’appel de Colombie‑Britannique dans Forrest v. Howe, [1952] 1 D.L.R. 717 (C.A.C.-B.), que la succession peut avoir acquis un intérêt dans l’immeuble sans que l’acte formaliste de transfert à la succession n’ait été enregistré. Dans cette affaire, la Cour d’appel de Colombie‑Britannique a déclaré ce qui suit : [traduction] 13 Mais l’avocat du défendeur, s’appuyant sur l’article 35 de la Land Registry Act, R.S.B.C. 1948, e. 171, fait valoir que l’acte formaliste de transfert non enregistré que détient le demandeur ne permet pas de lui transmettre le moindre bien, que ce soit en common law ou en equity. Cependant, j’estime que les précédents établissent clairement qu’un document exécuté par quiconque détient un intérêt ou un titre enregistré dans des biens-fonds, et qui vise à transférer ce titre ou cet intérêt à une autre personne, confère au titulaire des lettres ou au destinataire du transfert un titre ou un intérêt en equity dans les biens-fonds, même si celui‑ci n’est pas enregistré. Par ailleurs, les dispositions de l’article 35 de la Land Registry Act n’empêchent pas l’exécution de droits conférés par un document non enregistré : vide L. & C. Lumber Co. v. Lundgren, [1942] 4 D.L.R. 637, 58 B.C.R. 270; Davidson v. Davidson, [1946], 2 D.L.R. 289, R.C.S. 115; Greveling v. Greveling, [1950] 2 D.L.R. 308. [9] Cependant, l’intérêt dans les immeubles vendu par la succession (et qui a entraîné les pertes en capital aux termes de la Loi) ne correspondait pas à l’intérêt que la succession a acquis aux termes du paragraphe 77(1) de la Estate Administration Act (Colombie‑Britannique), pas plus qu’à l’intérêt qu’elle a pu acquérir par l’effet d’un acte formaliste de transfert non enregistré. L’intérêt vendu par la succession visait les immeubles et pouvait être enregistré au titre de la Land Title Act par les acheteurs; pour l’acquérir, la succession a dû engager des frais juridiques et d’homologation. Ce titre, qui pouvait être transféré aux acheteurs et enregistré par ces derniers en vertu de la Land Title Act, ne pouvait être acquis par la succession que si le sceau était réapposé sur les lettres d’homologation en Colombie‑Britannique et que les frais d’homologation indiqués étaient acquittés, conformément aux exigences de cette loi. Une partie des frais juridiques et d’homologation ont donc été engagés pour acquérir le titre à l’égard des immeubles vendus (ce qui a entraîné les pertes en capital réalisées par la succession aux termes de la Loi), et peuvent ainsi être ajoutés au prix de base rajusté des immeubles comme coût de l’intérêt dans les immeubles acquis par la succession. [10] Par ailleurs, il paraît évident que, si le montant des frais juridiques et d’homologation ne se rajoute pas au prix de base rajusté des immeubles, il s’agit alors de dépenses liées à la disposition des immeubles. Ces sommes seraient donc déductibles dans le calcul des pertes en capital réalisées par la succession à la disposition de ces immeubles. Que le montant approprié soit inclus dans le calcul du prix de base rajusté des immeubles ou déduit comme dépense liée à leur disposition, le montant des pertes en capital réalisées par la succession (réputées être des pertes en capital de M. Brosamler) sera identique. [11] Les frais d’homologation de 101 172 $ reposaient sur la valeur des actifs de M. Brosamler en Colombie‑Britannique. Il me semble que la partie des frais d’homologation pouvant être ajoutée au prix de base rajusté des immeubles vendus devrait être proportionnelle à la valeur de ces immeubles utilisée aux fins d’homologation par rapport à la valeur de l’ensemble des actifs de M. Brosamler en Colombie‑Britannique utilisée aux fins d’homologation. Les frais juridiques de 59 029 $ devraient être attribués au prix de base rajusté des immeubles dans les mêmes proportions. La valeur totale de l’ensemble des actifs en Colombie‑Britannique ayant été utilisée pour l’homologation est de 7 250 373 $. Par conséquent, le montant qui devrait être ajouté au prix de base rajusté des immeubles vendus est le suivant : Immeuble sur West 3rd Immeuble sur West 16th Valeur pour le calcul des frais d’homologation : 2 836 100 $ 1 421 100 $ Pourcentage de l’actif total en C.‑B. : 39,1 % 19,6 % Frais d’homologation attribués au coût : 39 558 $ 19 830 $ Frais juridiques attribués au coût : 23 080 $ 11 570 $ Montant total ajouté au coût : 62 638 $ 31 400 $ [12] Par conséquent, le montant total ajouté au prix de base rajusté (qui correspond au coût de l’immeuble rajusté conformément aux dispositions de la Loi) des deux immeubles vendus est de 94 038 $ (62 638 $ + 31 400 $), et ce montant doit donc s’ajouter au total des pertes en capital réalisées par la succession, mais réputées avoir été réalisées par M. Brosamler au cours de sa dernière année d’imposition. [13] Par conséquent, l’appel visant la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, dans le calcul de l’obligation fiscale de M. Brosamler au titre de la Loi pour sa dernière année d’imposition, qui s’est terminée le 8 avril 2008, il y a lieu de soustraire de l’impôt payable le moindre des deux montants suivants : a) celui qui serait soustrait du montant d’impôt sur le revenu payable au titre de la Loi pour cette année-là si la somme de 94 038 $ venait s’ajouter aux pertes en capital réalisées par la succession dans l’année s’achevant le 8 avril 2009, lesquelles, aux termes de l’alinéa 164(6)c) de la Loi sont réputées être des pertes en capital de M. Brosamler résultant de la disposition d’immobilisations par celui-ci durant sa dernière année d’imposition, qui s’est achevée le 8 avril 2008; b) 12 000 $. L’intimée doit verser à l’appelante les dépens, dont le montant est fixé à 1 200 $. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 9e jour d’août 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012CCI204 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011‑3192(IT)I INTITULÉ : SUCCESSION DU DÉFUNT GUNNAR BROSAMLER ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 12 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocate de l’appelante : Me Elizabeth Junkin Avocate de l’intimée : Me Holly Popenia AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Elizabeth Junkin Cabinet : Junkin Law Office Vancouver-Nord (Colombie‑Britannique) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Canada) [1] Aucune pénalité n’avait été imposée en l’espèce.
2012 CCI 205
TCC
2,012
Chendrean c. La Reine
fr
2012-06-08
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30833/index.do
2022-09-04
Chendrean c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-08 Référence neutre 2012 CCI 205 Numéro de dossier 2011-2697(IT)I Juges et Officiers taxateurs François M. Angers Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-2697(IT)I ENTRE: RADU MICHAEL CHENDREAN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 1er avril 2012 à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge François Angers Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocat de l’intimée : Me Stephen Oakey ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2008 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 18e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. Référence : 2012 CCI 205 Date : 20120608 Dossier : 2011-2697(IT)I ENTRE : RADU MICHAEL CHENDREAN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Angers [1] Il s’agit d’un appel interjeté par Radu Michael Chendrean à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2008. La question porte sur une pénalité que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a imposée à l’appelant en application du paragraphe 163(1) de la Loi pour omission de déclarer des revenus pour plus d’une année d’imposition. Une pénalité semblable a également été imposée à l’appelant en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi de l’Ontario, mais la Cour n’a pas le pouvoir d’accorder le redressement demandé par l’appelant à l’égard d’une pénalité imposée par des autorités provinciales. [2] Le paragraphe 163(1) de la Loi impose une pénalité à un contribuable qui omet à plusieurs reprises de déclarer des revenus. Il est ainsi libellé : Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant. [3] La pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi en est une de responsabilité stricte. Selon cette disposition, c’est le ministre qui a la charge d’établir les faits justifiant l’imposition de la pénalité. Une fois que le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve, il revient au contribuable de démontrer qu’il a fait preuve de « diligence raisonnable » pour déclarer son revenu afin d’éviter la pénalité. [4] Le juge Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, a expliqué le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable dans l’arrêt Les Résidences Majeau Inc. c. Canada, 2010 CAF 28. Voici la teneur de ses observations : 8 Selon l’arrêt Corporation de l’école polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, un défendeur bénéficie de la défense de diligence raisonnable s’il établit l’une ou l’autre des deux choses suivantes : soit qu’il a commis une erreur de fait raisonnable, soit qu’il a pris des précautions raisonnables pour empêcher que ne se produise l’évènement qui donne naissance à la pénalité. 9 L’erreur de fait raisonnable emporte un double test : subjectif et objectif. Le test subjectif est satisfait si le défendeur établit qu’il s’est mépris en ce qu’il a cru en une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son geste ou de son omission. En outre, pour que cet aspect de la défense opère, il faut aussi que l’erreur soit raisonnable, i.e.une erreur qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait commise. Il s’agit là du test objectif. 10 Le deuxième volet de la défense requiert, tel que déjà mentionné, que des gestes soient posés ou des mesures prises pour éviter l’événement qui engendre la pénalité. [5] Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2008, l’appelant a inclus un revenu d’emploi de 20 925,10 $ provenant de la société Rogers Communications Inc. (« Rogers ») selon un seul feuillet de renseignements T4. L’appelant a omis de déclarer le montant de 13 817 $ figurant sur un deuxième feuillet de renseignement T4 délivré par Rogers. Le ministre a plus tard établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour inclure dans son revenu le montant non déclaré et la pénalité imposée de 1 381,60 $. [6] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a omis d’inclure dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2006 un revenu d’emploi de 11 055 $. Durant cette année‑là, l’appelant a travaillé pour la société Compucom Canada Co. (« Compucom »), mais il avait été rémunéré pour une bonne partie de l’année par une agence de placement connue sous le nom de B Wyze (Toronto) Inc. (« B. Wyze »). Il a bel et bien reçu un revenu d’emploi de 1 276 $ de Compucom et un revenu d’emploi de 12 732 $ et de 11 056 $ de B. Wyze. L’appelant n’a pas inclus le montant de 11 056 $ dans sa déclaration de revenus pour 2006. Le revenu total de l’appelant pour l’année était de 25 964 $ dont 44 % n’ont donc pas été déclarés. [7] L’appelant s’est établi au Canada en novembre 2005 en provenance de la Roumanie, et il ne connaissait pas très bien le système d’imposition canadien. Il admet qu’il n’a pas pris le temps de se renseigner sur le système d’imposition du Canada. Outre son travail à temps plein, l’appelant était étudiant à temps partiel et à temps plein, et il a déclaré que, en 2006, il ne faisait que survivre. Il ne lui restait pas grand-chose de l’argent qu’il gagnait et il n’avait pas surveillé son compte bancaire. Il avait remis les documents concernant la déclaration de revenus à sa mère, qui les avait confiés à une autre personne pour l’établissement de la déclaration de revenus. L’appelant avait signé la déclaration de revenus sans l’examiner. Il a reconnu qu’une nouvelle cotisation avait plus tard été établie à son égard pour l’année d’imposition 2006, mais qu’il ne se rappelle pas avoir lu l’avis de nouvelle cotisation. [8] En 2008, l’appelant travaillait chez Rogers d’abord à temps partiel, et ensuite à temps plein; toutefois, dans les deux cas, il travaillait en moyenne 40 heures par semaine et recevait une rémunération moyenne nette d’environ 1 000 $ aux deux semaines. Il a déclaré qu’il avait reçu de Rogers un seul feuillet T4 qui faisait état d’un revenu d’emploi de 20 295 $. Il ne lui est pas venu à l’esprit qu’il pouvait y avoir deux feuillets T4. À ce moment‑là, il comprenait mieux le système d’imposition et avait compris qu’il devait déclarer tous les montants reçus. Il utilisait un logiciel de déclaration fiscale et avait produit sa déclaration de revenus par voie électronique. Ce n’était qu’au moment où une nouvelle cotisation avait été établie à son égard pour l’année d’imposition 2008 qu’il s’était rendu compte du fait que Rogers avait établi un second feuillet T4 où figurait un montant de 13 817 $ pour un revenu d’emploi total de 34 742 $. [9] Il semblerait, selon la preuve présentée à l’audience, que la seule explication plausible concernant la délivrance de deux feuillets T4 par Rogers tient au fait que l’appelant était passé du statut d’employé à temps partiel à celui d’employé à temps plein. Aucune autre raison ne peut être dégagée de la preuve. [10] Il a été établi dans la jurisprudence de la Cour qu’un appelant ne peut pas invoquer le fait que l’impôt sur le revenu a été retenu à la source pour échapper à la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. (Voir Symonds c. Canada, [2011] A.C.I. No 209). Un appelant ne peut pas éviter l’imposition de la pénalité à moins de prouver qu’il a satisfait aux exigences applicables au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. [11] L’intimée a soulevé la question de savoir si le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué relativement aux deux omissions de déclaration de revenus de sorte que, s’il est établi que le contribuable a fait preuve de diligence raisonnable pour au moins une des deux années, la pénalité devient nulle. Dans deux décisions récentes, à savoir Franck c. La Reine, 2011 CCI 179 et Symonds (précitée), la Cour a conclu que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable peut être invoqué à l’égard de la première ou de la deuxième omission d’inclure un montant dans le revenu. Le Juge Webb a résumé la question de la manière suivante aux paragraphes 22 et 23 de la décision Sy monds . [...] Toutefois, il me semble qu’étant donné que la pénalité ne peut être imposée que si un contribuable particulier omet d’inclure un montant dans son revenu au cours de deux années différentes, l’« acte prohibé » est composé de deux omissions – l’une étant l’omission d’inclure un montant au titre du revenu au cours d’une année et l’autre étant l’omission d’inclure un montant au titre du revenu au cours d’une autre année dans les trois années suivant la première omission. Par conséquent, comme l’a déclaré le juge Hogan, le contribuable (qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une société) qui peut établir qu’il a fait preuve d’une diligence raisonnable à l’égard de la première ou de la seconde omission d’inclure un montant dans son revenu aura gain de cause à l’égard de la cotisation par laquelle une pénalité est imposée au titre du paragraphe 163(1) de la Loi. Même si le calcul du montant de la pénalité est uniquement basé sur le second montant qui n’a pas été inclus dans le calcul du revenu, le contribuable doit, pour que la pénalité soit imposée, avoir omis d’inclure certains montants dans le calcul de son revenu au cours de deux années différentes, et les deux omissions feraient partie de l’ « acte prohibé ». En l’espèce, l’appelante aura gain de cause si elle réussit à établir qu’elle a fait preuve d’une diligence raisonnable à l’égard de son omission d’inclure le montant de 872 $ dans son revenu de l’année 2006 ou de celle d’inclure le montant de 28 611 $ dans son revenu de l’année 2008. [12] Dans d’autres décisions rendues par la Cour, la question n’avait pas été posée en ces termes et le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable avait été analysé relativement à la deuxième omission d’inclure un montant dans le revenu, omission qui donne lieu à l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(1) de la Loi. [13] Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ne peut pas être utilisé pour effacer ou supprimer l’une ou l’autre omission de déclaration en soi. Il permet uniquement à un contribuable d’éviter l’imposition de la pénalité. À mon avis, le moyen fondé sur la diligence raisonnable ne peut être invoqué qu’après que l’intimée a établi la propension du contribuable à omettre de déclarer un revenu par l’existence d’une première omission de déclaration d’un revenu. La diligence raisonnable peut alors être invoquée à l’égard de la deuxième omission après que cette dernière a été établie étant donné que c’est cette deuxième omission qui donne lieu au recours à la pénalité qui est calculée sur le montant de la deuxième omission de déclaration. [14] En ce qui concerne la pénalité, il convient de se rappeler l’observation suivante que la juge Woods a faite dans la décision Saunders v. Her Majesty the Queen, 2006 D.T.C. 2267 : Le législateur a choisi d’adopter le paragraphe 163(1) pour garantir l’intégrité du régime d’autodéclaration du Canada. Selon moi, les tribunaux ne doivent pas décider à la légère d’annuler la pénalité prévue par la loi. [15] En l’espèce, il a été démontré que l’appelant a omis de déclarer 44 % de son revenu pour son année d’imposition 2006, ce qu’il a admis. Lors de son témoignage, il a certes expliqué les circonstances ayant entouré l’établissement de sa déclaration de revenus : il avait remis les documents à sa mère, qui s’était à son tour adressée à quelqu’un d’autre pour établir la déclaration de revenus. L’appelant a simplement signé la déclaration de revenus. Il a également déclaré qu’il n’avait pas cherché à connaître le système d’imposition du Canada, qu’il n’avait pas vérifié son compte bancaire et qu’il n’avait pas lu son avis de cotisation pour 2006. Il semble évident dans ces circonstances que l’appelant n’a fait aucun effort pour comprendre le fonctionnement du système d’imposition du Canada et, par conséquent, il n’a en aucune façon fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de sa première omission de déclaration. [16] L’appelant a fait la même chose pour 2008, et il a omis de déclarer environ 44 % de son revenu, à savoir un montant de 13 817 $. Il a déclaré que maintenant il connaissait mieux le système d’imposition du Canada et qu’il comprenait qu’il devait déclarer tous ses revenus. Il a affirmé qu’il était inhabituel qu’un employé reçoive deux feuillets T4 du même employeur et que, par conséquent, il avait déclaré le seul montant qui figurait sur le T4 qu’il avait reçu en croyant que c’était le seul feuillet T4 qui lui avait été délivré. Il avait cru à tort qu’un seul feuillet T4 lui avait été délivré alors que, en réalité, il y en avait deux. Même si c’était une erreur acceptable de la part de la part de l’appelant, je ne peux pas faire fi du fait que, durant l’année d’imposition 2008, il avait reçu toutes les deux semaines un salaire de 1 000 $, déduction faite des retenues à la source, pour un montant total de 26 000 $ pour l’année. Il y avait une différence d’environ 5 000 $ entre ce total et le montant inclus dans la déclaration de revenus de l’appelant pour 2008. À mon avis, une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et connaissant son obligation de déclarer tous ses revenus revenu se serait rendu compte que tous ses revenus n’avaient pas été inclus dans sa déclaration de revenus. L’appelant n’a donc pas réussi à établir qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable. Par conséquent, je ne peux pas annuler la pénalité. [17] Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « François Angers » Juge Angers Traduction certifiée conforme ce 18e jour de juillet 2012. Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur. RÉFÉRENCE : 2‑12 CCI 205 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-2697(IT)I INTITULÉ : Radu Michael Chendrean c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge François Angers DATE DU JUGEMENT : Le 8 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui‑même Avocat de l’intimée : Me Stephen Oakey AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 208
TCC
2,012
Riley c. La Reine
fr
2012-06-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30842/index.do
2022-09-04
Riley c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-12 Référence neutre 2012 CCI 208 Numéro de dossier 2012-617(IT)APP Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2012‑617(IT)APP ENTRE : HAROLD RILEY, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Demande entendue le 14 mai 2012 à London (Ontario) Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Représentante du requérant : Mme Valerie Machan Avocate de l’intimée : Me Serena Sial ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La demande du requérant pour que soit prorogé le délai de signification des avis d’opposition concernant les cotisations établies à son égard pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 est rejetée, sans dépens. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juillet 2012. S. Tasset Référence : 2012CCI208 Date : 20120612 Dossier : 2012‑617(IT)APP ENTRE : HAROLD RILEY, requérant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] Le requérant a présenté une demande au titre de l’article 166.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour que soit prorogé le délai de signification des avis d’opposition à l’égard des cotisations établies à son intention pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003. [2] Les cotisations du requérant se rapportant à ces années d’imposition ont été établies aux dates suivantes : Année d’imposition Date de la cotisation 2001 22 avril 2002 2002 10 avril 2003 2003 10 mai 2004 [3] Le requérant aurait signifié un avis d’opposition à l’égard des cotisations établies pour ces trois années d’imposition le 22 septembre 2011. Le ministre a considéré cette opposition comme une demande de prorogation du délai pour la signification d’un avis d’opposition, mais, comme la demande a été faite bien après l’échéance fixée, elle n’a pas été accueillie. Le requérant a ensuite fait la présente demande en vertu de l’article 166.2 de la Loi. [4] Le paragraphe 166.2(5) de la Loi prévoit ce qui suit : (5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies : a) la demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête; b) le contribuable démontre ce qui suit : (i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête, (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande, (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient. [5] La demande présentée au titre du paragraphe 166.1(1) de la Loi est adressée au ministre en vue d’obtenir une prorogation du délai de signification de l’avis d’opposition : c’est ce qu’a fait en l’occurrence le requérant le 22 septembre 2011. Le délai dans lequel un tel avis peut être signifié (sans qu’une prorogation de délai ne soit accordée) est précisé au paragraphe 165(1) de la Loi. Cette disposition prévoyait, avant le 15 décembre 2010[1] : 165(1) Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants : a) lorsqu’il s’agit d’une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier [...] pour une année d’imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants : (i) le jour qui tombe un an après la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour l’année, (ii) le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation; b) dans les autres cas, au plus tard le 90e jour suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation. [6] La demande de prorogation du délai de signification de l’avis d’opposition n’a pas été présentée dans l’année suivant l’échéance fixée par la Loi pour l’une ou l’autre des cotisations susmentionnées; elle n’a été présentée que plusieurs années après le délai prévu par le paragraphe 165(1) de la Loi. Le requérant a fait valoir que le ministre n’avait pas tenu compte des autres conditions énoncées au paragraphe 166.1(7) de la Loi ayant trait aux demandes de prorogation du délai de signification des avis d’opposition adressées au ministre, à savoir : 166.1(7) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies : a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête; b) le contribuable démontre ce qui suit : (i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête, (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande, (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient. [7] Les conditions énoncées à l’alinéa 166.1(7)b) de la Loi (relativement aux demandes de prorogation du délai de signification des avis d’opposition adressées au ministre) sont identiques à celles qui sont prévues à l’alinéa 166.2(5)b) (en ce qui concerne les demandes de prorogation du délai de signification des avis d’opposition adressées à la Cour). Cependant, que la demande soit présentée au ministre ou à la Cour, les conditions prévues aux alinéas a) et b) des paragraphes 166.1(7) ou 166.2(5) de la Loi doivent être remplies; si la condition énoncée à l’alinéa a) du paragraphe applicable n’est pas respectée, la demande de prorogation du délai de signification d’un avis d’opposition ne peut pas être accueillie, que les conditions prévues à l’alinéa b) soient satisfaites ou non. Par conséquent, dès qu’il est établi que les conditions énoncées aux alinéas 166.1(7)a) et 166.2(5)a) de la Loi ne sont pas remplies, il n’est pas nécessaire de se demander si celles qui sont prévues par les alinéas 166.1(7)b) et 166.2(5)b) le sont. [8] Malheureusement, le pouvoir discrétionnaire de proroger les délais prévus par la Loi n’existe pas, et les dispositions du paragraphe 166.2(5) de la Loi précisent bien que la Cour ne peut faire droit à aucune demande si les exigences des alinéas a) et b) ne sont pas remplies. En l’espèce, le requérant n’a pas satisfait aux conditions de l’alinéa 166.2(5)a) de la Loi. [9] Par conséquent, la demande présentée par le requérant en vue de proroger le délai de signification des avis d’opposition concernant les cotisations établies à son égard pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 est rejetée, sans dépens. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juillet 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012CCI208 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2012‑617(IT)APP INTITULÉ : HAROLD RILEY ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : London (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 mai 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DE L’ORDONNANCE : Le 12 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentante du requérant : Mme Valerie Machan Avocate de l’intimée : Me Serena Sial AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour le requérant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Canada) [1] À partir du 15 décembre 2010, le mot « envoi » a remplacé l’expression « mise à la poste ».
2012 CCI 209
TCC
2,012
Brown c. La Reine
fr
2012-05-15
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30843/index.do
2022-09-04
Brown c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-05-15 Référence neutre 2012 CCI 209 Numéro de dossier 2011-3956(IT)I Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011‑3956(IT)I ENTRE : HERVIN BROWN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Requête entendue le 15 mai 2012 à London (Ontario) Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Représentant de l’appelant : M. Peter Tindall Avocate de l’intimée : Me Serena Sial ____________________________________________________________________ ORDONNANCE La requête présentée par l’intimée pour faire annuler les appels de l’appelant concernant les cotisations établies pour les années d’imposition 2007, 2008 et 2009 est accueillie, et les appels sont annulés sans dépens. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juillet 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI209 Date : 20120612 Dossier : 2011‑3956(IT)I ENTRE : HERVIN BROWN, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE Le juge Webb [1] L’appelant a déposé un avis d’appel afin de contester les cotisations établies pour ses années d’imposition 2007, 2008 et 2009. Au début de l’audience, l’intimée a présenté une requête pour faire annuler les appels de l’appelant compte tenu du fait que ce dernier n’avait signifié d’avis d’opposition à l’égard d’aucune cotisation avant d’interjeter son appel. [2] Les cotisations de l’appelant[1] se rapportant aux années d’imposition mentionnées dans l’avis d’appel ont été établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») aux dates suivantes : Année d’imposition Date de la cotisation 2007 10 juillet 2008 2008 20 mai 2010 2009 19 juillet 2010 [3] Le 29 novembre 2011, l’appelant a présenté un avis d’opposition concernant ces années d’imposition. Le paragraphe 165(1) de la Loi précise le délai dans lequel un avis d’opposition peut être signifié à l’égard d’une cotisation. Avant le 15 décembre 2010, cette disposition prévoyait ce qui suit[2] : 165(1) Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants : a) lorsqu’il s’agit d’une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier [...], pour une année d’imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants : (i) le jour qui tombe un an après la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour l’année, (ii) le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation; b) dans les autres cas, au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation. [4] L’avis d’opposition produit le 29 novembre 2011 n’a pas été signifié dans le délai (énoncé au paragraphe 165(1) de la Loi) dans lequel un avis d’opposition pouvait être signifié en ce qui a trait aux cotisations établies pour les années d’imposition 2007, 2008 et 2009 de l’appelant. Le ministre en a informé l’appelant et l’a avisé qu’il pouvait présenter une demande de prorogation du délai de signification de l’avis d’opposition visant la cotisation établie pour l’année d’imposition 2009. Le 23 janvier 2012 (donc après avoir déposé son avis d’appel devant la Cour le 6 décembre 2011), l’appelant a adressé à l’Agence du revenu du Canada une demande écrite de prorogation du délai de signification de l’avis d’opposition daté du 29 novembre 2011. À moins que la demande de prorogation de ce délai ne soit accordée par le ministre ou par la Cour (si le ministre ne fait pas droit à la demande et que l’appelant présente une telle demande devant la Cour dans le délai prévu à l’article 166.2 de la Loi), l’appelant n’a pas signifié d’avis d’opposition valide. [5] Avant le 15 décembre 2010, le paragraphe 169(1) de la Loi prévoyait ce qui suit : 169(1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation : a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste[3] au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. [6] Dans l’arrêt Bormann v. The Queen, 2006 DTC 6147, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit : 3 Le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu oblige le contribuable à signifier un avis d’opposition s’il veut interjeter appel d’une cotisation. En d’autres mots, la signification d’un avis est une condition préalable à l’introduction d’un appel. 4 Comme je l’ai mentionné, l’appelant n’a pas signifié d’avis d’opposition et il n’existe aucune preuve qu’il ait demandé au ministre une prorogation de délai afin de signaler un avis d’opposition. 5 La loi est claire : lorsqu’il n’y a pas eu de demande de prorogation de délai, la Cour de l’impôt n’a pas la compétence de proroger le délai par souci d’équité. Minuteman Press of Canada Company Limited c. M.R.N. 88 DTC 6278, (C.A.F.). 6 Par conséquent, il n’y a aucun fondement à l’allégation selon laquelle le juge de la Cour de l’impôt aurait commis une erreur en rejetant les appels de l’appelant pour les années d’imposition de 1992 à 1998. [7] Un avis d’opposition valide doit donc avoir été signifié avant de pouvoir interjeter appel devant la Cour. Comme il n’a pas signifié d’avis d’opposition valide à l’égard des cotisations établies pour ses années d’imposition 2007, 2008 ou 2009 avant d’avoir déposé son avis d’appel devant la Cour le 6 décembre 2011, l’appelant n’a pas rempli la « condition préalable à l’introduction d’un appel » et ses appels visant les cotisations établies pour ces années d’imposition sont annulés. Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 12e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juillet 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI209 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011‑3956(IT)I INTITULÉ : HERVIN BROWN c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : London (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT: L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 12 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelant : M. Peter Tindall Avocate de l’intimée : Me Serena Sial AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Aucune nouvelle cotisation n’a été établie à l’égard de l’appelant pour ces années d’imposition. [2] À partir du 15 décembre 2010, le mot « envoi » a remplacé l’expression « mise à la poste ». [3] À partir du 15 décembre 2010, le mot « envoyé » a remplacé l’expression « expédié par la poste ».
2012 CCI 21
TCC
2,012
Marshall c. La Reine
fr
2012-01-20
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30675/index.do
2022-09-04
Marshall c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-20 Référence neutre 2012 CCI 21 Numéro de dossier 2008-3655(IT)G Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2008-3655(IT)G ENTRE : MARVIN G. MARSHALL, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu les 28 et 29 novembre 2011, à Ottawa, Canada Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me April Tate ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est accueilli avec dépens, et la cotisation établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’Internorth Ltd., au titre des retenues à la source qui n’ont pas été versées et des pénalités et des intérêts y afférents, qui ont servi de base à la cotisation établie à l’égard d’Internorth Ltd., est annulée. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 20e jour de janvier 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 23e jour de mars 2012. François Brunet, réviseur Référence : 2012 CCI 21 Date : 20120120 Dossier : 2008-3655(IT)G ENTRE : MARVIN G. MARSHALL, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] L’appelant a, en sa qualité d’administrateur d’Internorth Limited (« Internorth ») fait l’objet d’une cotisation portant sur les versements qui n’avaient pas été effectués au titre des retenues à la source, plus les pénalités et les intérêts y afférents, relativement aux sommes versées à certains employés en 2003 et en 2004. Par souci de simplicité, j’appellerai « retenues à la source non versées » les retenues à la source qui n’ont pas été versées, plus les pénalités et les intérêts y afférents, étant donné que ces pénalités et intérêts ont pour cause le fait que les retenues à la source n’auraient pas été versées comme elles auraient dû l’être. Il s’agit de décider si Internorth était tenue de verser les retenues à la source dont il est fait état dans sa cotisation. À l’audience, l’appelant a également soulevé la question de savoir s’il pouvait invoquer comme moyen de défense la diligence raisonnable, et l’intimée s’est pas opposée pas à ce que cette question soit soulevée par l’appelant. [2] Deux questions préliminaires se posent en l’espèce, la première concerne les actes de procédure et la deuxième, l’intention qui a été manifestée de consigner en preuve des parties de l’interrogatoire préalable. Les actes de procédure [3] En ce qui concerne les actes de procédure, l’intimée a présenté une requête en modification de sa réponse. Lors des interrogatoires préalables qui ont eu lieu le 26 janvier 2011, l’avocate de l’intimée a fait savoir à l’appelant que la réponse contenait un certain nombre d’erreurs qui devraient être corrigées. Le 8 février 2011, une copie de la réponse modifiée proposée a été envoyée à l’appelant. L’appelant n’ayant pas consenti à ce que l’intimée modifie sa réponse, une requête en modification de la réponse a été présentée au début de l’audience. Hormis une modification mineure apportée au paragraphe 19 concernant les moyens invoqués et les conclusions recherchées, la réponse modifiée dont il était fait état dans la requête est la même que la réponse modifiée envoyée à l’appelant le 8 février 2011. [4] La plupart des modifications ne font que corriger les montants figurant dans la cotisation établie à l’égard d’Internorth, les corrections en question ayant pour effet de réduire ces montants. Ces corrections ne changeaient cependant rien au montant de la cotisation établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’Internorth. Les modifications apportées aux paragraphes 8, 12, et 19 ainsi qu’à l’alinéa 15m), afin de corriger la rubrique sous laquelle étaient rangées les montants figurant dans la cotisation établie à l’égard d’Internorth et de rectifier les montants en question, ont été autorisées. Ces modifications avaient manifestement pour but de corriger la désignation des sommes inscrites dans la cotisation d’Internorth et de les réduire, et l’appelant en a été averti suffisamment à l’avance. [5] L’intimée a également demandé à modifier le paragraphe 4 de sa réponse. La première phrase de ce paragraphe était à l’origine formulée en ces termes : [traduction] 4. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’avis d’appel, sous la rubrique « Motifs d’appel », il reconnaît que l’ARC a envoyé à Internorth Ltd. en juin 2004 une demande formelle de paiement et qu’Internorth Ltd. n’existait pas à l’époque où Internorth Construction a omis d’effectuer le versement des retenues à la source. […] [6] Le changement proposé devait modifier cette partie du paragraphe 4 de façon à ce qu’elle soit formulée de la manière suivante : [traduction] 4. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’avis d’appel, sous la rubrique « Motifs d’appel », il reconnaît que l’ARC a envoyé à Internorth Ltd. en juin 2004 une demande formelle de paiement. Il nie le fait qu’Internorth Ltd. n’existait pas à l’époque où Internorth Construction a omis d’effectuer le versement des retenues à la source. […] [7] La question qui est soulevée dans le présent appel concerne la cotisation établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’Internorth, et non pas la cotisation établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’Internorth Construction Company (« ICC »), une entreprise distincte. Il s’agit donc de rechercher si Internorth a omis de verser les retenues à la source, et non si c’est ICC qui a omis d’effectuer le versement des retenues à la source. La double négation employée dans la modification proposée veut dire que, selon l’intimée, Internorth existait à l’époque où ICC a omis d’effectuer les versements. Comme je l’ai signalé, cependant, le fait qu’ICC n’ait pas effectué les versements en question n’est d’aucune pertinence étant donné que c’est en sa qualité d’administrateur d’Internorth que l’appelant a fait l’objet d’une cotisation. L’avocate de l’intimée a fait savoir que, quoi qu’il en soit, cette modification n’avait guère d’importance à ses yeux. La modification en question n’a pas été apportée à la réponse. [8] Les dernières modifications apportées visaient les hypothèses retenues. Les alinéas 15i) et j) de la réponse étaient initialement formulées en ces termes : [traduction] 15. Pour calculer la dette fiscale de l’appelant au titre du paragraphe 227.1(1), le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : i) à partir du 7 juin 2003, Internorth Ltd. a commencé à payer les employés d’Internorth Construction sur deux de ses comptes de paye, 885XXXXXXRP0001 et 885XXXXXXRP002; j) à partir du 7 juin 2003, les chèques de paie étaient tirés sur les deux comptes de paye d’Internorth Ltd.; [9] Selon la modification proposée, l’alinéa 15j) disparaîtrait, et l’alinéa 15i) prendrait la forme suivante : [traduction] 15. Pour calculer la dette fiscale de l’appelant au titre du paragraphe 227.1(1), le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : (i) À partir du 7 juin 2003, Internorth Ltd. a commencé à payer les employés d’Internorth Construction au moyen de ses comptes bancaires; [10] Étant donné que les comptes de paye mentionnés à l’alinéa 15i) (selon le texte initial) étaient des comptes ouverts auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), il ne s’agit pas de comptes bancaires sur lesquels peuvent être tirés des chèques. Ces modifications ne font que rectifier une hypothèse qui était manifestement inexacte. Ces modifications ont elles aussi été autorisées. [11] Dans son avis d’appel, l’appelant insiste surtout sur les demandes de paiement envoyées par l’ARC, demandes qui font partie de la procédure de recouvrement suivie par l’ARC. Les mesures prises par l’ARC pour assurer le recouvrement des retenues à la source dont le versement n’a pas été effectué ne sont d’aucune pertinence lorsqu’il s’agit de décider si, en sa qualité d’administrateur d’Internorth, l’appelant était responsable des retenues à la source qu’Internorth était tenue de verser. [12] Dans son avis d’appel, l’appelant affirme, effectivement, qu’Internorth [traduction] « n’a jamais employé qui que ce soit, et agissait simplement à titre d’administrateur », ce qui soulève la question de savoir si la cotisation établie à l’égard d’Internorth était fondée. L’avocate de l’intimée a reconnu que la question avait été soulevée par l’appelant. [13] Au début de l’audience, l’appelant a semblé également évoquer le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, dont il n’avait pas fait état dans son avis d’appel. L’avocate de l’intimée a accepté que l’appelant soit autorisé, à l’audience, à invoquer comme moyen de défense la diligence raisonnable. La consignation en preuve des interrogatoires préalables [14] La seconde question préliminaire concerne les interrogatoires préalables que l’intimée demande à consigner en preuve. Après avoir présenté ses arguments, l’avocate de l’intimée a demandé la consignation, à tire d’éléments de preuve, de plusieurs extraits de l’interrogatoire préalable de l’appelant. L’intimée estime purement et simplement que les dispositions du paragraphe 100(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») lui permettent de consigner comme éléments de sa preuve des extraits de l’interrogatoire préalable de l’appelant. [15] Le paragraphe 100(1) des Règles dispose : 100(1) Une partie peut, à l’audience, consigner comme élément de sa preuve, après avoir présenté toute sa preuve principale, un extrait de l’interrogatoire préalable : a) de la partie opposée; b) d’une personne interrogée au préalable au nom, à la place ou en plus de la partie opposée, sauf directive contraire du juge, si la preuve est par ailleurs admissible et indépendamment du fait que cette partie ou que cette personne ait déjà témoigné. [Non souligné dans l’original.] [16] Les mots « si la preuve est par ailleurs admissible » me semblent apporter une restriction importante à la production, en tant qu’éléments de preuve, d’extraits de l’interrogatoire préalable. L’avocate de l’intimée a fait savoir que si elle souhaite produire en preuve des extraits de cet interrogatoire préalable, c’est parce que les réponses que l’appelant a fournies à l’audience sont en contradiction avec celles qu’il a données lors de l’interrogatoire préalable, ou parce qu’à l’interrogatoire préalable l’appelant a fourni des réponses plus complètes (ce qui semble donner à penser que lors de son témoignage à l’audience l’appelant n’a pas dit toute la vérité). [17] Comme les extraits de l’interrogatoire préalable, s’ils étaient admis en preuve, serviraient à attaquer la crédibilité du témoin, les questions posées à celui‑ci lors de l’interrogatoire préalable, et les réponses qu’il a fournies doivent être toutes deux portées à l’attention du témoin. Le paragraphe 100(2) des Règles, en effet, dispose : (2) Sous réserve des dispositions de la Loi sur la preuve au Canada, les dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable peuvent être utilisées pour attaquer la crédibilité du déposant à titre de témoin de la même façon qu’une déclaration incompatible antérieure de ce témoin. [18] Selon le paragraphe 10(1) de la Loi sur la preuve au Canada : 10(1) Lors de tout procès, un témoin peut être contre-interrogé au sujet des déclarations antérieures qu’il a faites par écrit, qui ont été prises par écrit ou qui ont été enregistrées sur bande audio ou vidéo, ou autrement, relativement au sujet de la cause, sans qu’il lui soit permis d’en prendre connaissance. Cependant, si l’on entend mettre le témoin en contradiction avec lui-même au moyen de cette pièce, l’on doit, avant de pouvoir établir cette preuve contradictoire, appeler son attention sur les parties de celle-ci qui doivent servir à le mettre ainsi en contradiction. Le juge peut toujours, au cours du procès, exiger la production de la pièce dans le but de l’examiner et en faire, dans la poursuite de la cause, l’usage qu’il croit convenable. [Non souligné dans l’original.] [19] Par la décision Cholakis v. Cholakis, [2006] 2 W.W.R. 229, la juge Beard, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, appelée à se pencher sur les dispositions de l’article 31.11 des Règles de la Cour du Banc de la Reine, qui autorise une partie à consigner comme élément de sa preuve une partie de l’interrogatoire préalable, a précisé : [traduction] 7 Lorsqu’on entend utiliser l’interrogatoire préalable à l’instruction pour attaquer la crédibilité du déposant à titre de témoin, les dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable peuvent, selon le paragraphe 31.11(2) des Règles, être utilisées de la même façon qu’une déclaration incompatible antérieure de ce témoin. L’utilisation d’une déclaration antérieure contradictoire afin de mettre le témoin en contradiction avec lui-même est codifiée à l’article 20 de la Loi sur la preuve au Manitoba, disposition qui exige que l’attention du témoin soit attirée sur les parties de ses déclarations antérieures qui doivent servir à le mettre en contradiction. […] 11 Si les questions et les réponses faisant partie de l’interrogatoire de Paul sont consignées afin d’attaquer sa crédibilité, et ont été utilisées à cette fin lors du contre‑interrogatoire, elles sont déjà consignées au dossier, et font donc partie des preuves en ce qui concerne la question de sa crédibilité. Il est donc superflu de les consigner à nouveau, car cela n’ajouterait rien aux débats. L’attention de Paul n’ayant pas été attirée sur les questions et réponses livrées lors de son contre-interrogatoire, celles-ci ne peuvent pas maintenant être consignées en tant que preuves, car elles ne répondent pas aux exigences de l’article 20 de la Loi sur la preuve au Manitoba concernant l’emploi de déclarations contradictoires. [20] Dans la décision International Corona Resources Ltd. v. LAC Minerals Ltd., [1986] O.J. No. 68, le juge Holland a estimé que : [traduction] Vu les dispositions de la Loi sur la preuve, telles qu’elles sont exposées ci-dessus, il me semble que l’avocat de Lac ne peut consigner en preuve que les parties de l’interrogatoire préalable de M. Bell et de Mme Dragovan qui constituent des aveux ou qui ont trait à la question de leur crédibilité, et ce, seulement si, en ce qui concerne ces parties de l’interrogatoire préalable, les dispositions de la Loi sur la preuve ont été respectées alors que les intéressés se trouvaient à la barre des témoins. [21] Selon The Law of Evidence in Canada, (3e édition) des juges Bryant, Lederman et Fuerst, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, (2009, LexisNexis), à la page 1150 : [traduction] 16.153 La transcription de l’interrogatoire préalable constitue une catégorie particulière de déclarations antérieures. Au civil, les règles de la Cour permettent généralement que les questions et les réponses soient consignées par la partie adverse en tant qu’aveux*. Lorsque la transcription est invoquée en tant que déclaration antérieure contradictoire afin d’attaquer la crédibilité d’une partie, il semble bien que les exigences prévues par la Loi doivent être respectées. Par conséquent, si l’une des parties témoigne, la partie adverse est obligée d’attirer l’attention de la partie qui témoigne sur les passages pertinents de l’interrogatoire préalable*. (* Indique un renvoi en bas de page qui se trouvait dans le texte original, mais qui n’a pas été repris ici.) [22] Or, l’avocate de l’intimée n’a pas attiré l’attention de l’appelant sur les questions et les réponses tirées de l’interrogatoire préalable et qui sont, selon l’intimée, en contradiction avec le témoignage que l’appelant a rendu à l’audience, y compris les réponses que l’appelant a données lors de l’interrogatoire préalable et qui, selon l’avocate de l’intimée, donnaient davantage de détails. L’appelant n’a pas eu l’occasion d’expliquer pourquoi la réponse qu’il avait donnée lors de l’interrogatoire préalable était différente de celle qu’il a donnée à l’audience. L’attention de l’appelant n’ayant pas été attirée sur ces extraits avant qu’il ne soit proposé de les consigner comme éléments de preuve, ces extraits ne peuvent pas être consignés dans le but d’attaquer la crédibilité du témoin. Étant donné que l’intimée n’a invoqué aucun autre moyen pour justifier la consignation en preuve de ces extraits, ceux-ci ne pourront pas être consignés comme éléments de sa preuve. La cotisation visant les retenues à la source qui n’ont pas été versées [23] En sa qualité d’administrateur de l’entreprise, l’appelant a fait l’objet d’une cotisation pour ce qui est des retenues à la source n’ayant pas été versées. En 2003 et en 2004, le paragraphe 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), disposait notamment : 153(1) Toute personne qui verse au cours d’une année d’imposition l’un des montants suivants : a) un traitement, un salaire ou autre rémunération, à l’exception des sommes visées au paragraphe 212(5.1); […] doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires et doit, au moment fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l’impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l’année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3. Toutefois, lorsque la personne est visée par règlement à ce moment, la somme est versée au compte du receveur général dans une institution financière désignée. [24] En ce qui concerne la cotisation établie à son égard, au titre des retenues à la source d’Internorth qui n’ont pas été versées, l’appelant fait valoir qu’Internorth n’avait pas d’employés et que la société n’aurait, par conséquent, pas dû faire l’objet d’une cotisation au titre des retenues à la source qui n’auraient pas été versées. Bien que l’intimée ait, dans sa réponse, contredit l’allégation portant qu’Internorth n’ait pas eu d’employés, la cotisation établie à l’égard d’Internorth reposait non pas sur le fait qu’Internorth aurait eu des employés, mais sur le fait qu’Internorth avait payé les employés d’ICC. L’appelant contrôlait à la fois Internorth et ICC. [25] En l’espèce, il faut d’abord rechercher si c’est à juste titre qu’Internorth a fait l’objet d’une cotisation fondée sur les retenues à la source qui n’auraient pas été versées. L’intimée reconnaît que, selon la décision du juge en chef Rip dans Barry c. La Reine, 2009 CCI 508, 2009 DTC 1339, [2010] 1 C.T.C. 2189, l’appelant peut soulever la question de l’exactitude de la cotisation dont Internorth a fait l’objet pour non-versement des retenues à la source. [26] Pour se prononcer sur l’exactitude de la cotisation établie à l’égard d’Internorth, faut rechercher si Internorth a effectivement versé des salaires. Dans la décision Mollenhauer Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue), [1992] 2 C.T.C. 121, 92 DTC 6398 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a fait les observations suivantes : Il est fort clair que le paragraphe 153(1) de la Loi ne dit pas si les personnes qui effectuent les paiements sont des employeurs ou non. Je suis convaincu qu’un individu ou une entreprise qui paie « un traitement, un salaire ou autre rémunération » doit déduire ou retenir le montant exigé, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu. [27] Dans l’affaire Marché Lambert et Frères Inc. v. The Queen, 2008 DTC 3815, le juge Paris a examiné plusieurs affaires où la personne payant le salaire des employés n’était pas l’employeur. Voici en quels termes il a exposé ses conclusions : 17 Tout d’abord, je conviens avec l’appelante que l’élément du pouvoir décisionnel relatif aux fonds versés aux employés est déterminant quant à l’application du paragraphe 153(1). 18 La jurisprudence pertinente de la Cour d’appel fédérale démontre qu’une personne ne sera tenue responsable en vertu de ce paragraphe que si elle avait un pouvoir décisionnel quant au paiement aux employés. Dans le cas où une personne effectue physiquement le paiement, mais n’exerce aucune autorité indépendante sur les fonds qui constituent le paiement, cette personne ne sera pas tenue de faire les remises. En d’autres mots, si la personne qui effectue le paiement le fait en exécution des directives de quelqu’un d’autre et non pas de son propre chef, le paragraphe 153(1) ne s’appliquera pas à elle. […] 33 À mon avis, il découle clairement de cette jurisprudence qu’une personne sera tenue responsable en vertu du paragraphe 153(1) si elle détient un pouvoir décisionnel quant aux paiements de salaire faits aux employés. Elle ne sera pas tenue responsable si elle verse des salaires ou traitements à titre de simple intermédiaire ou comme mandataire d’une autre personne. [28] Ainsi, pour être considérée comme responsable à l’égard des retenues à la source, la personne qui effectue les paiements aux employés n’a pas elle-même à être l’employeur. Il suffit, pour qu’elle soit responsable du versement des retenues à la source, qu’elle dispose d’un certain pouvoir de décision quant au versement des salaires et qu’elle n’effectue pas simplement ces paiements en tant que mandataire (de l’employeur vraisemblablement). Si, cependant, les personnes qui ont reçu ces salaires étaient des employés d’Internorth, c’est à juste titre qu’Internorth a fait l’objet d’une cotisation pour non-versement des retenues à la source. [29] L’intimée a contesté l’allégation portant qu’Internorth n’ait elle-même eu aucun employé; pour rechercher si c’est à juste titre qu’une cotisation a été établie à l’égard d’Internorth en raison de retenues à la source qui n’auraient pas été versées, il faut d’abord répondre aux questions suivantes : a) Internorth avait-elle des employés? b) Si Internorth n’avait pas d’employés, a-t-elle versé des salaires aux employés d’ICC? c) Si Internorth n’avait pas d’employés, et qu’elle payait les employés d’ICC, en effectuant ces paiements, agissait-elle à titre de mandataire d’ICC, ou Internorth disposait-elle d’un certain pouvoir de décision quant au versement des salaires en question? Internorth avait-elle des employés? [30] Si les personnes à qui l’on a versé un salaire étaient les employés d’Internorth, c’est à juste titre qu’Internorth a fait l’objet d’une cotisation relativement aux retenues à la source qui n’ont pas été versées. C’est la première question à examiner. [31] Les deux sociétés – ICC et Internorth – sont liées. L’appelant possédait la majorité des actions d’ICC, et l’intégralité des actions d’Internorth. ICC était une entreprise de bâtiment qui, en 2002, éprouvait des difficultés financières. Elle n’a pas, comme elle était tenue de le faire, intégralement versé les retenues à la source. L’appelant a, en juin 2002, investi 750 000 $ dans l’entreprise, mais celle-ci a continué à éprouver des difficultés. En raison des difficultés financières qu’éprouvait ICC, Internorth a été constituée en juin 2003. Internorth assurait la gestion de projets de construction. Voici en quels termes, l’appelant a décrit les activités d’Internorth : [traduction] L’entreprise était à l’affût d’occasions en matière de gestion de projet; elle négociait, contre rémunération, un contrat de gestion du projet; puis engageait un chef de projet, ou demandait à Internorth Construction d’affecter au projet un chef de projet, versant en contrepartie à Internorth Construction une somme destinée à couvrir les frais relatifs à la personne en cause plus les frais correspondant à une partie des frais généraux d’Internorth Construction. [32] Lors de son témoignage, l’appelant a fermement insisté sur le fait qu’Internorth n’avait pas d’employés. Les états financiers dénommés [traduction] « ÉBAUCHE AUX FINS DE DISCUSSION ») d’ICC et d’Internorth ont été produits à l’audience. Les états financiers d’ICC, en date du 31 décembre 2003, et les états financiers d’Internorth, en date du 31 décembre 2003, ont été produits par l’appelant, dans son recueil de documents, ainsi que par l’intimée. L’appelant n’a pas produit les états financiers de l’une ou l’autre de ces sociétés tels qu’ils étaient en date du 31 décembre 2004, mais ces états financiers se trouvent dans le recueil de documents de l’intimée. L’appelant a produit, cependant, en ce qui concerne Internorth, un bilan provisoire en date du 30 avril 2004 et une version provisoire d’état des résultats d’exploitation pour la période allant du 5 juin 2003 au 30 avril 2004. [33] Les états financiers de clôture des deux sociétés, tels qu’ils ont été produits, sont appuyés par l’assertion voulant qu’Internorth n’ait pas eu d’employés. Voici, selon ces comptes, les sommes dont il est fait état par ICC et Internorth en tant que salaires et avantages sociaux pour les années 2003 et 2004 : ICC Internorth Montant dont il est fait état au titre des salaires et des avantages sociaux en 2003 1 365 516 $ 0 Montant dont il est fait état au titre des salaires et des avantages sociaux en 2004 410 160 $ 0 [34] Le recueil de documents de l’appelant comprenait, cependant, une version provisoire d’état des résultats d’exploitation d’Internorth pour la période allant du 5 juin 2003 au 30 avril 2004. On ne saisit pas très bien pourquoi la somme de 339 249 $ y figure au titre de salaires. Ni l’une ni l’autre des parties n’a mentionné ce document, et il me semble que, comme ce document n’est pas compatible avec les états de clôture qui ont été produits, ni avec le témoignage de l’appelant, je n’attribue aucun poids à l’inclusion d’un certain montant au titre de salaires dans cet état des résultats d’exploitation d’Internorth couvrant la période d’environ 11 mois qui va du 5 juin 2003 au 30 avril 2004. [35] Comme l’observe, dans la décision VanNieuwkerk c. La Reine, 2003 CCI 670, [2004] 1 C.T.C. 2577, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) : 6 […] Cette cour a eu maintes fois l’occasion de dire que les écritures comptables ne créent pas la réalité. Elles ne font que refléter la réalité. Il doit y avoir une réalité sous‑jacente pouvant exister indépendamment des écritures comptables. […] [36] Il m’apparaît plus vraisemblable que l’état des résultats d’exploitation d’Internorth pour la période allant du 5 juin 2003 au 30 avril 2004 ne reflète pas la réalité. Il est selon moi plus vraisemblable que la réalité est correctement exposée par les états financiers de clôture d’Internorth pour 2003 et 2004 et que, comme l’affirme l’appelant, Internorth n’avait pas d’employés. Comme je l’ai signalé plus haut, bien que l’intimée ait contredit la thèse voulant qu’Internorth n’ait pas eu d’employés, la cotisation dont Internorth a fait l’objet, comme l’indiquent les hypothèses de fait retenues par l’intimée, se fondait non pas sur l’hypothèse selon laquelle Internorth avait des employés ou les employés d’ICC étaient devenus des employés d’Internorth, mais, plutôt que sur celle selon laquelle c’était Internorth qui payait les employés d’ICC. Cela dit, je conclus qu’en 2003 ou en 2004, Internorth n’avait effectivement pas d’employés. Internorth a-t-elle payé les employés d’ICC? [37] La cotisation dont Internorth a fait l’objet au titre des retenues à la source qui n’avaient pas été versées est fondée sur l’hypothèse selon laquelle les employés d’ICC ont été payés par Internorth. On trouve, notamment, au paragraphe 15 de la réponse modifiée les éléments suivants : [traduction] 15. Pour calculer la dette fiscale de l’appelant au titre du paragraphe 227.1(1), le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes : […] c) Internorth Ltd. a été constituée le 5 juin 2003; […] g) avant le 5 juin 2003, Internorth Construction payait ses employés sur deux de ses comptes de paye; h) le 5 juin 2003, Internorth Construction a cessé de payer ses employés sur ses propres comptes de paye; i) à partir du 7 juin 2003, Internorth Ltd. a commencé à payer les employés d’Internorth Construction sur ses comptes bancaires; j) supprimé; k) Internorth Ltd. n’a pas facturé Internorth Construction pour les salaires versés; l) Internorth Construction n’a pas remboursé Internorth Ltd. pour les salaires versés aux employés à partir du 5 juin 2003; [38] Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a fait, dans l’arrêt The Queen v. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 DTC 5512, les observations suivantes au nom de la Cour d’appel fédérale : [23] Alléguer l’existence d’hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu’il lui faudra prouver. [39] Aucune hypothèse n’a été posée en ce qui concerne la manière dont Internorth aurait financé le paiement des salaires des employés d’ICC. Vu les hypothèses exposées plus haut, on se demande évidemment comment Internorth a fait pour payer les employés d’ICC si celle-ci ne l’a pas remboursée? La conclusion logique, me semble-t-il, compte tenu des deux hypothèses voulant qu’Internorth ait payé les employés d’ICC et qu’ICC n’ait pas remboursé Internorth, est que le ministre a présumé qu’Internorth payait les employés d’ICC avec ses propres fonds[1]. [40] Internorth n’a été constituée en société que le 5 juin 2003. Il ne s’agit pas d’une société en activité depuis plusieurs années et qui aurait donc pu disposer d’importantes réserves de capital lui permettant de rémunérer les personnes qui n’étaient pas ses employés. Au 31 décembre 2003, l’actif d’Internorth (selon son bilan) s’élevait au total à 1 220 125 $ en liquidités et en créances. Il ressort de ce bilan par ailleurs un déficit de 105 554 $ pour Internorth, étant donné que ses dettes s’élevaient à 1 325 678 $ et que son capital social était de 1 $. [41] Le contre-interrogatoire de l’appelant a donné lieu, entre l’avocate de l’intimée et l’appelant, au dialogue suivant : [traduction] Q. Reconnaissez-vous que les employés d’Internorth Construction Company ont été payés par Internorth Limited, à partir de – soyons précis – du 7 juin 2003? R. Je n’ai pas, sur ce point, de connaissances directes. J’aurais – les gestionnaires financiers versaient les salaires et payaient les factures, et je crois pouvoir dire que ces paiements étaient effectués sur les comptes d’Internorth Construction, à ma connaissance. Je ne pense pas qu’un compte de paye ait été ouvert pour Internorth Limited, mais Internorth Construction avait des comptes de paye. C’est, d’après moi, comme cela que ça se passait. Q. Selon vous, donc, Internorth Limited n’a pas, à partir du 7 juin 2003, payé les employés d’Internorth Construction? R. Je croyais que c’était bien l’origine des fonds que nous administrions. D’après moi, il était convenu qu’Internorth Limited administrerait les comptes de paye pour Internorth Construction et effectuerait les versements en question, vous savez, en fonction des renseignements qu’ils fournissaient concernant les rémunérations à verser. Q. C’est dire que, selon vous, les versements étaient effectués par Internorth Limited. Cela veut-il dire que les employés étaient payés sur les comptes bancaires de Limited? R. Je ne sais pas si c’était le cas. Il s’agissait, d’après moi, d’acquitter les obligations d’Internorth Construction, quelle que soit la manière dont cela se faisait. D’après moi, les versements étaient effectués. Les fonds nécessaires au paiement des salaires étaient dégagés et, pour autant que je sache, selon la documentation, Internorth Limited n’a jamais eu d’employés, et n’a jamais notamment délivré de feuillets T4 à des employés. Si j’ai bien compris, nous aidions Internorth Construction à gérer les obligations qui lui incombaient en matière de salaires. Q. Non, je comprends ça, mais à partir du 7 juin 2003, qui payait les employés? Je ne parle pas des sous‑traitants. R. Il se peut qu’Internorth Limited ait, pour payer les employés d’Internorth Construction, émis des chèques pour le compte de cette dernière. Il se peut que ce soit comme cela que les choses se soient passées. Q. Disposez-vous d’éléments qui permettent de penser, ou qui démontrent qu’à partir du 7 juin 2003, les employés en question ont en fait été payés par Internorth Construction? R. Non, c’est justement ce que je cherche à obtenir -- [42] Ce dialogue ne permet pas de savoir comment les employés d’ICC ont été payés. Parmi les documents produits par l’appelant se trouvent deux annexes qui semblent avoir été préparées en vue d’une réunion avec l’Agence des douanes et du revenu du Canada (c’est ainsi que l’ARC s’appelait à l’époque) le 22 juin 2004. Ces annexes indiquent les sommes déposées dans les comptes bancaires d’Internorth et d’ICC entre le 1er janvier 2003 et le 31 mai 2004. Selon l’appelant, toutes les sommes déposées dans les comptes bancaires en question figurent dans ces annexes. Voici les sommes qui auraient ainsi, au cours de la période en cause, été versées sur ces comptes bancaires : Total des sommes déposées dans le compte bancaire d’ICC : 7 379 250 $ + 412 805 $ = 7 792 055 $ Total des sommes déposées dans le compte bancaire d’Internorth : 540 547 $ + 2 527 116 $ = 3 067 663 $ [43] Voici quel a été, selon les états financiers d’ICC et d’Internorth, les revenus respectifs de ces deux sociétés en 2003 et en 2004 : ICC Internorth Revenu déclaré en 2003 22 361 741 $ 2 724 625 $ Revenu déclaré en 2004 241 724 $ 1 589 776 $ [44] Ces revenus auraient été calculés selon la comptabilité d’exercice. Cela dit, étant donné qu’en 2003 les sociétés ont eu, à elles deux, des revenus de plus de 25 millions de dollars, comment se fait-il que les dépôts bancaires effectués en 2003 et au cours des cinq premiers mois de 2004 correspondent à moins de la moitié de cette somme? Cela soulève effectivement des questions, mais ne démontre pas que les employés d’ICC ont été rémunérés par Internorth. Étant donné que, selon l’hypothèse retenue par le ministre, ICC n’a pas remboursé Internorth pour les salaires que celle-ci aurait versés, il y a lieu de supposer, faute de preuve contraire, que tout revenu d’ICC qui dépasse le montant des dépôts ci-dessus, a été versé soit dans le compte bancaire d’ICC, soit dans le compte bancaire d’Internorth en règlement d’une dépense autre que les salaires. Ajoutons que les dépôts bancaires effectués, selon les renseignements fournis, par Internorth, entre le 1er janvier 2003 et le 31 mai 2004, s’élevaient à 3 067 663 $, alors qu’en 2003 et en 2004 (période certes plus longue), Internorth a eu un revenu total de 4 314 401 $. Il semble raisonnable de penser que les sommes données comme ayant été déposées dans le compte bancaire d’Internorth correspondent au revenu de cette entreprise pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 mai 2004. [45] Selon les états financiers d’Internorth, en 2003 (c’est-à-dire au cours d’une partie seulement de la période correspondant à l’annexe détaillant les dépôts bancaires), Internorth a eu un revenu total de 2 724 625 $, ses coûts de vente s’élevant à 2 697 125 $. Ainsi, le revenu d’Internorth n’a dépassé que de 27 500 $ les coûts de vente de l’entreprise, et ne lui aurait donc pas permis de payer les employés d’ICC. [46] Dans l’arrêt House c. La Reine, 2011 CAF 234, le juge Nadon a fait les observations suivantes au nom de la Cour d’appel fédérale : 30 Pour trancher la question dont elle est saisie, il importe que la Cour garde à l’esprit l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 (Hickman), dans lequel la juge L’Heureux-Dubé a énoncé, aux paragraphes 92 à 95 de ses motifs, les principes qui régissent le fardeau de la preuve dans le domaine de la fiscalité : 1. Dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités. 2. Le contribuable a la charge initiale de « démolir » les présomptions sur lesquelles le ministre se fonde pour établir sa cotisation. 3. Le contribuable s’acquitte de cette charge initiale lorsqu’il présente une preuve prima facie. 4. Lorsque le contribuable a établi une preuve prima facie, le fardeau de la preuve passe alors au ministre qui doit réfuter cette preuve en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, l’exactitude de ses présomptions (en l’espèce, la présomption que Hunt River détenait à la fin de l’année d’imposition 2002 un placement à long terme de 305 000 $ qu’elle a transféré à l’appelant en 2003). 5. Si le ministre ne présente aucune preuve satisfaisante, le contribuable a gain de cause. […] 57 À mon avis, le juge en chef adjoint a commis deux erreurs de droit. Premièrement, il a confondu la charge initiale qui incombait à l’appelant de « démolir » les hypothèses du ministre avec le fardeau général qui incombait aux parties de présenter leur preuve respective. Deuxièmement, il a commis une erreur en ne tenant pas compte du témoignage de M. Cole. S’il avait tenu compte du témoignage de M. Cole, comme il aurait dû le faire, il aurait nécessairement conclu, à mon avis, que l’appelant avait présenté une preuve prima facie « démolissant » les hypothèses du ministre. Dans l’arrêt Amiante Spec Inc. c. Canada, 2009 CAF 239, 2009 ACF no 603 (QL), la Cour a expliqué comme suit, au paragraphe 23, ce qu’était une preuve prima facie : [23] Une preuve prima facie est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n’est pas la même chose qu’une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie » (Stewart c. Canada, [2000] T.C.J. No. 53 au paragraphe 23). [47] À mon avis, l’appelant a présenté une preuve prima facie qu’Internorth n’a pas payé les employés d’ICC. Le compte bancaire d’Internorth ne contenait pas assez de fonds pour assumer à la fois ses coûts de vente et rémunérer les employés d’ICC. S’il semble effectivement qu’ICC et Internorth aient eu des revenus supérieurs à ce qu’indiquent les annexes récapitulant les dépôts bancaires, il semblerait que les revenus supplémentaires aient constitué un revenu d’ICC; et, comme le ministre a retenu comme hypothèse qu’ICC n’avait pas remboursé Internorth pour les salaires versés par Internorth, j’estime que l’appelant a effectivement présenté une preuve prima facie qu’Internorth n’a pas payé les employés d’ICC étant donné qu’Internorth n’aurait pas eu les ressources nécessaires pour effectuer de tels paiements. [48] Le seul élément de preuve qu’ait produit le ministre est le rapport rédigé par l’agent de l’ARC qui a décidé qu’il y avait lieu d’établir à l’égard d’Internorth une cotisation au titre des retenues à la source qui auraient dû être versées, à partir du 5 juin 2003. L’auteur de ce rapport n’a pas témoigné à l’audience, car il ne travaille plus pour l’ARC. Selon ce rapport : [traduction] Il fut décidé, après examen des registres et de la comptabilité, que tout ce qui avait trait à la rémunération se faisait par l’intermédiaire d’Internorth Ltd depuis le 7 juin 2003 (RP0001 et RP0002). Internorth Construction Company éprouvait des difficultés financières et plusieurs créanciers avaient engagé contre la société des actions en justice. L’entreprise, qui n’était pas en mesure de payer ses employés sur le compte bancaire d’Internorth Construction Company, a commencé à tirer les chèques de paie sur le compte d’Internorth Ltd. Le 6 juin 2003, les rémunérations ont donc cessé d’être versées par l’Internorth Construction Company, et ont été, à partir du 7 juin 2003, versées par Internorth Ltd. Les cotisations établies au regard des comptes associés de l’Internorth Construction Company seront annulées et établies à l’égard des comptes de paye en question. Les T4 établis pour 2003 à l’égard des comptes associés seront annulés et remplacés par de nouveaux T4 fondés, pour la période allant du mois de janvier au mois de juin 2003, sur les rémunérations et les retenues d’Internorth Construction Company, et, pour la période allant du mois de juin au mois de décembre 2003, sur celles d’Internorth Ltd. [49] Rien n’indique quels sont les dossiers et les registres comptables qui ont été examinés, et aucun des registres ou dossiers qui auraient été examinés n’a été produit à l’audience. La thèse de l’intimée semble porter que je devrais, sans recueillir le témoignage de la personne qui a pris la décision à cet égard, et sans avoir pu me pencher sur les documents qui ont été examinés et qui ont donné lieu à cette décision, conclure qu’Internorth a payé les employés d’ICC. Or, sans examiner les documents au vu desquels on est parvenu aux conclusions ci-dessus, il m’est impossible de dire si je tirerais la même conclusion. Ajoutons que l’agent qui a rédigé le rapport s’est exprimé en disant que la rémunération avait été effectuée [traduction] « par l’intermédiaire » d’Internorth et a précisé, à la dernière phrase du premier paragraphe, que l’entreprise […] [traduction] « a commencé à tirer les chèques de paie sur le compte d’Internorth […] ». Cela semble donner à penser qu’ICC continuait à payer les employés, mais effectuait simplement ces versements « par l’intermédiaire » d’un compte d’Internorth, ce qui supposerait qu’Internorth effectuait les paiements en cause en tant que mandataire. Même si j’admettais ce qu’avance cet agent, la cotisation établie à l’égard d’Internorth ne serait pas justifiée, il me semble, étant donné qu’Internorth ne serait pas responsable des retenues à la source si, en payant les employés d’ICC, elle n’agissait qu’en tant que mandataire d’ICC (Marché Lambert et Frères Inc., précitée). [50] L’avocate de l’intimée a précisé qu’il n’y avait aucun document dans le dossier de l’ARC. Étant donné cette absence de documents, l’intimée n’a pu produire aucun élément pour réfuter la preuve prima facie présentée par l’appelant qui soutient qu’Internorth n’a pas payé les employés d’ICC. [51] Si Internorth a versé les salaires des employés d’ICC, et qu’ICC n’a pas remboursé Internorth, soit Internorth a payé les salaires en question au moyen de ses propres ressources, soit quelqu’un d’autre a financé ces salaires. Il paraît évident qu’Internorth n’avait pas les ressources nécessaires pour verser ces salaires (qui se seraient élevés, en 2004, à 410 160 $), à moins d’avoir reçu des fonds provenant d’ailleurs. Rien n’indique que quelqu’un d’autre ait financé le paiement des salaires des employés d’ICC. Cela dit, soit l’hypothèse voulant qu’Internorth ait payé les employés d’ICC est inexacte, soit c’est l’hypothèse voulant qu’ICC n’ait pas remboursé Internorth qui est inexacte. Étant donné que l’intimée a retenu comme hypothèse qu’ICC n’avait pas remboursé Internorth, l’appelant n’était pas tenu de réfuter cette hypothèse, mais pouvait s’en prévaloir pour contester l’autre hypothèse, c’est-à-dire celle voulant qu’Internorth ait payé les employés d’ICC. [52] J’estime que l’appelant a présenté une preuve prima facie de l’inexactitude de l’hypothèse voulant qu’Internorth ait payé les employés d’ICC. La charge de la preuve passe donc à l’intimée, à qui il appartient par conséquent de produire des preuves à l’appui de l’hypothèse voulant qu’Internorth ait payé les employés d’ICC. L’intimée n’a produit aucun élément permettant de réfuter cette preuve prima facie. [53] Par conséquent, doit être retenue la thése de l’appelant en ce qui concerne la question de savoir si Internorth a payé les employés d’ICC, et je conclus en l’espèce qu’Internorth n’a pas payé les employés d’ICC. Cela dit, si Internorth n’a versé aucun salaire, Internorth n’était pas responsable des retenues à la source, et la cotisation établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’Internorth est annulée. [54] Étant donné qu’Internorth n’a pas payé les employés d’ICC, la troisième question posée ci-dessus est sans pertinence. Ainsi que nous l’avons relevé plus haut, cependant, il semblerait, selon le rapport de l’agent de l’ARC, que même si le compte bancaire d’Internorth avait servi à payer les employés d’ICC, il se peut qu’en versant la rémunération des employés d’ICC, Internorth soit simplement intervenue en tant que mandataire d’ICC. Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, la personne qui, en versant la rémunération des employés de tel ou tel employeur, ne fait qu’agir en tant que mandataire de cet employeur n’est pas, en ce qui concerne les sommes versées à ses employés, responsable du non-versement des retenues à la source. [55] L’appelant ayant réussi à contester la cotisation sous-jacente d’Internorth, la question de savoir s’il a fait preuve de diligence raisonnable est, elle aussi, dénuée de pertinence. [56] En conséquence, l’appel interjeté par l’appelant est accueilli avec dépens, et la cotisation établie à son égard, en sa qualité d’administrateur d’Internorth, au titre des retenues à la source qui n’ont pas été versées, et des pénalités et des intérêts y afférents, qui ont servi de base à la cotisation établie à l’égard d’Internorth, est annulée. Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 20e jour de janvier 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 5e jour de mars 2012. François Brunet, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 21 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-3655(IT)G INTITULÉ : MARVIN G. MARSHALL c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Canada DATE DE L’AUDIENCE : Les 28 et 29 novembre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 20 janvier 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocate de l’intimée : Me April Tate AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Selon le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, le terme [traduction] « rembourser » veut dire « rendre (à la personne qui a déboursé les fonds) ». Selon cette définition, si ICC a avancé à Internorth l’argent permettant à celle-ci de verser les salaires et les traitements des employés d’ICC, on pourrait faire valoir qu’ICC n’a pas remboursé Internorth, étant donné qu’Internorth n’a pas financé les paiements, les sommes en cause lui étant rendues par ICC. Mais, étant donné que « les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts », si le ministre partait de l’hypothèse qu’ICC avait avancé l’argent à Internorth afin de permettre à celle-ci de verser les salaires et les traitements, il aurait fallu que cette hypothèse soit clairement énoncée. Quoi qu’il en soit, l’intimée n’a produit aucun élément de preuve démontrant comment Internorth aurait pu être en mesure de verser les salaires en question, pas plus qu’elle n’a offert d’explication à ce sujet. Si l’intimée avait allégué qu’ICC avait avancé à Internorth l’argent nécessaire pour que celle-ci puisse verser les salaires et les traitements, la charge de preuve aurait incombé à la Couronne. Ainsi que l’a relevé la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt La Reine c. Loewen, 2004 CAF 146 au paragraphe 11, « Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle ».
2012 CCI 210
TCC
2,012
506913 N.B. Ltd. c. La Reine
fr
2012-06-08
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30825/index.do
2022-09-04
506913 N.B. Ltd. c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-08 Référence neutre 2012 CCI 210 Numéro de dossier 2003-3382(GST)G Juges et Officiers taxateurs Steven K. D'Arcy Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2003-3382(GST)G ENTRE : 506913 N.B. LTD., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. Dossier : 2003-3383(GST)G ET ENTRE : CAMBRIDGE LEASING LTD. appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy Avocats des appelantes : Me Eugene J. Mockler Me Kevin Toner Avocats de l’intimée : Me John P. Bodurtha Me Jan Jensen Me Deavon Peavoy ____________________________________________________________________ VERSION RÉVISÉE DE LA TRANSCRIPTION DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE RENDUS ORALEMENT Que la transcription révisée ci-jointe des motifs de l’ordonnance que j’ai prononcés à l’audience, tenue le 16 avril 2012, à Fredericton (Nouveau-Brunswick), soient déposés. J’ai révisé la transcription (certifiée par le sténographe judiciaire) par souci de stylistique, de clarté et d’exactitude. Je n’y ai apporté aucune modification de fond. Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2012. « S. D’Arcy » Juge D’Arcy Traduction certifiée conforme ce 4e jour de décembre 2012. François Brunet, réviseur Référence : 2012 CCI 210 Date : 20120608 Dossier : 2003-3382(GST)G ENTRE : 506913 N.B. LTD., appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. Dossier : 2003-3383(GST)G ET ENTRE : CAMBRIDGE LEASING LTD. appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DE L’ORDONNANCE (Requête instruite les 2, 3 et 5 avril 2012, et motifs de l’ordonnance prononcés à l’audience le 16 avril 2012, à Fredericton (Nouveau-Brunswick).) Le juge D’Arcy [1] L’intimée a présenté une requête en radiation de certaines déclarations faites sous serment qui avaient été déposées par les appelantes au soutien de leur requête datée du 31 janvier 2012 ou, subsidiairement, en radiation de certains paragraphes précisés, ainsi que les pièces y afférentes. [2] J’expose ci-après les motifs de mon ordonnance rendus oralement se rapportant à la requête de l’intimée. [3] L’appelante, 506913 N.B. Ltd., fait appel d’un avis de nouvelle cotisation délivré par le ministre pour ses périodes de déclaration de taxe sur les produits et services (la « TPS ») se terminant entre le 1er mai 1998 et le 31 octobre 2000. Les nouvelles cotisations augmentaient de 5 627 882 $ la taxe nette de 506913 N.B. Ltd. Le ministre a aussi établi des pénalités et des intérêts se chiffrant à 1 253 746 $, ainsi que des pénalités pour faute lourde se chiffrant à 1 374 854 $. [4] L’appelante, Cambridge Leasing Ltd., fait appel d’un avis de nouvelle cotisation délivré par le ministre pour ses périodes de déclaration de TPS se terminant entre le 1er novembre 2000 et le 31 décembre 2000. Les nouvelles cotisations augmentaient de 498 031 $ la taxe nette de Cambridge Leasing Ltd. Le ministre a aussi établi des pénalités et des intérêts se chiffrant à 51 934 $, ainsi que des pénalités pour faute lourde se chiffrant à 124 508 $. [5] Une conférence préparatoire a eu lieu devant moi le 28 janvier 2011. Le 7 février 2011, j’ai rendu une ordonnance de dépôt, par les appelantes, d’une requête en irrecevabilité de certains documents. [6] Les appelantes ont déposé une requête le 28 février 2011. Cette requête n’était pas conforme à mon ordonnance du 7 février 2011. [7] Le 23 mars 2011, j’ai rendu une deuxième ordonnance enjoignant aux appelantes de retirer la requête qu’elles avaient déposée le 28 février 2011 et de déposer une nouvelle requête conforme à mon ordonnance du 7 février 2011. La Cour donnait aussi des directives détaillées se rapportant au contenu de la nouvelle requête. [8] Les appelantes ont déposé la nouvelle requête auprès de la Cour le 3 février 2012 (la « requête principale »). [9] L’intimée a alors déposé sa requête le 15 mars 2012. [10] Il ne s’agit pas ici des seules instances judiciaires se rapportant aux opérations pour lesquelles les appelantes ont fait l’objet d’avis de cotisation. [11] Une poursuite criminelle a été engagée contre les appelantes, ainsi que contre M. Mark Daley, devant la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick (la « procédure criminelle »). [12] Par ailleurs, les appelantes et leurs dirigeants ont engagé une action civile contre des employés de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et contre le procureur général du Canada devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick (l’« action civile »). [13] La requête dont je suis saisi soulève trois questions : (i) L’intimée demande à la Cour de rendre une ordonnance interdisant aux appelantes d’utiliser ou de tenter d’utiliser des documents contenant des avis juridiques donnés par le ministère de la Justice à l’ARC ou à ses employés (la « question du secret professionnel de l’avocat »). (ii) L’intimée demande à la Cour de rendre une ordonnance interdisant aux appelantes d’utiliser la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Ron MacIntyre qui s’est déroulé au cours de l’action civile (la « question de l’engagement implicite »). (iii) L’intimée demande à la Cour de radier certaines portions de diverses déclarations sous serment déposées au soutien de la requête principale, compte tenu du fait que lesdites portions sont répréhensibles pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes : a. elles contiennent des éléments que le déposant tient pour véridiques sur la foi de renseignements alors que la source de ces renseignements et le fait qu’ils sont tenus pour véridiques ne sont pas indiqués dans la déclaration sous serment; b. elles constituent des paragraphes qui n’exposent pas de faits; c. elles contiennent des déclarations qui sont sans pertinence; d. elles contiennent des déclarations qui constituent des conjectures ou des arguments; e. elles contiennent des déclarations qui constituent des conclusions de droit (la « question du contenu des déclarations sous serment »). J’examinerai d’abord la question du secret professionnel de l’avocat [14] L’intimée prie la Cour de rendre une ordonnance interdisant aux appelantes d’utiliser ou de tenter d’utiliser des documents renfermant des avis juridiques donnés par le ministère de la Justice à l’ARC ou à ses employés. [15] L’intimée a déposé, avec sa requête, la déclaration sous serment de Mme Barb Toole, qui est actuellement la directrice adjointe de la vérification au bureau de l’ARC situé à Saint‑Jean (Nouveau‑Brunswick). [16] Mme Toole a désigné, et annexé à sa déclaration sous serment, les six documents suivants à l’égard desquels l’intimée revendique explicitement un privilège en dépit de leur communication aux appelantes : i) une note de service datée du 12 septembre 2001 adressée par un avocat du ministère de la Justice, M. John Ashley, à un fonctionnaire de l’ARC, M. François LePalme; ii) une lettre datée du 10 mai 2004 adressée par un avocat du ministère de la Justice, M. Peter Leslie, à M. François LePalme; iii) une lettre datée du 11 avril 2004 adressée par M. Leslie à un fonctionnaire de l’ARC, M. Brian McGiven; iv) une série de courriels échangés entre Mme Toole et un fonctionnaire de l’ARC, M. Gilles Meloche. Les courriels ont été envoyés en mars et en avril 2001; v) une page couverture de télécopie datée du 15 novembre 2000. La télécopie était envoyée par M. Leslie à un fonctionnaire de l’ARC, M. Yvon Boudreau; vi) une lettre du 14 avril 1999 envoyée par M. Leslie à des fonctionnaires de l’ARC, M. Leonard Doncaster et M. Tim MacLean. [17] Au cours de l’audience, les avocats de l’intimée ont désigné deux autres documents qui font partie des pièces annexées à la requête principale des appelantes (les pièces U et V du volume 4A de 4) : i) une lettre datée du 24 juin 2004, adressée par M. Leslie à un fonctionnaire de l’ARC, M. Ron MacIntyre; ii) une lettre datée du 2 juillet 2003, adressée par M. Ashley à un fonctionnaire de l’ARC, M. Steven Lunney. [18] L’intimée soutient que les documents énumérés dans la déclaration sous serment de Mme Toole, les deux lettres indiquées pendant l’audience et les autres documents semblables communiqués aux appelantes sont protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat et qu’ils ont malencontreusement été communiqués aux appelantes pendant la phase de communication de la preuve au cours de la procédure pénale. [19] L’intimée fait valoir qu’il n’y a eu aucune renonciation implicite au privilège, malgré la communication malencontreuse des documents. [20] Les appelants soutiennent, en tout premier lieu, que les documents ne sont pas protégés par le secret professionnel de l’avocat. S’ils le sont, alors les appelantes soutiennent qu’il y a eu renonciation de la part de l’intimée. [21] J’examinerai d’abord le point de savoir si les documents sont protégés par le secret professionnel de l’avocat. [22] Comme l’observait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Couture, 2007 CSC 28, [2007] A.C.S. n° 28, au paragraphe 62, le secret professionnel a pour effet d’exclure la preuve en raison d’intérêts sociaux généraux, et non pas de faciliter la fonction judiciaire de la manifestation de la vérité. [23] La raison d’être du secret professionnel est expliquée dans Law of Evidence in Canada[1] ainsi[2] : il est de l’intérêt de la société de préserver et d’encourager les relations particulières qui se nouent au sein de la communauté et dont la viabilité dépend de la confidentialité entre les parties. Ces communications confidentielles ne sont pas généralement révélées à quiconque est extérieur à la relation. La relation avocat-client a toujours été considérée comme l’une de ces relations spéciales. [24] Le juge Dickson a expliqué le fonctionnement du privilège du secret professionnel de l’avocat dans l’arrêt Solosky c. R., [1980] 1 R.C.S. 821, au paragraphe 28 : […] le privilège ne peut être invoqué que pour chaque document pris individuellement, et chacun doit répondre aux critères du privilège : (i) une communication entre un avocat et son client; (ii) qui comporte une consultation ou un avis juridiques; et (iii) que les parties considèrent de nature confidentielle. Le juge doit lire les lettres afin de décider si le privilège s’y rattache, ce qui exige, à tout le moins, qu’elles relèvent de la juridiction d’un tribunal. Enfin, le privilège vise à empêcher leur utilisation ou divulgation injustifiée et non simplement leur ouverture. [25] Le traité Law of Evidence relève les éléments suivants à propos de la portée du privilège : i) La communication doit non seulement s’inscrire dans le « cadre habituel et ordinaire de la relation professionnelle »[3] qu’il y a entre l’avocat et son client, mais aussi être faite à titre confidentiel. ii) Tant que les circonstances montrent que les parties entendent préserver le secret de la communication, la communication est protégée[4]. iii) Les communications doivent être faites à l’occasion de la demande d’un avis juridique[5], et être faites dans le but d’obtenir de l’avocat un avis professionnel fondé sur l’expertise de celui-ci en matière de droit[6]. [26] La Cour suprême du Canada enseigne par l’arrêt R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, au paragraphe 50, que l’existence ou le caractère du privilège n’est pas modifié par le fait que l’avocat consulté fait partie du service juridique gouvernemental interne. [27] La Cour suprême signale que les services rendus par un avocat œuvrant au service de l’État ne sont pas tous visés par le secret professionnel de l’avocat. Ainsi, les conseils portant sur de pures questions d’affaires n’en bénéficient pas, même s’ils sont donnés par un avocat. [28] La Cour suprême a ajouté que la question de savoir si le secret professionnel de l’avocat peut être invoqué dans les cas faisant intervenir des employés salariés, par exemple les avocats du gouvernement ou ceux d’une entreprise, dépend de la nature de la relation, de l’objet de l’avis et des circonstances dans lesquels cet avis est demandé et fourni. [29] La Cour de l’impôt a décidé que l’avis juridique donné à titre confidentiel à un fonctionnaire de l’ARC par un avocat travaillant pour le ministère de la Justice est une communication privilégiée (voir la décision Global Cash Access (Canada) Inc. c. La Reine, 2010 CCI 493, [2010] G.S.T.C. 145) (la décision Global Cash Access). [30] J’ai examiné les six documents annexés à la déclaration sous serment de Mme Toole et les deux lettres indiquées au cours de l’audience. J’examinerai d’abord la note de service adressée par l’avocat du ministère de la Justice, M. John Ashley, au fonctionnaire de l’ARC, les quatre lettres adressées par l’avocat du ministère de la Justice, M. Peter Leslie, à divers fonctionnaires de l’ARC, la page couverture de télécopie et la lettre adressée par M. Ashley à un fonctionnaire de l’ARC. [31] Après lecture de chacun des documents, je conclus que la note de service et la lettre de M. Ashley, chacune des lettres de M. Leslie ainsi que la page couverture de télécopie étaient, à la date où ces documents ont été établis, couverts par le secret professionnel de l’avocat. Chacun des documents fait état d’une communication entre un avocat et son client, chacun d’eux comporte la fourniture d’un avis juridique et chacun d’eux était réputé confidentiel. [32] Les courriels annexés comme pièce 4 à la déclaration sous serment de Mme Toole ne constituent pas des communications entre un avocat et son client. Cependant, le courriel qui a été envoyé à 7 h 32 le 17 avril 2001 par Mme Toole à un autre employé de l’ARC, M. Gilles Meloche, ainsi que le courriel qui a été envoyé à 16 h 55 le 18 avril 2001 par Gilles Meloche à Mme Toole, portent sur des avis juridiques donnés à l’ARC par des avocats du ministère de la Justice. Il est clair que ces avis juridiques ont été donnés à titre confidentiel et qu’ils bénéficiaient donc du privilège du secret professionnel de l’avocat lorsqu’ils ont été fournis au fonctionnaire de l’ARC par l’avocat du ministère de la Justice. [33] Le secret professionnel tient toujours lorsque l’avis est échangé avec d’autres fonctionnaires de l’ARC. Comme l’a observé le juge Bowie dans la décision Global Cash Access, précitée, au paragraphe 5 : [TRADUCTION] […] L’avis a été donné à l’Agence sous le manteau protecteur du secret professionnel de l’avocat, et il ne perd pas cette protection lorsqu’il est transmis par un représentant de l’Agence à un autre. Si cette affirmation doit être justifiée autrement que par le bon sens, alors on peut se référer à un jugement du juge Halvorson, de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, International Minerals & Chemical Corp. (Canada) v. Commonwealth Insurance Co., [1990] S.J. 615; 89 Sask R.1 (B.R. Sask.). [34] L’intimée me demande de rendre une ordonnance interdisant aux appelantes de produire devant la Cour d’autres documents renfermant des avis juridiques donnés par le ministère de la Justice à l’ARC ou aux employés de celle-ci. Il m’est impossible de rendre une telle ordonnance sans que le document concerné soit précisé au préalable. [35] La question de savoir si le secret professionnel s’applique doit être décidée en fonction de chaque document. Par ailleurs, comme le juge Dickson l’a signalé dans l’arrêt Solosky, précité, le juge doit lire les documents concernés avant de se prononcer. Je dois lire la correspondance en cause avant de pouvoir dire si elle est ou non couverte. [36] En résumé, je suis d’avis que la note de service et la lettre de M. Ashley, chacune des lettres de M. Leslie, la page couverture de télécopie et les deux courriels indiqués étaient, à la date où ils ont été établis, couverts par le secret professionnel de l’avocat. [37] Je rechercherai maintenant si le secret professionnel a cessé quand l’intimée a communiqué les documents aux appelantes au cours de la procédure pénale. [38] Law of Evidence contient plusieurs observations portant sur la durée du secret professionnel. On peut y lire que le privilège est [TRADUCTION] « jalousement gardé » : il n’est écarté que dans des circonstances exceptionnelles. Le secret professionnel de l’avocat est permanent; il subsiste, même à l’égard d’autres litiges pouvant surgir ultérieurement. Néanmoins, le secret portant sur une communication peut disparaître, ou il peut y avoir « renonciation ». [39] Par ailleurs, le droit est clair. Le secret professionnel profite au client : l’avocat ne peut pas y renoncer. Seul son client peut le faire. [40] En ce qui concerne la requête dont je suis saisi, l’intimée reconnaît qu’elle a par inadvertance communiqué les documents couverts. [41] À l’origine, en common law, la communication malencontreuse de renseignements protégés constituait une renonciation complète au secret professionnel. La règle a été établie dans l’arrêt Calcraft v. Guest, [1898] 1 Q.B. 759 (C.A.). Cependant, la jurisprudence contemporaine n’est pas aussi rigide. La communication malencontreuse ou fautive de documents couverts ne constitue plus automatiquement une renonciation. [42] L’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, Chapelstone Developments Inc. c. R., 2004 CANB 96, [2004] G.S.T.C. 162 est une décision de principe portant sur la communication malencontreuse de documents couverts. [43] Au paragraphe 54 de l’arrêt Chapelstone, le juge Robertson cite l’extrait suivant de la deuxième édition du texte Law of Evidence : [TRADUCTION] Lorsqu’on a conclu que la divulgation de renseignements couverts a été faite par inadvertance, la jurisprudence canadienne récente a choisi de ne pas retenir le principe énoncé dans l’arrêt Calcraft c. Guest, statuant plutôt que la simple perte de possession matérielle d’un document protégé n’éteint pas automatiquement le privilège. Du fait que les règles de procédure actuelles prévoient la communication étendue de documents, l’échange de fortes quantités de documents entre les avocats est monnaie courante, et il arrive forcément que des documents couverts soient divulgués accidentellement. Le juge doit avoir le pouvoir discrétionnaire de décider s’il y a eu renonciation au secret professionnel dans les circonstances. Les facteurs dont il faut tenir compte devraient être de savoir, notamment, si l’erreur est excusable, si une tentative immédiate a été faite pour récupérer la documentation, et si le maintien du secret professionnel dans les circonstances serait préjudiciel pour la partie adverse. [Omission de la note de bas de page.] [44] Puis le juge Robertson a résumé ainsi l’état du droit[7] : Pour résumer, la règle générale veut qu’il soit possible de renoncer au secret de façon soit expresse, soit implicite. Toutefois, la divulgation par inadvertance de renseignements couverts n’entraîne pas automatiquement la perte du droit au secret. Il faut davantage pour que la communication protégée soit admissible pour motif de renonciation tacite. Par exemple, la connaissance de la personne qui revendique le secret, son silence et la confiance de la personne en possession des renseignements protégés qui ont été divulgués par inadvertance peuvent amener la Cour à conclure en droit à une renonciation tacite. Finalement, il faut juger cas par cas si la divulgation par inadvertance entraîne la perte du privilège. [45] Il semble que les documents couverts annexés comme pièces 1 à 5 de la déclaration sous serment de Mme Toole, ainsi que les deux lettres protégées indiquées au cours de l’audience, ont été communiqués en juin 2005 pendant la procédure criminelle. [46] Je ne vois pas très bien comment les appelantes ont pu obtenir une copie de la lettre protégée annexée comme pièce 6 à la déclaration sous serment de Mme Toole. La lettre ne semble pas se rapporter à l’une ou l’autre des appelantes, ni à leurs employés ou à leurs actionnaires. Elle était adressée par M. Leslie aux fonctionnaires de l’ARC, à Sydney et à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. [47] Pour ce qui est des pièces 1 à 5 de la déclaration sous serment de Mme Toole et des deux lettres indiquées au cours de l’audience, je retiens le témoignage de Mme Toole selon lequel ces documents ont été communiqués par inadvertance. [48] L’ARC a communiqué environ 70 000 documents aux appelantes. Il n’est pas surprenant qu’il y ait eu communication par inadvertance d’au moins sept d’entre eux. [49] Pour ce qui est de la pièce 6 de la déclaration sous serment de Mme Toole, je m’étonne que la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick n’ait pas été informée de la manière dont le document s’était trouvé en la possession des appelantes. Cependant, le document a manifestement été communiqué aux appelantes par l’ARC à un certain moment. [50] Je relève qu’un passage de ce document est caviardé. Cette suppression valide l’argument des appelantes selon lequel le document n’a pas été communiqué par inadvertance. [51] Mme Toole a déclaré que l’ARC, dans le cours normal de ses activités, ne communique pas de documents renfermant des communications entre les avocats du ministère de la Justice et les fonctionnaires de l’ARC. [52] Après examen de l’ensemble des éléments de preuve qui m’ont été produits, je retiens le témoignage de Mme Toole. La pièce 6 de sa déclaration sous serment a été communiquée par inadvertance. [53] Comme je viens de le dire, la communication de sept des documents a eu lieu en juin 2005. [54] La Couronne savait dès septembre 2006 qu’ils avaient été communiqués par inadvertance. [55] Le 1er septembre 2006, une déclaration sous serment faite par M. David Daley a été déposée dans la procédure pénale. Les documents couverts constituant les pièces 1, 3 et 6 de la déclaration sous serment de Mme Toole étaient annexés à la déclaration sous serment. [56] Le 11 septembre 2006, M. Daley a fait une autre déclaration sous serment qui a été elle aussi déposée dans la procédure pénale. Le document protégé annexé comme pièce 2 à la déclaration sous serment de Mme Toole, ainsi que les deux lettres protégées indiquées au cours de l’audience, étaient joints à la déclaration sous serment de M. Daley. [57] Chacune des deux pièces restantes de la déclaration sous serment de Mme Toole, à savoir les pièces 4 et 5, a été déposée comme pièce des défenderesses lors de la procédure pénale. [58] La Couronne ne s’est pas opposée, devant la Cour provinciale du Nouveau‑Brunswick, à ce que les documents couverts soient déposés pendant la procédure introduite devant la Cour provinciale. [59] En fait, le document annexé comme pièce 3 à la déclaration sous serment de Mme Toole est mentionné au paragraphe 14 de la décision rendue le 30 juillet 2008 par le juge Arseneault à l’issue de la procédure pénale. [60] Par ailleurs, les courriels annexés comme pièce 4 à la déclaration sous serment de Mme Toole qui avaient été envoyés, l’un à 7 h 32 le 17 avril 2001, par Mme Toole à M. Meloche, et l’autre à 16 h 55 le 18 avril 2001 par M. Meloche à Mme Toole, ont été présentés à un fonctionnaire de l’ARC en 2009 pendant l’interrogatoire préalable se rapportant à la présente procédure. [61] Encore une fois, l’intimée n’a pas élevé d’objection fondée sur le fait que les documents étaient des documents couverts qui avaient été communiqués par inadvertance. [62] En résumé, la communication par inadvertance a eu lieu il y a près de sept ans. À au moins trois reprises, la première il y a cinq ans et demi, la communication par inadvertance des documents a été portée à l’attention de l’intimée. Toutefois, ce n’est qu’en octobre 2011 que l’intimée a élevé des objections à propos de leur communication. [63] À mon avis, la connaissance et le silence de l’intimée constituaient une renonciation implicite au secret professionnel de l’avocat en ce qui concerne les documents annexés à la déclaration sous serment de Mme Toole et les deux lettres protégées indiquées pendant l’instruction de la requête de l’intimée. La question suivante concerne la transcription de l’interrogatoire préalable se rapportant à l’action civile [64] M. Ron MacIntyre, un fonctionnaire de l’ARC, a fait l’objet d’un interrogatoire préalable pendant l’action civile. Il est l’un des défendeurs à l’action. [65] Les appelantes ont déposé, au soutien de leur requête principale, une déclaration sous serment de M. Allen Skaling, faite le 27 janvier 2012 (la « déclaration sous serment de M. Skaling de 2012 »). [66] Les paragraphes 14 et 15 de la déclaration sous serment de M. Skaling de 2012 contiennent de longs extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Skaling dans l’action civile. L’alinéa 5d) et le paragraphe 16 s’appuient sur la transcription de l’interrogatoire préalable. [67] La transcription tout entière de l’interrogatoire préalable de M. Skaling dans l’action civile est annexée comme pièce 6 à la déclaration sous serment de M. Skaling de 2012. [68] L’intimée fait valoir que l’utilisation, par les appelantes, de la transcription de l’interrogatoire préalable administré dans l’action civile contrevient à la règle de l’engagement implicite. [69] La règle de l’engagement implicite a été exposée en détail dans un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Juman c. Doucette, 2008 CSC 8, [2008] 1 R.C.S. 157 (« Juman »). Le juge Binnie a énoncé la règle ainsi, au paragraphe 27 : À juste titre donc, la loi impose aux parties à un litige civil un engagement envers la cour de ne pas utiliser les documents ou les réponses pour toute autre fin que la recherche de la justice dans l’instance civile au cours de laquelle ils ont été obtenus (que ces documents ou réponses aient été ou non à l’origine confidentiels ou incriminants). […] [70] Il a écrit que la règle avait deux raisons d’être[8] : Premièrement, l’enquête préalable est une atteinte au droit de garder pour soi ses pensées et ses documents, aussi embarrassants, diffamatoires ou scandaleux soient‑ils. Dans chaque poursuite, au moins une partie est réticente. Or, l’étape de l’enquête préalable est essentielle pour éviter les surprises ou les « litiges par guet‑apens », pour encourager les règlements une fois les faits connus et pour circonscrire les questions en litige même lorsqu’un règlement s’avère impossible. […] […] deuxième raison […] La partie qui a une certaine assurance que les documents et les réponses qu’elle fournit ne seront pas utilisés à des fins connexes ou ultérieures à l’instance où ils sont exigés sera incitée à donner des renseignements plus exhaustifs et honnêtes. Cela est particulièrement intéressant à une époque où la production de documents est d’une envergure telle (« litige par avalanche ») qu’elle empêche, bien souvent, les particuliers ou les entreprises devant produire les documents de procéder à une présélection approfondie. […] [71] La règle de l’engagement implicite a été entérinée par la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick en 1989 dans l’arrêt Rocca Enterprises Ltd. v. University Press of New Brunswick Ltd., 103 N.B.R. (2nd) 224 (la décision « Rocca Enterprises Ltd. »), au paragraphe 24, où la Cour a fait les observations suivantes : [TRADUCTION] […] J’admets cependant que le droit en vigueur au Nouveau-Brunswick est énoncé ainsi par le juge Anderson dans la décision Reichmann […] : La partie qui mène l’interrogatoire préalable s’engage implicitement à ne pas détourner de leur finalité les renseignements ainsi obtenus. […] [72] L’avocat des appelantes admet que la règle de l’engagement implicite est en vigueur au Nouveau-Brunswick. Cela n’est pas surprenant étant donné qu’il représentait la demanderesse dans l’affaire Rocca Enterprises Ltd. [73] L’avocat des appelantes soutient que la règle de l’engagement implicite ne s’applique pas à la requête principale compte tenu du fait qu’il n’y a aucun droit au respect de la vie privée. [74] Je ne peux retenir cette thèse. Il y a engagement implicite dès lors qu’il y a interrogatoire préalable. [75] Une partie peut soulever la question du respect de la vie privée lorsqu’elle sollicite une dérogation à l’engagement; cependant, le respect de la vie privée n’est pas au départ une condition de l’imposition de l’engagement. [76] Les appelantes ont manifestement contrevenu à l’engagement implicite en déposant l’interrogatoire préalable oral de M. MacIntyre sans le consentement de celui-ci ou sans l’autorisation de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick. [77] Les appelantes soutiennent que je dois autoriser le dépôt de l’interrogatoire préalable, et elles invoquent sur ce point l’une des exceptions énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Juman. Cependant, elles n’ont pas présenté de requête sollicitant l’autorisation de déposer l’interrogatoire préalable de M. MacIntyre. [78] Quoi qu’il en soit, la Cour de l’impôt n’a pas selon moi compétence pour accorder l’autorisation de déposer l’interrogatoire préalable. [79] Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada que l’engagement implicite est dû à la juridiction devant laquelle s’est déroulée la procédure, en l’occurrence la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. [80] En conséquence, c’est la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick qui a compétence pour accorder l’autorisation, et non la Cour canadienne de l’impôt. [81] Comme l’a signalé mon collègue le juge Angers dans la décision Welford c. La Reine, 2006 CCI 31, 2006 D.T.C. 2353, au paragraphe 19 : Il me semble que, si l’instance déclenchant l’application de la règle de la présomption d’engagement était engagée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et que l’une des parties à cette instance voulait utiliser devant la Cour de l’impôt un interrogatoire préalable subi dans le cadre de cette instance, c’est la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui serait autorisée à permettre la production du document protégé par la règle de la présomption d’engagement et à libérer la partie en cause de cet engagement. [82] Pour les raisons susmentionnées, la requête de l’intimée portant sur l’interrogatoire préalable subi par M. Macintyre devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick est accordée. L’alinéa 5d) et les paragraphes 14, 15 et 16 de la déclaration sous serment d’Allen Skaling, faite le 27 janvier 2012, seront radiés, tout comme la pièce 6 de la déclaration sous serment. La dernière question que j’examinerai concerne la question du contenu des déclarations sous serment [83] L’intimée demande à la Cour de radier certaines portions de diverses déclarations sous serment déposées au soutien de la requête principale, compte tenu du fait que les portions concernées sont répréhensibles pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes : (i) elles font état d’éléments que le déposant tient pour véridiques sur la foi de renseignements alors que la source de ces renseignements et le fait qu’ils sont tenus pour véridiques ne sont pas indiqués dans la déclaration sous serment; (ii) elles constituent des paragraphes qui n’exposent pas de faits; (iii) elles contiennent des déclarations qui sont hors de propos; (iv) elles contiennent des déclarations qui constituent des conjectures ou des arguments; (v) elles contiennent des déclarations qui constituent des conclusions de droit. [84] L’article 72 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (le « Règles ») dispose : Une déclaration sous serment à l’appui d’une requête peut faire état des éléments que le déposant tient pour véridiques sur la foi de renseignements, pourvu que la source de ces renseignements et le fait qu’ils sont tenus pour véridiques y soient indiqués. [85] L’article 72 constitue une exception au paragraphe 19(2) des Règles, lequel dispose : Sauf disposition contraire des présentes règles, une déclaration sous serment se limite à l’exposé des faits dont le déposant a une connaissance directe ou à la teneur du témoignage qu’il pourrait rendre devant la Cour. [86] Comme l’a dit le juge Trudel dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Quadrini, 2010 CAF 47, au paragraphe 18 : […] l’affidavit a pour but de présenter les faits pertinents quant au litige sans commentaires ni explications. La Cour peut radier des affidavits ou des parties de ceux‑ci lorsqu’ils sont abusifs ou n’ont clairement aucune pertinence, lorsqu’ils renferment une opinion, des arguments ou des conclusions de droit ou encore lorsque la Cour est convaincue qu’il est préférable de régler la question de l’admissibilité au stade préliminaire de façon à permettre le déroulement ordonné de l’audience […]. [87] Je conviens avec l’intimée que les déclarations sous serment en question sont remplies de conjectures, d’opinions, d’arguments et de conclusions de droit. [88] Je conviens aussi avec l’intimée que les déclarations sous serment contiennent des ouï‑dires alors que la source de ces renseignements et le fait qu’ils sont tenus pour véridiques n’y sont pas indiqués. [89] En outre, la pertinence de certains passages des déclarations sous serment ne m’apparaît pas évidente à ce stade. [90] Le premier point que je dois décider concerne la manière de composer avec ces lacunes des déclarations sous serment. [91] J’examinerai d’abord les éléments que le déposant tient pour véridiques sur la foi de renseignements alors que la source de ces renseignements et le fait qu’ils sont tenus pour véridiques ne sont pas indiqués dans les déclarations sous serment. [92] Je crois que ces lacunes des déclarations sous serment soulèvent la question du poids que je dois accorder aux déclarations qu’ils contiennent, ma décision à ce chapitre devant être prise après que j’aurai entendu les appelantes sur la requête principale. Ce n’est que lorsque j’aurai entendu les appelantes que je serai en mesure de dire si la preuve par ouï‑dire doit être jugée recevable selon la méthode d’analyse raisonnée exposée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. Khelawon, 2006 CSC 57, ou en vertu de l’une des exceptions à la règle du ouï-dire. [93] J’examinerai ensuite la question de la pertinence. [94] L’avocat de l’intimée me demande de radier de nombreux paragraphes et phrases qui, selon lui, sont hors de propos. [95] L’avocat des appelantes soutient que je ne dois pas me prononcer sur la question de la pertinence avant qu’il ne m’ait exposé sa thèse et qu’il ait tenté de me convaincre du lien entre les éléments notés dans les déclarations sous serment et ses arguments. [96] Je partage l’avis de l’avocat des appelantes. Ce n’est qu’après avoir entendu les appelantes que je pourrai me prononcer sur la question de la pertinence. [97] L’intimée sollicite aussi la radiation de nombreux paragraphes qui n’exposent pas de faits. Le déposant s’est servi de chacun des paragraphes indiqués pour annexer des documents. [98] Il n’y a aucune raison de radier les paragraphes. La question est de savoir quel poids je dois accorder aux documents annexés. Je rendrai cette décision après avoir entendu les deux parties sur la requête principale. [99] Pour ce qui est des conjectures, opinions, arguments et conclusions de droit contenus dans les déclarations sous serment, le redressement habituel consiste à radier les passages répréhensibles de la déclaration sous serment. Cependant, si les passages concernés sont indissociables, alors l’intégralité de la déclaration sous serment est radiée. [100] Après examen de chacune des déclarations sous serment, je conclus que plusieurs des déclarations constituent des conjectures, des opinions, des arguments et/ou des conclusions de droit. [101] Les déclarations qui sont dissociables seront radiées. [102] En conséquence, pour ce qui est de la déclaration sous serment de M. Skaling de 2012 : a) est radiée la première phrase du paragraphe 9, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Bien que l’ARC soutienne qu’elle a exercé ses pouvoirs de vérification dans le respect de son pouvoir réglementaire […] »; b) est radiée la première phrase du paragraphe 11, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Lors de cette réunion, ni M. Crossman ni M. MacIntyre ne disposaient d’une preuve concrète […] »; c) sont radiés les mots suivants de la cinquième phrase du paragraphe 13 : [TRADUCTION] « et il était accompagné de plusieurs de ses confrères et ils ont saisi de nombreux documents qui étaient sans rapport avec la cotisation ou avec d’éventuelles accusations criminelles »; d) est radiée la dernière phrase du paragraphe 13, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « J’ai trouvé cette attitude tout à fait inacceptable […] »; e) est radiée la première phrase du paragraphe 14, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Le produit des mandats de perquisition a également été […] » Cette phrase est également radiée au titre de ma décision concernant l’engagement implicite; f) est radiée la première phrase du paragraphe 15, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « À titre de preuve additionnelle ou complémentaire de la conduite abusive de l’ARC […] » Cette phrase est également radiée au titre de ma décision concernant l’engagement implicite; g) sont radiés les mots suivants de la première phrase du paragraphe 19 : [TRADUCTION] « et ayant conclu qu’ils étaient dès lors certainement impliqués dans une enquête criminelle ». [103] En ce qui concerne la déclaration sous serment de David Daley faite le 24 février 2011 : a) sont radiés les mots suivants de la première phrase du paragraphe 12 : [TRADUCTION] « le tout en vue d’utiliser cette preuve pour établir la validité des cotisations dont il s’agit ici »; b) est radiée la deuxième phrase du paragraphe 14, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « En bref, je déclare qu’il semble que toute prétendue […] »; c) est radié le paragraphe 16; d) sont radiés les mots suivants de la deuxième phrase du paragraphe 18 : [TRADUCTION] « et la preuve montre que M. McIntyre, de l’ARC, et les agents de la GRC ainsi que les avocats du ministère de la Justice étaient pleinement au fait des possibles violations de la loi qu’entraînait l’amalgame des fonctions touchant à la vérification et à l’enquête »; e) est radiée la cinquième phrase du paragraphe 20, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Il ne m’est pas possible de prouver […] »; f) est radiée la deuxième phrase du paragraphe 23, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Un procès concernant la validité des cotisations dont il s’agit ici […] ». [104] Pour ce qui est de la déclaration sous serment de David Daley faite le 1er septembre 2006, qui a été confirmée par M. Daley dans sa déclaration sous serment du 24 février 2011 : a) est radié le paragraphe 29; b) est radiée la dernière phrase du paragraphe 33, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Je prie la Cour d’examiner […] »; c) est radiée la dernière phrase du paragraphe 40, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Le ministre n’a aucune preuve de ces allégations […] »; d) sont radiées la deuxième phrase du paragraphe 42, qui commence par les mots [TRADUCTION] « Le ministre n’a pas la preuve que Nautica Motors Inc. », de même que les deux phrases qui suivent; e) est radiée la première phrase du paragraphe 54, qui commence par les mots suivants : [TRADUCTION] « Je relève que, dans la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition […] »; f) sont radiés les paragraphes 107, 115 et 118. [105] Pour ce qui est de la déclaration sous serment de David Daley faite le 13 février 2007, qui a été confirmée par M. Daley dans sa déclaration sous serment du 24 février 2011 : a) est radié le paragraphe 20. [106] Certaines déclarations contenues dans les déclarations sous serment, qui constituent des conjectures, des opinions, des arguments et/ou des conclusions de droit sont indissociables. Ces déclarations ont été indiquées par l’avocat de l’intimée et sont contenues aux paragraphes 7 et 8 de la déclaration sous serment de M. Skaling de 2012 et au paragraphe 9 de la déclaration sous serment de M. Daley de 2011. Ces déclarations ne seront pas radiées, mais la Cour n’en tiendra pas compte. [107] Comme la requête n’est accueillie qu’en partie, il n’y aura pas d’adjudication de dépens. S. D’Arcy Juge D’Arcy Traduction certifiée conforme ce 4e jour de décembre 2012. François Brunet, réviseur RÉFÉRENCE : 2012 CCI 210 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2003-3382(GST)G, 2003-3383(GST)G INTITULÉS : 506913 NB LTD. c. LA REINE et CAMBRIDGE LEASING LTD. c. LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (Nouveau-Brunswick) DATES DE L’INSTRUCTION DE LA REQUÊTE : Les 2, 3 et 5 avril 2012 MOTIFS DE L’ORDONNANCE : L’honorable juge Steven K. D’Arcy DATE DE L’ORDONNANCE : Le 16 avril 2012 DATE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE RENDUS ORALEMENT : Le 16 avril 2012 COMPARUTIONS: Avocats des appelantes : Me Eugene J. Mockler Me Kevin Toner Avocats de l’intimée : Me John P. Bodurtha Me Jan Jensen Me Deavon Peavoy AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelantes : Nom : Eugene J. Mockler Cabinet : E.J. Mockler Professional Corporation Fredericton (Nouveau-Brunswick) Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 3e édition, par Bryant, Lederman et Fuerst, (Markham, Ontario, LexisNexis, 2009) (le texte Law of Evidence). [2] Précité, page 909, au paragraphe 14.2. [3] Précité, page 931, au paragraphe 14.55. [4] Précité, page 927, au paragraphe 14.48. [5] Précité, page 935, au paragraphe 14.71. [6] Précité, page 935, au paragraphe 14.72. [7] Arrêt Chapelstone, précité, au paragraphe 55. [8] Précité, aux paragraphes 24 et 26.
2012 CCI 211
TCC
2,012
Chénard c. La Reine
fr
2012-06-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30844/index.do
2022-09-04
Chénard c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-12 Référence neutre 2012 CCI 211 Numéro de dossier 2011-86(IT)I Juges et Officiers taxateurs Paul Bédard Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011-86(IT)I ENTRE : ALAIN CHÉNARD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. ____________________________________________________________________ Appel entendu le 30 avril 2012, à Ottawa (Ontario) Devant : L'honorable juge Paul Bédard Comparutions : Avocat de l'appelant : Me Richard Généreux Avocats de l'intimée : Me Martin Beaudry Me Paul Klippenstein ____________________________________________________________________ JUGEMENT Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard Référence : 2012CCI211 Date : 20120612 Dossier : 2011-86(IT)I ENTRE : ALAIN CHÉNARD, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Bédard [1] Lors de la production initiale de ses déclarations de revenus, l’appelant a déclaré pour les années d’imposition 1998, 1999, 2000, 2003 et 2004 uniquement des revenus d’emploi et pour les années d’imposition 2001 et 2002 des revenus d’emploi et des retraits d’un régime d’épargne‑retraite (REER). [2] Le 19 décembre 2008, l’appelant a logé une demande de redressement pour les années d’imposition 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004, déclarant des pertes d’entreprise nettes de 49 237 $ pour l’année d’imposition 1998, de 53 776 $ pour l’année d’imposition 1999, de 49 555 $ pour l’année d’imposition 2000, de 48 421 $ pour l’année d’imposition 2001, de 51 222 $ pour l’année d’imposition 2002, de 62 875 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 52 321 $ pour l’année d’imposition 2004. [3] Par avis de nouvelle cotisation datés du 27 juillet 2009, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les demandes de redressement du 19 décembre 2008 et imposé conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») une pénalité pour faute lourde de 5 339,67 $ pour l’année d’imposition 1998, de 6 026,85 $ pour l’année d’imposition 1999, de 6 031,14 $ pour l’année d’imposition 2000, de 5 390,51 $ pour l’année d’imposition 2001, de 5 358,61 $ pour l’année d’imposition 2002, de 6 416,83 $ pour l’année d’imposition 2003 et de 5 134,48 $ pour l’année d’imposition 2004. [4] L’appelant interjette appel sous le régime de la procédure informelle à l’encontre des nouvelles cotisations dont les avis sont datés du 27 juillet 2009 uniquement à l’égard des pénalités imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi. [5] Les faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour imposer les pénalités en cause en application du paragraphe 163(2) de la Loi sont exposés au paragraphe 16 de la réponse à l’avis d’appel, lequel est ainsi rédigé : a) Au cours des années en litige, l’appelant n’a opéré d’aucune façon quelque entreprise que ce soit; b) Les dépenses réclamées étaient toutes des dépenses personnelles de l’appelant; c) Les demandes de redressements présentées par l’appelant ont été signées par celui‑ci; d) Les pertes réclamées par l’appelant représentent 88% de ses revenus totaux pour l’année d’imposition 1998, 87% pour l’année d’imposition 1999, 81% pour les années d’imposition 2000 et 2001, 88% pour l’année d’imposition 2002 et 87% pour les années d’imposition 2003 et 2004; e) Les pertes réclamées par l’appelant au cours des années en litige ont été réclamées dans le cadre d’un stratagème élaboré par le groupe « Fiscal Arbitrators »; f) Compte tenu de la nature même et de l’ampleur des demandes de redressement, l’appelant savait ou aurait dû savoir que ces demandes étaient erronées; g) L’appelant n’a jamais déclaré de revenus d’entreprise au cours des années précédentes. [6] En l’espèce, les témoins étaient les suivants : pour le compte de l’intimée, l’appelant et madame Louise Girard (l’agente des appels dans le dossier de l’appelant) et, pour le compte de l’appelant, monsieur Yves Lauzon, un ami de longue date de l’appelant. [7] Le témoignage de l’appelant pourrait se résumer ainsi : a) L’appelant était à l’emploi de Bowater durant les années en litige; b) L’appelant n’a pas terminé son secondaire IV. Il travaille depuis l’âge de 16 ans; c) La préparation de ses déclarations de revenus était normalement prise en charge par sa conjointe. À quelques reprises, l’appelant a aussi fait appel aux services d’un tiers pour préparer ses déclarations de revenus; d) L’appelant affirme ne jamais avoir réellement compris le contenu de ses déclarations de revenus. Il faisait confiance aux individus qui les préparaient pour lui. Il ne révisait donc pas ses déclarations avant d’y apposer sa signature; e) La conjointe de l’appelant travaille à temps partiel comme commis dans une église; f) La fille de l’appelant travaille comme commis comptable. Elle a suivi des cours de comptabilité à l’éducation aux adultes. Elle était encore aux études lorsque l’appelant a commencé à faire affaire avec Fisccal Arbitrators (F.A.) en 2008; g) L’appelant s’occupait de régler les charges du ménage : (compte d’électricité, chauffage, etc.); h) Il a récemment vendu et procédé à l’achat d’une nouvelle maison sans l’aide d’un agent immobilier; i) De plus, l’appelant possède deux terrains qu’il a aussi acquis sans l’aide d’un agent immobilier. Il s’est aussi chargé de réhypothéquer sa maison auprès de la banque; j) L’appelant a complété seul toutes ses transactions, sans être représenté par un agent. Lorsque nécessaire, il s’est enquis de renseignements auprès de l’agent immobilier représentant l’autre partie; k) De 1998 à 2004, durant la période en litige, l’appelant n’a pas gagné de revenus d’entreprise. Il confirme d’ailleurs ne jamais avoir eu d’entreprise; l) L’appelant a été mis en contact avec F.A. par l’entreprise de monsieur Joannis; m) C’est d’abord son ami de longue date, monsieur Yves Lauzon, qui avait présenté monsieur Joannis à l’appelant; n) Monsieur Lauzon avait recruté l’appelant afin de l’amener à investir dans un projets de monsieur Joannis qui consistait à acquérir des « kits » pour l’achat de maisons. L’appelant avait alors investi environ 2 000 $ dans l’aventure qui s’avéra être une échec. Il a perdu tout l’argent qu’il y avait investi; o) Sous les conseil de monsieur Joannis, l’appelant a ensuite investi environ 12,000 $ dans l’entreprise ICF. Cette entreprise investissait elle‑même dans les produits aurifères; p) L’appelant et monsieur Lauzon ont développé une relation d’amitié avec monsieur Joannis. Ils allaient à la pêche et à la chasse ensemble; q) Monsieur Joannis a alors propose à l’appelant de lui faire rencontrer les représentants de F.A. Monsieur Joannis avait recours aux services des fiscalistes de F.A. dans le cadre de ses projets d’affaire. Il offrait à l’appelant l’opportunité de les rencontrer et sauver des impôts; r) Monsieur Joannis aurait laissé entendre à l’appelant que c’est en tant que client privilégié, et parce que ce avait investit dans ses entreprises, qu’il offrait la chance à l’appelant de rencontrer les spécialistes de chez F.A.; s) L’appelant a donc assisté à une rencontre avec les spécialistes de chez F.A. Cette rencontre avait été convoquée pour lui, monsieur Lauzon et quelques autres personnes. La conjointe de l’appelant était aussi présente à la réunion; t) La réunion s’est tenue en anglais. Puisque l’appelant ne maîtrise pas l’anglais, il s’en est remis à ses amis MM. Lauzon et Joannis afin de comprendre le contenu de la réunion; u) C’est au cours de cette réunion que les représentants de F.A. ont fait part du plan grâce auquel l’appelant pourrait obtenir des remboursements d’impôts en réclamant des pertes d’entreprise. Les remboursements devaient permettre à l’appelant de récupérer l’ensemble des montants d’impôts payés durant les sept années en litige; v) L’appelant pensait faire partie d’une « corporation ». Il pensait que c’était par l’entremise de cette « corporation » qu’il avait investi dans les projets de monsieur Joannis, Finds ADD et ICF; w) Ce statut de corporation légitimait, à son avis, la réclamation de pertes d’entreprises; x) Toutefois, l’appelant a confirmé ne pas avoir compris le plan employé par F.A. pour arriver à réclamer les dépenses. Il n’a pas tenté de s’informer auprès d’autres personnes afin de comprendre plus en profondeur le plan proposé par F.A.; y) Un des représentants de F.A. disait avoir travaillé pour l’ARC pendant de nombreuses années; z) Les représentants de F.A. affirmaient que le plan était légal. Monsieur Lauzon a aussi montré à l’appelant le site internet de Fine Add sur lequel ils annonçaient que leur entreprise était « CRA approved »; aa) L’appelant a donc fait confiance aux représentants de F.A. puisque c’était des spécialistes; bb) L’appelant a consulté sa femme qui a remis la décision ultime de participer au projet sur les épaules de l’appelant. Il n’a pas consulté sa fille; cc) F.A. demandait des frais de base de 500 $. Ils demandaient aussi à ce que les participants remettent à F.A. 10 % des remboursements d’impôts obtenus; dd) L’appelant a été tenu de signer une entente par laquelle il s’engageait è ne plus communiquer avec l’ARC. Toute correspondance avec l’ARC se ferait en anglais et serait transmise à F.A.; ee) L’appelant a donc signé toutes les demandes de redressements préparé par F.A.; ff) L’appelant n’a pas reçu jamais de remboursements; gg) Un agent de l’ARC a contacté l’appelant pour discuter de son dossier. À chaque appel, l’appelant exigeait que toutes communications lui soient transmises par écrit, en anglais. Il transmettait ensuite la correspondance à F.A. [8] Lors de son témoignage, monsieur Lauzon a essentiellement corroboré le témoignage de l’appelant à l’égard des éléments mentionnés aux paragraphes 6l), 6m), 6n), 6o), 6p), 6s), 6t), 6u), 6y), 6z). Monsieur Lauzon a ajouté que : i) il avait tout comme l’appelant investi dans Fine Add et ICF; ii) ses placements dans Fine Add et ICF se sont avérés des échecs; iii) tout comme l’appelant, il avait réclamé des pertes d’entreprise et il avait cru que le plan proposé par F.A. était « CRA Approved »; iv) ce n’est que récemment qu’il avait réalisé qu’il s’était fait arnaquer par Joannis et les représentants de F.A. Monsieur Lauzon a expliqué que monsieur Joannis et les représentants de F.A. avaient abusé de sa bonne foi, de sa naïveté et de son inexpérience en affaires. En d’autres termes, monsieur Lauzon se dit une victime dans cette arnaque préparée avec soin par les représentants de F.A. Question en litige [9] La seule question en litige consiste à déterminer si l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi pour les années 1998 à 2004 était justifiée. [10] Le paragraphe 163(2) de la Loi dispose comme suit : […] Faux énoncés ou omissions -- Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants : […] [11] Cette disposition ne peut s’appliquer que s’il est démontré que le contribuable a fait « sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde », un « faux énoncé » dans une déclaration, ou a participé à cet énoncé. En vertu du paragraphe 163(3) de la Loi « la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité » incombe au ministre. Thèse de l’appelant [12] La thèse de l’appelant pourrait se résumer ainsi : i) L’intimée ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve; ii) L’appelant n’a pas sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde fait un faux énoncé tel que l’exige le paragraphe 163(2) de la Loi; iii) L’appelant allègue avoir été victime d’une arnaque bien orchestrée par les représentants de F.A. qui ont abusé de sa bonne foi, de sa naïveté et de son inexpérience en affaires, de son peu d’éducation et, finalement, de son ignorance du domaine de la fiscalité; iv) L’appelant n’a pas tiré d’avantage fiscal lié aux demandes de redressement préparées par F.A. [13] Il me semble évident à la lumière de la preuve soumise par les parties que l’appelant a commis une faute en signant sa déclaration de revenus qui contenait de faux énoncés. Notre analyse doit plutôt porter sur la question suivante : est‑ce que la faute commise par l’appelant était assez grave pour justifier l’épithète « lourde »? La notion de faute lourde [14] Dans la décision Venne v. The Queen, [1984] C.T.C. 223, 84 DTC 6247 (C.F. 1re inst.), le juge Strayer a fait le commentaire suivant au sujet de la signification du terme « faute lourde » aux fins de l’imposition de pénalités en application du paragraphe 163(2) de la Loi : […] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré d’important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. […] [15] Dans la décision DeCosta v. The Queen, 2005 DTC 1436 (C.C.I., procédure informelle), le juge en chef Bowman a renvoyé à la décision Udell v. M.N.R., [1969] C.T.C. 704, 70 DTC 6019 (Cour de l'Échiquier), ainsi qu'à deux décisions du juge Rip de la Cour (maintenant juge en chef), et il a formulé les commentaires suivants : [9] Je n'ai aucune difficulté à concilier la décision du juge Cattanach avec celles du juge Rip. Elles découlent toutes d'une conclusion de fait tirée par la cour concernant le rôle joué par les contribuables. Les questions qui se posent dans chaque cas, si on fait abstraction de la question de la préméditation qui n'est pas pertinente en l'espèce, sont les suivantes : a) "le contribuable a-t-il commis une faute en faisant un faux énoncé ou une omission dans la déclaration de revenus?" b) "la faute était-elle assez grave pour justifier l'utilisation de l'épithète "lourde" qui est quelque peu péjorative?" Selon moi, ces questions rejoignent le principe énoncé par le juge Strayer dans la décision Venne v. The Queen, 84 DTC 6247. [...] [11] Pour établir la distinction entre la faute "ordinaire" ou la négligence et la faute "lourde", il faut examiner plusieurs facteurs. Un de ces facteurs est bien entendu l'importance de l'omission relative au revenu déclaré. Il y a aussi la faculté du contribuable de découvrir l'erreur, ainsi que le niveau d'instruction du contribuable et son intelligence apparente. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qu'il convient dans le contexte de l'ensemble de la preuve. [12] Qu'en est-il ici? Un homme fort intelligent qui déclare un revenu d'emploi de 30 000 $ et qui omet de déclarer des ventes brutes d'environ 134 000 $ et des bénéfices nets de 54 000 $. Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l'on peut dire que l'appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l'omission d'un montant qui représente presque le double du montant qu'il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au-delà du simple manque d'attention. [Non souligné dans l'original.] Analyse et conclusion [16] L’appelant a témoigné qu’il était peu instruit et qu’il n’avait jamais réellement compris le contenu de ses déclarations de revenus. C’est pourquoi il avait toujours délégué à sa conjointe ou à un tiers la responsabilité de faire ses déclarations. L’appelant faisait confiance aux gens qui s’occupaient de ses déclarations et s’était toujours contenté de les signer sans les examiner. [17] De plus, l’appelant ne maîtrisait pas l’anglais. Pourtant, la rencontre organisée par « Fiscal Arbitrators » et à laquelle l’appelant a assisté, s’est déroulée entièrement en anglais. C’est lors de cette rencontre que les représentants de « Fiscal Arbitrators » ont fait la promotion de leur stratagème permettant aux participants de faire d’importantes économies d’impôts. [18] L’appelant a choisi de faire confiance aux représentants de « Fiscal Arbitrators » parce qu’ils lui avaient été référés par des amis, messieurs Lauzon et Joannis, parce que ces représentants se disaient être des spécialistes dans leur domaine et, finalement, parce que le stratagème lui avait été présenté comme étant conforme aux lois fiscales. L’appelant allègue qu’il fut victime d’une arnaque et, pour toutes ces raisons, on ne devrait pas lui imputer une « faute lourde ». [19] Lorsqu’un contribuable choisit de faire confiance à un tiers et que ce dernier fait un faux énoncé ou une omission dans la déclaration de revenus du contribuable, il faut chercher à savoir si le faux énoncé ou l’omission peut être imputé au contribuable. Comme c’est le cas dans la présente affaire, il faut alors chercher à savoir si, dans les circonstances, l’appelant a fait preuve d’un degré important de négligence ou d’un aveuglement volontaire assimilable à la faute lourde en choisissant de faire confiance aux représentants de « Fiscal Arbitrators ». [20] J’estime que les faits présentés démontrent que l’appelant aurait dû faire preuve davantage de prudence et que sa conduite dénote un degré si élevé de négligence ou d’aveuglement volontaire qu’elle peut être qualifiée de faute lourde. [21] Tout d’abord, parmi les facteurs prédominants dans cette affaire, il y a les pertes d’entreprise déclarées rétroactivement par l’appelant. Comme le fait valoir l’intimée, ces montants équivalaient à plus de 80 % des revenus totaux de l’appelant pour chacune des sept années en question. Ces pertes auraient permis à l’appelant de recevoir un remboursement complet de tous les montants d’impôts payés au cours des années en question (témoignage de madame Girard, agente des appels à l’Agence du revenu du Canada). L’ampleur des pertes d’entreprise déclarées est ici un facteur accablant dans la mesure où, même avec un très faible niveau d’instruction et même sans aucune compréhension de notre système fiscal, une personne raisonnable aurait pu aisément douter de la légitimité de ces pertes. [22] L’appelant a aussi avoué n’avoir jamais exploité d’une entreprise. Toutefois, même s’il pensait faire partie d’une « corporation », par l’entremise de laquelle il avait investi dans les projets d’affaire de monsieur Joannis, le montant des pertes déclarées ne concordait aucunement avec la réalité. Les concepts d’entreprise et de perte ne sont pas des concepts assez obscurs pour laisser une personne raisonnable penser qu’il est conforme aux lois fiscales de déclarer des pertes d’entreprise dont les montants ne correspondent pas à la réalité. [23] Finalement, l’appelant s’appuie sur la décision du juge Tardif de la Cour canadienne de l’impôt dans Therrien c. R. (2002 CarswellNat 87, [2002] 3 C.T.C. 2141 (C.C.I. [procédure informelle]). Dans cette affaire, le contribuable s’était aussi laissé entraîner dans un stratagème orchestré par une compagnie du nom de Highway. La Cour s’était rangée du côté de l’appelant en refusant d’appliquer la pénalité. [24] Selon le juge Tardif, bien que le contribuable ait été négligent, imprudent, voire même naïf, la preuve présentée n’avait pas fait ressortir une incurie, une témérité, une insouciance ou une indifférence telle qu’il s’agissait d’une faute lourde. La Cour a même jugé qu’au contraire, la prépondérance de la preuve avait établi que l’appelant avait été circonspect et préoccupé par l’honnêteté du procédé. Dans le cas présent, la preuve soumise par l’intimée démontre que l’appelant se souciait peu de l’honnêteté du procédé. [25] L’intimée a démontré que, malgré son faible niveau de scolarité, l’appelant était responsable d’acquitter les comptes du ménage. Il avait vendu sa résidence et acheté une nouvelle résidence ainsi que des terrains, et le tout sans l’aide d’un agent immobilier. L’appelant s’était chargé d’hypothéquer de nouveau sa résidence avec la banque. Il avait aussi investi près de 20 000 $ dans les projets d’affaires de monsieur Joannis, mais toujours à perte. L’appelant était donc en mesure de comprendre les notions de profit et de perte. Il était assez à l’aise avec les chiffres pour entreprendre les transactions décrites. [26] L’appelant ne parlait pas anglais. Or, la réunion organisée par « Fiscal Arbitrators » s’était déroulée entièrement en anglais. Ayant de la difficulté à comprendre l’information qui lui était transmise, l’appelant s’en est remis à ses amis, messieurs Lauzon et Joannis, qui lui ont assuré que le plan était conforme aux lois fiscales. Au‑delà de cette assurance, l’appelant ne comprenait pas le plan qui lui était proposé. Ceci ne l’a pas empêché d’y participer. [27] La preuve avancée par l’intimée démontre que l’appelant était téméraire au point d’être insouciant et que son comportement justifie l’imputation d’une faute lourde. L’appelant n’avait jamais exploité d’entreprise et, bien qu’il croyait peut‑être faire partie d’une société, jamais dans le cadre de celle-ci n’avait-il subi de pertes substantielles. Il ne parlait pas anglais, langue dans laquelle on lui avait fait part du stratagème. Il ne comprenait pas comment il pouvait avoir droit à de tels remboursements d’impôt mais a choisi de croire les personnes qui les lui proposaient, puisque c’étaient des spécialistes. [28] L’appelant aurait dû faire un effort en vue de s’informer auprès d’autres personnes que celles qui lui proposaient le plan. Dans l’affaire Therrien, précitée, quelques-uns des participants au plan proposé par Highway avaient communiqué avec Revenu Canada, Revenu Québec et l’Office de la protection du consommateur pour vérifier si le plan qu’on leur proposait était légal, s’il s’agissait d’un concept faisant l’objet d’une enquête ou s’il était connu comme étant susceptible de créer des embêtements. Toutes les démarches initiées par les participants s’étaient soldées par des résultats négatifs qui ne laissaient voir aucune irrégularité pouvant mettre en doute la légitimité du plan proposé. Ce n’est pas le cas ici. L’appelant n’a entrepris aucune démarche similaire pour tenter de vérifier la légitimité du processus. [29] Le comportement de l’appelant témoigne d’une conduite insouciante et d’une témérité telles que la faute de l’appelant devrait être qualifiée de lourde. Pour cette raison, l’appel devrait être rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2012. « Paul Bédard » Juge Bédard RÉFÉRENCE : 2012CCI211 Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2011-86(IT)I INTITULÉ DE LA CAUSE : ALAIN CHÉNARD ET SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : le 30 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Paul Bédard DATE DU JUGEMENT : le 12 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l'appelant : Me Richard Généreux Avocats de l'intimée : Me Martin Beaudry Me Paul Klippenstein AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l'appelant: Nom : Me Richard Généreux Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada
2012 CCI 212
TCC
2,012
Caropreso c. La Reine
fr
2012-06-12
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30839/index.do
2022-09-04
Caropreso c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-12 Référence neutre 2012 CCI 212 Numéro de dossier 2011-3105(IT)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Loi de l'impôt sur le revenu Contenu de la décision Dossier : 2011‑3105(IT)I ENTRE : MARIA F. CAROPRESO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 28 mai 2012 à Ottawa (Ontario) Par : L’honorable juge J.M. Woods Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocate de l’intimée : Me Anne‑Marie Boutin ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour de juin 2012. « J. M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 23e jour d’août 2012. S. Tasset Référence : 2012 CCI 212 Date : 20120612 Dossier : 2011‑3105(IT)I ENTRE : MARIA F. CAROPRESO, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] Cet appel concerne les sommes payées par un institut de recherche médicale à une boursière de recherches postdoctorales. Maria Caropreso interjette appel de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2008 selon laquelle ces sommes ont été incluses dans son revenu en vertu de l’alinéa 56(1)n) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). [2] En 2008, Mme Caropreso s’est inscrite comme boursière de recherches postdoctorales à l’Université d’Ottawa et était liée par deux ententes de recherche différentes. Pendant la première moitié de l’année, elle devait effectuer des recherches médicales pour l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa (l’ « IRHO »). Le reste de l’année, elle était engagée par l’Université pour mener des travaux de recherche d’un autre type. [3] Mme Caropreso s’est vue imposer une cotisation fiscale à l’égard de la première entente seulement; il s’agit là du seul point litigieux. [4] Son domaine de spécialisation étant l’informatique, Mme Caropreso a été engagée par l’IRHO pour effectuer des recherches dans un domaine combinant l’informatique et la médecine. Les sommes versées par l’IRHO s’élevaient en tout à 19 928 $ et étaient financées grâce à une bourse décernée par les Instituts de recherche en santé du Canada (les « IRSC ») à Miguel Andrade, un chercheur principal employé par l’IRHO. [5] Mme Caropreso a fait valoir qu’étant donné que l’entente de travail était la même à l’Institut qu’à l’Université, et que les sommes que lui a versées cette dernière n’étaient pas imposées, les paiements de l’IRHO ne devraient pas l’être non plus. L’intimée a produit des éléments de preuve qui donnent à penser que la deuxième entente avec l’Université a simplement échappé à l’Agence du revenu du Canada. [6] Il n’est pas nécessaire d’examiner la preuve de l’intimée sur ce point. La cotisation établie par le ministre à l’égard de la seconde entente ne peut pas avoir d’incidence sur le traitement fiscal de la première; celui-ci dépend de la législation et de la jurisprudence pertinente, et non des mesures prises par le ministre. [7] Pour ce qui est de l’arrangement avec l’IRHO, la situation de Mme Caropreso ressemble à celles d’En Huang et de Dianbo Qu, qui ont récemment interjeté des appels devant la Cour. J’ai instruit ces appels et rendu une décision favorable au Dr Huang et au Dr Qu (2012 CCI 81). [8] La décision dans les affaires Huang et Qu se rapportait à deux questions. La première question était de savoir si les sommes versées l’avaient été à titre de bourse de perfectionnement au sens de l’alinéa 56(1)n), ou de subvention de recherche au sens de l’alinéa 56(1)o). La Cour a conclu que ces sommes n’étaient pas une subvention et qu’elles étaient assujetties à l’alinéa 56(1)n). La seconde question était de savoir si les sommes versées étaient visées par l’exemption pour bourses d’études prévue au sous‑alinéa 56(1)n)(ii), ce à quoi j’ai répondu par l’affirmative. [9] Sur ces deux points, la preuve présentée dans le présent appel était très similaire à celle qui a été produite dans Huang et Qu et je n’y reviendrai pas. Je ne vois aucune raison de parvenir ici à une conclusion différente sur ces points. [10] L’avocate de l’intimée fait valoir que d’autres éléments de preuve ont été présentés en l’espèce. Même si certains des témoins appelés n’étaient pas les mêmes en l’espèce que dans Huang et Qu, la preuve n’était pas bien différente dans son ensemble et ne m’a pas convaincue que la conclusion formulée dans Huang et Qu était incorrecte. [11] Cependant, les choses ne s’arrêtent pas là. L’autre argument avancé en l’espèce est que les sommes constituent un revenu d’emploi. J’avais refusé d’entendre les arguments sur cette question dans les appels précédents parce que l’intimée avait soulevé la question trop tardivement. [12] Si les sommes sont qualifiées de revenus d’emploi, elles sont expressément exclues de l’application de l’alinéa 56(1)n) et ne peuvent pas être visées par l’exemption pour bourses d’études. Dans un appel antérieur concernant une bourse postdoctorale, Chabaud c. la Reine, 2011 CCI 438, 2012 DTC 1076[1], le juge Archambault a soulevé cette question et a conclu, après examen des observations reçues, que les versements faits aux stagiaires étaient imposables comme revenus d’emploi. [13] La seule question digne d’être approfondie est donc de savoir si les sommes versées par l’IRHO à Mme Caropreso sont un revenu d’emploi. Le fardeau de la preuve incombe à l’intimée étant donné que la réponse ne contient aucune hypothèse pertinente en ce qui concerne le ministre. Analyse [14] Les alinéas 56(1)n) et 56(3)a) de la Loi sont reproduits ci‑après : 56(1) Sommes à inclure dans le revenu de l’année. Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition : […] n) Bourses d’études, de perfectionnement, etc. l’excédent éventuel : (i) du total des sommes (à l’exclusion des sommes visées à l’alinéa q), des sommes reçues dans le cours des activités d’une entreprise et des sommes reçues au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi) reçues au cours de l’année par le contribuable à titre de bourse d’études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une œuvre remarquable réalisée dans son domaine d’activité habituel, à l’exclusion d’une récompense visée par règlement, sur : (ii) l’exemption pour bourses d’études du contribuable pour l’année, calculée selon le paragraphe (3); 56(3) Exemption pour bourses d’études, bourses de perfectionnement (fellowships) ou récompenses. Pour l’application du sous‑alinéa (1)n)(ii), l’exemption pour bourses d’études d’un contribuable pour une année d’imposition correspond au total des sommes suivantes : a) le total des sommes représentant chacune la somme incluse en application du sous‑alinéa (1)n)(i) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année au titre d’une bourse d’études ou d’une bourse de perfectionnement (fellowship) reçue relativement à son inscription : (i) soit à un programme d’études pour lequel une somme est déductible en application du paragraphe 118.6(2) dans le calcul de l’impôt à payer par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année, pour l’année d’imposition précédente ou pour l’année d’imposition subséquente, (ii) soit à un programme d’études d’une école primaire ou secondaire; [15] L’alinéa 56(1)n) établit une distinction entre les sommes reçues dans le cours des activités d’une entreprise ou dans l’occupation d’un emploi et celles qui sont destinées à aider financièrement un contribuable à poursuivre ses études. Les premières sont pleinement imposables tandis que les secondes pourraient tomber sous le coup de l’exemption pour bourses d’études énoncée au sous‑alinéa 56(1)n)(ii) et à l’alinéa 56(3)a). [16] J’aimerais tout d’abord noter que l’intimée n’a pas fait valoir que Mme Caropreso avait reçu les sommes de l’IRHO en tant qu’entrepreneure indépendante (c.‑à‑d. dans le cours des activités d’une entreprise). Par conséquent, pour avoir gain de cause en appel, l’intimée doit établir 1) que Mme Caropreso était une employée de l’IRHO, et 2) que les sommes ne constituaient pas une aide financière aux études. [17] J’aborderai d’abord la question de savoir si les sommes ont été versées à titre d’aide financière aux études. [18] La jurisprudence sur ce point est divisée. Dans la décision Bekhor c. MRN, 2005 CCI 443, la juge Lamarre Proulx a conclu qu’un boursier postdoctoral n’était pas un employé pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada, car les sommes qu’il avait reçues tenaient de l’aide financière aux études. [19] Dans la décision Chabaud, au paragraphe 109, le juge Archambault est parvenu à une conclusion différente : [109] À mon avis, le Rapport sur les stagiaires préparé pour le MEQ, qui décrit le stage postdoctoral comme étant une activité permettant de développer « une expertise » de recherche dans un domaine complémentaire ou plus spécialisé et selon lequel les stagiaires postdoctoraux doivent être considérés comme des salariés, m’apparaît beaucoup plus conforme à la réalité que le feuillet T2202A remis aux stagiaires postdoctoraux par l’Université Laval et d’autres universités canadiennes. Il est possible que la décision qu’avait rendue la juge Lamarre Proulx de cette Cour dans l’affaire Bekhor c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CCI 443, [2005] A.C.I. no 314 (QL), ait pu les encourager à conclure que les stagiaires postdoctoraux n’étaient pas des salariés. Compte tenu des nombreuses similarités qui existent entre le stage de M. Chabaud et celui de M. Bekhor, je ne crois pas qu’il soit approprié de faire des distinctions factuelles afin d’arriver à une conclusion différente de celle dans Bekhor. Avec beaucoup d’égards pour les tenants de l’opinion contraire, je ne peux adopter ici le même raisonnement que celui adopté dans la décision Bekhor. Il est malheureux que M. Bekhor n’ait pas jugé bon d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale pour que celle‑ci puisse statuer sur cette question. Conséquent avec l’opinion que je viens d’exprimer, j’encourage M. Chabaud à le faire pour obtenir une décision qui créera un précédent jurisprudentiel, ce que ma décision ne peut constituer. [20] La difficulté fondamentale a trait au fait que les sommes versées aux boursiers de recherches postdoctorales ont souvent une double vocation. Elles permettent aux stagiaires de recherche de poursuivre leurs études tout en les rémunérant pour leurs travaux. Si elles sont reçues dans le contexte d’un emploi, cet aspect a préséance. Cependant, pour trancher la question, il faut s’interroger sur la caractéristique dominante des sommes versées, si elles relèvent de la rémunération d’un travail ou d’une aide aux études. [21] En l’espèce, je conclurai qu’il s’agit principalement de rémunérer la personne pour les travaux effectués. Même si la relation avec l’IRHO servait notamment à l’avancement des études de Mme Caropreso, j’estime que cet élément était accessoire. [22] D’après le budget de fonctionnement se rapportant à la subvention accordée à M. Andrade, grâce à laquelle Mme Caropreso était payée, la composante budgétaire liée au travail était attribuée au personnel de recherche et non aux stagiaires postdoctoraux; cependant, d’après la preuve, les lignes directrices des IRSC permettaient de verser à des stagiaires postdoctoraux des fonds prévus pour le personnel de recherche. Cet élément donne à penser que les fonds fournis par les IRSC étaient principalement destinés à la recherche et non à l’aide financière aux études postdoctorales. [23] Il aurait été utile que quelqu’un des IRSC témoigne au sujet de la nature du financement, mais je n’ai tiré aucune inférence défavorable du fait que l’intimée n’ait pas présenté de preuve de la sorte, car l’appel est régi par la procédure informelle. [24] J’accepte de reconnaître que Mme Caropreso poursuivait ses études lorsqu’elle travaillait au laboratoire de M. Andrade, mais en recevant pour cela une rémunération pour le travail accompli. C’est l’aspect dominant de sa relation avec l’IRHO. [25] M. Gary Slater, qui était à l’époque pertinente doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université d’Ottawa, a livré un témoignage à l’effet contraire et a déclaré que les sommes versées aux stagiaires postdoctoraux correspondent à une bourse d’études. [26] La pertinence du témoignage de M. Slater sur cette question est discutable puisqu’il travaillait à l’Université et non à l’IRHO. Ces deux organisations sont distinctes et chacune a des arrangements différents avec ses stagiaires postdoctoraux. [27] Quoi qu’il en soit, je ne puis convenir avec M. Slater que les sommes versées aux stagiaires postdoctoraux sont de simples bourses d’études. En l’espèce, elles ont été versées par une institution gouvernementale, les IRSC, dans le contexte du financement d’un laboratoire de recherche. Le financement semble viser principalement la recherche et non l’enseignement dispensé à des stagiaires postdoctoraux. [28] Je reconnais que les sommes en question sont en partie destinées à apporter aux stagiaires une aide aux études. Elles encouragent les diplômés de fraîche date à devenir des chercheurs à temps plein ou des professeurs d’université. Les stagiaires doivent donner des conférences et suivre des cours. Cependant, les sommes reçues par Mme Caropreso visaient surtout à la rémunérer pour son travail. [29] Je noterai aussi que M. Slater n’est pas un témoin désintéressé. Il est l’ancien doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales, et a déclaré que l’Université avait sollicité un avis juridique pour aider les stagiaires postdoctoraux à bénéficier de l’exemption pour bourses d’études. Il n’y a là rien de mal, bien entendu, mais cela donne à penser que le témoignage de M. Slater doit être considéré avec prudence. [30] J’aborderai à présent la deuxième question, qui est de savoir si Mme Caropreso a été engagée comme employée. Je signalerai tout d’abord qu’il n’aurait pas été nécessaire d’examiner cette question si l’intimée avait allégué que Mme Caropreso avait reçu les sommes à titre d’employée ou d’entrepreneure indépendante. Nous ne devons le faire que parce que l’intimée n’a pas évoqué la possibilité que Mme Caropreso ait reçu ces sommes dans le cours des activités d’une entreprise à titre d’entrepreneure indépendante. [31] Les circonstances de l’espèce sont similaires à celles de l’affaire Chabaud, où la Cour avait conclu à l’existence d’une relation d’emploi. [32] Mme Caropreso a été engagée pour effectuer à temps plein d’importants travaux de recherche, ce dont elle s’est acquittée sous l’étroite supervision de Mme Carolina Perez‑Iratxeta, alors responsable du laboratoire de M. Andrade pendant le congé sabbatique de celui‑ci. Principalement sur la foi du témoignage de Mme Perez, je conclurais que l’IRHO pouvait contrôler la manière dont Mme Caropreso accomplissait son travail. Mme Perez assignait ses tâches à Mme Caropreso et supervisait le travail au quotidien. [33] Le témoignage de Mme Caropreso différait de celui de Mme Perez. Mme Caropreso a déclaré qu’elle décidait du travail à effectuer en collaboration avec Mme Perez, qu’elle pouvait décider de ses propres heures de travail et qu’elle devait simplement informer Mme Perez de ses absences. [34] J’accepte que Mme Perez collaborait avec Mme Caropreso et qu’elle lui accordait une certaine liberté. Cependant, eu égard au témoignage de Mme Perez, cela a probablement à voir avec le style de gestion de celle‑ci et non avec un droit contractuel reconnu à Mme Caropreso. La question est de savoir si l’IRHO avait le « droit » de contrôle. J’estime que c’était le cas. [35] J’ajouterai brièvement que la politique de l’IRHO obligeait les stagiaires postdoctoraux à obtenir une autorisation avant de prendre des congés. Je n’en ai pas tenu compte, car il n’est pas certain qu’elle s’appliquait à Mme Caropreso. La politique produite en preuve est une version qui a été modifiée après la signature de la lettre de mission. [36] M. Slater a indiqué qu’en vertu de l’entente entre l’IRHO et l’Université, les stagiaires postdoctoraux ne devaient pas être des employés. Je veux bien, mais il semble que l’IRHO ne se soit pas conformé à cette exigence. Si l’IRHO ne voulait pas que les stagiaires postdoctoraux soient des employés, il devait instaurer des conditions de travail compatibles avec son intention. Compte tenu de la preuve présentée, ce n’est pas ce qui a été fait. [37] Le contrôle exercé par l’IRHO est l’élément le plus important pour établir l’existence d’une relation d’emploi en l’espèce, mais je noterai que tous les autres facteurs usuels, à savoir la propriété des instruments de travail, les chances de profit et les risques de perte, indiquent également une relation de ce type. [38] Je noterai aussi que le contrat signé avec Mme Caropreso désignait l’IRHO comme l’employeur. Cette déclaration d’intention de la part des parties n’est pas déterminante, et je ne lui ai pas accordé grand poids en l’espèce. Dans un document produit par l’IRHO peu après que le contrat de Mme Caropreso a été signé, il est précisé que la relation avec les stagiaires postdoctoraux n’en est pas une d’emploi. Cependant, ce document n’a pas été fourni à Mme Caropreso et son contrat n’a jamais été modifié pour supprimer la mention d’un emploi. Il est difficile de conclure que les parties avaient une intention clairement définie. [39] Sans égard à leur intention, la véritable relation entre les parties indique fortement une relation d’emploi. Je conclus que les sommes versées par l’IRHO à Mme Caropreso ont été versées dans le contexte d’un emploi et qu’elles doivent être incluses dans le revenu aux termes de l’article 5 de la Loi. [40] L’appel est rejeté. Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour de juin 2012. « J.M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 23e jour d’août 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012 CCI 212 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011‑3105(IT)I INTITULÉ : MARIA F. CAROPRESO c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 12 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocate de l’intimée : Me Anne‑Marie Boutin AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : s. o. Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario) [1] La version traduite de la décision Chabaud fournie par l’intimée a été remplacée par une nouvelle traduction datée du 26 janvier 2012. La version révisée se retrouve dans les DTC.
2012 CCI 214
TCC
2,012
875527 Ontario Inc. c. M.R.N.
fr
2012-06-14
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30838/index.do
2022-09-04
875527 Ontario Inc. c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-14 Référence neutre 2012 CCI 214 Numéro de dossier 2011-3341(CPP) Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossiers : 2011‑3341(CPP) 2011‑3342(EI) ENTRE : 875527 ONTARIO LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] _________________________________________________________________ Appel entendu le 4 juin 2012 à London (Ontario) Par : L’honorable juge Judith Woods Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Michael Van Raay Avocat de l’intimé : Me Paul Klippenstein ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel visant les décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles Lise St. Germain exerçait auprès de l’appelante un emploi assurable et ouvrant droit à pension aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada pour la période allant du 2 août au 24 octobre 2010, est rejeté et les décisions sont confirmées. Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012. « J. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juillet 2012. S. Tasset Référence : 2012 CCI 214 Date : 20120614 Dossiers : 2011‑3341(CPP) 2011‑3342(EI) ENTRE : 875527 ONTARIO LTD., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] L’appelante, 875527 Ontario Ltd., fabrique et vend de jolis panneaux de bois sur lesquels sont inscrits des prénoms d’enfants. Les ventes s’effectuent à des stands installés temporairement dans des centres commerciaux. Les clients peuvent acheter des panneaux personnalisés déjà peints, ou des trousses pour les monter et les peindre eux-mêmes. L’entreprise s’appelle « Loose Letters ». [2] En 2010, l’appelante a conclu une entente avec Lise St. Germain pour qu’elle devienne agente des ventes à des stands de Loose Letters dans tout l’Ontario. La question à trancher est de savoir si Mme St. Germain a été engagée comme employée ou comme entrepreneure indépendante pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. [3] À la suite d’une demande de prestations d’assurance-emploi présentée par Mme St. Germain, le ministre a estimé que celle-ci avait été engagée comme employée durant la période allant du 2 août au 24 octobre 2010. L’appelante conteste cette décision. Contexte factuel [4] L’appelante a été créée par Michael Van Raay, un entrepreneur avec une vaste expérience, notamment dans la conception de mobilier. M. Van Raay est le seul propriétaire et administrateur de l’entreprise, qui emploie un petit nombre de personnes pour la fabrication et la vente de ses produits. [5] L’appelante passe des contrats avec des centres commerciaux qui lui louent de l’espace pour ses stands pour de courtes périodes, de deux semaines par exemple. Ces contrats impliquent que les stands doivent être ouverts durant les heures d’ouverture du centre, soit approximativement onze heures durant les jours de semaine et moins les fins de semaine. [6] Mme St. Germain a répondu à une annonce demandant quelqu’un pour exploiter un stand de Loose Letters dans différents centres commerciaux de l’Ontario. La régularité du travail n’était pas garantie. Mme St. Germain allait être engagée en fonction du travail offert dans chaque centre commercial, et alterner quatre jours de travail et quatre jours de congé, durant lesquels elle allait être remplacée par quelqu’un d’autre. [7] Mme St. Germain a travaillé pendant près de dix semaines dans des centres commerciaux de trois villes de l’Ontario : North Bay, Ottawa et London. Malheureusement, la relation professionnelle s’est ensuite dégradée et a pris fin. Analyse [8] Les principes juridiques applicables sont présentés dans l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2011 CAF 256 : [8] L’arrêt qui fait autorité en ce qui concerne les principes pour établir une distinction entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise est Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.). Le juge Major, rédigeant l’arrêt de la Cour suprême du Canada, a approuvé Wiebe Door dans l’arrêt 67112 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983. Il a résumé, aux paragraphes 47 et 48, les principes pertinents comme suit : 47. […] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. 48. Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire. [9] Dans les arrêts Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.), et Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national – M.N.R..), 2006 CAF 87, [2007] 1 R.C.F. 35, la Cour a ajouté que lorsqu’il est établi que les parties avaient l’intention commune d’établir une relation juridique entre elles, il est nécessaire de tenir compte de cette preuve, mais il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties. [9] En vue d’appliquer ces principes à l’espèce, je me pencherai tout d’abord sur l’intention des parties. [10] M. Van Raay et Mme St. Germain ont négocié l’arrangement par téléphone et n’ont rien mis par écrit. M. Van Raay a déclaré durant son témoignage qu’il cherchait toujours à engager des entrepreneurs indépendants et qu’il pensait s’être entendu là-dessus avec Mme St. Germain. J’accepte ce témoignage. La paye de Mme St. Germain n’a fait l’objet d’aucune retenue à la source et cette dernière n’a rien dit à ce sujet. [11] Mme St. Germain a déclaré qu’elle n’avait réfléchi à la nature de la relation qu’après coup et qu’elle avait tout simplement présumé qu’elle était une employée. Le fait que l’absence de retenues à la source ne lui ait inspiré aucune réaction peut donner à penser qu’elle reconnaissait sa qualité d’entrepreneure indépendante. Cependant, la relation ayant été si brève, j’accepte le témoignage voulant qu’elle n’ait pas approfondi la question. [12] Je conclus que les parties n’avaient pas d’intention commune en ce qui touche la nature de leur relation. [13] Je me tourne à présent vers les facteurs de l’arrêt Wiebe Door ayant trait au degré de contrôle, à l’outillage, aux chances de profit et au risque de perte. [14] S’agissant du degré de contrôle, la question pertinente est de savoir si l’appelante pouvait contrôler la manière dont le travail était effectué. [15] J’estime que M. Van Raay exerçait relativement peu de contrôle sur la manière dont le travail s’effectuait. Les heures de travail étaient soumises à un contrôle, mais ce n’est pas là un facteur significatif aux fins de l’analyse de l’arrêt Wiebe Door puisqu’il s’agissait d’une exigence des centres commerciaux. [16] Cela dit, le critère ne consiste pas à déterminer si un contrôle était effectivement exercé, mais si l’appelante était en mesure de l’exercer. [17] M. Van Raay a déclaré qu’il connaissait les lignes directrices de l’ARC concernant la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant, et qu’il n’avait pas eu l’intention d’exercer un contrôle. Dans sa lettre d’opposition adressée à l’ARC, il a indiqué qu’il se serait montré plus exigeant à l’égard des méthodes de ventes de Mme St. Germain si elle avait été une employée. [18] J’accepte de reconnaître que M. Van Raay saisissait la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, mais je ne suis pas convaincue qu’il a pris des mesures suffisantes pour garantir une absence de contrôle. À cet égard, les manuels de formation conservés dans les stands sont particulièrement préoccupants : ils décrivent dans le menu détail les techniques de vente et la gestion adéquate du stand. Certaines de ces techniques sont qualifiées de [traduction] « suggestions » plutôt que de directives, mais je ne trouve pas cette nuance significative. Dans l’ensemble, les documents donnent l’impression que l’appelante était en droit d’exercer un contrôle considérable sur la manière dont les agents des ventes travaillaient. [19] Bien que M. Van Raay sache que le degré de contrôle est un facteur pertinent pour établir le statut d’entrepreneur indépendant, l’emploi des manuels laisse entendre que la capacité de l’exercer était jugée nécessaire pour l’entreprise. [20] M. Van Raay a déclaré que ces manuels avaient été rédigés par un consultant indépendant, et il a laissé entendre qu’ils ne démontraient pas son intention d’exercer un contrôle. C’est le fait que ce soit l’appelante qui ait décidé de placer ces manuels dans les stands qui me pose problème. [21] Tout bien considéré, je conclus que le facteur relatif au degré de contrôle va dans le sens d’une relation employeur-employé. [22] Pour ce qui est de l’outillage, des chances de profit et des risques de perte, j’estime qu’il s’agit là d’éléments neutres qui sont aussi courants dans le cas d’employés que dans le cas d’entrepreneurs indépendants. [23] En ce qui concerne les outils, Mme St. Germain utilisait sa propre voiture et son téléphone cellulaire, mais aucun autre outil d’importance n’était requis. [24] Quant aux profits et aux pertes, Mme St. Germain était payée sur une base horaire et n’avait droit à aucun avantage, hormis le remboursement de ses dépenses. [25] Compte tenu de l’ensemble des facteurs de l’arrêt Wiebe Door, je conclus que, même si elle a souhaité engager Mme St. Germain à titre d’entrepreneure indépendante, l’appelante n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’elle ne serait pas à même de contrôler la manière dont le travail serait effectué. L’ensemble des facteurs indique plutôt une relation employeur-employé. [26] L’appel est rejeté. Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012. « J. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juillet 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012 CCI 214 Nos DE DOSSIERS DE LA COUR : 2011‑3341(CPP) 2011‑3342(EI) INTITULÉ : 875527 ONTARIO LTD. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : London (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 juin 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 14 juin 2012 COMPARUTIONS : Représentant de l’appelante : M. Michael Van Raay Avocat de l’intimé : Me Paul Klippenstein AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : s. o. Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 215
TCC
2,012
Chen c. La Reine
fr
2012-06-14
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30840/index.do
2022-09-04
Chen c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-14 Référence neutre 2012 CCI 215 Numéro de dossier 2011-1069(GST)I Juges et Officiers taxateurs Judith Woods Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2011‑1069(GST)I ENTRE : SHU WEI CHEN et CHIEN CHUNG TANG, appelants, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 3 mai 2012 à Halifax (Nouvelle‑Écosse) Par : L’honorable juge Judith Woods Comparutions : Pour les appelants : Mme Shu Wei Chen Pour l’intimée : Me Jan Jensen Mme Mallory Treddenick (stagiaire en droit) ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel concernant la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008 est rejeté. Les parties assumeront leurs propres dépens. Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012. « J.M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juillet 2012. S. Tasset Référence : 2012 CCI 215 Date : 20120614 Dossier : 2011‑1069(GST)I ENTRE : SHU WEI CHEN et CHIEN CHUNG TANG, appelants, et SA MAJESTÉ LA REINE intimée. MOTIFS DU JUGEMENT La juge Woods [1] De l’année 1994 jusqu’à la fin de l’année 2010, les appelants Shu Wei Chen et Chien Chung Tang exploitaient dans le cadre d’une société de personnes une entreprise immobilière sous le nom de Great Tang’s Development. [2] L’appel concerne une cotisation de taxe nette au titre de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») s’élevant à 8 702,91 $ et visant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008. [3] La question est de savoir si les associés auraient dû percevoir la taxe de vente harmonisée (la « TVH ») se rapportant à trois ventes de terrains vacants qui ont eu lieu en 2008. Si elle a lieu de s’appliquer, la TVH relative à ces trois ventes s’élèverait à 11 828,96 $. [4] Les associés étaient représentés à l’audience par Mme Chen, qui était mariée à M. Tang durant la période pertinente; ils ont divorcé depuis. Bien que M. Tang ne soit plus associé, la société de personnes continue d’exister pour l’application de la TVH aux termes du paragraphe 272.1(6) de la Loi. Mme Chen exploite à présent l’entreprise en tant que propriétaire unique. [5] Mme Chen fait valoir que les ventes ne sont pas taxables, car les trois terrains ont été acquis à des fins personnelles et non dans le cadre des activités d’une entreprise d’achat et de vente de terrains. Elle ajoute que deux de ces propriétés lui appartenaient à elle seule et non à la société de personnes. Les propriétés appartenaient‑elles à la société de personnes? [6] J’examinerai d’abord l’argument des appelants selon lequel deux des propriétés appartenaient à Mme Chen et non à la société de personnes. Ces propriétés ont été identifiées comme étant le lot S1, chemin Terence Bay, à Terence Bay (Nouvelle‑Écosse) et le 8, rue Clarence, à Dartmouth (Nouvelle‑Écosse). [7] Je note que la position des appelants contredit les déclarations de TVH produites par la société de personnes, et qui font état des ventes. Par ailleurs, cet argument n’a pas été soulevé dans l’avis d’appel; il a été invoqué pour la première fois à l’audience. [8] Ces facteurs ne portent pas un coup fatal aux prétentions des appelants, mais, dans les circonstances, ces derniers doivent présenter une preuve claire et convaincante à l’appui. Malheureusement pour eux, la preuve n’est pas claire. [9] L’état des déboursés concernant la propriété de Terence Bay, contenu dans la preuve, donne à penser que cette propriété a été vendue par Mme Chen. Cependant, il n’est pas certain si elle la détenait pour son propre compte ou si elle agissait pour celui de la société de personnes, tel qu’il est indiqué dans la déclaration de TVH. Il se peut très bien que la propriété de Terence Bay, comme d’autres, ait été enregistrée au nom de Mme Chen pour le compte de la société de personnes. Prise dans son ensemble, la preuve ne suffit pas à infirmer les déclarations précédentes. [10] Mme Chen a affirmé que les déclarations de TVH avaient été remplies par un teneur de comptes sur la foi de renseignements fournis par M. Tang. Elle a ajouté que ce dernier s’occupait des déclarations avec peu de soin et qu’elle ne les révisait pas. Ce témoignage n’est pas fait pour avancer la cause des appelants. Même si j’accepte que les déclarations de TVH ont été préparées sans soin, la preuve établissant que les propriétés appartenaient à Mme Chen seulement est insuffisante. Les propriétés étaient‑elles détenues à des fins personnelles? [11] Les appelants font valoir que les propriétés étaient détenues à des fins personnelles et qu’elles tombent sous le coup de l’exemption prévue au paragraphe 9(2) de la partie I de l’Annexe V de la (Loi). La partie pertinente de la disposition sur l’exemption prévoit ce qui suit : 9(2) La fourniture par vente d’un immeuble, effectuée par un particulier ou une fiducie personnelle, à l’exclusion des fournitures suivantes : […] b) la fourniture d’un immeuble effectuée : (i) dans le cadre d’une entreprise du particulier ou de la fiducie, (ii) si le particulier ou la fiducie a présenté au ministre, en la forme et selon les modalités déterminées par celui‑ci, un choix contenant les renseignements requis par lui, dans le cadre d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial du particulier ou de la fiducie; [Non souligné dans l’original.] [12] À titre d’observation préliminaire, l’intimée a essayé de soulever l’argument selon lequel l’exemption ne s’applique pas dans les circonstances parce que les propriétés appartiennent à une société de personnes et que l’exemption ne s’applique pas aux sociétés de personnes. Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cet argument parce que l’intimée l’a retiré en ne l’incluant pas dans la réponse. [13] La seule question à trancher est donc de savoir si la vente des terrains vacants a eu lieu dans le cadre des activités d’une entreprise. [14] La preuve révèle que la société de personnes était particulièrement active et que les appelants avaient aussi d’autres intérêts immobiliers en dehors de la société de personnes. [15] Ils possédaient notamment d’assez nombreuses propriétés de type divers, qu’il s’agisse de parcelles de terrains vacants, de propriétés commerciales ou d’appartements en copropriété. Certaines d’entre elles étaient importantes, d’autres avaient été achetées par Mme Chen à des ventes pour défaut de paiement des impôts. Outre les biens détenus par la société de personnes, Mme Chen et M. Tang étaient aussi les propriétaires d’une société possédant d’autres biens immobiliers. Un document fourni par Mme Chen à l’intimée fait état de six ventes de propriétés en 2008 (pièce R‑1, onglet 1). [16] Je note aussi que les documents d’enregistrement de la société de personnes précisent que celle‑ci exerce des activités d’investissement et d’aménagement immobiliers. Qui plus est, Mme Chen détenait également son permis d’agent immobilier pendant un certain temps. [17] Ces éléments de preuve donnent fortement à penser que les trois terrains vacants vendus en 2008 ont été vendus dans le cadre des activités d’une entreprise de vente et d’achat de terrains. [18] Mme Chen fait valoir que les appelants n’avaient jamais eu l’intention de devenir des promoteurs immobiliers et d’aménager les terrains vacants. Cela ne change rien pour les appelants, car le critère n’est pas là. [19] Agir en vue de tirer un profit constitue la marque distinctive d’une entreprise. Par conséquent, une démarche visant à tirer un profit de l’achat et de la vente de terrains vacants est également une entreprise. Le fait que les appelants n’aient pas eu l’intention de jouer aux promoteurs immobiliers n’a aucune importance. [20] L’ensemble de la preuve établit de manière écrasante que les appelants s’employaient activement à acheter et à vendre des terrains pour en tirer profit. Ils cherchaient des propriétés dont la valeur leur semblait faible, en espérant les revendre à profit ultérieurement. Dans les circonstances, l’exemption n’a pas lieu de s’appliquer. [21] Mme Chen a déclaré qu’elle ne vendait des terrains que lorsqu’elle avait besoin d’argent. Cela c’est peut-être vrai, mais cet argument ne lui est d’aucun secours dans le présent appel. Il se peut que les appelants aient eu l’intention de conserver des terrains pendant une période indéfinie. Mais c’est l’intention de réaliser un profit à un moment donné qui est cruciale. Les appelants exploitaient activement une entreprise visant à tirer profit de la vente de terrains. Ceci porte un coup fatal à l’appel. [22] Mme Chen a déclaré qu’elle possédait un certain nombre de propriétés qu’elle avait l’intention de donner à ses fils, et que la propriété de Terence Bay était une propriété de loisirs. La preuve sur ce point était bien trop vague et pauvre en détails pour être convaincante. [23] Mme Chen soutient également que la cotisation est sévère, et que les appelants auraient perçu la TVH auprès des acheteurs s’ils avaient su que les ventes étaient visées par cette taxe. [24] Le résultat peut être sévère, mais il incombe aux contribuables d’obtenir de bons conseils fiscaux concernant leurs obligations au titre de la Loi. Rien n’indique que les appelants l’aient fait. Du reste, la sévérité du résultat ne justifie pas de mesures de redressement. La Cour doit appliquer la loi telle que le législateur l’a adoptée. [25] L’appel est rejeté. Les parties assumeront chacune leurs dépens. Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012. « J.M. Woods » Juge Woods Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juillet 2012. S. Tasset RÉFÉRENCE : 2012 CCI 215 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2011‑1069(GST)I INTITULÉ : SHU WEI CHEN et CHIEN CHUNG TANG c. SA MAJESTÉ LA REINE LIEU DE L’AUDIENCE : Halifax (Nouvelle‑Écosse) DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 mai 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge J.M. Woods DATE DU JUGEMENT : Le 14 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour les appelants : Mme Shu Wei Chen Pour l’intimée : Me Jan Jensen Mme Mallory Treddenick (stagiaire en droit) AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour les appelants : Nom : s. o. Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
2012 CCI 216
TCC
2,012
Frenkel c. M.R.N.
fr
2012-06-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30845/index.do
2022-09-04
Frenkel c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-18 Référence neutre 2012 CCI 216 Numéro de dossier 2011-3911(CPP), 2011-3912(CPP), 2012-1518(CPP) Juges et Officiers taxateurs Campbell J. Miller Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossier : 2011-3912(CPP) ENTRE : VSEVOLOD FRENKEL, appelant, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 1er juin 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller Comparutions : Pour l’appelant : L’appelant lui-même Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey ___________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté conformément à l’article 28 du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre du Revenu national sur l’appel prévu à l’article 27 du Régime de pensions du Canada est annulée. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 23e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2011-3911(CPP) ENTRE : ELENA FRENKEL, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 1er juin 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Vsevolod Frenkel Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté conformément à l’article 28 du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre du Revenu national sur l’appel prévu à l’article 27 du Régime de pensions du Canada est annulée. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 23e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Dossier : 2012-1518(CPP) ENTRE : EFFECTIVE TECHNOLOGIES & IDEAS INC., appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 1er juin 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller Comparutions : Représentant de l’appelante : M. Vsevolod Frenkel Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel interjeté conformément à l’article 28 du Régime de pensions du Canada est accueilli et l’évaluation du ministre du Revenu national en date du 24 novembre 2011, laquelle a été confirmée par une lettre datée du 20 avril 2012, est annulée. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 23e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 216 Date : 20120618 Dossiers : 2011-3912(CPP) 2011-3911(CPP) 2012-1518(CPP) ENTRE : VSEVOLOD FRENKEL, ELENA FRENKEL ET EFFECTIVE TECHNOLOGIES & IDEAS INC., appelants, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge C. Miller [1] Les présents appels se rapportent au statut de Vsevolod Frenkel et d’Elena Frenkel auprès d’Effective Technologies & Ideas lnc. (« ETI »); il s’agit de savoir si, au cours de l’année 2010, les Frenkel occupaient un emploi ouvrant droit à pension auprès d’ETI. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a avisé les Frenkel, par une lettre datée du 24 octobre 2011, qu’ils occupaient un emploi ouvrant droit à pension et, par la suite, le 24 novembre 2011, le ministre a établi une évaluation à l’égard d’ETI au titre des cotisations (de 4 137,60 $) au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») que cette dernière n’avait pas versées, et il a également imposé des pénalités. Les Frenkel, qui croyaient être des travailleurs autonomes plutôt que des employés d’ETI, avaient personnellement versé, au titre du RPC, des cotisations dont les montants s’élevaient à près de 4 137,60 $. Selon le ministre, les cotisations avaient été versées par une personne autre que celle qui devait le faire. Le mécontentement de M. Frenkel était évident étant donné qu’ETI pourrait avoir à verser de nouveau le même montant et qu’il devrait alors demander un remboursement du gouvernement pour les cotisations personnellement versées. Les faits [2] ETI a été constituée en personne morale au mois de novembre 2009. M. et Mme Frenkel étaient actionnaires à parts égales d’ETI, dont ils étaient également administrateurs. Malheureusement, Mme Frenkel n’était pas présente à l’instruction et seul M. Frenkel a témoigné, mais il a indiqué que la personne morale avait été constituée parce que l’on avait informé Mme Frenkel qu’elle ne pouvait obtenir des contrats pour ses services de consultation informatique que par l’intermédiaire d’une personne morale. Il n’a pas été soutenu que l’entreprise avait été constituée en personne morale pour des raisons de responsabilité limitée. Avant la constitution d’ETI en personne morale, M. Frenkel avait exploité son entreprise d’étude de marché, dans le cadre de laquelle il menait des activités de commercialisation et de vente de savoir-faire à l’égard de produits innovateurs provenant principalement de Russie ou d’Ukraine, à titre de propriétaire unique sous le nom commercial CMT NET Co. (« CMT »). Lors de la constitution d’ETI en personne morale, M. Frenkel a décidé de continuer à exploiter les deux entreprises, à savoir la sienne et celle de sa femme, sous un seul nom. Ce qu’il entend exactement par là constitue le nœud du litige. [3] M. Frenkel m’a montré certains produits qu’il tentait de commercialiser en Amérique du Nord. Il était clair qu’après la constitution d’ETI en personne morale, M. Frenkel avait continué à exploiter ce qu’il a appelé son entreprise de la même façon qu’auparavant. Il a déclaré que, lorsqu’il faisait des affaires en Russie et en Ukraine, il importait peu que l’entreprise s’appelle ETI ou CMT, parce que c’étaient les relations individuelles qui comptaient. Tous les clients savaient qu’ils traitaient avec M. Frenkel. [4] L’entreprise de consultation informatique de Mme Frenkel semble avoir exercé ses activités pour GSI International Consulting Group (« GSI »), quoique le contrat que M. Frenkel a produit en preuve à l’appui de cette entente ait été daté du 2 février 2011, soit l’année qui a suivi l’année ici en cause. Il s’agit d’un contrat inhabituel, dont certains passages sont ci‑dessous reproduits : [traduction] ENTENTE VISANT DES SERVICES RELATIFS AUX SYSTÈMES ET À LA PROGRAMMATION ENTRE : GSI International Consulting Group (le « groupe GSI ») ET : Effective Technologies & Ideas, Inc. (ci‑après appelée le SOUS‑TRAITANT) Il est entendu que le présent contrat se rapporte à des services qu’Elena Frenkel doit fournir à titre de mandataire ou de mandant du SOUS-TRAITANT. […] Le SOUS-TRAITANT reconnaît être un travailleur autonome plutôt qu’un employé du groupe GSI. […] Il est intéressant de noter qu’il n’est pas question de la rémunération dans l’entente. [5] Ni M. Frenkel ni Mme Frenkel n’ont conclu d’entente écrite avec ETI. M. Frenkel a indiqué qu’il se rendait bien compte qu’ETI était une entité juridique distincte, mais il a fort clairement affirmé que son entreprise de commercialisation de produits était la sienne et qu’ETI existait uniquement parce qu’il le fallait pour que Mme Frenkel puisse obtenir des contrats. Même le compte bancaire d’ETI avait été établi conjointement par la personne morale et par les Frenkel personnellement. M. Frenkel a témoigné que si Mme Frenkel était rémunérée pour un travail, la rémunération pouvait être remise à son nom ou au nom de la personne morale. Je ne suis pas convaincu que M. Frenkel s’était réellement rendu compte de ce que comportait le recours à une personne morale pour exploiter son entreprise et celle de sa femme, étant donné que, lorsqu’il a décrit ce qui arriverait si l’entreprise devait embaucher de l’aide, il a déclaré que le travailleur serait rémunéré par la personne morale, parce que c’est ce qu’il faut faire pour être travailleur autonome. La réponse que M. Frenkel a donnée indique qu’il ne comprenait pas bien ce qu’est un travailleur autonome. [6] Quant à la rémunération, M. Frenkel a témoigné que sa femme et lui retiraient simplement de l’argent au besoin. Selon un état des résultats d’ETI, en 2010, M. Frenkel avait retiré environ 17 000 $ et Mme Frenkel environ 31 000 $, à des intervalles irréguliers. Selon M. Frenkel, les montants étaient basés sur le revenu que leurs entreprises respectives généraient. Il importe également de noter que, dans l’état des résultats d’ETI, le montant de 48 000 $ retiré par les Frenkel est inscrit sous la catégorie des jetons de présence. M. Frenkel a expliqué que le montant avait été inscrit sous ce poste parce que c’était le seul choix possible dans le logiciel qu’il utilisait. [7] Selon M. Frenkel, les factures pouvaient être établies au nom d’ETI ou à son nom, au gré des clients, mais M. Frenkel a encore une fois mentionné que les grandes sociétés veulent qu’un nom d’entreprise figure sur les factures. Une copie d’une facture d’ETI adressée à GSI est libellée ainsi : [traduction] Nom commercial – Effective Technologies & Ideas Inc. Entrepreneur : Elena Frenkel Le numéro d’inscrit aux fins de la TPS d’ETI figure dans la facture, étant donné que ni M. Frenkel ni Mme Frenkel n’étaient inscrits aux fins de la TPS. La facture précisait également que le paiement devait être effectué en faveur d’ETI. M. Frenkel a reconnu qu’il fait toujours affaire sous le nom d’ETI, mais il était clair qu’il ne voyait pas de différence entre cet arrangement et l’arrangement antérieur, lorsqu’il utilisait simplement le nom commercial CMT. [8] Pour ce qui est de l’état des résultats, M. Frenkel a répondu par l’affirmative lorsque Me Oakey lui a demandé si la personne morale leur remboursait les frais d’exploitation, étant donné que ni M. Frenkel ni Mme Frenkel ne déclaraient personnellement de dépenses d’entreprise, ou en déclaraient fort peu, dans leurs déclarations de revenus. La principale dépense se rapportait à un loyer (4 821 $), probablement pour le bureau à domicile des Frenkel. Toutefois, auparavant dans son témoignage, M. Frenkel avait déclaré que la personne morale couvrait le tiers des frais relatifs au domicile, mais qu’elle [traduction] « ne payait pas ». [9] M. Frenkel ne savait pas trop qui serait tenu légalement responsable si un problème se posait avec un client. [10] Quant aux instruments de travail, M. Frenkel a indiqué qu’il fournissait l’ordinateur, la voiture, l’imprimante et le réfrigérateur (pour l’entreposage de certains produits commercialisables éventuels qui devaient être réfrigérés) et que la personne morale fournissait une table et une chaise. Analyse [11] En 2010, les Frenkel étaient-ils des travailleurs autonomes qui exploitaient chacun leur propre entreprise en fournissant des services à ETI, ou étaient-ils des employés d’ETI dans le cadre de contrats de louage de services? Le cheminement analytique habituel suivi dans les affaires concernant les services d’employés par opposition aux services d’entrepreneurs indépendants, fondé sur les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada[1] et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[2] ainsi que sur la multitude de décisions subséquentes, ne s’applique pas facilement dans le cas des propriétaires-exploitants ayant un lien de dépendance avec l’entreprise. Comme le juge suppléant Rowe l’a dit dans la décision MacMillan Properties Inc. c. Canada[3] : 29. […] Bien sûr, on s’aventure toujours du côté de la métaphysique lorsque l’on commence à parler d’une société appartenant à 100 % à un particulier comme ayant une personnalité distincte en langage de tous les jours plutôt qu’en tant que question de droit. […] [12] Ce problème existait dans un grand nombre d’affaires similaires. Le juge en chef Rip l’a décrit ainsi dans la décision Pro-Style Stucco & Plastering Ltd. c. Canada[4] : 21. Dans une situation où une personne est l’unique administrateur et actionnaire d’une société et qu’elle fournit ses services à cette société, les critères traditionnels pour déterminer si cette personne est un employé ou un entrepreneur indépendant ne sont pas toujours utiles. Par exemple, comment peut‑on évaluer le degré de contrôle qu’exerce un employeur sur les activités du travailleur lorsque la personne qui dirige l’employeur est le travailleur? Il se peut fort bien, comme l’a laissé sous‑entendre M. Marocco, que l’entreprise Pro‑Style ait été constituée en personne morale parce qu’il voulait que ses responsabilités relatives à l’exploitation de l’entreprise soient limitées. Il a donc fait en sorte que tous les contrats soient conclus sous le nom commercial de l’entreprise Pro‑Style. Toutefois, l’entreprise Pro‑Style assumait tous les risques liés à la qualité des travaux. L’entreprise qui était exploitée était celle de Pro‑Style et non celle de M. Marocco, et les services qu’il fournissait faisaient partie intégrante de cette entreprise. [13] Comme le montrent clairement les remarques que la Cour suprême du Canada a faites dans l’arrêt Sagaz, le cheminement analytique habituel donne à entendre que le contrôle entre toujours en ligne de compte. Cependant, comme M. Frenkel l’a affirmé avec insistance, en sa qualité de propriétaire d’ETI, personne n’exerce un contrôle sur lui, et la personne morale n’exerce certes aucun contrôle sur lui. Il pouvait liquider la personne morale n’importe quand ou simplement ne pas y avoir recours. Comme il me l’a dit sur un ton chargé d’émotion : « Combien d’employés peuvent liquider leur employeur? » La tentative que l’on a faite pour expliquer les différents rôles joués par le propriétaire-exploitant ne semblait rimer à rien pour M. Frenkel. [14] Dans l’arrêt Sagaz, la Cour suprême du Canada a dit que la question cruciale était : […] de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. [15] Toutefois, ce critère général semble également sonner un peu faux si on l’applique à une situation telle que celle des Frenkel, lorsque l’engagement entre le payeur et le travailleur n’est pas consigné par écrit et qu’aucune entente verbale ne peut être constatée, étant donné que les deux parties qui concluraient pareille entente ne sont qu’une seule et même personne. Les indices habituels du contrôle et de l’intention ne sont tout simplement pas utiles lorsque celui qui exerce le contrôle et celui qui y est assujetti sont une seule et même personne. Et dans ce cas particulier, lorsque M. Frenkel affirme que la personne morale et lui-même avaient l’intention de conclure une entente pour travailleur autonome, cette affirmation a peu de valeur puisque, de toute évidence, M. Frenkel ne se rendait pas pleinement compte de ce qu’était un travailleur autonome. Il croyait qu’il fallait une personne morale. Il était difficile de comprendre la façon dont M. Frenkel concevait ce qu’était un travailleur autonome. [16] Il est d’autant plus difficile de se fonder sur le critère traditionnel à quatre volets étant donné que le type d’entreprise en cause exigeait peu d’instruments de travail ou de matériel. En outre, les chances de bénéfice et les risques de perte seraient les mêmes pour les Frenkel et pour la personne morale : si un bénéfice était fait, les Frenkel le retiraient de la personne morale; si les entreprises ne généraient aucun bénéfice, il n’y avait pas de fonds disponibles qui puissent être retirés d’ETI. [17] Il s’agit ici d’un de ces cas dans lesquels les critères juridiques établis par les juges sont plus ou moins utiles et où il faut prendre du recul et se demander si les Frenkel avaient transféré leur entreprise à ETI, de sorte qu’ETI exploitait l’entreprise avec les Frenkel comme employés ou si les Frenkel ont personnellement continué à exploiter leurs entreprises respectives, en se contentant d’utiliser le nom commercial d’ETI en vue d’obtenir du travail qu’ETI pouvait leur donner en sous-traitance et se faire ensuite payer pour leur compte – de sorte qu’ETI agissait en fait à titre d’organisme de gestion. [18] Si l’on tente d’évaluer les facteurs qui pourraient indiquer l’existence d’une relation par opposition à une autre, on n’obtient aucun résultat clair dans un sens ou dans l’autre. Selon moi, la chose est attribuable à la nature fort vague de l’arrangement. Quoi qu’il en soit, certains facteurs opposés sont énumérés ci‑dessous : 1. L’état des résultats d’ETI indiquait que la personne morale payait presque toutes les dépenses d’entreprise, mais ces dépenses étaient-elles payées pour le compte des Frenkel? 2. Dans le contrat conclu avec un tiers, GSI, ETI est désignée à titre de sous-traitant, mais Elena Frenkel est désignée à titre de mandataire ou de mandant, de sorte qu’il est reconnu qu’ETI pourrait agir pour le compte de Mme Frenkel. 3. La facture adressée à GSI indiquait le « nom commercial » comme étant celui d’ETI, mais l’entrepreneur était Elena Frenkel. 4. Il n’y avait pas de factures des Frenkel adressées à ETI, mais cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ETI agissait simplement à titre de mandataire. 5. Les Frenkel pouvaient sans aucun doute avoir recours à ETI à leur guise; rien ne les obligeait à rendre compte à ETI du temps qu’ils consacraient au profit de cette dernière, ou encore de l’endroit ou du moment où ils le faisaient. 6. En fait, rien n’a changé pour M. Frenkel quant à la façon dont il exploitait l’entreprise après la constitution d’ETI en personne morale, si ce n’est que M. Frenkel utilisait le nom ETI au lieu de CMT. [19] Tout cela m’amène à me demander exactement quel était le contrat ou l’entente entre les Frenkel et ETI. Selon moi, la personne morale agissait à titre de mandataire des Frenkel en vue de répondre aux exigences des clients éventuels de l’entreprise des Frenkel; elle percevait les montants dus pour leur compte, elle payait les dépenses de leurs entreprises à l’aide des sommes reçues, mais elle pouvait conserver une partie de ces sommes pour la prestation de ces services de gestion. Je conclus que la façon la plus exacte de décrire l’entente sur le plan juridique est qu’ETI a été établie à titre de mandataire en vue de gérer l’entreprise des Frenkel, entreprise que ceux‑ci ont continué à exploiter personnellement. Cela étant, ETI pouvait de fait posséder du matériel, mais je suis convaincu que les chances de bénéfice et les risques de perte associés à leurs entreprises respectives étaient assumés par les Frenkel. Ce qui a changé pour les Frenkel, après la constitution d’ETI en personne morale, c’est qu’ETI gérait leurs entreprises à titre de mandataire, sans toutefois assurer l’exploitation comme telle des entreprises. Cela me semble la façon la plus logique, sur le plan commercial, d’interpréter le témoignage de M. Frenkel lorsqu’il s’agit de savoir ce qui se passait réellement. Compte tenu de cette interprétation, je conclus que les Frenkel n’étaient pas rémunérés à titre d’employés d’ETI, mais qu’ils étaient rémunérés pour les services indépendants de consultation et de marketing qu’ils fournissaient. En leur qualité de propriétaires d’ETI, ils pouvaient décider de ne verser aucun salaire aux personnes qui fournissaient les services de gestion et conserver une partie du bénéfice, comme ils l’ont fait en 2010, peut-être bien en vue de les distribuer à l’avenir sous la forme de dividendes. Il est certain que les Frenkel pourraient tout aussi bien transmettre leurs entreprises individuelles telles quelles à ETI et retirer leurs salaires d’ETI. De fait, cela serait peut-être bien plus facile pour eux sur le plan logistique; toutefois, je crois que ce n’était pas leur intention et qu’en fait, ce n’est pas ce qu’ils ont fait, de sorte qu’ils se sont retrouvés dans cette entente plutôt nébuleuse. J’encourage les Frenkel à demander conseil à des comptables et à des avocats en vue de décider de la voie à suivre à l’avenir. [20] Selon la position subsidiaire que le ministre a prise, les montants versés aux Frenkel en 2010 étaient des frais d’administrateurs et ils étaient donc visés par la définition des termes « fonction », « charge » et « fonctionnaire » figurant à l’article 2 du RPC, ce qui inclut expressément un poste d’administrateur de personne morale. Le ministre a fait remarquer que, dans ses états financiers, ETI elle-même inscrivait les montants versés aux Frenkel à titre de jetons de présence. M. Frenkel a expliqué que c’était la seule catégorie qui, selon lui, existait dans le logiciel aux fins de l’inscription de ce paiement. J’accorde peu d’importance à cette appellation. La preuve donnait clairement à entendre que les montants avaient été versés aux Frenkel à l’égard du travail qu’ils avaient accompli pour des clients, quoique les montants aient été retirés au besoin seulement, et que cela n’avait rien à voir avec leurs fonctions d’administrateurs. Le fait de considérer une partie quelconque de ces montants comme se rapportant en fait à des jetons de présence ne correspondrait pas à la réalité commerciale de cette entente. [21] Enfin, je traiterai brièvement de l’argument de M. Frenkel selon lequel le gouvernement n’a pas suivi les dispositions du RPC, en ce sens que ni le ministre du Développement social, ni un employeur ou un employé n’ont demandé à un fonctionnaire de trancher la question, comme l’exige l’article 26.1 du RPC. L’article 27.3, qui est libellé ainsi, s’applique à la situation : 27.3 Les articles 26.1 à 27.2 n’ont pas pour effet de restreindre le pouvoir qu’a le ministre de rendre une décision de sa propre initiative en application de la présente partie ou d’établir une évaluation ultérieurement à la date prévue au paragraphe 26.1(2). [22] J’ai traité de la même question dans les décisions 6005021 Canada Inc. c. Canada[5] et Zazai Enterprises Inc. c. Canada[6]; dans cette dernière décision, voici ce que j’ai dit : 17. L’examen de ces dispositions dans leur ensemble montre que le ministre peut, sans restriction aucune, établir une évaluation telle que celle qu’il a établie en l’espèce. Si le paragraphe 26.1(4) était interprété de la façon préconisée par M. Sarmiento, le pouvoir conféré au ministre serait complètement anéanti; de fait, l’article 27.3 deviendrait inutile (résultat que le législateur ne pouvait certes pas chercher à obtenir), étant donné que la chose permettrait au ministre d’établir une évaluation, mais sans que celui‑ci puisse soutenir que le non‑paiement n’était pas conforme à la Loi. Somme toute, il n’y aurait rien qui puisse donner lieu à une évaluation. Je suis prêt à admettre que le libellé de ces dispositions est loin d’être clair, mais il faut l’interpréter de façon à lui attribuer un sens. Et le sens que je lui attribue, c’est que l’absence de demande de décision n’entrave aucunement l’exercice du pouvoir du ministre. Cette interprétation est en outre étayée par le paragraphe 26.1(2) du RPC, qui permet au ministre du Développement social de demander une décision à tout moment, c’est‑à‑dire que le gouvernement peut toujours surmonter l’obstacle dressé par M. Sarmiento simplement en présentant une demande. Les remarques que la Cour d’appel fédérale a faites dans l’arrêt Care Nursing Agency Ltd., précité, semblent justifier mon avis sur ce point. [23] Comme le montrent clairement ces motifs, cette solution laisse plutôt à désirer. Pourtant, c’est celle qui correspond le plus exactement à l’intention des Frenkel et à leur arrangement commercial. L’arrangement prête à confusion et les Frenkel auraient avantage à obtenir l’aide de professionnels en vue d’éclaircir la situation. Il est clair qu’ils n’essayaient pas d’éviter quelque responsabilité que ce soit puisqu’ils ont personnellement versé des cotisations au RPC. La décision du ministre portant que les Frenkel occupent un emploi ouvrant droit à pension est annulée ainsi que la nouvelle évaluation dont ETI a fait l’objet, pour le motif que les Frenkel n’étaient pas des employés d’ETI. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « Campbell J. Miller » Juge C. Miller Traduction certifiée conforme ce 23e jour de novembre 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 216 Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-3912(CPP), 2011-3911(CPP) et 2012‑1518(CPP) INTITULÉ : VSEVOLOD FRENKEL, ELENA FRENKEL et EFFECTIVE TECHNOLOGIES & IDEAS INC. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er juin 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Campbell J. Miller DATE DU JUGEMENT : Le 18 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelant : Représentant des appelantes : L’appelant lui-même M. Vsevolod Frenkel Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelant : s/o Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] [1986] 3 C.F. 553. [2] 2001 CSC 59. [3] 2005 CCI 654. [4] 2004 CCI 32. [5] 2009 CCI 339. [6] 2008 CCI 606.
2012 CCI 217
TCC
2,012
Société de gestion des déchets nucléaires c. M.R.N.
fr
2012-06-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30846/index.do
2022-09-04
Société de gestion des déchets nucléaires c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-18 Référence neutre 2012 CCI 217 Numéro de dossier 2010-3808(CPP) Juges et Officiers taxateurs Joe E. Hershfield Sujets Régime de pensions du Canada Contenu de la décision Dossier : 2010-3808(CPP) ENTRE : LA SOCIÉTÉ DE GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 26 avril 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield Comparutions : Avocats de l’appelante : Me Dominic C. Belley Me Patrick Moran Avocat de l’intimé : Me Thang Trieu ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est rejeté, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, et les décisions du ministre du Revenu national sont confirmées conformément aux motifs de jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « J.E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme ce 22e jour d’août 2012. S. Tasset Référence : 2012 CCI 217 Date : 20120618 Dossier : 2010-3808(CPP) ENTRE : LA SOCIÉTÉ DE GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hershfield [1] Il s’agit d’un appel interjeté par la Société de gestion des déchets nucléaires (la « SGDN »), une société constituée conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire[1] et à la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes[2];cet appel découle de décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre »). [2] Les décisions du ministre qui ont été portées en appel ratifiaient certaines décisions portant que les membres du conseil consultatif de l’appelante occupaient une charge ou une fonction et qu’ils occupaient donc un emploi ouvrant droit à pension conformément à l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime »)[3]. [3] L’appelante soutient que les membres du conseil consultatif n’occupaient pas une charge ou une fonction auprès d’elle et qu’elle n’entretenait aucune relation employeur-employé avec les membres du conseil consultatif. [4] Les personnes suivantes sont touchées par les décisions du ministre portant sur le statut des membres du conseil consultatif de l’appelante : Membres du conseil consultatif touchés par la décision Périodes pertinentes Helen C. Cooper 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 David Cameron 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 Marlyn Cook 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 Frederick Gilbert 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 Rudyard Griffith 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 Donald Obonsawin 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 Les faits [5] Les faits exposés dans l’avis d’appel modifié de l’appelante figurent à l’annexe 1 des présents motifs et les hypothèses de fait émises par le ministre figurent à l’annexe 2. [6] D’une façon générale, les faits décrits dans les actes de procédure et sur lesquels chacune des parties se fonde ne sont pas sensiblement différents. De fait, aucun témoin n’a été cité à l’audience et les avocats de chaque partie ont reconnu que les faits invoqués par la partie adverse étaient admis sur tous les points essentiels. Les points litigieux [7] L’unique fondement de la ratification par le ministre des décisions portant que les membres du conseil consultatif occupaient un emploi ouvrant droit à pension est la définition du terme « emploi » figurant au paragraphe 2(1) du Régime, laquelle est libellée ainsi : « emploi » L’état d’employé prévu par un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction; [Non souligné dans l’original.] [8] En outre, les termes « fonction » ou « charge » sont définis ainsi au paragraphe 2(1) du Régime : « fonction » ou « charge » Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable. Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant-gouverneur, de membre du Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale; « fonctionnaire » s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge. [9] Il s’agit donc ici uniquement de savoir si, au cours des périodes pertinentes, les membres du conseil consultatif de l’appelante occupaient une charge ou une fonction. Les faits et les arguments [10] Le fait peut-être le plus important que l’intimé a invoqué se rapporte aux modalités de rémunération des membres du conseil consultatif, lesquelles sont énoncées aux alinéas 9u) et v) de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »). Ces alinéas décrivent les modalités suivantes[4] : [traduction] […] u) l’appelante versait chaque année un montant de 10 000 $ aux membres du conseil consultatif, [...]; les paiements y afférents étaient effectués sur une base trimestrielle. v) l’appelante versait aux membres du conseil consultatif un montant de 850 $ – [...] – pour chaque journée où ils assistaient à une réunion du conseil consultatif; […] [11] L’intimé affirme essentiellement que les membres du conseil consultatif avaient droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable et que, par définition, ils occupaient donc une « fonction » aux termes du paragraphe 2(1) du Régime, de sorte qu’ils étaient visés par la définition du terme « emploi » conformément à cette disposition. [12] L’appelante a déposé deux recueils de documents renfermant les actes de nomination, les calendriers, les ordres du jour et les procès-verbaux des réunions du conseil consultatif ainsi que le rapport triennal de la SGDN pour la période allant de l’année 2008 à l’année 2010 (le « rapport »). [13] Les lettres de nomination ainsi que les calendriers, les ordres du jour et les procès-verbaux des réunions du conseil consultatif confirment que les membres du comité devaient se réunir trois à six fois l’an, que, pendant la période en question, le conseil s’était réuni entre quatre et sept fois et que les membres n’étaient pas tous présents aux réunions. [14] L’appelante soutient qu’étant donné que le nombre de réunions du conseil consultatif varie et que les membres du comité n’assistent pas à toutes les réunions et qu’étant donné que leur rémunération est en partie fondée sur le nombre de réunions auxquelles ils assistent, leur rémunération, qui ne comprend que des honoraires, n’est ni déterminée ni constatable et qu’il ne s’agit donc pas d’une rémunération visée par la définition des termes « charge » ou « fonction ». De toute évidence, cette position va à l’encontre des décisions que la Cour d’appel fédérale vient de rendre dans les affaires M.R.N. c. Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario[5] et M.R.N. c. Real Estate Council of Alberta[6], où il a été jugé d’une façon non équivoque que la rémunération qui est fixée à l’heure ou à la journée est « déterminée ou constatable » même si le nombre d’heures ou de jours pour lesquels le titulaire de la charge ou de la fonction sera rémunéré n’est pas certain. Compte tenu de ces arrêts, les décisions invoquées par l’appelante ne font plus autorité[7]. [15] D’autres arguments invoqués par l’appelante exigent que j’énonce brièvement certains faits additionnels[8]. Ces faits ne sont pas sensiblement différents des faits exposés et invoqués à l’annexe 1 : · l’appelante est une société à but non lucratif constituée par les producteurs canadiens d’électricité nucléaire conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire en vue de faire des recommandations au sujet de la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié; · l’appelante a recommandé une approche connue sous le nom de gestion adaptative progressive. L’appelante est responsable de la mise en œuvre de cette approche, c’est-à‑dire qu’elle est responsable de la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié du Canada; · l’appelante dépose des rapports annuels auprès du ministre des Ressources naturelles[9] et, tous les trois ans, le rapport (le « rapport triennal ») doit comporter un plan d’orientations stratégiques et des prévisions budgétaires pour les cinq exercices suivants[10]. Le conseil consultatif est chargé d’étudier les rapports triennaux et de faire part de ses observations[11]; · l’appelante a constitué le conseil consultatif; elle nomme ses membres conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, selon laquelle le conseil doit être composé de membres assurant la représentation d’un large éventail de disciplines se rapportant à la gestion d’énergie et de déchets nucléaires, ces membres devant également s’y connaître en matière d’affaires publiques, et d’autres sciences sociales et de questions traditionnelles autochtones. Le conseil consultatif doit inclure des personnes désignées par les administrations locales et régionales et par les organismes autochtones qui sont visés par les activités de la société de gestion; · le conseil consultatif tient ses propres réunions; il fait part de ses observations sur les plans et budgets de l’appelante; il rencontre régulièrement l’appelante en vue d’observer et de suivre les activités de cette dernière et de faire rapport à ce sujet et il donne des conseils sur les approches proposées aux fins de la gestion des déchets nucléaires; · le conseil consultatif est distinct du conseil d’administration de l’appelante, qui gère les affaires de cette dernière; · le conseil consultatif ne possède aucun pouvoir décisionnel; il fait des observations et donne des conseils, lesquels n’ont pas à être suivis. [16] L’appelante fait valoir que les membres du conseil consultatif sont des bénévoles qui touchent des honoraires et qu’ils ne sont pas visés par la liste de personnes énumérées dans la définition des termes « charge » ou « fonction ». Elle affirme que la liste est précise lorsqu’elle inclut les personnes élues ou nommées à un poste d’autorité en matière de gouvernance ou à un poste de la fonction publique et que cette liste ne peut pas être considérée comme comprenant des personnes qui agissent simplement à titre consultatif. [17] L’avocat de l’appelante m’a renvoyé à plusieurs décisions faisant autorité en matière d’interprétation des lois, lesquelles pourraient facilement être considérées comme étayant son argument[12]. L’un des renvois les plus convaincants était l’ouvrage intitulé Rédaction et interprétation des lois de Louis-Phillipe Pigeon, où, sous le titre « La définition par énumération », l’auteur mentionne la règle ejusdem generis ainsi que la règle expressio unius est exclusio alterius. Cette dernière règle prend de la force lorsqu’elle est examinée à la lumière des commentaires qui ont été faits lors d’une réunion du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes, consignés dans les procès-verbaux et témoignages, no 2, du mardi 1er décembre 1964. [18] Lors de cette réunion, M. Thorson (qui était alors sous-ministre adjoint de la Justice) a expliqué que la différence entre la définition de la « charge » dans la Loi sur l’assurance-chômage (telle qu’elle s’appelait alors) et la définition correspondante de ce terme dans les lois fiscales (soit, selon toute vraisemblance, la Loi de l’impôt sur le revenu) était que, dans le premier cas, il n’était pas fait mention de la charge de gouverneur général. M. Thorson a ajouté, à la page 121 : « La fonction de gouverneur général ne sera donc pas considérée comme un emploi ouvrant droit à pension », ce qui donne à entendre que le législateur voulait que la règle expressio unius est exclusio alterius s’applique à la disposition qui est ici à l’étude. [19] L’avocat de l’appelante affirme que, si je conclus que les membres du conseil consultatif occupent un emploi ouvrant droit à pension, je dois conclure que le gouverneur général occupe également un tel emploi. L’application de la règle expressio unius est exclusio alterius à un poste m’oblige à l’appliquer à d’autres postes ou, si je ne l’applique pas à un poste, à ne pas l’appliquer à d’autres postes. Il va sans dire que l’avocat veut que j’applique cette règle. [20] Je tiens à complimenter l’avocat pour son excellente recherche et pour son argumentation soigneusement préparée, mais je ne suis pas porté à tenter de tirer ici une conclusion qui touche le gouverneur général puisqu’il n’est pas ici pour présenter des observations. Je ne suis pas saisi de la question de son statut pour l’application du RPC. [21] Néanmoins, il y a une chose qui me frappe : la définition de la « charge » ou de la « fonction » est peut-être libellée en des termes qui sont loin d’être précis, mais elle ne nous invite pas à adopter l’interprétation préconisée par l’appelante. [22] La définition des termes « charge » et « fonction », dans la version anglaise, commence par le mot « means » (« signifie »). En général, si une définition commence par ce mot, ce qui est énuméré est exhaustif. D’autre part, si une définition commence par le mot « includes » (« inclut »), elle renferme simplement des exemples; une liste énumérative n’est pas exhaustive. [23] Le problème que pose la définition des termes « charge » et « fonction » dans ce cas‑ci est que les mots « means » et « includes » sont tous deux utilisés. La définition des termes « charge » ou « fonction » comporte deux éléments différents. Le premier a une portée étendue et générale, mais il est exhaustif pour ce qui est du critère d’inclusion : « Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable ». Selon cette définition, les membres du conseil consultatif occupent une « charge » ou une « fonction ». Cela pourrait, d’une façon générale du moins, mettre fin à la question de l’interprétation, mais nous sommes en présence d’un autre type de poste plus précis que le législateur semble avoir voulu viser, compte tenu de la règle expressio unius est exclusio alterius. [24] L’inclusion, dans la définition de la « charge » ou de la « fonction », de ce groupe plus précis, limité quant à ses membres à ceux qui sont expressément énumérés, semble redondante étant donné que les membres semblent faire partie du groupe plus général visé par la première partie de cette définition. Toutefois, la présomption à l’encontre de la tautologie exige que leur inclusion secondaire ne puisse pas être considérée comme redondante[13]. Afin d’éliminer la redondance, le groupe plus précis, un groupe spécial de la fonction publique, doit, par suite de cette mention spéciale, être considéré comme étant effectivement distinct du groupe défini d’une façon générale et ramené dans ce qui est expressément inclus, et uniquement dans ce qui est expressément inclus, dans ce groupe spécial de la fonction publique. Par conséquent, le gouverneur général est exclu parce que ce poste n’est pas inclus dans la liste des « charges » ou « fonctions » faisant partie du groupe additionnel. On obtient ce résultat en appliquant la règle restrictive ejusdem generis à la liste, mais non au groupe plus général qui la précède. [25] Il est également possible d’étayer cette interprétation grâce à l’examen de la règle noscitur a sociis ou règle d’interprétation dite des mots associés[14]. Il y a quelque chose, quant à l’agencement de la liste énumérée, qui me semble avoir pour effet de restreindre la définition plus générale de la « charge » ou de la « fonction » à l’égard d’une catégorie particulière de personnes sans miner le caractère général de la définition plus générale à l’égard de personnes qui ne font pas partie de cette catégorie particulière. [26] Ce raisonnement semble tortueux, mais selon moi, ce groupe spécial de la fonction publique est simplement ajouté pour préciser qu’il faut inclure certaines personnes précises qui, à cause de leur fonction de service public ou de la façon plutôt unique dont elles ont obtenu leur poste, peuvent avoir été considérées comme n’étant pas visées par la définition initiale générale de la « charge » ou de la « fonction ». Cette conclusion est conforme au sens ordinaire attribué aux mots « means » et « includes » utilisés l’un à la suite de l’autre. De toute façon, l’effet est le même – les membres du conseil consultatif occupent une « charge » ou une « fonction ». [27] Cela dit, je note qu’il a également été soutenu que les membres du conseil consultatif n’étaient pas titulaires d’un « poste » ou n’occupaient pas un « poste », ce qui est une condition de la définition de la « charge » ou de la « fonction ». Aucune décision faisant autorité n’a été citée à l’appui. [28] Le sens le plus simple du terme « poste », dans le contexte de la définition de la « charge » ou de la « fonction », est celui qui est donné dans le Living Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language[15], où le terme « position » (« poste ») est défini comme étant [traduction] « une affectation ou un travail ». De même, dans le Oxford English Dictionary, le terme « position » (« poste ») est défini ainsi : [traduction] « Affectation à titre d’employé; charge ou fonction rémunérée, travail »[16]. Le terme « post » (« affectation ») de son côté est défini comme étant [traduction] « un poste de responsabilité, un emploi ou un poste de confiance, auquel une personne est affectée ou nommée »[17]. Parmi les autres sens du terme « position » attribués dans le Canadian Oxford Dictionary, il y a [traduction] « un emploi rémunéré ». Étant donné que la définition du terme « charge » ou « fonction » sur le plan de l’emploi soulève la question, la définition ou le sens qui semble le plus approprié est : un poste de responsabilité auquel une personne est affectée ou nommée. Je conclus donc que le terme « poste », dans le contexte de la disposition en question, est une « affectation » à l’égard de laquelle des fonctions ont été assignées par suite d’une nomination. Quoi qu’il en soit, je ne doute aucunement que les membres du conseil consultatif occupent un « poste » dans l’exercice des fonctions auxquelles ils ont été nommés. [29] Il importe également de mentionner que l’avocat de l’appelante m’a renvoyé à divers textes législatifs en tentant de me convaincre qu’une interprétation téléologique de la définition du terme « charge » ou « fonction », dans le Régime, m’oblige à conclure que les membres du conseil consultatif ne devaient pas être inclus en tant que personnes exerçant des fonctions donnant lieu à un emploi ouvrant droit à pension. Toutefois, l’argument est fondé sur le fait que les fonctions exercées par les membres du conseil consultatif n’étaient pas semblables à celles des personnes énumérées dans la définition des termes « charge » ou « fonction ». Les postes énumérés s’appliquaient à des personnes telles que des juges, des ministres et des administrateurs de personnes morales, qui possèdent tous un véritable pouvoir, c’est‑à‑dire que leur « charge » ou « fonction » indique que le « fonctionnaire » est une personne ayant autorité. Or, les membres du conseil consultatif ne possèdent pas de pouvoirs. [30] Avec égards, cet argument, même s’il est accompagné de savantes observations sur les difficultés que comportent des termes comme « means » et « includes » ne m’amène pas à tirer une conclusion en faveur de l’appelante. [31] Les membres du conseil consultatif ont des fonctions à exercer et ils sont rémunérés pour exercer ces fonctions. Je suis convaincu qu’en occupant le poste auquel ils étaient nommés, dans le cadre duquel ils avaient droit à une rémunération, ces membres occupaient une charge ou une fonction. Ils occupaient donc un emploi ouvrant droit à pension pendant les périodes pertinentes. [32] En arrivant à cette conclusion, je m’appuie également sur un autre aspect implicite d’une « charge » ou d’une « fonction », à savoir qu’elle comporte l’idée d’un poste continu et permanent, indépendamment de la personne qui l’occupe. En ce sens, c’est la nature du poste plutôt que la période pendant laquelle une personne particulière l’occupe qui permet de conclure que son titulaire occupe une charge ou une fonction. [33] Dans la décision Guyard c. M.R.N.[18], le juge Angers, aux paragraphes 27 à 32, analyse la notion de « continuité et de permanence de la charge ou de la fonction » telle qu’elle est examinée dans les décisions Guérin[19] et MacKeen[20]. Au paragraphe 33 de ses motifs de jugement, le juge Angers conclut, conformément à la jurisprudence antérieure, que c’est le fait qu’une charge ou une fonction doit exister indépendamment de son titulaire qui importe. Contrairement aux faits de l’affaire Guyard, où le poste en question était temporaire, le conseil consultatif, en l’espèce, est chargé d’étudier les rapports triennaux et de faire part de ses observations sur une base continue. Étant donné la durée de vie fort longue des déchets nucléaires, en l’absence d’une intervention du législateur visant à supprimer le conseil consultatif, la « charge » ou la « fonction » des membres du comité est d’une nature fort permanente. [34] À titre d’addenda ou de corollaire à cet aspect de la signification des termes « charge » ou « fonction », disons que la durée pendant laquelle une personne particulière occupe cette charge ou cette fonction ou en est titulaire ne devrait pas, en règle générale du moins, être pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si une charge ou une fonction existe ou si son titulaire occupe une charge ou une fonction. Néanmoins, en tant que juge des faits, je note que, selon une hypothèse figurant dans la réponse et dont je n’ai pas fait mention (voir l’annexe 2), les membres du conseil consultatif étaient nommés pour une période de quatre ans et que leur mandat pouvait être renouvelé. [35] Il se peut que je sois obligé d’accepter la chose comme étant un fait admis, mais je note que les lettres de nomination qui ont été incluses dans le recueil conjoint de documents ne font pas mention de la durée d’occupation de la fonction. L’hypothèse de l’intimée semble découler de lettres de 2006 envoyées aux membres du conseil consultatif, dans lesquelles on leur rappelait une réunion récente au cours de laquelle il avait été dit que leur nomination, en 2002, était pour une période de quatre ans. Les lettres visaient également à confirmer la prorogation de leur mandat jusqu’au 30 juin 2007. [36] Toutefois, la Loi sur les déchets de combustible nucléaire n’indique pas pour combien de temps les membres du conseil consultatif sont nommés. À une exception près, tous les membres du conseil consultatif qui ont été nommés en 2002 et qui sont désignés à titre de travailleurs engagés par l’appelante dans le cadre d’un emploi ouvrant droit à pension ont continué à agir à titre de membres pendant bien des années après l’expiration du soi-disant mandat de quatre ans, comme le montre le fait qu’ils occupaient encore leurs postes à la fin de la période à laquelle le présent appel s’applique ainsi qu’au moment où le rapport triennal de 2010 a été présenté[21]. De même, selon le site Web de l’appelante, la plupart des membres continuent d’exercer leurs fonctions à ce jour[22]. [37] Même s’il est reconnu que les nominations étaient faites pour une durée fixe, la fonction occupée par chaque membre montre non seulement que les postes ici en cause sont de nature continue, mais indique aussi que chaque membre occupait de fait personnellement cette fonction. [38] Par conséquent, pour ces motifs, l’appel est rejeté, sans qu’aucuns dépens soient adjugés. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2012. « J.E. Hershfield » Juge Hershfield Traduction certifiée conforme Ce 22e jour d’août 2012. S. Tasset Annexe 1 Principaux faits invoqués Historique de l’appelante 1. L’appelante a été constituée en 2002 par les producteurs canadiens d’électricité nucléaire conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire en vue d’assumer la responsabilité de la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié du Canada. 2. L’appelante est une société à but non lucratif. 3. Selon la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, l’appelante devait faire des recommandations au gouvernement du Canada au sujet de la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié, à la suite d’une étude de trois ans et d’un processus de consultation publique. 4. L’appelante a entrepris cette étude en 2002 et, en 2005, elle a présenté au ministre des Ressources naturelles les résultats de l’étude et de la consultation publique ainsi que ses recommandations quant à l’approche à adopter. 5. Au mois de juin 2007, le gouvernement du Canada, autorisé en vertu de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire à décider de la méthode de gestion, a choisi l’approche que l’appelante avait recommandée, connue sous le nom de « gestion adaptative progressive ». 6. En vertu de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, l’appelante est maintenant responsable de la mise en œuvre de la gestion adaptative progressive, sous réserve des autorisations réglementaires nécessaires. 7. La Loi sur les déchets de combustible nucléaire exige que l’appelante présente des rapports annuels au ministre des Ressources naturelles. Tous les trois ans, le rapport annuel doit comprendre les observations du conseil consultatif sur les activités de l’appelante (le rapport triennal). Conseil consultatif de l’appelante 8. L’article 8 de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire exigeait expressément que l’appelante crée un comité consultatif : 8(1) La société de gestion s’adjoint un comité consultatif qui a pour fonction d’étudier l’exposé des propositions de gestion et les rapports visés à l’article 18, et de lui faire part de ses observations écrites à ce sujet. (2) Les membres du comité sont nommés par l’organe dirigeant de la société de gestion de façon à assurer la représentation, dans la mesure du possible : a) d’un large éventail de disciplines scientifiques et techniques se rapportant à la gestion de déchets nucléaires; b) d’une expertise en affaires publiques appliquées au domaine de l’énergie nucléaire et, au besoin, d’autres sciences sociales connexes; b.1) d’une expertise en connaissances traditionnelles autochtones; c) de l’administration publique ou de l’organisation autochtone dont la région économique est visée par la proposition retenue par le gouverneur en conseil. 9. Comme l’exige la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, le conseil d’administration de l’appelante a établi le conseil consultatif en 2002. 10. La Loi sur les déchets de combustible nucléaire autorise le conseil consultatif à faire part, tous les trois ans, de ses observations sur les activités de l’appelante au cours des trois années précédentes. Le conseil consultatif fait également part de ses observations sur les plans de l’appelante pour les cinq exercices suivants et sur les prévisions budgétaires de l’appelante. 11. Ces déclarations indépendantes, qui comportent des observations au sujet des résultats des consultations publiques tenues par l’appelante et une évaluation des répercussions socioéconomiques notables des activités de l’appelante, sont publiées dans les rapports triennaux de l’appelante. Le premier rapport triennal sera publié pour l’année 2010. 12. Le conseil consultatif rencontre régulièrement l’appelante; il suit de près l’élaboration des plans et les activités de l’appelante et il fournit des conseils. 13. Habituellement, le conseil consultatif tient chaque année environ quatre réunions. 14. Les ordres du jour de ces réunions sont établis par le conseil consultatif et comprennent des questions d’intérêt que les membres ont eux-mêmes choisies comme sujets de discussion. 15. Le conseil consultatif produit ses propres procès-verbaux des réunions, lesquels sont mis à la disposition du public sur le site Web de l’appelante. 16. Le conseil consultatif est une entité distincte du conseil d’administration de l’appelante, qui gère les affaires de l’appelante, comme l’exige la loi. 17. Essentiellement, le conseil consultatif est un groupe d’examen par les pairs dont le mandat lui est conféré par la loi et qui fournit à l’appelante des conseils indépendants sur ses efforts en vue de trouver une solution à long terme pour la gestion du combustible nucléaire irradié du Canada, mais il ne possède pas de pouvoirs décisionnels et ses recommandations ne lient pas l’appelante. 18. L’adhésion au conseil consultatif se fait bénévolement; les membres sont invités à faire partie du comité par le conseil d’administration de l’appelante. 19. Les membres du conseil consultatif ont des antécédents divers : gouvernement, éducation, fonction publique, affaires autochtones, génie, viabilité environnementale et secteur des organismes à but non lucratif. 20. L’appelante verse des honoraires aux membres du conseil consultatif pour leur participation. Annexe 2 Hypothèses 1. En décidant qu’au cours de la période, les travailleurs occupaient auprès de l’appelante un emploi ouvrant doit à pension, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes : Historique -- Généralités a) l’appelante est une société à but non lucratif constituée en 2002 par les producteurs canadiens d’électricité nucléaire conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire (la « LDCN »); b) l’appelante était responsable de la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié du Canada; c) selon la LDCN, l’appelante devait faire des recommandations au gouvernement du Canada sur la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié; d) l’appelante était tenue, en vertu de la LDCN, de présenter des rapports annuels au ministre des Ressources naturelles ainsi que des rapports triennaux au gouverneur en conseil; Le conseil consultatif e) le conseil d’administration de l’appelante a constitué le conseil consultatif en 2002, comme l’exige la LDCN; f) le conseil consultatif donnait des conseils généraux à l’appelante sur les approches proposées aux fins de la gestion des déchets de combustible nucléaire, en particulier en ce qui concerne les consultations publiques et les consultations avec les intéressés; g) le conseil consultatif était tenu d’observer les activités de l’appelante et de faire rapport sur celles‑ci; Les travailleurs h) les travailleurs étaient membres du conseil consultatif; i) les membres du conseil consultatif étaient nommés par l’organe dirigeant de l’appelante, comme l’exige la LDCN; j) le conseil d’administration de l’appelante était chargé de veiller à ce que les membres du conseil consultatif assurent la représentation de certaines disciplines et de certaines expertises et à ce qu’ils représentent les intéressés, comme l’exige LDCN; k) les travailleurs avaient signé des acceptations de nomination; l) les travailleurs étaient engagés par l’appelante pour une période de quatre ans et leur mandat pouvait être renouvelé; m) le conseil consultatif rencontrait régulièrement l’appelante; il suivait de près l’élaboration des plans de l’appelante et les activités de l’appelante et il fournissait des conseils; n) le conseil consultatif tenait chaque année de trois à six réunions; o) le conseil consultatif établissait l’ordre du jour des réunions; p) les réunions du conseil consultatif avaient habituellement lieu dans les locaux de l’appelante; q) les travailleurs assistaient aux réunions du conseil consultatif selon leur disponibilité; r) les travailleurs pouvaient participer aux réunions en personne ou par téléconférence; s) l’appelante ne supervisait pas le conseil consultatif ou les travailleurs; t) le conseil consultatif présentait des rapports écrits à l’appelante; u) l’appelante versait chaque année un montant de 10 000 $ aux membres du conseil consultatif, sauf au président, qui touchait un montant de 15 000 $; les paiements y afférents étaient effectués sur une base trimestrielle. v) l’appelante versait aux membres du conseil consultatif un montant de 850 $ – ou 1 000 $ dans le cas du président – pour chaque journée où ils assistaient à une réunion du conseil consultatif; w) l’appelante remboursait les frais de déplacement que les travailleurs supportaient pour assister aux réunions du conseil consultatif et à celles du conseil d’administration de l’appelante. RÉFÉRENCE : 2012 CCI 217 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3808(CPP) INTITULÉ : LA SOCIÉTÉ DE GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 avril 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable J.E. Hersfield DATE DU JUGEMENT : Le 18 juin 2012 COMPARUTIONS : Avocats de l’appelante : Me Dominic C. Belley Me Patrick Moran Avocat de l’intimé : Me Thang Trieu AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Dominic C. Belley Cabinet : Norton Rose Canada SRL 1, Place Ville-Marie, bureau 2500 Montréal (Québec) H3B 1R1 Nom : Patrick Moran, avocat La Société de gestion des déchets nucléaires 22, avenue St. Clair, 6e étage Toronto (Ontario) M4T 2S3 Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] L.C. 2002, ch. 23. [Loi sur les déchets de combustible nucléaire]. [2] S.C. 1970, ch. 32. [3] L.R.C., ch. C-8. [4] Le passage qui a été omis concerne le président, qui n’a pas fait l’objet d’une évaluation parce que son âge le rendait inadmissible à un emploi ouvrant droit à pension. [5] 2011 CAF 314. [6] 2012 CAF 121. [7] Guérin v. M.N.R., 52 DTC 118, MacKeen v. M.N.R., 67 DTC 281, Merchant v. The Queen, [1984] CTC 253 (C.F. 1re inst.), et Real Estate Council of Alberta c. M.R.N., 2011 CCI 5. [8] Le rapport triennal de 2010, qui renferme, au chapitre 14, les observations du conseil consultatif (pages 247 à 274), est inclus dans le recueil conjoint de documents. Il indique une interaction importante avec l’appelante pour ce qui est de l’évaluation de ses activités et de ses plans ainsi qu’une indépendance considérable en tant que groupe consultatif. [9] Loi sur les déchets de combustible nucléaire, précitée, note 1, article 16. [10] Ibid., alinéa 18b). [11] Ibid., alinéa 8(1). [12] Pierre-André Côté et al. Interprétation des lois. 4e éd. (Montréal, Thémis, 2009), aux pages 75 à 78 et 359 à 368; Ruth Sullivan. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., (Markham: LexisNexis Canada Inc., 2008), pages 6 à 9, 210 à 243, 269 à 272 et 354 à 357; Louis-Philippe Pigeon. Rédaction et interprétation des lois. 3e éd. (Québec, Gouvernement du Québec, 1986), aux pages 62 à 64 et 104. [13] Voir Sullivan, précité, note 13, pages 210 et 211, et note de bas de page 30. [14] Voir une brève analyse de la règle des mots associés ou noscitur a sociis, paragraphes 34 et 35 de l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd. c. Première nation de God’s Lake, [2006] 2 R.C.S. 846. [15] The Living Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language, éd. 1973-1974, s.v. « position ». [16] The Oxford English Dictionary, éd. en ligne du mois de mars 2012, s.v. « position ». [17] Précité, note 15, s.v. « post ». [18] 2007 CCI 231. [19] Précité, note 7. [20] Précité, note 7. [21] La seule exception semblerait être le cas de H.C. Cook, dont le mandat s’est peut-être terminé à la fin de l’année 2007. [22] http://www.nwmo.ca/conseilconsultatif.
2012 CCI 218
TCC
2,012
Nightingale c. M.R.N.
fr
2012-06-22
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30859/index.do
2022-09-04
Nightingale c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-22 Référence neutre 2012 CCI 218 Numéro de dossier 2011-2337(EI) Juges et Officiers taxateurs Réal Favreau Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2011-2337(EI) ENTRE : BRENDA NIGHTINGALE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et HTV SYSTEMS LTD, intervenante. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Brenda Nightingale (2011-2340(CPP)) le 7 février 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Réal Favreau Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey Représentant de l’intervenante : M. Greg Riedstra ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelante auprès de HTV Systems Ltd. pour la période du 1er janvier 2010 au 8 octobre 2010 est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2012. « Réal Favreau » Juge Favreau Traduction certifiée conforme ce 6e jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais Dossier : 2011-2340(CPP) ENTRE : BRENDA NIGHTINGALE, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé, et HTV SYSTEMS LTD, intervenante. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Brenda Nightingale (2011-2337(EI)) le 7 février 2012, à Toronto (Ontario). Devant : L’honorable juge Réal Favreau Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocat de l’intimé : Me Stephen Oakey Représentant de l’intervenante : M. Greg Riedstra ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant le droit à pension découlant de l’emploi de l’appelante auprès de HTV Systems Ltd. pour la période du 1er janvier 2010 au 8 octobre 2010 est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2012. « Réal Favreau » Juge Favreau Traduction certifiée conforme ce 6e jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012 CCI 218 Date : 20120622 Dossiers : 2011-2337(EI) 2011-2340(CPP) ENTRE : BRENDA NIGHTINGALE, appelante, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée, et HTV SYSTEMS LTD, intervenante. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Favreau [1] L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national concernant l’assurabilité de son emploi auprès de HTV Systems Ltd. (le « payeur ») selon la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, dans sa version modifiée (la « LAE »), et son droit à pension découlant de cet emploi selon le Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8, dans sa version modifiée (le « Régime »), pour la période du 1er janvier 2010 au 8 octobre 2010 (la « période »). [2] Peu de temps après la cessation de son emploi auprès du payeur, l’appelante a demandé à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») de rendre une décision (formulaire CPT1) sur le statut de cet emploi. [3] Par des lettres datées du 16 décembre 2010, l’appelante et le payeur ont été avisés qu’il avait été déterminé, compte tenu de l’information fournie et de l’analyse de l’agent qui a rendu la décision, que l’appelante était, pendant la période, une employée du payeur et que son emploi était assurable en vertu de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et ouvrait droit à pension en vertu de l’alinéa 6(1)a) du Régime. [4] Le payeur n’étant pas de cet avis, il a déposé un appel auprès du chef des Appels le 10 janvier 2011. [5] Par des lettres datées du 8 avril 2011, l’appelante et le payeur ont été avisés que la décision avait été infirmée et qu’il avait été déterminé que l’emploi de l’appelante n’était pas assurable selon la LAE et n’ouvrait pas droit à pension selon le Régime, parce que l’appelante n’était pas employée en vertu d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et de l’alinéa 6(1)a) du Régime pendant la période. [6] Pour déterminer que l’appelante n’occupait pas un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès du payeur pendant la période, le ministre du Revenu national a formulé les hypothèses de fait suivantes, qui sont énoncées au paragraphe 14 de la réponse à l’avis d’appel déposée relativement à chaque appel : [traduction] Le payeur a) le payeur exploitait une entreprise de vente, d’installation et de réparation de télévisions et du matériel connexe pour les établissements de santé, ainsi que de location de services de télévision à l’intention des patients d’établissements de santé un peu partout au Canada (l’« entreprise »); (admise) b) Greg Riedstra dirigeait les activités quotidiennes de l’entreprise et prenait les décisions importantes la concernant; (admise) c) les heures d’ouverture normales du payeur étaient de 8 h à 17 h, du lundi au vendredi; (admise) L’appelante d) l’appelante a été embauchée à titre d’aide‑comptable pour une période indéterminée en vertu d’une entente verbale; (admise) e) l’appelante exerçait les fonctions suivantes : (i) préparer les versements au gouvernement de trois provinces, (ii) préparer les payes et les opérations bancaires quotidiennes, (iii) payer toutes les factures, (iv) s’occuper de l’expédition et de la réception; (admise) f) l’appelante exerçait ses fonctions dans les locaux du payeur et, à l’occasion, chez elle; (niée) g) l’appelante possédait de l’expérience et avait une formation dans le domaine de la comptabilité et des divers systèmes de comptabilité; elle possédait aussi de l’expérience dans le domaine de la gestion de bureau; (admise) h) l’appelante n’était pas tenue de fournir ses services exclusivement au payeur; (admise) i) l’appelante travaillait pour le payeur depuis juillet 2006; (admise) j) le payeur a remplacé l’appelante par un autre travailleur, un employé à temps plein qui gagnait 20 $ l’heure et avait un horaire de travail normal; (ignorée) k) de 2006 à 2007, l’appelante a travaillé pour le payeur à titre d’employée et a reçu des feuillets T4; (admise) Le contrôle l) l’appelante travaillait normalement du lundi au vendredi et, à l’occasion, le samedi; (admise) m) l’appelante choisissait elle‑même son horaire de travail, lequel était flexible, selon la charge de travail et les échéances; (admise) n) l’appelante était libre de travailler autant d’heures ou aussi peu d’heures qu’elle voulait; (niée) o) l’appelante consignait ses heures de travail en vue de leur facturation; (niée telle que rédigée) p) Greg Riedstra supervisait l’appelante, mais uniquement afin d’obtenir des mises à jour sur le travail et de faire en sorte que les documents et les rapports financiers soient à jour; (niée) q) l’appelante n’était pas tenue de se présenter devant le payeur, si ce n’est de faire des mises à jour; (niée) r) le payeur avait donné à l’appelante des instructions sur les responsabilités liées à son poste et sur les méthodes de travail; (admise) s) l’appelante était tenue d’obtenir l’approbation du payeur quant aux factures à payer et aux clients à qui une facture devait être envoyée; (admise) La propriété des outils de travail et du matériel t) le payeur fournissait les outils de travail, le matériel et les fournitures, comme un ordinateur, une imprimante, un télécopieur, un photocopieur, une calculatrice, une machine à affranchir, un logiciel comptable et un bureau, dont l’appelante avait besoin pour exécuter ses fonctions, sans qu’il n’en coûte rien à celle‑ci; (admise) u) lorsque l’appelante travaillait chez elle, elle se servait de ses propres outils de travail et de son propre matériel; (niée) v) l’appelante et le payeur étaient responsables de l’entretien et de la réparation de leurs propres outils de travail et de leur propre matériel; (niée) La sous‑traitance et l’embauche d’assistants w) l’appelante fournissait elle‑même les services; (admise) x) l’appelante n’a pas embauché d’assistants ou de remplaçants; (admise parce que l’appelante n’était pas autorisée à embaucher quelqu’un) La possibilité de profit et le risque de perte y) l’appelante était payée 35 $ l’heure; (admise pour 2010) z) l’appelante déterminait son propre taux de rémunération; (niée) aa) de 2006 à 2007, l’appelante était payée 18,50 $ l’heure; (admise, mais l’appelante recevait aussi un chèque de 424 $ toutes les deux semaines) bb) l’appelante était payée chaque semaine; (admise à partir de 2008) cc) l’appelante était payée par chèque; (admise) dd) les chèques étaient libellés au nom de l’appelante; (admise) ee) l’appelante devait présenter des factures pour être payée; (niée) ff) le payeur n’a pas fixé le nombre d’heures maximal que l’appelante pouvait facturer pour une semaine; (admise) gg) l’appelante n’a reçu ni prime, ni avantage, ni paye de vacances ni congé payé; (admise à compter de 2008) hh) c’est au payeur qu’il incombait en définitive de régler les plaintes des clients; (admise) ii) l’appelante garantissait le travail qu’elle effectuait; (niée telle que rédigée) jj) l’appelante a supporté des dépenses dans l’exécution de son travail pour les outils et le matériel dont elle avait besoin quand elle travaillait chez elle, ainsi que des frais de déplacement; (niée) L’intention kk) l’appelante incluait la taxe sur les produits et services dans les factures qu’elle remettait au payeur; (niée telle que rédigée) ll) l’appelante a déclaré le revenu qu’elle a gagné auprès du payeur à titre de « revenu d’entreprise » et elle a déduit des dépenses de ce revenu dans sa déclaration de revenus personnelle pour l’année d’imposition 2009; (la première partie de l’hypothèse est admise, la deuxième est niée) mm) l’appelante a enregistré un numéro d’entreprise auprès de l’Agence du revenu du Canada; (admise pour l’entreprise Equine Services en février 2005) nn) l’appelante n’avait pas d’autres clients; (admise) oo) l’appelante tenait des livres comptables pour sa propre entreprise; (admise) pp) l’appelante comptait sur le bouche à oreille pour la publicité de son entreprise. (admise pour l’entreprise Equine Services). [7] L’appelante a nié l’alinéa 14f) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle ne travaillait pas pour le payeur chez elle. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait jamais apporté de travail à la maison, car elle ne pouvait rien faire avec l’ordinateur qu’elle avait chez elle. Elle n’avait pas accès à l’ordinateur du payeur à partir de chez elle. [8] L’appelante a nié l’alinéa 14n) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle n’était pas libre de travailler autant d’heures ou si peu d’heures qu’elle voulait. Elle travaillait à temps plein pour le payeur et son travail devait être fait correctement et à temps. Le payeur s’attendait à ce qu’elle soit présente au bureau chaque jour de 9 h à 17 h. Le nombre d’heures qu’elle devait travailler était variable et son horaire était flexible, les deux dépendant de la charge de travail et des échéances. [9] L’appelante a nié l’alinéa 14o) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle consignait ses heures sur une fiche de présence qui servait à déterminer sa paye et non à établir des factures. Elle a déclaré dans son témoignage à l’audience qu’elle ne se faisait pas payer ses heures par le payeur en lui remettant des factures. [10] L’appelante a nié les alinéas 14p) et q) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle devait se présenter devant M. Greg Riedstra chaque jour soit en se présentant au bureau, soit par téléphone ou par courriel s’il était à l’extérieur du bureau. Elle devait en outre obtenir l’approbation de M. Riedstra avant d’effectuer certaines tâches, par exemple quant aux factures qu’elle devait payer et aux clients à qui elle devait envoyer une facture. [11] L’appelante a nié les alinéas 14u), v) et jj) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle ne s’était jamais servie de ses propres outils de travail et de son propre matériel lorsqu’elle travaillait pour le payeur et qu’elle n’avait jamais supporté de frais d’entretien ou de réparation pour ses propres outils et son propre matériel lorsqu’elle travaillait pour le payeur. [12] L’appelante a nié l’alinéa 14z) de la réponse à l’avis d’appel parce que, lorsqu’elle avait été embauchée à titre d’employée, le payeur avait convenu de la payer 18,50 $ l’heure et de lui verser, par chèque, une somme de 424 $ toutes les deux semaines pour payer ses frais de transport entre sa maison et le bureau. En janvier 2008, lorsque le statut de l’appelante a changé et qu’elle est devenue entrepreneure indépendante, le payeur a convenu de la payer 30 $ l’heure, sans toutefois lui rembourser ses frais de transport. [13] L’appelante a nié l’alinéa 14ee) de la réponse à l’avis d’appel, car elle soutenait qu’elle n’était pas tenue de présenter des factures pour être payée. [14] L’appelante a nié l’alinéa 14ii) de la réponse à l’avis d’appel parce qu’elle n’avait jamais offert aucune garantie à l’égard de son travail. [15] L’appelante a nié l’alinéa 14ll) de la réponse à l’avis d’appel telle qu’elle a été rédigée parce qu’elle n’a pas déduit de dépenses du revenu gagné auprès du payeur dans sa déclaration de revenus personnelle pour l’année d’imposition 2009. [16] L’appelante a témoigné à l’audience. Elle a expliqué qu’elle avait accepté un emploi à temps partiel auprès du payeur en juillet 2006 et que, quelques semaines plus tard, elle avait commencé à travailler à temps plein pour le payeur. De juillet 2006 à janvier 2008, l’appelante était inscrite sur la liste de paye du payeur et a reçu des feuillets T4. [17] En janvier 2008, l’appelante a demandé une augmentation de salaire. Le payeur a refusé d’accéder à sa demande, à moins que son statut passe d’employée à celui d’entrepreneure indépendante. Elle a dit qu’elle avait été forcée d’accepter le changement pour conserver son emploi auprès du payeur. Aucune entente n’a été conclue par écrit entre l’appelante et le payeur. L’appelante a déclaré que la relation employeur‑employé qui existait en 2006 et en 2007 n’avait pas changé en 2008 ni au cours des années suivantes. Elle a continué à faire son travail de la même manière, sous la direction et le contrôle de M. Greg Riedstra. [18] L’appelante a admis qu’elle avait un horaire de travail flexible et que le nombre d’heures qu’elle travaillait était variable, mais elle a souligné qu’elle devait travailler un plus grand nombre d’heures que le nombre d’heures normales au bureau du payeur pour respecter les échéances de celui‑ci. Elle n’a jamais été autorisée à prendre de vacances pendant les quatre ans et demi qu’a duré son emploi auprès du payeur. [19] M. Riedstra décidait chaque jour des tâches qu’il lui confiait et des échéances qu’elle devait respecter. Au bureau, l’appelante devait se présenter devant M. Riedstra tous les jours en personne ou, s’il n’était pas au bureau, par téléphone ou par courriel. En outre, l’appelante devait obtenir l’approbation du payeur pour effectuer certaines tâches, par exemple quant aux factures qu’elle devait payer et aux clients à qui elle devait envoyer une facture. [20] L’appelante a mentionné également qu’elle n’apportait jamais de travail à la maison parce qu’elle ne pouvait pas avoir accès aux ordinateurs du payeur à partir de chez elle. [21] L’appelante pouvait travailler pour d’autres clients sans obtenir l’approbation du payeur. Pendant qu’elle travaillait pour le payeur, elle a fait la tenue des livres pour certains petits clients; elle fournissait aussi des services à des clients de son entreprise Equine Services les soirs et les fins de semaine. [22] Comme tous les autres employés du payeur, l’appelante présentait des fiches de présence hebdomadaires pour être payée. Peu de temps après que son statut d’emploi a changé, l’appelante a commencé à facturer ses services au payeur. Trois factures datées du 15 février 2008, du 29 février 2008 et du 19 octobre 2010 ont été produites par l’intimée (pièce R‑1). La taxe sur les produits et services (« TPS ») est inscrite sur les deux premières factures et la taxe de vente harmonisée (« TVH ») sur la troisième. Dans son témoignage, l’appelante a expliqué qu’on lui avait demandé d’arrêter de présenter des factures au payeur ou aux six autres sociétés appartenant à des membres de la famille de M. Riedstra pour lesquelles elle devait aussi faire le travail sous la direction de M. Riedstra. L’appelante a affirmé qu’aucune autre facture n’avait été envoyée au payeur, à l’exception de celle datée du 19 octobre 2010 qui concernait sa dernière semaine de travail et qu’elle a préparée après son congédiement. [23] L’appelante était payée par le payeur au moyen de chèques hebdomadaires. Afin de produire les chèques, l’ordinateur du payeur générait automatiquement des bons de commande contenant la date, le numéro de la commande, une description des produits ou services fournis, le nom du fournisseur, le montant exigé, la TPS et la taxe de vente provinciale à payer, ainsi que les numéros d’inscription aux fins de la TPS et de la taxe de vente provinciale. Les chèques produits par l’ordinateur indiquaient la date et le numéro du bon de commande, le numéro de la facture – qui était en fait la date du bon de commande – et le montant payé incluant la TPS, mais non la taxe de vente provinciale. [24] L’appelante a expliqué que ses numéros d’inscription aux fins de la TPS et de la taxe de vente provinciale avaient été obtenus en 2005 relativement à son entreprise Equine Services. En outre, elle a confirmé qu’elle avait déclaré le revenu gagné auprès du payeur à titre de revenu d’entreprise dans sa déclaration de revenus de 2009 et qu’elle avait déclaré et remis la TPS perçue en 2008 et en 2009. Pour 2010, elle n’avait pas déclaré et remis la TPS perçue parce qu’elle attendait la décision concernant le statut de son emploi. [25] L’appelante a confirmé également que le payeur fournissait les outils de travail, le matériel et les fournitures dont elle avait besoin pour exécuter ses fonctions sans qu’il ne lui en coûte rien, qu’elle ne s’était jamais servie de ses propres outils pour exécuter ses fonctions pour le payeur et qu’elle n’avait jamais supporté de frais relativement à ses propres outils et à son propre matériel à cette fin. [26] L’appelante n’avait pas la capacité de sous‑traiter du travail ou d’embaucher des assistants pour l’aider et, dans les faits, elle n’a pas embauché d’assistants ou de remplaçants. [27] Enfin, l’appelante a confirmé qu’elle n’assumait aucun risque financier, qu’elle ne courait aucun risque de perte, qu’elle n’avait aucune possibilité de profit, à moins de travailler un plus grand nombre d’heures si cela était justifié, qu’elle n’avait investi aucune somme d’argent et qu’elle n’avait pas de présence d’affaires. [28] Le témoignage de l’appelante a été corroboré par le témoignage de Mme Erika Agnew, une adjointe administrative qui a travaillé à temps partiel pour le payeur de novembre 2008 à novembre 2009. Le témoignage de Mme Agnew était particulièrement pertinent, car elle a confirmé les faits suivants : a) l’appelante travaillait à temps plein au bureau, du lundi au vendredi, habituellement à compter de 8 h 30 et souvent jusqu’après 17 h 30; b) l’appelante remplissait des fiches de présence; c) l’appelante n’a jamais travaillé chez elle pour le payeur, car on ne pouvait accéder au système de comptabilité qu’au moyen des ordinateurs se trouvant dans les bureaux du payeur. L’appelante devait aller au bureau si elle voulait travailler pendant les fins de semaine; d) l’appelante ne pouvait pas être remplacée facilement parce que, pour faire son travail, il fallait très bien connaître le programme informatique utilisé par le payeur, lequel programme n’est pas très connu, car il est archaïque et n’est plus utilisé par la plupart des entreprises; e) Mme Agnew a été embauchée par M. Riedstra précisément pour aider l’appelante. Elle n’a pas été embauchée par l’appelante. Celle‑ci a dirigé Mme Agnew vers M. Riedstra, qui a mené l’entrevue seul. De plus, M. Riedstra est celui qui a pris la décision d’embaucher Mme Agnew et qui lui a offert le poste. L’appelante n’a pas participé à l’embauche de sa propre assistante. [29] Il faut s’en remettre, en dépit de son amitié avec l’appelante, au témoignage de Mme Agnew parce que celle‑ci était un témoin crédible et qu’elle avait une connaissance personnelle des conditions de travail de l’appelante de novembre 2008 à novembre 2009. [30] M. Greg Riedstra a également témoigné à l’audience. Il a expliqué qu’il ne contrôlait pas les heures de travail de l’appelante. Ce qui lui importait, c’était que le travail soit bien fait et que les échéances soient respectées. Il a mentionné que l’appelante avait unilatéralement fait passer sa rémunération de 30 $ à 35 $ l’heure. Il était incapable de se rappeler quand cela était survenu exactement, si c’était en juillet 2009 ou en juillet 2010. Il était troublé et a mentionné que cela s’était passé une semaine après le décès de son père. Il n’avait jamais accepté cette augmentation de salaire. Il avait expliqué que l’appelante a été congédiée parce qu’elle avait refusé d’exécuter une tâche, à savoir appeler un client (un hôpital) afin de recouvrer une somme impayée. Il a qualifié le congédiement de mesure disciplinaire. Analyse [31] L’alinéa 5(1)a) de la LAE définit ce qu’est un emploi assurable : 5(1) Sens de « emploi assurable » — Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable : a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; [32] L’alinéa 6(1)a) du Régime définit un emploi ouvrant droit à pension comme un emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté. [33] Chaque affaire dans laquelle se pose la question de savoir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être tranchée selon les faits qui lui sont propres. Selon la jurisprudence, le degré de contrôle que le payeur exerce sur les activités du travailleur est un facteur important qui doit être pris en compte pour répondre à cette question. D’autres facteurs sont pertinents également, par exemple la propriété des outils de travail et du matériel, la possibilité de profit et le risque de perte, l’intégration du travailleur dans l’organisation du payeur et l’intention des parties. Le degré de contrôle [34] L’appelante a été embauchée à titre d’aide‑comptable pour une période indéterminée en vertu d’une entente verbale. De juillet 2006 à la fin de 2007, elle a travaillé pour le payeur en tant qu’employée et a reçu des feuillets T4. En janvier 2008, l’entente financière entre l’appelante et le payeur a été modifiée. La rémunération de l’appelante est passée de 18,50 $ à 30 $ l’heure et ses frais de transport entre sa maison et le bureau n’ont plus été remboursés. L’appelante serait devenue une entrepreneure indépendante en dépit du fait que son travail est resté le même. [35] Les témoignages de l’appelante et de Mme Erika Agnew ont révélé que M. Greg Riedstra exerçait dans les faits un degré de contrôle élevé sur l’appelante et sur la manière dont celle‑ci faisait son travail. Chaque jour, M. Riedstra assignait des tâches à l’appelante et lui fixait des échéances. L’appelante devait se présenter chaque jour devant M. Riedstra, même lorsque celui‑ci était à l’extérieur du bureau. Elle devait aussi obtenir son approbation à l’égard de certaines tâches, notamment quant aux factures qu’elle devait payer et aux clients à qui elle devait faire parvenir une facture. [36] L’appelante travaillait exclusivement dans les bureaux du payeur. Elle avait un horaire flexible sans aucun nombre d’heures de travail prédéterminé, mais M. Riedstra s’attendait à ce qu’elle soit présente au bureau chaque jour et à une certaine heure. [37] L’appelante pouvait travailler pour d’autres clients sans obtenir l’approbation du payeur, mais, dans les faits, l’appelante ne pouvait leur offrir ses services que les soirs et les fins de semaine. Pendant la période de quatre ans et demi au cours de laquelle elle a travaillé pour le payeur, l’appelante n’a pas été autorisée à prendre de vacances à cause des échéances qui devaient être respectées. Dans ces circonstances, je ne vois pas comment elle pouvait travailler pour d’autres clients pendant ses journées de travail normales auprès du payeur. [38] Le degré de contrôle exercé par le payeur ressortait également du fait que celui‑ci a pris une mesure disciplinaire en congédiant l’appelante parce qu’elle avait refusé d’exécuter une tâche, à savoir recouvrer la somme due par un hôpital. [39] De manière générale, ce facteur donne à penser qu’il s’agissait davantage d’une relation employeur‑employé que d’une relation employeur‑entrepreneur indépendant. La propriété des outils de travail et du matériel [40] L’appelante ne s’est jamais servie de ses propres outils de travail et de son propre matériel lorsqu’elle accomplissait son travail pour le payeur. La preuve révèle que l’appelante pouvait accéder à l’ordinateur du payeur seulement à partir des bureaux de celui‑ci. [41] Ce facteur dénote clairement davantage une relation employeur‑employé. La sous‑traitance ou l’embauche d’assistants [42] L’appelante n’avait pas la capacité de sous‑traiter du travail ou d’embaucher des assistants pour l’aider et, dans les faits, elle n’a pas embauché d’assistants ou de remplaçants. Cela ressort clairement de l’embauche de Mme Erika Agnew par M. Riedstra précisément pour aider l’appelante. M. Riedstra a placé une annonce dans le journal indépendant de Georgetown et il a mené lui‑même toutes les entrevues sans que l’appelante n’y assiste. Il a décidé d’embaucher Mme Agnew et lui a offert le poste. [43] Ce facteur indique également l’existence d’un contrat de louage de services et non d’un contrat d’entreprise. La possibilité de profit et le risque de perte [44] L’appelante était rémunérée selon un tarif horaire et aucun nombre d’heures maximal de travail n’était fixé. Elle avait la possibilité de faire un profit étant donné que le payeur n’exerçait aucun contrôle sur le nombre d’heures qu’elle pouvait facturer. Il faut mentionner ici que, selon l’alinéa 5(1)a) de la LAE, l’emploi exercé aux termes d’un contrat de louage de services, que la rémunération soit calculée soit aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, est un emploi assurable. [45] Par contre, l’appelante n’assumait aucun risque financier et n’était exposée à aucun risque de perte, à l’exception du fait qu’elle n’avait droit à aucun avantage ni à aucune paye de vacances et que ses frais de transport n’étaient pas remboursés. [46] De manière générale, ce facteur me semble neutre. L’intégration [47] La question de l’intégration du travail de l’appelante à l’entreprise du payeur a été très peu abordée à l’audience. L’appelante prétendait dans ses actes de procédure que ce facteur devait être considéré du point de vue du travailleur, et non du point de vue de l’employeur. Quoi qu’il en soit, j’estime que les services fournis par l’appelante faisaient partie intégrante de l’entreprise du payeur. L’intention [48] En l’espèce, le payeur et l’appelante n’avaient pas une intention commune quant à la nature de leur relation de travail. Le payeur voulait que l’appelante soit une entrepreneure indépendante, alors que l’appelante voulait être une employée du payeur. [49] L’appelante a été rayée de la liste de paye en 2008, elle a commencé à facturer ses services au payeur, mais on lui a demandé d’arrêter de le faire. Elle a plutôt préparé des bons de commande. L’appelante a déclaré le revenu gagné auprès du payeur comme un revenu d’entreprise en 2009 et elle a facturé la TPS de 2008 à 2010. Elle alléguait qu’elle avait été forcée d’accepter les conditions imposées par le payeur en 2008 afin de conserver son emploi et d’obtenir une augmentation de salaire, soit 30 $ l’heure. [50] Étant donné que les parties n’avaient pas la même intention, ce facteur ne peut être considéré en soi comme un facteur déterminant. Conclusion [51] Pour les motifs exposés ci‑dessus, les appels sont accueillis et les décisions du ministre du Revenu national concernant l’assurabilité de l’emploi de l’appelante auprès de HTV Systems Ltd. du 1er janvier 2010 au 8 octobre 2010 et le droit à pension lié à cet emploi sont annulées. Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2012. « Réal Favreau » Juge Favreau Traduction certifiée conforme ce 6e jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012 CCI 218 NOS DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-2337(EI) et 2011-2340(CPP) INTITULÉ : Brenda Nightingale c. Sa Majesté la Reine et HTV Systems Ltd. LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario) DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 février 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Réal Favreau DATE DU JUGEMENT : Le 22 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Avocat de l’intimée : Me Stephen Oakey Représentant de l’intervenante : M. Greg Riedstra AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada Pour l’intervenante : Nom : Cabinet :
2012 CCI 22
TCC
2,012
Babakaiff c. La Reine
fr
2012-01-18
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30670/index.do
2022-09-04
Babakaiff c. La Reine Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-01-18 Référence neutre 2012 CCI 22 Numéro de dossier 2009-3300(GST)G Juges et Officiers taxateurs Robert James Hogan Sujets Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) Contenu de la décision Dossier : 2009-3300(GST)G ENTRE : HAROLD DAVID BABAKAIFF, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [traduction française officielle] Appel entendu le 20 octobre 2011, à Vancouver (Colombie‑Britannique) Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan Comparutions : Avocat de l’appelant : Me Dale Barrett Avocate de l’intimée : Me Selena Sit JUGEMENT L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise – cotisation dont l’avis est daté du 23 octobre 2008 et porte le numéro 695750 –, est rejeté, avec dépens. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 20e jour de février 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste Référence : 2012 CCI 22 Date : 20120118 Dossier : 2009-3300(GST)G ENTRE : HAROLD DAVID BABAKAIFF, appelant, et SA MAJESTÉ LA REINE, intimée. [traduction française officielle] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Hogan I. CONTEXTE [1] L’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») prévoit qu’un administrateur peut être tenu responsable du défaut d’une société de verser un montant de taxe sur les produits et services (la « TPS »), à moins que l’administrateur démontre qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher le défaut de versement. En l’espèce, l’appelant, Harold David Babakaiff, a interjeté appel d’une cotisation établie à son égard le 23 octobre 2008 sur le fondement de la responsabilité des administrateurs relativement au montant de TPS non versé par une société, à savoir 400 323,12 $. II. CONTEXTE FACTUEL [2] L’appelant est l’unique administrateur de New Street Developments Inc. (« NSD »), qui avait auparavant le nom d’Excite Homes Inc. Cette société exploitait une entreprise de construction et de vente d’immeubles résidentiels, bien qu’elle ait plus tard cherché à modifier ses activités pour faire de la promotion immobilière. [3] À titre d’inscrit aux fins de la TPS, NSD était responsable de percevoir la TPS pour toutes ses fournitures taxables. Il s’agissait principalement de TPS perçue sur la vente de maisons neuves. Comme tout inscrit aux fins de la TPS, NSD a aussi pu demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TPS payée ou à payer sur les biens et les services acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Dans le contexte de ses activités de vente de maisons neuves, NSD se faisait parfois céder le droit de l’acheteur au remboursement de TPS pour habitation neuve, ce qui réduisait le montant de TPS à verser de NSD. [4] NSD a produit ses déclarations mensuelles de TPS en retard pour les périodes suivantes : · du 1er au 31 mai 2006, à produire le 30 juin 2006, produite le 16 février 2007; · du 1er juin au 30 juin 2006, à produire le 31 juillet 2006, produite le 1er mars 2007; · du 1er au 31 juillet 2006, à produire le 31 août 2006, produite le 7 septembre 2007; · du 1er au 30 septembre 2006, à produire le 31 octobre 2006, produite le 7 septembre 2007; · du 1er au 31 octobre 2006, à produire le 30 novembre 2006, produite le 7 septembre 2007; · du 1er au 31 mars 2007, à produire le 30 avril 2007, produite le 21 mai 2008. [5] Lorsque NSD a finalement produit ses déclarations de TPS, elle a déclaré un montant total de TPS à percevoir de 463 592,62 $ pour ces périodes, montant duquel elle a soustrait un montant global de 98 895,41 $ au titre de crédits de taxe sur les intrants, pour un montant net de TPS à payer de 364 697,21 $. Sur ce montant net, NSD a seulement versé 22 800 $, pour un solde à verser de 341 897,21 $. Le montant total de 400 323,12 $ réclamé d’abord à NSD, puis à son unique administrateur – c’est‑à‑dire l’appelant, Harold David Babakaiff – inclut les pénalités et les intérêts afférents. III. QUESTION EN LITIGE [6] L’appelant est‑il tenu de payer le montant de TPS non versé par NSD, ou a‑t‑il rempli les exigences de la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(3) de la LTA? IV. THÈSE DE L’APPELANT [7] L’appelant invoque la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(3) de la LTA. Il soutient que, à titre d’unique administrateur de NSD, il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances pour prévenir le défaut par NSD de verser la TPS due. [8] L’appelant affirme que le défaut par NSD de verser la TPS découlait directement de la conduite négligente de deux avocats engagés pour s’occuper de conclure les ventes d’immeubles résidentiels de NSD. Selon l’appelant, les avocats de NSD n’avaient pas rempli à temps les documents constatant la conclusion des ventes d’immeubles résidentiels. [9] L’appelant allègue que, au printemps 2006, le premier avocat de NSD, Me Shaun Langin, a commencé à être négligent par rapport à la conclusion des ventes de biens immobiliers et à la transmission à NSD des documents constatant la conclusion des ventes. Sans ces documents, qui précisaient le montant de TPS payé ou à payer et qui montraient si l’acheteur avait cédé son remboursement de TPS pour habitation neuve, NSD ne pouvait pas remplir convenablement ses déclarations de TPS ou calculer la TPS qu’elle devait verser. L’appelant affirme qu’il a tenté à de nombreuses reprises d’obtenir ces documents de Me Langin, mais que, compte tenu de la négligence constante de ce dernier, il a cessé d’avoir recours aux services de Me Langin à la fin de l’été 2006. L’appelant a présenté des éléments de preuve montrant que, le 12 octobre 2006, la Law Society of Alberta (le barreau de l’Alberta) avait pris des mesures disciplinaires à l’endroit de Me Langin parce que ce dernier avait manqué à de nombreuses reprises à des engagements qu’il avait pris envers ses clients. [10] Après avoir cessé d’utiliser les services de Me Langin, NSD a trouvé un nouvel avocat, Me Doug Welder, en septembre 2006. Selon l’appelant, ce deuxième avocat est aussi devenu négligent par rapport à la transmission des documents constatant la conclusion des ventes et à l’exécution de ses tâches. L’appelant a aussi présenté des éléments de preuve montrant que Me Welder avait été radié pour trois mois après avoir été reconnu coupable d’inconduite professionnelle par la Law Society of British Columbia (le barreau de la Colombie‑Britannique) parce qu’il avait omis de verser la TPS et les retenues à la source des employés. [11] L’appelant soutient qu’il a cherché l’aide de professionnels en comptabilité et qu’il a réussi à l’obtenir, comme il l’avait fait pour ses autres entreprises commerciales, afin d’avoir des conseils quant à la gestion financière de NSD. Il a engagé Tracy Welch, une comptable générale accréditée d’expérience, et l’appelant et Mme Welch se sont rencontrés régulièrement pour discuter de la situation financière de NSD. Lorsque les problèmes avec les avocats sont survenus, l’appelant et Mme Welch ont réfléchi prudemment à ce qu’ils devaient faire tous les mois et ils ont décidé, lorsque la date de production de chaque déclaration arrivait, de ne pas remplir la déclaration et de ne pas attester de la véracité de son contenu en raison des renseignements manquants. [12] L’appelant soutient que, jusqu’à ce qu’il reçoive les renseignements nécessaires à la production des déclarations de TPS en retard, il avait des motifs raisonnables de croire que NSD était globalement en droit de recevoir un remboursement de TPS pour la période allant du 2 février 2007 au 21 mai 2008. Avant que les déclarations en retard aient été remplies et produites, NSD avait habituellement été en droit de recevoir un remboursement de TPS, car ses crédits de taxe sur les intrants dépassaient le montant de TPS qu’elle devait percevoir et verser. L’appelant affirme que c’est seulement à la fin de l’été 2006 qu’il a découvert que NSD avait des difficultés financières. Il avait présumé que, après la production des déclarations de TPS en retard, NSD aurait très peu de TPS à verser, et ce, pour les raisons données ci‑dessus. [13] L’appelant croyait qu’il pourrait régler la TPS à payer de NSD, le cas échéant, en faisant vendre par NSD un grand terrain dont elle était propriétaire à Nanaimo, en Colombie‑Britannique. Ce projet a avorté lorsque le marché immobilier canadien s’est soudainement effondré au milieu de l’année 2006. Le détenteur de la créance hypothécaire qui grevait le terrain de Nanaimo a fait vendre le terrain conformément à une ordonnance de vente, ce qui a fait qu’il ne restait rien pour acquitter la dette de TPS de NSD. V. THÈSE DE L’INTIMÉE [14] L’intimée affirme que l’appelant avait eu connaissance des difficultés de NSD dès le mois de mars 2006, comme le démontre la réponse donnée par l’avocat de l’appelant relativement à un engagement pris lors de l’interrogatoire préalable, réponse selon laquelle NSD avait cessé de faire les paiements pour le terrain de Nanaimo le 1er mars 2006. Selon l’intimée, cela démontre que NSD éprouvait des difficultés financières près de six mois avant le moment auquel l’appelant prétend avoir eu connaissance des difficultés financières de NSD, c’est‑à‑dire à la fin de l’été 2006. L’intimée soutient que l’appelant aurait dû intervenir beaucoup plus tôt en prenant des mesures importantes pour empêcher les défauts de versement. [15] L’intimée avance que, lorsque l’appelant s’est rendu compte qu’il n’avait pas les renseignements nécessaires pour remplir les déclarations de TPS, il aurait pu prendre les mesures qui s’imposaient pour les obtenir et faire en sorte qu’il n’y ait aucun autre défaut. NSD aurait pu obtenir de tels renseignements en consultant un simple état des déboursés ou des rajustements établis au moment de la vente. [16] L’intimée soutient que l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve étayant l’assertion selon laquelle, pour verser la TPS due, NSD avait seulement reçu une très petite partie du produit de la vente du terrain puisque les créanciers hypothécaires avaient fait vendre le terrain conformément à une ordonnance de vente. Au contraire, les réponses données par l’appelant lors de l’interrogatoire préalable révèlent que NSD s’était servie de sa part du produit de la vente pour rembourser des dettes garanties par des privilèges de construction et des jugements enregistrés à l’égard de biens immeubles. C’est l’appelant qui a le fardeau d’établir que les ventes avaient été faites sous la contrainte, et l’intimée soutient qu’en l’espèce, l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau à cet égard. [17] L’intimée souligne aussi que l’appelant, à titre d’administrateur et de dirigeant de NSD, n’avait rien fait pour que NSD conserve la TPS perçue dans un compte distinct de son compte général. Elle avance que l’appelant était au courant des difficultés financières de NSD et que le fait qu’il n’avait pas ordonné aux avocats de conserver la TPS dans un compte distinct et qu’il n’avait pas veillé à ce que les sommes reçues servent à verser la TPS due plutôt qu’à rembourser d’autres créanciers démontre que l’appelant n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. [18] Selon l’intimée, l’appelant a parié que NSD aurait droit à un remboursement de TPS, tout en espérant que le terrain de Nanaimo lui serve de « police d’assurance » pour rembourser une dette éventuelle de TPS. L’intimée affirme qu’un tel pari démontre que l’appelant n’a pas agi avec le soin nécessaire pour s’assurer que NSD remplisse ses obligations en matière de TPS. VI. ANALYSE [19] Le paragraphe 323(1) de la LTA établit la responsabilité des administrateurs d’une société qui ne verse pas la taxe nette dont elle est redevable : Responsabilité des administrateurs 323(1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents. [20] L’appelant invoque la défense de diligence raisonnable qui est prévue au paragraphe 323(3) de la LTA pour les administrateurs à l’égard desquels une cotisation a été établie relativement au défaut de versement d’une société. Le paragraphe 323(3) est ainsi rédigé : Diligence 323(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. [21] Dans l’arrêt Buckingham c. Canada[1], la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il faut appliquer une norme objective à la défense de diligence raisonnable que peuvent invoquer les administrateurs en vertu des paragraphes 323(3) de la LTA et 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (la « LIR »). Avant l’arrêt Buckingham, la décision de principe sur la norme applicable était l’arrêt Soper c. Canada[3], où la Cour d’appel fédérale avait conclu que le critère applicable était une norme objective subjective. [22] Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale a expliqué de manière générale comment s’applique la norme objective et elle a rappelé la raison fondamentale que la Cour suprême du Canada avait invoquée pour justifier l’imposition d’une telle norme dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise[4] : [38] Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci : Magasins à rayons Peoples, aux paragraphes 59 à 62. Si l’on qualifie cette norme d’objective, il devient évident que ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l’administrateur qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers : Magasins à rayons, au paragraphe 63. L’apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d’administration au moyen de l’établissement de bonnes règles de régie d’entreprise : Magasins à rayons Peoples, au paragraphe 64. Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d’administrateurs inactifs choisis pour l’apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d’administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s’acquitter des devoirs qui s’attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l’exécution de ses obligations en invoquant son inaction : Kevin P. McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 2e édition (Markham, Ontario: LexisNexis Canada, 2007), à la page 11.9. [23] Cependant, pour faire cette évaluation, la Cour doit tenir compte des circonstances propres à NSD et à l’appelant. Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les facteurs contextuels font partie de l’analyse objective : [39] Une norme objective ne signifie toutefois pas qu’il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérés au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ». Comme l’a souligné la Cour dans Magasins à rayons Peoples au paragraphe 62 : Le texte de l’al. 122(1)b) de la LCSA qui énonce l’obligation de diligence reprend presque mot à mot celui que propose le Rapport Dickerson. La principale différence réside dans le fait que la version qui a été adoptée comprend les mots « en pareilles circonstances », ce qui modifie la norme légale en exigeant qu’il soit tenu compte du contexte dans lequel une décision donnée a été prise. Le législateur n’a pas introduit un élément subjectif relatif à la compétence de l’administrateur, mais plutôt un élément contextuel dans la norme de diligence prévue par la loi. Il est clair que l’al. 122(1)b) est plus exigeant à l’égard des administrateurs et des dirigeants que la norme traditionnelle de diligence prévue par la common law et expliquée, par exemple, dans la décision Re City Equitable Fire Insurance, précitée. [[1925] 1 Ch. 407]. [24] En l’espèce, ce contexte inclut les conditions économiques qui existaient dans le marché de l’habitation et qui ont finalement mené à la disparition de NSD ainsi que l’expérience malheureuse de NSD avec deux avocats négligents. Pour décider ce qu’une personne raisonnablement prudente aurait fait dans les mêmes circonstances, la Cour ne peut pas faire abstraction des problèmes auxquels la société de l’appelant devait faire face. [25] Dans l’arrêt Buckingham, la Cour d’appel fédérale a souligné expressément que, lorsqu’on applique le critère prévu aux paragraphes 227.1(3) de la LIR et 323(3) de la LTA, il faut tenir compte des mesures prises par l’administrateur pour empêcher le défaut de versement : [40] L’objectif de l’examen prévu aux paragraphes 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise différera toutefois de celui qu’exige l’alinéa 122(1)b) de la LCSA, car les premières dispositions requièrent que l’administrateur s’acquitte de son obligation de soin, de diligence et d’habileté de manière à prévenir les défauts de versement. Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés. [26] Pour l’administrateur, il n’est pas suffisant de prendre des mesures après coup pour remédier au défaut par la société de verser la taxe nette. La défense de diligence raisonnable repose sur les mesures qui ont été prises pour empêcher que ces défauts surviennent. Un administrateur ne peut pas, comme ce qu’a fait l’appelant en l’espèce, prétendre avoir fait preuve d’une diligence raisonnable parce qu’il détenait un autre actif qui lui aurait servi de « police d’assurance » pour rembourser une éventuelle dette envers la Couronne. Une société ne peut pas parier avec les sommes qu’elle détient pour la Couronne. Contrairement à d’autres, la Couronne est un créancier involontaire qui ne peut pas réduire son exposition au risque en fonction de l’évolution de la situation financière d’une société. Comme il a été expliqué dans l’arrêt Buckingham : [49] L’approche traditionnelle est celle voulant que l’administrateur a le devoir de prévenir les défauts de versement, et non de les avaliser dans l’espoir qu’il sera ensuite possible de remédier aux problèmes : Canada c. Corsano, [1999] 3 C.F. 173 (C.A.), au paragraphe 35, Ruffo c. Canada, 2000 D.T.C. 6317, [2000] 4 C.T.C. 39 (C.A.F.). Contrairement aux fournisseurs d’une société qui peuvent limiter leurs risques financiers en exigeant des paiements comptants en avance, la Couronne est un créancier involontaire. Le niveau des risques encourus par la Couronne à l’égard d’une société peut donc accroître si la société poursuit ses activités en versant aux employés les salaires nets sans effectuer les versements des retenues à la source sur ces salaires,; ou si la société décide de percevoir la TPS/TVH des clients sans déclarer et verser ces montants en temps opportun. Une société qui fait face à des difficultés financières pourrait s’hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d’autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités. C’est précisément une telle conjoncture que les articles 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323 de la Loi sur la taxe d’accise visent à éviter. Le moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise ne devrait pas servir à encourager de tels défauts de versement en permettant aux administrateurs d’invoquer une défense de diligence raisonnable lorsqu’ils financent les activités de leur société à l’aide de remises dues à la Couronne, en espérant remédier plus tard à ces défauts. […] [56] L’administrateur d’une société qui avalise la poursuite des activités de sa société en réaffectant à d’autres fins des retenues à la source sur les salaires ne peut établir une défense fondée sur le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Tout le régime de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, lu dans son ensemble, est précisément conçu pour éviter de telles situations. En l’espèce, l’intimé avait une attente raisonnable (mais erronée) que la vente de la division de production de cours en ligne donnerait lieu à un paiement important pouvant servir à satisfaire les créanciers, mais il a consciemment fait assumer par la Couronne une partie des risques associés à cette transaction en continuant les activités tout en sachant que les retenues à la source ne seraient pas versées. Il s’agit précisément du méfait que le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu vise à éviter. [57] Une fois que le juge de première instance a tiré la conclusion de fait que les efforts déployés par l’intimé après le mois de février 2003 ne visaient plus à éviter les défauts de versements, le moyen de défense fondé sur le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu ou le paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise ne pouvait être retenu. [27] L’appelant soutient qu’il ne devrait pas être tenu de rembourser la dette de TPS de NSD parce que le défaut de NSD de verser la TPS est survenu sans qu’il le sache et pour des raisons qui échappaient à son contrôle. Lorsqu’il a découvert les défauts de versement, il était trop tard pour faire quoi que ce soit. [28] Selon l’appelant, NSD a accumulé sa dette de TPS de 364 697,21 $ pendant la période du 31 mai 2006 au 30 avril 2007. L’appelant affirme que, pendant cette période, il ne pouvait pas remplir les déclarations de TPS mensuelles de NSD parce que les avocats de cette dernière étaient négligents par rapport à la transmission des documents constatant la conclusion des ventes ainsi que des renseignements nécessaires pour remplir les déclarations. L’appelant dit avoir seulement découvert l’arriéré de TPS à verser lorsqu’il a pu remplir les déclarations de TPS pour la période de déclaration du 1er au 31 mai 2006, c’est‑à‑dire en février 2007. L’ampleur du problème est seulement devenue évidente lorsque toutes les déclarations de TPS en retard ont finalement été produites. [29] À mon avis, ce serait une erreur de conclure que l’appelant n’avait pas connaissance de la dette de TPS de NSD à cause de la conduite prétendument négligente des avocats de NSD. D’ailleurs, la preuve révèle qu’un état des déboursés était établi avant la vente de chaque immeuble. Cet état montrait le prix de vente, la TPS (lorsqu’elle n’était pas incluse dans le prix), le montant du remboursement de TPS, la cession du remboursement de TPS au vendeur et tous les autres déboursés liés à la conclusion de la vente. Les avocats ne pouvaient pas remettre le produit de la vente sans ces renseignements. La pièce R‑3 est un bon exemple du genre d’état sur lequel les dirigeants de NSD auraient pu se fonder pour remplir les déclarations de TPS mensuelles de NSD. [30] Les états des déboursés renfermaient tous les renseignements dont NSD avait besoin pour remplir ses déclarations de TPS mensuelles. Après la conclusion de chaque vente, rien n’empêchait l’appelant de retourner au bureau avec cet état en main. Si l’appelant avait demandé ces états, il aurait pu connaître le montant de TPS à verser de NDS peu après la fin de chaque mois. [31] L’appelant affirme aussi que NSD avait cessé de produire ses déclarations de TPS à temps sur la recommandation de Mme Welch, la comptable interne de NSD. Selon l’appelant, Mme Welch a essayé, en vain, d’obtenir les renseignements nécessaires pour remplir les déclarations de TPS, puis elle a recommandé à l’appelant de ne pas produire les déclarations avant qu’elles puissent être remplies correctement. L’appelant n’a pas expliqué pourquoi Mme Welch n’avait pas été appelée à témoigner pour corroborer cette allégation. Par conséquent, je tire une conclusion défavorable de l’absence de Mme Welch à l’audience. [32] La preuve révèle aussi que NSD avait cessé de faire les paiements hypothécaires pour le terrain de Nanaimo en mars 2006. Cela aura dû faire comprendre à l’appelant que NSD commençait à être dans une situation financière précaire. C’est à ce moment‑là que l’appelant aurait dû prendre des mesures pour s’assurer que la TPS perçue auprès des acheteurs des résidences de NSD et détenue en fiducie par NSD soit conservée dans un compte distinct des autres fonds de NSD. [33] Bien qu’il ne fasse aucun doute que les avocats de NSD ont fait preuve d’une certaine négligence en n’accomplissant pas les formalités de conclusion de chaque vente dans les délais, cela n’explique pas le fait que l’appelant n’a pas pris de mesures décisives pour veiller à ce que NSD continue à verser la TPS. En fait, certains éléments de preuve démontrent que l’appelant a plutôt utilisé les montants perçus pour rembourser des dettes à d’autres créanciers, donnant priorité à ces dettes sans prendre les mesures nécessaires pour déterminer le montant de TPS que NSD devait verser à la Couronne et pour veiller à ce que cette somme soit versée. [34] Par ailleurs, le fait que le marché de l’habitation se soit effondré n’est d’aucun secours à l’appelant. Comme il a été souligné ci‑dessus, certains éléments de preuve donnent à penser que l’appelant avait eu connaissance des problèmes financiers de NSD dès le printemps 2006, lorsque NSD avait cessé de faire les paiements hypothécaires à l’égard du terrain de Nanaimo. C’est à ce moment‑là qu’une personne raisonnablement prudente aurait pris des mesures concrètes pour veiller à ce que la TPS soit versée. [35] Les connaissances et les antécédents de l’appelant ne renforcent pas du tout son recours à la défense fondée sur la diligence raisonnable. En tant qu’homme d’affaires chevronné qui connaissait très bien le secteur du logement, l’appelant savait, ou aurait dû savoir, dès le printemps 2006 que NSD ne construisait plus de résidences au même rythme que lors des années précédentes, ce qui a entraîné une diminution importante du montant de crédits de taxe sur les intrants auquel elle avait droit. J’ai beaucoup de difficulté à croire que, lorsque NSD s’est mise à liquider les résidences invendues et a dû arrêter ses activités de construction par manque de nouveau financement, l’appelant n’a pas compris que NSD allait rapidement être forcée de verser un montant net de TPS. Compte tenu de tous les éléments de preuve, je soupçonne que le fait que NSD ait arrêté de produire ses déclarations de TPS après avoir cessé de faire les paiements hypothécaires à l’égard du terrain de Nanaimo n’est pas une simple coïncidence. Dans les faits, il semble que NSD vendait ses immeubles résidentiels à un prix inférieur à leur coût. NSD détournait la TPS perçue et détenue en fiducie pour la Couronne afin de rembourser des créanciers hypothécaires et d’autres parties intéressées, tout en espérant que la vente du terrain de Nanaimo lui permette de régler sa dette de TPS. [36] L’appelant allègue que plus de 30 % des immeubles de NSD avaient été vendus sous la contrainte par les créanciers hypothécaires de NSD, en application d’ordonnances judiciaires autorisant ces derniers à conclure les ventes au nom de NSD sans l’intervention des administrateurs et des dirigeants de NSD. Selon l’appelant, le produit de ces ventes a été distribué à son insu et sans son intervention. Sauf pour ce qui est du terrain de Nanaimo, aucune preuve documentaire n’a été déposée pour étayer cette prétention, et ce, même si lors du contre‑interrogatoire, l’appelant a soutenu que NSD détenait des documents qui démontraient la véracité de cette assertion. L’appelant n’a pas précisé quels immeubles avaient été vendus en application de telles ordonnances, et, par ailleurs, il n’a pas quantifié le montant de TPS qui aurait été détourné par les créanciers de NSD. C’est l’appelant qui avait le fardeau d’établir le bien‑fondé de cette prétention. Je conclus qu’il ne s’en est pas déchargé. [37] Pour réussir à invoquer la défense de diligence raisonnable, l’administrateur doit démontrer qu’il a pris des mesures concrètes pour empêcher les défauts de versement. En l’espèce, les éléments de preuve présentés consistent principalement en un grand nombre de courriels dans lesquels l’appelant a exprimé sa frustration face à la compétence des avocats, et aucun de ces courriels ne porte expressément sur des préoccupations liées à la TPS. Lorsque la négligence des avocats et les problèmes financiers de NSD sont devenus évidents, l’appelant aurait pu s’assurer que la TPS perçue était conservée dans un compte distinct. Il aurait aussi pu exiger, pour chacune des ventes, de recevoir davantage de renseignements plus rapidement au sujet du montant de TPS perçu ou à percevoir et de la cession du remboursement de TPS par l’acheteur. Il s’agit du genre de mesure qu’une personne raisonnablement prudente aurait prise pour empêcher les défauts de versement. L’appelant n’a pris aucune de ces mesures. Suivant la norme objective énoncée dans l’arrêt Buckingham, je conclus que l’appelant n’a pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente pour prévenir les défauts de versement de la TPS. [38] Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté. Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2012. « Robert J. Hogan » Juge Hogan Traduction certifiée conforme ce 20e jour de février 2012. Mario Lagacé, jurilinguiste RÉFÉRENCE : 2012 CCI 22 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2009-3300(GST)G INTITULÉ : Harold David Babakaiff c. Sa Majesté la Reine LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique) DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 octobre 2011 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Robert J. Hogan DATE DU JUGEMENT : Le 18 janvier 2012 COMPARUTIONS : Avocat de l’appelant : Me Dale Barrett Avocate de l’intimée : Me Selena Sit AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : Pour l’appelant : Nom : Cabinet : Pour l’intimée : Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] 2011 CAF 142. [2] L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Voir les paragraphes 30 à 40 de l’arrêt Buckingham. [3] [1998] 1 C.F. 124. [4] 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461.
2012 CCI 221
TCC
2,012
Minhas c. M.R.N.
fr
2012-06-21
https://decision.tcc-cci.gc.ca/tcc-cci/decisions/fr/item/30850/index.do
2022-09-04
Minhas c. M.R.N. Base de données – Cour (s) Jugements de la Cour canadienne de l'impôt Date 2012-06-21 Référence neutre 2012 CCI 221 Numéro de dossier 2010-3846(EI) Juges et Officiers taxateurs Wyman W. Webb Sujets Loi sur l'assurance-emploi Contenu de la décision Dossier : 2010‑3846(EI) ENTRE : SURJIT MINHAS, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________ Appel entendu le 5 juin 2012 à Edmonton (Alberta) Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb Comparutions : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Pour l’intimé : Mme Mary Anne Loney (stagiaire en droit) Me Gregory Perlinski ____________________________________________________________________ JUGEMENT L’appel fondé sur les dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») est accueilli sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national rendue en vertu de cette loi est modifiée compte tenu du fait que l’appelante occupait un emploi assurable pour l’application de la LAE pendant la période allant du 15 août 2009 au 15 janvier 2010. Signé à Toronto (Ontario), ce 21e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 1er jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais Référence : 2012CCI221 Date : 20120621 Dossier : 2010‑3846(EI) ENTRE : SURJIT MINHAS, appelante, et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, intimé. [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] MOTIFS DU JUGEMENT Le juge Webb [1] La question à trancher en l’espèce est de savoir si l’appelante occupait un emploi assurable auprès de la 1303886 Alberta Ltd. (la « société ») pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») durant la période allant du 15 août 2009 au 15 janvier 2010. L’intimé avait estimé que ce n’était pas le cas compte tenu du fait qu’il existait entre l’appelante et la société un lien de dépendance. [2] La société exploitait un dépanneur « Tag’s » à Slave Lake (Alberta) et a employé l’appelante comme gérante adjointe du 15 août 2009 au 15 janvier 2010. La société appartenait à parts égales à deux sociétés de portefeuille. L’époux et le beau‑frère de l’appelante étaient propriétaires de l’une et, deux cousins de son époux, de l’autre. [3] Un emploi assurable désigne en règle générale un emploi occupé au Canada. Cependant, l’alinéa 5(2)i) de la LAE prévoit que « l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance » n’entre pas dans cette catégorie. Si l’employeur et l’employé sont liés (au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu), l’emploi ne sera alors assurable que si les conditions énoncées à l’alinéa 5(3)b) de la LAE sont remplies. [4] Au début de l’audience, l’avocat de l’intimé a mentionné que l’intimé estimait que l’appelante était liée à la société pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, et qu’elle était donc réputée avoir un lien de dépendance avec cette dernière suivant l’alinéa 251(1)a) de cette même loi. [5] L’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit notamment : 251(2) Pour l’application de la présente loi, sont des « personnes liées », ou des personnes liées entre elles : a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption; b) une société et : (i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne, (ii) une personne qui est membre d’un groupe lié qui contrôle la société, (iii) toute personne liée à une personne visée au sous‑alinéa (i) ou (ii); […] 251(4) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. « groupe lié » Groupe de personnes dont chaque membre est lié à chaque autre membre du groupe; […] 251(6) Pour l’application de la présente loi : a) des personnes sont unies par les liens du sang si l’une est l’enfant ou un autre descendant de l’autre ou si l’une est le frère ou la sœur de l’autre; b) des personnes sont unies par les liens du mariage si l’une est mariée à l’autre ou à une personne qui est ainsi unie à l’autre par les liens du sang; b.1) des personnes sont unies par les liens d’une union de fait si l’une vit en union de fait avec l’autre ou avec une personne qui est unie à l’autre par les liens du sang; c) des personnes sont unies par les liens de l’adoption si l’une a été adoptée, en droit ou de fait, comme enfant de l’autre ou comme enfant d’une personne ainsi unie à l’autre par les liens du sang (autrement qu’en qualité de frère ou de sœur). [6] Pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’époux de l’appelante n’est pas lié à ses cousins (son frère ne l’est pas davantage). La société n’est donc pas contrôlée par un groupe lié, et l’appelante n’est pas liée à la société, au sens de cette loi. [7] Comme l’appelante n’est pas liée à la société, l’existence d’un lien de dépendance entre elles est une question de fait[1]. [8] Dans la décision Parrill c. Ministre du Revenu national, [1996] A.C.I. no 1680 (confirmée par la Cour d’appel fédérale, [1998] A.C.F. no 836), le juge Cuddihy a déclaré : 20 Il ressort de ces jugements que des parties ont un lien de dépendance lorsque la considération prédominante ou l’intérêt global ou encore la méthode utilisée est assimilé à un processus qui n’est pas caractéristique de ce à quoi l’on pourrait s’attendre de parties n’ayant effectivement entre elles aucun lien de dépendance. 21 Les parties ont entre elles un lien de dépendance s’il existe une même personne qui dirige les négociations des deux parties à une opération ou que les parties à une opération agissent de concert, sans avoir d’intérêts distincts, ou que l’une ou l’autre partie à une opération exerçait une influence ou un contrôle sur l’autre ou avait le pouvoir de le faire et que les opérations des parties ne sont pas compatibles avec l’objet et l’esprit des dispositions de la loi et n’indiquent pas une juste participation au jeu normal des forces économiques du marché*. 22 Donc, un cas ne répond pas aux critères du lien de dépendance s’il existe un ou plusieurs de ces facteurs non conformes à la juste négociation entre l’employeur et l’employé et non conformes à l’objet et à l’esprit de la loi. (* Désigne une note de bas de page figurant dans le texte original mais qui n’a pas été incluse.) [9] L’appelante et son époux ont témoigné à l’audience. Quelque temps avant qu’elle ne soit engagée comme gérante adjointe, une certaine Joan Bolton occupait ce poste. Le fait que cette dernière n’avait pas de lien de dépendance avec la société n’a pas été contesté. Lorsque Jean Bolton a été engagée comme gérante adjointe, l’appelante était aussi disponible pour travailler, mais la société lui a préféré Joan Bolton. Cela qui montre que l’appelante n’a pas été engagée ensuite parce que son époux était l’un des actionnaires, autrement elle aurait obtenu ce poste plus tôt à la place de Joan Bolton. [10] Lorsque l’appelante a été engagée comme gérante adjointe, son salaire était supérieur à celui de Joan Bolton : 3 000 $ par mois au lieu de 2 300 $. Cependant, ses fonctions et son horaire de travail n’étaient pas les mêmes. L’appelante s’occupait de la franchise National Car Rental, que la société ne détenait pas du temps de Joan Bolton. L’appelante travaillait de plus longues heures que Joan Bolton, environ 8 à 10 heures par jour, et n’était pas rémunérée pour ses heures supplémentaires. En règle générale, elle travaillait six jours de suite et prenait ensuite deux jours de congé. Joan Bolton travaillait huit heures par jour, mais pas les fins de semaine. Si elle dépassait ses huit heures de travail quotidiennes, elle était payée pour ses heures supplémentaires selon un taux majoré de moitié. [11] Le relevé d’emploi indique que l’appelante a travaillé 1 260 heures durant les cinq mois qu’elle a été employée par la société (ce qui correspond à 252 heures par mois). Ce nombre d’heures a été établi par le comptable de la société qui n’a pas témoigné. La méthode de calcul du total des heures inscrit dans ce relevé d’emploi n’est pas claire. J’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle travaillait 8 à 10 heures par jour. Comme elle était (et est toujours) une travailleuse très diligente et qui s’assurait de terminer ses tâches, je conclus qu’elle travaillait au moins neuf heures par jour. L’appelante est actuellement employée par Wal‑Mart où elle reçoit un salaire fixe; elle continue pourtant de faire des heures supplémentaires pour s’assurer de finir son travail. [12] Comme l’appelante travaillait six jours et prenait ensuite deux jours de congé, elle effectuait plus d’heures de travail en un mois que Joan Bolton, qui travaillait cinq jours puis prenait deux jours de congé. Sur une période de 56 jours[2], Joan Bolton travaillait 40 jours et l’appelante 42. L’appelante travaillait donc à peu près un jour de plus par mois que Joan Bolton. Si on suppose que Joan Bolton travaillait 22 jours pendant un mois, l’appelante accumulait environ 23 jours de travail pour la même période. Comme Joan Bolton recevait 2 300 $ pour des journées de 8 heures, en supposant qu’elle travaillait 22 jours pendant le mois, son salaire horaire était donc de 13,07 $. En supposant que l’appelante travaillait 23 jours par mois, 9 heures par jour, son salaire horaire était donc de 14,49 $ puisqu’elle recevait 3 000 $ par mois. Cette différence de 1,42 $ l’heure ne me paraît pas démontrer un lien de dépendance entre l’appelante et la société étant donné que l’appelante avait plus de responsabilités que Joan Bolton, notamment la paye, le paiement des fournisseurs et tout ce qui se rapportait à la franchise de location de voitures mentionnée plus haut. [13] Par ailleurs, si le nombre d’heures de travail de Joan Bolton est bien établi, il n’est pas certain que ce chiffre corresponde à neuf heures par jour pour l’appelante. Son emploi actuel de gérante adjointe chez Wal-Mart comporte un horaire quotidien de 8 heures, mais elle a mentionné qu’elle effectuait en fait entre 9 et 10 heures. Son époux a déclaré qu’elle travaillait 10 heures par jour chez Wal-Mart. Si elle en faisait autant pour la société, son salaire horaire, sur une période de 23 jours, aurait été de 13,04 $, ce qui n’est inférieur que de 0,03 $ à celui de Joan Bolton. [14] Rien n’indique qu’une même personne dirigeait les négociations relatives à l’opération conclue entre l’appelante et la société ou que ces dernières agissaient de concert. Rien n’indique non plus que l’entreprise exerçait une influence ou un contrôle sur l’appelante ou que leurs rapports n’étaient pas compatibles avec l’objet et l’esprit de la LAE. Le salaire de l’appelante, eu égard au nombre de ses heures de travail et à ses fonctions, pas plus que les autres conditions de son emploi, ne suggère de lien de dépendance avec la société. Le fait qu’elle était disponible pour remplacer d’autres employés à la dernière minute ne signifie pas qu’elle avait un lien de dépendance avec l’entreprise. Cette femme travaille fort et est disposée à mettre des heures supplémentaires, ce qu’elle continue d’ailleurs de faire chez Wal‑Mart. [15] Sa mise à pied s’explique par un ralentissement des affaires. L’appelante était l’employée la mieux payée, mais toute entreprise confrontée à une baisse des ventes et soucieuse de réduire ses dépenses chercherait à remplacer son employée la mieux payée par l’un de ses actionnaires (c’est ce qui s’est passé en l’occurrence lorsque l’époux de l’appelante a pris son poste). L’appelante n’a fourni aucun service à la société après qu’il eut été mis fin à son emploi, et ce, jusqu’à ce qu’elle soit réengagée. [16] Par conséquent, je conclus que l’appelante n’avait pas de lien de dépendance avec la société : l’appel au titre de la LAE est accueilli sans dépens, et la décision rendue par le ministre du Revenu national en vertu de cette loi est modifiée compte tenu du fait que l’appelante occupait un emploi assurable pour l’application de la LAE pendant la période allant du 15 août 2009 au 15 janvier 2010. Signé à Toronto (Ontario), ce 21e jour de juin 2012. « Wyman W. Webb » Juge Webb Traduction certifiée conforme ce 1er jour d’août 2012. Marie-Christine Gervais RÉFÉRENCE : 2012CCI221 No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010‑3846(EI) INTITULÉ : SURJIT MINHAS c. M.R.N. LIEU DE L’AUDIENCE : Edmonton (Alberta) DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 juin 2012 MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Wyman W. Webb DATE DU JUGEMENT : Le 21 juin 2012 COMPARUTIONS : Pour l’appelante : L’appelante elle‑même Pour l’intimé : Mme Mary Anne Loney (stagiaire en droit) Me Gregory Perlinski AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Pour l’appelante : Nom : Cabinet : Pour l’intimé : Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Ottawa, Canada [1] Alinéa 251(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu. [2] 56 jours correspondent à 7 périodes de 8 jours et à 8 périodes de 7 jours.