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CAPP/JURITEXT000045967981.xml
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 220 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/14092 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAKAB Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2019 -Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE - RG no 1118004674 Monsieur [V] [B] Né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 12] (Tunisie) [Adresse 11] [Localité 3] Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065 Ayant pour avocat plaidant Me Dominique CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0526 Madame [N] [T] Née le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 10] (Allemagne) [Adresse 7] [Localité 5] Représenté et assisté par Me François AUDARD de la SCP AUDARD MOUGIN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 156 Madame [K] [S] Née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 9] (Vietnam) [Adresse 4] [Localité 8] Représentée et assistée par Me Florian CANDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1869 substitué à l'audience par Me Morgann GORRANTON, même cabinet, même toque COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : François LEPLAT, président de chambre Anne-Laure MEANO, présidente assesseur Bérengère DOLBEAU, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - Rendu par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur pour François LEPLAT, Président de chambre empêché, et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Suivant contrat sous seing privé en date du 19 avril 2016, à effet du 1er mai 2016, M.[V] [B] a signé un contrat de bail avec Mme [S] [K], portant sur un logement dont il était propriétaire en indivision avec Mme [N] [T], son ancienne concubine, situé [Adresse 4] à [Localité 8]. Par acte d'huissier en date du 5 avril 2018 régulièrement dénoncé au représentant de l'Etat dans le département le 9 avril 2018 conformément à l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, M. [V] [B] "et Mme [N] [T]" (ce point étant discuté devant la cour) ont assigné Mme [S] [K] devant le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la résiliation du bail, en tant que de besoin l'expulsion de la défenderesse et de tous occupants de son chef, paiement d'une indemnité d'occupation et condamnation à payer les sommes de 23.609,30 euros en réparation du préjudice subi du fait de dégâts matériels affectant les locaux. Par jugement contradictoire entrepris du 18 juin 2019 le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine a ainsi statué : Prononce la résiliation du bail d'habitation au 6 février 2018 ; Condamne M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à verser à Mme [S] [K] une somme de 20.900 au titre d'un trop perçu de loyers ; Déboute Mme [S] [K] du surplus de ses demandes ; Déboute M. [V] [B] et de Mme [N] [T] de l'ensemble de leurs demandes ; Condamne M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à verser à Mme [S] [K] une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [V] [B] et Mme [N] [T] aux dépens de l'instance ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 10 juillet 2019 par M. [V] [B] ; Vu l'appel interjeté le 18 juillet 2019 par Mme [N] [T] ; Vu l'ordonnance de jonction du 16 janvier 2020 ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 10 mars 2020 par lesquelles M. [V] [B], appelant, demande à la cour de : Confirmer le jugement entrepris du 18 juin 2019 en ce qu'il a en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail au 6 février 2018 et débouté l'intimée de toute demande de dommages et intérêts au titre d'un prétendu trouble de jouissance; Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intimée de toute demande fondée sur un préjudice résultant d'une pseudo expulsion illicite, demande chiffrée à 17 387,37 euros ; Dire et juger que la résiliation du bail intervenue est imputable à la locataire ; A titre subsidiaire sur la résiliation, Constater que la locataire n'a jamais dénoncé le bail intervenu ; Dire et juger Mme [S] [K] totalement responsable des dégâts survenus dans l'appartement et la condamner à payer au concluant la somme de 23 609,30 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait des dégâts matériels affectant les locaux ; Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [N] [T] et M. [V] [B] à verser à l'intimée une somme de 20 900 euros au titre d'un trop perçu de loyer et débouter celle-ci de toutes demandes à ce titre ; En tout état de cause et en tant que de besoin, ordonner la compensation entre les condamnations réciproques susceptibles d'intervenir entre les parties au cas où par impossible la cour ferait droit aux prétentions de l'intimée à l'encontre des concluants ; Déclarer irrecevable et particulièrement mal fondée l'intimée en ses demandes reconventionnelles ; En tant que de besoin déclarer irrecevable et débouter Mme [N] [T] des fins de son appel en ce qu'il vise à solliciter la nullité du jugement entrepris ou à titre subsidiaire son inopposabilité à son égard pour un prétendu défaut de représentation dans le cadre de la procédure ; Déclarer irrecevable et plus généralement débouter Mme [N] [T] de toutes prétentions formulées à l'encontre de M. [V] [B] ; Condamner l'intimée à payer à M. [V] [B] d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner Mme [S] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel. Vu les dernières écritures remises au greffe le 9 mars 2020 au terme desquelles Mme [N] [T] demande à la cour de : Vu l'article 117 in fine du code de procédure civile ; Déclarer nul et de nul effet tous les actes de procédure pour défaut de représentation de Mme [N] [T] dans la procédure ayant conduit au jugement du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine en date du 18 juin 2019 entre les consorts M. [V] [B] et Mme [N] [T] d'une part et Mme [S] [K] d'autre part ; Déclarer en conséquence, nul le susdit jugement du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine en date du 18 juin 2019, comme procédant d'actes affectés d'une nullité de fond ; Subsidiairement, et pour le cas où la Cour ne prononcerait pas la nullité du jugement, déclarer le jugement du 18 juin 2019 inopposable à Mme [N] [T], cette dernière n'ayant pas été valablement représentée dans le cadre de la procédure ; Très subsidiairement, sur le fondement de l'article 1199 du code civil, infirmer le jugement en ce qu'il condamne Mme [N] [T] au titre d'un trop perçu de loyer, tandis qu'elle n'est pas signataire du bail ; A titre infiniment subsidiaire, condamner M. [V] [B] à garantir Mme [N] [T] des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ; Condamner M. [V] [B] au paiement d'une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; Le condamner aux entiers dépens d'appel et de première instance. Vu les dernières écritures remises au greffe le 22 avril 2020 au terme desquelles Mme [S] [K], intimée, forme appel incident et demande à la cour de : A titre principal, Infirmer le jugement du 18 juin 2019 rendu par le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine dont appel rendu par M. [V] [B] et de Mme [N] [T], en ce qu'il déboute Mme [S] [K] : - sur sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice résultant de son expulsion par M. [V] [B] et de Mme [N] [T] ; - sur sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice de jouissance en raison de la destination réelle du bien loué à savoir un local à usage commercial, ce qui n'a pas été précisé par M. [V] [B] et de Mme [N] [T] de manière délibérée ; Et statuant à nouveau : Condamner in solidum M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à régler à Mme [S] [K] la somme de 10 000 euros au titre de dommage et intérêts pour l'expulsion illicite de son logement situé [Adresse 4] à [Localité 8] ; Condamner in solidum M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à régler à Mme [S] [K] la somme de 17 387,37 euros au titre de son préjudice de jouissance ; A titre subsidiaire, Confirmer le jugement du 18 juin 2019 rendu par le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine dont appel rendu par M. [V] [B] et de Mme [N] [T] ; Sur le point suivant : Prononcer la résiliation du bail d'habitation au 6 février 2018 ; En tout état de cause, Débouter M. [V] [B] et de Mme [N] [T] de toutes leurs demandes ; Débouter Mme [N] [T] de sa demande de nullité du jugement du 18 juin 2019 ; Déclarer Mme [S] [K] recevable en ses demandes, fins et conclusions ; Confirmer le jugement du 18 juin 2019 rendu par le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine dont appel rendu par M. [V] [B] et de Mme [N] [T] en ce qu'il a décidé : Condamner in solidum M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à restituer à Mme [S] [K] la somme de 20 900 euros au titre des loyers indus ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; Et statuant à nouveau : Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie ; Condamner in solidum M. [V] [B] et de Mme [N] [T] à régler à Mme [S] [K] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner in solidum M. [V] [B] et Mme [N] [T] en tous les dépens dont le montant pourra être directement recouvré par Me Florian Candan , avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2021. Le 16 décembre 2021, M. [B] a remis au greffe des conclusions d'incident demandant la révocation de l'ordonnance de clôture pour pouvoir répliquer aux dernières conclusions du conseil de Mme [S] déposées selon lui la veille de l'ordonnance de clôture, c'est-à-dire le 17 novembre 2021. Les parties adverses n'ont pas répliqué sur l'incident. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à " constater ", " donner acte ", " dire et juger " en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens, comme c'est le cas en l'espèce. Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par le conseil de M. [B] Contrairement à ce qui est soutenu, les dernières conclusions remises par Mme [S] au greffe sont ses conclusions dites « no3», remises au greffe le 22 avril 2020, soit un an et demi avant l'ordonnance de clôture. Le conseil de celle-ci s'est borné à redéposer le même jeu de conclusion le 17 novembre 2022, en raison d'une incertitude de sa part sur son accusé de réception. Aucune cause grave survenue postérieurement à l'ordonnance de clôture, au sens de l'article 803 du code de procédure civile, ne justifie donc la révocation de celle-ci, et il ne résulte des éléments du dossier aucune atteinte au principe du contradictoire. La demande sera donc rejetée. Sur les nullités invoquées par Mme [T] En substance Mme [T], qui invoque les articles 117 à 121 du code de procédure civile, soutient que M. [Z] [P], avocat, ne disposait pas du pouvoir de la représenter pour introduire l'action devant le premier juge puis dans le cadre de la première instance ; Mme [T] indique n'avoir eu connaissance de la procédure en résiliation du bail et de ce qu'elle était prétendument représentée que lorsque le jugement lui a été signifié. M. [B] soutient que M. [Z] [P] bénéficiait bien d'un mandat, au moins apparent, de la part de Mme [T] qui était parfaitement au courant de cette procédure et y avait consenti ; il ajoute qu'elle y avait d'ailleurs intérêt en tant que propriétaire indivise du local donné à bail, notamment puisqu'elle avait le droit à la moitié des loyers et que la locataire manquait à ses obligations, ce dont elle avait connaissance puisqu'elle l'a elle même rappelé à l'avocat dans un courriel. Sur la nullité de l'assignation et de "tous les actes de procédure ayant conduit au jugement" Il résulte des articles 117, 118 et 119 du code de procédure civile que le défaut de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice est une irrégularité de fond affectant la validité des actes de procédure, pouvant être soulevée même sans grief et en tout état de cause. L'article 789 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code, dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1o Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ; Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge. (...) 6o Statuer sur les fins de non-recevoir. Ainsi, les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions de procédure, au sens du chapitre II, titre V, livre 1er, du code de procédure civile, postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'exception de nullité de l'assignation du 5 avril 2018, ainsi que d'"autres actes" soulevée par Mme [T] relevait donc de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, et n'est plus recevable devant la cour. Sur la nullité du jugement La nullité du jugement découle selon Mme [T] de la nullité de l'assignation. Toutefois la demande en ce sens a été déclarée irrecevable par la cour. Par ailleurs, l'article 416 du code de procédure civile dispense les avocats de justifier qu'ils ont reçu mandat pour représenter le plaideur ; à l'égard du juge et de la partie adverse, l'avocat bénéficie d'un mandat apparent. En l'espèce, le jugement entrepris indique que M. [B] et Mme [T] sont représentés par Maître [Z] [P] avocat du barreau de Paris. Le premier juge a rouvert les débats au motif que l'ensemble des pièces produites, notamment le bail, ne faisait figurer que le nom de M. [B] et a invité les parties à présenter leurs observations sur la qualité à agir de Mme [T]; la preuve de ce que le bien loué était la propriété indivise de M. [B] et Mme [T], ce qui n'est pas contesté, a alors été produite. En outre, Mme [T] admet qu'elle avait connaissance du bail et avait donc intérêt à agir pour la préservation de l'immeuble contrairement à ce qu'elle soutient, quand bien même elle n'est pas signataire du bail. Au demeurant, il résulte des courriels et courriers produits par M. [B] que Mme [T] était en relation avec M. [P], avocat, qui lui a adressé, par courrier du 28 mars 2018 le projet d'assignation de Mme [S] en vue de la présente affaire, tandis qu'il adressait parallèlement la même demande à M. [B], par courriel. Parallèlement, les éléments du dossiers démontrent que le bien immobilier litigieux a fait l'objet d'un compromis de vente par acte notarié du 5 août 2016 entre d'une part M. [B] et Mme [T] et d'autre part Mme [S], dont l'adresse indiquée à l'acte est celle du bien litigieux ; le 11 juin 2018, celle-ci a assigné devant le tribunal de grande instance de Créteil M. [B] et Mme [T] en restitution du dépôt de garantie et paiement de la clause pénale; Mme [T] était alors assistée par le même conseil et lui a d'ailleurs adressé, le 21 juin 2018, un courriel lui transmettant l'assignation de Mme [S] concernant ce bien, faisant état de ce que la locataire avait fait preuve "d'un comportement répréhensible par la loi (sous-location du bien, hébergement de clandestins etc)" et lui indique " M. [B] vous enverra les documents en sa possession ». Maître [P] bénéficiait donc également d'un mandat, à tout le moins apparent, dans sa relation avec Mme [T] pour la représenter dans l'instance relative au bail. En tout état de cause, l'immeuble se trouvant sous le régime de l'indivision et inoccupé par la locataire depuis février 2018, l'action devant le tribunal d'instance visant à faire prononcer la résiliation du bail, l'expulsion et le paiement d'indemnités d'occupation et de sommes en réparation de dégâts matériels avait le caractère d'une mesure conservatoire, ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril, de sorte que M. [B] pouvait y procéder seul, ayant au demeurant géré le bail sans opposition de la part de Mme [T] qui avait connaissance de celui-ci comme le montre le courriel qu'elle produit, adressé par elle le 21 juin 2018 au notaire qui l'informait de la proposition d'achat du bien formée par la locataire, et par lequel elle demandait à être mise en contact avec la locataire. Au vu de ces éléments il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du jugement ; pour les mêmes raisons la demande en inopposabilité du jugement sera également rejetée, la critique de sa condamnation par Mme [T] étant examinée au titre de l'effet dévolutif de l'appel, ci-après. Sur l'opposabilité du contrat de bail à Mme [T] Mme [T] demande subsidiairement l'infirmation du jugement sur le fondement de l'article 1199 du code civil, en ce qu'il la condamne au remboursement du trop perçu des loyers alors qu'elle n'est pas signataire du bail. Aux termes de cet article, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties, les tiers ne pouvant se voir contraints de l'exécuter. Par ailleurs, il résulte de l'article 815-3 du même code que la conclusion et le renouvellement d'un bail autre que portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal sur un immeuble, doivent être décidé à la majorité des deux tiers des droits indivis; si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, qui cependant ne peut couvrir la conclusion ou le renouvellement des baux. Si le bail d'un bien indivis consenti irrégulièrement par un seul des indivisaires n'est pas nul, il est inopposable aux autres indivisaires. En l'espèce, M. [B] est seul signataire du bail litigieux ; il n'allègue ni ne démontre que Mme [T] lui avait donné un mandat pour y procéder ni même son accord ; l'existence d'un mandat général d'administration de sa part ne résulte pas davantage des pièces produites ; de plus aucun mandat tacite ne peut être donné en matière de conclusion d'un bail. Par conséquent le bail litigieux n'est pas opposable à Mme [T] et aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre en exécution de celui-ci. Sur la résiliation du bail Devant la cour les parties ne remettent pas en question la décision du premier juge de prononcer la résiliation du bail à la date du 6 février 2018 ; elles s'opposent seulement sur la cause de celle-ci, ce qui n'a d'incidence, en l'espèce, que sur les demandes de dommages et intérêts pour dégâts matériels et pour expulsion illicite, puisqu'il n'est pas contesté que les loyers et éventuelles indemnités d'occupation ne sont dûs que jusqu'au mois de février 2018. M. [B] soutient que la locataire a quitté les lieux sans donner congé, laissant ainsi des tiers s'y introduire, ce qui a nécessité une intervention policière le 6 février 2018 , à la suite de laquelle il n'a eu d'autre choix que de changer la serrure pour des raisons de sécurité, fin février 2018. Mme [S] estime avoir subi une expulsion illicite, exposant avoir quitté les lieux en septembre 2017 pour des raisons de santé liées au mauvais état des lieux mal isolés et humides, mais sans avoir eu l'intention de donner congé, et indiquant que les clefs ont été changées sans qu'elle en soit informée ni qu'elle en ait le double. Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'obligation de jouissance paisible du lieu par le locataire est prévue par l'article 1728 du code civil ; le locataire ne doit pas causer de troubles ou nuisances aux autres locataires de l'immeuble ou au voisinage immédiat, et il ne doit pas altérer par des dégradations ou des pertes le bien loué, ni le transformer. De manière générale, le preneur est tenu d'user de la chose louée "en bon père de famille" et "raisonnablement"; il doit s'abstenir de tout comportement pouvant nuire au logement donné à bail et à la tranquillité des lieux dans lesquels s'exécute le contrat de bail. Pour mémoire, ce texte doit se combiner avec l'article 1735 du code civil selon lequel "le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires." Pour sa part, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et de lui assurer la jouissance paisible du logement ce qui résulte de l'article 1719 du code civil, cette obligation, qui persiste tout au long du bail et ne cesse qu'en cas de force majeure. Il résulte de ces dispositions que le juge peut prononcer la résiliation d'un bail dès lors qu'il est établi qu'une des parties a gravement manqué à ses obligations contractuelles. Il résulte des éléments du dossier que : - le 6 février 2018, la police des frontières a ouvert l'appartement litigieux et a procédé à la perquisition et à l'évacuation des lieux qui étaient occupés par des personnes en situation irrégulière, un serrurier ayant sécurisé la porte d'entrée de l'appartement avec des planches de bois, cette affaire faisant l'objet d'une instruction judiciaire au tribunal de grande instance de Béthune dans laquelle M. [B] s'est constitué partie civile; -Mme [S] ne rapporte aucune preuve de ses allégations selon lesquelles les lieux étaient humides ou mal isolés, de nature à affecter sa santé et celle de sa fille et justifiant qu'elle les ait quittés de septembre 2017 à février 2018, étant rappelé qu'elle indique elle même, au contraire, qu'elle n'envisageait pas de donner congé. Mme [S] a quitté les les locaux pendant plusieurs mois de sorte qu'ils ont été occupés par des squatters, ce qui a nécessité une intervention policière ; elle a ainsi commis un manquement grave à son obligation de jouissance paisible des lieux donnés à bail, justifiant la résiliation du bail à la date du 6 février 2018. Sur la demande formée par Mme [S] au titre de l'expulsion illicite Il résulte des éléments du dossier qu'à la suite de l'intervention des services de police, M. [B] a fait changer la serrure fin février 2018, si bien que Mme [S] n'a pas pu pénétrer dans les locaux lorsqu'elle a tenté d'y revenir, ce qui est attesté notamment par procès-verbal de constat d'huissier de justice du 5 mars 2018. L'expulsion est une opération étroitement encadrée qui n'autorise aucune initiative personnelle du propriétaire, si ce n'est celle de s'adresser à la justice pour obtenir l'autorisation nécessaire, le simple constat d'une reprise illicite des lieux ouvrant droit à réparation ; une expulsion illégale constitue, nonobstant l'absence de titre d'occupation des lieux, une violation du domicile et une atteinte au respect de la vie privée qui ouvre ipso facto droit à réparation (Civ 3.6 juillet 2017, pourvoi no16-15.752, publié). En l'espèce, quand bien même le changement de serrure intervenait dans un contexte d'urgence, M. [B] n'invoquant cependant pas de force majeure, Mme [S] ne s'est pas vu remettre les clés et n'a pas été mise en situation de reprendre possession des lieux qui, quand bien même elle ne s'y trouvait pas lors des mois précédents, constituaient son domicile ; la cour relève d'ailleurs que l'attestation produite par M. [B], établie par un voisin, M. [F], indique que "Mme [S] est revenue le 24 février 2018 avec M. [B] afin de récupérer sa télévision et sa machine à laver". Au vu de ces éléments, Mme [S] a subi une expulsion illicite résultant des agissements de M. [B] et ouvrant droit à réparation. Le préjudice subi justifie l'octroi d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Sur la demande formée par M. [B] au titre des dégâts matériels L'état des lieux d'entrée fait état d'un logement en bon état ou état moyen. Aucun état de lieux de sortie n'a été réalisé par les parties, aucune d'elles n'ayant tenté de prendre une initiative à ce sujet ; il appartient au bailleur de démontrer que les dégâts qu'il constate sont imputables au locataire. M. [B] produit un devis de travaux du 5 mars 2018 pour un montant total de 23.609,30 euros, pour la rénovation d'un logement dont l'adresse n'est pas indiquée, ainsi que des photographies non datées et sans références fiables, lesquelles ne sont donc pas explicites par elles-mêmes et ne rapportent pas la preuve des manquements de Mme [S]. Cependant, il est établi que Mme [S] avait reçu les lieux en bon état et qu'elle a manqué à son obligation de jouissance paisible en laissant s'y introduire des squatters, ce qui a nécessité l'intervention de la police et des dégâts subséquents à celle-ci, justifiant que Mme [S] soit condamnée à payer à M. [B] et Mme [T], la somme totale de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Il n'y aura pas lieu à compensation des dettes des parties puisque Mme [T] n'est tenue d'aucune somme au titre de l'expulsion illicite. Sur le trouble de jouissance invoqué par Mme [S] Mme [S] demande des dommages-intérêts d'un montant de 17.387,37 euros au titre du trouble de jouissance résultant de la surface habitable réduite du local loué, de 23 m² selon elle au lieu de 93 m2 indiqué dans le bail, soutenant qu'en réalité le local était initialement destiné à un commerce sur un espace de 70 m². Il résulte des pièces produites par Mme [S] que le bien loué est un appartement réalisé dans un ancien atelier professionnel, le service urbanisme de la commune de [Localité 8] n'ayant pas été saisi d'une demande de changement destination comme il a été indiqué à Mme [S] par courrier du 20 mars 2018. Elle produit également une attestation de surface établie par une société de géomètre expert le 25 octobre 2004 d'où il résulte que le bien litigieux est bien un appartement de quatre pièces principales, en duplex, comportant un double séjour, une cuisine avec placard et un WC, un placard avec deux chambres et une salle de bains, pour une surface totale de 93 m², ce qui est conforme aux mentions portées au contrat de bail. L'état des lieux d'entrée confirme, comme le contrat de bail, que le bien donné en location est effectivement aménagé en appartement et il n'est pas soutenu ni démontré que les équipements essentiels à l'habitation faisaient défaut. Comme il a déjà été dit plus haut Mme [S] ne produit en outre aucune pièce justifiant avoir subi des problèmes d'insalubrité, ou tenant à l'indécence des lieux ou à leur humidité prétendue. Au regard de ces éléments, Mme [S] ne démontre pas avoir subi un préjudice de jouissance justifiant l'octroi de dommages et intérêts. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre. Sur la demande de restitution de loyers indus Les parties produisent deux exemplaires du contrat de bail, tous deux signés et complétés par la mention "lu et approuvé" mais comportant des indications différentes quant au montant des loyers : le contrat produit par Mme [S] mentionne un loyer mensuel de 1.100 € , tandis que celui produit par M. [B] indique un loyer mensuel de 1.200 € et « payé 1100 € après déduction pour travaux pendant trois ans : 3600 €", M. [B] précisant qu'il n'y a pas eu de travaux. Aucune somme n'est mentionnée au titre des charges, qui ne sont pas débattues par les parties. M. [B], qui admet un trop perçu au titre des loyers, estime qu'il doit le conserver à titre de dommages et intérêts « à défaut de résiliation du bail par le fait du locataire, le bailleur pouvant le mener jusqu'à son terme et bénéficier de ce revenu économique". Cette demande et ce moyen ne sauraient être accueillis, les loyers étant dus par le locataire en contrepartie de son occupation des lieux en exécution du bail et non à titre de dommages et intérêts. Les parties ne donnant aucune explication sur l'existence de ces deux versions du bail et les paiements n'ayant pas eu lieu mensuellement mais par quelques versements importants, il convient de retenir que le loyer mensuel était de 1.100 euros. En tout état de cause, comme rappelé par le jugement, les parties s'accordent à dire que Mme [S] a réglé au total la somme de 44.000 euros au titre des loyers, en plusieurs paiements d'un montant, notamment de 14.000 et 15.000 euros, y compris selon les termes même des conclusions de M. [B] au titre des loyers des années 2018 et 2019, alors que les lieux ont été occupés et ouvrent droit à paiement à ce titre du 1er mai 2016, date d'effet du bail selon le contrat, jusqu'au 19 février 2018, date de changement des serrures par M. [B], soit 21 mois et 19 jours. Ainsi il convient de retenir que les loyers dus s'élèvent à 23.796 euros (soit [1.100 euros x 21] + 696 euros). M. [B] sera donc condamné à rembourser à Mme [S] la somme de correspondant aux trop perçu de loyers et indemnités d'occupation à partir du 6 février 2018. M. [B] sera condamné à verser à Mme [S] la somme de 20.204 euros (soit 44.000 euros - 23.796 euros). Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens: Les termes de la présente décision ne justifient pas que les dispositions du jugement en ce qui concerne les dépens et indemnité au titre de l'article 700 de première instance soit infirmées. En ce qui concerne l'instance d'appel, il convient de dire que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens ; il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ; Déclare irrecevable la demande d'annulation de l'assignation et des actes de procédure antérieurs au jugement ; Rejette les demandes d'annulation du jugement entrepris et d'inopposabilité de celui-ci à l'égard de Mme [N] [T] ; Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il : -prononce la résiliation du bail d'habitation au 6 février 2018, au titre des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 8]), -rejette la demande Mme [S] [K] au titre du trouble de jouissance, -statue sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et à l'exécution provisoire ; Et statuant à nouveau et y ajoutant, Déclare inopposable à Mme [N] [T] le bail conclu avec Mme [S] [K] le 19 avril 2016 ; Condamne M. [V] [B] à payer à Mme [S] [K] la somme de 20.204 euros au titre d'un trop-perçu de loyers et indemnités d'occupation; Condamne M. [V] [B] à payer à Mme [S] [K] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne Mme [S] [K] à payer à M. [V] [B] et Mme [N] [T] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens d'appel, Rejette toutes autres demandes. La Greffière La Présidente assesseur pour le Président empêché
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No RG 22/04340 No Portalis DBVX-V-B7G-OLOJ Nom du ressortissant : [Y] [U] [W] PRÉFET DE LA SAVOIE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 14 JUIN 2022statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 03 janvier 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 14 Juin 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [Y] [U] [W] né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 3] (NIGERIA) de nationalité Nigériane Actuellement retenu au [Adresse 5] comparant, assisté de Maître Morgan BESCOU, avocat au barreau de LYON, choisi, et avec le concours de Monsieur [O] [N], interprète en langue anglaise inscrit sur liste CESEDA, serment prêté à l'audience, M. PRÉFET DE LA SAVOIE [Adresse 6] [Adresse 4] [Localité 2] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 14 Juin 2022 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Par décision du 14 avril 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [Y] [U] [W], se déclarant de nationalité nigériane, en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de l'arrêté préfectoral en date du 14 avril 2022 par lequel le préfet de la Savoie a fait obligation à [Y] [U] [W] de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 2 ans. Par décision du 16 avril 2022, confirmée en appel le 20 avril 2022 et par décision du 14 mai 2022 confirmée en appel le 17 mai 2022, le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la prolongation du maintien de [Y] [U] [W] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Suivant requête du 12 juin 2022, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 13 juin 2022 a fait droit à cette requête. [Y] [U] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 13 juin 2022 à 16 heures 52 en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et qu'il s'est heurté à un refus lorsqu'il a voulu montrer son schéma vaccinal complet figurant dans son smartphone conservé dans sa fouille. [Y] [U] [W] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 14 juin 2022 à 10 heures 30. [Y] [U] [W] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [Y] [U] [W] a montré à son contradicteur et à la juridiction copie du QR Code présent dans le smartphone de l'intéressé, QR Code sous lequel est apposé la mention suivante : « MODERNA injection 2/2 en date du 3 septembre 2021 ». Le conseil de [Y] [U] [W] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Il soutient qu'il est important de savoir si son client a effectivement été emmené à l'aéroport le 27 mai et si un problème technique est intervenu le 26 empêchant la réalisation d'un test PCR. Le préfet de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. Il exprime son incompréhension face au revirement de M. [U] [W] qui a toujours clamé qu'il ne voulait pas retourner au Nigeria et se prévaut désormais d'un schéma vaccinal complet dont il n'a jamais parlé auparavant. [Y] [U] [W] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il a été emmené à l'aéroport le 26 mai, qu'il n'a pas refusé de faire le test PCR et qu'il n'a pas voulu signer car il ne lui était pas possible alors d'expliquer les raisons pour lesquelles il ne voulait pas signer. Il ajoute que le 27 mai il a été emmené à l'aéroport pour être ensuite ramené au centre. Il indique qu'il ne connaît pas la différence entre le COVID et test PCR. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [Y] [U] [W] relevé dans les formes et délais légaux prévus est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L.741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu quel'article L. 742-5 du même code dispose que : « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai » ; Attendu que le conseil de [Y] [U] [W] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond pas aux conditions de la troisième prolongation ; Qu'il fait valoir [Y] [U] [W] n'est pas soumis à l'obligation du test PCR pour se rendre au Nigeria puisqu'il est doublement vacciné et dispose d'un schéma vaccinal complet ; Qu'il n'a pas refusé le test PCR du 26 mai 2022, mais a refusé de signer le procès-verbal sans qu'il lui soit loisible d'expliquer les raisons pour lesquelles il refusait de signer ; Qu'il soutient qu'il doit être demandé au centre de rétention des éléments d'information sur les déplacements des 26 et 27 mai 2022 sauf à mettre dans l'impossibilité [Y] [U] [W] de démontrer sa bonne-foi ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que : - un vol à destination du pays d'origine de [Y] [U] [W], à savoir le Nigéria, était programmé le 29 avril mais l'intéressé a refusé de se soumettre à un test PCR exigé par les autorités du Nigeria et le vol a du être annulé, - le pôle central de l'éloignement du ministère de l'intérieur a été saisi dès le 28 avril 2022 en vue de la réservation d'un nouveau vol en direction du Nigéria, programmé pour le 27 mai 2022, - le 26 mai 2022 [Y] [U] [W] a été soumis à un test PCR mais a refusé une nouvelle fois de se soumettre audit test ce qui a contraint la préfecture a annuler le vol, - un nouveau routing a été sollicité et un départ est prévu pour le 19 juin prochain ; Attendu que l'obstruction se définit comme une tactique, un ensemble de manoeuvres employées pour entraver le bon déroulement d'une action, d'un processus ; Que [Y] [U] [W] affirme après plus de 58 jours de rétention qu'il dispose d'un schéma vaccinal complet, ce qui lui permettrait de voyager aisément ; Qu'il a montré à l'audience de ce jour un QR Code attestant d'une seconde vaccination de Moderna ; Que [Y] [U] [W] affirme également ne pas connaître la différence entre le Covid et un test PCR ; Qu'à tout le moins, il a compris la nécessité pour sa santé de se faire vacciner puisqu'il se prévaut désormais de son schéma vaccinal complet ; Que le monde entier a été plongé dans une crise sanitaire due au virus de la Covid-19 ; Qu'il n'est pas vraisemblable de suivre les allégations de M. [W] lorsqu'il déclare ne rien comprendre ni connaître les différences entre Covid-19 et l'exigence d'un test PCR ; Attendu que deux vols pour le Nigéria ont été programmées afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement ; Que suivant deux procès-verbaux dressés les 28 avril 2022 et 26 mai 2022 par des policiers assermentés, il est indiqué que [Y] [U] [W] a refusé de se soumettre au test PCR ; Que le procès-verbal dressé le 26 mai 2022 établit que [Y] [U] [W] a été invité à se soumettre à ce test par le truchement d'un interprète et qu'il a refusé de signer alors qu'il a été informé de la nécessité de réaliser ce test pour le vol prévu le lendemain et des conséquences encourues ; Que l'intéressé dément cette réalité ; Que le procès-verbal de police fait foi jusqu'à preuve contraire et que les déclarations de M. [W] sur les raisons pour lesquelles il aurait refusé de signer sont pour le moins confuses et peu crédibles ; Qu'il n'est pas reproché à M. [W] un refus d'embarquement et que les raisons pour lesquelles il aurait été emmené, selon lui, à l'aéroport le 27 mai 2022 avant d'être ramené au centre de rétention, si tant est que cela soit exact, sont sans incidence sur la présente procédure et qu'il n‘y a pas lieu à ordonner la moindre demande à ce sujet ; Attendu en effet qu'à deux reprises l'intéressé a refusé de se soumettre au test nécessaire pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement alors qu'il savait que cette mesure était indispensable pour l'embarquement du vol prévu ; Qu'il affirme désormais que cette modalité n'était pas nécessaire puisqu'il dispose d'un schéma vaccinal complet ; que le fait d'évoquer pour la première fois cette réalité devant le premier juge participe à la démarche d'obstruction délibérée adoptée par l'intéressé depuis son placement en rétention ; Attendu que l'esprit de la Loi qui anime les dispositions relevées ci-dessus consiste à réduire le temps de la rétention et de privation de la liberté de la personne retenue avant la mise à exécution de la mesure d'éloignement ; Qu'au cas d'espèce, l'autorité administrative justifie des diligences effectuées pour réduire ce temps et justifie que la mesure aurait pu être déjà mise à exécution les 26 avril et 27 mai 2022 si M. [W] n'avait pas, de façon délibérée, fait obstruction à cette mesure ; Que seul le comportement d'obstruction et la dissimulation faite par M. [W] de l'existence d'un pass vaccinal, élément d'information survenu dans les 15 derniers jours, sont à l'origine de l'échec de l'exécution de la mesure d'éloignement qui serait effective depuis le 27 avril 2022 s'il avait obtempéré ; Que cette obstruction a contraint l'autorité administrative à faire face à des circonstances qui relèvent de l'insurmontable, puisqu'elle n'en a pas la maîtrise, soit la nécessité d'attendre la planification d'un nouveau vol et de répondre à l'exigence de tests PCR dans des délais contraints en pleine période de pandémie mondiale sauf si le pass vaccinal de l'intéressé est effectivement valide et valable pour l'embarquement ce qu'elle se doit là encore de vérifier ; Attendu que les conditions d'une troisième prolongation sont réunies et quel l‘ordonnance déférée est confirmée ; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [Y] [U] [W], Confirmons l'ordonnance déférée. Le greffier,Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLEIsabelle OUDOT
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 222 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/17850 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAVXL Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Tribunal d'Instance de Lagny sur Marne - RG no 1118002367 Intimée à titre incident Madame [T] [V] Chez M. [O] [J], [Adresse 4] [Localité 5] née le [Date naissance 3]1976 à [Localité 7] (Roumanie) Représentée par Me Isabelle MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2238 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/034608 du 21/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) Appelante à titre incident SCI LEIRIA Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Localité 6] Représentée et assistée par Me Isabelle NICOLAÏ du Cabinet ARTOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0170, substituée à l'audience par Me Anne RENAUX, même cabinet, même toque COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. François LEPLAT, Président de chambre Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [F] [R] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 17 octobre 2015, la société civile immobilière Leiria, représentée par son mandataire, la société à responsabilité limitée GTS (Gestion Transaction Syndic) a donné à bail à Mme [T] [V], épouse [X] un local d'habitation situé [Adresse 1], moyennant versement d'un loyer mensuel révisable de 490 euros, outre une provision sur charges mensuelle de 80 euros. Se prévalant d'un courrier de congé de la locataire, la SCI Leiria a repris l'appartement et changé les serrures en janvier 2018. Par acte d'huissier de justice du 16 novembre 2018, Mme [T] [V] a fait assigner la SCI Leiria devant le tribunal d'instance de Lagny sur Marne aux fins d'obtenir sa réintégration dans les lieux et des dommages et intérêts. Par jugement contradictoire entrepris du 15 avril 2019 le tribunal d'instance de Lagny sur Marne a ainsi statué : Dit que la SCI Leiria est redevable envers Mme [T] [V] des sommes de : - 2.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réintégration, - 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de ses effets personnels, Dit que Mme [T] [V] est redevable envers la SCI Leiria d'une somme de 7.709,97 euros au titre des loyers et charges échus impayés d'octobre 2016 à janvier 2018 proratisé, dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018 ; Prononce la compensation entre ces obligations ; Condamne en conséquence Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une somme de 5.409,97 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018 ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme [T] [V] aux dépens ; Ordonne l'exécution provisoire. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 16 septembre 2019 par Mme [T] [V] ; Vu les dernières conclusions remises au greffe le 20 août 2020 par lesquelles Mme [T] [V], appelante, demande à la cour de : Vu l'article 1240 du code civil, Vu les articles 1347 et suivants du code civil, Recevoir Mme [T] [V] en ses écritures, fins et conclusions, et, en conséquence : Infirmer le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne en ce qu'il a : - Dit que la SCI Leiria est redevable envers Mme [T] [V] des sommes de : - 2.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réintégration, - 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de ses effets personnels, - Dit que Mme [T] [V] est redevable entre la SCI Leiria de la somme de 7.709,97 euros au titre des loyers et charges échus impayés d'octobre 2016 à janvier 2018 proratisé, dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018, - Prononcé la compensation entre ces obligations et condamné, en conséquence, Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une somme de 5.409,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018, - Condamné Mme [T] [V] aux dépens ; Et, statuant à nouveau : Condamner la SCI Leiria à verser à Mme [T] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à l'impossibilité de réintégrer son logement ; Condamner la SCI Leiria à verser à Mme [T] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi par la perte de tous ses effets personnels ; Limiter la dette locative due par Mme [T] [V] à la SCI Leiria à la somme de 3.725,58 euros ; Ordonner la compensation entre les sommes réciproquement dues par la SCI Leiria et Mme [T] [V] ; Condamner la SCI Leiria à régler à Mme [T] [V] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 37 de la loi no91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, ainsi qu'aux dépens. Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 mars 2020 au terme desquelles la SCI Leiria, intimée, demande à la cour de : Vu l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, Recevoir la SCI Leiria en ses conclusions et de l'y déclarer bien fondée ; Y faisant droit, Débouter Mme [T] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; En conséquence, A titre principal, Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a analysé la reprise des lieux comme une expulsion non conforme et condamné la SCI Leiria à payer à Mme [T] [V] la somme totale de 2.000 euros au titre du préjudice de non-réintégration et 300 euros au titre de la perte de ses objets personnels ; Et statuant à nouveau, Débouter Mme [T] [V] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ; A titre subsidiaire, Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il fixé à 2.000 euros l'indemnité due à Mme [T] [V] au titre du préjudice de non-réintégration et à 300 euros l'indemnité due à Mme [T] [V] au titre de la perte de ses objets personnels ; Débouter Mme [T] [V] de ses demandes indemnitaires nouvelles au titre d'un préjudice moral, ces demandes étant irrecevables comme présentées pour la première fois en cause d'appel, et en toute hypothèse, non démontrées ; En tout état de cause, Confirmer le jugement en ses autres dispositions ; Pour le surplus, Condamner Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la reprise des locaux par la bailleresse : La SCI Leiria poursuit, à titre incident, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a analysé la reprise des lieux en une expulsion non conforme et l'a condamné à payer à Mme [T] [V] la somme totale de 2.000 euros en réparation du préjudice de non-réintégration et celle de 300 euros de celui de la perte de ses objets personnels. Elle fait valoir que son mandataire, la société GTS, a reçu, courant décembre 2017, une lettre simple manuscrite de Mme [T] [V], épouse [X], expédiée de Roumanie, mise aux débats, datée du 4 décembre 2017, avec pour objet : résiliation du bail avec accusé de réception et libellée comme suit : Je vous fais part de la résiliation de mon contrat de location de l'appartement situé au [Adresse 1] comme prévu au téléphone compte tenu que je suis bloquée en Roumanie. Je vous ai fait déposé les clés de mon studio dans votre boîte l'appartement est vide. Je reviendrai vers vous consernant la dette de loyers. Je m'excuse pour tous les problèmes que je vous ai causé ; Qu'à cette époque, sa dette locative était de 7.818,97 euros ; qu'un voisin, M. [D] [C], atteste avoir frappé à la porte de Mme [X] à plusieurs reprises at pas de réponse pendant plusieurs mois. Mme [X] était repartie en Roumanie ; que la société GTS a reçu un dernier SMS de sa part le 6 septembre 2017 dans lequel elle indique qu'elle a demain la Grand sentence à justice et qu'elle retourne en France mardi prochaine ; que la société GTS aurait effectivement trouvé les clés dans la boîte aux lettres ; Que la société GTS n'ayant aucune raison de douter de la sincérité du congé qui lui était notifié, et qui paraissait cohérent, elle a repris l'appartement et l'a redonné en location dès le mois de janvier 2018 ; Que, doutant légitimement de la recouvrabilité de la dette locative d'une locataire repartie en Roumanie sans laisser d'adresse, autre que dans ce pays, elle n'a pas initié de procédure judiciaire à son encontre. Mais, Mme [T] [V] ayant contesté avoir posté ce courrier de congé, c'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'intimée, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge, et que la cour adopte, qu'il a retenu que l'article 12 de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment, dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15 (délai de préavis de trois mois ou d'un mois dans les zones dites tendues) Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre ; La cour ajoutant à cet égard que le bail lui-même en son article 2.10 des conditions générales, stipule que la résiliation par le locataire en cours de bail doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement ; Que s'agissant du courrier litigieux : - l'en-tête mentionne le prénom [L] et non [T] - I'écriture n'est pas similaire à celle du "lu et approuvé" figurant au contrat de bail - la signature apparaît être une tentative de reproduction de celle de Mme [T] [V], d'un trait peu assuré, - le nom apposé sur l'enveloppe, en partie détériorée, à côté de la mention "expeditor" n'est pas [X] ou [V], bien que le nom de [X] apparaisse y avoir été ajouté. Que ces incohérences auraient dû conduire la société GTS, professionnelle mandataire de la SCI Leiria à s'interroger sur la sincérité de ce courrier, sans qu'elle puisse se prévaloir d'une absence de la locataire au moment de la délivrance au demeurant irrégulière, de ce congé, d'une libération des lieux de tous effets personnels et d'une remise des clés non démontrées (les faits relatés dans I'attestation du voisin n'étant nullement datés alors qu'au contraire, il est établi que le dernier contact de l'agence avec la locataire avant la réception du courrier litigieux est un SMS en date du 6 septembre 2017 dans lequel celle-ci indique espérer pouvoir regagner la France le mardi suivant, les termes du courrier laissent apparaître une décision imprévue de résilier le bail, les serrures ont été changées), ni du paiement de la taxe sur les logements vacants pour 2017, survenu en 2018 seulement, soit postérieurement à la reprise des lieux ; Que, des lors, et bien que le courrier provienne de Roumanie, pays d'origine de la locataire, la SCI Leiria ne pouvait valablement arguer avoir été légitimement trompée ; Que la reprise des locaux loués s'analyse ainsi en une expulsion non conforme aux dispositions de l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution qui donne lieu à réparation du préjudice en découlant, ce que la cour confirme. Sur le montant des indemnités allouées par le premier juge, Mme [T] [V] entend voir le jugement réformé et celles-ci portées à 10.000 euros chacune. A cet égard, en cause d'appel, Mme [T] [V] produit essentiellement une déclaration d'accident du travail, survenu le 27 juillet 2017, une attestation Pôle Emploi du 14 mai 2018 mentionnant son licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle de son emploi d'assistante ménagère et des photographies de son appartement prises par sa soeur, non datées et autrement justifiées. La cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Leiria à payer à Mme [T] [V] une indemnité de 2.000 euros en réparation de son impossible réintégration dans les lieux et celle de 300 euros en réparation de la perte de ses effets personnels, les nouvelles pièces produites ne permettant pas de justifier d'un préjudice qui n'aurait pas été justement réparé par le premier juge. Sur la dette locative : Mme [T] [V] conteste le montant de la dette locative arrêtée par la SCI Leiria à la somme de 7.818,97 euros à raison de la non prise en compte de virements de la Caisse d'allocations familiales opérés directement à la société GTS et des versements en espèces dont elle affirme avoir obtenu des récépissés qui lui ont été "volés" par la SCI Leiria lors de la reprise des lieux, demandant à ce qu'elle soit limitée à la somme de 3.725,58 euros. Si, pour les paiements censés être intervenus en espèces entre mars et juillet 2017, aucun élément autre que les dires de Mme [T] [V] ne permet de les établir, en revanche, il ressort d'une attestation de paiement de la Caisse d'allocations familiales de Seine et Marne du 8 janvier 2019, que la somme de 109 euros a été versée directement à la société GTS pour le mois de décembre 2017, ce qui ramène la dette locative à la somme de 7.709,97, que le premier juge a exactement retenue, ce que la cour confirme. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris, Et y ajoutant, Condamne Mme [T] [V] aux dépens d'appel, Rejette toutes autres demandes. La greffière, Le Président,
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AFFAIRE : No RG 19/01595 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGGV Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00095 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. [F] FRUITS ET LEGUMES (DFL) [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [U] [E] épouse [F] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Mme [E] épouse [F] a été embauchée par la SARL [F] fruits et légumes (la société) selon contrat à durée déterminée daté du 22 janvier 2014, en qualité de vendeuse polyvalente, pour une durée de huit mois et une rémunération brute mensuelle égale au SMIC. Ce contrat a été reconduit pour six mois par avenant du 22 septembre 2014. Saisi par Mme [E] épouse [F], qui réclamait la requalification de son contrat de travail et indemnisation de différents chefs de préjudice, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [E] épouse [F] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 2 261,09 euros à titre de rappel de salaires, outre 226,10 euros pour l'indemnité de congés payés afférente, 10 659,39 euros à titre d'indemnité compensatrice transactionnelle, 1 300 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 4 568,31 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.. La remise sous astreinte à Mme [E] épouse [F] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Le jugement a débouté Mme [E] épouse [F] du surplus de ses demandes. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 24 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [R]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 1er octobre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 1er octobre 2021 par la SARL [F] fruits et légumes et Mme [E] épouse [F] ; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 6 ARRÊT DU 17 JUIN 2022 (no /2022, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/00916 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBIYO Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG no 17/06692 Madame [R] [P] épouse [K] [S] [L] [Adresse 4] [Localité 6] Représentée par Me Pierre BESSARD DU PARC de l'AARPI BESSARD DU PARC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907 Assistée de Me Inès FRANCHET D'ESPEREY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907 Monsieur [O] [K] [S] [L] [Adresse 4] [Localité 6] né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 8] Représenté par Me Pierre BESSARD DU PARC de l'AARPI BESSARD DU PARC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907 Assistée de Me Inès FRANCGET D'ESPEREY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907 SARL ISKRA [Adresse 2] [Localité 7] Non assistée non représentée SELARL MONTRAVERS [T], en la personne de Maître [J] [T], ès qualité de liquidateur de la SARL ISKRA [Adresse 1] [Localité 5] Non assistée non représentée COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président Mme Valérie GEORGET, Conseillère Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie Guillaudier dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN - par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 20 mai 2022 puis prorogé au 17 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition. FAITS ET PROCEDURE Au cours de l'année 2016, M. et Mme [K] [S] [L] ont confié à la société Iskra les travaux de rénovation de leur appartement situé [Adresse 4]. Ils ont versé plusieurs acomptes à la société Iskra qui a débuté les travaux en mars 2016 et n'est plus intervenue à compter du 9 juin 2016. La société Iskra a adressé à M. et Mme [K] [S] [L] une facture datée du 24 juin 2016 de 8 000 euros TTC, une facture datée du 25 juin 2016 de 4 000 euros TTC et une facture datée du 27 mai 2016 de 1430 euros TTC. Le 19 juillet 2016, la société Iskra a mis en demeure M. et Mme [K] [S] [L] de lui régler la somme de 13 430 euros TTC. Le 21 juillet 2016, M. et Mme [K] [S] [L] ont contesté devoir cette somme en raison de l'abandon du chantier et de l'absence de reprise des malfaçons. Par acte d'huissier en date du 3 mai 2017, la société Iskra a assigné M. et Mme [K] [S] [L] en paiement de la somme de 13 430 euros TTC et en dommages et intérêts. Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 30 octobre 2019, la société Iskra été placée en liquidation judiciaire et la SELARL Montravers [T] désignée en qualité de liquidateur. Par jugement en date du 22 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a : - condamné M. et Mme [K] [S] [L] à payer à la société Iskra la somme de 12 332,92 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2016, - dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, - débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, - condamné M. et Mme [K] [S] [L] à payer à la société Iskra la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. et Mme [K] [S] [L] aux dépens dont distraction au profit de Maître Louis De Meaux pour ceux dont il aurait pu faire l'avance en application de l'article 699 du code de procédure civile. Par déclaration en date du 31 décembre 2019, M. et Mme [K] [S] [L] ont interjeté appel du jugement, intimant la société Iskra et la SELARL Montravers [T] devant la cour d'appel de Paris. Dans leurs conclusions en date du 30 mars 2020, M. et Mme [K] [S] [L] demandent à la cour de : Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 22 novembre 2019, sauf en ce qu'il a : - rejeté les demandes de la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire désigné suivant jugement du tribunal de commerce du 30 octobre 2019, - déduit la somme de 2 202,50 € TTC des factures établies par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, - déduit la somme de 1 431,58 € TTC des factures établies par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, - écarté les demandes de la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, tendant à obtenir le paiement des travaux prévus pour le studio de Mme [R] [P] épouse [K] [S] [L] et M. [O] [K] [S] [L]. Et statuant à nouveau : Juger que la société Iskra, société en liquidation judiciaire représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, a abandonné sans aucune raison le chantier qui lui a été confié par Mme [R] [P] épouse [K] [S] [L] et M. [O] [K] [S] [L], Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers[T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 2 000 € TTC correspondant à la somme non prise en compte par le tribunal de grande instance de Paris dans les acomptes versés par Mme [R] [P] épouse [K] [S] [L] et M. [O] [K] [S] [L] au titre du devis no18, Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 381 € TTC au titre du surcoût payé par M. et Mme [K] [S] [L] pour l'achat de leur cuisine auprès de la société Houdan, Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 3 080 €TTC correspondant aux prestations doublement facturées par l'intimée à M. et Mme [K] [S] [L], Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 440 € TTC correspondant aux travaux de peinture de la salle de bain facturés à M. et Mme [K] [S] [L] et non exécutés, Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 320 € TTC correspondant aux travaux de peinture dans l'entrée et le couloir de la salle de bain facturés à M. et Mme [K] [S] [L] et non exécutés, Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 885,50 € TTC correspondant aux travaux de remise en état par suite du dégât des eaux imputable à cette société, Juger qu'il convient de déduire des factures émises par la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 2 223,54 € TTC correspondant aux travaux de remise en état par suite des dégradations causées par cette société du fait de l'utilisation d'outils inadaptés, Fixer au passif de la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la créance de M. et Mme [K] [S] [L] à la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts pour les préjudices de jouissance et moral subis par eux, Fixer au passif de la société Iskra, société en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL Montravers [T], prise en la personne de Maître [J] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire, la créance de M. et Mme [K] [S] [L] à la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que tous les dépens dont distraction au profit de Maître Pierre Bessard du Parc, associé de la Aarpi Bessard du Parc, avocat aux offres de droit, Ordonner la compensation entre les sommes auxquelles seront condamnées les parties. La SELARL Montravers [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Iskra, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 mars 2020 et les conclusions de l'appelant le 20 avril 2020, n'a pas constitué avocat. La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 10 février 2022. A titre liminaire, la cour constate que le jugement est définitif en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Iskra dès lors que la SELARL Montravers [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Iskra, n'a pas formé d'appel incident. Sur la demande en paiement de la société Iskra Les premiers juges ont retenu que les pièces versées aux débats par M. et Mme [K] [S] [L] ne permettaient pas de démontrer que les travaux visés dans les devis n'avaient pas été réalisés et qu'il y avait des désordres et, après déduction des acomptes et des travaux de finition, ils les ont condamnés à payer à la société Iskra la somme de 12 332, 92 euros. M. et Mme [K] [S] [L] soutiennent que les premiers juges n'ont pas pris en compte l'acompte de 2 000 euros versé au titre de la facture no2, que la société Iskra a sur facturé le prix de la cuisine, que certaines prestations ont été facturées deux fois, que des travaux ont été facturés sans avoir été réalisés et que certains travaux ont été mal exécutés et ont dû être repris. Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Selon l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. En l'espèce, un premier devis no011-04-2015 a été établi par la société Iskra prévoyant la démolition, l'enlèvement de cloisons, de moulures, du carrelage de la cuisine, d'une cheminée et de portes, le renforcement du plafond et la construction d'un faux plafond, la réparation de l'installation électrique dans la cuisine et dans une chambre, le changement de l'installation d'eau, la création de deux nouvelles cloisons à la place des portes, la pose et le ragréage dans la cuisine et des carreaux sur le sol, la fourniture et la pose de peintures laque des murs, plafond et fenêtre dans la cuisine, la réparation du parquet et la création d'un placard et le montage d'une cuisine avec électroménager sans fourniture pour un montant de 20 207 euros TTC (pièce no4 de M. et Mme [K] [S] [L]). Un second devis no 15-05-2016 a été établi par la société Iskra portant sur la démolition du mur et du sol de la salle de bain, la fourniture et la pose d'une cloison, la création d'une chape sur le sol, la plomberie, la fourniture et la pose d'une douche à l'italienne, la fourniture et la pose d'un WC suspendu, la pose d'une vasque, la pose d'un faux plafond sur la partie extension de la salle de bain, la fourniture et la pose de trois spots dans le faux plafond et de deux prises de terre, la rénovation d'une niche dans le couloir, le ponçage du parquet, la pose d'un enduit spécial sur l'entrée et la nouvelle cloison, l'habillage du plan de travail avec des carreaux de marbre et la vidange des radiateurs pour un montant total de 15 180 euros TTC (pièce no5 de M. et Mme [K] [S] [L]). S'ils n'ont pas signé ces devis, M. et Mme [K] [S] [L] ne contestent pas qu'ils leur ont été remis par la société Iskra et qu'ils correspondent aux prestations commandées. Il résulte des éléments versés aux débats que la société Iskra n'a pas effectué tous les travaux et qu'elle n'est plus intervenue à compter du 9 juin 2016. Les factures adressées à M. et Mme [K] [S] [L] témoignent de cette inexécution partielle puisque celle correspondant au premier devis prévoit une somme à déduire de 1207 euros TTC pour les "finitions restantes" et celle correspondant au second devis mentionne un prix de 12 760 euros TTC, inférieur au montant du devis initial, avec au surplus une somme à déduire de 2 760 euros pour "les finitions restantes" (pièces no13 et 14 de M. et Mme [K] [S] [L]). Contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, il appartient à l'entrepreneur réclamant paiement de démontrer que les travaux ont été achevés conformément aux prévisions contractuelles. En l'espèce, force est de constater que la société Iskra ne verse aux débats aucune pièce pour justifier de la réalisation des travaux dont elle réclame le paiement, étant observé que les factures font état de retenues pour des finitions non réalisées sans préciser à quoi elles correspondent. Elle ne justifie pas non plus des raisons pour lesquelles elle n'a pas terminé le chantier ni d'un quelconque empêchement de la part des maîtres d'ouvrage. En tout état de cause, les factures versées aux débats et établies par la société Iskra sont insuffisantes pour démontrer que les travaux figurant dans les devis ont été entièrement réalisés et que la somme de 13 430 euros réclamée à M. et Mme [K] [S] [L] est justifiée, étant observé que ces derniers ont versé la somme totale de 19 000 euros (pièce no8 ), et pas celle de 17 000 euros, comme retenue à tort par les premiers juges. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [K] [S] [L] à payer la somme de 12 332, 92 euros TTC à la société Iskra et la demande en paiement de celle-ci sera rejetée. Sur les demandes de M. et Mme [K] [S] [L] La cour ayant retenu que la demande de la société Iskra en paiement du montant de ses factures devait être rejetée, les demandes de déductions formées par M. et Mme [K] [S] [L] deviennent sans objet, étant observé, au surplus, qu'aucune demande de condamnation n'est formulée dans le dispositif de leurs conclusions. En cause d'appel, M. et Mme [K] [S] [L] sollicitent que soit fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Iskra une créance de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices de jouissance et moral. Cependant, ils ne versent aux débats aucun élément pour justifier d'un préjudice de jouissance ou d'un préjudice moral et cette demande sera rejetée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme [K] [S] [L] aux dépens et à payer à la société Iskra la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La cour, statuant à nouveau de ces chefs, condamne la SELARL Montravers [T], ès qualités de liquidateur de la société Iskra, aux dépens et rejette toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En cause d'appel, la SELARL Montravers [T], ès qualités de liquidateur de la société Iskra, sera condamnée aux dépens et la demande de M. et Mme [K] [S] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Iskra, Statuant à nouveau et y ajoutant, Rejette la demande en paiement de la société Iskra contre M. et Mme [K] [S] [L], Rejette les demandes de M. et Mme [K] [S] [L] au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral, Rejette toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SELARL Montravers [T], ès qualités de liquidateur de la société Iskra, aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Pierre Bessard du Parc en application de l'article 699 du code de procédure civile. La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 219 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/14064 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAJ5U Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2019 -Tribunal d'Instance de Longjumeau - RG no 11-18-1254 SA LES RESIDENCES LES RESIDENCES, venant aux droits de l'OPIEVOY, inscrite au RCS de Versailles sous le numéro 308 435 460, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité [Adresse 2] [Localité 4] Représentée et assistée par Me Frédéric CATTONI de la SELARL CABINET SALLARD CATTONI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0199 substitué à l'audience par Me Margaux BRIOLÉ, même cabinet, même toque Madame [K] [B] [Adresse 5] [Localité 7] Monsieur [T] [I] [Adresse 3] [Localité 6] Assignations devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 23 septembre 2019, déposées à l'Etude d'Huissier de Justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : François LEPLAT, président de chambre Anne-Laure MEANO, présidente assesseur Bérengère DOLBEAU, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par actes en date respectivement du 19 février 2008 et du 12 avril 2011, la société Opievoy, aux droits de laquelle vient la société d'HLM Les Residences, a loué à Mme [K] [B] un appartement situé [Adresse 3]), moyennant un loyer de 285,76 euros par mois, et un emplacement de stationnement situé [Adresse 1]), moyennant un loyer de 7 euros par mois. Par actes d'huissier du 31 mai 2018, remis à étude, la société d'HLM Les Résidences a fait assigner Mme [K] [B] et M. [T] [I] aux fins, notamment, de constater la résiliation des deux baux à compter du 5 février 2018, constater l'occupation sans droit ni titre du logement par M. [T] [I], ordonner l'expulsion, paiement de la dette locative et d'indemnités d'occupation. Les défendeurs n'ont été ni présents ni représentés devant le tribunal. Par jugement réputé contradictoire entrepris du 12 février 2019 le tribunal d'instance de Longjumeau a ainsi statué : Constate la résiliation des baux du 19 février 2008 et du 12 avril 2011 à effet au 5 février 2018 ; Dit qu'il pourra être procédé à l'expulsion de Mme [K] [B] et à celle de tous occupants de son chef, y compris M. [T] [I], deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, avec l'assistance de la force publique si besoin est ; Déboute la demanderesse pour le surplus de ses demandes ; Condamne M. [T] [I] à payer à la société Les Résidences la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Le condamne aux dépens de l'instance comprenant le coût du commandement ; Ordonne l'exécution provisoire. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 10 juillet 2019 par la société d'HLM Les Résidences ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 26 août 2021 par lesquelles la société d'HLM Les Résidences, appelante, demande à la cour de : "Adjuger à la société les Résidences le bénéfice des présentes, et y faisant droit" ; Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté ; Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Les Résidences de sa demande de condamnation in solidum de Mme [K] [B] et M. [T] [I] au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la date de résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux ; Statuant à nouveau, Condamner in solidum Mme [K] [B], à titre de loyers et charges, et M. [T] [I] , à titre d'indemnité d'occupation égale au montant du loyer tel qu'il aurait été dû si le bail s'était continué avec indexations annuelles, augmentés des charges, le tout majoré de 50%, à compter du 6 février 2018 et jusqu'à la libération des lieux ; Par suite, condamner in solidum Mme [K] [B] et M. [T] [I] au paiement de la somme de 24 578,89 euros à titre d'indemnité d'occupation sur la période du 6 février 2018 au 3 février 2021, et de solde locatif ; Confirmer les autres dispositions du jugement non expressément critiquées si dessus ; Condamner in soldium Mme [K] [B] et M. [T] [I] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner in solidum Mme [K] [B] et M. [T] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera effectué par Maître Cattoni, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant ont été signifiées à Mme [K] [B] et M. [T] [I] le 23 septembre 2019 par dépôt à l'étude. Mme [K] [B] et M. [T] [I] n'ont pas constitué avocat. L'acte de signification de la déclaration d'appel faisait mention de la formule selon laquelle les intimés étaient tenus de constituer avocat faute de quoi, en application des articles 902 et 909 du code de procédure civile, un arrêt pourrait être rendu sur les seuls éléments fournis par l'adversaire et leurs écritures pourraient être déclarées irrecevables. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION La déclaration d'appel ne porte que sur le chef de dispositif du jugement "débout[ant] la demanderesse pour le surplus de ses demandes", dont seul est donc saisie la cour, la résiliation des baux et l'expulsion étant définitivement jugés. Sur la dette locative Il résulte des pièces produites et il n'est pas contesté que : -M. [T] [I] a occupé les lieux sans être titulaire du bail et sans que soit prévue ou ajoutée à celui-ci une clause de solidarité pour le paiement du loyer et des charges, la demande formée par Mme [K] [B] par courrier du 19 octobre 2017 tendant à ce qu'il soit ajouté comme cotitulaire ayant été rejetée par la bailleresse, par courrier du 6 novembre 2017, l'intéressé ne remplissant pas les conditions requises ; -Mme [K] [B] , seule titulaire du bail, a donné congé à la bailleresse par courrier reçu le 5 janvier 2018 à effet au 5 février 2018, indiquant que M. [T] [I] refusait quant à lui de quitter les lieux; - l'état des lieux de sortie contradictoire proposé par la bailleresse par courrier du 8 janvier 2018 pour le 5 février 2018 n'a pas eu lieu, Mme [K] [B] ne s'étant pas présentée au rendez-vous ; - les lieux n'ont été libérés que le 3 février 2021, date à laquelle a été établi le procès-verbal de reprise sans que les clés aient été restituées auparavant. Aux termes de l'article 15, I, dernier alinéa de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, à l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués. Les indemnités d'occupation sont de plein droit dues, dès lors qu'un occupant se maintient dans les lieux après l'expiration de son titre d'occupation, jusqu'à la date de restitution des clés au propriétaire des lieux. Par ailleurs, l'indemnité d'occupation trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire et dans l'article 1240 (ancien1382) du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux ; ayant pour objet de réparer l'entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature compensatoire et indemnitaire ; elle peut être destinée non seulement à compenser les pertes de loyers subies par le propriétaire mais également à l'indemniser des préjudices subis du fait, par exemple, que le logement est indisponible. Sur les loyers et charges dus jusqu'au 5 février 2018 La société d'HLM Les Residences produit des courriers et décomptes d'où il résulte que le 5 février 2018, Mme [K] [B] restait devoir la somme de 850, 20 euros au titre des loyers et charges. Toutefois, en l'absence de co-titularité et de clause de solidarité particulière, Mme [K] [B] est seule redevable des loyers et des charges dus jusqu'au 5 février 2018, date de résiliation du bail. Il n'y a pas lieu de condamner M. [T] [I] à payer cette somme in solidum avec Mme [K] [B] que ce soit en tant que dette de loyer ou en tant qu'indemnité d'occupation, comme l'appelante le demande, alors qu'il n'était qu'hébergé par la locataire qui était tenue de payer les loyers. Mme [K] [B] sera donc condamnée seule à payer la somme précitée à la société d'HLM Les Residences. Sur les indemnités d'occupation dues à compter du 6 février 2018 et jusqu'à reprise des lieux Seule une restitution régulière des locaux loués libère le locataire de toute obligation et c'est la remise des clés au domicile du bailleur ou de son représentant qui matérialise la restitution des lieux loués. En l'espèce, en l'absence de restitution des clés, Mme [K] [B] est redevable de l''indemnité d'occupation, in solidum avec M. [T] [I], quand bien même elle a quitté les lieux avant lui. Il convient d'observer que par courriers du 8 janvier, 12 février et 11 avril 2018, la société d'HLM Les Résidences a clairement indiqué à Mme [K] [B] qu'étant seule titulaire du bail elle devait restituer les clés et se présenter pour procéder à l'état des lieux de sortie, quand bien même les locaux restaient irrégulièrement occupés par M. [T] [I]. Mme [K] [B] et M. [T] [I] seront donc condamnés in solidum aux sommes dues à titre d'indemnités d'occupation. Il est conforme à la nature compensatoire et indemnitaire de l' indemnité d'occupation de fixer celle-ci au montant du loyer et des charges qui auraient été dûs si le bail s'était poursuivi, le tout majoré de 50 %, compte tenu du fait notamment que le logement litigieux a été occupé irrégulièrement, sans respect des règles d'attribution s'imposant en matière de logement social et sans qu'aucune somme n'ait été payée à compter du mois de juillet 2019. Il résulte des pièces produites que les sommes dues à la société d'HLM Les Residences au titre de l'occupation irrégulière des lieux est de 24.169,15 euros, compte tenu des versement effectués entre mars 2018 et juillet 2019; au regard des circonstances précitées il convient d'y ajouter les sommes de: - 713,10 euros correspondant au nettoyage de l'appartement, retrait d'encombrants et menues réparations, étant relevé qu'il résulte du procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 9 février 2021 que l'appartement était en très mauvais état, très sale et comportait 1 m³ d'objets encombrants et qu'il résulte de la facture de l'entreprise ayant procédé aux travaux de remise en état, en date du 4 mai 2021,que ces travaux se sont élevés à la somme de 24.633,30 euros, -133,60 euros correspondant à la moitié du coût du procès-verbal de constat précité. Compte tenu du montant du dépôt de garantie (285 euros) et de la régularisation des charges (151,86 euros) venant en déduction du décompte, la somme totale due par Mme [K] [B] et M. [T] [I] doit être fixé à 24.578,89 euros, soit : 24.169,15 + 713,10+ 133,60 - [285 +151,96] Mme [K] [B] et M. [T] [I] seront condamnés in solidum à payer cette somme à la société d'HLM Les Residences au titre de l'occupation irrégulière des locaux litigieux. Le jugement sera donc infirmé sur l'ensemble de ces points. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Il convient de condamner Mme [K] [B] et M. [T] [I] in solidum à payer à la société Les Residences une indemnité de procédure de 1.500 euros. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, Et statuant à nouveau, Condamne Mme [K] [B] à payer à la société anonyme d'HLM Les Residences la somme de 850,20 euros au titre de la dette de loyers et de charges arrêtée au 5 février 2018; Condamne in solidum Mme [K] [B] et M. [T] [I] à payer à la société anonyme d'HLM Les Residences la somme de 24.578,89 euros à titre d'indemnités d'occupation; Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Et y ajoutant, Condamne in solidum Mme [K] [B] et M. [T] [I] à payer à la société anonyme d'HLM Les Residences la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne in solidum Mme [K] [B] et M. [T] [I] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes. La Greffière Le Président
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MINUTE No 22/540 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 21/00236 - No Portalis DBVW-V-B7F-HO6G Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : S.A.S. TRILUX FRANCE [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 5] Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG INTIMEES : Madame [F] [H] [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN Service contentieux [Adresse 1] [Localité 3] Comparante en la personne de Mme [L] [K], munie d'un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Mme [F] [H], née le [Date naissance 6] 1978, a été engagée le 15 avril 2011 par la SAS Trilux France, dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée, en qualité d'assistante des ventes (ADV). Le 19 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin lui a notifié la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de son accident du travail survenu le 21 janvier 2015. L'état de santé de Mme [H] a été déclaré consolidé le 1er octobre 2017 et l'assurée s'est vu attribuer par la CPAM un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 20% ainsi qu'une rente. Par courrier du 28 août 2017, Mme [H] a demandé à la CPAM de mettre en oeuvre la procédure de faute inexcusable de son employeur, la SAS Trilux France. Faute de conciliation, par courrier du 31 mai 2018, Mme [H] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société Trilux France. Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg remplaçant le TASS a : - déclaré Mme [F] [H] recevable en son action ; - dit que l'accident du travail dont Mme [F] [H] a été victime le 21 janvier 2015 est dû à une faute inexcusable de la SAS Trilux France, son employeur ; - dit que la rente servie par la CPAM du Bas-Rhin en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale sera majorée au montant maximum et que la majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ; - avant dire droit, sur la liquidation des préjudices subis par Mme [F] [H], a ordonné une expertise judiciaire et désigné pour y procéder le docteur [B] dont il a détaillé la mission ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin fera l'avance des frais d'expertise ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin versera directement à Mme [F] [H] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision d'un montant de 2000 euros et de l'indemnisation complémentaire ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à Mme [F] [H] à l'encontre de la SAS Trilux France et a condamné cette dernière à ce titre ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ; - invité la SAS Trilux France à communiquer à la caisse les coordonnés de son assurance la garantissant pour le risque « faute inexcusable » ; - condamné la SAS Trilux aux entiers dépens ; - ordonné l'exécution provisoire de la décision ; - renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour conclusions des parties après expertise. Par lettre expédiée le 7 janvier 2021, la société Trilux France a formé appel à l'encontre de ce jugement. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Aux termes des ses conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2022, la société Trilux France demande à la cour de : - recevoir son appel ; - juger ses demandes recevables et bien fondées ; - infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg le 16 décembre 2020 ; statuant à nouveau : - constater l'absence de faute inexcusable imputable à la société Trilux ; - débouter Mme [F] [H] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; - débouter Mme [H] de l'ensemble de ses fins et prétentions ; - condamner Mme [F] [H] à payer une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens pour la procédure de première instance et la procédure d'appel. Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 7 mai 2021, Mme [F] [H] demande à la cour de : - confirmer le jugement du 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions ; en conséquence : - confirmer que l'accident du travail dont elle a été victime le 21 janvier 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Trilux ; - confirmer que la majoration de la rente accident du travail doit être fixée au maximum ; - confirmer la provision sur dommages et intérêts qui lui a été octroyée pour un montant de 2000 euros ; - confirmer que le jugement est commun à la CPAM du Bas-Rhin ; - confirmer que la CPAM du Bas-Rhin fera l'avance de la provision qui lui a été allouée ; - confirmer que le jugement du 16 décembre 2020 était exécutoire par provision ; en conséquence : - renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, pôle social, pour qu'il soit statué sur les préjudices qu'elle a subis, selon expertise en cours devant le Dr [B] ; - condamner la société Trilux à lui verser 2500 euros pour les frais irrépétibles d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux frais et dépens de l'instance. Aux termes de ses conclusions reçues le 3 août 2021, la CPAM du Bas-Rhin demande à la cour de : - statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS Trilux France dans la survenance de l'accident du travail du 21 mai 2015 de Mme [H], la caisse s'en remettant à l'appréciation de la cour de céans sur ce point ; Si la cour devait confirmer l'existence de la faute inexcusable de l'employeur : - statuer sur la majoration de rente et l'allocation d'une provision ; - confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 décembre 2020 quant au fait que la caisse fera l'avance de toutes les sommes fixées par les juges et en récupérera le montant auprès de la SAS Trilux France ; - renvoyer le dossier par devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'expertise pour l'évaluation des préjudices ; - statuer sur la demande d'article 700 du code de procédure civile sans avance de la caisse à ce titre, et condamner Mme [H] ou la SAS Trilux France aux entiers frais et dépens. En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2022. MOTIFS DE LA DECISION Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Sur la faute inexcusable La société Trilux France demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Mme [H] recevable en son action mais ne développe aucun moyen à cette fin, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Trilux France. La société Trilux France conteste les éléments que Mme [H] invoque au soutien de la faute inexcusable à savoir : - l'existence d'un environnement de travail pathogène faisant valoir qu'elle n'a pas instauré une culture du sur engagement en son sein ; à cet égard, elle donne une analyse différente de tous les points invoqués par Mme [H], - un traitement singulier infligé à Mme [H], - les circonstances des faits survenus le 21 janvier 2015 reconnus comme accident du travail par la CPAM. A titre préliminaire, Mme [H] indique que le classement sans suite de la plainte pénale pour harcèlement moral formulée à l'encontre de M. [U] est sans incidence sur la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Elle expose que l'accident de travail du 21 janvier 2015 s'inscrit dans un contexte de souffrance au travail générée, d'une part, par un environnement de travail pathogène et, d'autre part, par le traitement singulier que la direction lui a fait subir depuis le début de l'année 2014. Elle considère que la faute inexcusable de la société Trilux France est caractérisée par : - la conscience du danger de son employeur puisque l'accident de travail s'inscrit dans le contexte de travail évoqué, après qu'elle a alerté le directeur des ressources humaines des souffrances ressenties, du défaut d'adaptation de son poste et de l'accentuation des pressions à son encontre depuis sa candidature sur les listes CGT, l'Inspection du travail, aucune mesure spécifique et radicale n'ayant néanmoins été prise pour favoriser la communication entre elle et sa hiérarchie, la négligence de son employeur ayant rendu possible l'accident de travail en cause, - la connaissance par son employeur de la gravité des faits puisque le PDG de la société, informé de la survenance de l'accident du travail s'est déplacé en personne et a recueilli ses observations, celles de M. [U] et du salarié témoin, M. [Y], - l'absence de prise de mesures par son employeur avant et après l'accident, l'inertie de la société Trilux ayant directement conduit à l'accident du travail, étant souligné que ce comportement fautif s'est encore prolongé après l'accident. La CPAM s'en remet à la sagesse de la cour sur la faute inexcusable. Aux termes du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Par application des dispositions combinées des articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été l'origine déterminante de l'accident du travail dont a été victime le salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres fautes y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage. Il incombe à Mme [H] de prouver que son employeur, qui avait ou devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Mme [H] et la société Trilux France sont en désaccord sur les circonstances des faits du 21 janvier 2015 que la CPAM a accepté de prendre en charge comme accident du travail au titre de la législation professionnelle. Ainsi, la société Trilux France soutient que les faits rapportés par Mme [H] sont transformés et tronqués et relèvent d'une mise en scène d'un incident avec préméditation, le seul témoignage produit par Mme [H] étant celui de M. [Y] qu'il s'agit d'écarter des débats puisque des différends judiciaires l'opposent à ce témoin (mise en cause de la société pour harcèlement moral et discrimination syndicale), les témoignages qu'elle produit, de son côté, ne corroborant pas les allégations de Mme [H]. Elle conteste qu'il y ait eu une agression mais répète qu'il s'agit d'un incident sans aucune gravité créé par Mme [H], à partir duquel elle a quitté l'entreprise pour ne plus jamais y revenir, la plainte pénale de Mme [H] ayant été classée sans suite. Mme [H], de son côté mentionne une agression au travail par son supérieur hiérarchique direct, M. [O] [U], les quatre témoignages versés au débat par la société étant contestables dès lors que : - une attestation émane de M. [U], son agresseur, - M. [D], salarié et ami très proche de la direction et notamment de MM. [U] et [A], n'était pas présent au moment des faits, étant précisé que son bureau n'avait pas de vue sur le lieu de l'agression, - le salarié, M. [V], n'a pas assisté à la scène dans son intégralité et appartient au noyau dur proche de la direction, - M. [A], président de Trilux est proche de M. [U] et lui a fait des avances qu'elle a refusées. Elle retrace ainsi la chronologie de l'accident du travail dont elle a été victime : avant qu'elle arrive au travail, M. [U] a déposé sur son bureau, un document qu'elle avait rédigé sur sa demande en respectant ses consignes puis l'a dénigrée en raturant brutalement le document remis en se prévalant d'une prétendue nouvelle procédure qui ne lui a jamais été communiquée ; elle s'est ensuite rendue à la photocopieuse, où M. [U] l'a suivie, puis l'a intimidée par un rapprochement physique et des propos visant à l'impressionner et la diminuer psychologiquement tel que « je suis le chef, j'ai tous les droits », la réalité de l'agression psychologique étant attestée par un salarié de la société, M. [Y], témoin de la scène qui se trouvait dans son bureau situé en face de la photocopieuse, dont la porte vitrée était ouverte, lequel est ensuite intervenu ce qui a amené, M.[U], particulièrement gêné, à déclarer, pour se justifier : « il n'y a pas de harcèlement ! », M. [Y] ayant constaté l'état de détresse de Mme [H] au moment de cette agression psychologique voire même physique. Force est de constater que même si Mme [H] et la société Trilux France sont en désaccord sur le déroulement des faits du 21 janvier 2015, cette dernière ne conteste pas le caractère professionnel de l'accident mais lui dénie toute gravité, étant précisé que le fait que la plainte pénale de Mme [H] ait été classée sans suite est sans emport. Mme [H] produit le document de travail qu'elle a établi le 20 janvier 2015 et qu'elle reproche à M. [U] d'avoir barré, ce qui n'est pas contesté par la société Trilux France. Ce document barré porte les mentions « Non!!! OK Accord Retour » et plus bas « Nouvelle procédure ZZR comme tu l'as déjà fait ce jour avec le client [...] ». Mme [H] produit également une attestation de M. [Y] lequel indique que le 21 janvier 2015, il a vu M. [U] suivre Mme [H] au photocopieur central accolé à son bureau vitré et qu'il a été en mesure d'entendre et voir les échanges entre eux deux. Il précise qu'alors que Mme [H] était au photocopieur, M. [U] l'a rejointe pour la menacer et l'intimider, ce dernier lui imposant un contact physique avec son ventre alors que Mme [H] lui demandait d'arrêter de la suivre constamment et de la harceler et lui indiquait qu'elle ne pouvait plus supporter tout cet acharnement, M. [U] ayant alors dit à Mme [H] qu'il était son chef et qu'il ferait ce qu'il voulait. M. [Y] ajoute qu'il s'est alors rendu au photocopieur et a vu M. [U] bondir en arrière pour que le contact avec Mme [H] cesse et l'a entendu dire « il n'y a pas de harcèlement ». Il décrit qu'après cette scène, Mme [H] était en détresse, en état de choc, n'arrivant plus à s'exprimer, bégayant et ayant les mains et une voix tremblantes. Il indique encore que le PDG, M. [A] est venu au photocopieur et les a emmenés tous les trois dans son bureau, Mme [H] ne cessant de dire à M. [U] d'arrêter de la harceler, de lui mettre la pression et de lui donner des directives contradictoires. Il soulignait que Mme [H], au vu de son état, avait des difficultés à s'exprimer. Ce témoignage est conforme aux dispositions du code de procédure civile, est circonstancié, son rédacteur ayant acté le risque auquel il s'exposait en cas de faux témoignage. De son côté, la société Trilux France produit plusieurs témoignages mais aucune des quatre attestations n'est conforme, en tous points, aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile puisqu'elles n'indiquent pas, notamment, qu'elles sont établies en vue de leur production en justice et que leurs auteurs ont connaissance qu'une fausse attestation de leur part les expose à des sanctions pénales. De surcroît, les attestations établies par MM. [N] [D] et [T] [V] ne donnent pas de détails précis sur la scène qui s'est déroulée à côté du photocopieur. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte des attestations produites par la société Trilux France, étant souligné que M. [A] est le PDG de la société Trilux France, partie prenante dans le présent litige. L'altercation verbale et le contact physique inapproprié de M. [U] sont donc établis. A la suite des faits du 21 janvier 2015, Mme [H] a été en mesure de produire un certificat médical d'un psychiatre qui fait état de ce qu'elle a présenté un état anxio-dépressif intense associé à un syndrome de stress post-traumatique, étant rappelé que la CPAM a considéré que ces lésions psychiques caractérisaient un accident du travail du fait de leur apparition brutale et de ce qu'elles étaient liées au travail ou survenues par le fait du travail. Mme [H] soutient que ses troubles psychiques révélés par les faits du 21 janvier 2015 résultent d'une souffrance au travail générée, d'une part, par un environnement de travail pathogène et, d'autre part, par le traitement singulier que la direction lui a fait subir depuis le début de l'année 2014, ce qu'il lui appartient de démontrer. S'agissant de l'environnement de travail pathogène, Mme [H] explique que la société Trilux France entretient une culture du sur-engagement générant une surcharge de travail pour les salariés au détriment de leur santé, ce qui est illustré par l'absence de CHSCT alors que l'effectif de la société dépasse le seuil légal de cinquante salariés depuis plusieurs années. Mme [H] justifie de ce que, rapidement après son embauche, elle a été amenée à travailler dans un contexte de surcharge de travail qu'elle a également subie et qu'elle en a informé sa hiérarchie à plusieurs reprises, ce qui témoigne de ce que cette surcharge de travail n'était pas acceptée par la salariée. En revanche, Mme [H] ne saurait soutenir que l'absence de mise en place d'un CHSCT a contribué à sa souffrance au travail. S'agissant du traitement singulier que la société Trilux France lui a infligé, Mme [H] dénonce : - des injonctions contradictoires, lesquelles sont effectivement établies par les mails du 6 janvier 2015 émanant de Mme [H], M. [U], M. [I] et M. [Y] et par le document du 20 janvier 2015 barré par M. [U], la société Trilux France ne démontrant pas qu'elle avait dûment informé la salariée, de la réalité d'un changement de procédure, en temps utile et avec des modalités adaptées, étant souligné que la méthode employée par M. [U] pour signifier ledit changement de procédure est abrupte et inadéquate, - des remarques déstabilisantes avec des objectifs renforcés par rapport à ses collègues, cependant, aucun des documents qu'elle produit n'est suffisamment évocateur de ce grief, - des motifs discriminatoires, son employeur s'étant montré passif pour aménager son poste suite à son intervention chirurgicale au dos et à la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé par la MDPH le 25 novembre 2014 et lui ayant notifié un avertissement dans un temps où elle était candidate aux élections professionnelles ; Mme [H] démontre qu'effectivement la société Trilux France a trop tardé à respecter les consignes de la médecine du travail qui avait requis la mise à sa disposition, notamment, d'un siège adapté, d'un repose-pied et d'un repose-document, sans prendre en compte le statut de travailleuse handicapée dont la société avait nécessairement connaissance pour avoir fait une demande d'aide financière auprès de l'AGEFIPH, organisme oeuvrant pour l'insertion des personnes handicapées ; quant à la concomitance entre sa candidature aux élections et l'avertissement disciplinaire, Mme [H] ne saurait en tirer argument dès lors que cet avertissement fait l'objet d'une contestation en justice. Mme [H] établit ainsi la réalité d'un environnement de travail pathogène et d'un traitement singulier de nature à expliquer sa souffrance au travail, ce dont la société Trilux France avait conscience puisque Mme [H] s'était plainte de sa surcharge de travail auprès de sa hiérarchie, que les consignes contradictoires émanaient de la hiérarchie, que c'est la société Trilux France qui a été informée par la médecine du travail des mesures nécessaires pour prendre en compte l'état de santé de Mme [H]. Or, la société Trilux France n'a pas pris les mesures nécessaires ou, pour certaines, ne les a pas prises à temps pour préserver Mme [H] de la souffrance qu'elle subissait laquelle a provoqué les lésions psychiques, exacerbées, d'une part, par le comportement de M. [U] le 21 janvier 2015 qui a, encore, ajouté un degré de souffrance à Mme [H] en lui infligeant un contact physique qu'elle ne souhaitait pas, et, d'autre part, par la réaction immédiate et inappropriée du PDG, M. [A] de réunir Mme [H], M. [U], son agresseur et M. [Y]. La faute inexcusable de la société Trilux France est donc retenue et le jugement entrepris, confirmé sur l'existence de la faute inexcusable mais aussi sur ses conséquences (majoration de rente, expertise, provision et action récursoire de la caisse) et sur l'invitation faite à la société Trilux France à communiquer à la caisse les coordonnées de son assurance la garantissant pour le risque «faute inexcusable ». Sur les dépens et les frais de procédure Le jugement entrepris est confirmé sur les dépens. Le jugement entrepris n'ayant pas statué sur la demande de la société Trilux France formulée de ce chef, il y a lieu de la débouter de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A hauteur d'appel, la société Trilux France est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [H] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société Trilux France est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais de procédure d'appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré : DECLARE l'appel recevable ; CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 décembre 2020 ; Y ajoutant : CONDAMNE la SAS Trilux France aux dépens de la procédure d'appel ; CONDAMNE la SAS Trilux France à payer à Mme [F] [H] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel ; DEBOUTE la SAS Trilux France de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure de première instance et d'appel ; DIT que l'instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire de Strasbourg sur l'indemnisation des préjudices subis. Le Greffier,Le Président,
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AFFAIRE : No RG 19/01609 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGHR Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00101 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. DIJOUX FRUITS ET LEGUMES [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [V] [K] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006055 du 26/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffère, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 *LA COUR : Exposé du litige : Mme [K] a été embauchée en qualité de vendeuse par la SARL Dijoux fruits et légumes (la société) selon contrat daté du 8 janvier 2007, à durée indéterminée, pour une rémunération mensuelle brute égale au SMIC. Saisi par Mme [K], qui réclamait diverses indemnités, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [K] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 5054,16 euros à titre de rappel de salaire, outre 505,42 euros pour les congés payés afférents, 3150 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 9134,58 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral, outre 2 000 euros à son conseil sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991. La remise sous astreinte à Mme [K] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 25 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [G]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 29 septembre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 29 septembre 2021 par la SARL Dijoux fruits et légumes et Mme [K] ; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 223 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/22496 - No Portalis 35L7-V-B7D-CBEG6 Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE - RG no 11-19-2908 EPIC VALOPHIS HABITAT, OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DU VAL DE MARNE [Adresse 1] [Localité 2] RCS B 785 769 555 Représentée par Me Maxime TONDI de la SELARL TONDI MAXIME, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 145 Madame [Y] [Z] chez [X] [T] [Adresse 5] [Adresse 5] [Localité 3] Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 5 mars 2020, remise à personne COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. François LEPLAT, Président de chambre Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [G] [C] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par contrat du 14 janvier 2013, Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne a donné à bail à Mme [Y] [Z] et Mme [W] [Z], un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 4], pour un loyer mensuel de 490,83 euros, outre 138,20 euros de provision sur charges collectives et 33,96 euros de provision sur charges individuelles, soit un total de 172,16 euros de provisions sur charges. Selon avenant no1 du 21 novembre 2016, le bail s'est poursuivi au seul bénéfice de Mme [Y] [Z] à compter du 10 juin 2016. Des loyers étant demeuré impayés, Valophis Habitat a fait signifier à Mme [Y] [Z] le 23 janvier 2019 un commandement, visant la clause résolutoire, de payer la somme de 1.025,97 euros correspondant aux échéances impayées au 16 janvier 2019. Par acte d'huissier du 13 mai 2019, Valophis Habitat a fait assigner Mme [Y] [Z] devant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine afin d'obtenir : - le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de la résiliation de plein droit du bail d'habitation et, à titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du bail d'habitation ; - l'expulsion immédiate et sans délai de Mme [Y] [Z] et de tous les occupants de son chef des locaux situés [Adresse 4], avec si besoin le concours de la force publique et d'un serrurier ; - le rappel que le sort des meubles est régi par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] au paiement de la somme de 2.970,27 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 10 avril 2019, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 1.025,97 euros, et à compter de l'assignation pour le surplus ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] au paiement des loyers et charges échus jusqu'à la date du jugement ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges jusqu'à la libération effective des lieux ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] au paiement de la somme de 450 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] au paiement d'une indemnité de 450 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - le bénéfice de l'exécution provisoire ; - la condamnation de Mme [Y] [Z] aux entiers, incluant les frais du commandement de payer. Par jugement contradictoire entrepris du 18 novembre 2019 le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine a ainsi statué : Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 14 janvier 2013 entre Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne et Mme [Y] [Z] concernant l'appartement à usage d'habitation situé au [Adresse 4] sont réunies à la date du 24 mars 2019 ; Ordonne en conséquence à Mme [Y] [Z] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ; Dit qu'à défaut pour Mme [Y] [Z] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ; Rappelle que le sort des meubles est régi par les articles R.433-1, L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ; Condamne Mme [Y] [Z] à verser à Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne la somme de 6.915,12 euros (décompte arrêté au 8 octobre 2019, incluant l'échéance de septembre 2019), avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement ; Dit n'y avoir lieu à condamner Mme [Y] [Z] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraire ; Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme [Y] [Z] aux dépens, lesquels incluront notamment le coût du commandement de payer (101,87 euros), de la saisine de la CCAPEX (dans la limite du coût d'une lettre recommandée avec accusé de réception), de l'assignation devant la présente juridiction (69,75 euros) mais pas de sa dénonciation à la préfecture, de la signification du jugement et des frais d'exécution du jugement ; Ordonne l'exécution provisoire. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 4 décembre 2019 par Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 24 février 2020 par lesquelles Valophis Habitat, appelant, demande à la cour de : Vu le commandement du 23 janvier 2019 Vu les démarches amiables, Dire et juger Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne bien fondé en son appel du jugement rendu par le tribunal d'instance d'Ivry Sur Seine en date du 18 novembre 2019 ; Infirmer le jugement dont appel sur les chefs qui lui font grief et statuant de nouveau ; Constater que la clause résolutoire insérée au bail consenti par Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne à Mme [Y] [Z] suivant contrat sous seing privé en date du 14 janvier 2013 est acquise de plein droit au propriétaire ; En tant que de besoin, Constater que Mme [Y] [Z] n'est pas occupante de bonne foi du logement no13 dépendant de l'immeuble sis à [Adresse 4], ne respectant pas ses obligations essentielles qui sont le règlement des loyers, conformément aux dispositions de l'article 1728 du code civil, et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location vu les manquements par la locataire à ses obligations, conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil ; En conséquence, Ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de Mme [Y] [Z] ainsi que celle de tous occupants de son chef du logement no13 situé à [Adresse 4], si besoin avec l'assistance du commissaire de Police et d'un serrurier, conformément aux dispositions des articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, ainsi qu'aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, s'agissant du sort des meubles se trouvant dans les lieux ; Fixer au montant du loyer normalement appelé le montant de l'indemnité d'occupation, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil ; Condamner Mme [Y] [Z] au paiement mensuel de ladite indemnité d'occupation à compter du "jugement" à intervenir et jusqu'à la libération effective des lieux ; Condamner Mme [Y] [Z] à payer le montant des charges afférentes à l'occupation du logement, jusqu'à la libération des lieux ; En conséquence, actualisant la dette, Condamner Mme [Y] [Z] à payer à Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne la somme de 10.308,30 euros représentant le montant des loyers et charges arriérés au 24 février 2020, et ce avec intérêts de droit à compter du commandement de payer à hauteur de la somme de 1.025 euros et pour le surplus avec intérêts de droit à compter de la présente assignation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 alinéa 1 du code civil, ainsi qu'au paiement des loyers et charges échus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir ; Condamner Mme [Y] [Z] à payer entre les mains de Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne la somme de 450 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil ; Condamner Mme [Y] [Z] au paiement de la somme de 450 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ; Condamner Mme [Y] [Z] au paiement de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel; Condamner Mme [Y] [Z] en tous les dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, qui comprendront en outre le coût du commandement de payer en date du 23 janvier 2019. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées à Mme [Y] [Z], à personne, par acte du 5 mars 2020. Elle n'a pas constitué avocat. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe par Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient de relever à titre liminaire que la déclaration d'appel du 4 décembre 2019 de Valophis Habitat précise que l'appel est limité à "l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamner Mme [Y] [Z] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation et en ce qu'il a débouté Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne de ses demandes plus amples ou contraires et l'a débouté de sa demande d'article 700 du code de procédure civile". En application de l'article 562 du code de procédure civile, la cour n'est donc pas saisie du constat de l'acquisition de la clause résolutoire, de la libération des lieux ou à défaut de l'expulsion de Mme [Y] [Z] ou de tout occupant de son chef. Sur l'indemnité mensuelle d'occupation : Valophis Habitat poursuit l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de Mme [Y] [Z] à payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer courant, outre les charges, jusqu'à libération effective des lieux. À cet égard, Mme [Y] [Z] a indiqué au tribunal, selon les énonciations du jugement : - ne plus payer le loyer depuis le mois de mars 2019 car elle avait laissé l'appartement à son beau-fils qui devait prendre en charge le paiement des échéances, - ne pas avoir informé son bailleur de ce changement de locataire précisant avoir, dans un premier temps voulu rendre le logement, puis à la demande de sa fille, avoir indiqué à Valophis Habitat qu'elle souhaitait le conserver, - n'avoir compris que plus tard que son beau-fils ne réglait pas les échéances de loyers et ne pas savoir qui résidait dans l'appartement, - avoir pris rendez-vous pour un état des lieux de sortie le 24 octobre 2019. A ce jour, aucune information n'est communiquée par le bailleur quant à une remise des clés ou quant à l'exécution de la mesure d'expulsion ordonnée par le premier juge. Mme [Y] [Z] est donc réputée occupante sans droit ni titre du bien loué depuis le 24 mars 2019 et en conséquence redevable, à ce titre, d'une indemnité mensuelle d'occupation que la cour, infirmant le jugement entrepris, fixera au montant du loyer courant. Sur le montant de la dette locative : Devant la cour, Valophis Habitat produit un décompte actualisé de la dette locative de Mme [Y] [Z], arrêté au 24 février 2020, à la somme de 10.308,30 euros, mois de janvier 2020 inclus, au paiement de laquelle, réformant le jugement entrepris de ce chef, la cour condamnera l'intimée. Sur la résistance abusive : L'article 1231-6 du code civil, prévoit que : "Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire". Comme le premier juge, la cour constate que la mauvaise foi de Mme [Y] [Z] n'est pas caractérisée en l'espèce par Valophis Habitat. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en paiement de la somme de 450 euros sur ce fondement. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Il est équitable d'allouer à Valophis Habitat une indemnité de procédure de 1.500 euros, sans pour autant réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes demandes de ce chef. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, selon le deuxième alinéa de l'article 473 du code de procédure civile, Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une indemnité par Mme [Y] [Z] en application de l'article 1231-6 du code civil et une autre en application de l'article 700 du code de procédure civile, Et statuant à nouveau, Fixe l'indemnité mensuelle d'occupation à une somme égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges, qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, Condamne Mme [Y] [Z] à payer à Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne cette indemnité mensuelle d'occupation, à compter de l'échéance d'avril 2019 et jusqu'à la libération effective des lieux, Condamne Mme [Y] [Z] à verser à Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne la somme de 10.308,30 euros, échéance de janvier 2020 incluse, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 1.025 euros à compter du commandement de payer du 23 janvier 2019 et à compter du 24 février 2020, date des dernières conclusions de Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne, pour le surplus ; Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Et y ajoutant, Condamne Mme [Y] [Z] à payer à Valophis Habitat - Office public de l'habitat du Val de Marne la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Mme [Y] [Z] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes. La greffière, Le Président,
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No de minute : 46/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 16 Juin 2022 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 21/00040 - No Portalis DBWF-V-B7F-R7H Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Mai 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :21/09) Saisine de la cour : 20 Mai 2021 M. [T] [W] né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 3] demeurant [Adresse 2] Représenté par Me Myriam LAGUILLON membre de la SELARL LEXNEA, substituée par Maître MAUDUECH-PANCRAZI, avocat au barreau de NOUMEA S.A. LE NICKEL DITE SLN, prise en la personne de son représentant légal en exercice Siège social : [Adresse 4] Représentée par Me Séverine BEAUMEL membre de la SELARL BEAUMEL SELARL D'AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN. Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le 5 mai 2022 puis prorogé au 2 juin puis au 16 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur François BILLON, Conseiller en remplacement de Monsieur Philippe DORCET empêché, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE M. [T] [W], salarié de la S.A. LE NICKEL (SLN) depuis le 1er décembre 1994, a initialement occupé un poste de mécanicien d'entretien avant d'être affecté à un poste de "technicien sous-traitants Risques", collège AATAM, niveau 3 échelon 3, coefficient 240. Il est délégué syndical depuis le 29 mars 2019. Dans le cadre d'un plan de réorganisation des effectifs (dit BBZ), la SLN a affecté M. [T] [W], à compter du 8 avril 2019, sur une mission de "conformité des accès/passerelles". Par ordonnance du 26 mai 2020, le juge des référés du tribunal du travail de Nouméa, saisi par M. [T] [W], a notamment : - jugé que la modification de son contrat de travail était nulle et constituait un trouble manifestement illicite ; - ordonné sa réintégration à son poste et dans ses fonctions de sous-traitant Risques, classification 3.3, coefficient 240, avec l'intégralité de la rémunération afférente et ce avec régularisation de sa prime de nuisance depuis le 1er avril 2019 et sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour de retard ; - condamner la société SLN à lui payer à titre de provision la somme de 100 000 francs CFP de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, outre la même somme au titre de ses frais irrépétibles. Suivant courrier de son conseil du 3 décembre 2020, M. [T] [W] a mis en demeure son employeur de le réintégrer sur son poste initial. Par courrier du 15 décembre 2020, la société SLN a indiqué avoir réintégré l'intéressé à son poste de " technicien sous-traitants Risques" à effet au 1er avril 2019, conformément au courrier adressé au salarié le 25 juin 2020. Soutenant que M. [T] [W] effectuait les mêmes missions qu'avant la modification de son poste, elle estimait respecter l'ordonnance de référé du tribunal du travail du 26 mai 2020. Par acte du huissier du 28 janvier 2021 déposé au greffe de la juridiction le 1er février suivant, M. [T] [W] a fait assigner la société SLN devant le juge des référés du tribunal du travail de Nouméa aux fins de voir : - constater qu'elle ne l'avait pas réintégré dans ses fonctions de technicien sous-traitants Risques suite à l'ordonnance de référé du 26 mai 2020 ; En conséquence, - ordonner à la société SLN de le réintégrer dans son poste contractuel et ses fonctions de technicien sous-traitants Risques sous astreinte de 50 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance rendue ; - condamner la société SLN à lui payer la somme de 2 millions de francs CFP type de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la modification unilatérale de ses fonctions et sa rémunération depuis plusieurs mois ; - liquider l'astreinte prononcée aux termes de l'ordonnance du 26 mai 2020 ; - condamner la société SLN à lui payer une somme à parfaire à titre de provision s'agissant de la liquidation de l'astreinte prononcée aux termes de l'ordonnance du 26 mai 2020 ; - condamner la société SLN à lui verser la somme de 420 000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens. Suivant ordonnance du 7 mai 2021, le juge des référés a : - déclaré irrecevables les demandes tendant à ordonner la réintégration de M. [T] [W] sous astreinte et à condamner la société SLN à lui payer une provision à titre de dommages-intérêts ; - constaté que M. [T] [W] avait été réintégré à un poste équivalent depuis avril 2019, avec la même qualification à son ancien poste depuis juin 2020 ; en conséquence, - dit que l'ordonnance du 26 mai 2020 avait été exécutée dans son intégralité sans délai ; en conséquence, - débouté M. [T] [W] de l'ensemble de ses demandes ; - dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles ; - condamné M. [T] [W] aux dépens. PROCÉDURE D'APPEL M. [T] [W] a interjeté appel de cette décision par requête déposée au greffe de la cour le 20 mai 2021. Au terme de ses dernières écritures du 1er septembre 2021, il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance frappée d'appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de : - constater que la société SLN ne l'a pas réintégré dans ses fonctions de technicien sous-traitants Risques suite à l'ordonnance de référé du 26 mai 2020 et en conséquence : - liquider l'astreinte prononcée aux termes de l'ordonnance du 26 mai 2020 ; - condamner la société SLN à lui payer une somme à parfaire, à titre de provision s'agissant de la liquidation de l'astreinte ; - retenir la compétence de la cour statuant en référé afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite ; - ordonner à la société SLN de le réintégrer dans son poste contractuel et sa fonction de technicien sous-traitants Risques sous astreinte de 50 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt de la cour ; - condamner la société SLN à lui payer la somme de 2 millions de francs à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la modification unilatérale de ses fonctions et de sa rémunération depuis plusieurs mois ; - condamner la société SLN à lui verser la somme de 420 000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et la même somme au titre de ses frais exposés en cause d'appel ; - condamner la société SLN aux entiers dépens ; - débouter la société SLN de ses demandes reconventionnelles. En réplique, la société SLN conclut in limine litis à l'irrecevabilité des demandes de réintégration sous astreinte et de condamnation à une nouvelle provision. Au principal, elle demande à la cour de constater la disparition du trouble manifestement illicite depuis l'ordonnance rendue le 26 mai 2020, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner M. [T] [W] à lui payer la somme de 270 000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles. Pour un exposé exhaustif des moyens respectifs des parties, la cour se réfère expressément à leurs écritures et aux notes de l'audience ainsi qu'aux développements ci-dessous. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la recevabilité des demandes : Vu les articles 488, 491, 885-2, 884-5 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie ; Il appartient au juge des référés, en vertu de l'article 885-2 précité, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et ce même en présence d'une contestation sérieuse. Il est constant que si l'employeur met en oeuvre unilatéralement une modification du contrat de travail d'un salarié protégé ou un changement de ses conditions de travail, notamment la modification de son périmètre d'activité et la perte d'une partie de ses attributions qui constituent un changement des conditions de travail qu'il est en droit de refuser, le salarié peut demander au juge des référés de mettre fin au trouble manifestement illicite qui en résulte (Soc. 9 février 2012, no10-21.829). L'article 488 précité dispose que l'ordonnance de référé, qui n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles. En l'espèce, la société SLN a déjà été condamnée, par ordonnance du 26 mai 2020, à réintégrer M. [T] [W] dans son ancien poste sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard et à verser une provision de 100 000 francs à valoir sur la réparation de son préjudice moral. La cour est, à l'occasion du présent litige, saisie d'une part d'une demande principale tendant à voir augmenter le montant de la condamnation sous astreinte prononcée par le juge des référés le 26 mai 2020, d'autre part, à titre reconventionnel, d'une demande tendant à constater la disparition du trouble manifestement illicite depuis l'ordonnance rendue le 26 mai 2020. Il y a lieu dès lors de déterminer si des circonstances nouvelles justifient, postérieurement à l'ordonnance du 26 mai 2020, la modification ou le rapport des dispositions prises par le juge des référés pour faire cesser le trouble manifestement illicite qu'il avait constaté. Il résulte des explications concordantes des parties et des pièces produites aux débats que M. [T] [W] occupe depuis le mois de juillet 2020, avec effet rétroactif au 1er avril 2019, un poste de technicien sous-traitants Risques et que ses conditions de rémunération ont évolué. Ces circonstances nouvelles justifient à elles seules que les demandes tendant à voir modifier les dispositions de l'ordonnance de référé du 26 mai 2020 soient déclarées recevables et examinées au fond. Sur la demande de réintégration sous astreinte : M. [T] [W] estime que son employeur ne s'est pas conformé à l'obligation qui lui était faite par le juge des référés, aux termes de sa décision du 26 mai 2020, de le réintégrer à son ancien poste. La société SLN soutient au contraire d'une part que M. [T] [W] a été réintégré sur un poste équivalent à son ancien poste, d'autre part qu'il a, sans justification valable, refusé toutes les propositions de reclassement qu'elle lui avait adressées. Il résulte des explications de la SLN que le poste occupé par M. [W] avant le 8 avril 2019 a été supprimé par le plan global de réorganisation des activités dit BBZ. M. [W] indique lui-même être "prêt à être intégré sur un poste ne portant pas la dénomination "Sous-Traitants Risques" du moment qu'il retrouve un poste conforme à ses fonctions contractuelles". De fait, il y a lieu d'examiner si le poste actuellement occupé, par delà sa dénomination, correspond au poste précédemment occupé ou s'il implique des modifications non acceptées du contrat ou de ses conditions de travail, voire d'exercice de son mandat syndical. En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure et notamment du courrier adressé par la société SLN au conseil de M. [T] [W] le 15 décembre 2020, du compte rendu d'entretien d'évaluation du 25 août 2020, de l'organigramme de l'ingénierie SLN au 5 mars 2021 et des bulletins de paie de l'intéressé des mois de juin 2020 à février 2021 ainsi que des explications des parties que M. [T] [W] n'exerce plus de fonctions de chargé de mission mais s'est vu notifier par courrier du 25 juin 2020 qu'il était réintégré sur un poste qualifié de "technicien sous-traitants Risques" avec effet rétroactif au 1er avril 2019 consistant à sécuriser l'ensemble des nouveaux caillebotis de la SLN, mission qu'il indique lui-mêmek, aux termes de ses écritures, avoir acceptée bien qu'il n'ait pas signé d'avenant à son contrat de travail. La comparaison avec le descriptif de son ancien poste (pièce no 4 de l'intimé) permet de constater que les missions confiées sont similaires (analyser les risques, rédiger les fiches d'analyse risques et organiser les plans de prévention, assurer une coordination avec les autres services pour obtenir des autorisations de travail, garantir la conformité des conditions d'intervention au plan de sécurité, vérifier la bonne réalisation des travaux de sécurité sous-traités et en préparer la réception avec les entreprises extérieures) à l'exception de l'assistance de son supérieur hiérarchique à la rédaction d'appels d'offre, à l'émission des bons de commande et à la gestion des factures, tâches qui n'apparaissent pas centrales dans les fonctions de technicien sous-traitants Risques, étant rappelé que l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, faire évoluer les missions du salarié, même protégé, si cette évolution n'entraîne pas, comme en l'espèce, une modification d'un élément essentiel du contrat ou des conditions de travail. Par ailleurs, il résulte de l'examen de ces pièces que les tâches confiées à M. [T] [W], telles que décrites ci-dessus, ne sauraient, de par leurs diversités et leurs technicités, relever d'un poste de simple contrôleur de travaux comme le soutient l'appelant. L'ancien poste, pas plus que le nouveau, n'implique en outre d'organisation subordonnée. Il convient également de relever que M. [T] [W] figure effectivement sur l'organigramme de la société. Il n'est plus globalement pas établi au regard des pièces produites que le poste actuellement occupé impliquait "une perte certaine de responsabilités et de moyens" et qu'il n'ouvre pas des perspectives d'évolution de carrière similaires à celui qu'il occupait avant le 1er avril 2019. Enfin, il résulte des pièces produites et il n'est plus contesté que les conditions de rémunération sont similaires et que la classification AATAM III-3 des deux postes est comparable. Dans le même temps, il résulte de l'appel à candidature interne sur le poste de référent technique de zone sur lequel M. [T] [W] a postulé sans succès et qu'il estime être le plus proche du poste occupé jusqu'au 1er avril 2019 que cet emploi bénéficie d'une classification supérieure (VI1 niveau 3), qu'il requiert un BTS Maintenance Industrielle avec 15 ans minimum d'expérience professionnelle outre une expérience dans les appareils de levage. Les missions principales du poste apparaissent plus nombreuses et requièrent des compétences techniques spécifiques. Elles supposent que soient assumées davantage de responsabilités que dans le poste précédemment occupé par M. [T] [W]. Enfin, M. [T] [W] ne s'explique pas sur les motifs pour lesquels il a refusé le poste de "responsable des godets" qui lui était proposé par son employeur et qui correspond également tant à sa qualification qu'aux missions dont il souhaitait se voir chargé. Au regard de ce qui précède, il convient de relever que le trouble initial à l'ordre public relevé par le juge des référés au terme de son ordonnance du 26 mai 2020 n'est plus caractérisé depuis le 25 juin 2020, date à laquelle l'employeur indique, sans être contesté, avoir signifié à M. [W] sa réintégration sur un poste identique au poste occupé antérieurement au 8 avril 2019. M. [T] [W] sera dès lors débouté de sa demande de réintégration sous astreinte de 50 000 francs CFP par jour de retard. Sur la liquidation de l'astreinte : Aux termes de l'article 491 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie, le juge des référés peut liquider les astreintes à titre provisoire. En l'espèce, l'ordonnance de référé du 26 mai 2020 a condamné la société SLN à réintégrer M. [T] [W] à son ancien poste avec tous les avantages de la rémunération alors prévue avec régularisation à compter du 1er avril 2019 sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour de retard "à compter de la présente ordonnance". Il résulte des pièces produites à l'instance que ladite ordonnance a été signifiée à la société SLN le 2 juin 2020, que M. [T] [W] a été réintégré, avec effet rétroactif, dans un poste identique, avec la même qualification et le même niveau de rémunération suivant courrier du 25 juin 2020. Il n'est pas contesté que les primes de nuisances non versées ont fait l'objet d'un rappel et que M. [W] a retrouve un niveau de prime de nuisance à 8% à compter du mois de juillet 2020. Au regard de ce qui précède et de la célérité avec laquelle, de bonne foi, la société SLN a exécuté son obligation de réintégration, il y a lieu de liquider l'astreinte provisoire assortissant la condamnation à hauteur de 100 000 francs CFP. Sur la provision sollicitée : M. [T] [W], qui échoue à établir que la société SLN a résisté à son obligation de réintégration postérieurement au 25 juin 2022, n'établit pas avoir subi, postérieurement au 26 mai 2020, un préjudice moral indemnisable, de sorte qu'il y a lieu de le débouter de sa demande de provision complémentaire formée à ce titre. Sur les demandes annexes : M. [T] [W], qui a pris l'inititiative de l'instance et de l'appel et échoue à titre principal à faire la démonstration de son bon droit, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. L'équité et la situation respective des parties commandent en revanche de rejeter les demandes réciproques formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Nouvelle-Calédonie. PAR CES MOTIFS DECLARE l'appel recevable ; INFIRME l'ordonnance frappée d'appel ; Statuant à nouveau et y ajoutant : DECLARE les demandes recevables ; DEBOUTE M. [T] [W] de ses demandes de réintégration sous astreinte et de provision ; LIQUIDE à 100 000 francs CFP l'astreinte provisoire assortissant la condamnation à réintégration prononcée aux termes de l'ordonnance de référé du 26 mai 2020 et CONDAMNE la société SLN à verser cette somme à M. [T] [W] ; DEBOUTE les parties de leurs demandes additionnelles ou contraires, y compris celles relatives aux frais irréptibles ; CONDAMNE M. [T] [W] aux dépens de première instance et d'appel ; Le greffier,Le président.
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AFFAIRE : No RG 19/01596 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGGX Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00097 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. DIJOUX FRUITS ET LEGUMES (DFL) [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [C] [J] épouse [N] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Mme [J] a été embauchée par la SARL Dijoux fruits et légumes (la société) selon contrat à durée indéterminée daté du 1er février 2012, en qualité de caissière. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée du 16 mars 2015. Saisi par Mme [J], qui réclamait diverses indemnités, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [J] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 5 224,72 euros à titre de rappel de salaire, outre 525,47 euros pour les congés payés afférents, 3 300 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 9 136,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La remise sous astreinte à Mme [J] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 24 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [H]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 1er octobre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 1er octobre 2021 par la SARL Dijoux fruits et légumes et Mme [J] ; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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MINUTE No 22/548 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 21/00027 - No Portalis DBVW-V-B7F-HOTF Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : [Adresse 3] [Localité 6] Représenté par Me Luc STROHL, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me FERREIRA, avocat au barreau de STRASBOURG Madame [X] [S] [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Stéphanie THIERY, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Me AUER, avocat au barreau de COLMAR (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/531 du 09/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR) Maître [I] [F] ès qualités de liquidateur de Mme [X] [S] [Adresse 2] [Adresse 7] [Localité 5] Représenté par Me Stéphanie THIERY, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Me AUER, avocat au barreau de COLMAR COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Madame Caroline WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Mme [X] [S], a exercé la profession d'infirmière libérale à compter du 1er avril 1997 et était affiliée à titre obligatoire à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO). Placée en arrêt de travail à compter du 28 août 2002 pour raison de santé, elle a été admise au bénéfice d'une rente d'invalidité totale versée par la CARPIMKO à compter du 1er juin 2004 jusqu'au jour de sa retraite anticipée au titre de l'inaptitude au travail. La caisse, ayant eu connaissance de l'encaissement d'honoraires au nom de Mme [S] et qu'elle aurait continué à exercer une activité professionnelle, a décidé de suspendre le versement de la rente invalidité avec effet au 1er juillet 2011 et a diligenté une enquête. Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin a confirmé la décision de la CARPIMKO et ainsi validé la suspension de la rente invalidité de l'assurée. Mme [S] a interjeté appel de ce jugement devant la présente cour qui a rendu un arrêt confirmatif le 26 octobre 2017. Par courriers des 20 décembre 2017 et 3 janvier 2018, la CARPIMKO a, d'une part procédé à la radiation de Mme [S] de la caisse à partir du 1 er janvier 2013 et, d'autre part, sollicité la répétition de 55.914,40 euros correspondant aux prestations invalidité versées indûment pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011. Contestant ces décisions, Mme [X] [S] a saisi la commission de recours amiable de la CARPIMKO laquelle, par décision du 1 er mars 2018 notifiée le 23 mars 2018, a rejeté sa requête. Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 16 mai 2018, Mme [X] [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin aux fins de contester cette décision. Vu l'appel interjeté par la CARPIMKO le 21 décembre 2020 à l'encontre du jugement du 25 novembre 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, auquel le contentieux a été transféré, qui, dans l'instance opposant Mme [X] [S] à la CARPIMKO, a : – déclaré les demandes de Mme [X] [S] recevables, – déclaré prescrite l'action de la CARPIMKO en remboursement des prestations invalidité indûment perçues par Mme [X] [S] du 1 er janvier2009 au 30 juin 2011, – annulé la décision de la commission de recours amiable de la CARPIMKO du 23 mars 2018, – ordonné la radiation de Mme [X] [S] de la CARPIMKO à compter du 1er janvier 2013, – débouté Mme [X] [S] et la CARPIMKO de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, – rejeté toute demande plus ample ou contraire, – condamné la CARPIMKO aux dépens ; Vu les conclusions visées le 11 mars 2022, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la CARPIMKO demande à la cour de ; – confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la radiation de Mme [X] [S] de la CARPIMKO à compter du 1er janvier 2013, – réformer pour le surplus le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son action prescrite concernant les prestations invalidité indûment perçues pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011 et annulé la décision de la commission de recours amiable du 23 mars 2018, – dire et juger que le point de départ du délai de la prescription quinquennale concernant les prestations invalidité indûment perçues par Mme [X] [S] du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011 doit être fixée au 11 décembre 2013, – condamner Mme [S] à lui verser un montant de 55.914,40 euros au titre des prestations invalidité indûment perçues pour la période allant du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011, – condamner Mme [X] [S] à lui verser une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ; Vu les conclusions visées le 31 mars 2022, reprises oralement à l'audience, tant au nom de Mme [X] [S] qu'au nom de Me [I] [F], intervenant es qualités de liquidateur judiciaire de Mme [X] [S], demandant à la cour de : – confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré l'action prescrite et annulé la décision de la commission de recours amiable du 23 mars 2018, – déclarer les demandes de la CARPIMKO irrecevables et en tout état de cause ses demandes et conclusions infondées, – sur appel incident, infirmer le jugement entrepris ayant ordonné la radiation de la CARPIMKO à compter du 1er janvier 2013, – condamner la CARPIMKO à payer à Mme [S] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ; Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. La cour constate que par l'effet dévolutif de l'appel principal de la CARPIMKO et de l'appel incident formé par Mme [X] [S], elle est saisie de l'entier litige cependant que la recevabilité des demandes de l'assurée n'est pas contestée par la CARPIMKO à hauteur d'appel. Sur la régularité de l'action en recouvrement de la CARPIMKO Par voie d'appel incident, Mme [X] [S] sollicite l'annulation des décisions de la CARPIMKO des 20 décembre 2017 et 3 janvier 2018 ainsi que de la décision de la commission de recours amiable notifiée le 23 mars 2018. L'intimée, après avoir rappelé qu'une procédure de liquidation judiciaire prononcée à son encontre le 12 décembre 2008 n'est pas clôturée à ce jour, estime que l'action en répétition de l'indu de la CARPIMKO ne pouvait être engagée qu'à l'encontre du liquidateur de sorte que n'étant pas formulées à l'encontre de celui-ci, les demandes de la CARPIMKO doivent être déclarées irrecevables. Le tribunal judiciaire a néanmoins pertinemment rappelé que Mme [X] [S] conteste une décision de la CARPIMKO lui demandant le remboursement des prestations invalidité litigieuses, de sorte qu'elle porte atteinte aux droits personnels de l'assurée dont les demandes échappent au dessaisissement en application de l'article L641-9 I du code de commerce. Mme [X] [S] considère en outre, sur le fondement de l'article R133-9-2 du code de la sécurité sociale, que la notification de payer datée du 3 janvier 2018 est irrégulière en ce qu'elle n'émane pas du directeur de l'organisme d'assurance maladie. Aux termes de l'article R133-9-2, alinéa premier, du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret no2012-1032 du 7 septembre 2012 applicable au litige, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R142-1, présenter ses observations écrite ou orales. Sans conteste la notification de payer en date du 3 janvier 2018 a été adressée par l'agent comptable de la caisse et il n'est pas produit de délégation de signature du directeur de l'organisme. Toutefois, si en vertu des dispositions de l'article R133-9-2, la notification de payer prévue par l'article L133-4-1 du même code est adressée à l'assuré, ces dispositions n'exigent pas à peine de nullité que la lettre de notification soit signée par le directeur ou par un agent de l'organisme muni d'une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci. Il résulte de ces éléments que la procédure de notification et de recouvrement de l'indu engagée par la caisse est parfaitement régulière. Sur la prescription de l'action en répétition de l'indu La caisse fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil courait à compter du 1er juillet 2011, date à laquelle elle a suspendu le versement de la rente invalidité en raison de l'encaissement par Mme [X] [S] d'honoraires à son nom, de sorte que l'action en répétition de l'indu engagée le 3 janvier 2018 soit postérieurement au 1er juillet 2016 est prescrite. Elle indique avoir suspendu le versement de la pension invalidité de l'assurée à compter du 1er juillet 2011 en raison d'une suspicion de reprise d'activité libérale dont elle n'a pu déterminer le caractère de fraude aux prestations invalidité qu'à compter du 11 décembre 2013. Or, comme relevé par les premiers juges, la caisse a eu connaissance de la fraude dès le 1er juillet 2011, date de suspension du versement de la rente invalidité. Elle pouvait agir jusqu'au 1er juillet 2016. Les sommes indûment perçues au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011 sont donc couvertes par la prescription quinquennale. Sur la radiation de Mme [X] [S] de la CARPIMKO à compter du 1er janvier 2013 Mme [X] [S] fait valoir que la décision de radiation rétroactive a été prononcée de manière discrétionnaire par la caisse, qu'elle n'est pas motivée et ne mentionne aucune disposition statutaire ou légale. Elle demande l'annulation de cette décision. Or comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des informations transmises par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin à la CARPIMKO que Mme [S] n'a plus perçu d'honoraires à son nom à compter du 1er janvier 2013. Dès lors, vu les dispositions de l'article R643-1 du code de la sécurité sociale, c'est à juste titre que la caisse a procédé à sa radiation à compter du 1er janvier 2013. Le jugement sera confirmé. Sur les demandes accessoires Succombant, la CARPIMKO sera condamnée aux dépens de la présente procédure et chaque partie assumera la charge de ses frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE l'appel recevable ; CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant : DEBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures podologues, orthophonistes et orthoptistes aux dépens d'appel. Le Greffier,Le Président,
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COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 6 No RG 21/14314 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEFLD Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle Date de l'acte de saisine : 22 Juillet 2021 Date de saisine : 13 Août 2021 Nature de l'affaire : Demande en paiement direct du prix formée par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage Décision attaquée : no18/12970 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris le 04 Juin 2021 Appelante : S.N.C. EIFFEL-BELLEVUE, Assistée de Me Benoît LOUIS, avocat au barreau de PARIS, Toque : A0689 Représentée par Me Olivier ORTEGA de la SELEURL LexCity, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238 S.A.S. ENTREPRISE DE PEINTURE JEAN LETUVE, prise en la personne de tous représentants légaux, Assistée de Me Cécile TIBERGHIEN, avocat au barreau de PARIS, toque R282, substituant Me Jean-Baptiste PAYET-GODEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R282 Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148 - No du dossier 20210232 ORDONNANCE SUR INCIDENT DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT (no 18 /2022, 3 pages) Nous, Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état, Assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier, FAITS ET PROCEDURE Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes : - Condamne la S.N.C Eiffel Bellevue à payer à la S.A.S. Entreprise de peinture Jean Letuve la somme totale de 146 627,49 euros HT au titre du solde de ses deux marchés de travaux, augmentée de la T.V.A en vigueur au jour des travaux, outre les pénalités de retard dans les conditions fixées à l'article L.441-10 II du code de commerce, dues à compter du 19 septembre 2018 ; - Condamne la S.N.C Eiffel Bellevue à payer à la S.A.S. Entreprise de peinture Jean Letuve la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation injustifiée de ses marchés de travaux ; - Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement ; - Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1342-2 du code civil ; - Condamne la S.N.C Eiffel Bellevue à payer la S.A.S. Entreprise de peinture Jean Letuve une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Rejette toute demande plus ample ou contraire ; - Condamne la S.N.C Eiffel Bellevue aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; - Ordonne l'exécution provisoire. Le 22 juillet 2021, la société Eiffel Bellevue a interjeté appel de ce jugement, intimant la société Entreprise de peinture Jean Letuve devant la cour d'appel de Paris. La société Entreprise de peinture Jean Letuve a, par conclusions d'incident remises et notifiées par RPVA le 19 janvier 2022, saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir : -déclarer caduque la déclaration d'appel de la société Eiffel Bellevue ; -condamner la société Eiffel Bellevue au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société Eiffel Bellevue aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile. La société Entreprise de peinture Jean Letuve se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi no 18-10.983, 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publié, 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi no 20-13.210, publié). Elle soutient que les conclusions de l'appelant visées par l'article 908 du code de procédure civile ne sollicitent pas l'infirmation du jugement, en violation de l'article 954 du même code, de sorte que la caducité de l'appel doit être prononcée. La société Eiffel Bellevue, par conclusions d'incident remises et notifiées par RPVA le 18 mai 2022, demande au conseiller de la mise en état de rejeter les conclusions de la société Entreprise de peinture Jean Letuve et la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Elle objecte que les exigences de l'article 954 du code de procédure civile ont été respectées. Elle observe que le dispositif des conclusions déposées le 22 octobre 2021 tend à la réformation du jugement en ce qu'il expose une prétention claire à la condamnation de la société Entreprise de peinture Jean Letuve, qu'elle n'a pas procédé par renvoi ou référence et que ce dispositif fait écho à la déclaration d'appel du 22 juillet 2021 qui ne laisse aucune ambiguïté quant aux chefs du jugement critiqué. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi no 20-15-766, publié). Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement a été affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publié). En l'espèce, la société Eiffel Bellevue a interjeté appel du jugement postérieurement à l'arrêt précité du 17 septembre 2020. Les conclusions de l'appelante, déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, ne comportent aucune prétention sollicitant l'infirmation ou l'annulation du jugement. Les mentions de la déclaration d'appel ne sauraient pallier cette absence. Il s'ensuit que la déclaration d'appel est caduque. La société Eiffel Bellevue sera condamnée aux dépens avec application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à payer à la société Entreprise de peinture Jean Letuve une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande formée sur ce même fondement sera rejetée. PAR CES MOTIFS Déclarons caduc l'appel interjeté le 22 juillet 2021 par la SNC Eiffel Bellevue ; Condamnons la SNC Eiffel Bellevue aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Recamier Avocat & Associés prise en la personne de Maître [S] ; Condamnons la SNC Eiffel Bellevue à payer à la société Entreprise de peinture Jean Letuve la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejetons la demande de la SCN Eiffel Bellevue sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ordonnance rendue par Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier présent lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Paris, le 16 juin 2022 L'adjoint faisant fonction de greffier,Le magistrat en charge de la mise en état,
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MINUTE No 22/535 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 21/00014 - No Portalis DBVW-V-B7F-HOSK Décision déférée à la Cour : 18 Novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN Service contentieux [Adresse 1] [Localité 3] Comparante en la personne de Mme [N] [V], munie d'un pouvoir Monsieur [C] [X] [Adresse 5] [Localité 4] Représenté par Me Binantifame TABIOU, avocat au barreau de STRASBOURG COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Le 9 février 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin a accepté de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, dans le cadre du tableau no98 des maladies professionnelles, la maladie « lombo-sciatique gauche sur hernie discale foraminale gauche L2-L3 et L4-L5 » du 1er septembre 2014 déclarée par M. [C] [X], né le [Date naissance 2] 1968. Le médecin conseil de la caisse a fixé la date de la consolidation de l'état de santé de M. [X] au 30 septembre 2017 et, le 2 février 2018, la CPAM lui a notifié un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 25% et l'attribution d'une rente. Par requête reçue le 27 mars 2018, M. [X] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) de Strasbourg d'un recours à l'encontre de la décision de la CPAM. Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire remplaçant le TCI a : - déclaré recevable en la forme le recours de M. [C] [X] ; - infirmé la décision de la CPAM du Bas-Rhin ; - dit qu'à la date du 30 septembre 2017, le taux d'IPP de M. [C] [X] était de 70% suite à sa maladie professionnelle du 1er septembre 2014 ; - condamné la CPAM du Bas-Rhin aux entiers frais et dépens de la présente procédure ; - ordonné l'exécution provisoire. Par courrier expédié le 21 décembre 2020, la CPAM a formé appel à l'encontre de cette décision. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Aux termes de ses conclusions reçues le 9 septembre 2021, la CPAM demande à la cour de : - déclarer son appel recevable et bien-fondé ; - dire et juger que l'IPP de M. [C] [X] fixée à 25%, suite aux seules séquelles constatées en lien avec sa maladie professionnelle du 1er septembre 2014 au titre du tableau no98 est parfaitement justifiée ; en conséquence : - infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 18 novembre 2020 ; - rejeter la demande de condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 30 août 2021, M. [X] demande à la cour de : - déclarer la CPAM irrecevable, en tout cas mal fondée en son appel ; - confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a dit et jugé que son taux d'incapacité permanente est de 70% ; - condamner la CPAM à lui verser une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en première instance et en appel ; - condamner la CPAM aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2022. MOTIFS DE LA DECISION Le jugement ayant été notifié le 23 novembre 2020 à la CPAM, son appel est recevable. Sur le taux d'IPP La CPAM indique que suite au rapport de consultation du Docteur [O], son médecin conseil a contesté ses conclusions faisant état de ce que le taux de 25% devait être conservé à la date de consolidation de l'assuré soit le 30 septembre 2017, l'aggravation de son état de santé relevant de l'invalidité, étant précisé que les épaules ont fait l'objet d'un refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle et ne peuvent ainsi être intégrées dans la fixation du taux d'IPP. La CPAM évoque l'existence d'une dégradation de l'état de santé de l'assuré et sa rechute, laquelle a été acceptée le 2 août 2019, mais considère que les atteintes neurologiques évoquées par l'expert ne concordent pas avec le niveau de la hernie discale reconnue au titre de la maladie professionnelle et relèvent d'un état dégénératif. La caisse ajoute que M. [X] évoque d'autres pathologies et son état de santé général, ces considérations étant sans emport pour fixer le taux d'IPP. M. [X] s'appuie sur le rapport du Docteur [O] qu'il considère comme circonstancié. Se référant aux dispositions de l'article L.434-2 code de la sécurité sociale, il signale que pour l'appréciation des aptitudes et qualification professionnelle, il ne sait pas s'exprimer en français, n'a effectué que des métiers dans le domaine de la maçonnerie sans avoir aucun diplôme. Il fait également état d'une situation médicale difficile depuis de très longues années et reconnue par tous les acteurs de la santé qu'il a rencontrés et précise qu'il a travaillé dans le BTP en France de juin 1991 à janvier 2013, qu'à la suite d'une intervention chirurgicale subie en 2015, son quotidien est devenu insupportable (douleurs atroces, nécessité d'une seconde opération moins de quinze jours après pour tenter de rattraper les erreurs de la première intervention, son état de santé s'étant dégradé après la seconde intervention avec des douleurs encore plus fortes). Il ajoute qu'il a le statut d'invalide avec un taux de 80% depuis le mois de décembre 2015 ainsi que la carte de stationnement correspondant, la décision de la MDPH ayant été prise en tenant compte de sa situation médicale et personnelle, ce qui rend la décision de la CPAM de lui attribuer un taux de 25% incohérente par rapport au taux retenu par la MDPH alors que la situation est identique, voire pire que celle qui a conduit la MDPH à lui reconnaître un taux de 80%. Il indique encore que le médecin conseil n'a jamais voulu examiner ses épaules, qu'il avait d'ailleurs fait une demande de maladie professionnelle pour les deux épaules, ce qui, sans examen, lui a été refusé, alors que, lors des différents entretiens, le médecin conseil ne le retenait pas longtemps dans son bureau afin qu'il ne souffre pas trop, et, a reconnu oralement qu'il ne pouvait plus travailler. Il soutient que l'état des épaules rentre dans les critères de la maladie professionnelle, qu'il a subi différents accidents du travail pendant sa carrière professionnelle et qu'au regard de son état général, il paraît peu probable que l'atteinte des épaules soit le fait d'une simple pathologie dégénérative mais entre bien dans le cadre de séquelles secondaires à des expositions professionnelles et doit, à ce titre, être reconnue comme maladie professionnelle, de sorte que le taux de 70% d'invalidité globale est tout à fait en adéquation. Il fait encore état des avis de professionnels de santé qui le suivent lesquels évoquent une incapacité de travailler, le taux d'IPP de 25%, n'étant pas représentatif de son état psychologique, physique et clinique, son état de santé de dégradant encore. L'assuré social, au titre de la législation professionnelle, bénéficie d'une indemnisation de son incapacité permanente en application des articles L.434-1, L.434-2, R.434-3 et R.434-32 du code de la sécurité sociale en fonction du taux d'incapacité retenu, l'incapacité permanente désignant la perte définitive, partielle ou totale, de la capacité à travailler suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le médecin conseil de la CPAM étant en charge de l'évaluer. Selon les dispositions de l'article L.434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Aux termes des dispositions de l'article R.434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente en matière de maladie professionnelle sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexe 2 du code). Lorsque ce barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accident du travail (annexe 1 du code). Il est de principe que le taux d'IPP doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à cette consolidation et qu'il n'est possible d'indemniser un état pathologique antérieur au titre d'un accident du travail que si celui-ci l'a aggravé. Afin de déterminer le taux d'incapacité permanente, il est possible d'appliquer, à titre de correctif de la nature de l'infirmité, un coefficient professionnel tenant compte des risques de perte d'emploi ou de difficultés de reclassement, du caractère manuel de la profession exercée, du fait d'être victime d'un licenciement pour motif économique, de l'octroi d'une qualification inférieure et de la perte d'une rémunération supplémentaire. En revanche, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient professionnel en cas de changement d'emploi sans déclassement professionnel, avec maintien de la rémunération et de la qualification antérieures à l'accident / la maladie professionnelle. Le 9 février 2015, la CPAM a accepté de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie déclarée par M. [X] à savoir une « radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 » du 1er septembre 2014. Dans son rapport médical d'évaluation du taux d'IPP, le médecin conseil de la caisse, suite à l'examen de l'assuré réalisé le 4 octobre 2017, a évoqué l'existence d'un état antérieur interférent et évoluant pour son propre compte. Le Docteur [O] a relevé que pour fixer le taux d'IPP le médecin conseil n'avait pas examiné les épaules, ce qui s'explique par le fait que la CPAM n'a accepté de prendre en charge que la « radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 » au titre de la législation professionnelle. Quoiqu'il en soit, l'analyse du rapport du Docteur [O] permet de vérifier qu'il n'a pas pris en compte les atteintes aux épaules de M. [X] pour prendre position sur son taux d'IPP puisqu'il indique qu'il est en présence d'une complication par pseudarthrose d'une chirurgie de stabilisation du rachis avec atteinte neurologique des membres inférieurs. Ce médecin s'est référé au barème indicatif applicable en la matière pour retenir un taux d'IPP de 70%, insistant sur l'existence de douleurs persistantes, d'une gêne fonctionnelle très importante, de séquelles fonctionnelles et anatomiques pour conclure à une gravité de la situation de l'assuré rendant nécessaire d'accorder un taux de 40% pour le rachis. Le consultant a également relevé la co-existence de séquelles nerveuses en lien avec une paralysie partielle des deux sciatiques. Au regard des conclusions du médecin consultant qui sont circonstanciées et ont été rendues après l'analyse de nombreux documents médicaux dont il a retranscrit les éléments essentiels, dans le respect des dispositions des articles L.434-2 alinéa 1 et R.434-32 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris. Sur les dépens et les frais de procédure Le jugement entrepris est confirmé sur les dépens. Alors que M. [X] avait demandé devant le tribunal judiciaire de Strasbourg que la CPAM soit condamnée à lui payer une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement entrepris n'a pas statué sur cette demande. La CPAM succombant en appel, il y a donc lieu de condamner la caisse à payer à M. [X] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1000 euros (mille euros) pour ses frais exposés en premier ressort et à hauteur d'appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré : DECLARE l'appel recevable ; CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 18 novembre 2020 ; Y ajoutant : CONDAMNE la CPAM du Bas-Rhin aux dépens ; CONDAMNE la CPAM du Bas-Rhin à payer à M. [C] [X] la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en appel. Le Greffier,Le Président,
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MINUTE No 22/539 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/03640 - No Portalis DBVW-V-B7E-HOH3 Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : S.A.S. TRILUX FRANCE [Adresse 9] [Adresse 5] [Localité 8] Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG Monsieur [B] [G] [Adresse 1] [Localité 7] Représenté par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN Service contentieux [Adresse 2] [Localité 6] Comparante en la personne de Mme [K] [Z], munie d'un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE M. [B] [G], né le [Date naissance 3] 1982, a été engagé le 1er juillet 2011, sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SAS Trilux France, en qualité d'ingénieur support technique. Le 26 novembre 2015, M. [G] a effectué une déclaration de maladie professionnelle (état dépressif sévère) auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin à fin de prise en charge au titre de la législation professionnelle. La CPAM a saisi, pour avis, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 10] lequel, le 25 avril 2017, a indiqué que la pathologie de M. [G] est en relation directe et essentielle avec le contexte professionnel. Le 3 mai 2017, la CPAM, au regard de l'avis du CRRMP qui s'impose à elle, a décidé de prendre en charge la maladie de M. [G] au titre de la législation professionnelle à compter du 26 novembre 2015. L'état de santé de M. [G] a été déclaré consolidé au 25 novembre 2017 selon décision du médecin conseil de la CPAM notifiée le 10 janvier 2018, et le 11 mai 2018, la CPAM a notifié à M. [G] un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 25% avec attribution d'une rente à compter du 26 novembre 2017. Le 28 août 2017, M. [G] a demandé à la CPAM de mettre en oeuvre la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. A défaut de conciliation, par requête expédiée le 20 juillet 2018, M. [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin en vue de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société Trilux France. Par jugement du 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg remplaçant le TASS a : - déclaré M. [B] [G] recevable en son action ; - dit que la maladie professionnelle dont souffre M. [B] [G] est due à une faute inexcusable commise par la société Trilux France, son employeur ; - dit que la rente servie par la CPAM du Bas-Rhin en application de l'article L.452–2 du code de la sécurité sociale sera majorée au montant maximum et que la majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ; - avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par M. [B] [G], ordonné une expertise médicale dont il a détaillé la mission ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin fera l'avance des frais d'expertise ; - accordé à M. [B] [G] une somme de 2000 euros à titre de provision ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin versera directement à M. [B] [G] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et de l'indemnisation complémentaire ; - dit que la CPAM du Bas-Rhin pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à M. [B] [G] à l'encontre de la société Trilux France et a condamné cette dernière à ce titre ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ; - invité la société Trilux France à communiquer à la CPAM du Bas-Rhin les coordonnées de son assurance garantissant le risque faute inexcusable ; - ordonné l'exécution provisoire de la décision ; - réservé à statuer pour le surplus sur les demandes des parties ; - renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour conclusions des parties après expertise. La société Trilux France a formé appel à l'encontre de ce jugement par lettre envoyée le 16 décembre 2020. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2022, la société Trilux France demande à la cour de : - recevoir son appel ; - juger ses demandes recevables et bien fondées ; - infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg le 25 novembre 2020 ; statuant à nouveau : - juger que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G] lui est inopposable ; - débouter M. [G] de l'ensemble de ses fins et prétentions ; en tout état de cause : - juger que l'affection de M. [G] n'a pas d'origine professionnelle ; - débouter M. [G] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; - condamner M. [G] à payer une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens pour la procédure de première instance et la procédure d'appel. Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2021, M. [G] demande à la cour de : - rejeter l'appel entrepris par la société Trilux, et la débouter de toutes ses demandes ; - confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 novembre 2020 en toutes ses dispositions ; en conséquence : - confirmer que la maladie professionnelle dont il a été victime le 26 novembre 2015 est due à la faute inexcusable de son employeur, la société Trilux ; - confirmer que la majoration de la rente maladie professionnelle est portée à son maximum ; - confirmer que c'est à bon droit que le jugement contesté a ordonné une expertise médicale pour apprécier les préjudices qu'il a subis non couverts par la rente ; - confirmer que c'est à bon droit que le premier juge lui a alloué une provision d'un montant de 2000 euros ; y ajoutant : - condamner la société Trilux à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux les frais et dépens de l'instance. Aux termes de ses conclusions reçues le 10 août 2021, la CPAM du Bas-Rhin demande à la cour de : - déclarer irrecevables les prétentions de la SAS Trilux France visant à solliciter l'inopposabilité de sa décision de prendre en charge la maladie professionnelle du 26 novembre 2015 de M. [G] ; - statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS Trilux France dans la survenance de la maladie professionnelle du 26 novembre 2015 de M. [G], la caisse s'en remettant à l'appréciation de la cour de céans sur ce point ; Si la cour devait confirmer l'existence de la faute inexcusable de l'employeur : - statuer sur la majoration de rente et l'allocation d'une provision ; - confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 novembre 2020 quant au fait que la caisse fera l'avance de toutes les sommes fixées par les juges et en récupérera le montant auprès de la SAS Trilux France ; - renvoyer le dossier par devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'expertise pour l'évaluation des préjudices ; - statuer sur la demande d'article 700 du code de procédure civile sans avance de la caisse à ce titre, et condamner M. [G] ou la SAS Trilux France aux entiers frais et dépens. En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2022. MOTIFS DE LA DECISION Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Sur la demande de la société Trilux France tendant à ce que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G] lui soit déclarée inopposable La société Trilux France soutient que le caractère professionnel de la maladie de M. [G] n'est pas établi puisque la plainte pénale a été classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée », que les premiers juges n'ont pas tenu compte des éléments pourtant essentiels de l'enquête pénale et que si les faits ne sont pas établis, le lien entre l'affection dont se plaint M. [B] [G] et la société Trilux ne l'est pas plus. Elle considère qu'il n'est pas normal que le CRRMP n'ait pas été mis au courant de l'existence de la plainte pénale et qu'en l'absence de tout acte pouvant être constitutif d'un harcèlement moral ou syndical, le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi, étant souligné que le conseil de prud'hommes a constaté l'absence d'un tel harcèlement et d'une discrimination syndicale à l'égard de M. [G]. M. [G] réplique que la plainte pénale est sans incidence sur le présent litige. La CPAM fait valoir que la société Trilux France ne peut demander l'inopposabilité de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [G] puisque cette demande n'a pas été faite en première instance, étant souligné qu'une procédure parallèle est toujours en cours sur ce point devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg. Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Considérant que devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, la société Trilux France n'a pas formulé de demande tendant à lui voir déclarer inopposable la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G], cette demande formulée à hauteur d'appel doit être déclarée irrecevable pour être nouvelle. Au surplus, l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre du risque professionnel d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'un rechute. Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime que la maladie n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de la maladie par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle. Sur la faute inexcusable Au soutien de cette demande, la société Trilux France formule les mêmes moyens que pour la demande d'inopposabilité faite précédemment. Elle conteste point par point les allégations de M. [G] selon lesquelles il aurait été victime de harcèlement moral en son sein qui aurait entraîné sa maladie professionnelle. M. [G] fait valoir que la plainte pénale n'a pas d'incidence sur la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et que le litige prud'homal est sans lien avec la présente procédure. Il soutient que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie à savoir un état dépressif sévère auquel ont conduit les faits de harcèlement discriminatoire qu'il décrit et qui imputables à la société Trilux France. Il est de principe qu'un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime que la maladie n'a pas d'origine professionnelle. Il a également été posé en principe que lorsque la maladie professionnelle ne remplit pas les conditions de la présomption d'imputabilité au travail et que la CPAM a été amenée à saisir un CRRMP pour avis avant de rendre sa décision, le juge doit saisir un second CRRMP pour avis avant de statuer sur la demande du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, lorsque le caractère professionnel de la maladie est contesté par l'employeur, en défense à cette action. La maladie déclarée par M. [G] n'est désignée dans aucun tableau des maladies professionnelles et la caisse l'a prise en charge au titre de la législation professionnelle sur le fondement de l'article L.461-1, alinéa 7 du code de la sécurité sociale. Or, il apparaît que le tribunal judiciaire de Strasbourg n'a pas saisi un second CRRMP avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la pathologie de M. [G], de sorte qu'avant de statuer, il y a lieu de procéder à cette désignation et de réserver les demandes des parties, les frais et dépens. PAR CES MOTIFS La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré : DECLARE l'appel de la SAS Trilux France recevable ; DECLARE irrecevable la demande de la SAS Trilux France tendant à ce que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [B] [G] lui soit déclarée inopposable ; statuant de nouveau, avant dire droit : DESIGNE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Bourgogne Franche Comté, [Adresse 4] afin de déterminer si la pathologie déclarée par M. [B] [G] le 26 novembre 2015 « état dépressif sévère » a directement et essentiellement été causée par le travail habituel de M. [B] [G] ; DIT que la CPAM du Bas-Rhin devra transmettre au CRRMP désigné le dossier de M. [B] [G] conformément aux dispositions de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale ; RAPPELLE au CRRMP désigné qu'il dispose, conformément à l'article D.461-35 du même code, d'un délai de quatre mois pour adresser son avis motivé au greffe de la chambre sociale, section 4SB ; DIT que le greffier de la chambre devra transmettre au plus tard dans les quarante huit heures suivant la réception, copie dudit avis aux parties et à leurs représentants ; RESERVE les demandes des parties, les dépens et les frais ; RENVOIE l'affaire à l'audience d'instruction des affaires de sécurité sociale du : Jeudi 2 Mars 2023 à 14h00 - salle 32 DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation pour l'audience de renvoi. Le Greffier,Le Président,
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 221 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/17455 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAURZ Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2019 -Tribunal d'Instance de PARIS - SAS GROUPE PLANET SUSHI [Adresse 2] [Localité 4] RCS NANTERRE : 477 542 823 Représentée et assistée par Me Cyril ROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1231 S.A CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE [Adresse 1] [Localité 3] RCS PARIS : B 388 202 533 Représentée et assitée par Me Rémy HUERRE de la SELARL HP & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J109 substitué à l'audience par Me Alexia LAURENT, même cabinet, même toque COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. François LEPLAT, Président de chambre Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François LEPLAT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous signatures privées du 5 octobre 2010, la société anonyme Caisse Centrale de Réassurance a donné à bail à la société Groupe Planet Sushi un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 5]. La société Groupe Planet Sushi a mis l'appartement loué à disposition de M. [W] [G], gérant, et de sa famille, selon les stipulations de l'article 9-2 des clauses particulières du contrat. La Caisse Centrale de Réassurance lui a fait délivrer le 22 décembre 2017, un commandement de payer les loyers pour un montant arrêté à la somme de 8.611,67 euros au 15 décembre 2017. Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 août 2018, la société Groupe Planet Sushi a donné congé à la Caisse Centrale de Réassurance en invoquant l'absence de résolution amiable du litige l'opposant à sa bailleresse pour la sécurisation des installations électriques qui mettraient en danger les occupants de l'appartement. Par acte d'huissier de justice du 3 décembre 2018, la Caisse Centrale de Réassurance a fait assigner la société Groupe Planet Sushi à comparaître devant le tribunal d'instance de Paris pour voir : - valider le congé délivré le 30 août 2018 ; En conséquence, - ordonner l'expulsion de la société défenderesse et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique; - ordonner le transfert et la séquestration des objets mobiliers garnissant les lieux ; - condamner la société défenderesse à payer la somme de 35.572,63 euros au titre des loyers arrêtés à la date d'expiration du bail ; - condamner la société défenderesse a payer une indemnité d'occupation égale au double du montant du loyer, en application de la clause pénale du bail, et ce à compter du 18 septembre 2018, jusqu'à complète restitution des lieux ; - la condamner par ailleurs à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens ; - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Par jugement contradictoire entrepris du 12 juillet 2019 le tribunal d'instance de Paris a ainsi statué: Déclare recevable et fondée la demande de validation du congé délivrée par la société Groupe Planet Sushi ; Valide le congé délivré le 30 août 2018 ; Constate que le contrat de location signé entre la Caisse Centrale de Réassurance, d'une part et la société Groupe Planet Sushi, d'autre part, s'est trouvé résilié par l'effet de ce congé le 30 novembre 2018 ; Constate qu'à compter du 1er décembre 2018, la société Groupe Planet Sushi est devenue occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 5]) ; Ordonne l'expulsion des lieux loués de la société Groupe Planet Sushi et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ; Autorise le cas échéant la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde- meubles, aux frais et risques de la société Groupe Planet Sushi; Fixe l'indemnité d'occupation due jusqu'à libération totale des lieux, au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail et condamne la société Groupe Planet Sushi à son paiement ; Condamne la société Groupe Planet Sushi à payer à la société Caisse Centrale de Réassurance la somme de 45.024,18 euros au titre des loyers et charges arrêtées au 30 novembre 2018, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017, date du commandement de payer, sur la somme de 8.611,67 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ; Déclare irrecevables les demandes tendant à la mainlevée et à la validation de la saisie conservatoire pratiquée par la Caisse Centrale de Réassurance ; Déboute la société Groupe Planet Sushi de ses demandes de dommages-intérêts et de réfaction du prix du bail ; Déboute la société Groupe Planet Sushi de sa demande de restitution du dépôt de garantie ; Déboute la société Groupe Planet Sushi de sa demande de désignation d'un huissier de justice à faire établir un état des lieux de sortie ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ; Ordonne l'exécution provisoire ; Condamne la société Groupe Planet Sushi aux dépens ; Condamne la société Groupe Planet Sushi à payer à la société Caisse Centrale de Réassurance la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 6 septembre 2019 par la société Groupe Planet Sushi ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 8 février 2022 par lesquelles la société Groupe Planet Sushi, appelante, demande à la cour de : Déclarer recevable la société Groupe Planet Sushi en son appel, fins et conclusions ; Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable et fondée la demande de validation du congé délivrée par la société Groupe Planet Sushi ; Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable et fondée la demande de validation du congé délivrée par la société Groupe Planet Sushi ; Réformer le jugement en ce qu'il a validé le congé délivré le 30 août 2018 ; Réformer le jugement en ce qu'il a constaté que le contrat de location signé entre la Caisse Centrale de Réassurance, d'une part et la société Groupe Planet Sushi, d'autre part, s'est trouvée résiliée par l'effet de ce congé le 30 novembre 2018 ; Réformer le jugement en ce qu'il a constaté qu'à compter du 1er décembre 2018, la société Groupe Planet Sushi est devenue occupante sans droit ni titre du logement situé 95 avenue [Adresse 5] ; Réformer le jugement en ce qu'il a ordonné l'expulsion des lieux loués de la société Groupe Planet Sushi et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ; Réformer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due jusqu'à libération totale des lieux, au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail et condamné la société Groupe Planet Sushi à son paiement ; Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe Planet Sushi à payer à la société Caisse Centrale de Réassurance la somme de 45.024,18 euros au titre des loyers et charges arrêtées au 30 novembre 2018, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017, date du commandement de payer, sur la somme de 8.611,67 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ; Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groupe Planet Sushi en sa demande tendant à voir juger que la société Caisse Centrale de Réassurance a manqué à son obligation de délivrance et de garantie en mettant à la disposition de la locataire un appartement impropre à sa destination causée par la non-conformité et la dangerosité des installations électriques telles que relevées par le rapport d'expertise judiciaire rendue par application de l'ordonnance du juge des référés du 25 septembre 2018 ; Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groupe Planet Sushi de ses demandes de dommages et intérêts et de réfaction du prix du bail ; Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groupe Planet Sushi de sa demande tendant à la restitution du dépôt de garantie ; Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groupe Planet Sushi en sa demande de condamnation de la société Caisse Centrale de Réassurance à payer les frais d'expertise dont elle a fait l'avance en vertu de l'ordonnance du juge des référés ; Réformer le jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire ; Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe Planet Sushi aux dépens ; Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe Planet Sushi à payer à la société Caisse Centrale de Réassurance la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Et statuant à nouveau, Prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société Caisse Centrale de Réassurance à compter du 16 janvier 2018, date de la mise en demeure de mise en sécurité des installations électriques restée sans effet ; Condamner la société Caisse Centrale de Réassurance à restituer à la société Groupe Planet Sushi toute somme perçue en application du bail pour quelque cause que ce soit postérieure au 16 janvier 2018, telles que le paiement de loyers, charges ou indemnité d'occupation ; Condamner la société Caisse Centrale de Réassurance à restituer le dépôt de garantie à la société Groupe Planet Sushi ; Condamner la société Caisse Centrale de Réassurance à payer à la société Groupe Planet Sushi la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat de bail ; A titre subsidiaire, Condamner la société Caisse Centrale de Réassurance à payer à la société Groupe Planet Sushi des dommages et intérêts d'un montant équivalent aux loyers, charges et indemnités d'occupation courants du 16 janvier 2018, jusqu'à la date de libération effective de l'appartement qui sera retenue par la Cour ; Ordonner la compensation entre les sommes auxquelles auront été condamnées les parties à payer l'une envers l'autre ; En tout état de cause, Débouter la société Caisse Centrale de Réassurance de plus amples ou demandes contraires ; Condamner la société Caisse Centrale de Réassurance à payer à la société Groupe Planet Sushi la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Cyril Roux pour ceux dont il a fait l'avance en vertu de l'article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières écritures remises au greffe le 1er février 2020 au terme desquelles la Caisse Centrale de Réassurance, intimée, demande à la cour de : Vu le jugement en date du 12 juillet 2019, Vu les articles 1709 et suivants du code civil, Vu le congé adressé par la société Groupe Planet Sushi le 30 août 2018, Vu le bail à effet du 15 novembre 2010, Déclarer la société Caisse Centrale de Réassurance recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ; Prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle formulée par la société Groupe Planet Sushi de résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur irrecevable ; Prononcer l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle formulée par la société Groupe Planet Sushi de résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur en l'absence de lien suffisant avec la demande principale ; Dire et juger la société Groupe Planet Sushi irrecevable et mal fondées en ses demandes, fins et conclusions ; En conséquence : Confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Paris le 12 juillet 2019 ; Débouter la société Groupe Planet Sushi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; Y ajoutant, Condamner la société Groupe Planet Sushi à payer à la société Caisse Centrale de Réassurance une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société Groupe Planet Sushi aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl HP & Associés. MOTIFS DE LA DÉCISION À titre liminaire, il sera relevé que, en cours de délibéré de première instance, un état des lieux a été contradictoirement dressé entre les parties par procès-verbal d'huissier de justice du 12 juin 2019, constat qui mentionne un départ du locataire courant avril 2019. Sur la résiliation du bail aux torts de la bailleresse : Poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, qui a principalement validé le congé qu'elle a donné à la Caisse Centrale de Réassurance, la société Groupe Planet Sushi demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du bail à compter du 16 janvier 2018, date de la mise en demeure de mise en sécurité des installations électriques restée sans effet. Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, la Caisse Centrale de Réassurance oppose une fin de non-recevoir à cette demande qu'elle considère être nouvelle devant la cour. La société Groupe Planet Sushi lui réplique que cette demande tend aux mêmes fins que celle de dommages et intérêts, formée en première instance en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du manquement de la Caisse Centrale de Réassurance à son obligation de délivrance conforme. Selon l'article 564 du code de procédure civile : "A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait." Force est de constater que si, effectivement, cette demande n'a pas été soutenue par la société Groupe Planet Sushi en première instance, elle tend néanmoins à faire écarter la prétention adverse de paiement, à tout le moins partiel, de l'arriéré locatif en arguant du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, laquelle était déjà en débat devant le premier juge ; qu'ainsi elle n'est pas nouvelle devant la cour et donc parfaitement recevable. La Caisse Centrale de Réassurance soulève une autre fin de non-recevoir tirée de l'article 70 du code de procédure civile, en considération du fait que la demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs du bailleur n'aurait pas de lien suffisant avec l'action en validation de congé. Selon l'article 70 du code de procédure civile : "Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. (...)". Or, comme cela a été précédemment exposé par la cour, cette demande tend à faire écarter la prétention adverse de paiement, à tout le moins partiel, de l'arriéré locatif en arguant du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, arriéré locatif fixé à la suite de la validation du congé, une fois écartée l'exception d'inexécution pour manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance ; qu'ainsi cette demande est suffisamment en lien avec validation du congé et donc parfaitement recevable. Sur le sort de cette demande il y a toutefois lieu de relever que c'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'appelante, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge, et que la cour adopte, qu'il a retenu à propos du prétendu manquement de la Caisse Centrale de Réassurance à son obligation de délivrance, telle que la prévoit l'article 1719 du code civil, qu'il appartenait à la société Groupe Planet Sushi de le démontrer ; Que celle-ci n'a jamais soutenu l'impossibilité d'utiliser les locaux pris à bail à compter du 5 octobre 2010, mais a, postérieurement à la délivrance du commandement de payer la dette locative, adressé, le 16 janvier 2018 par l'intermédiaire de son conseil, un courrier de mise en demeure d'avoir à lui transmettre un état des installations électriques intérieures d'électricité et de faire procéder aux travaux de mise en conformité sans délai ; Que suite à une assignation de la Caisse Centrale de Réassurance par la société Groupe Planet Sushi devant le juge des référés du tribunal d'instance de Paris du 22 janvier 2018, celui-ci en rendu une ordonnance de référé le 25 septembre 2018 désignant un expert ; Que le rapport d'expertise déposé le 25 mars 2019 conclut que "la non-conformité A présente un danger notamment pour les enfants (...) les prises de courant installées à des hauteurs les rendant faciles d'accès pour les enfants (...) la non-conformité B (absence de terre sur les prises de courant) aggrave le danger que représente l'anomalie A" ; Que néanmoins, l'expert indique en amont que les non-conformités qu'il relève [uniquement dans les pièces sèches] par rapport à la norme C 15 100, actuellement en vigueur, sont "purement techniques" et que "la législation n'oblige effectivement pas le bailleur à modifier les installations électriques au gré des évolutions de cette norme" ; Que la bailleresse ne s'est pas trouvée en situation de remédier aux désordres allégués du fait du congé qui lui a été signifié par la locataire au 30 novembre 2018, antérieurement au dépôt de ce rapport. La cour relève ainsi, qu'à supposer établi le manquement de la Caisse Centrale de Réassurance à son obligation de délivrance elle s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle d'y remédier et qu'il convient en conséquence de débouter la société Groupe Planet Sushi de sa demande de résiliation judiciaire du bail aux torts de celle-ci, ainsi que de sa demande subséquente en restitution des sommes par elle payées postérieurement au 16 janvier 2018 et , encore, de sa demande formée à titre subsidiaire en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé le manquement de la Caisse Centrale de Réassurance à son obligation de délivrance. Sur les autres demandes : La société Groupe Planet Sushi conclut au débouté de la Caisse Centrale de Réassurance de ses autres demandes plus amples ou contraires. C'est toutefois par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'appelante, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge, et que la cour adopte, qu'il a retenu qu'il y avait lieu de valider le congé donné par la locataire le 30 août 2018 à la date du 30 novembre 2018, tant en application de dispositions des dispositions des articles 1737 et suivants du code civil, que des stipulations de l'article 2-2 des conditions générales du contrat de bail ; Qu'il a ordonné l'expulsion de la société Groupe Planet Sushi et de tout occupant de son chef, sauf à constater que cette demande est devenue sans objet ; Qu'il a condamné la société Groupe Planet Sushi à payer une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er décembre 2018 ; Qu'il a arrêté la dette locative de la société Caisse Centrale de Réassurance la somme de 45.024,18 euros au titre des loyers et charges arrêtées au 30 novembre 2018, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017, date du commandement de payer, sur la somme de 8.611,67 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ; qu'en effet, si la bailleresse produit devant la cour un décompte actualisé au 14 mai 2019, elle ne forme aucune demande complémentaire de ce chef dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile ; Qu'il a débouté la société Groupe Planet Sushi de sa demande en restitution du dépôt de garantie, lequel a été absorbé par le montant de la dette locative et de ses autres demandes. La cour confirmera ainsi le jugement entrepris. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Il est équitable d'allouer à la Caisse Centrale de Réassurance une indemnité de procédure de 4.000 euros. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, Déclare recevable la demande de la société par actions simplifiée Groupe Planet Sushi de prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société Caisse Centrale de Réassurance à compter du 16 janvier 2018, date de la mise en demeure de mise en sécurité des installations électriques restée sans effet, Déboute la société par actions simplifiée Groupe Planet Sushi de cette demande, ainsi que de sa demande subséquente en restitution des sommes par elle payées postérieurement au 16 janvier 2018, et , encore, de sa demande formée à titre subsidiaire en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé le manquement de la société anonyme Caisse Centrale de Réassurance à son obligation de délivrance. Confirme, le jugement entrepris, sauf à considérer que l'expulsion de la société par actions simplifiée Groupe Planet Sushi et de tout occupant de son chef est devenue sans objet, Et y ajoutant, Condamne la société par actions simplifiée Groupe Planet Sushi à payer à la société anonyme Caisse Centrale de Réassurance la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société par actions simplifiée Groupe Planet Sushi aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes. La greffière, Le Président,
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 16 Juin 2022 (no 110 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 19/00346 - No Portalis 35L7-V-B7D-CBCWE Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2019 par le tribunal d'instance de Bobigny RG no 11-18-000536 Madame [O] née [G] [F] [Adresse 2] 3ème étage gauche [Localité 14] comparante en personne CARREFOUR BANQUE CHEZ [Localité 16] CONTENTIEUX [Adresse 3] [Localité 12] non comparante BNP PARIBAS CHEZ EFFICO-SORECO RECOUVREMENT DE CREANCES [Adresse 5] [Localité 7] non comparante CAF DE LA SEINE SAINT DENIS [Adresse 4] [Localité 13] non comparante CHEZ SYNERGIE [Adresse 15] [Localité 10] non comparante EDF SERVICE CLIENT CHEZ CONTENTIA [Adresse 1] [Localité 9] non comparante SIP [Localité 17] [Adresse 6] [Localité 17] non comparante SERVICE RECOUVREMENT DU TRANSPORT PUBLIC FERROVIAIRE- SRTPE [Localité 11] non comparante TRESORERIE [Localité 17] MUNICIPAL [Adresse 8] [Localité 17] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [O] [F] née [G] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 26 juin 2017, déclaré sa demande recevable. Par une décision notifiée le 6 février 2018, la commission a imposé un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 60 mois, en retenant une mensualité de 125,50 euros et en prévoyant un effacement du solde des dettes à l'issue du plan. Le 16 mars 2018, la société Carrefour Banque a contesté l'effacement partiel de sa créance. Elle a sollicité la mise en place d'une suspension de l'exigibilité des créances pendant 24 mois, la situation de la débitrice pouvant évoluer. Par jugement réputé contradictoire du 5 juillet 2019, le tribunal d'instance de Bobigny a: - déclaré recevable le recours formé par la société Carrefour Banque, - rejeté les mesures imposées par la commission de surendettement, - déterminé les mesures selon les modalités suivantes: le paiement des créances est rééchelonné sur 60 mois, avec des mensualités maximales de 433,56 euros, le taux d'intérêt pour toutes les créances est ramené à 0 et les dettes reportées ou rééchelonnées ne produit pas intérêt, à l'issue du plan, les dettes non intégralement réglées seront effacées. La juridiction a retenu que les ressources de Mme [F] s'élevaient à 1 987,68 euros par mois, ses charges à 1 114,50 euros par mois avec deux enfants à charge. Cette décision a été notifiée le 9 juillet 2019 à Mme [F]. Par déclaration adressée le 23 juillet 2019 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [F] a interjeté appel du jugement en faisant valoir que les revenus évoqués dans le jugement dont appel, ne correspondent pas à son salaire. Les parties ont été convoquées à l'audience du 19 avril 2022. Mme [F] comparaît et indique qu'elle percevait 1 789 euros nets par mois de salaire en qualité d'éducatrice spécialisée en contrat à durée déterminée dans un centre pour personnes en situation de handicap, mais que son salaire a diminué à 1 664 euros nets par mois et qu'elle perçoit également 132 euros de prestations familiales. Elle précise être divorcée et avoir deux enfants mineurs (7 ans et 17 ans) à sa charge et que son ex-mari vit avec elle et paie le loyer. Elle précise avoir déposé seule le dossier de surendettement s'agissant de dettes qu'elle a contractées seule. Elle ajoute que son ex-mari travaille en tant que technicien dans une piscine. Elle évalue ses charges à 800 euros par mois hors loyer. Mme [F] sollicite un allègement des mensualités en indiquant qu'elle avait commencé à respecter le plan mais a arrêté en décembre 2021 car elle ne pouvait plus payer la trésorerie de [Localité 17]. Elle indique avoir un accord avec la société Cofidis. Elle propose de régler 280 euros par mois mettant en avant sa baisse de ressources et les charges liées notamment à un enfant de 17 ans. Par courrier reçu au greffe le 07 octobre 2021, la Direction générale des finances publiques, centre des finances publiques de [Localité 17], actualise sa créance à la somme de 2 096,07 euros. Par courrier reçu au greffe le 29 novembre 2021, la société SynerGie sollicite confirmation du jugement dont appel. Par courrier reçu au greffe le 17 décembre 2021, la Direction générale des finances publiques indique que Mme [F] s'est acquittée de sa dette concernant son impôt sur le revenu de 2013, mais qu'il reste un solde de 494,03 euros au titre des impôts sur le revenu de 2018 et 2019. Aucun créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. Sur la recevabilité du recours En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours. La bonne foi de Mme [F] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. Sur les mesures Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes : 1o Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ; 2o Imputer les paiements, d'abord sur le capital ; 3o Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal; 4o Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal. L'article L.733-3 du même code énonce que la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En l'espèce, il ressort du dossier que le passif non contesté retenu par la commission et le premier juge s'élève à la somme de 27 208,51 euros et que les mesures de rééchelonnement arrêtées par le tribunal sur une durée de 60 mois sans intérêt avec des mensualités maximales de 433,56 euros permettent un règlement quasi intégral des créances à l'issue du plan puisqu'un montant de 1 665,99 euros est effacée à l'issue de cette période. Mme [F] a déjà bénéficié auparavant d'une suspension de l'exigibilité de ses créances sur une durée de 24 mois. Le tribunal a, comme la commission, retenu que le montant des ressources justifié s'élevait à 1 987,68 euros par mois composées du salaire (1 758,07 euros), d'une prime d'activité (98,45 euros) et de prestations familiales (131,16 euros) soit un maximum légal pouvant être affecté au remboursement des créanciers de 433,56 euros. Les charges ont été évaluées à 1 114,50 euros étant précisé que Mme [F] était hébergée et participait aux frais à hauteur de 172,61 euros par mois, avec des frais de garde de 11,89 euros par mois. Mme [F] justifie d'une baisse de ses ressources puisqu'elle ne perçoit plus que 1 664 euros de salaire (bulletins de salaire de février et mars 2022, avis d'imposition revenus 2020), outre 132,08 euros d'allocations familiales (attestation CAF du 18 avril 2022) soit des ressources mensuelles de 1 793,08 euros. Elle a deux enfants mineurs à charge. Concernant sa part de ressources nécessaires aux dépenses courantes, Mme [F] justifie de ce que c'est M. [F] dont elle est divorcée et qui vit avec elle qui paie le loyer de 670 euros par mois. Si elle produit différents justificatifs de frais de scolarité de ses enfants, elle n'indique pas quelle est la participation du père des enfants à l'entretien de ceux-ci alors qu'elle reconnaît qu'il perçoit un salaire. Il s'en suit qu'aucun élément ne permet de contredire l'évaluation du montant des charges retenue par le premier juge. Il résulte de ce qui précède que Mme [F] justifie d'une diminution de ses ressources pour faire face à ses charges et qu'elle reconnaît avoir commencé à rembourser ses créanciers mais ne pas avoir respecté les mesures imposées par la décision querellée. En l'absence d'élément permettant de déterminer l'état des créances actuel compte tenu des versements opérés par Mme [F], et en raison de la baisse des ressources de la requérante, la décision déférée doit être infirmée en totalité et le dossier renvoyé à la commission de surendettement de la Seine-Saint-Denis afin d'élaborer d'autres mesures de traitement de la situation de surendettement de l'intéressée tenant compte de sa nouvelle situation. Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Renvoie l'examen du dossier à la Commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis, Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle, Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 226 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 22/01104 - No Portalis 35L7-V-B7G-CFBAQ Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2019 -Tribunal paritaire des baux ruraux de Chalons en Champagne - RG no 51-17-000050 Arrêt du 6 Mai 2020 - Cour d'Appel de Reims- RG no 19/01419 Arrêt du 23 Septembre 2021 -Cour de Cassation - pourvoi no G20-17.084 Monsieur [U] [G] [Adresse 5] [Localité 2] Représenté par Me Elisabeth DUTERME de la SELARL DUTERME-MOITTIE -ROLLAND, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE Représenté par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140 Monsieur [T] [G] [Adresse 6] [Localité 3] Représenté par Me Elisabeth DUTERME de la SELARL DUTERME-MOITTIE -ROLLAND, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE Représenté par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140 Madame [J] [I] [Adresse 7] [Localité 4] Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant François LEPLAT, Président de Chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : François LEPLAT, président de chambre Anne-Laure MEANO, présidente assesseur Bérengère DOLBEAU, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte authentique du 2 mai 1998, les époux [M] [G] [W] ont donné à bail aux époux [I] [V] pour une durée de 18 ans à compter du 1er novembre 1997 la parcelle de vigne située à [Adresse 8], cadastrée AH no[Cadastre 1] pour 63 ares. Par acte extrajudiciaire du 2 janvier 2014, M. [U] [G], venant aux droits des époux [M] [G] [W], a fait délivrer congé pour reprise au profit de M. [T] [G], son fils, en application de l'article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime. Ce congé n'a pas fait l'objet de contestation. Par requête reçue au greffe le 25 octobre 2017, Mme [J] [I], née [V], a saisi le tribunal d'instance de Chalons en Champagne aux fins d'obtenir la réintégration dans la parcelle faute d'exploitation de celle-ci par M. [T] [G] à titre individuel, conformément au congé susvisé. Par jugement contradictoire du 17 juin 2019, le tribunal d'instance de Chalons en Champagne a ainsi statué : Déboute M. [U] [G] et M. [T] [G] de leur demande tendant au prononcé de la nullité de l'acte de saisine de la juridiction ; Déclare Mme [J] [I] née [V] recevable en ses demandes ; Constate l'absence de respect des conditions du congé pour reprise délivré par acte extrajudiciaire en date du 2 janvier 2014 par M. [U] [G] au profit de M. [L] Ordonne la réintégration dans la parcelle située à [Adresse 8] cadastrée AH no[Cadastre 1] par Mme [J] [I] née [V] avec cession au profit de son fils, M. [E] [I], et ce à effet au 31 octobre 2015 ; Rappelle que le congé délivré le 2 janvier 2014 ne peut emporter aucun effet quant au bail initial portant sur la parcelle située à [Adresse 8] cadastrée AH no[Cadastre 1] ; Condamne in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] à payer à Mme [J] [I] née [V] la somme de 55 944 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] à payer à Mme [J] [I] née [V] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] aux entiers dépens ; Ordonne l'exécution provisoire. M. [U] [G] et M. [T] [G] ont interjeté appel devant la cour d'appel de Reims. Par arrêt du 6 mai 2020 la cour d'appel de Reims a ainsi statué : Confirme le jugement rendu le 17 juin 2018, entre les parties, par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalons-en-Champagne, mais seulement en ce qu'il "déboute M. [U] [G] et M. [T] [G] de leur demande tendant au prononcé de la nullité de l'acte de saisine de la juridiction et déclare Mme [J] [I] née [V] recevable en ses demandes " ; L'infirme pour le surplus ; Et statuant à nouveau, Rejette les demandes de Mme [V] ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel. Mme [J] [I], née [V] a formé un pourvoi. Par arrêt du 23 septembre 2021 la Cour de cassation a ainsi statué : Vu les articles L.411-59 et L.411-66 du code rural et de la pêche maritime, 5. Selon le premier de ces textes, le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation, sans se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation mais en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, en possédant le cheptel ou le matériel nécessaire ou, à défaut, les moyens de les acquérir, en occupant lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité en permettant l'exploitation directe. 6. Selon le second, au cas ou il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplirait pas les conditions prévues aux articles L.411-58 a L.411-63 et L.411-67 du même code ou que le propriétaire n'a exercé la reprise que dans le but de faire fraude aux droits du preneur, notamment s'il vend le bien, le donne à ferme, ou pratique habituellement la vente de la récolte sur pied d'herbe ou de foin, le preneur a droit, soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou a la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts, soit à des dommages-intérêts. 7. Pour rejeter la demande en réintégration de Mme [J] [I] née [V], l'arrêt retient qu'il se déduit de la production aux débats du certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements mentionnant l'inscription au 1er janvier 2018 de M. [T] [G], du bail conclu entre lui et le bailleur sur la parcelle en cause le 19 juin 2017 avec effet au 18 novembre 2016, la fiche d'encépagement et la déclaration de récolte 2018, le formulaire Cerfa rempli par ses soins déclarant un début d'activité individuelle au 18 janvier 2018 et un contrat de location de matériel en janvier 2018 que M. [T] [G] exploitait bien à titre personnel et avec le matériel nécessaire la parcelle litigieuse au jour ou le jugement attaqué a été rendu, soit le 17 juin 2019. Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si entre le 31 octobre 2015, date de la reprise, et le 16 janvier 2018, M. [T] [G] avait satisfait à son obligation d‘expIoiter personnellement le bien repris, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Par ces motifs Casse et annule, sauf en ce qu'il déboute M. [U] [G] et M. [T] [G] de leur demande tendant au prononce de la nullité de l'acte de saisine de la juridiction et déclare Mme [J] [I] née [V] recevable en ses demandes, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Reims le 6 mai 2020 ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne M. [U] [G] et M. [T] [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code procédure civile, rejette la demande de M. [U] [G] et M. [T] [G] et les condamne in solidum à payer à Mme [J] [I] née [V], la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou a la suite de l'arrêt partiellement cassé. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu les dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile ; Vu la déclaration de saisine du 21 décembre 2021 de la cour d'appel de Paris, désignée comme juridiction de renvoi, par M. [U] [G] et M. [T] [G] ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 13 février 2022 par lesquelles M. [U] [G] et M. [T] [G], appelants, demandent à la cour de : Vu le jugement rendu 17 juin 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalons en Champagne, Vu l'arrêt en date du 6 mai 2020 par la cour d'appel de Reims, Vu l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la Cour de Cassation, Vu les articles L.411-66 et L.411-59 du code rural et de la pêche maritime, A titre principal : Infirmer le jugement rendu le 17 juin 2019 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Chalons en Champagne en ce qu'il a : - constaté l'absence de respect des conditions du congé pour reprise délivré par acte extrajudiciaire en date du 2 janvier 2014 par M. [U] [G] au profit de M. [T] [G] ; - ordonné la réintégration dans la parcelle située à [Adresse 8] cadastrée AH no[Cadastre 1] par Mme [J] [I] née [V] avec cession au profit de son fils, M.[E] [I], - rappelé que le congé délivré le 2 janvier 2014 ne peut emporter aucun effet quant au bail initial portant sur la parcelle située à [Adresse 8] cadastrée AH no[Cadastre 1], - condamné in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] à payer à Mme [J] [I] née [V] la somme de 55 944 euros à titre de dommages et intérêts, - condamné in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] à payer à Mme [J] [I] née [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné in solidum M. [U] [G] et M. [T] [G] aux entiers dépens, - ordonné l'exécution provisoire, Statuant à nouveau : Vu l'article L.411-66 du code rural, Constater que M. [T] [G] remplit toutes les conditions de reprise prévues par les dispositions de l'article L.411-59 du code rural ; En conséquence, Débouter Mme [J] [I] née [V] de l'intégralité de ses demandes comme non fondées, A titre subsidiaire : Ordonner avant dire droit une expertise avancée aux frais exclusifs de Mme [J] [I] née [V] afin de déterminer une indemnité compensatrice qui correspondrait à une perte de revenus nets éprouvée par le preneur, Mme [J] [I] née [V] en 2016 ; En tout état de cause, si par extraordinaire la cour d'appel de Paris considérait que le bénéficiaire du congé aux fins de reprise de l'exploitation de la parcelle de 63 ares n'a pas satisfait aux dispositions de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime, Condamner au plus M. [U] [G] et M. [T] [G] à la somme de 18 648 euros à titre de dommages et intérêts constitués par la perte des revenus de l'année 2016 ; Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [U] [G] et M. [T] [G] à payer à Mme [J] [I] née [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner Mme [J] [I] née [V] à verser à chacun des consorts [G] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Débouter Mme [J] [I] née [V] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ; Condamner Mme [J] [I] née [V] aux entiers dépens. La déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été signifiées à l'intimée par remise de l'acte à étude le 7 février 2022. Vu la requête des parties, remise au greffe le 12 mai 2022 aux fins d'homologation d'un protocole d'accord transactionnel que les parties ont signé le 6 mai 2022, ayant pour essentielle finalité la cession par M. [U] [G] de la parcelle litigieuse à M. [E] [I] ; MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l'homologation de l'accord intervenu entre les parties : Conformément à la demande des parties, l'accord sera homologué, en application des articles 1565 à 1567 du code de procédure civile et par cette homologation il recevra force exécutoire et, à défaut de respect, il appartiendra à la partie intéressée de faire procéder à l'exécution forcée du titre exécutoire. PAR CES MOTIFS Vu la transaction signée entre, d'une part, M. [E] [I] et Mme [J] [I] et, d'autre part, M. [U] [G] et M. [T] [G] le 6 mai 2022, jointe à la présente ordonnance, Homologue cette transaction, Lui confère force exécutoire, Dit que cette homologation emporte désistement réciproque des parties à la présente instance, Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens. La Greffière Le Président
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AFFAIRE : No RG 19/01610 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGHT Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00102 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. DIJOUX FRUITS ET LEGUMES (DFL) [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [B] [M] [S] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Mme [S] a été embauchée en qualité de vendeuse polyvalente par la SARL Dijoux fruits et légumes (la société) selon contrat daté du 31 janvier 2011, à durée déterminée de neuf mois, puis, à compter du 31 août 2011, selon contrat à durée indéterminée pour une rémunération mensuelle brute égale au SMIC. Saisi par Mme [S], qui réclamait diverses indemnités, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [S] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 6380,88 euros à titre de rappel de salaire, outre 638,09 euros pour les congés payés afférents, 3600 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 9136,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral, outre 2 000 euros à son conseil sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La remise sous astreinte à Mme [S] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 25 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [R]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 3 octobre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 3 octobre 2021 par la SARL Dijoux fruits et légumes et Mme [S] ; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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AFFAIRE : No RG 19/01612 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGHX Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00099 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. DIJOUX FRUITS ET LEGUMES (DFL) [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [W] [X] [S] [R] épouse [K] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/01612 du 26/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Mme [R] a été embauchée en qualité de vendeuse par la SARL Dijoux fruits et légumes (la société) selon contrat daté du 26 août 2013 à durée déterminée de six mois, renouvelé une fois, puis, à compter du 26 août 2014, selon contrat à durée indéterminée pour une rémunération mensuelle brute égale au SMIC. Saisi par Mme [R], qui réclamait diverses indemnités, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [R] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 3 020,61 euros à titre de rappel de salaire, outre 302,06 euros pour les congés payés afférents, 1 900 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 9 136,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral, outre 2 000 euros à son conseil sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991. La remise sous astreinte à Mme [R] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 25 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [O]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 30 septembre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 30 septembre 2021 par la SARL Dijoux fruits et légumes et Mme [R]; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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AFFAIRE : N RG No RG 20/01253 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMXS Code Aff. : ARRÊT N C.F. ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT DENIS en date du 24 Juin 2020, rg no 19/00970 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANT : Monsieur [F] [N] [Adresse 1] [Localité 5] Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION LA CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE - CARMF [Adresse 6] [Localité 2] Représentant : Me Patrice SANDRIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION PARTIE INTERVENANTE : Selarl [W], prise en la personne de Me [B] [W], es qualités de mandataire judiciaire de M. [F] [N], [Adresse 3] [Localité 4] Ni comparant, ni représenté DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Christian FABRE, magistrat honoraire à titre juridictionnel, chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 MAI 2022; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Christian FABRE, magistrat honoraire à titre juridictionnel Qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Monique LEBRUN Greffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Nadia HANAFI ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Monsieur [F] [N] a interjeté appel dans le délai légal d'un jugement rendu le 24 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, pôle social, dans une affaire l'opposant à la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (CARMF). Monsieur [N] a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en contestation d'une décision implicite de la commission de recours amiable de la CARMF ayant rejeté sa contestation relative à une mise en demeure en date du 11 décembre 2018 portant sur la somme de 16.518,51 euros. Il a ensuite saisi la même juridiction en contestation d'une contrainte émise par la CARMF le 23 septembre 2019 portant sur les mêmes cotisations et d'un montant équivalent. Les deux instances ont été jointes. Le jugement déféré a notamment validé la mise en demeure et la contrainte pour la somme de 10.909,77 euros pour les cotisations actualisées. Monsieur [N] a de plus été condamné au paiement d'une indemnité de 500 euros pour les frais irrépétibles. Le redressement judiciaire de Monsieur [N] a été ouvert par un jugement du 22 juin 2021. La Selarl [W], mandataire judiciaire désigné par le jugement précité, a été appelée à la procédure mais n'a pas comparu. Vu les conclusions notifiées le 19 mai 2021 par Monsieur [N], oralement soutenues à l'audience. Vu les conclusions notifiées les 12 mai 2021 et 27 janvier 2022 par la CARMF oralement soutenues à l'audience. Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements à suivre. La recevabilité de l'appel n'est pas contestée, étant précisé que celle-ci résulte du montant des cotisations visées par la mise en demeure. Sur la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne : Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le juge national saisi, s'il estime qu'une décision sur l'interprétation d'un traité ou des actes pris par les institutions de l'Union est nécessaire pour rendre son jugement, peut demander à la Cour de statuer sur cette question. Si le renvoi préjudiciel devant la CJUE est obligatoire lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, tel n'est pas le cas en l'espèce, le présent arrêt étant susceptible de pourvoi. En outre, il sera relevé, d'une part, que selon l'article 2, d) de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement et du Conseil, on entend, aux fins de la directive, par « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs », « toute action, omission, conduite démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs » ; d'autre part, que le recouvrement selon les règles d'ordre public du code de la sécurité sociale des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de sécurité sociale ne revêt pas le caractère d'une pratique commerciale au sens des dispositions sus-rappelées et n'entre pas, dès lors dans le champ d'application de la directive. En conséquence la demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef. Sur les nullités formelles : L'omission des mentions prescrites par l'article L.212-1 du code des relations entre le public et les administrations n'affectant pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise, ce qui est le cas en l'espèce, la mise en demeure litigieuse portant indication de ce qu'elle a été délivrée par la CARMF dont l'adresse est précisée, le moyen de l'appelant excipant de l'absence des mentions prévues par la loi est inopérant. La mise en demeure adressée par un organisme de sécurité sociale, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations, en application des dispositions de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale. Tel est le cas en l'espèce, la mise en demeure précisant chaque type de cotisations provisionnelles (base vieillesse-provisionnel, base vieillesse-régularisation, complément vieillesse, allocation supplémentaires vieillesse- proportionnelle, allocation supplémentaire vieillesse-ajustement, majorations de retard) pour le montant individualisé sur la période concernée (année 2016). Ces mentions permettaient à Monsieur [N] de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Si le mode de détermination de la cotisation provisionnelle, dont il n'est pas invoqué qu'il soit contraire aux dispositions légales ou réglementaires applicables, n'est pas précisé par la mise en demeure, cet élément n'est pas exigé et ne relève pas de l'obligation d'information de la CARMF. En conséquence, le moyen de nullité tiré de l'absence d'information de Monsieur [N] sur la nature, la cause et l'étendue de l'obligation est également inopérant. La contrainte renvoie à la mise en demeure dont la régularité vient d'être retenue. La CARMF justifie par ailleurs par sa pièce No 21 de la délégation de pouvoir régulière du signataire de celle-ci. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la régularité tant de la mise en demeure que de la contrainte est acquise. Le jugement est alors confirmé pour les avoir validées pour leur montant actualisé de 10.909,77 euros. La créance de la CARMF est fixée à ce montant. Sur les demandes de dommages-intérêts et l'amende civile : Monsieur [N] soutient que la CARMF est fautive, sans toutefois le démontrer. La demande est en conséquence rejetée. La CARMF reproche à Monsieur [N] l'utilisation des voies de recours à des fins dilatoires et dans l'intention de se soustraire à son obligation de s'acquitter de ses cotisations lui causant un préjudice. Or, le retard en paiement des cotisations est compensé par leur majoration. En outre, la CARMF ne démontre pas que l'usage d'une voie de recours par Monsieur [N] aurait dégénéré en abus du droit d'ester. La CARMF sera déboutée de sa demande sur l'amende civile. Sur les frais irrépétibles et les dépens : Le jugement est confirmé sur les frais et dépens justement arbitrés. La CARMF doit être indemnisée de ses frais irrépétibles d'appel à concurrence de la somme de 1.000 euros. Les dépens d'appel sont à la charge de Monsieur [N] qui succombe au principal. PAR CES MOTIFS : La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement rendu le 24 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, Y ajoutant, fixe la créance de la Caisse autonome de retraite des médecins de France à l'encontre du passif du redressement judiciaire de Monsieur [F] [N] à la somme de 10.909,77 euros, Condamne Monsieur [F] [N] à payer à la Caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Monsieur [F] [N] aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par M. LACOUR, président, et par Mme HANAFI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier, Le président,
CAPP/JURITEXT000045967963.xml
Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 16 Juin 2022 (no 114 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00136 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB2JT Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2020 par le tribunal de proximité de Villejuif RG no 11-19-000863 Madame [S] [D] (débitrice) [Adresse 8] [Localité 25] comparante en personne BNP PARIBAS (01596 602111 26 ; 015696602478 89 | résidence secondaire ; 01596 603328 61 ; 01596 005118 94 ; SD 01596 00000511894 95) Agence de Recouvrement et SRDT ASR [Adresse 6] [Localité 15] non comparante CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE (1977707 | Résidence principale) [Adresse 30] [Adresse 7] [Localité 18] non comparante CA CONSUMER FINANCE (81049352850 Sofinco ; 520 532 025 00) A.N.A.P. Agence 923 Banque de France [Adresse 27] [Localité 19] non comparante CARREFOUR BANQUE (50628206581100) Chez NEUILLY CONTENTIEUX [Adresse 5] [Localité 21] non comparante CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (400000000130147 | Résidence secondaire) [Adresse 22] [Localité 16] non comparante CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - CIC (3380920335701 | Résidence secondaire) Chez CM-CIC - SERVICES SURENDETTEMENT [Adresse 29] [Localité 13] non comparante G.I.E. RCDI (chèque impayé 194355293A) Chez EFFICO SORECO [Adresse 32] [Localité 9] non comparante PCGA MULTISERVICES ([D] [S]) [Adresse 2] [Localité 24] non comparante SYNDIC. DE COPRO. DE LA RESIDENCE LES BORDES [Adresse 1] [Localité 25] représenté par Me Didier LEICK de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0164 substituée par Me Rose SKENADJE, avocat au barreau de PARIS SERGIC venant aux droits du syndicats des copropriétaires de la RÉSIDENCE LES BORDES (à vérifier) (78/0737 40 l) [Adresse 14] [Localité 12] SIP [Localité 28] (IR15 et TF16) Service des Impôts aux Particuliers [Adresse 3] [Localité 26] non comparante VALOPHIS HABITAT - OPH DU VAL DE MARNE (L/2103997) [Adresse 20] [Localité 23] non comparante NATIXIS FINANCEMENT (447077808859006) AGENCE SURENDETTEMENT [Adresse 10] [Localité 4] non comparante CREDIT LOGEMENT (M 070 465 792 01 | BNP ; M 071 165 475 01 | CIC EST) [Adresse 11] [Localité 17] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [S] [D] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 28 octobre 2016, déclaré sa demande recevable. Saisi d'un recours à l'encontre de cette décision par le Crédit Immobilier de France, le tribunal d'instance de Villejuif, par un jugement rendu le 22 janvier 2018, a confirmé la décision de la commission de surendettement, déclarant Mme [D] recevable en sa demande tendant au traitement de sa situation de surendettement. Par une décision notifiée le 25 février 2018, la commission a imposé un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 24 mois, au taux de 0%, moyennant des mensualités d'un montant maximal de 4 214 euros et la liquidation de l'épargne, afin de permettre la vente des 5 biens immobiliers (résidences secondaires) dont la débitrice est propriétaire. Le 23 mars 2019, Mme [D] a contesté cette décision en faisant valoir qu'elle souhaitait conserver l'ensemble de ses biens immobiliers. S'agissant de la créance de la société Sergic, elle soutient que deux virements bancaires effectués en février et mars 2018 d'un montant de 791,03 euros n'ont pas été pris en compte. Par jugement réputé contradictoire en date du 14 février 2020, le tribunal de proximité de Villejuif a: - déclaré recevable le recours formé par Mme [D], - fixé pour les besoins de la procédure, la créance du syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Bordes, représenté par la société Sergic, à la somme de 3 762,80 euros au titre des charges de copropriété, - fixé pour les besoins de la procédure les créances de la société BNP Paribas à 0, - fixé pour les besoins de la procédure la créance du Crédit Immobilier de France à la somme de 89 161,28 euros, - fixé pour les besoins de la procédure la créance du SIP de Champigny-sur-Marne à la somme de 3 310 euros, - arrêté le passif à la somme de 520 803 euros, - arrêté le plan suivant : un rééchelonnement du paiement des dettes sur 24 mois selon une mensualité maximale de 4 214 euros, outre le déblocage de l'épargne d'un montant de 850 euros au 1er palier, la vente au prix du marché des 5 biens immobiliers dont elle est propriétaire autres que la résidence principale, les échéances rééchelonnées portant intérêt au taux de 0%. La juridiction a principalement retenu que Mme [D] disposait 7 049 euros de ressources mensuelles pour des charges de 2 835 euros par mois. Elle a fixé la capacité de remboursement à 4 214 euros pour un maximum légal de remboursement de 5 490,18 euros. Elle a estimé que la vente des biens immobiliers était nécessaire car l'intéressée n'avait pas de capacité de remboursement pour reprendre le règlement des mensualités contractuelles des prêts immobiliers. Cette décision a été notifiée le 17 février 2020 à Mme [D]. Par déclaration adressée le 5 mars 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [D] a interjeté appel du jugement, en sollicitant l'obtention d'un délai maximal applicable à son dossier concernant ses biens immobiliers. Elle affirme se sentir capable de payer ses dettes. Les parties ont été convoquées à l'audience du 19 avril 2022. A l'audience du 19 avril 2022, Mme [D] reconnaît sur la demande de la cour, que sa déclaration d'appel n'est pas signée mais que c'est bien elle qui en est l'auteure. Elle invoque un oubli. Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Bordes, représenté par la société Sergic, par le biais de son avocat s'en remet. Mme [D] affirme avoir respecté la décision pendant 24 mois et formuler un appel car elle ne souhaite pas vendre ses biens immobiliers. Elle précise qu'il s'agit de 5 appartements de type studios financés par 5 crédits immobiliers. Elle affirme avoir repris le paiement des échéances concernant le crédit à la Caisse d'épargne, le prêt du Crédit immobilier de France et démarrer ce mois-ci la reprise du paiement pour le CIC. Pour les deux autres crédits auprès de la BNP Paribas, elle n'a pas de contact. La débitrice explique louer en permanence ses 5 appartements qui peuvent être évalués à environ 80 000 euros chacun pour les quatre appartements en région parisienne et à moins de 80 000 euros pour le bien situé en Charente-Maritime à [Localité 31]. Elle estime que ce n'est pas le bon moment pour vendre ces biens, qu'elle va terminer en juin 2022 de payer son crédit relatif à sa résidence principale et qu'elle pourra donc affecter le montant de l'échéance de 3 205,29 euros au paiement des 5 crédits immobiliers. Elle fait état de ressources de 6 399 euros y compris ses revenus locatifs avec deux 2 enfants à charge de 25 ans et 11 ans. Elle sollicite un allongement du délai de remboursement pour payer ses 5 crédits immobiliers. Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Bordes, représenté par la société Sergic, par le biais de son avocat et aux termes d'écritures visées par le greffier et soutenues oralement, sollicite de voir déclarer mal fondée Mme [D] en son recours, de le voir déclarer recevable et bien-fondé en ses écritures, de fixer pour les besoins de la procédure sa créance à la somme de 3 821,08 euros, et de condamner la débitrice au paiement de cette somme en deux versements outre à la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le syndicat des copropriétaires indique produire un décompte actualisé au 10 février 2022 et que les chèques invoqués par la débitrice ont bien été encaissés, qu'il y a eu une saisie-attribution en 3 fois en août 2020. Mme [D] conteste la somme réclamée, estime que tout est réglé en ce qu'elle a versé un chèque de banque de 2 562 euros le 27 mars 2020. Par courrier reçu au greffe le 16 février 2022, la Direction générale des finances publiques indique que sa créance est de 1 690 euros. Par courrier reçu au greffe le 04 mars 2022, la société CIC Est indique qu'elle ne pourra pas être présente à l'audience et considère qu'il serait injuste de faire droit à un nouveau moratoire alors même que la débitrice n'a pas repris le versement des mensualités du prêt comme l'avait contrainte le jugement dont appel. Par courrier reçu au greffe le 07 avril 2022, la société Groupe Valophis indique qu'elle ne pourra pas être présente à l'audience et que la créance de Mme [D] est éteinte. Par courrier reçu au greffe le 15 mars 2022, la société BNP Paribas s'excuse de son absence et rappelle que ses créances sont de 52 163,31 euros et 100 556,66 euros, au titre de deux prêts immobiliers. Aucun autre créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. Sur la recevabilité En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours. La bonne foi de Mme [D] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. Sur les mesures Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, la commission de surendettement, en cas d'échec de la conciliation, et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer un rééchelonnement du paiement des dettes du débiteur concerné. Selon l'article L.733-3 du même code, la durée des mesures n'excède pas sept années sauf lorsque les mesures concernent le remboursement de prêts contractés pour l'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d'éviter la cession ou lorsqu'elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». Le premier juge a imposé un rééchelonnement du paiement des dettes sur 24 mois selon une mensualité maximale de 4 214 euros, outre le déblocage de l'épargne d'un montant de 850 euros au 1er palier sous condition de vente au prix du marché des 5 biens immobiliers dont la débitrice est propriétaire (autres que la résidence principale), les échéances rééchelonnées portant intérêt au taux de 0%. La créance du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Bordes a été fixée à la somme de 3 762,80 euros arrêtée au 6 janvier 2020 (appel du 4o trimestre 2019 inclus). Le montant de la créance telle que fixé n'est pas contesté mais le syndicat des copropriétaires actualise sa créance à hauteur de 3 821,08 euros arrêtée au 7 février 2022. Mme [D] conteste cette nouvelle dette et explique avoir réglé la somme arrêtée par le tribunal. Le syndicat des copropriétaires fonde sa demande sur un extrait de compte pour la période postérieure au 1er octobre 2020 (pièce 20) mentionnant une somme due de 3 821,08 euros incluant l'appel de provision du 1er trimestre 2022 inclus outre des appels pour travaux. Cependant, cet extrait comptabilise à la date du 1er octobre 2020 une reprise de solde pour 2 893,39 euros dont il n'est pas justifié. En effet, le décompte détaillé produit (pièce 22) retraçant les mouvements depuis le 1er décembre 2014, mentionne un solde de 1 539,93 euros au 3 septembre 2020 une fois soustrait un chèque de Mme [D] de 2 562,80 euros. Des frais de 365,06 euros sont comptabilisés portant la dette à 1 904,99 euros au 4 septembre 2020. D'autres frais sont également comptabilisés. Il est justifié que Mme [D] a effectué divers paiements non contestés par le syndicat des copropriétaires pour 394,12 euros, 53,58 euros et de 230,48 euros soit 678,18 euros qui n'apparaissent pas dans le décompte communiqué outre une somme de 82,97 euros le 21 juin 2021 qui n'apparaît pas non plus. L'ensemble de ces sommes sont reportées aux décomptes de l'huissier de justice ayant effectué notamment une saisie attribution et sont venues régler des frais directement entre les mains de l'huissier de justice. Il convient toutefois de constater que les frais de mise en demeure ou d'exécution sont également comptabilisés dans les décomptes du syndicat des copropriétaires. Il en résulte que les éléments communiqués sont insuffisants à établir la créance réclamée postérieurement au 06 janvier 2020. La demande à ce titre doit être rejetée et le jugement confirmé. Mme [D] exerce toujours une activité d'infirmière dans le cadre de deux contrats de travail à durée déterminée. Elle a deux enfants à charge. Ses ressources sont justifiées (bulletins de salaire) à hauteur de 4 270 euros de salaire et elle ne conteste pas percevoir 2 129 euros de revenus locatifs mensuels soit 6 399 euros de ressources mensuelles. La somme affectée à ses charges avait été fixée à 2 163 euros, somme non contestée. Il s'en suit que la capacité mensuelle de remboursement de Mme [D] demeure inchangée à 4 236 euros. Si Mme [D] affirme avoir respecté l'échéancier de paiement sur 24 mois, elle doit faire face au remboursement de 5 prêts immobiliers liés au financement de 5 appartements à titre de résidence secondaire dont elle tire des revenus locatifs. Le montant de son endettement lié à ces prêts immobiliers est de 293 830,14 euros avec des remboursements de 4 155,99 euros par mois et Mme [D] ne démontre pas être en capacité de régler les mensualités contractuelles auxquelles s'ajoutent les échéances liées au crédit immobilier de sa résidence principale, de sorte qu'il convient de confirmer la décision de première instance qui a subordonné l'octroi de mesures de rééchelonnement à la vente des 5 biens immobiliers (résidence secondaire). Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions. Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Bordes, représenté par la société Sergic de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle, Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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No de minute : 47/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 16 juin 2022 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 20/00090 - No Portalis DBWF-V-B7E-RLI Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 août 2020 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/146) Saisine de la cour : 21 septembre 2020 M. [O] [A] né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 3] ([Localité 3]) demeurant [Adresse 1] Représenté par Me Caroline MASCARENC DE RAISSAC, membre de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au Barreau de NOUMEA S.A.S. SOCIETE CALEDONIENNE DES TRACTEURS (CALTRAC) dont le siège social est situé ZICO II - [Adresse 4] Représentée par Me Laurent AGUILA, membre de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au Barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN. Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le 5 mai 2022 puis prorogé au 2 et 16 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Suivant contrat à durée indéterminée du 18 août 2016, M. [O] [A] a été engagé par la société CALTRAC en qualité de directeur administratif et financier, cadre B2 à compter du 12 septembre suivant. Par courrier daté du 7 décembre 2017 remis en main propre le jour même, M. [O] [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 décembre 2017. Le 20 décembre 2017, M. [O] [A] a déposé plainte auprès de la Direction du travail de la Nouvelle-Calédonie pour des faits de harcèlement moral commis à son encontre au sein de la société. Par courrier recommandé du 18 janvier 2018, M. [O] [A] a été licencié pour faute grave dans les termes suivants : "Vous avez été embauché le 12 septembre 2016 en qualité de Directeur Administratif et Financier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Nous vous avons convié à un entretien le lundi 11 décembre 2017 à 09h00. Vous y êtes présenté. Toutefois, avant que cet entretien n'ait pu se tenir, vous avez eu un malaise dont notre entreprise ne saurait être tenue pour responsable, qui a empêché toute discussion. Attentif au principe du contradictoire, nous vous avons adressé, le 9 janvier 2018 une nouvelle convocation pour un entretien reporté au mardi 16 janvier 2018 à 09h00 soit pendant les heures de sorties autorisées par votre médecin traitant telles que mentionnées sur votre dernier arrêt maladie. L'objet de cet entretien était d'échanger sur vos actions du 4 décembre 2017, à l'encontre des instructions claires et précises que j'avais données, et à l'origine d'une mise en danger des salariés de l'entreprise, vous compris. Pour mémoire, lors de la mise en place des renforts anticycloniques pour le cyclone, nous nous sommes rendus compte de la complexité de cette opération en raison de la mauvaises conceptions desdits renforts. Preuve de l'inadaptation de cette opération, le fait qu'elle ait occasionné un accident du travail. En conséquence, j'avais interdit publiquement que l'on réutilise ces renforts en l'état, sollicitant leur modification. J'avais toutefois indiqué vouloir impérativement valider préalablement tout nouveau dispositif, et ce aux fins d'être assuré d'écarter tout danger. Cela relève nécessairement des obligations issues de mon statut de Directeur Général, en charge de la sécurité des infrastructures et des personnes. Ces instructions ont été répétées à de nombreuses reprises en CODIR et lors de réunions avec les partenaires sociaux. Or, vous avez délibérément contrevenu à mes instructions en décidant, à l'approche de la période cyclonique 2017/2018, de reprendre unilatéralement ce dossier en main et d'essayer de procéder à des modifications, et ce sans m'en avertir. Vous avez ainsi tenté, le 4 décembre 2017, vers 6h30, soit une heure avant l'ouverture des bureaux, en compagnie d'un superviseur d'atelier, de descendre un ensemble de renforts anti-cycloniques avec un élévateur. Dans le même temps, vous avez acheté des pièces destinées à effectuer un essai de modification (câbles, serre câbles, etc...). Une telle action, menée en dehors du temps de travail ne se justifiait nullement, et ce notamment par une situation d'urgence. Preuve de ce que votre action était préméditée, vous avez évoqué votre tentative de modification des renforts auprès des membres du CODIR, dont le directeur HSE, qui vous a rappelé qu'un mode opératoire ou une AST (Analyse Sécuritaire de Tâche) était obligatoire avant de toucher aux renforts, ce que vous n'avez pas fait, contrevenant par là-même aux règles de sécurité de l'entreprise. Vous n'avez pas tenu compte de ces observations. Par vos actions décidées unilatéralement et en contradiction avec mes directives, vous avez mis en danger le superviseur et vous-même, ce que je ne peux légitimement admettre d'un cadre de direction, la société étant tenue à une obligation de quasi-résultat de garantir la santé et la sécurité de son personnel. Au cours de votre entretien préalable, vous avez tenté de vous défendre en soutenant avoir simplement voulu étudier les renforts et non les modifier. Vos allégations sont toutefois contredites par l'achat des pièces, qui démontrent que la modification était d'ores et déjà en cours. J'ai également pu noter que vous aviez choisi de travailler sur les renforts les plus éloignés des bureaux alors qu'un autre ensemble de renforts stockés à terre à proximité du magasin était facilement accessible, et beaucoup moins dangereux à étudier ; et ce certainement aux fins de me dissimuler vos actions, que vous saviez pertinemment contraires à mes directives. Un tel comportement va à l'encontre de votre obligation de loyauté. Je vous rappelle que malgré votre fonction et votre qualification dans l'entreprise, vous demeurez en votre qualité de salarié, dans un état de subordination, et donc soumis à mon autorité hiérarchique. Vous ne pouvez vous comporter en électron libre, et ce plus encore lorsque la sécurité des personnes et des biens est en jeu. Je vous ai rappelé ces obligations, et ce lorsque vous vous étiez permis de divulguer, de manière erronée de surcroît, des informations relevant de nos discussions confidentielles. Votre attitude adoptée à l'occasion de notre entretien préalable montre malheureusement que vous n'avez pas conscience de la gravité de votre comportement et de ce qu'il est attendu dans le cadre de votre fonction. En conséquence, nous ne pouvons vous maintenir dans notre entreprise et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave à effet immédiat. Conformément à la réglementation en vigueur vous serez sorti de nos effectifs à compter de l'envoi de la présente. À titre informatif, vous n'êtes éligible à aucun préavis, ni à aucune indemnité de licenciement." Par requête introductive d'instance déposée au greffe de la juridiction le 24 mai 2018, M. [O] [A] a saisi le tribunal du travail de Nouméa aux fins de le voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il était abusif pour avoir été entouré de conditions vexatoires, que son employeur avait commis des faits de harcèlement moral à son encontre. Il sollicitait dès lors sa condamnation à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, de dommages et intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice distinct consécutif au caractère abusif du licenciement, du fait du harcèlement moral subi et du fait de la violation de l'obligation de sécurité et de résultat reposant sur l'employeur. Par jugement contradictoire du 28 août 2020, le tribunal a débouté M. [O] [A] de l'ensemble de ses demandes, à l'exception de sa demande présentée au titre des conditions vexatoires de son licenciement, en indemnisation desquelles il lui a accordé une somme de 500 000 francs CFP. Le tribunal a en outre dit que chaque partie conserverait la charge de ses frais irrépétibles et a condamné M. [O] [A] aux dépens. PROCÉDURE D'APPEL Suivant requête déposée au greffe de la cour le 16 septembre 2020, M. [O] [A] a interjeté appel de cette décision. Au terme de ses dernières écritures des 13 octobre 2021 et 28 février 2022, il demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant nouveau, de : - juger que les fautes alléguées par la société CALTRAC à l' appui du licenciement ne sont pas exactes, cette inexactitude suffisant à rendre le licenciement nul, dès lors qu'il était en accident du travail au moment de son licenciement ; - juger les motifs allégués sans cause réelle ni sérieuse et juger que le licenciement est nul ; - juger que le licenciement est abusif pour avoir été entouré de conditions vexatoires ; - juger que la société CALTRAC a commis des faits de harcèlement moral dont elle doit réparation ; - juger que la société CALTRAC a violé son obligation de sécurité de résultat, ce dont elle doit également réparation ; - en conséquence, sur le licenciement nul, condamner la société CALTRAC à lui payer la somme de 2 717 126 francs CFP à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 271 723 francs CFP à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis et la somme de 10 867 999 francs CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; - sur le licenciement abusif, condamner la société CALTRAC à lui payer la somme de 2 000 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct du fait du caractère abusif du licenciement ; - sur le harcèlement moral, condamner la société CALTRAC à lui payer la somme de 5 000 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts ; - sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat, condamner la société CALTRAC à lui payer la somme de 5 000 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de résultat ; - condamner la société CALTRAC à payer des intérêts au taux légal sur toutes les sommes à compter de la demande et dire qu'ils seront frappés d'anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; - pour le surplus, condamner la société CALTRAC à lui payer la somme de 1 000 000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles. En réplique, la société CALTRAC demande à la cour, au terme de ses dernières écritures du 18 mai 2021, de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne sa condamnation au titre des conditions vexatoires du licenciement et de condamner M. [O] [A] à lui verser la somme de 350 000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Pour un exposé exhaustif des moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures respectives, aux notes de l'audience et aux développements ci-dessous. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur le licenciement : Aux termes de l'article Lp.122-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Il appartient à l'employeur, en cas de contestation, de justifier des griefs énoncés aux termes de la lettre de licenciement et dont il se prévaut pour mettre fin à la relation de travail. En l'espèce, la société CALTRAC soutient que le licenciement est justifié par la faute grave de son salarié, tenant à l'initiative prise le 4 décembre 2017, en violation des consignes expresses données par le directeur général et malgré l'absence d'analyse sécuritaire de tâche préalable, de faire procéder par un salarié d'un autre service à la manipulation d'un ensemble de barres de renfort au moyen d'un élévateur en vue d'effectuer une modification du dispositif de protection anticyclonique sur l'un des docks de la société, alors que cette action, qui ne relevait ni de ses compétences, ni de ses attributions, n'était pas justifiée par l'urgence et avait gravement mis en danger la sécurité des salariés de l'entreprise ainsi qu'en témoigne un accident survenu dans les mêmes circonstances le 10 avril 2017. M. [O] [A] critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu cette argumentation alors, selon lui, qu'il était un charge, depuis son arrivée, du dossier de sécurité anticyclonique, mission pour laquelle il était qualifié, qu'il n'a procédé à aucune modification du système de protection sans l'aval préalable de sa direction et des services concernés, qu'il n'a pas agi de manière dissimulée le 4 décembre 2017 et que son initiative, consistant en une simple prise de métrés et de photos, n'a pas eu pour effet de mettre en danger les salariés de l'entreprise. En l'espèce, la société CALTRAC ne produit aux débats aucun document, notamment une fiche de poste, permettant de circonscrire de manière précise les missions déléguées à M. [O] [A]. Elle ne conteste pas, toutefois, que les missions de M. [O] [A] étaient constituées comme il le soutient par "la gestion de la comptabilité, du personnel et du service administratif, l'établissement des prévisions budgétaires, les propositions de solutions fiscales, la coordination de services, la validation des contrats émis par la société et la gestion des infrastructures" et que cette dernière mission comprenait la gestion du dossier des renforts anticycloniques sur les bâtiments de la société. Ainsi, il résulte du rapport d'accident établi le 10 avril 2017 faisant suite à la chute d'une barre anti-cyclonique sur l'épaule de M. [P] [B] que M. [O] [A] était désigné comme responsable, s'agissant du "process", de l'établissement "d'un mode opératoire pour mettre en place un renfort anticyclonique de façon sécuritaire" et s'agissant du matériel de "modifier la conception du matériel pour réduire l'effort et supprimer le risque de chute", ces actions devant être menées avant le 30 mai 2017. Il n'est pas contesté que ce rapport, établi à l'en-tête de la société CALTRAC et produit par elle à l'instance, a été adressé au directeur général de la société conformément aux préconisations portées en page 2 et qu'il est signé par le responsable du service HSE. Il a été produit également aux débats l'attestation de M. [P] [B] qui indique, à propos des renforts anti-cycloniques : "en tant que responsable des achats et des infrastructures avec Monsieur [A], nous avons géré les modifications avec Costentin et nous étions les seuls à savoir comment les mettre en place et le montrer aux équipes. Personne d'autre de la direction ne s'est intéressé au problème. Le jour du cyclone, après trois heures de montage, nous étions tous les deux fatigués avec Monsieur [A]. Il a lâché une barre et a crié attention mais je n'ai pas pu m'enlever, elle est tombée sur mon épaule. (...) Comme il était interdit de faire un accident du travail, la direction a voulu faire porter le chapeau à Monsieur [A] en lui disant de trouver une solution de montage sans risque." La désignation de M. [O] [A] pour mener à bien cette mission est confirmée par les courriers électroniques échangés avec les représentants des sociétés COSTENTIN et ARBE, qui établissent que M. [O] [A] était le principal interlocuteur et donneur d'ordre de la société CALTRAC s'agissant des solutions techniques à mettre en oeuvre pour optimiser le système de renforts anti-cycloniques. Enfin, l'employeur rappelle lui-même aux termes de la lettre de licenciement que M. [A] avait évoqué sa tentative de modification des renforts auprès des membres du CODIR. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a estimé que M. [O] [A] - sur lequel ne reposait pas la charge de la preuve de l'absence de faute grave - ne démontrait pas qu'il s'était vu confier la responsabilité de cette mission et qu'il avait repris ce dossier unilatéralement. La société CALTRAC estime dans un second temps que M. [O] [A] a délibérément fait preuve d'insubordination en agissant sans tenir compte des instructions de sa hiérarchie, indiquant que M. [E], directeur de la société, avait à plusieurs reprises interdit l'utilisation des renforts livrés en l'état, exigeant de valider préalablement tout nouveau dispositif afin d'écarter tout danger. La société CALTRAC ne produit toutefois, pour établir la réalité de cette insubordination, aucune consigne écrite en ce sens, ni aucun relevé de réunion ou témoignage direct confirmant que ces consignes ont, comme elle le soutient, été délivrées en comité de direction ou à l'occasion de réunions avec les partenaires sociaux. M. [O] [A] produit au contraire aux débats des attestations non contredites par la société CALTRAC, émanant de deux anciens employés, M. [B] et Mme [D], respectivement membres du CHSCT et du comité d'entreprise, indiquant au contraire que ce sujet n'avait jamais été abordé à ces occasions. Si la rédaction d'une analyse sécuritaire de tâche (AST) était préconisée par la fiche d'analyse du rapport d'accident du 10 avril 2017, confiée à "M. [F]" - dont les fonctions ne sont pas précisées - à réaliser avant le 30 avril 2017, il n'est ni soutenu ni démontré qu'une telle analyse a été réalisée. La société CALTRAC ne produit toutefois aucune pièce, ni n'invoque aucun fondement juridique permettant d'établir qu'une AST était nécessaire avant d'entreprendre toute manipulation des barres de renfort, y compris au stade de la simple étude d'une solution technique, et qu'une consigne en ce sens avait été donnée à M. [O] [A]. En revanche, il convient d'examiner si, comme le soutient la société CALTRAC, M. [O] [A] a, le 4 décembre 2017, exposé les salariés, y compris lui-même, à une situation de danger en faisant manipuler par M. [N], salarié de l'entreprise, une barre de renfort anti-cyclonique au moyen d'un chariot de surélévation,. À cet égard, le salarié a attesté, le 14 août 2018 qu' "en fin 2017, avant la prise de poste du matin Monsieur [O] [A] m'a demandé de bien vouloir l'aider à descendre des barres anticycloniques avec le chariot élévateur pour mettre en place un système à câble qu'il avait étudié en amont. Étant supérieur hiérarchique, j'ai exécuté la demande qui était une demande verbale et non écrite. Au début de l'opération, je me suis aperçu qu'il y avait un risque et que c'était dangereux. J'ai stoppé la manoeuvre et replacé les barres que l'on avait commencé à déloger. Monsieur [O] [A] a décidé d'arrêter l'opération et j'ai rangé le chariot élévateur". M. [O] [A] conteste quant à lui le déroulement des faits, expliquant avoir donné l'ordre de stopper la manipulation de la barre anti-cyclonique en constatant, avec le salarié, que ce dernier ne disposait pas d'un recul suffisant pour manipuler le dispositif dans des conditions adaptées. Il résulte du rapport d'accident du 10 avril 2017 dont M. [O] [A] ne conteste pas les termes qu' "au cours de la mise en place des barres anticycloniques de la B no5, [P] [B] [a reçu] une des barres verticales sur l'épaule" le rapport précisant que "cette barre qui doit être placée entre la barre horizontale du haut et celle du bas, a basculé suite à une perte de contrôle de la personne qui la maintenait en haut : M. [O] [A]". Au titre des causes de l'accident, le rapport pointe les facteurs suivants : "- premières opérations d'installation des barres en situation cyclonique (un test a été réalisé moins d'un mois avant révélant la nécessité d'un système guidage pour installer les barres verticales en raison de leur poids et de leur taille, afin de soulager les opérateurs) - Produit : poids de la barre, taille de la barre, équipement de guidage non existant et donc non installée ; - Méthode : pas de préparation de l'intervention (pas d'AST) ; - Outillage : manque d'une nacelle." Au titre des conséquences réelles, le rapport mentionne une "contusion à l'épaule gauche" et au titre des conséquences potentielles est portée la mention : "majeures si la poutrelle était tombée sur la tête". Enfin au titre de l'analyse de l'accident (fiche d'analyse - arbre des causes), le rapport pointe successivement : - "conception hasardeuse du système de renfort anticyclonique, non prévu pour être manipulé avec un moyen de manutention mécanique malgré le poids et l'encombrement des poutrelles. La pose des poutrelle verticale est donc rendue compliquée à l'extrême par la faible taille du logement, par la présence de goupilles à l'intérieur, par l'absence de guide et de systèmes empêchant la chute de la poutrelle et facilitant la préhension, et par le fait que l'opération ne peut se faire que du sol alors que le logement est situé sur un montant horizontal, à près de 5 mètres de haut ; - nécessité de dégager la poutrelle ; la main d'un mécanicien était coincée entre la poutre et la plate-forme individuelle ; effort trop important pour maintenir l'équilibre de la poutrelle verticalement ; installation des poutrelles verticales manuellement ; - défaut de concentration de la victime ; stress, personne mais d'avertissement lors de la perte de contrôle de la poutrelle ; responsable de l'opération trop impliqué dans la tâche et pas suffisamment dans la coordination." Le rapport pointe également comme facteur de l'accident "l'absence de mise en oeuvre des actions prévues après la réception du chantier "renfort cyclonique" et le test réalisé avec (la société) COSTENTIN incluant l'absence de modes opératoires et l'absence de corde de guidage ; le manque de préparation de l'opération (absence d'AST), l'utilisation trop partielle des moyens de levage à disposition (précipitation), l'absence de prise de décision de s'arrêter pour temporiser et mieux organiser le montage des renforts sur les autres baies (souhait de ne pas interférer avec un Directeur de CALTRAC sûr de lui)". Au titre des mesures correctives, il préconise notamment un retour d'expérience sur l'événement, la rédaction d'un mode opératoire, la modification de la conception du système pour utiliser les moyens de levage mécanique au maximum et supprimer le risque de chute de poutres tout en réduisant les efforts de manutention manuelle et le risque de perte de contrôle ainsi que la rédaction d'une AST pour le montage. Dès lors, il appartenait à M. [O] [A], responsable du système de protection anti-cyclonique, de tirer les conséquences de ce premier accident afin d'exclure les facteurs de risque pointés aux termes de ce rapport d'analyse lors de toute manipulation en hauteur des barres anti-cycloniques, y compris à l'occasion de tests hors situation d'urgence. Or, la société CALTRAC souligne à juste titre que l'intervention du 4 décembre 2017 n'avait pas été correctement préparée en l'absence d'information et de concertation avec le service Hygiène Sécurité Environnement (HSE), en l'absence d'élaboration et de diffusion au service HSE de documents préparatoires à l'intervention (AST, mode opératoire ou description de l'intervention) et en l'absence d'information préalable permettant de sécuriser le lieu de l'intervention pour les autres salariés. Il résulte d'ailleurs d'un courrier électronique adressé à M. [O] [A] moins de trois heures après l'intervention du 4 décembre 2017 que M. [L] [C], responsable du service HSE, n'avait pas été avisé préalablement de cette intervention. S'agissant de l'intervention elle-même, la société CALTRAC est fondée à soutenir qu'elle a été réalisée dans des conditions de sécurité insatisfaisantes dès lors : - que le lieu d'intervention n'avait pas été sécurisé préalablement ainsi que le relève lui-même l'appelant, qui indique avoir dû interrompre l'intervention du fait du manque de recul dont disposait M. [N] pour manipuler les barres au moyen de l'élévateur en raison de la présence non anticipée "d'une machine (...) positionnée la veille proche de la porte" ; - que M. [O] [A] ne pouvait ignorer que l'utilisation du chariot surélévateur pour manipuler à plus de 5 mètres de hauteur une poutrelle comportait un risque de chute significatif en l'absence de modification du dispositif antérieur, le rapport d'accident du 10 avril 2017 pointant "la conception hasardeuse du système de renfort anticyclonique, non prévu pour être manipulé avec un moyen de manutention mécanique malgré le poids et l'encombrement des poutrelles" et "l'absence de guide et de systèmes empêchant la chute de la poutrelle et facilitant la préhension" ; - que seules deux personnes procédaient à l'opération, y compris M. [O] [A] qui devait la coordonner, alors même que le rapport d'accident du 10 avril 2017 relevait que le "responsable de l'opération (avait été) trop impliqué dans la tâche et pas suffisamment dans la coordination" et que M. [O] [A] explique que l'opération de sécurisation anti-cyclonique qu'il entendait tester "consistait à disposer la barre haute dans les sabots avec le chariot élévateur, puis la barre basse, puis les trois barres verticales dans les cales nécessitant l'intervention d'une équipe de 5 personnes" ; - que la complexité de l'opération justifiait que des consignes préalables claires et précises soient données aux opérateurs en attirant leur attention sur les consignes de sécurité et les risques inhérents à la manipulation des bars anti-cycloniques en hauteur, ni les explications de M. [O] [A], ni l'attestation de M. [N], sollicité le matin même avant sa prise de poste, ne permettant d'établir que ces consignes avaient été données. M. [O] [A], en sa qualité de directeur, avait la responsabilité de garantir la parfaite sécurité de l'opération et ne pouvait ignorer les risques pris au regard de sa formation d'ingénieur arts et métiers, de sa formation HSE dispensée par un précédent employeur (la société NEODYME) et de la longue expérience dont il se prévaut en matière de sécurité au sein de ses précédents postes. Ces manquements sont d'autant plus graves que M. [O] [A] avait été impliqué dans l'accident de travail du 10 avril 2017, lequel avait nécessairement attiré son attention sur la complexité de l'opération, son caractère dangereux, le rapport d'accident pointant explicitement, aux termes d'une analyse détaillée, les conditions de sécurité nécessaires à toute nouvelle manipulation des barres anticycloniques. La société CALTRAC fait valoir à juste titre que l'intervention du 4 décembre 2017 n'était justifiée par aucun caractère d'urgence et que des alternatives à la manipulation en hauteur des barres anti-cycloniques étaient envisageables, M. [O] [A] ne contestant pas que plusieurs de ces barres se trouvaient accessibles à proximité, emballées au sol et pouvaient se prêter sans risque aux mesures, photographies et tests qu'il projetait d'effectuer sur ces matériels. Dans ces conditions, le tribunal a exactement apprécié que le comportement de M. [O] [A], le 4 décembre 2017, était constitutif d'une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant son licenciement, la société CALTRAC pouvant légitimement attendre de ses cadres de direction qu'ils respectent et fassent respecter scrupuleusement les règles de sécurité élémentaires propres à prévenir les atteintes à l'intégrité physique de ses salariés, a fortiori après la survenue d'un premier accident du travail dans des conditions similaires. La décision sera dès lors confirmée de ce chef. Sur les conditions du licenciement : Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; M. [O] [A] estime qu'à l'occasion de son licenciement, la société CALTRAC a manqué à son obligation de sécurité de résultat lors de sa convocation préalable le 11 décembre 2017 et sollicite à ce titre une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 5 000 000 francs CFP. Il estime par ailleurs que son licenciement était vexatoire au regard du déroulement des journées du 11 décembre 2017 et du 9 janvier 2018 au cours desquelles il était convoqué à des entretiens préalables, sollicitant à ce titre une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 2 000 000 francs CFP. La société CALTRAC conclut au rejet de cette demande, soutenant que M. [O] [A] ne rapportait pas la preuve de ses allégations. Il résulte des explications de l'appelant non contestées par le la société CALTRAC et corroborées par les arrêts de travail produits aux débats que M. [O] [A] a, le 5 décembre 2017, fait l'objet d'une opération chirurgicale au nez, programmée deux mois auparavant, pour laquelle il a bénéficié d'un arrêt de travail du 5 au 12 décembre 2017 ; que sa lettre de convocation à un entretien préalable lui a été remise en main propre dès le 7 décembre 2017 ; que le lundi 11 décembre 2017, malgré l'absence de mise à pied conservatoire, son badge d'accès à la société avait été désactivé ; qu'à son arrivée sur le site le 11 décembre 2017, il n'a pas été autorisé à patienter dans les locaux climatisés de l'entreprise mais a dû patienter à l'extérieur durant 20 minutes malgré la chaleur, le stress lié à sa convocation et les suites de son opération, ce qui a nécessairement contribué à provoquer le malaise dont il a été victime dès l'entrée dans le bureau du directeur, sa chute et l'accident de travail qui en est résulté. Ces conditions de convocation inutilement précautionneuses en l'absence de toute urgence et de tout risque avéré pour la sécurité de l'entreprise, humiliantes au regard des autres salariés, notamment ceux sur lesquels il exerçait une autorité et dangereuses alors même que M. [O] [A] se trouvait en arrêt de travail et affaibli par une intervention chirurgical récente, sont constitutives d'une faute ayant nécessairement causé un préjudice moral qui, les demandes étant réunies, sera réparée à hauteur de 800 000 francs CFP. Sur le harcèlement moral : Vu les dispositions de l'article Lp. 114-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie ; M. [A] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral tenant en substance aux propos et comportements réitérés de deux membres du service de comptabilité et à l'absence de toute réaction du directeur général qu'il avait alerté à plusieurs reprises, lequel l'avait au contraire implicitement désavoué, puis mis à l'écart avant de procéder, dans des conditions vexatoires et dangereuses, pour des motifs fallacieux, à son licenciement, ce qui avait provoqué chez lui une dégradation progressive de ses conditions de travail et de son état de santé. La société CALTRAC estime au contraire que les difficultés rencontrées par M. [A] dans la direction humaine de ses services et des éventuels désaccords avec le directeur général lui sont imputables et ne sont en toute hypothèse pas constitutives d'un harcèlement moral. Le tribunal a débouté M. [A] de sa demande indemnitaire à ce titre, estimant qu'il ne démontrait pas l'existence d'agissements répétés dégradant ses conditions de travail et portant atteinte à ses droits et à sa dignité. Il résulte des attestations produites aux débats par les deux parties, émanant de divers salariés de l'entreprise, ainsi que du rapport du CHSCT que M. [A] a rencontré des difficultés relationnelles récurrentes avec deux salariées qui lui étaient subordonnées, sans que les propos déplacés et dégradant réciproquement imputés par chacun ne soient corroborés par d'autres attestations ou ne soient matérialisés par des écrits. Il résulte des divers échanges de mails produits aux débats que l'une de ces salariés, Mme [J], s'est à plusieurs reprises adressée directement au directeur général, M. [E] sans réaction de ce dernier et que M.[E] a désavoué à plusieurs reprises son directeur administratif et financier ou tardé à soutenir ses décisions. Si ces comportements révèlent l'existence de dysfonctionnements managériaux manifestes et récurrents au sein de la société CALTRAC dont M. [O] [A] a pu tour à tour être victime et acteur, ils ne témoignent pas d'une volonté de son employeur de dégrader ou de laisser sciemment dégrader ses conditions de travail en vue de porter atteint à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le tribunal relève à juste titre que la décision de la direction du travail, sollicitée en ce sens par M. [A], de procéder à une enquête ne peut, en l'absence de conclusions assises sur des éléments factuels objectivés, caractériser le harcèlement moral invoqué. De même, la décision fautive du directeur général, dans un contexte de perte progressive de confiance, de lui retirer, durant ses congés, la délégation fiscale dont il était titulaire pour la confier à la responsable comptable, ne peut, en l'absence d'autres éléments, caractériser une telle volonté. Enfin, les conditions fautives de son licenciement ne s'inscrivent pas en l'espèce dans la volonté de dégrader ses conditions de travail et font l'objet d'une indemnisation spécifique. Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la démonstration d'un préjudice moral au préjudice de M. [A]. Sur les demandes annexes : Chacune des parties succombant alternativement à l'instance, conservera sa charge les dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel. PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [O] [A] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaire à ce titre ainsi qu'au titre du harcèlement moral invoqué ; L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau, CONDAMNE la société CALTRAC à verser à M. [O] [A] la somme de 800 000 francs CFP en réparation de son préjudice moral consécutif aux conditions de son licenciement, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour ; DIT que les intérêts seront capitalisés annuellement dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie tant en première instance qu'en cause d'appel ; DIT que chaque partie conservera la charge des dépens exposés à l'occasion de la présente procédure. Le greffier,Le président.
CAPP/JURITEXT000045967973.xml
Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 16 Juin 2022 (no 113 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00135 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB2IQ Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Décembre 2019 par le tribunal d'instance de Bobigny RG no 11-18-002029 Madame [D] [L] (débitrice) [Adresse 1] [Localité 10] comparante en personne BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE (10102213) [Adresse 3] [Localité 5] non comparante COFIDIS (721446425311) Chez SYNERGIE [Localité 4] non comparante EMMAUS HABITAT (dette soldée) [Adresse 8] [Localité 9] non comparante FREE (7702527) [Localité 5] non comparante SOGEFINANCEMENT (40296151893) Chez FRANFINANCE [Adresse 6] [Localité 7] non comparante TRESORERIE BOBIGNY MUNICIPALE (dette soldée) [Adresse 2] [Localité 10] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [L] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 16 juillet 2018, déclaré sa demande recevable. Par une décision notifiée le 23 août 2018, la commission a imposé un rééchelonnement du paiement des dettes sur 59 mois en retenant une mensualité de 445 euros. Le 30 août 2018, Mme [L] a contesté cette décision en faisant valoir qu'elle n'était pas en capacité de régler la mensualité mise à sa charge. Par jugement réputé contradictoire du 20 février 2019, le tribunal d'instance de Bobigny a: - déclaré recevable le recours formé par Mme [L], - rejeté les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers, - déterminé les mesures propres à traiter la situation de surendettement de Mme [L] suivant le tableau annexe du jugement dont appel avec un rééchelonnement des paiements en 41 mensualités au taux d'intérêt de 0%, avec 10 mensualités de 612,18 euros chacune, 2 mensualités de 404,78 euros au total (2 créanciers) et 29 mensualités de 624,06 euros au total (3 créanciers) permettant de désintéresser les créanciers en fin de période. La juridiction a retenu que Mme [L] justifiait de 2 835,40 euros de ressources et que ses dépenses courantes incompressibles qui s'élevaient à 2 199,39 euros par mois. Sa capacité de remboursement a été fixée à 636,01 euros par mois. Cette décision a été notifiée le 03 janvier 2020 à Mme [L]. Par déclaration adressée le 15 janvier 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [L] a interjeté appel du jugement, en contestant la dette d'Emmaüs et de Free et en faisant valoir une détérioration de sa situation familiale et financière. Les parties ont été convoquées à l'audience du 19 avril 2022. Mme [L] a été régulièrement convoquée par courrier recommandé avec avis de réception à l'adresse indiquée dans sa déclaration d'appel. Elle n'a pas réceptionné le courrier recommandé mais se présente à l'audience. Elle indique avoir eu connaissance de la convocation par l'association Emmaüs et accepte de comparaître. Elle soutient que la dette locative de l'association Emmaüs Habitat est éteinte et qu'elle a signé un nouveau bail avec eux le 4 mars 2022. Elle indique qu'elle a eu des saisies sur son salaire pour les impôts et que cela a éteint la dette de 195,58 euros. Elle conteste le montant de la créance de Free de 613,97 euros. Mme [L] indique qu'elle vient d'avoir son cinquième enfant, et être en congé maternité jusqu'au mois de mai 2022. Elle précise être fonctionnaire à la ville de [Localité 10] en temps partiel et toucher 1585 euros par mois outre une aide au logement de 163,25 euros et des prestations familiales (allocation de base 171,91 euros outre allocation de soutien familial 269,79 euros et allocations familiales de 705,79 euros). Elle précise qu'elle ne devrait plus bénéficier de la prestation partagée d'éducation et qu'elle va devoir rembourser les sommes perçues à ce titre (148 euros par mois). Elle précise élever seule ses 5 enfants âgés de 14, 12, 10, 2 ans et 3 mois et faire face à des dépenses de scolarité et des frais de crèche qu'elle ne peut encore évaluer. Elle observe que le père des enfants ne participe pas aux frais. Elle fait état d'un loyer de 451 euros. Elle indique ne pouvoir payer la mensualité du plan et propose de verser 150 euros par mois. Par courrier reçu au greffe le 04 mars 2022, la société Banque française mutualiste fait savoir que la créance de Mme [L] s'élève à 7 636,23 euros. Aucun créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. Sur la recevabilité du recours En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours. La bonne foi de Mme [L] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. Sur les mesures Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes : 1o Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ; 2o Imputer les paiements, d'abord sur le capital ; 3o Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal; 4o Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal. L'article L.733-3 du même code énonce que la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En l'espèce, il ressort du dossier que le passif retenu par la commission et le tribunal s'élève à la somme de 25 028,88 euros comprenant la créance de l'association Emmaüs Habitat (créance de loyers) pour 6 121,75 euros, la créance de la société Free pour 613,97 euros et la créance de la trésorerie de Bobigny pour 195,58 euros. La créance de la Banque française mutualiste pour 11 072,52 euros, la créance de la société Cofidis pour 3 874,03 euros et celle de la société Sogefinancement pour 3 151,03 euros. La société Banque français mutualiste a fait connaître par courrier le montant actualisé de sa créance à hauteur de 7 636,23 euros. S'agissant de l'association Emmaüs habitat, Mme [L] verse aux débats son nouveau contrat de location, sa quittance du mois de mars 2022 et un décompte de créance établi au 30 mars 2021 qui fait apparaître différents versements effectués par elle et un solde de dette ramené à -0,38 euros à cette date. S'agissant de la créance du centre des finances publiques de [Localité 10], Mme [L] justifie (notification de saisie administrative à tiers détenteur) avoir réglé en totalité la somme due de 195,58 euros correspondant à des frais de restauration scolaire. Il résulte de ce qui précède que postérieurement à la décision rendue le 20 février 2019, les créances de l'association Emmaüs Habitat et du centre des finances publiques de [Localité 10] ont été réglées et que la créance de la société Banque française mutualiste peut être fixée à la somme de 7 636,23 euros. S'agissant de la créance de la société Free, aucun élément n'est communiqué permettant d'en remettre en cause le montant de 613,97 euros. Il s'en suit qu'à la date où la cour statue, le solde des créances compte tenu des versements intervenus est constitué de la manière suivante: -Société Free pour 613,97 euros, -Banque française mutualiste pour 7 636,23 euros, -Société Cofidis pour 3 874,03 euros, -Société Sogefinancement pour 3 151,03 euros. Total : 15 275,26 euros. Le tribunal a, comme la commission, retenu des ressources à hauteur de 2 835,40 euros par mois composées du salaire (1 734,07 euros), d'une aide au logement (190,34 euros) et de prestations familiales (910,99 euros) soit un maximum légal pouvant être affecté au remboursement des créanciers de 1 013,65 euros. Les charges ont été évaluées à 2 199,39 euros étant précisé qu'un forfait charges courantes avait été appliqué pour 1 784 euros alors que Mme [L] avait 3 enfants à charge. La capacité de remboursement avait été fixée à la somme de 636,01 euros par mois. Mme [L] justifie de ressources de 2 732,49 euros composées de 1585 euros par mois de salaire, d'une aide au logement de 163,25 euros et des prestations familiales (allocation de base 171,91 euros outre allocation de soutien familial 269,79 euros et allocations familiales de 705,79 euros). Elle justifie être actuellement en congé maternité. Concernant sa part de ressources nécessaires aux dépenses courantes, Mme [L] justifie avoir à sa charge 5 enfants mineurs dont deux enfants nés en 2019 et 2011 postérieurement à la décision de première instance. Sa part de ressources nécessaire aux dépenses courantes doit donc tenir compte de sa nouvelle situation familiale. Elle justifie d'un reliquat de loyer hors APL de 288,51 euros, des frais de scolarité (demi-pension pour deux de ses enfants) à hauteur de 57 euros par mois. Si on applique un forfait charges courantes de 2 152 euros, la part de ressources nécessaires aux dépenses courantes peut être fixée à la somme de 2 497,51 euros. Il résulte de ce qui précède que Mme [L] dispose d'une capacité de remboursement n'excédant pas 234,98 euros par mois. Elle ne propose de verser que la somme de 150 euros par mois. Il y a lieu d'infirmer la décision rendue, de dire que le solde des créances peut être fixé de la manière suivante : société Free pour 613,97 euros, Banque française mutualiste pour 7 636,23 euros, société Cofidis pour 3 874,03 euros, société Sogefinancement pour 3 151,03 euros. Il convient de fixer la capacité de remboursement de Mme [L] à la somme de 150 euros par mois et de lui octroyer un rééchelonnement du paiement de ses créanciers d'une durée de 84 mois, sans intérêt, à compter du mois de juillet 2022 avec effacement partiel du solde à l'issue de cette période selon les modalités suivantes : 1er palier (taux 0%) : 4 mensualités de 150 euros chacune à la société Free 2e palier (taux 0%) : 1 mensualité de 150 euros se décomposant en 13,97 euros à la société Free et 136,03 euros à la société banque française mutualiste 3e palier (taux 0%) : 50 mensualités de 150 euros chacune à la société banque française mutualiste 4e palier (taux 0%) : 29 mensualités de 150 euros chacune se décomposant en 75 euros à la société Cofidis et la somme de 75 euros par mois à la société Sogefinancement. Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt par réputé contradictoire et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours, Statuant de nouveau dans cette limite, Constate que le solde des créances peut être fixé de la manière suivante, les créances de l'association Emmaüs habitat et du centre des finances publiques de [Localité 10] étant éteintes : - société Free 613,97 euros, - Banque française mutualiste 7 636,23 euros, - société Cofidis 3 874,03 euros, - société Sogefinancement 3 151,03 euros, Fixe la capacité de remboursement de Mme [D] [L] à la somme de 150 euros à compter de juillet 2022, Dit que les dettes sont rééchelonnées sur une durée maximum de 84 mois à compter de juillet 2022, Rappelle que le taux d'intérêt des créances est réduit à 0% et que les dettes reportées ou ré-échelonnées ne produisent pas d'intérêt, Dit qu'à défaut de paiement d'une seule de ces échéances à son terme, l'ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure adressée à Mme [D] [L] d'avoir à exécuter ses obligations restées infructueuses ; Dit que les dettes de Mme [D] [L] sont apurées de la façon suivante, à compter de juillet 2022 : 1er palier (taux 0%) : 4 mensualités de 150 euros chacune à la société Free 2e palier (taux 0%) : 1 mensualité de 150 euros se décomposant en 13,97 euros à la société Free et 136,03 euros à la société banque française mutualiste 3e palier (taux 0%) : 50 mensualités de 150 euros chacune à la société Banque française mutualiste 4e palier (taux 0%) : 29 mensualités de 150 euros chacune se décomposant en 75 euros à la société Cofidis et la somme de 75 euros par mois à la société Sogefinancement, Rejette le surplus des demandes, Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle, Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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AFFAIRE : No RG 19/01611 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGHV Code Aff. :AL ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Pierre en date du 29 Mars 2019, rg no 17/00094 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : S.A.R.L. DIJOUX FRUITS ET LEGUMES [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [J] [Z] [W] [Adresse 2], [Adresse 4] [Localité 3] Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006244 du 17/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) Clôture : 7 février 2022 DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 ; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 Exposé du litige : Mme [W] a été embauchée en qualité de vendeuse par la SARL Dijoux fruits et légumes (la société) selon contrat daté du 22 juin 2011 à durée déterminée de six mois, puis, à compter du 22 mars 2012 selon contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une rémunération mensuelle brute égale au SMIC. Saisi par Mme [W], qui réclamait diverses indemnités, le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 29 mars 2019 en formation de départage, a notamment déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Mme [W] au titre de la rupture de son contrat de travail, a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société à lui payer 2 293,44 euros à titre de rappel de salaire, outre 229,34 euros pour les congés payés afférents, 7 850 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos dominical, 5 216,76 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral, outre 2 000 euros à son conseil sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991. La remise sous astreinte à Mme [W] de bulletins de salaire conformes au jugement a été ordonnée. Appel de cette décision a été interjeté par la société le 25 avril 2019. Une médiation a été ordonnée par arrêt du 9 novembre 2020, confiée à Mme [S]. Vu les articles 1565 et 1567 du code de procédure civile ; Attendu que les parties se sont rapprochées et ont signé le 1er octobre 2021 un protocole d'accord transactionnel dont l'homologation est demandée ; qu'il convient d'y procéder et de lui conférer force exécutoire ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Homologue le protocole d'accord transactionnel signé le 1er octobre 2021 par la SARL Dijoux fruits et légumes et Mme [W] ; Lui confére force exécutoire ; Dit qu'un exemplaire de l'instrumentum de ce protocole demeurera annexé à la minute du présent arrêt ; Laisse les dépens à la charge de ceux qui les ont exposés. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,
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No de minute : 142/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 20 juin 2022 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 21/00227 - No Portalis DBWF-V-B7F-SFX Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 mai 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :19/244) Saisine de la cour : 20 juillet 2021 Mme [A] [F] née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3] (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001840 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa) Représentée par Me Valérie LUCAS de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA Mme [S] [F] née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3] (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001841 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa) Représentée par Me Valérie LUCAS de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA M. [R] [F] né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 6], demeurant [Adresse 8] Représenté par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par requête enregistrée au greffe de la juridiction le 6 février 2019, préalablement signifiée le 25 janvier 2019 par exploit d'huissier de justice, M. [R] [F] a fait citer Mme [A] [F], Mme [S] [F] et M. [Z] [H] devant le tribunal de première instance de Nouméa, aux fins de voir ordonner leur expulsion sous huitaine du terrain dont il se disait propriétaire ce, sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard, et au besoin, de l'autoriser à y procéder avec l'assistance de la force publique. Au soutien de sa demande, M. [R] [F] a ainsi exposé avoir acquis, par acte notarié du 23 octobre 2007, le lot no31 situé à la [Localité 5], désigné au plan communal comme le [Adresse 3], sur lequel étaient venus s'installer les défendeurs, tous membres de sa famille maternelle, occupants sans droit ni titre qui refusaient de libérer les lieux. Aux termes de ses dernières écritures visées au greffe le 7 octobre 2020, M. [R] [F] a indiqué qu'en raison du décès de M. [Z] [H] en cours de procédure, l'action était éteinte à son encontre. Revendiquant la pleine propriété du terrain, il a exposé que non seulement la qualité de propriétaires dont se prévalaient les défendeurs n'était pas rapportée, les attestations produites ne pouvant être considérées comme suffisamment probantes, mais encore que les conditions légales de la prescription acquisitive n'étaient pas satisfaites. Complétant ses demandes initiales, M. [R] [F] a sollicité également la condamnation des défendeurs au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation évaluée à 30 000 F CFP à compter du 5 octobre 2017 jusqu'à complet délaissement, outre la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les actes d'huissier. Mme [A] [F] et Mme [S] [F] se sont opposées aux demandes présentées, en exposant s'être installées sur le terrain en 1995 pour la première et en 2000 pour la seconde, et en être copropriétaires pour en avoir fait l'acquisition auprès de Mme [P] [K] au moyen de versements mensuels de 25 000 F CFP sur une durée de cinq ans. Elles ont indiqué que M. [R] [F] avait délaissé le terrain pendant plusieurs années, et que ce n'était qu'au bout de dix ans qu'il avait revendiqué ses droits. Se prévalant d'une occupation continue, paisible et publique sur le terrain depuis leur installation, Mme [A] [F] et Mme [S] [F] ont revendiqué le bénéfice de la prescription acquisitive à titre reconventionnel, ainsi que la condamnation du requérant au paiement de la somme de 125 000 F CFP à chacune d`entre elles au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Valérie Lucas. Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de première instance de Nouméa a statué ainsi qu'il suit : - Constate l'extinction de l'instance à l'encontre de M. [Z] [H] du fait de son décès, - Enjoint à Mme [A] [F] et Mme [S] [F] de libérer les lieux dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision et ce, sous astreinte de 30 000 F CFP par jour de retard passé ce délai, - Dit qu'à défaut de départ volontaire dans les délais prescrits, M. [R] [F] pourra, un mois après délivrance d'une commandement de quitter les lieux resté infructueux, procéder à l'expulsion de Mme [A] [F], Mme [S] [F] ainsi que tous occupants de leur chef, avec au besoin l'assistance de la force publique, - Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Met les dépens à l'entière charge de Mme [A] [F] et Mme [S] [F] en ce compris la somme de 57 521 F CFP correspondant au coût du procès-verbal de constat et des sommations interpellative, - Fixe à 4 le nombre d'unités de valeur revenant à maître Philippe Gillardin, avocat du requérant, bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2018/ 1448, - Fixe à 2 le nombre d'unités de valeur revenant à maître Valérie Lucas, avocat de Mme [A] [F], défenderesse, bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2019/1526, - Fixe à 2 le nombre d'unités de valeur revenant à maître Valérie Lucas, avocat de Mme [S] [F] , défenderesse, bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2019/1584. PROCÉDURE D'APPEL Mme [A] [F] et Mme [S] [F], par requête déposée au greffe le 20 juillet 2021, ont interjeté appel de la décision. Par mémoire ampliatif d'appel enregistré au RPVA le 20 octobre 2021, elles font valoir, pour l'essentiel : - que Mme [A] [F] a acquis la propriété de Mme [P] [K] par des versements mensuels successifs de 25 000 F CFP versés à compter du mois de mars 1995 ; que Mme [L] [F] et son époux, parents de [R] [F], M. et Mme [D], cette dernière étant la soeur du père de [R] [F], ont quant à eux également versé chacun mensuellement une somme de 25 000 F CFP pour l'acquisition de ce grand terrain de 66 ares destiné à ce que ces familles puissent s'y installer ; que Mme [S] [F] est quant à elle devenue copropriétaire en 2000 après avoir racheté, par des versements mensuels successifs de 25 000 F CFP, les parts jusqu'alors détenues par Mme [L] [F] ; - qu'une fois le terrain réglé, les appelantes ont occupé, au su de tous, leur bien en qualité de propriétaires et n'ont jamais quitté le terrain depuis largement plus de dix années : depuis 1995 pour l'une ([A] [F]) et 2000 pour l'autre ([S] [F]) ; qu'elles bénéficient ainsi de la prescription acquisitive en raison d'une possession paisible, continue, publique et non équivoque ;- que l'acte de vente en cause produit par la partie adverse est par ailleurs particulièrement révélateur puisqu'il y est mentionné au paragraphe réservé au prix, en page 3, que "la présente vente est conclue moyennant le prix de 700 000 CFP" et qu'en ce qui concerne le paiement du prix : "l'acquéreur a payé le prix ci-dessus exprimé comptant dès avant ce jour et en dehors de la comptabilité du notaire soussíqné" ; que cette mention démontre bien que le prix de vente avait déjà été réglé depuis longtemps, en réalité par les appelantes. En conséquence, Mme [A] [F] et Mme [S] [F] demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit : VU les pièces produites aux débats. VU notamment les articles 544 et 2261 du Code civil, SUR LA FORME DIRE ET JUGER Mmes [A] [F] et [S] [F] recevables et bien fondées en leur appel, DEBOUTER M. [R] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions, SUR LE FOND REFORMER le jugement du 31 mai 2021, EN CONSEQUENCE, et statuant à nouveau, CONSTATER que Mmes [A] [F] et [S] [F] vivent depuis 1995 et 2000 sur le bien immobilier en cause, en y ayant établi leur résidence principale après avoir réglé les mensualités convenues pour acquérir leur part du terrain ; EN CONSEQUENCE, A TITRE RECONVENTIONNEL : DIRE ET JUGER qu'au vu de la possession paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire, de Mmes [A] [F] et [S] [F] résidant sur les lieux depuis 1995 et 2000, au vu et au su de tous, elles bénéficient de la prescription acquisitive et sont les seules propriétaires du bien en cause ; CONDAMNER M. [R] [F] à verser à [A] [F], [S] [F] la somme globale de 250 000 F CFP, soit 125 000 F CFP à chacune, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Valérie LUCAS, qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ; FIXER tel qu'il plaira les unités de valeur revenant a Maitre Valérie LUCAS agissant au titre de l'aide judiciaire. ******************* M. [R] [F], par conclusions en réponse enregistrées au greffe le 12 mai 2022, fait valoir, pour l'essentiel : - qu'il est propriétaire du terrain par un acte notarié établi le 23 octobre 2007 par Me [B], qui ne comporte aucune réserve ; - que s'il a toléré sur son terrain pendant quelques temps la présence de Mmes [A] [F] et [S] [F], aucune convention n'a jamais été passée, ni écrite ni orale leur permettant de prétendre à un juste et réel titre d'occupation ; - que quand bien même les appelantes démontreraient par leurs attestations produites qu'elles auraient occupé contre Mme [K], sa propriété, cette occupation ne concernerait qu'une douzaine d'années (1995-2007), avant la cession de son bien à M. [R] [F] ; - qu'en outre, si les appelantes entendent prétendre avoir elles-mêmes acquis ce terrain pour I'avoir réglé à son ancienne propriétaire, fusse par l'intermédiaire de la mère du requérant, elles doivent agir pour obtenir la transcription de cette vente contre la propriétaire, au besoin en arguant de l'antériorité de cette prétendue vente ; - qu'au surplus, force est de constater que la prescription acquisitive en matière immobilière est de trente années et que par la combinaison des articles 2262 et 2265 du Code civil, celui qui détient un immeuble par titre en prescrit la propriété par dix ans ; qu'ainsi, l'acte notarié de 2007 par lequel M. [F] est entré en juste possession de l'immeuble n'est plus attaquable en 2019 et que la durée prétendue d'occupation est en tout état de cause inférieure à trente année et n'a donc aucun effet sur le droit de propriété de M. [R] [F]. En conséquence, M. [R] [F] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit : CONSTATER que la durée prétendue d'occupation est en tout état de cause inférieure à trente année et n'a donc aucun effet sur le droit de propriété de M.[R] [F] ; CONFIRMER le jugement entrepris ; CONDAMNER Mmes [A] [F], [S] [F] au paiement d'une somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ; STATUER sur les unités de valeur à allouer à Me [M] [O] ayant occupé pour [R] [F]. ******************* L'ordonnance de clôture et de fixation de la date de l'audience a été rendue le 8 mars 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu que les dispositions de l'article 2258 du Code civil prévoient que : "La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi", l'article 2261 du même code ajoutant que : "Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire". Enfin, l'article 2272 précise que : "Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans" ; Attendu que Mme [A] [F] et Mme [S] [F] soutiennent qu'au vu de la possession paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire, établie depuis 1995 et 2000, au vu et au su de tous, elles doivent bénéficier de la prescription acquisitive et être reconnues comme seules propriétaires du bien en cause ; Attendu cependant que c'est à juste titre, par des motifs que la présente décision entend se réapproprier, que le premier juge a pu relever que les appelantes ne démontraient pas pouvoir se prévaloir d'une occupation continue de trente ans, ni ne justifiaient avoir acquis de bonne foi et par juste titre l'immeuble pour pouvoir bénéficier d'une prescription abrégée de dix ans, alors même que M. [R] [F] pouvait se prévaloir d'un acte notarié du 23 octobre 2007 ; qu'en conséquence, faute de satisfaire aux exigences de l'article 2272 du Code civil, il convient de débouter les appelants de leurs demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; PAR CES MOTIFS Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de première instance du 31 mai 2021 ; Déboute M. [R] [F] de sa demande au titre des frais irrépétibles ; Fixe à cinq le nombre d'unités de valeur revenant à Me [O], avocat de M. [R] [F], intimé, bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2018/1448 ; Fixe à trois le nombre d'unités de valeur revenant à Me Lucas, avocat de Mme [A] [F], bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2021/1840 ; Fixe à trois le nombre d'unités de valeur revenant à Me Lucas, avocat de Mme [S] [F], bénéficiaire de l'aide judiciaire totale selon décision no2021/1841 ; Condamne Mme [A] [F] et Mme [S] [F] aux entiers dépens d'appel. Le greffier,Le président.
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le : République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 16 Juin 2022 (no 111 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00131 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBZXM Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2020 par le tribunal de proximité de Villejuif RG no 11-19-000815 ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DES FOYERS ADEF [Adresse 2] [Localité 7] représentée par Me Ludovic LANDIVAUX de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500 substitué par Me Lauriane SABATHIER, avocat au barreau de PARIS toque : P0500 Monsieur [B] [E] [Adresse 1] [Localité 8] non comparant COFIDIS CHEZ SYNERGIE [Adresse 9] [Localité 3] non comparante SOGEFINANCEMENT CHEZ FRANFINANCE [Adresse 5] [Localité 6] non comparante SOCIETE GENERALE ITIM/PLT/COU [Localité 4] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES M. [B] [E] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de- Marne qui a, le 28 décembre 2018, déclaré sa demande recevable. Par une décision notifiée le 12 février 2019, la commission a préconisé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en estimant que la situation de M. [E] était irrémédiablement compromise. Le 7 mars 2019, l'association ADEF a contesté cette mesure en soulevant la mauvaise foi de M. [E]. Par jugement réputé contradictoire rendu le 26 février 2020, le tribunal d'instance de Villejuif a: - dit recevable le recours formé par l'association ADEF, - rejeté ledit recours, - constaté que la situation de M. [E] était irrémédiablement compromise, - prononcé à son profit une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. La juridiction a principalement retenu que la capacité réelle de remboursement de M. [E] était nulle, qu'il était reconnu invalide et n'avait aucune perspective raisonnable d'évolution favorable à court terme Cette décision a été notifiée le 4 mars 2020 à l'association ADEF. Par déclaration adressée le 11 mars 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, l'association ADEF a interjeté appel du jugement. Elle conteste les charges retenues et soutient qu'il existe des perspectives d'évolution quant à la situation de M. [E]. Elle affirme que M. [E] ne paie pas ses redevances au titre du jugement dont appel ce qui manifeste sa mauvaise foi. Les parties ont été convoquées à l'audience du 19 avril 2022. A l'audience, l'association ADEF par le biais de son conseil et aux termes d'écritures visées par le greffier et soutenues oralement, sollicite de la cour de voir constater le défaut de motivation du premier juge dans le cadre de la fixation des charges, de la bonne foi et de l'existence de perspectives d'évolution favorable de l'intimé, et en conséquence, de constater que sa situation n'est pas irrémédiablement compromise et rejeter la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle conteste le montant des charges retenues pour 959 euros mensuels en ce que M. [E] est hébergé en foyer de sorte que les frais de logement et de chauffage sont inclus dans le montant de la redevance de 310,81 euros. Elle note qu'aucun élément ne permet de dire que la situation serait irrémédiablement compromise alors que n'est pas connu le degré d'invalidité de M. [E], s'il effectue des démarches pour retrouver un emploi et qu'il n'a pas justifié de ses charges réelles. Elle estime que les indemnités chômage auraient dû être prise en compte. Elle ajoute que M. [E] n'a jamais honoré ses redevances et que la dette n'a cessé d'augmenter (9 139, 83 euros actuellement) alors que M. [E] n'effectue aucune démarche auprès d'une assistante sociale pour obtenir des aides financières, de ce qui traduit sa mauvaise foi. Elle précise d'ailleurs que depuis janvier 2017, il n'a fait aucune démarche auprès de la Caisse d'allocations familiales de sorte que l'aide au logement a été coupée. M. [E] bien que régulièrement convoqué, n'a pas réceptionné le courrier recommandé et n'a donc pas comparu à l'audience. Aucun autre créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION À titre liminaire, il doit être rappelé que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les créanciers non comparants. Sur la recevabilité du recours En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours de l'association ADEF. Sur le moyen tiré de la mauvaise foi Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement. Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure. En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne : 1o ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts, 2o ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens, 3o ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement. Le débiteur doit donc être de bonne foi, autrement dit sincère, au moment où il saisit la commission de surendettement. Pourtant le seul fait que le débiteur n'ait pas réglé pendant plusieurs mois ses redevances ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi. L'absence de comparution de l'intéressé n'est pas non plus, à elle seule, une preuve suffisante de mauvaise foi alors qu'il n'est pas démontré non plus l'inertie de M. [E] dans le cadre de démarches en vue de l'obtention d'aides financières au logement. Les décomptes communiqués par l'association ADEF prennent en compte la dette locative arrêtée au 29 février 2020, soit à la date où le premier juge a statué, sans qu'il soit possible de déterminer si M. [E] persiste à ne pas régler les redevances courantes exigibles pour son logement. La cour constate que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une mauvaise foi et les éléments dont la cour dispose ne révèlent pas d'autres agissements susceptibles de caractériser la mauvaise foi. Ce moyen sera en conséquence rejeté. Sur l'existence d'une situation irrémédiablement compromise En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. Aux termes des articles R.731-1 à R.731-3, « pour l'application des articles susvisés, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues à l'article L.731-1 à L.731-3, par référence au barème prévu à l'article R.3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L.262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur. La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L.731-2. Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur. Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle. Aux termes de l'article L.711-6 du code de la consommation, dans les procédures ouvertes en application du présent livre, les créances des bailleurs sont réglées prioritairement aux créances des établissements de crédit et des sociétés de financement et aux crédits mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre III. La cour doit prendre en considération la situation du débiteur à la date à laquelle elle statue et déterminer la part des revenus que M. [E] peut affecter au paiement de ses dettes, en prenant en compte l'évolution prévisible de ses revenus. Il est rappelé que le passif non contesté a été fixé à la somme de 6 714,35 euros. En l'espèce, M. [E] n'a pas comparu, ni en première instance, ni à hauteur d'appel, pour s'expliquer sur la contestation émise concernant sa situation personnelle et financière actuelle. Pour juger sa situation irrémédiablement compromise, le premier juge s'est basé en 2020 sur le dossier établi par la commission de surendettement en 2018, sans aucune pièce actualisée et alors que le débiteur a choisi de ne pas comparaître, bien que domicilié à l'adresse de convocation et avisé de la date de l'audience. Le premier juge a retenu que M. [E], âgé de 51 ans, vivant seul, sans activité et divorcé, percevait une pension d'invalidité de 737 euros par mois et devait faire face à des charges mensuelles de 959 euros comprenant 272 euros de loyer-redevance et 732 euros de forfait de base et forfait habitation-chauffage. Les éléments retenus par le premier juge apparaissent largement insuffisants pour définir la situation personnelle et financière actuelle de M. [E] et encore moins pour en déduire que cette situation serait irrémédiablement compromise au regard en particulier des perspectives d'emploi ou de formation au regard de l'invalidité de l'intéressé. Rien ne permet en outre de retenir un forfait de charges courantes de 732 euros par mois incluant les charges liées à l'habitation et au chauffage dès lors que le montant de la redevance inclut d'ores et déjà toutes les charges locatives. Cette absence de comparution et de justification laisse la Cour dans l'impossibilité de vérifier la situation personnelle, financière et professionnelle actuelle et si la situation est à ce jour irrémédiablement compromise. Dès lors il convient de renvoyer l'affaire devant la commission afin qu'elle détermine si la situation de M. [E] est à ce point compromise qu'il ne puisse rembourser ses dettes, notamment à l'égard de son bailleur. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point. Chaque partie supportera les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés. La cour statuant par arrêt par défaut et en dernier ressort, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le recours l'association ADEF recevable et en ce qu'il a déclaré M. [E] de bonne foi ; Statuant de nouveau, Dit n'y avoir lieu à rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, Renvoie le dossier à la commission de surendettement du Val-de-Marne Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties. LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 6 No RG 21/19190 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETK2 Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle Date de l'acte de saisine : 03 Novembre 2021 Date de saisine : 08 Novembre 2021 Nature de l'affaire : Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction Décision attaquée : no18/11040 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris le 14 Septembre 2021 Appelante : Société SMABTP en qualité d'assureur de la société LEVAUX, aux droits de laquelle venait la société ACH CONSTRUCTION, Prise en la personne de son président du conseil d'administration, Asssitée de Me Laurence BROSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0449 Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 - No du dossier 20210633 Monsieur [I] [F], Monsieur [T] [P], M.A.F.- MLUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, agissant en la personne de son Directeur Général, Assistés de Me Jacqueline OCTON, avocat au barreau de PARIS, toque : G706, substituant Me Sophie TESSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : G706 Représentés par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653 - No du dossier 20210267 S.A. ALLIANZ IARD recherchée en qualité d'assureur de la société HUGENSCHMITT, Assistée et représentée par Me Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0675 - No du dossier 7030 S.A. ALLIANZ IARD, venant aux droits du GAN EUROCOURTAGE, recherchée en qualité d'assureur de la société SFP, Représentée par Me Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0675 - No du dossier 7030 Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES, dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux (assureur de lasociété NOVIAS)., Assistée et représentée par Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133 - No du dossier ARE8594J Etablissement Public DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE, Représenté par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337 - No du dossier 2016.133 FONDATION NATIONALE DE TRANSFUSION SANGUINE "FNTS" Pris en la personne de son représentant légal, Non assistée, non représentée (régulièrement assignée) S.A. GENERALI IARD, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général prise en sa qualité d'assureurde la Société DEKRA INDUSTRIAL., Assistée de Me Gwenael HUET, avocat au barreau de PARIS, toque : A158 Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque: L0018 - No du dossier 41250 ORDONNANCE SUR INCIDENT DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT ( 5 pages) Nous, Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état, Assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier, FAITS ET PROCEDURE Le département de l'ESSONNE, maître d'ouvrage, a entrepris la construction d'un collège situé [Adresse 2]. Pour cette opération, la société d'Economie Mixte d'Aménagement BURES ORSAY (SAMBOE) est intervenue en qualité de mandataire du maître d'ouvrage. Ont notamment participé à l'acte de construire l'équipe de maîtrise d'oeuvre composée de : - deux architectes, Monsieur [F] et Monsieur [P], étant observé que Monsieur [F] était le mandataire commun du Groupement de maîtrise d'oeuvre ; - bureaux d'études techniques : la société SOMETE (BET STRUCTURES), la société BRI (BET FLUIDES), Monsieur [V] (BET ACOUSTIQUE) et la société AGENCE CBK HOTELLERIE (BET CUISINISTE). Ces intervenants sont assurés auprès de la MAF. La société AFITEST - aux droits de laquelle est venue la société NORISKO puis la société DEKRA INDUSTRIAL - est intervenue en qualité de Bureau de Contrôle, assurée auprès de la société GENERALI. Suivant acte d'engagement du 24 juillet 2001, la société LEVAUX est intervenue en qualité d'entreprise générale. La société LEVAUX a fait appel à des sous-traitants : - société SFP (liquidée) : lot « protections solaires extérieures et occultations » suivant devis accepté le 25 juin 2002, assurée auprès du GAN ; - société NOVIAS (liquidée) : lot « étanchéité et couverture zones 2 et 3 sauf salle audiovisuelle dans la zone 3 » suivant devis accepté le 23 novembre 2001, assurée auprès de la société AREAS dommages ; - société ILISS (liquidée) : lot « revêtements des sols durs » suivant proposition acceptée le 17 avril 2002, assurée auprès de la MAAF ASSURANCES SA ; - société EIF : lot « couverture zone 1 et salle audiovisuelle zone 3 » suivant devis accepté le 23 novembre 2001; - société LEUILLET : lot « menuiseries extérieures, mur rideau, bardage, hors protections solaires extérieures et occultations » suivant devis accepté le 9 octobre 2001. La réception est intervenue le 8 juillet 2003 à effet au 31 décembre 2002, avec réserves. Par procès-verbal du 8 juillet 2003, les réserves ont été levées, à l'exception de celles relatives à la reprise des enrobés. Au cours de l'année 2004, le département de l'ESSONNE s'est plaint de l'apparition de divers désordres. Par ordonnance de référé du tribunal administratif de Versailles du 15 avril 2008 , M. [C] a été commis en qualité d'expert judiciaire. Par ordonnance de référé du 4 septembre 2008, les opérations d'expertise ont notamment été rendues communes et opposables aux parties suivantes : - La société SFP et son assureur, le GAN ; - La compagnie AREAS DOMMAGES, recherchée en qualité d'assureur de la société NOVIAS ; - La compagnie MAAF ASSURANCES, recherchée en qualité d'assureur de la Société ILISS ; - La société HUGENSCHMITT (liquidée) et son assureur, la société AGF aux droits de laquelle vient désormais la compagnie ALLIANZ IARD ; - La société EIF ; - La société LEUILLET. La société LEVAUX nouvellement dénommée ACH CONSTRUCTION a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 25 juin 2012. M. [C] a déposé son rapport d'expertise le 8 mars 2013. Le département de l'ESSONNE a, par requête introductive d'instance saisi le tribunal administratif de VERSAILLES le 17 novembre 2014. Par jugement du 12 février 2018, le Tribunal administratif de VERSAILLES a, entre autres dispositions, condamné M. [F], M. [P], les sociétés SOMETE, BRI, DEKRA et LEVAUX à payer au département de L'ESSONNE diverses sommes en indemnisations de ses préjudices. Le département de l'ESSONNE a, par acte du 13 avril 2018, saisi le tribunal de grande instance de PARIS afin d'obtenir la garantie de la SMABTP, recherchée en qualité d'assureur de la société LEVAUX. MM [F] et [P] ont assigné, à leur tour, par exploit d'huissier du 5 juin 2018, dans le cadre de leurs recours en garantie, la SMABTP (en sa qualité d'assureur de la société LEVAUX) et GENERALI IARD (en sa qualité d'assureur de NORISKO). La SMABTP a appelé en garantie la compagnie AREAS DOMMAGES, recherchée en qualité d'assureur de la société NOVIAS, la société ALLIANZ IARD, recherchée en qualité d'assureur de la Société HUGENSCHMITT, la MAAF ASSURANCES SA, recherchée en qualité d'assureur de la Société ILISS et le GAN ASSURANCES, recherché en qualité d'assureur de la Société SFP. La société GENERALI IARD (en sa qualité d'assureur de NORISKO) a, assigné en garantie la MAF, en sa qualité d'assureur de MM [F] et [P]. Ces affaires ont été jointes. Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes : ? DECLARE irrecevable l'action en garantie de la SMABTP contre la société ALLIANZ en qualité d'assureur de la société HUGENSCHMITT ; ? DECLARE irrecevable l'action en garantie de la SMABTP contre la société AREAS DOMMAGES en qualité d'assureur de la société NOVIAS ; ? CONDAMNE in solidum la SMABTP en qualité d'assureur de la société LEVAUX, Monsieur [F], Monsieur [P] à payer la somme de 4.168,39 € au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE ; ? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 119 533 € ; ? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 30 777,86 € ; ? DEBOUTE MM [F] et [P] et la MAF de leur demande d'appel en garantie à l'encontre de la société GENERALI ; ? CONDAMNE la SMABTP à garantir Messieurs [F] et [P] et la MAF à hauteur de 915,94 € ; ? DEBOUTE la société GENERALI de sa demande en paiement in solidum de la somme de 3 252,43 € à Monsieur [F], Monsieur [P] et la MAF ; ? CONDAMNE la SMABTP, en qualité d'assureur de la société LEVAUX, à payer à la société GENERALI la somme de 541 654,14 € ; ? DÉBOUTE la société ALLIANZ de sa demande d'intervention volontaire en qualité d'assureur de la société SFP ; ? DÉBOUTE la demande de condamnation in solidum de la Société SFP et de la société GAN ASSURANCES à verser à la SMABTP la somme de 3 800 € au titre des désordres relatifs à la chute des stores extérieurs ; ? DÉBOUTE la SMABTP de sa demande en paiement à la société LEUILLET de la somme de 141.456 € ; ? CONDAMNE la société MAAF, en sa qualité d'assureur de la société ILISS à verser à la SMABTP la somme de 4.019 € au titre des désordres relatifs aux fissurations et décollement des carrelages ; ? DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; ? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ? CONDAMNE la SMABTP à payer la somme de 1.500 € à la société GENERALI au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ? CONDAMNE la société MAAF à payer à la SMABTP la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ? DÉBOUTE pour le surplus la SMABTP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ? DÉBOUTE la société MAAF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ? CONDAMNE in solidum la SMABTP, Monsieur [F], Monsieur [P] et la MAF aux entiers dépens ; ? AUTORISE le recouvrement direct des dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ; ? ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement. Par déclaration du 3 novembre 2021, la SMABTP a interjeté appel de ce jugement. Par conclusions d'incident, la SMABTP a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir : - juger que la fin de non-recevoir qu'elle soulève est recevable ; - juger que l'action de la société Generali, de MM [F] et [P] et de la MAF sont prescrites ; - déclarer irrecevables les demandes formées par la société Generali, MM [F] et [P] et de la MAF ; - déclarer irrecevables les demandes formées par la société Generali, MM [F] et [P] et de la MAF contre la SMABTP ; - débouter la compagnie Aréas dommages, en sa qualité d'assureur de la société Novias, la société Allianz Iard, en sa qualité d'assureur de la société Hugenschmitt, la société Generali, MM [F] et [P] et la MAF de l'ensemble de leurs demandes ; - condamner in solidum la société Areas dommages, en sa qualité d'assureur de la société Novias, la société Allianz Iard, en sa qualité d'assureur de la société Hugenschmitt, la société Generali, MM [F] et [P] et la MAF à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. MM [F], [P] et la MAF, s'en rapportent sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir, et lui demandent de : - constater que la cour n'est pas saisie de la question de la prescription de leur action, non mentionnée dans les chefs du jugement critiqués de la déclaration d'appel du 3 novembre 2021 ; - se déclarer incompétent pour statuer sur ladite prescription ; - juger que la SMABTP est irrecevable à soulever la prescription de l'action en garantie formée à son encontre ; - condamner la SMABTP au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile. La compagnie GENERALI IARD demande au conseiller de la mise en état de : - à titre principal, se déclarer incompétent pour examiner la fin de non-recevoir invoquée par la SMABTP au profit de la cour statuant au fond ; - à titre subsidiaire, rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SMABTP ; - déclarer recevable l'action en paiement exercée par la compagnie Generali Iard ; - condamner la SMABTP à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699. La compagnie ALLIANZ Iard, ès qualités d'assureur des sociétés HUGENSCHMITT et SFP, demande au conseiller de la mise en état de se déclarer incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SMABTP. A titre subsidiaire, elle s'en rapporte à justice sur cette fin de non-recevoir. Elle demande de condamner la SMABTP à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. AREAS DOMMAGES s'en rapporte à justice sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'incident soulevé par la SMABTP et sur la recevabilité de l'action de GENERALI contre la SMABTP. Elle demande de rejeter toute demande dirigée contre elle et de condamner la SMABTP à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens avec application de l'article 699. Par application combinée des articles 789, 6o et 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. Cependant, le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou le tribunal, ni celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge. La SMABTP demande de déclarer prescrite l'action exercée par la société Generali et MM [F] et [P] et la MAF à son encontre. Le tribunal n'a pas été saisi de cette fin de non-recevoir mais il a, entre-autres dispositions : - condamné la SMABTP à garantir MM [F] et [P] et la MAF à hauteur de 915,94 euro ; - condamné la SMABTP à payer à la société GENERALI la somme de 541 654,14 euros. Le conseiller de la mise en état n'a donc pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par la société GENERALI, MM [F] et [P] et la MAF contre la SMABTP. En effet, si elle était accueillie, cette fin de non-recevoir aurait pour conséquence de remettre en cause ce qui a été jugé par le tribunal. L'appréciation de cette fin de non-recevoir relève du pouvoir exclusif de la cour d'appel statuant au fond. Le conseiller de la mise en état dira, en conclusion, qu'il n'a pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir soumise par la SMABTP. Au regard de ce qui précède, les dépens de l'incident seront supportés par la SMABTP. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées. PAR CES MOTIFS Disons que le conseiller chargé de la mise en état n'a pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par la société GENERALI, MM [F] et [P] et la MAF contre la SMABTP ; Condamnons la SMABTP aux dépens de l'incident avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats pouvant y prétendre ; Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. Ordonnance rendue par Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier présent lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Paris, le 16 juin 2022 L'adjoint faisant fonction de greffier,Le magistrat en charge de la mise en état,
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Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 224 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/22676 - No Portalis 35L7-V-B7D-CBEYJ Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2019 -Tribunal d'Instance de BOBIGNY RG no 19/000258 Monsieur [F] [O] [Adresse 4] [Localité 5] né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 8] Représenté par Me Marylin BREJOU de la SELARL LEMYS AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX Monsieur [D] [C] [Adresse 2] [Localité 6] né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 7] (Algérie) Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 22 janvier 2020, déposée à l'étude d'Huissier de Justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. François LEPLAT, Président de chambre Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [W] [R] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - rendu par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par contrat de bail sous seing privé du 19 novembre 2011 à effet au 26 novembre 2011, M. [D] [C] est devenu locataire d'un local à usage d'habitation situé [Adresse 2]. Le contrat de bail mentionne : "M et Mme [O]" comme étant les bailleurs. La société à responsabilité limitée Cogestion, exerçant sous l'enseigne ORPI, est intervenue ès qualités de mandataire des bailleurs pour la signature de ce contrat. Par acte d'huissier de justice du 29 septembre 2017, M. [F] [O] et Mme [K] [O] ont fait délivrer à M. [D] [C] un commandement, visant la clause résolutoire, de payer la somme de 7.175,18 euros au titre des loyers et charges échus, échéance de septembre 2017 incluse. Par acte d'huissier du 23 juillet 2018, M. [F] [O] et Mme [K] [O] ont fait assigner M. [D] [C] devant le tribunal d'instance de Bobigny lui demandant de : - constater l'acquisition de la clause résolutoire, - ordonner l'expulsion du locataire, ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est, aux frais, risques et périls du défendeur, - autoriser de faire transporter, le cas échéant, les meubles laissés dans les lieux par le locataire, dans tout garde-meubles de son choix, à ses frais, risques et périls, - condamner le locataire à payer la somme de 15.485,66 euros au titre des loyers, charges arrêtés au 1er juillet 2018 avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, - condamner le locataire à payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges, révisable selon les dispositions conventionnelles, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire et ce, jusqu'a la libération complète des lieux, - condamner le locataire à payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - condamner le locataire aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation. Cité par acte délivré par remise en l'étude, M. [D] [C] n'a pas comparu. Par jugement réputé contradictoire entrepris du 28 juin 2019 le tribunal d'instance de Bobigny a ainsi statué : Déclare irrecevable le recours de M. [F] [O] et Mme [G] pour défaut de qualité à agir ; Condamne M. [F] [O] et Mme [G] aux entiers dépens de l'instance ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; Rejette la demande faite en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [F] [O] et Mme [G] aux entiers dépens. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 6 décembre 2019 par M. [F] [O] ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 11 février 2020 par lesquelles M. [F] [O] et "Mme [G]" demandent à la cour de : Vu le contrat de bail en date du 19 novembre 2011, Vu l'article 7 de la Loi no89-462 du 6 juillet 1989, Vu le commandement de payer en date du 29 septembre 2017, Infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Bobigny le 28 juin 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevables M. [F] [O] et Mme [G] en leurs demandes ; Statuant à nouveau : Déclarer M. [F] [O] et Mme [G] recevables en leurs demandes, les y dire bien fondés ; Condamner M. [D] [C] à payer à M. [F] [O] et Mme [G] la somme de 16.287,82 euros, représentant les loyers et charges arriérés arrêtés au 1er août 2018, laquelle somme sera augmentée des intérêts au taux légal courus depuis le 29 septembre 2017, date de la signification du commandement de payer ; Condamner M. [D] [C] à payer à M. [F] [O] et Mme [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner M. [D] [C] aux entiers dépens de l'instance, ainsi les frais de signification de l'assignation introductive d'instance devant le tribunal statuant en première instance et du commandement de payer en date du 29 septembre 2017. La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à M. [D] [C] par acte remis à étude le 22 janvier 2020. M. [D] [C] n'a pas constitué avocat. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions que M. [F] [O] et Mme [G] ont remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la propriété du bien loué : Le premier juge a déclaré M. [F] [O] et Mme [G] irrecevables en leur action par défaut d'intérêt à agir, faute d'avoir produit un titre de propriété. Mais, devant la cour, M. [F] [O] et Mme [G] produisent une attestation notariée datée du 30 avril 2008 d'acquisition par vente en l'état de futur achèvement : - du lot no20 du bâtiment A de l'ensemble immobilier situé [Adresse 2], correspondant à l'appartement de deux pièces no67 au 3ème étage, tel que mentionné au contrat de bail, - du lot no510 du bâtiment G de l'ensemble immobilier situé [Adresse 2], correspondant à l'emplacement de parking no249 au 2ème sous-sol, tel que mentionné au contrat de bail. Ils produisent en outre l'acte liquidatif de communauté du 2 décembre 2013, précédant leur divorce par consentement mutuel, prononcé par jugement du 8 avril 2014, acte duquel il résulte du titre IV (page 13 et suivantes), qu'ils restent propriétaires indivis du bien objet de la location. Ainsi M. [F] [O] et Mme [G] sont recevables à agir. En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions. Sur la dette locative : M. [F] [O] et Mme [G] produisent un courriel de la société à responsabilité limitée Cogestion, daté du 7 septembre 2018 les informant de ce que M. [D] [C] a restitué les clés du logement. Ils versent aux débats un décompte au mois d'août 2018 inclus, laissant apparaître une dette locative d'un montant de 16.287,82 pour la période ayant couru d'avril 2015 à août 2018. L'assignation ayant été introduite par acte du 23 juillet 2018, la cour doit prendre en compte la prescription triennale édictée par l'article 7-1 de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Selon cet article : "Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit. Toutefois, l'action en révision du loyer par le bailleur est prescrite un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer." À cet égard, le commandement, visant la clause résolutoire, de payer la somme de 7.175,18 euros a été délivré le 29 septembre 2017 alors que, selon le décompte produit, la dette locative s'était régulièrement aggravée depuis le mois de mars 2017 et que M. [F] [O] et Mme [G] avaient ainsi connaissance des faits leur permettant de pouvoir lui faire délivrer un commandement de payer à compter de cette date. Il s'ensuit que la prescription courra antérieurement au 29 septembre 2014, de sorte que les demandes formées à partir du mois d'avril 2015 ne sont pas prescrites. L'examen du décompte mis aux débats permet de constater qu'il ventile uniquement des échéances mensuelles et des règlements, laissant apparaître un solde débiteur à la charge de M. [D] [C] pleinement justifié. La cour le condamnera ainsi à s'acquitter du paiement de la somme réclamée à ce titre. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Il est équitable d'allouer à M. [F] [O] et Mme [G] une indemnité de procédure de 2.000 euros. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt par défaut, par application de l'article 473 alinéa 1 du code de procédure civile, Infirme le jugement entrepris, Déclare recevables M. [F] [O] et Mme [G] en leur action, Et statuant à nouveau, Condamner M. [D] [C] à payer à M. [F] [O] et Mme [G] la somme de 16.287,82 euros, représentant les loyers et charges arrêtés au 1er août 2018, échéance d'août 2018 incluse, laquelle somme sera augmentée des intérêts au taux légal courus depuis le 29 septembre 2017, date de la signification du commandement de payer à hauteur de 7.175,18 euros, de l'assignation du 23 juillet 2018 pour les sommes comprises entre 7.175,19 euros et 15.485,66 euros et à compter des dernières conclusions signifiées le 22 janvier 2020 pour le surplus ; Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Et y ajoutant, Condamne M. [D] [C] à payer à M. [F] [O] et Mme [G], ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [D] [C] aux dépens de première instance d'appel, incluant les frais du un commandement de payer, visant la clause résolutoire, délivré le 29 septembre 2017 et ceux de l'assignation délivrée le 23 juillet 2018, Rejette toutes autres demandes. La greffière, Le Président,
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 217 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/13707 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAIWF Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2019 -Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE - RG no 11/18/4139 Monsieur [M] [W] [F] [Adresse 4] [Localité 3] Représenté par Me Claire PERNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0036 SA RESIDENCES LE LOGEMENT DES FONCTIONNAIRES, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 562 069 278, agissant poursuites et diligences du Président de son Directoire, domicilié en cette qualité au dit siège. [Adresse 2] [Localité 1] Représentée par Me Christian PAUTONNIER de la SELARL PAUTONNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0159 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : François LEPLAT, président de chambre Anne-Laure MEANO, présidente assesseur Bérengère DOLBEAU, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé en date du 27 février 2014, la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires a donné à bail à M. [M] [F] un studio situé à [Adresse 4]. Par acte d'huissier du 8 novembre 2018, la société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires a assigné M. [M] [F] devant le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine notamment aux fins de résiliation du bail, expulsion, paiement de la somme de 3.818,57 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 août 2018 inclus et d'une indemnité d'occupation. M. [M] [F], assigné par dépôt de l'acte en étude d'huissier n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter. Par jugement réputé contradictoire entrepris du 19 avril 2019 le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine a ainsi statué : Constate la résiliation du contrat de bail liant les parties à compter du 21 août 2018 ; Autorise la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, à défaut de libération volontaire des lieux, à procéder, à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, à l'expulsion de M. [M] [F] des lieux qu'il occupe, tant de sa personne que de ses biens ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec assistance de la force publique si besoin est ; Dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; Condamne M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, en deniers ou quittances valables : - une somme de 5 144,16 euros à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 18 février 2019, indemnité de janvier 2019 incluse ) avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ; - une indemnité mensuelle d'occupation des lieux d'un montant de 310 euros (sans indexation possibles et charges comprises ) à compter du 1er février 2019 et jusqu'à parfaite libération des locaux ; Rejette les prétentions plus amples ou contraires ; Condamne M. [M] [F] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer délivré le 21 juin 2018 s'élevant à 160,35 euros et de l'assignation délivrée le 8 novembre 2018 s'élevant à 69,75 euros ( et non à 95,49 euros ) et de sa dénonciation au préfet le 13 novembre 2018 ( dont le coût sera limité à 1 euro ). PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 5 juillet 2019 par M. [M] [F] ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 17 novembre 2021 par lesquelles M. [M] [F], appelant, demande à la cour de : Recevoir M. [M] [F] en ses fins, dires et conclusions ; L'y déclarer bien fondé ; En conséquence : Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de bail liant les parties à compter du 21 août 2018 ; Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a autorisé la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, à défaut de libération volontaire des lieux, à procéder, à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, à l'expulsion de M. [M] [F] des lieux qu'il occupe, tant de sa personne que de ses biens ainsi que celle de tous occupant de son chef, avec assistance de la force publique si besoin est ; Infirmer le jugement dont appel en ce qu il a condamné M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires en deniers ou quittances valables : - une somme de 5 144,16 euros à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 18 février 2019, indemnité de janvier 2019 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ; - une indemnité mensuelle d'occupation des lieux d'un montant de 310 euros (sans indexation possibles et charges comprises ) à compter du 1er février 2019 et jusqu'à parfaite libération des locaux ; Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [M] [F] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer délivré le 21 juin 2018, s'élevant à 160,35 euros et de l'assignation délivrée le 8 novembre 2018 s'élevant à 69,75 euros (et non à 95,49 euros ) et de sa dénonciation au préfet le 13 novembre 2018 (dont le coût sera limité à 1 euro); Et statuant à nouveau : Débouter la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires de l'ensemble de ses demandes ; Suspendre les effets de la clause résolutoire ; Accorder à M. [M] [F] les plus larges délais de paiement, soit 36 mois ; Dire et juger que M. [M] [F] s'acquittera de son arriéré locatif de la manière suivante : - 175 euros les 35 premières mensualités - le solde à la 36ème mensualité A titre subsidiaire : Accorder à M. [M] [F] un délai de deux ans pour quitter les lieux ; En tout état de cause : Condamner la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires aux entiers dépens de première instance et d'appel. Vu les dernières écritures remises au greffe le 16 novembre 2021 au terme desquelles la SA Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, intimée, demande à la cour de : Confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Ivry sur Seine d'Ivry sur Seine en date du 19 avril 2019 ; Débouter M. [M] [F] de l'ensemble de ses demandes ; Constater le jeu de la clause résolutoire insérée au bail portant sur l'appartement situé [Adresse 4] ) et à défaut, subsidiairement prononcer la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges aux échéances convenues ; Conditionner tout délai au paiement par M. [M] [F] d'une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer, des charges courantes outre 1/24 de l'arriéré, sous peine de déchéance desdits délais et assortis ; Ordonner l'expulsion de M. [M] [F] ainsi que celle de tous occupants de son chef, de l'appartement situé [Adresse 4]) au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de dix euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ; Condamner M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires au titre des loyers, éventuels suppléments de loyer de solidarité, charges et indemnités d'occupation impayés, la somme provisionnelle de 8 866,11 euros, comptes provisoirement arrêtés au 19 octobre 2021, terme du mois de septembre 2021, avec intérêt au taux légal à compter de la signification des présentes conclusions et pour le surplus, au jour de l'audience, outre les loyers, suppléments de loyer de solidarité, charges et indemnités d'occupation impayés au jour de l'audience, suivant l'actualisation de la dette effectuée après l'ordonnance de clôture et jusqu'au jour de l'audience conformément à l'article 783 du code de procédure civile, sans préjudice de tous autres dus ; Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ; Condamner M. [M] [F] à payer à la SA Résidences Le Logement Des Fonctionnaires une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au montant du loyer révisable majoré des charges et de l'éventuel supplément de loyer de solidarité calculés tels que si le bail s'était poursuivi, et ce à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération des lieux de tous occupants et meubles de son chef, et remise des clés ; Débouter M. [M] [F] de ses demandes plus amples ou contraires ; Condamner M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logements Des Fonctionnaires la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 560 du code de procédure civile ; Condamner M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner M. [M] [F] aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance et ceux d'appel. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la résiliation du bail L' acquisition de la clause résolutoire et le constat de la résiliation du bail ne sont pas contestés par l'appelant qui se borne à demander la suspension des effets de cette clause par l'octroi de délais de paiement et, subsidiairement, des délais pour quitter les lieux ; sous réserve de ces questions, il n'y a donc pas lieu d'infirmer le jugement en ce qui concerne le principe de la résiliation du bail à la date du 21 août 2018 et ses conséquences relatives à l'expulsion. Sur la dette locative Le premier juge a constaté que la dette locative était d'un montant de 5.144,16 euros arrêtés au 18 février 2019, indemnité d'occupation de janvier 2019 incluse, et a fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme fixe de 310 euros « sans indexation possible et charges comprises », à compter du 1er février 2019 et jusqu'à libération des lieux. M. [M] [F] soutient que la Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires n'a pas appliqué correctement la décision en ajoutant les charges, de 57,16 euros par mois à l'indemnité d'occupation de 310 euros mensuels fixe décidée par le premier juge. Elle en conclut qu'il existe un différentiel de 337,90 euros réclamés en trop par la Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires. La Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires demande à la cour de fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer et des charges et de l'éventuel supplément de loyer de solidarité tels qu'ils auraient été si le bail s'était poursuivi, et ce à compter de la résiliation du bail. Elle produit un décompte d'où il résulte que la dette réactualisée s'élèverait à la somme de 8.866,11 arrêtée au 19 octobre 2021, terme du mois de septembre 2021 inclus ; toutefois ce décompte, dont la typographie est minuscule, est quasiment illisible, en particulier le solde de la dette pour chaque mois et le solde final. Il n'en sera donc pas tenu compte, sauf à constater, ce qui est d'ailleurs admis par l'intimée, qu'après une interruption des paiements en mars 2018, M. [M] [F] a repris ceux-ci, irrégulièrement à compter du mois d'avril 2019, puis que les paiements de loyer courant ont eu lieu régulièrement depuis 2020. La cour se fondera donc sur le décompte lisible et exploitable, arrêté au 4 décembre 2019 à la somme (manuscrite) de 8.374,86 euros. L'indemnité due par l'occupant sans droit ni titre d'un local trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire et dans l'article 1240 (ancien1382) du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux. Ayant pour objet de réparer l'entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature, compensatoire et indemnitaire et peut en particulier compenser les pertes de loyers subies par le propriétaire ; elle répond au principe fondamental de la réparation intégrale des préjudices, visant à rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. En l'espèce, la société bailleresse subirait un préjudice certain si l'indemnité d'occupation ne correspondait pas au montant des loyers et des charges qui seraient dus si le bail s'était poursuivi. La cour accueillera donc la demande de la Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation, qui est due à compter de la résiliation du bail soit le 21 août 2018. Par ailleurs, le décompte précité fait état, pour les mois de juillet à novembre 2019 inclus, d'un "loyer" d'un montant mensuel de 310 euros (auxquels s'ajoutent 57,16 euros de charges mensuelles) alors que le loyer hors charge devant servir de référence pour établir l'indemnité d'occupation était de 239, 43 euros de janvier 2016 à décembre 2018 inclus, puis de 242, 42 euros en avril et mai 2019 et enfin de 244,67 en juin 2019 ; aucune pièce justificative ne justifie la somme de 310 euros qui manifestement résulte du jugement entrepris et ici infirmé. Il sera donc retenu que les sommes poursuivies sont excédentaires à hauteur de 65,33 euros (soit 310 euros - 242,42 euros) pour les mois de juillet à novembre 2019 inclus, soit au total la somme de 326,65 euros (soit 65,33 euros x5), laquelle sera déduite du décompte, dont le montant sera ainsi ramené à la somme totale de 8048,21 euros, arrêtée au 4 décembre 2019. Le jugement sera donc infirmé sur ces points. Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire M. [M] [F] demande des délais de paiement de 36 mois et la suspension des effets de la clause de résiliation de plein droit en application de l'article 24, V et VII, de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Il propose de payer 175 euros au titre des 35 premières mensualités et le solde à la 36ème et produit notamment : -un titre de séjour pluriannuel valable jusqu'au 17 juin 2023, -un contrat de travail à durée indéterminée, du 21 août 2020, comme agent de sécurité à temps complet pour la Société Continentale Protection Service, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1606 euros, -un accusé de réception par l'URSSAF de la déclaration préalable à l'embauche, - des bulletins de salaire d'où il résulte que fin 2021 il percevait un salaire mensuel net avant impôt sur le revenu de 1798 euros. Il est constant que M. [M] [F] paye régulièrement le loyer courant depuis plus de deux ans. Au regard de ces éléments, la situation de M. [M] [F] démontre qu'il est en situation de régler sa dette locative et y a lieu d'accorder des délais de paiement d'une durée de trois ans, en 35 mensualités d'au moins 175 euros et une 36ème couvrant le solde de la dette. Conformément à l'article 24 VII de la loi de 1989 , ces délais suspendront les effets de la clause résolutoire selon les modalités fixées au dispositif de l'arrêt. Sur la demande de dommages et intérêts en application de l'article 560 du code de procédure civile L'article 560 du code de procédure civile dispose que le juge d'appel peut condamner à des dommages-intérêts celui qui forme un appel principal après s'être abstenu sans motif légitime de comparaître en première instance. M. [M] [F] se borne à indiquer n'avoir pas eu connaissance de l'assignation alors que celle-ci lui a été délivrée à l'étude de huissier de justice, l'adresse étant vérifiée et un avis de passage ayant été laissé dans la boîte aux lettres de l'intéressé. La Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, qui doit supporter une procédure judiciaire et des délais supplémentaires, justifie avoir subi un préjudice résultant de l'absence de comparution de M. [M] [F] en première instance, sans motif légitime, justifiant la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts. Sur les intérêts légaux : La Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires demande que la condamnation de M. [M] [F] porte intérêt au taux légal "à compter de la signification des présentes conclusions et pour le surplus, au jour de l'audience". L'article 1231-6 du code civil prévoit que: "Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. (...). Pour mémoire l'article 1231-7 du même code dispose qu'en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement; sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En l'espèce, compte tenu des pièces produites et des demandes formées, la créance indemnitaires portera intérêts au taux légal sur la somme de 8.048,21 euros à compter des dernières conclusions de la Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires, soit le 16 novembre 2021. Sur la capitalisation des intérêts : L'article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Il sera fait droit à la demande de la Société d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires le cas échéant lorsque les intérêts seront échus pour une année entière, soit à compter du 16 novembre 2022. Sur l'article 700 du code de procédure civile : La présente décision ne justifie pas que le jugement soit infirmé en ce qui concerne l'indemnité de l'article 700 et les dépens de première instance. S'agissant de l'instance d'appel, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant et le point de départ de l'indemnité d'occupation et le montant de la dette locative, Et statuant à nouveau, Fixe l'indemnité d'occupation due par M. [M] [F] à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires pour l'occupation du logement situé [Adresse 4]) à un montant égal au montant des loyers et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, et ce à compter du 21 août 2018; Condamne M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires la somme de 8.048,21 euros arrêtée au 4 décembre 2019, au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation ; Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Et y ajoutant, Dit que la dette locative portera intérêts au taux légal, sur la somme de 8.048,21 euros à compter du 16 novembre 2021; Dit que les intérêts dus pour une année entière à compter du 16 novembre 2022 produiront eux-mêmes intérêts, Autorise M. [M] [F] à s'acquitter de la dette par 35 versements mensuels d'au moins 175 euros et du solde au 36ème versement, payables en plus du loyer courant, et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification du présent arrêt, la dernière mensualité couvrant le solde de la dette, Suspend les effets de la résiliation pendant le cours de ces délais et dit que s'ils sont respectés, la résiliation du bail sera réputée n'avoir jamais été acquise, Dit qu'en cas de défaut de paiement d'un seul versement mensuel à son échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible et la résiliation reprendra immédiatement tous ses effets, Dit en ce cas qu'à défaut par M. [M] [F] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d‘exécution, la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires pourra procéder à leur expulsion et à celle de tout occupant de leur chef avec l'assistance de la force publique et, si besoin est, au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur, Dit qu'alors M. [M] [F] devra payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires l'indemnité mensuelle d'occupation fixée; Condamne M. [M] [F] à payer à la SA d'HLM Résidences Le Logement Des Fonctionnaires la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts, Condamne M. [M] [F] aux dépens d'appel, Rejette toutes autres demandes. La Greffière Le Président
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No de minute : 45/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 16 Juin 2022 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 20/00110 - No Portalis DBWF-V-B7E-RNT Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :19/85) Saisine de la cour : 28 Octobre 2020 S.A.R.L. DOMICILE SERVICES, représentée par son gérant en exercice, M. [D] [I] Siège social : [Adresse 2] Représentée par Me Marie-katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA Mme [H] [V] née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4] demeurant [Adresse 3] Représentée par Me Gustave TEHIO membre de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN. Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le 5 mai 2022 puis prorogé au 2 juin puis au 16 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur François BILLON, Conseiller en remplacement de Monsieur Philippe DORCET empêché, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Suivant contrat à durée déterminée du 5 avril 2016 suivi d'un premier avenant, Mme [H] [V] a été engagée par la SARL DOMICILE SERVICES en qualité de technicienne de surface à temps partiel du 5 avril 2016 au 1er août 2016. Suivant deux avenants des 30 juillet 2016 et 1er mars 2017, Mme [V] a été recrutée à temps complet et pour une durée indéterminée à compter du 1er août 2016 moyennant un salaire mensuel brut porté à 185 055 francs CFP, puis à 208 000 francs CFP en qualité de "responsable du service nettoyage". Par courrier du 23 janvier 2010 faisant suite à un entretien préalable du 11 janvier 2019, Mme [V] a été licenciée dans les termes suivants (sic) : " Nous avons eu à déplorer de votre part un agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 14 janvier 2019 à 13 heures au bureau de domicile services. Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants : – Tout d'abord le 10 janvier 2019 au matin il vous a été demandé de revenir l'après-midi afin de réaliser les factures pour vos clients du mois de décembre 2018. Vous vous êtes énervé en me spécifiant que vous ne viendrait pas et que vous avez d'autres rendez-vous. Dont un pour renseigner l'intendant de l'un de nos clients sur nos produits, au final il n'était pas présent. Il vous a pourtant été spécifié que la priorité sont les factures et vos fonctions ne sont pas de renseigner sur les produits à utiliser en dehors de vos lieux de travail. Vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail le jeudi 10 janvier 2019 dans l'après-midi. – Vous êtes présenté avec votre enfant lors d'un rendez-vous professionnel, nous avons eu des plaintes de l'un de nos clients, comme précisé dans notre règlement intérieur. Vous n'avez pas le droit d'utiliser nos véhicules, ni de vous rendre chez nos clients avec une personne extérieur à la société. – Depuis le mois de juillet 2018, votre agenda est quasiment vide de rendez-vous, il semble que la prise de rendez-vous ainsi que le suivi des chantiers n'est pas fait de façon régulière. Votre comportement met en cause la bonne marche de l'entreprise. Lors de votre notre entretien du 14 janvier 2019, vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre écart ; en conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous vous confirmons la mise à pied à titre conservatoire pour les faits exposés ci-dessus. Le licenciement prend effet immédiatement dès réception de la présente, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni licenciement. Nous tenons à votre disposition votre certificat de travail ainsi que votre solde de tout compte." Par requête déposée au greffe le 21 mars 2019, Mme [V] a saisi le tribunal du travail de Nouméa aux fins de voir reconnaître que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts. Par jugement contradictoire du 29 septembre 2020, le tribunal, après avoir reconnu que le licenciement de Mme [V] pour faute grave était abusif, a condamné la société DOMICILE SERVICES à lui payer les sommes de : - 1 400 000 francs CFP à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 192 000 francs CFP à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; - 16 000 francs CFP à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ; - 56 000 francs CFP à titre d'indemnité de licenciement ; - 200 000 francs CFP au titre du préjudice moral distinct de celui causé par le licenciement. Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que les griefs d'insubordination, d'abandon de poste, d'utilisation du véhicule à des fins personnelles et d'insuffisance dans la recherche de clients n'étaient pas démontrés par l'employeur et que la faute consistant à avoir amené son enfant au domicile d'un client ne constituait pas une faute susceptible de justifier son licenciement. PROCÉDURE D'APPEL Par requête déposée au greffe de la cour le 28 octobre 2020, la société DOMICILE SERVICES a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses derniers écritures du 30 août 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement de constater que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et en tout état de cause de ramener les dommages-intérêts à de plus justes proportions. En réplique, au terme de ses dernières écritures du 31 août 2021, Mme [V] demande à la cour de condamner la société DOMICILE SERVICES à lui payer les sommes de : - 1 279 000 francs CFP au titre du solde des salaires ; - 18 333 francs CFP au titre des congés payés ; - 1 million de francs CFP au titre des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi ; - 2 640 000 francs CFP au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 384 000 francs CFP au titre de l'indemnité de préavis ; - 64 166 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement. Pour un exposé détaillé des moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures respectives, aux notes de l'audience ainsi qu'aux développements ci-dessous. MOTIFS DE LA DÉCISION Aux termes de l'article Lp. 122-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il appartient à l'employeur de démontrer que le licenciement auquel il a procédé est fondé au regard de ces dispositions et non au salarié d'établir qu'il a correctement rempli les obligations découlant de son contrat de travail, quand bien même il est requérant à la procédure. Cette démonstration s'effectue au regard des seuls griefs énoncés par la lettre de licenciement. En l'espèce, la société DOMICILE SERVICES s'est prévalu, aux termes de la lettre de licenciement, de quatre griefs pour justifier sa décision. S'agissant du premier de ces griefs, l'employeur reproche à Mme [V] d'avoir refusé de se conformer, le 10 janvier 2019, à une consigne de M. [I], gérant de la société, tendant à la réalisation des factures pour le mois de décembre 2018 et d'avoir ensuite quitté sans justification son poste de travail durant l'après-midi. Toutefois, l'employeur ne produit aux débats aucun document permettant d'établir qu'il entrait dans les missions de Mme [V] d'établir les factures pour le compte de la société. Ainsi, l'employeur ne produit aucune fiche de poste et aucun document attestant des missions ou consignes données à sa salariée. Sa seule qualité de "responsable du service entretien" telle qu'elle résulte des deux derniers avenants de son contrat de travail est insuffisante à établir qu'il lui appartenait de réaliser les factures de la société. Dès lors, son refus d'y procéder , dans des termes qui ne sont pas précisés et ne peuvent être retenus à l'encontre de Mme [V], ne peut être regardé comme fautif. Il n'est pas établi par ailleurs que Mme [V], qui jouissait d'une certaine autonomie dans l'organisation de son activité en sa qualité de "responsable du nettoyage" et dont il n'est pas contesté qu'elle devait se déplacer régulièrement aux domiciles de clients, était en abandon de poste le 10 janvier 2019 dans l'après-midi alors même que l'une des salariées atteste qu'elle s'est rendue avec elle au domicile de l'un des clients habituels de la société, contrairement à ce que soutenait l'employeur aux termes de la lettre de licenciement. S'agissant du second grief selon lequel Mme [V] n'aurait pas " recherché assez de clients" ce dont témoigneraient d'une part l'agenda de Mme [V] pour l'année 2018 comportant peu de rendez-vous, d'autre part la baisse de 355 à 349 heures du "service ménage" entre janvier 2018 et janvier 2019 et l'augmentation d'activité de 20 % au cours des quatre mois consécutifs à son départ, aucune disposition contractuelle, aucune fiche de poste et aucun document produit ne permettent de retenir qu'il entrait dans la mission de Mme [V] de rechercher de nouveaux clients et que la baisse de l'activité dudit service, évaluée à six heures entre janvier 2018 et janvier 2019, soit significative et imputable à Mme [V]. Ce grief ne peut dès lors fonder le licenciement litigieux. S'agissant du troisième grief tenant à l'utilisation d'un véhicule de la société pour transporter son enfant, Mme [V] reconnaît qu'elle a véhiculé son enfant à plusieurs reprises durant ces heures de repos de midi avec un véhicule de l'entreprise. Si l'utilisation à des fins personnelles du véhicule qui lui a été confié pour un usage strictement professionnel - ainsi qu'il résulte d'une mention de son contrat de travail - constitue une faute disciplinaire, cette dernière ne peut, en l'absence de tout rappel et de toute sanction disciplinaire préalable, constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, ce alors que l'employeur n'établit pas le nombre et la fréquence de cette utilisation à titre privé et ne démontre pas qu'elle a eu des conséquences sur l'exécution par Mme [V] des missions qui lui étaient imparties, rendant de fait impossible la poursuite du contrat de travail. De même, s'il n'est pas contesté que Mme [V] a conduit, de manière fautive, son fils au domicile de l'un de ses clients, lequel a proposé à l'enfant de se baigner dans sa piscine durant l'intervention de sa mère, cette faute, qui n'a porté aucun préjudice à la société et dont la date n'est pas précisée et dont il n'est pas établi qu'elle ait été réitérée, ne peut, en l'absence de tout rappel préalable à ses obligations ou de toute sanction disciplinaire, justifier le licenciement litigieux. Il résulte de ce qui précède que le licenciement n'était justifié ni, comme l'a retenu le tribunal, par une faute grave de la salariée, ni par une cause réelle et sérieuse comme l'invoque l'employeur à titre subsidiaire en cause d'appel. Sur les demandes indemnitaires consécutives au licenciement : C'est par une juste appréciation que le tribunal, au visa de l'article Lp. 122-35 du code du travail de Nouvelle-Calédonie a, après avoir constaté que Mme [V] percevait au moment de son licenciement un salaire mensuel de 208 000 francs CFP brut et pouvait se prévaloir d'une ancienneté de deux ans et 11 mois, lui a alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 1 400 000 francs CFP. En revanche, il est constant que le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ne peut percevoir, en sus de l'indemnité prévue à l'article Lp. 122-35, une seconde indemnité de licenciement sur le fondement des articles Lp. 122-27 et R 122-4 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie. S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, il y a lieu de relever que l'article L 122-22, 3o du code du travail de la Nouvelle-Calédonie prévoit que le salarié qui a plus de deux mois d'ancienneté peut prétendre à une indemnité correspondant à deux mois de salaire, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée par Mme [V] à hauteur de 384 000 francs CFP. Il y a lieu par ailleurs de faire droit à la demande présentée au titre des congés payés sur préavis à hauteur de 18 333 francs CFP. Le caractère brutal du licenciement avec mise à pied immédiate et privation de toute indemnité malgré l'absence évidente de faute grave et en l'absence de tout avertissement préalable, alors que la salariée n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire et avait au contraire, au fil des mois, vu ses responsabilités s'accroître de manière constante au sein de l'entreprise, a nécessairement causé à Mme [V] un préjudice moral que le tribunal a justement réparé en lui allouant une somme de 200 000 francs CFP. Sur la demande de revalorisation salariale : Mme [V] soutient qu'elle devait, par application du code du travail et de l'accord interprofessionnel territorial (AIT), être classée et rémunérée en qualité d'agent de maîtrise niveau trois échelon trois (N3E3), indice 258 à compter du 1er août 2016, date à laquelle elle a été recrutée en qualité de responsable du nettoyage. Elle sollicite au titre de rappel de salaires la somme totale de 1 219 000 francs CFP. La société DOMICILE SERVICES conclut au rejet de cette demande, estimant que Mme [V] ne démontre pas en quoi elle pouvait dès 2016 bénéficier d'une telle classification. Elle souligne toutefois que Mme [V] a bénéficié de diverses promotions internes, de sorte que sa rémunération était adaptée à ses missions et à ses compétences. En l'espèce, il convient de relever que la rémunération de Mme [V] a connu une évolution constante, passant de 169 000 francs CFP en 2016 à 185 000 francs en 2017 et 2018 puis 208 000 francs CFP en 2019. Or, aucune disposition du code du travail calédonien ou de l'Accord Interprofessionnel Territorial ne permet d'établir que Mme [V] devait être classée en qualité d'agent de maîtrise et non d'employée et que ses tâches et responsabilités correspondaient, à compter du 1er août 2016, à un niveau N3E3, qualification retenue par l'accord professionnel de branche "Commerce et divers" dont l'application n'est visée ni par les contrats de travail, ni par les bulletins de salaire. Faute de démontrer d'une part la réalité des missions qu'elle invoque, d'autre part que sa rémunération était inférieure, au regard des tâches confiées - à les supposer démontrées - à celles prévues par un accord collectif liant l'employeur, Mme [V] ne pourra qu'être déboutée de sa demande de ce chef. Sur les demandes annexes : La société DOMICILE SERVICES échoue à titre principal à faire la démonstration de son bon droit en cause d'appel. Elle sera dès lors déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et sera condamnée à supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré abusif le licenciement pour faute ; Y ajoutant : DECLARE le licenciement sans cause réelle et sérieuse, Le REFORME pour le surplus ; Statuant à nouveau : CONDAMNE la société DOMICILE SERVICES à payer à Mme [H] [V] les sommes de : - 1 400 000 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 384 000 francs CFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; - 18 333 francs CFP au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ; - 200 000 francs CFP au titre du préjudice moral ; DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; FIXE à 4 UV en première instance et 3 UV en appel le coefficient de base servant au calcul de la rémunération de Me [J] au titre de l'aide juridictionnelle ; CONDAMNE la société DOMICILE SERVICES aux dépens de première instance et d'appel ; Le greffier,Le président.
CAPP/JURITEXT000045967959.xml
MINUTE No 22/538 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/02593 - No Portalis DBVW-V-B7D-HDIZ Décision déférée à la Cour : 17 Avril 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG APPELANT : Monsieur [V] [S] [Adresse 2] [Localité 4] Représenté par Me Corinne ZIMMERMANN, avocat au barreau de STRASBOURG CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN Service contentieux [Adresse 1] [Localité 3] Comparante en la personne de Mme [BM] [NO], munie d'un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE M. [V] [S], qui exerce la profession de masseur-kinésithérapeute à titre libéral, a fait l'objet d'un contrôle du service médical de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin pour une partie de son activité professionnelle. Ce contrôle a fait apparaître plusieurs anomalies sur les facturations d'actes médicaux pour des soins ayant donné lieu à remboursement sur la période du 7 avril 2014 au 31 décembre 2015. Par courrier du 9 février 2017, M. [S] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Bas-Rhin d'une contestation de la décision de la caisse du 14 décembre 2016 lui réclamant le remboursement d'un indu de 35.142,51 euros au titre de plusieurs anomalies de facturation d'actes médicaux, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin à l'encontre de la décision implicite de rejet de ladite commission. Vu l'appel interjeté par M. [S] le 5 juin 2019 par voie électronique (inscrit au répertoire général de la cour sous le no19/2593) à l'encontre du jugement rendu le 17 avril 2019, et notifié le 23 mai 2019, par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg auquel le contentieux a été transféré qui, dans l'instance opposant M. [S] à la CPAM du Bas-Rhin, a déclaré le recours du demandeur mal fondé, l'a débouté de sa demande d'expertise judiciaire, a validé le redressement opéré par la CPAM du Bas-Rhin portant sur les anomalies sur les facturations d'actes médicaux pour des soins remboursés au cours de la période allant du 7 avril 2014 au 31 décembre 2015 pour la somme de 34.711,31 euros, a condamné M. [S] à payer cette somme à la CPAM du Bas-Rhin ainsi qu'aux dépens de la procédure et l'a débouté de sa demande de condamnation de la CPAM du Bas-Rhin au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Vu la déclaration d'appel envoyée par M. [S] par voie postale le 13 juin 2019 (inscrit au répertoire général de la cour sous le no19/2754) à l'encontre du même jugement ; Vu l'ordonnance du magistrat chargé d'instruire les affaires sociales du 6 février 2020 prononçant la jonction des deux affaires sous le noRG 19/2593 ; Vu les conclusions visées le 1er mars 2022, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. [S] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, à titre principal d'ordonner une expertise judiciaire des tableaux des anomalies établies par la CPAM du Bas-Rhin, subsidiairement de réduire a minima la somme des indus réclamés de 34.808,75 euros et de condamner la CPAM du Bas-Rhin au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Vu les conclusions visées le 3 février 2022, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin demande à la cour de rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire formulée par M. [S], de dire et juger que M. [S] lui est redevable de la somme de 35.180,90 euros, de rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [S] à lui rembourser cette somme, et au paiement de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ; Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ; Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Par courrier du 22 avril 2016, la directrice de la CPAM du Bas-Rhin notifiait à M. [S] les griefs retenus par le service du contrôle médical résultant de l'analyse d'une partie de son activité professionnelle. Dans le cadre du contrôle, M. [S] a sollicité un entretien auprès du service du contrôle médical ; celui-ci s'est déroulé le 20 juin 2016. Trois types d'anomalies relatives d'une part aux surcotations d'actes, de bilan-diagnostic kinésithérapique (BDK), d'indemnités de déplacement et de durée de séance non conforme à la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), d'autre part à l'absence de prescription médicale et enfin aux BDK en nombre insuffisant et aux BDK non conformes, ont été retenues à l'examen de l'activité concernant 63 assurés pour un total de 35.142,51 euros. La procédure de contrôle diligentée par la caisse n'est, en la forme, pas contestée par M. [S]. Ce dernier conteste néanmoins certaines anomalies retenues par la CPAM à l'issue de l'entretien contradictoire et le litige s'est étendu à la demande d'expertise judiciaire. Sur la demande d'expertise judiciaire M. [S] forme une demande d'expertise médicale judiciaire au motif qu'il conviendrait de déterminer si le montant réclamé par la caisse est justifié pour chacun des dossiers d'assurés dont la facturation est contestée. La CPAM du Bas-Rhin, qui se réfère à la motivation du tribunal dans le jugement querellé, conclut au rejet de la demande de l'appelant. En l'espèce, les questions en litige relèvent de l'appréciation à donner aux mentions figurant sur les prescriptions médicales ainsi qu'à la constatation de leur présence ou de leur absence, de sorte qu'une expertise n'a pas lieu d'être ordonnée. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formée par M. [S]. Sur le bien fondé de l'indu réclamé par la caisse L'article L133-4 du code de la sécurité sociale permet à l'organisme de sécurité sociale qui prend en charge le coût des actes facturés par un professionnel de santé de recouvrer auprès de lui l'indu résultant 'une inobservation des règles de tarification ou de facturation. En vertu de l'article L162-1-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de la loi no2010-1594 du 20 décembre 2010, la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé est subordonné à son inscription sur une liste, l'inscription sur la liste pouvant elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. Les actes et prestations des professionnels de santé ne sont pris en charge par l'assurance maladie que s'ils figurent sur la liste des actes et prestations et dans les conditions prévues par cette liste. S'agissant des actes cliniques médicaux des auxiliaires médicaux, la liste visée par l'article précité est la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP). Le remboursement de l'assurance maladie ne peut intervenir qu'à la double condition qu'il s'agisse d'un acte inscrit à la NGAP, et que sa codification soit conforme à celle définie par cette même nomenclature. Lorsque les conditions de prise en charge d'un acte prévu à la NGAP ne sont pas respectées, le refus de remboursement par l'assurance maladie est justifié. Aux termes de l'article 3 de la NGAP, le praticien ou l'auxiliaire médical doit indiquer sur la feuille de maladie non pas la nature de l'acte pratiqué, mais simplement sa codification, comportant le numéro de code de l'acte figurant à la Nomenclature. Toutefois, à titre transitoire, et jusqu'à la date à compter de laquelle l'obligation de codification deviendra effective, le praticien doit indiquer sur la feuille de soins : 1. la lettre clé prévue à l'article précédent selon le type de l'acte et la qualité de celui qui l'exécute ; 2. immédiatement après le coefficient fixé par la Nomenclature. L'article 5 de cette même nomenclature dispose que seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'assurance maladie, les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative, et qu'ils soient de sa compétence. Selon le titre XIV de la nomenclature, les actes de ce titre peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'assurance maladie, lorsqu'ils sont personnellement effectués par un masseur-kinésithérapeute, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription écrite du médecin mentionnant l'indication médicale de l'intervention du masseur-kinésithérapeute ; le médecin peut, s'il le souhaite, préciser sa prescription, qui s'impose alors au masseur-kinésithérapeute. La durée des séances est, sauf exception, de l'ordre de trente minutes. Les cotations comprennent les différents actes et techniques utilisés par le masseur-kinésithérapeute pendant la séance à des fins de rééducation, que ce soient des manoeuvres de massage, des actes de gymnastique médicale ou des techniques de physiothérapie. Sauf exception afférente à la rééducation des maladies respiratoires avec désencombrement urgent conjuguée à la réalisation d'un acte de rééducation d'une autre nature, ces cotations ne sont pas cumulables entre elles. A chaque séance -excepté le cas précité- s'applique donc une seule cotation, correspondant au traitement de la pathologie ou du territoire anatomique en cause. La cotation en AMS, AMK ou AMC du bilan est forfaitaire. Elle ne peut être appliquée que pour un nombre de séances égal ou supérieur à 10. Un bilan-diagnostic kinésithérapique est réalisé pour un nombre de séances compris entre 10 et 20, puis de nouveau toutes les 20 séances pour traitement de rééducation et de réadaptation fonctionnelle figurant au chapitre II ou III, sauf exception. Un bilan-diagnostic kinésithérapique est réalisé pour un nombre de séances compris entre 10 et 50, puis de nouveau toutes les 50 séances pour traitement de rééducation des conséquences des affections neurologiques et musculaires, en dehors des atteintes périphériques radiculaires ou tronculaires. Lorsqu'un acte inscrit à la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou à la Classification commune des actes médicaux (CCAM) doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du professionnel de santé sont remboursés, en sus de la valeur de l'acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le professionnel de santé. Ainsi, l'indemnité forfaitaire de déplacement (IFD) s'ajoute au montant des honoraires perçus pour les actes effectués au domicile du patient et peut, le cas échéant, se cumuler avec des indemnités kilométriques (IK). Par dérogation aux dispositions liminaires du titre XIV, dans les cas où l'état du patient nécessite la conjonction d'un acte de rééducation respiratoire (pour un épisode aigu) et d'un acte de rééducation d'une autre nature, les dispositions de l'article 11B des Dispositions générales sont applicables à ces deux actes. Ainsi, lorsqu'au cours d'une même séance, plusieurs actes inscrits à la nomenclature sont effectués sur un même malade par le même praticien, l'acte du coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre. Le deuxième acte est ensuite noté à 50% de son coefficient L'article R4127-76, second alinéa, du code de la santé publique précise que tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. Enfin, l'article L162-12-8 du code de la sécurité sociale dispose que les masseurs-kinésithérapeutes sont tenus d'effectuer leurs actes dans le respect des dispositions du titre III du livre IV du code de la santé publique et de leurs mesures d'application en observant la plus stricte économie compatible avec l'exécution des prescriptions. En l'espèce, la caisse produit aux débats en complément du tableau récapitulatif des anomalies constatées pour chaque assuré qu'elle avait joint à la notification d'indu, des extraits du rapport du médecin conseil de la caisse ainsi que certaines prescriptions médicales à l'appui de la facturation de M. [S]. M. [S] conteste les indus réclamés par la caisse concernant plusieurs patients. Sur les patients no16, 19, 25, 35 et 45 La caisse indique que M. [S] n'a pas contesté les anomalies de facturation relevées pour ces patients devant la commission de recours amiable, ni devant le tribunal. Elle n'en tire toutefois aucune conséquence juridique et ne formule aucune prétention sur la recevabilité de cette contestation. Au fond, l'intimée fait valoir que lorsqu'un caractère d'urgence dans le cadre d'une poussée aiguë au cours d'une pathologie respiratoire chronique a pu être retrouvée (traitement antibiotiques, visites du médecin plus fréquentes voire hospitalisation) la cotation AMK8 a été acceptée dans le respect de l'article 11B des dispositions générales sus-cité ; l'acceptation de cette cotation étant nécessairement limitée dans le temps. Concernant le patient no16 -Mme [J] [P]-, M. [S] conteste l'indu retenu par la caisse mais n'apporte pas d'autres éléments ou explications que ceux fournis au cours du contrôle qui ont conduit le médecin conseil à écarter la facturation des séances AMS 9,5 + AMK 8 + IFO et à retenir la cotation AMK 10 + IFN, voire dans certains cas la cotation AMK 10 + AMK 8/2 + IFN. Concernant le patient no19 -M. [I] [W], M. [S] conteste l'indu retenu par la caisse mais n'apporte strictement aucun élément ni explications autres que ceux fournis au cours du contrôle qui ont conduit le médecin conseil à écarter la facturation des séances AMK 8 +AMK 10 et à ne retenir que la cotation AMK 10. Concernant le patient no25 -Mme [C] [G]-, M. [S] conteste l'indu retenu par la caisse mais se réfère à une ordonnance du 28 mars 2014 qu'il ne joint pas. Concernant le patient no35 -M. [EE] [R], M. [S] conteste l'indu retenu par la caisse mais fait simplement valoir que « la facture du 07/11/2014 était valide » alors que la validité de celle-ci n'est pas en cause, mais que son libellé (« 30 séances de mobilisations + K né respiratoire à domicile, dimanches et jours fériés si nécessaire, à renouveler 3X ») a conduit le médecin conseil à écarter la cotation AMS 9,5 + AMK 8 pour n'admettre que la cotation AMS 9,5. Concernant le patient no45 -M. [ZW] [D]-, M. [S] conteste l'indu retenu par la caisse mais n'apporte pas d'élément qui le contredise, produisant même l'ordonnance du 5 janvier 2015 qui prescrivait des « séances de kinésithérapie spécifiquement adaptée à la maladie de Parkinson » et a conduit le médecin conseil à écarter 12 cotations AMK 8. Du tout il se déduit que M. [S] n'est pas fondé à contester l'indu concernant ces patients. Sur le patient no2 (Mme [E] [O]) S'appuyant sur les ordonnances des 10 mars 2014 et 30 juin 2014 pour justifier de l'application de la cotation AMS 9.5 + IFO, M. [S] prétend que le médecin prescripteur a commis une erreur en répondant à une question du service du contrôle médical de la caisse et que les bilans produits mettent en évidence la nécessité du travail musculaire des quatre membres. Si le masseur-kinésithérapeute s'engage personnellement à assurer au patient des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science, les ordonnances devaient permettre la rééducation de la déambulation du sujet âgé, né en 1914, soit l'application de la cotation AMK 6, aucun élément ne justifiant une rééducation des conséquences des affections orthopédiques et rhumatologiques. Cet acte ne relevant pas de l'article premier du titre XIV de la NGAP, il n'autorise pas la facturation de l'indemnité forfaitaire prévue par la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, mais ouvre droit au versement de l'indemnité forfaitaire de déplacement prévue par la NGAP. En outre, la fréquence prescrite est de deux à trois fois par semaine ainsi que l'a affirmé le médecin prescripteur dans sa réponse. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no2. Sur le patient no7 (Mme [U] [B]) Les 12 séances prescrites le 5 mai 2014 ont été facturées du 7 mai 2014 au 6 juin 2014. 5 séances supplémentaires ont été facturées entre le 9 et le 13 juin 2014, sans qu'elles ne soient davantage justifiées à hauteur d'appel autrement qu'en référence à l'ordonnance du 30 octobre 2013 qui a été rédigée sept mois plus tôt. Concernant les séances effectuées du 16 décembre 2014 au 4 février 2015, celles-ci devaient bénéficier de la cotation relative à la rééducation de la marche pour le maintien de l'autonomie de la personne âgée AMK 6 + IFD compte-tenu des objectifs des séances considérées en regard de la feuille de suivi de rééducation fonctionnelle et de la fiche de rééducation fonctionnelle en EHPAD toutes deux complétées par M. [S]. Contrairement à ce que soutient ce dernier, les séances n'ont pas été supprimées mais la cotation retenue a été modifiée conformément à l'état du patient et des prescriptions médicales. Enfin, la cotation AMK 8 a été acceptée par la caisse à compter du 5 février 2015 et M. [S] ne peut réclamer un cumul des cotations AMK 8 et AMS 9,5 ni une cotation AMS 9,5 + AMK 8/2, en l'absence de toute situation de poussée aiguë de bronchite caractérisée, l'appelant indiquant lui-même dans ses conclusions la manifestation de cette pathologie comme hypothétique. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no7. Sur le patient no8 (M. [L] [A]) Les soins facturés pour ce patient ont été mis en rapport avec onze dates de prescription différentes, étant observé que seules 6 ordonnances différentes ont été jointes ou fournies a posteriori par M. [S], dont 3 non datées. M. [S] estime que le remboursement des prestations par la caisse suppose nécessairement l'existence des ordonnances. Il considère que la preuve de l'absence de prescription incombe à la caisse. La caisse ne conteste pas l'existence d'une prescription médicale déclarée par M. [S]. La cour ajoute que l'existence d'un service du contrôle médical est notamment justifiée en raison du système déclaratif à la base duquel sont effectués les remboursements aux professionnels de santé. Ce contrôle permet de détecter les anomalies. Au total, au regard des prescriptions fournies, la caisse a accepté la facturation de 130 séances de rééducation cotées AMK 10 + IFN alors que par l'effet des réutilisations de prescriptions 256 séances ont été facturées par M. [S]. Ce dernier se borne à affirmer que 119 séances ont été retirées injustement et que « l'ensemble des ordonnances est produit aux débats pour justifier de l'ensemble des prescriptions ». Toutefois seules quatre prescriptions médicales sont versées aux débats, dont une ordonnance non datée, une ordonnance du 19 février 2014, un duplicata d'une ordonnance du 19 mai 2014 et une ordonnance du docteur [H] du 3 octobre 2014 sur laquelle la mention « AR 1x » a manifestement été rajoutée et dont la caisse a relevé qu'elle avait été fournie avec des factures d'actes renseignés comme ayant été prescrits le 15 septembre 2014, puis le 4 novembre 2014 et le 30 décembre 2014. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no8. Sur le patient no9 (Mme [L] [X]) Seules 6 ordonnances ont été jointes par M. [S] alors que celui-ci a renseigné 13 dates de prescription différentes. Devant la cour, M. [S] se borne à affirmer avoir effectué « 310 séances » mais n'en justifie pas. Il a en revanche été relevé lors du contrôle que seules trois des six ordonnances étaient datées et que celles qui ne l'étaient pas ont été réutilisées à plusieurs reprises en modifiant la date de prescription. De plus, d'après le témoignage de la patiente recueilli par le médecin conseil, celle-ci était suivie par M. [S] trois fois par semaine depuis quatre ans et les séances de kinésithérapie correspondaient à des séances de rééducation respiratoire relevant de la cotation AMK 8 + IFP / séance -ce que confirme une attestation du docteur [N] de sorte que M. [S] a facturé à tort les séances sous la cotation AMS 9,5 + AMK 8 + IFO. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no9. Sur le patient no31 (Mme [GB] [K]) Devant la cour, M. [S] soutient que toutes les séances facturées étaient en rapport avec une prescription et que l'indu n'est pas fondé. Or sur les cinq dates de prescription renseignées par M. [S], ce dernier n'a été en mesure de produire au service du contrôle médical que deux ordonnances, une ordonnance datée du 3 janvier 2014 et une ordonnance non datée. La mention « AR x2 » a été rajoutée a posteriori sur l'ordonnance du 3 janvier 2014 par une autre main que celle du médecin prescripteur. L'ordonnance non datée vise « 15 séances de rééducation des membres inférieurs et de la marche à domicile + kiné respiratoire si nécessaire. A renouveler 2x » et est identique à celle versée en annexe par M. [S] sur laquelle la date du « 27.11.13 » apparaît avoir été ajoutée. M. [S] produit aussi une ordonnance supportant la date du « 2.6 14 » ; cette date a manifestement été ajoutée a posteriori et la mention du nombre de séances « 18 séances de réadaptation à la marche. A domicile » sur l'ordonnance apparaît manifestement surchargée. Le docteur [N], médecin prescripteur, atteste avoir autorisé le praticien kinésithérapeute à mentionner un renouvellement sur certaines ordonnances (cf. attestation du docteur [N] du 11 mai 2016), sans préciser lesquelles, étant encore observé que la patiente a été vue à six reprises par le docteur [N] entre les mois de janvier et septembre 2014, sans interruption d'activité. Au regard de la fréquence des rendez-vous médicaux de cette patiente avec le docteur [N] et de l'attestation insuffisamment circonstanciée de ce dernier, mais encore d'un seul bilan diagnostic kinésithérapique réalisé au cours des 109 séances facturées, il n'y a pas lieu de retenir les renouvellements écrits de la main de M. [S]. Dans ces conditions, vu la seule ordonnance prescrivant 45 séances, utilisée à plusieurs reprises par M. [S] sur la période contrôlée, la caisse a pu retenir la cotation de 45 AMK 6 + IFD et rejeter la cotation AMS 9,5 + AMK 8 + IFO puisqu'il s'agissait de séances de rééducation des membres inférieurs et de la marche avec de la kinésithérapie respiratoire si nécessaire dans le cadre d'une affection chronique. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no31. Sur le patient no33 (Mme [JV] [G]) Le médecin traitant de la patiente a indiqué dans un courrier adressé à la caisse que l'objectif des trois séances hebdomadaire consistait à faire marcher la patiente de 89 ans et à assurer le maintien à domicile du sujet âgé. Selon l'article 9 du chapitre II du titre XIV de la NGAP, la rééducation de la déambulation dans le cadre du maintien de l'autonomie de la personne âgée (séance d'une durée de l'ordre de vingt minutes) se cote AMK 6. Du 2 au 21 mars 2015, la caisse a accepté la facturation d'une rééducation respiratoire AMK 8 en association avec l'AMK 6 de rééducation à la marche en raison d'une surinfection bronchique aiguë qui cependant doit respecter les termes de l'article 11 de la NGAP selon lequel, d'une part, l'acte au coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre et, d'autre part, l'autre acte est noté à 50 % de son coefficient. En ce cas, il devait être fait application de la cotation AMK 8 + AMK 6/2 ainsi qu'en a décidé le tribunal. M. [S] n'apportant pas d'éléments qui contredisent les observations de la caisse, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa contestation d'indu dans le cas du patient no33. Sur le patient no36 (M. [SI] [WC]) En l'absence d'épisode aigu nécessitant un désencombrement urgent chez ce patient âgé de 83 ans atteint d'hémiplégie et de bronchite chronique, la cotation relative à la rééducation à l'hémiplégie AMK 9 + IFN trouve à s'appliquer conformément à l'article 4, chapitre 2, titre XIV de la NGAP. En l'absence de précision de fréquence de soins en matière de kinésithérapie respiratoire portée sur la prescription du 15 septembre 2014 ("30 séances de rééducation fonctionnelle des membres inférieurs plus kiné respiratoire si besoin à domicile"), la caisse a accepté la prise en charge des 56 séances facturées en AMK 9 dont 10 séances avec la cotation supplémentaire AMK 8/2 + IFN et une séance avec AMK 8. M. [S] estime que « l'ordonnance » -sans qu'il ne précise laquelle- est mal rédigée. Si le docteur [M], qui n'est pas le docteur [I] à l'origine des prescriptions versées aux débats, certifie que le patient nécessite des soins de kinésithérapie en continu, cette attestation a été rédigée en mai 2016 et ne vise pas le besoin de rééducation neurologique et respiratoire en continu au titre de la période concernée par la répétition de l'indu. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no36. Sur le patient no50 (Mme [HY] [Y]) Aucune des prescriptions versées aux débats tant par la caisse, laquelle a rendu illisible le nom du patient, que par M. [S], sur lesquelles aucune date n'est précisée ni même ajoutée à la main contrairement à d'autres prescriptions dont il entend se prévaloir, ne concerne de manière certaine la patiente no50 au titre de l'année 2014. Pour l'année 2015, le médecin de la patiente a prescrit 30 séances de kinésithérapie à domicile pour rééducation des Mlf et messages antalgiques du rachis à compter du 13 janvier 2015. Trente séances de kinésithérapie à domicile ont à nouveau été prescrites le 6 mars 2015 (massages antalgiques et décontracturants de l'épaule et du bras droits) avec renouvellement une fois. La cotation a retenir conformément à l'article premier, chapitre 2, titre XIV de la NGAP, est AMS 7,5 + IFD (rééducation d'un membre et de sa racine des conséquences des affections orthopédiques et rhumatologiques / actes affectés de la lettre clé AMS). Si M. [S] estime que seule la différence entre la cotation appliquée et la cotation applicable doit être remboursée à la caisse, l'appelant ne justifie pas que les séances invalidées par la caisse ont toutes été prescrites, celui-ci ne versant aux débats que les deux prescriptions médicales des 13 janvier 2015 et 6 mars 2015. Quant à la double facturation qui lui est reprochée par la caisse, M. [S] se borne à faire valoir que la caisse n'apporte aucune preuve de la volonté délibérée d'utiliser deux fois, par son associé et lui-même, la même ordonnance sans pour autant contester le fait. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no50. Sur le patient no52 (Mme [CH] [LS]) Sur la base des deux prescriptions des 23 avril 2014 et 19 juillet 2014 valables chacune pour 20 séances, M. [S] a facturé 50 séances cotées AMS 9,5 + IFO au lieu de 40. Il reproche à la CPAM de ne pas tenir compte de son libre choix du nombre de séances. Les dispositions liminaires du titre XIV de la NGAP prévoient cependant expressément que par dérogation à l'article 5 des dispositions générales, les actes du titre XIV peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'assurance maladie, lorsqu'ils sont personnellement effectués par un masseur-kinésithérapeute, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription écrite du médecin mentionnant l'indication médicale de l'intervention du masseur-kinésithérapeute ; le médecin peut, s'il le souhaite, préciser sa prescription, qui s'impose alors au masseur-kinésithérapeute. Les dix séances ayant été facturées en sus des deux prescriptions, c'est à bon droit que la CPAM du Bas-Rhin a refusé la prise en charge de ces dix séances non prescrites, la preuve de la concordance des éléments déclarés par M. [S] incombant à celui-ci. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no52. Sur le patient no53 (Mme [UF] [PL] [T]) Lors de l'entretien du 20 juin 2016, M. [S] n'a pas contesté les cotations retenues par le médecin conseil de la caisse. Il tente vainement de remettre en cause les cotations retenues par la caisse et validées par le tribunal. Ce dernier a justement considéré qu'au regard des mentions de la prescription médicale du 12 décembre 2014, la rééducation à la marche et à l'équilibre après hospitalisation conduit à retenir une cotation AMK 8 au lieu de AMS 9,5 + IFO. Les prescriptions du 14 mars 2014 ne sont pas versées aux débats, mais le médecin traitant a précisé que l'objectif thérapeutique était le maintien de l'autonomie de la patiente âgée de 90 ans, séances qui devaient être facturées sous la cotation AMK 6 + IFD conformément à l'article 9, chapitre 2, titre XIV de la NGAP. En cas de rééducation respiratoire associée, la cotation à retenir est AMK 8 + AMK 6/2 + IFP (prescriptions du 14 mars 2014 et du 9 janvier 2015). L'appelant ne justifie pas d'une rééducation pour ce patient au coefficient 9,5. Concernant la prescription du 9 février 2015, des séances de kinésithérapie ont été délivrées au titre de la rééducation fonctionnelle et de la kinésithérapie respiratoire, actes cotés AMK 8 + AMK 6/2 + IFO. En dehors de la kinésithérapie respiratoire, les séances devaient être facturées sous la cotation AMK 6 + IFD. M. [S] ne conteste pas l'application d'un seul déplacement par jour pour ce patient étant encore observé que le cumul des facturations IFP et IFO est interdit. M. [S] n'apportant pas d'éléments qui contredisent les observations du médecin conseil de la caisse dans le cadre du contrôle, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa contestation d'indu dans le cas du patient no53. Sur le patient no55 (M. [XS] [F]) M. [S] a produit des ordonnances non datées pour les séances facturées au titre de la période contrôlée, dont certaines ont été surchargées (renouvellement). La caisse a validé 191 séances en prenant en compte chaque ordonnance une seule fois. L'appelant ne produit pas l'ensemble des ordonnances visées dans ses déclarations ni l'attestation du médecin traitant à laquelle il fait allusion et aucune explication n'est fournie sur le remploi des ordonnances ainsi que l'ont constaté les premiers juges. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no55. Sur le patient no63 (M. [AP] [Z]) Les différentes prescriptions médicales versées aux débats précisent que les séances de kinésithérapie ont pour objectif la rééducation à la marche dont la cotation applicable à ce type d'acte est AMK 6 + IFD lorsque la séance est effectuée à domicile. M. [S] fait valoir qu'un kinésithérapeute doit rééduquer le patient dans son ensemble de sorte qu'un travail global des quatre membres et du tronc doit être réalisé lorsque la maladie d'Alzheimer, comme tel est le cas de ce patient, est à l'origine de la perte de la marche. Cette affection neurologique n'entre cependant pas dans le champ de l'article 4, chapitre 2, titre XIV de la NGAP et M. [S] n'était pas autorisé à retenir une autre cotation que celle prévue pour la rééducation de la déambulation du sujet âgé. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa contestation d'indu dans le cas du patient no63. Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que la demande de répétition d'indu de la caisse est en son principe fondée. Il y a lieu d'observer que l'indu, réclamé et notifié par la CPAM du Bas-Rhin le 14 décembre 2016 à hauteur de la somme de 35.142,51 euros, a été finalement arrêté par la caisse à la somme de 35.180,90 euros selon son tableau récapitulatif rectifié en annexe no4, établi après prise en compte des observations de M. [S]. Tel était le montant réclamé par la caisse à M. [S] dans ses conclusions développées devant les premiers juges. Le jugement sera donc infirmé quant au montant de l'indu et M. [S] sera condamné à verser à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 35.180,90 euros. Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. M. [S] supportera les dépens de l'instance d'appel et sera condamné à régler à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sa propre demande de ce chef étant rejetée. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE l'appel recevable ; CONFIRME le jugement déféré du 17 avril 2019 du tribunal de grande instance de Strasbourg sauf en ce qu'il a validé le redressement opéré par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin pour la somme de 34.711,31 euros et condamné M. [V] [S] à payer ce montant à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ; VALIDE le redressement opéré par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin portant sur les anomalies de facturation des actes médicaux pour des soins remboursés au cours de la période allant du 7 avril 2014 au 31 décembre 2015 à la somme de 35.180,90 euros ; CONDAMNE M. [V] [S] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 35.180,90 euros (trente cinq mille cent quatre vingts euros et quatre vingt dix centimes) ; Ajoutant au jugement, CONDAMNE M. [V] [S] aux dépens d'appel ; CONDAMNE M. [V] [S] à régler à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et REJETTE sa propre demande présentée à ce titre. Le Greffier,Le Président,
CAPP/JURITEXT000045967965.xml
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRET DU 16 JUIN 2022 (no 218 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/13938 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAJRL Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2019 -Tribunal d'Instance de MONTREUIL SOUS BOIS - RG no 1118000164 Monsieur [B] [Z] [Adresse 1] [Localité 2] Représenté et assisté par Me Anne SEVIN de la SCP MARTINS SEVIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB05 Monsieur [M] [U] [Adresse 3] [Localité 4] Madame [S] [R] épouse [M] [U] [Adresse 3] [Localité 4] Représentés par Me Rosa BARROSO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1838 Assistés par Me Ali BENNACER, avocat au barreau du Val d'Oise COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : François LEPLAT, président de chambre Anne-Laure MEANO, présidente assesseur Bérengère DOLBEAU, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 1er août 2015, M. [B] [Z] a donné à bail à M.[M] [U] et Mme [S] [R] un logement situé [Adresse 6] à [Localité 5], d'une surface de 112 m², moyennant un loyer mensuel de 1.500 euros comprenant une provision sur charges de 78,22 euros. Le 19 décembre 2017, le bailleur a adressé aux locataires un commandement de payer la somme de 11.400 euros au titre de la dette locative. Par acte d'huissier du 19 février 2018, M.[M] [U] et Mme [S] [R] ont assigné M. [B] [Z] devant le tribunal d'instance de Montreuil sous Bois en opposition à ce commandement de payer. Par jugement contradictoire entrepris du 9 mai 2019 le tribunal d'instance de Montreuil sous Bois a ainsi statué : Rejette la demande d'expertise judiciaire ; Rejette la prétention tendant à l'annulation du commandement de payer ; Fixe à la somme de 10.125 euros le préjudice de jouissance résultant de l'absence de garde corps dans les parties supérieures du logernent, de la conclusion du bail au mois d'avril 2019 inclus ; Fixe à la somme de 2.400 euros le préjudice de jouissance résultant des infiltrations d'eau dans le logement, du 24 septembre 2018 au mois d'avril 2019 inclus ; Fixe à la somme de 1.200 euros le préjudice de jouissance résultant de l'absence de chauffage dans la chambre, du 24 septembre 2018 au mois d'avril 2019 inclus ; Déclare M. [B] [Z] responsable des trois chefs de préjudice ainsi fixés ; Fixe à 20.726 euros la somme due par M.[M] [U] et Mme [S] [R] à M. [B] [Z] au titre des loyers et charges arrêtés au mois de novembre 2018 inclus ; Ordonne la compensation des somrnes dues par les parties ; Condamne M.[M] [U] et Mme [S] [R] au paiement de 7.001 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges locatives arrêtées au mois de novembre 2018 inclus ; Précise que cette somme tient compte de la liquidation des chefs de préjudice en raison de la compensation des sommes dues mutuellement par les parties ; Dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification du présent jugement ; Condamne M.[M] [U] et Mme [S] [R] au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette le surplus ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; Ordonne la notification de la présente décision au Préfet de la Seine Saint Denis par le greffe. PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 9 juillet 2019 par M. [B] [Z] ; Vu les dernières écritures remises au greffe le 7 mai 2020 par lesquelles M. [B] [Z], appelant, demande à la cour de : Dire et juger M. [B] [Z] recevable et bien fondé en son appel ; Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance de Montreuil du 9 mai 2019 sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire de M.[M] [U] et Mme [S] [R] ; Statuant à nouveau, Constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du 1er mars 2015, corrigé le 1er août 2015, au 18 février 2018 et la résiliation du bail à cette date ; En conséquence, Ordonner l'expulsion de M.[M] [U] et Mme [S] [R] ainsi que de tous occupants de leur chef, des biens dont s'agit situés à [Adresse 6] ; Ordonner l'expulsion immédiate et sans délai M.[M] [U] et Mme [S] [R] ainsi que de tous occupants de leur chef, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est, des lieux dont s'agit sis à [Adresse 6] ; Ordonner la séquestration des meubles et facultés mobilières pouvant se trouver dans les lieux soit dans l'immeuble soit dans un garde-meuble au choix du demandeur aux frais, risques et périls du preneur conformément aux articles L433-1 et suivants, et les articles R433-7, R433-1 et R432-2 du code des procédures civiles d'exécution ; Condamner solidairement M.[M] [U] et Mme [S] [R] à la somme de 42 441,24 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au mois de février 2018 inclus outre les indemnités d'occupation et régularisation de charges arrêtées au mois de mai 2020 inclus ; Les condamner solidairement à payer une indemnité d'occupation à compter du 1er juin 2020 égale au montant du loyer contractuel majoré des charges jusqu'à parfaite libération des lieux ; Condamner in solidum M.[M] [U] et Mme [S] [R] à payer à M. [B] [Z] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner in solidum M.[M] [U] et Mme [S] [R] en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP MARTINS -SEVIN Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières écritures remises au greffe le 9 janvier 2020 au terme desquelles M.[M] [U] et Mme [S] [R], intimés, demandent à la cour de : Confirmer, le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal d'instance de Montreuil ; En conséquence, Débouter, M. [B] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; Subsidiairement, si par impossible la Cour devait juger qu'il y a lieu à l'acquisition de la clause résolutoire, Vu l'article 1343-5 et suivants du code civil, Suspendre, les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail ; En conséquence, Autoriser, M.[M] [U] et Mme [S] [R] à se libérer de leur dette locative en 24 versements mensuels ; Condamner, M. [B] [Z] à payer à M.[M] [U] et Mme [S] [R] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner, M. [B] [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître BARROSO, et ce par application de l'article 699 du code de procédure civile. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré. MOTIFS DE LA DÉCISION En substance, le premier juge a retenu la validité du commandement de payer et l'existence d'impayés de loyers mais a rejeté la demande de résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire en raison de l'indécence du logement et du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, ainsi qu'au visa de l'article 1719 alinéa 1 du code civil. Sur la résiliation du bail L'existence d'une clause résolutoire dans le contrat de bail et d'un arriéré de loyers, encore actuel, susceptible d'entraîner sa mise en oeuvre, ainsi que la validité et la portée du commandement de payer du 19 décembre 2017, ne font pas l'objet de contestation et ne sont pas débattus devant la cour. M. [M] [U] et Mme [S] [R] invoquent seulement le caractère indécent et impropre à l'habitation du logement pour s'opposer à la résiliation du bail, et demandent subsidiairement sa suspension par l'octroi de délais de paiement. Il résulte des articles 1719 du code civil et 6 de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs que le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent, en bon état d'usage et de réparation. Le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent prévoit que le logement doit satisfaire à un certain nombre de conditions au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires. En application des articles 1728, 2o du code civil et 7 a) de la loi du 06 juillet 1989, le locataire est tenu pour sa part de l'obligation essentielle et primordiale de payer le loyer et les charges au terme convenu sauf à démontrer que le logement est affecté de désordres si importants qu'il y a impossibilité d'utiliser les lieux conformément à leur destination ; des points d'indécence ne sont à cet égard pas suffisants pour caractériser une inhabitabilité et exonérer le locataire de son obligation de payer les loyers. L'article 1730 du code civil dispose que « S'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure» et l'article 7 d) de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire est obligé de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. S'agissant de la charge de la preuve, il appartient au bailleur, tenu de délivrer au preneur la chose louée, de prouver qu'il s'est libéré de son obligation mais celui qui invoque l'exception d'inexécution doit prouver la gravité de cette inexécution justifiant une suspension de l'exécution des obligations. En l'espèce, l'état des lieux d'entrée effectué contradictoirement le 1er février 2015, indique que : -dans la cuisine le sol, les murs, une partie du plafond, la ventilation et la hotte sont à l'état neuf ; -les murs des toilettes sont à l'état d'usage ; -les murs, sols et plafonds du salon sont à l'état neuf et le chauffage y est en bon état ; -deux chambres comportent des murs et des plafonds qui sont soit à l'état d'usage soit à rafraîchir ; dans la chambre du rez-de-chaussée les murs et le plafond sont "à repeindre"; chacune des trois chambres comporte un chauffage sur lequel aucune observation n'est faite et qui est noté en bon état -en observation générale il est indiqué notamment que le garde corps de la chambre au premier étage est à prévoir, que l'entretien de la chaudière à fuel est à la charge des preneurs ; aucune mention relative à sa vétusté ou à son ancienneté n'est inscrite. Il en résulte que sur ces points les locaux étaient en bon état, voire à l'état neuf, et comportaient les équipements nécessaires, à l'exception des gardes corps de la chambre du premier étage, les mentions relatives aux rafraîchissements de murs à prévoir ne trahissant aucun caractère d'indécence des lieux s'agissant en particulier des conditions de chauffage et de protection contre les infiltrations d'eau. Les nombreuses attestations et photographies produites par le bailleur confirment d'ailleurs cet état de fait. Pour justifier du caractère indécent du logement, M. [M] [U] et Mme [S] [R] produisent, comme devant le premier juge, un procès-verbal de constat établi non contradictoirement par huissier de justice, le 24 septembre 2018, qui constate: -la présence d'auréoles sur les murs de la cuisine, du séjour et d'une chambre, des "dégoulinures sur le mur des toilettes" ainsi que des traces d'humidité et d'infiltrations dans la cuisine et deux chambres ainsi que sous la conduite d'évacuation des fumées du poêle du salon, -l'absence de radiateur dans la chambre de l'étage. Aucun élément technique n'est produit permettant d'identifier la cause des traces d'humidité constatées et susceptible d'établir la responsabilité du bailleur, les preneurs ne produisant aucune preuve d'un signalement de désordres au bailleur ni aucune déclaration de sinistre à leur assureur. S'agissant de l'installation électrique, décrite comme ancienne, il n'est pas établi qu'elle soit non conforme "aux normes de sécurité définies par les lois et règlements" ni en mauvais état d'usage et de fonctionnement, au sens de l'article 3 du décret du 30 janvier 2002 précité. Par ailleurs, ce constat reflète pour le surplus les déclarations des preneurs, qui n'établissent pas avoir invité le bailleur à y participer ; il n'est pas davantage fait état par les preneurs de ce qu'ils auraient exprimé auprès du bailleur des réclamations ou des observations au sujet de l'état de l'appartement. Les preneurs produisent également des factures de 2017 concernant des réparations de la chaudière, d'où il résulte qu'ils ont procédé à un entretien de celle-ci, sans qu'ils démontrent que ces travaux incombaient au bailleur et ne relevaient pas de leur propre obligation d'entretien courant, étant au demeurant relevé que le bailleur produit également des factures de réparation et d'entretien acquittées par lui courant 2016 et 2017. Il convient en outre de relever que ce document est postérieur au commandement de payer que le bailleur a fait délivrer aux preneurs alors que le bail était alors en cours depuis plus de deux ans. Toutefois, il résulte de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 que "Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons" doivent être "dans un état conforme à leur usage". Or, il résulte du constat précité et des photos qui y sont jointes que les trois portes-fenêtres de la chambre située à l'étage ne comportaient toujours pas de garde corps alors qu'elles sont situées à plus de 2,50 m au-dessus de la terrasse et que ce point était bien noté dans l'état des lieux d'entrée; M. [Z] ne conteste pas spécifiquement ce point ni n'établit avoir été empêché par la force majeure de remplir son obligation de délivrance sur ce point. Néanmoins, il ne résulte pas de ces éléments qu'il existe une impossibilité d'utiliser les lieux conformément à leur destination, étant relevé que M. [M] [U] et Mme [S] [R] cherchent à s'y maintenir et demandent à ce que le bail se poursuive, d'ailleurs sans solliciter la réalisation de travaux incombant au bailleur, de sorte que l'exception d'inexécution soulevée doit être rejetée ; pour les mêmes motifs, les locaux loués n'étant pas impropres à l'habitation, l'article 1719 alinéa 1 du code civil, aux termes duquel lorsque tel est le cas, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant, n'a pas vocation a être appliqué. Il convient donc de constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, deux mois après le commandement de payer resté infructueux, soit à la date du 19 février 2018, et ce conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 24 I de la loi du 6 juillet 1989. À compter du 19 février 2018, M. [M] [U] et Mme [S] [R], étant devenus occupants sans droit ni titre du logement litigieux, sous réserve des dispositions ci-après relatives à la suspension des effets de la clause résolutoire, sont redevables d'une indemnité d'occupation qu'il convient de fixer à la somme qui aurait été due au titre des loyers et des charges si le bail s'était poursuivi. Le jugement sera donc infirmé sur ces points. Sur le trouble de jouissance Il résulte des éléments précités que le critère d'indécence retenu relatif à l'absence de garde corps a causé un trouble de jouissance à M. [M] [U] et Mme [S] [R], depuis l'origine du bail, lequel a été exactement évalué par le premier juge à la somme de 10.125 euros. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. Pour les raisons déjà exposées, M. [M] [U] et Mme [S] [R] seront déboutés du surplus de leurs demandes indemnitaires pour trouble de jouissance, le jugement étant infirmé à cet égard. Sur la dette locative M. [B] [Z] produit un décompte d'où il résulte que M. [M] [U] et Mme [S] [R] restent lui devoir la somme de 42.441,24 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu'au mois de février 2018 inclus et des indemnités d'occupation postérieures, somme arrêtée au mois de mai 2020 inclus. M. [M] [U] et Mme [S] [R] ne contestent pas ce décompte en ce qui concerne le montant de la dette de loyers, ne soutenant notamment pas avoir fait des versements qui ne seraient pas pris en compte. Ils se bornent à demander la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la somme de 2.574 euros au titre des provisions sur charges des années 2015, 2017 et 2018, n'était pas justifiée et ne pouvait être prise en compte. Cependant, devant la cour, M. [B] [Z] produit les pièces justifiant les charges liées à la distribution d'eau potable et à l'évacuation des eaux usées (factures Veolia) ainsi que les avis d'imposition concernant la taxe sur les ordures ménagères, sans que M. [M] [U] et Mme [S] [R] ne les contestent particulièrement ni dans leur principe ni dans leur montant. Au vu de ces éléments, M. [M] [U] et Mme [S] [R] seront condamnés à payer à M. [B] [Z] la somme précitée. Il sera fait droit à la demande de compensation des dettes, de sorte que la somme due par M. [M] [U] et Mme [S] [R] à M. [B] [Z] s'élève à 32.316, 24 euros (42.441,24 euros - 10.125 euros), sous réserve des éventuels paiements postérieurs au mois de mai 2020. Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire M. [M] [U] et Mme [S] [R] demandent des délais de paiement de 24 mois en application de l'article 1343-5 du code civil et la suspension des effets de la clause de résiliation de plein droit en application de l'article 24, VII, de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. M. [B] [Z] s'y oppose mais indique dans ses conclusions d'appel que le loyer courant est payé, ce que les conseils des parties ont confirmé à l'audience de plaidoirie. M. [M] [U] et Mme [S] [R] , qui ont trois enfants mineurs, produisent une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales établissant qu'ils étaient bénéficiaires, en 2018, des allocations familiales avec conditions de ressources, du complément familial et de l'allocation logement pour un montant de 596 euros, ainsi que leurs avis d'imposition respectifs sur les revenus de l'année 2018 , d'où il résulte que le ménage percevait un revenu imposable de 31.301 euros et n'était pas imposable. Au regard de ces éléments, la situation de M. [M] [U] et Mme [S] [R] est telle qu'il y a lieu d'accorder des délais de paiement d'une durée de deux ans, en 23 mensualités d'au moins 400 euros et une 24ème couvrant le solde de la dette. Conformément à l'article 24 VII de la loi de 1989 , ces délais suspendront les effets de la clause résolutoire selon les modalités fixées au dispositif de l'arrêt. Sur l'article 700 du code de procédure civile : Le sens de la présente décision ne conduit pas à infirmer le jugement en ce qui concerne ces dispositions et les dépens de première instance. Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 en ce qui concerne l'instance d'appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du commandement de payer, fixé à la somme de 10.125 euros la somme due par M. [B] [Z] au titre du trouble de jouissance de M. [M] [U] et Mme [S] [R] et statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ; Et statuant à nouveau, Constate la résiliation du bail portant sur le logement situé [Adresse 6] à [Localité 5] au 19 février 2018; Fixe l'indemnité d'occupation due in solidum par M. [M] [U] et Mme [S] [R] à M. [B] [Z] à un montant égal au montant des loyers et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, et ce à compter du 19 février 2018 Dit que la somme due par M. [M] [U] et Mme [S] [R] au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation est de 42.441,24 euros, arrêtée au mois de mai 2020 inclus ; Ordonne la compensation de cette dette avec celle de 10.125 euros due par M. [B] [Z] à M. [M] [U] et Mme [S] [R] au titre de leur préjudice de jouissance; Condamne in solidum M. [M] [U] et Mme [S] [R] à payer à M. [B] [Z] la somme de 32.316, 24 euros, sous réserve des paiements intervenus postérieurement au mois de mai 2020 ; Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Et y ajoutant, Autorise M. [M] [U] et Mme [S] [R] à s‘acquitter de la dette par 23 versements mensuels d'au moins 400 euros et du solde au 24ème versement, payables en plus du loyer courant, et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification du présent arrêt, la dernière mensualité couvrant le solde de la dette, Suspend les effets de la résiliation pendant le cours de ces délais et dit que s'ils sont respectés, la résiliation du bail sera réputée n'avoir jamais été acquise, Dit qu‘en cas de défaut de paiement d'un seul versement mensuel à son échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible et la résiliation reprendra immédiatement tous ses effets, Dit en ce cas qu'à défaut par M. [M] [U] et Mme [S] [R] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d‘exécution, M. [B] [Z] pourra procéder à leur expulsion et à celle de tout occupant de leur chef avec l'assistance de la force publique et, si besoin est, au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur, Dit qu'alors M. [M] [U] et Mme [S] [R] devront payer à M. [B] [Z] l'indemnité mensuelle d'occupation fixée; Condamne M. [M] [U] et Mme [S] [R] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes. La Greffière Le Président
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MINUTE No 22/554 NOTIFICATION : Copie aux parties Clause exécutoire aux : - parties non représentées Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 16 Juin 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01468 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKTZ Décision déférée à la Cour : 04 Décembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG APPELANTE : URSSAF ALSACE [Localité 1] Comparante en la personne de Mme [K] [P], munie d'un pouvoir Société COLAS France, venant aux droits de COLAS NORD-EST (anciennement COLAS EST) [Adresse 2] [Localité 3] Représentée par Me Matthieu BEAUMONT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, Conseiller Mme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE La société Colas Est, devenue Colas Nord-Est aux droits de laquelle vient la société Colas France, a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires par l'Urssaf de Lorraine portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 pour quatre établissements dont l'établissement situé à [Localité 4] (no SIRET 329 198 337 00274), Bas-Rhin, dont il est résulté pour cet établissement un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS pour un montant de 10.507 € correspondant aux différents chefs de redressement qui lui ont été notifiés par lettre d'observations du 04 octobre 2013. Après échanges d'observations entre la société Colas Est et l'Urssaf de Lorraine, l'Urssaf d'Alsace a, par une mise en demeure du 05 décembre 2013, réclamé le paiement d'une somme de 11.823€ correspondant à l'ensemble des cotisations et majorations de retard résultant du contrôle pour l'établissement de [Localité 4]. Par courrier du 20 décembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace d'un recours en annulation de la mise en demeure du 05 décembre 2013 et en annulation des chefs de redressement s'y rapportant. En l'absence de réponse de la commission de recours amiable dans le délai imparti d'un mois, la société Colas Est a formé le 19 mars 2014, à l'encontre de la décision implicite de rejet, un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin. Par décision du 13 mars 2017, la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace a décidé du rejet explicite de la requête présentée par la société Colas Est. Cette dernière a contesté la décision du 13 mars 2017 en cours d'instance. Vu l'appel interjeté par l'Urssaf d'Alsace le 29 mai 2020 à l'encontre du jugement du 04 décembre 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg auquel a été intégré le tribunal saisi, jugement notifié à l'Urssaf d'Alsace le 05 mars 2020 lequel, dans l'instance opposant la société Colas Nord-Est à l'Urssaf d'Alsace, a déclaré le recours formé par la société Colas Nord-Est recevable, a dit n'y avoir lieu à la jonction des procédures enregistrées sous les no18/01193 et 18/01194, a annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace du 13 mars 2017, a annulé le contrôle effectué par l'Urssaf de Lorraine auprès de l'établissement de Mertzwiller au titre des années 2010, 2011 et 212 ainsi que le redressement en ayant résulté en ce compris la mise en demeure du 05 décembre 2013, a condamné l'Urssaf d'Alsace à rembourser à la société Colas Nord-Est la somme de 448€ au titre du règlement partiel intervenu le 05 novembre 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 05 novembre 2013, a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné l'Urssaf d'Alsace aux dépens ; Vu les conclusions visées le 27 août 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de : – infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : * annulé la décision de la commission de recours amiable, * annulé les opérations de contrôle effectuées auprès de l'établissement de [Localité 4] au titre des années 2010 à 2012 ainsi que le redressement en ayant résulté, * l'a condamnée à rembourser à la société Colas Nord-Est la somme de 448€ au titre du règlement partiel avec intérêts au taux légal et ordonné la capitalisation des intérêts, * l'a condamnée aux dépens, – à titre principal, déclarer la procédure de contrôle valide, – à titre subsidiaire, valider l'ensemble des redressements contestés, soit les points 9, 10, 12, 14, 17 de la lettre d'observations, – en tout état de cause, entériner la décision de la commission de recours amiable du 13 mars 2017, valider la mise en demeure du 05 décembre 2013 pour son entier montant de 11.823€ (dont 10.507€ en cotisations et 1.316€ en majorations de retard), condamner reconventionnellement la société Colas France à lui payer le reliquat de 11.375€, condamner cette société à la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeter l'ensemble des demandes formulées par celle-ci ; Vu les conclusions visées le 07 janvier 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord-Est demande à la cour de : – prononcer la jonction des affaires no20/01511 et no20/01468 ; – confirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à jonction des procédures, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties du surplus de leurs demandes ; – à titre principal prononcer la nullité du contrôle et du redressement opérés par l'Urssaf de Lorraine et condamner l'Urssaf d'Alsace à lui rembourser le règlement partiel intervenu le 05 novembre 2013 d'un montant de 448€ avec les intérêts légaux à compter du règlement partiel du 05 novembre 2013 et en ordonner la capitalisation ; – subsidiairement constater le caractère infondé des différents chefs de redressement ; – en tout état de cause, annuler les décisions implicite et explicite de rejet de la commission de recours amiable, la mise en demeure du 05 décembre 2013 ainsi que le redressement entrepris, condamner l'Urssaf d'Alsace à lui verser la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner l'Urssaf d'Alsace aux éventuels dépens, prendre acte du règlement partiel effectué le 05 novembre 2013 d'un montant de 448€ et débouter l'Urssaf d'Alsace de l'ensemble de ses demandes ; Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ; Vu la période juridiquement protégée instaurée par l'ordonnance no2020-306 en application de la loi no2020-290 ; interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Sur la demande de jonction d'instances L'article 367 du code de procédure civile permet au juge, à la demande des parties ou d'office, d'ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. Au cas d'espèce, l'Urssaf d'Alsace a interjeté appel des jugements rendus dans les dossiers noRG 18/01193 et 18/01194 par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg le 04 décembre 2019. Ces recours ont respectivement été enregistrés au répertoire général de la cour sous les numéros RG 20/01468 et 20/01511. La société Colas France sollicite la jonction de ces deux instances au motif que les deux recours portent sur le même contrôle et reposent sur des faits et moyens identiques. Ces procédures concernent toutefois deux établissements différents de la société Colas France, l'établissement de [Localité 4] (noRG 20/01468) et l'établissement d'[Localité 5] (noRG 20/01511), dont les redressements opérés sur des chefs identiques mais aussi distincts ont donné lieu à l'envoi de deux mises en demeure distinctes. Il n'est, dès lors, pas dans l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction de ces deux instances. SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE La société Colas France conteste la régularité des opérations de contrôle. Elle se prévaut en premier lieu de l'absence d'envoi d'un avis de contrôle par l'Urssaf d'Alsace et en second lieu d'un défaut de compétence de l'Urssaf de Lorraine ayant envoyé l'avis de contrôle puis effectué ce contrôle. Sur l'envoi de l'avis de contrôle par l'Urssaf de Lorraine Il est constant que l'Urssaf d'Alsace était l'organisme en charge du recouvrement des cotisations pour l'établissement de [Localité 4] (Bas-Rhin) et que l'avis de contrôle de cet établissement a été envoyé par l'Urssaf de Lorraine. En application des dispositions de l'article L243-7 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf compétente en matière de contrôle est en principe celle chargée du recouvrement des cotisations. Aux termes de l'article R243-59, alinéa premier, du même code, dans sa version applicable au litige, tout contrôle effectué en application de l'article L243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L324-9 du code du travail. En l'espèce, la société Colas France soutient que l'avis de contrôle visé par les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale devait être adressé au cotisant exclusivement par l'organisme en charge du recouvrement des cotisations, soit au cas d'espèce l'Urssaf d'Alsace. Elle considère que l'avis de contrôle adressé à la société Colas Est par l'Urssaf de Lorraine, laquelle n'est pas l'organisme en charge du recouvrement des cotisations pour l'établissement de [Localité 4], entache les opérations de contrôle d'une irrégularité conduisant à l'annulation du redressement opéré. L'intimée fait cependant valoir à juste titre que les dispositions issues du décret no2016-941 du 8 juillet 2016 modifiant l'article R243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables de manière rétroactive, de sorte que le présent litige est effectivement analysé au regard des dispositions applicables à la date d'envoi de l'avis de contrôle. A cette date, il est pertinemment soutenu par l'Urssaf d'Alsace que l'organisme chargé du recouvrement pouvait déléguer ses compétences par l'établissement d'une convention générale de réciprocité prévue par les articles L213-1 et D213-1-1 du code de la sécurité sociale -dont les termes ont été fidèlement reproduits par le tribunal auxquels il convient de se référer -. L'intimée ne le conteste pas mais fait toutefois observer que l'Urssaf d'Alsace ne démontre pas qu'elle a délégué ses compétences en matière de recouvrement des cotisations à l'Urssaf de Lorraine. L'Urssaf appelante verse aux débats (pièces no7 et 7A de l'appelante) cinq « convention(s) générale(s) de réciprocité portant délégation de compétences en matière de contrôle entre les organismes du recouvrement » signées en 2002 par les directeurs des Urssaf des Vosges, de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et de la Moselle, devenue l'Urssaf de Lorraine, et par le directeur de l'Urssaf du Bas-Rhin, devenue l'Urssaf d'Alsace. La convention générale de réciprocité du 16 avril 2002, signée antérieurement à l'envoi de l'avis de contrôle litigieux daté du 18 mars 2013, prévoit l'adhésion de l'Urssaf du Bas-Rhin à la convention de réciprocité en ce qu'elle mentionne expressément que « l'organisme du recouvrement du Bas-Rhin (?) donne délégation de ses compétences à toutes les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, ainsi qu'aux caisses générales de sécurité sociale (?) en matière de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants (?) pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction » et prévoit que le champ de la délégation « s'applique à toutes les opérations de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants visées à l'article L243-7 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à l'article R243-59 ». Dès lors que l'ensemble de ces conventions ont pris effet à leur date de signature, soit en 2002, l'Urssaf de Lorraine disposait de la compétence pour effectuer l'ensemble des opérations de contrôle en lieu et place de l'Urssaf d'Alsace. L'avis de contrôle litigieux porte en outre à la connaissance du cotisant l'existence de cette délégation puisqu'il indique que « conformément aux dispositions des articles L213-1 et D213-1-1 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf Lorraine a adhéré à la convention générale de réciprocité portant délégation de compétences (?) ». Dès lors que l'article L213-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'« en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret », que les opérations de contrôle comprennent notamment la délivrance d'un avis de contrôle, et que les Urssaf du Bas-Rhin et de Lorraine ont adhéré à la convention générale de réciprocité, l'envoi de l'avis de contrôle par l'Urssaf de Lorraine pour le contrôle de l'établissement de [Localité 4] est régulier. Sur la compétence de l'Urssaf de Lorraine La société Colas France estime que seule l'Urssaf d'Alsace était territorialement compétente pour assurer toute opération de contrôle ou de recouvrement concernant son établissement situé à [Localité 4]. Il est constant que la société contrôlée n'était pas partie à un protocole de versement en lieu unique. L'intimée affirme qu'elle a fait l'objet d'un contrôle concerté coordonné par l'ACOSS, lequel requiert une convention spécifique de réciprocité. Au soutien de sa démonstration, la société Colas France dresse une liste de sociétés affiliées à la société holding Colas SA ayant fait l'objet d'un contrôle en 2013. Elle invoque la simultanéité de ces contrôles au sein du groupe Colas et se prévaut de différentes correspondances de l'Urssaf mais aussi de témoignages de chefs de services de la société Colas Est qui attestent qu'il s'agissait d'un contrôle concerté. L'Urssaf de Lorraine n'a cependant jamais utilisé dans les documents envoyés à la société le terme de « contrôle concerté » pour qualifier le contrôle de la société Colas Est. Par ailleurs, l'article R243-59 du code de la sécurité sociale précité n'exige pas que l'avis de contrôle mentionne l'existence d'un contrôle concerté. Cet avis n'a pas davantage à faire état de la délégation générale de compétences consentie par une autre Urssaf. Aussi, les droits des cotisants sont identiques dans le cadre d'un contrôle diligenté par l'Urssaf territorialement compétente ou l'Urssaf intervenant dans le cadre d'un contrôle sur délégation générale. La société n'a donc pas été privée de la possibilité de se faire assister utilement et d'organiser sa défense. En tous l es cas, il importe à la cour de vérifier que l'organisme ayant procédé aux opérations de contrôle ait eu la qualité pour diligenter le contrôle auprès d'un cotisant situé en dehors de sa circonscription territoriale d'attribution. Il est une nouvelle fois rappelé qu'il ressort des pièces versées aux débats que les Urssaf de Lorraine avaient, comme l'Urssaf d'Alsace -reprenant les droits et obligations des Urssaf départementales dissoutes par l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'Urssaf d'Alsace (pièce no9 de l'appelante)-, adhéré par la signature des directeurs de chacune des Urssaf concernées à la convention générale de réciprocité, dont publicité a été donnée par la diffusion de la lettre circulaire no2004-069 listant les organismes adhérents à ladite convention portant délégation de compétences en matière de contrôle. La société intimée fait néanmoins valoir que les conventions générales de réciprocité signées par les directeurs des Urssaf sont des conventions locales particulières qui ne permettent pas de justifier de l'existence d'une convention générale de réciprocité préexistante, signée par le directeur de l'ACOSS. Ce moyen, développé en première instance, a été retenu à tort par les premiers juges qui ont considéré que de telles conventions n'entrent pas dans les prévisions de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale au motif que seul le directeur de l'ACOSS tire de ce texte le pouvoir d'établir une convention générale de réciprocité entre toutes les Urssaf. L'appelante fait très justement valoir que l'article D213-1-1 précité confie seulement au directeur de l'ACOSS la mission d'établir cette convention. Cet article ne prévoit pas que le directeur de l'ACOSS en soit signataire. Aucune condition de forme spécifique ne se trouve par ailleurs prescrite par les dispositions de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale et les conventions versées aux débats indiquent toutes qu'elles ont été établies par le Directeur de l'ACOSS. En outre, il découle de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale précité, lu en combinaison des articles L213-1 et D213-1-2 du même code, dans leur rédaction respective applicable au litige, que la signature de la convention générale de réciprocité par le directeur d'une Urssaf, organisme délégant, emporte par elle-même délégation de compétence au profit des autres unions qui y ont adhéré puisque le directeur de l'ACOSS n'était en charge que de son établissement, de sa réception et de la transmission aux autres unions de recouvrement et aux caisses générales de sécurité sociale. A admettre l'existence d'un contrôle concerté, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a jugé par arrêt du 30 mars 2017 (pourvoi no16–12.851) qu'une délégation spécifique de compétence du directeur de l'ACOSS n'est pas nécessaire lorsque les organismes chargés de procéder à un contrôle concerté bénéficient déjà d'une délégation de compétence prenant la forme d'une convention générale de réciprocité consentie en application de l'article L213-1 du code de la sécurité sociale. La société Colas France n'est pas fondée à soutenir que le principe de sécurité juridique fait obstacle à l'application de cette jurisprudence aux contrôles antérieurs à la décision. En premier lieu, la société intimée ne justifie pas de l'existence d'un revirement de jurisprudence sur la base des textes applicables. En deuxième lieu, la sécurité juridique invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable et plus généralement par référence aux dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme pour contester l'application de l'interprétation d'une disposition normative résultant d'une évolution de jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit. La Cour européenne des droits de l'homme a par ailleurs validé le caractère rétroactif de la jurisprudence de la Cour de cassation. En dernier lieu, les évolutions des modalités de contrôle déterminées par le gouvernement et portant ultérieurement au contrôle litigieux modification de l'article D213-1-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas d'application rétroactives et ne concernent pas le présent litige. Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que l'Urssaf de Lorraine avait compétence pour procéder au contrôle de l'établissement de [Localité 4] au titre des années 2010 à 2012, peu importe l'absence de convention spécifique de réciprocité. Le contrôle litigieux étant régulier, l e jugement qui a procédé à l'annulation des opérations de contrôle effectué par l'Urssaf de Lorraine auprès de l'établissement de Metzwiller de la société Colas Nord-Est au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi qu'à l'annulation du redressement en ayant résulté doit être infirmé en toutes ses dispositions. SUR LES DIFFÉRENTS CHEFS DE REDRESSEMENT CONTESTES Sur la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels en matière de CSG / CRDS (point no9 de la lettre d'observations) et les frais professionnels engagés pour la restauration hors des locaux et hors restaurant (point no10 de la lettre d'observations) Montant du redressement concerné : 9.038€ En application des articles L136-1, L136-2 et L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance no96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations et contributions sociales, à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, et ce dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel. Les conditions d'exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002. L'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que les allocations sont réputées utilisées conformément à leur objet dans les limites des montants fixés par l'arrêté. Aux termes de l'article 3, 3o de l'arrêté du 20 décembre 2002 précité relatif aux indemnités de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 8,20€ à compter du 1er janvier 2010, 8,30€ à compter du 1er janvier 2011 et 8,40€ à compter du 1er janvier 2012. L'article 3, 1o de ce même arrêté qui concerne les indemnités de repas dispose toutefois que lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas la somme de 16,80€ pour 2010, la somme de 17,10€ pour 2011 et la somme de 17,40€ pour 2012. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, prévue par le 3o, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1o, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant. Le dépassement des limites d'exonération doit être intégré dans l'assiette des cotisations, à moins que l'employeur ne justifie que l'allocation a été utilisée conformément à son objet. En l'espèce, lors des opérations de contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société Colas Est versait à ses salariés des primes de paniers de chantiers pour un montant de 9,80€ en 2010, 13,80€ en 2011, 14,30€ en 2012 et qu'elle excluait la totalité desdites indemnités des cotisations de sécurité sociale et de CSG /CRDS. Considérant que ces primes de paniers forfaitaires étaient supérieures aux limites d'exonération des indemnités de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à la réintégration de la part des indemnités excédant ces limites dans la base des cotisations (6.760€) et contributions sociales (2.278€). La société Colas France justifie néanmoins, par la production d'échantillons de cartographies pour les années concernées par le contrôle des lieux d'exécution des chantiers et par la production d'attestations de salariés et de restaurateurs qu'il est d'usage depuis les années 1980 pour les salariés relevant du secteur d'activité de la construction routière -et non du secteur de la construction de bâtiment- de prendre leurs repas au restaurant et non sur les chantiers, ce qui démontre sa constance, sa fixité basée sur les limites de l'arrêté en vigueur et sa généralité en l'absence de toute dénonciation de l'usage rapportée par l'appelante. Dès lors qu'il est établi par constatations des inspecteurs de l'Urssaf que l'indemnité de panier versée est inférieure, au titre des trois années contrôlées, au barème actualisé fixé par l'article 3, 1o de l'arrêté du 20 décembre 2002 précité, dont les dispositions sont applicables lorsqu'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession obligent les travailleurs à prendre leurs repas au restaurant, le redressement doit être annulé au titre des points no9 et 10 pour le montant de 9.038€. En effet, si les primes de panier litigieuses ne doivent pas être soumises aux cotisations de sécurité sociale, les contributions sociales CSG et CRDS ne sont pas dues. Sur les primes versées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail (point no12 de la lettre d'observations) Montant du redressement concerné : 271€ En application des articles L136-1, L136-2 et L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance no96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, sauf exceptions, toute somme versée en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumise à cotisations et contributions sociales. Il est cependant admis par la lettre circulaire ACOSS no2000-103 du 22 novembre 2000 relative aux nouvelles conditions d'attribution de la médaille d'honneur du travail que les gratifications versées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail sont exonérées de charges sociales dans la limite d'un montant correspondant à celui du salaire mensuel de base du bénéficiaire, le surplus constituant un complément de salaire soumis à charges sociales. En l'espèce, le redressement opéré par les inspecteurs du recouvrement se fonde sur la part de la prime qui excède le salaire de base du récipiendaire de la médaille d'honneur du travail. La société Colas France soutient pour l'essentiel que le montant de la prime versée aux salariés non-cadres correspond à leur rémunération de base constituée, en dépit de leur intitulé en paie, du « salaire de base » et de la « prime d'ancienneté » du dernier bulletin de paie des intéressés. Les conditions d'exonération, qui doivent s'interpréter strictement, ne sont toutefois pas remplies. En effet, il est constant que la lettre circulaire no2000-103 du 22 novembre 2000 précitée n'admet l'exonération des gratifications allouées pour la remise de la médaille d'honneur du travail que dans la limite du salaire mensuel de base du salarié concerné qui « s'entend de la rémunération brute habituelle de l'intéressé, à l'exclusion des diverses primes ou indemnités qui peuvent s'y ajouter, qu'elles présentent ou non le caractère de compléments de salaire, telle que la prime d'ancienneté ». Ainsi, contrairement aux motifs soutenus par la société Colas France, la prime d'ancienneté versée aux salariés concernés ne peut pas être considérée comme faisant partie du salaire mensuel de base. Il est sans incidence que cette prime soit prise en compte par l'employeur pour calculer et valoriser les congés payés, calculer les remboursements pour intempéries ou le treizième mois ou déterminer la nouvelle rémunération allouée en cas de promotion aux fonctions de cadre. Il en résulte que le redressement opéré par l'Urssaf d'Alsace sur ce point est validé en ce qu'il a procédé à la réintégration de la partie de la prime versée excédant le salaire mensuel de base dans l'assiette des cotisations et contributions sociales. Sur les indemnités de fractionnement des congés payés (point no14 de la lettre d'observations) Montant du redressement concerné : 607€ En cas de prise du congé annuel par fractions, la convention collective des entreprises de travaux publics fait bénéficier le salarié notamment d'une indemnité forfaitaire de 8/100e des appointements mensuels. Cette indemnité constitue, selon la jurisprudence, une charge spéciale inhérente à l'emploi, recouvrant ainsi la nature de frais professionnels. En tant que telle, elle peut être exclue de l'assiette des cotisations sous réserve de respecter les prescriptions de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. Selon la lettre d'observations litigieuse, la société Colas Est a versé à certains de ses salariés des indemnités de fractionnement de congés payés en franchise de cotisations sociales. Estimant que les éléments produits lors du contrôle ne permettaient pas de considérer que les salariés aient engagés des frais supplémentaires du fait du fractionnement, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à la réintégration des indemnités versées non justifiées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales. A l'appui de sa demande d'annulation du redressement sur ce point, la société Colas France soutient que le fractionnement des congés payés, ouvrant droit à une indemnité forfaitaire conventionnelle de 8 % du salaire de base, entraîne de facto un accroissement des coûts lié au départ en congés et se prévaut d'un échantillon de notes de frais de salariés relatives aux frais supplémentaires engendrés par le fractionnement. Les attestations versées aux débats par l'employeur, bien qu'elles fassent état de frais supplémentaires engendrés par le fractionnement des congés payés, ne permettent pas de justifier que les salariés concernés ont utilisé l'indemnité versée pour régler des frais consécutifs à ce fractionnement, de tels frais n'étant même pas identifiés. En effet, la déduction des allocations forfaitaires pour frais professionnels de l'assiette des cotisations de sécurité sociale est subordonnée à la preuve, par la cotisante, d'une utilisation de ces derniers conforme à leur objet, qu'elle ne parvient pas à rapporter en l'espèce. Ni l'objet de l'indemnité, ni sa nature conventionnelle, ni la nature de l'activité de travaux publics routiers de la société ne permettent de présumer l'existence de frais supplémentaires engagés par les salariés. Ce chef de redressement sera donc maintenu à hauteur de 607€ hors majorations de retard. Sur la loi TEPA (point no17 de la lettre d'observations) Montant du redressement concerné : 143€ Il résulte des constatations des inspecteurs du recouvrement que les salariés de la société Colas Est relevant de la catégorie ETAM bénéficient soit d'une convention en forfait heures fixée à 162,50 heures par mois, soit d'une convention fixée à 166,67 heures. Il a été relevé qu'en cas d'absence d'un salarié appartenant à cette catégorie de personnel, laquelle est prise en charge par la caisse de congés payés, l'employeur n'applique aucun prorata aux heures supplémentaires structurelles pour déterminer le montant de la réduction de cotisations salariales et de la déduction patronale régies par les articles L241-17 et D241-21 et suivants du code de la sécurité sociale. Sur ce point, la cour rappelle que la loi no2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi TEPA) a prévu d'appliquer une déduction forfaitaire de cotisations patronales aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. Les heures supplémentaires sont déterminées par les dispositions de l'article L3121-22 du code du travail dans sa version antérieure à la loi no2016-1088 du 8 août 2016. L'article 3 de la loi de finances rectificative pour 2012 no2012-958 du 16 août 2012 a supprimé la réduction de cotisations salariales au titre de la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires effectuées depuis le 1er septembre 2012 pour tous les salariés, du privé comme pour les agents publics, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise. Au soutien de sa demande d'annulation du redressement sur ce point, la société Colas France allègue qu'en cas d'absence des salariés pour congés payés, rémunérée par la caisse des congés payés des entreprises de travaux publics, les salariés se trouvent en situation de maintien de salaire de sorte que cette situation ne doit pas donner lieu à l'application d'un prorata au titre de la déduction forfaitaire instaurée par la loi TEPA. La société Colas France se réfère aux termes de la circulaire DSS/5B no2007-422 du 27 novembre 2007 portant complément d'information sur la mise en oeuvre de l'article 1er de la loi no2007-1223 du 21 août 2007 qui précisait notamment que « Les heures supplémentaires structurelles résultant soit d'une durée collective de travail supérieure à la durée légale, soit d'une convention de forfait qui intégrerait déjà un certain nombre d'heures supplémentaires, sont payées, majorées et exonérées fiscalement et socialement, y compris en cas d'absence du salarié donnant lieu à maintien de salaire (congés payés, maladie?)». Elle ne peut toutefois utilement se prévaloir des termes précités de la circulaire DSS/5B/2007/422 du 27 novembre 2007 alors que, d'une part ceux-ci, qui doivent recevoir une interprétation stricte, ne s'appliquent qu'aux cas de maintien de salaire par l'employeur et non aux situations d'absences pour congés rémunérés par une caisse de congés payés et, d'autre part, cette circulaire est dépourvue de toute portée normative. Aussi, il est constant que la Caisse nationale des entrepreneurs de travaux publics (CNETP) satisfait, pour le compte de l'employeur moyennant cotisations, au paiement de l'indemnité de congés payés acquise du fait du travail accompli au sein de l'entreprise employeur. Dès lors, le salaire brut soumis à cotisations dans les déclarations sociales de l'entreprise est minoré de cette absence. Il en résulte que les périodes de congés payés constituent bien des absences non rémunérées par l'employeur. Surtout, il est jugé que les indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles, qui ne rémunèrent pas des heures de travail accomplies par les salariés, n'ouvrent pas droit à la déduction forfaitaire litigieuse, qu'elles soient versées directement par l'employeur ou par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés. Ainsi, il appartenait à la société Colas Est, en cas de maintien de salaire intégrant des heures supplémentaires structurelles lors de périodes qui ne sont pas assimilées à du travail effectif et qui ne sont pas prises en compte pour le décompte des heures supplémentaires, de proratiser le montant les heures supplémentaires habituellement rémunérées pour tenir compte des heures supplémentaires qui ne sont pas éligibles à la déduction forfaitaire. Ainsi, la validation de ce chef de redressement sera également confirmée. En conclusion, les chefs de redressement contestés concernant l'établissement de [Localité 4], tels que résultant de la lettre d'observations du 04 octobre 2013, à l'exception des chefs de redressement no9 et 10 qui doivent être annulés pour cet établissement, sont validés. La mise en demeure du 05 décembre 2013 concernant l'établissement de [Localité 4] doit en conséquence être validée pour un montant de 1.469€ (mille quatre cent soixante-neuf euros), hors majorations de retard qu'il appartiendra à l'Urssaf de recalculer conformément à la présente décision. La cour prend acte du règlement partiel effectué par la société Colas France à l'Urssaf d'Alsace le 05 novembre 2013 d'un montant de 448€ (quatre cent quarante-huit euros) pour l'établissement de [Localité 4]. Le redressement étant validé au titre des points no 12, 14 et 17 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement de [Localité 4], l'Urssaf d'Alsace est fondée à réclamer à titre reconventionnel la condamnation de la société Colas France à lui payer la somme de 1.021€ (mille vingt-et-un euros) représentant le solde de la mise en demeure du 05 décembre 2013, sous réserve des majorations de retard complémentaires y afférentes qu'il appartiendra à l'Urssaf d'Alsace de recalculer conformément à la présente décision. L'équité impose que chaque partie supporte les frais irrépétibles exposés par elle pour la défense de ses intérêts de sorte que les demandes formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées. La société Colas France, qui succombe, supportera les dépens de l'instance d'appel. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DÉCLARE l'appel recevable ; DIT n'y avoir lieu à la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20/01468 et 20/01511 ; INFIRME le jugement du 04 décembre 2019 en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau et y ajoutant, DÉCLARE la procédure de contrôle régulière pour l'établissement de [Localité 4] de la société Colas Est au titre des années 2010, 2011 et 2012 ; VALIDE les redressements notifiés par l'Urssaf d'Alsace au titre des points no12, 14 et 17 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement de [Localité 4] ; ANNULE les redressements notifiés par l'Urssaf d'Alsace au titre des points no9 et 10 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement de [Localité 4] ; VALIDE la mise en demeure du 05 décembre 2013 concernant l'établissement de [Localité 4] pour un montant de 1.469 euros (mille quatre cent soixante-neuf euros) en cotisations, hors majorations de retard qu'il appartiendra à l'Urssaf de recalculer conformément à la présente décision ; PREND ACTE du règlement partiel effectué par la société Colas France à l'Urssaf d'Alsace le 05 novembre 2013 d'un montant de 448 euros (quatre cent quarante-huit euros) pour l'établissement de [Localité 4] ; CONDAMNE la société Colas France à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme restante de 1.021 euros (mille vingt-et-un euros) représentant le solde de cotisations la mise en demeure du 05 décembre 2013, sous réserve des majorations de retard restant à décompter ; DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Colas France aux dépens d'appel. Le Greffier,Le Président,
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 22/00208 - No Portalis 352J-W-B7G-CV3WL No MINUTE : Assignation du : 06 Janvier 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 07 Juin 2022 DEMANDERESSE S.A.S. SYSTOSOLAR [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0370 et par Maître Barbara BERTHOLET de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DÉFENDERESSE Société HANWHA SOLUTIONS CORPORATION [Adresse 3] SEOUL (RÉPUBLIQUE DE CORÉE) représentée par Maîtres Sabine AGE et Maître Amandine METIER de L'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 COMPOSITION Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 05 Avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 07 Juin 2022 ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ EXPOSÉ DU LITIGE 1.La société de droit coréen Hanwha Solutions Corporation se présente comme spécialisée dans la fourniture de solutions photovoltaïques. Elle est ainsi la titulaire inscrite du brevet européen désignant la France no 2 220 689 (ci-après EP'689), déposé le 6 novembre 2008 et revendiquant la priorité d'une demande allemande no DE 10 2007 054384 du 14 novembre 2007. Ce brevet a pour titre "Procédé de fabrication d'une cellule solaire comportant une double couche de diélectrique à passivation de surface, et cellule solaire correspondante". Sa délivrance, le 27 août 2014, a été suivie de plusieurs oppositions et interventions, la procédure orale étant prévue en juin 2021 (avant d'être reportée en septembre 2022). 2.Soupçonnant que la société de droit français Systosolar commercialisait en France les produits fabriqués par le groupe chinois Longi, qu'elle poursuit en contrefaçon en Allemagne et aux Etats-Unis notamment, la société Hanwha Solutions Corporation a, par deux requêtes du 8 février 2021, sollicité et obtenu du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Systosolar à Nantes et au sein de son établissement secondaire de Clisson (44), aux fins d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de cette contrefaçon. 3.Les ordonnances rendues le 9 février 2021 ont été exécutées le 18 février suivant et, par actes d'huissier délivrés le 19 mars 2021, la société Hanwha Solutions Corporation a fait assigner les sociétés Systosolar, Longi Solar Technology GmbH, Longi Trading Ltd, et Longi Netherlands trading BV devant ce tribunal en contrefaçon de brevet. Les sociétés Longi ont conclu au fond le 21 octobre 2021 et la société Systosolar le 7 janvier 2022. 4.C'est en cet état que par acte d'huissier délivré le 5 janvier 2022, la société Systosolar a fait assigner la société Hanwha Solutions Corporation aux fins d'obtenir la rétractation des ordonnances du 9 février 2021, devant le magistrat ayant autorisé les saisies siègeant à l'audience du 5 avril 2022 à 11 heures. 5.Dans ses dernières conclusions du 4 avril 2022 dont elle a développé les termes à l'audience, la société Systosolar demande au juge des référés d'ordonner la rétractation des deux ordonnances aux fins de saisie contrefaçon rendues le 9 février 2021 à la requête de la société Hanwha Solutions Corporation, et de dire que cette rétractation emporte l'annulation des procès-verbaux de saisie dressés par Maitre [L] le 18 février 2021 et de leurs annexes et l'obligation pour la société Hanwha Solutions Corporation de restituer toutes les pièces et documents saisis à la société Systosolar et l'impossibilité de s'en prévaloir dans le monde entier. La société Systosolar sollicite encore la condamnation de la société Hanwha Solutions Corporation aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 15.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 6.Dans ses conclusions du 4 avril 2022 soutenues oralement à l'audience du 5 avril 2022, la société Hanwha Solutions Corporation demande quant à elle au juge des référés de débouter la société Systosolar de ses demandes, de la condamner aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 7.La société Systosolar soutient que la société Hanwha n'a révélé au juge des requêtes que les éléments qui lui étaient favorables et ce, afin, selon elle, d'obtenir des éléments d'information avant l'annulation très probable de son brevet par l'OEB. La société demanderesse reproche d'abord à la société Hanwha de s'être livrée à une présentation erronée de la procédure suivie devant le division d'opposition de l'OEB et de s'être en particulier abstenue de révéler au juge des requêtes l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020 en faveur de la nullité du brevet. La société Systosolar reproche encore à la société Hanwha une présentation partielle des différentes procédures engagées à l'étranger et en particulier d'avoir tu au juge des requêtes que le brevet US'215, équivalent au brevet EP'689, avait été annulé. La société Systosolar reproche enfin à la société Hanwha d'avoir caché au juge des requêtes le fait qu'un partenariat les avait liées jusqu'en octobre 2018, les circonstances dans lesquelles il a pris fin expliquant selon elle la saisie-contrefaçon diligentée à son encontre. 8.La société Hanwha soutient quant à elle qu'il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas mentionné l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020, dont elle rappelle qu'elle ne lie pas le juge et ce d'autant moins selon elle que cette opinion préliminaire a été émise sur la base du brevet tel que délivré, alors que l'une de ses versions limitée avait été acceptée en 2017 et que c'est cette version qu'elle a effectivement présentée au juge des requêtes, quoique non avenue (ce que révélait selon elle le point 3.2 de la pièce no2.5.1 annexée à ses requêtes). La société Hanwha rappelle à cet égard qu'elle mentionnait dans sa requête la validation de son brevet comme une simple probabilité. S'agissant des procédures engagées à l'étranger, la société Hanwha fait valoir qu'elle a loyalement révélé au juge des requêtes le rejet de son action en contrefaçon dirigée contre les sociétés Longi aux Etats-Unis. La société Hanwha soutient enfin que l'existence de relations commerciales passées entre elle et la société Systosolar n'avait aucune pertinence pour l'appréciation du bien fondé de la requête afin de saisie-contrefaçon. Appréciation du juge des référés 9.Aux termes de l'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, "La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants. Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée. A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés." 10.Selon les articles 496 et 497 du code de procédure civile, applicables aux ordonnances rendues sur requête,"S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire." 11.Il est constamment jugé s'agissant de ces dispositions que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit ainsi de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 12.Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la société Hanwha Solutions Corporation s'est abstenue de révéler au juge des requêtes l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020 par la division d'opposition de l'OEB en faveur de la nullité du brevet EP'689. Cette omission est en elle-même déloyale. Elle l'est d'autant plus au cas particulier que, contrairement à ce qu'affirme la société Hanwha pour justifier le silence gardé, l'opinion préliminaire mentionne expressément qu'elle diverge de celle précédemment émise le 12 septembre 2017 et annulée avec effet rétroactif (pièce no2.7 de la société Systosolar, point 5.1 de l'opinion préliminaire du 21 octobre 2020, "Autres requêtes subsidiaires"), derrière laquelle la société Hanwha se retranche pour soutenir, comme elle l'a fait dans sa requête, qu' "il est probable que la division d'opposition maintienne le brevet avec le même jeu de revendication modifiées que celui qu'elle a retenu dans sa première décision du 12 septembre 2017" (point 03 des requêtes), alors précisément que la division d'opposition est d'un avis contraire. Il est de la même manière observé que la société Hanwha a, de manière tout aussi déloyale, omis de révéler que le brevet US'215, équivalent américain du brevet EP'689, avait été déclaré nul par l'USPTO. 13.En cachant ces informations cruciales, la société Hanwah a indéniablement privé le juge des requêtes d'informations qui lui auraient été particulièrement utiles à l'appréciation de la mesure et en particulier pour l'appréciation de sa proportionnalité. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de rétractation totale des ordonnances du 9 février 2021 selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 14.Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Hanwha sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Systosolar la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Vu les ordonnances du 9 février 2021 ; Vu les procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 18 février 2021 ; Ordonne la rétractation totale des ordonnances du 9 février 2021 rendues sur requêtes de la société Hanwha Solutions Corporation, laquelle emporte annulation des procès-verbaux dressés le 18 février 2021 par Maître [L], huissier de justice, ainsi que de leurs annexes; Ordonne la restitution à la société Systosolar de l'intégralité des documents et pièces saisis le 18 février 2021; Condamne la société Hanwha Solutions Corporation aux dépens ; Condamne la société Hanwha Solutions Corporation à payer à la société Systosolar la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision. Fait et jugé à [Localité 4] le 07 Juin 2022. La GreffièreLe juge des référés
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R.G : No RG 17/01899 - No Portalis DBWB-V-B7B-E5YX COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 01 JUILLET 2022 Chambre civile TGI Appel d'une décision rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 12 OCTOBRE 2017 suivant déclaration d'appel en date du 26 OCTOBRE 2017 RG no 17/01493 APPELANT : Monsieur [Z] [M] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Brigitte HOARAU, avocat au barreau de SAINT-[R]-DE-LA-REUNION Monsieur [B] [N] [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 9 Décembre 2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Avril 2022 devant Madame Pauline FLAUSS, Conseillère qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 01 Juillet 2022. Par jugement en date du 27 septembre 1988, le tribunal de grande instance de Saint Denis a ordonné la démolition aux frais des défendeurs, de tous les ouvrages construits en fraude des droits des requérants sous astreinte de 100,00 Francs par jour de retard dans le délai de 6 mois à compter de la signification du jugement. Les défendeurs à l'instance étaient M. [K] [L], M. [Z] [M], M. [S] [M], M. [Y] [J] et M. [O] [T]. Les requérants à l'instance étaient M. [B] [N], M. [E] [N], Mme [F] [N], Mme [G] [N], Mme [X] [N]. Seuls M. [K] [L] et M. [S] [M] ont relevé appel de cette décision. Par arrêt du 24 avril 1994, la Cour d'appel de Saint Denis a réformé partiellement le jugement déféré à l'égard de M. [K] [L] uniquement et l'a confirmé pour le surplus. Sur pourvoi des consorts [N], la Cour de cassation a cassé l'arrêt déféré mais seulement en ce qu'il concernait M. [L]. Par acte du 22 mai 2017, M. [B] [N] a fait assigner M. [Z] [M] et M. [S] [M] afin de voir liquider l'astreinte prononcée pour la période du 12 mars 1999 au 31 mai 2017, de voir prononcer une astreinte définitive et obtenir leur condamnation au paiement d'une somme de 101.361,24 euros et la fixation d'une nouvelle astreinte définitive de 500,00 euros par jour de retard. Par jugement du 12 octobre 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Denis a : -rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir des demandeurs et des défendeurs ; -ordonné la liquidation de l'astreinte provisoire prévue par le jugement du tribunal de grande instance de Saint Denis le 27 septembre 1988 à la somme de 9.984,00 euros chacun pour la période du 12 mars 1999 au 31 mai 2017 et condamné M. [Z] [M] et M. [S] [M] chacun au paiement de cette somme ; -rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires formées par les parties; -condamné in solidum M. [Z] et [S] [M] à payer à M. [B] [N] la somme de 750,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; -condamné M. [Z] et [S] [M] aux dépens de l'instance. Par déclaration au greffe transmise par voie électronique le 26 octobre 2017, M. [H] [M] a relevé appel de cette décision. Après un premier arrêt avant dire droit en date du 16 octobre 2018, relatif à la production d'un plan, la cour a prononcé un autre arrêt mixte le 9 juillet 2019, statuant en ces termes : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir des demandeurs et des défendeurs, Infirme le jugement en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la charge de Monsieur [H] [M], Statuant à nouveau, Déboute Monsieur [B] [N] de sa demande de liquidation d'astreinte formée contre Monsieur [H] [M], Avant dire droit sur la reconduction de l'astreinte, Ordonne une expertise, Désigne à cette fin Monsieur [R] [C] (?) Décrire les ouvrages dont la démolition a été mise à la charge notamment de Monsieur [H] [M] comme constituant des empiétements obstruant le fonds de Monsieur [B] [N] ou son accès, Faire un plan précis des lieux figurant lesdits ouvrages, D'une façon générale, donner tous éléments propres à apporter une solution définitive au litige, (?) Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Monsieur [H] [M] qui devra consigner à cet effet la somme de 1.500,00 € à valoir sur la rémunération de l'expert (?) Renvoie l'affaire devant le Conseiller de la Mise en État ; Invite les parties à conclure sur l'opportunité d'une médiation judiciaire. L'expert a déposé son rapport le 29 avril 2021. Monsieur [Z] [M] a déposé ses conclusions après expertise par RPVA le 26 mai 2021. Monsieur [B] [N] a déposé ses conclusions No 3 après expertise par RPVA le 24 août 2021. La clôture est intervenue le 9 décembre 2021. Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant déposées par RPVA le 26 mai 2021, Monsieur [Z] [M] demande à la cour de : DEBOUTER Monsieur [N] [B] de l'ensemble de ses demandes; A TITRE PRINCIPAL : REJETER la demande de M [N] au titre de l'astreinte à l'encontre de M [M] A TITRE SUBSIDIAIRE Si la Cour entendait faire droit à cette demande : FIXER le montant de la nouvelle astreinte à 3 euros /Jour, à la charge de Monsieur [M] [Z], à compter d'un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, EN TOUT ETAT DE CAUSE, CONDAMNER Monsieur [N] [B] à verser à M [M] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC, CONDAMNER Monsieur [N] [B] aux entiers dépens, CONDAMNER Monsieur [N] [B] à payer les frais d'expertises de la somme de 1.500 euros. Selon Monsieur [M], l'expert a repris l'expertise de M. [A] de laquelle il ressortait également un empiétement de M [N] sur 11 m². De plus, la prescription de droit commun est de 5 ans en vertu de l'article 2224 du code civil. Monsieur [N] [B] ne saurait solliciter une liquidation d'astreinte supérieure à la période de 5 ans ce qui représente 1820 jours. Et le montant sollicité ne peut être à la charge des seuls [M] [Z] et [S], alors que la décision dont il est demandé l'exécution concerne également [L] [K], [V] [Y] et [T] [O], soit 5 personnes, si par extraordinaire, une condamnation devait être retenue, elle devra représenter 1/5ème de 100 FRF, soit 3 €/jour, au plus. M [M] [Z] ne peut être solidaire de la totalité de l'occupation de la succession car il ne peut agir au nom et pour le compte de la succession. L'appelant considère que la petite superficie occupée ne peut impliquer une difficulté d'accès au terrain en cause. La nécessité d'une expertise était justifiée par l'imprécision du jugement le rendant inexécutable, ce qui rend l'astreinte inefficace et non applicable. Enfin, Monsieur [M] soutient que l'inertie de Monsieur [N] qui a attendu plus de 18 ans pour solliciter une liquidation d'astreinte, est totalement incompatible avec la demande de dommages et intérêts formulée dans ses dernières conclusions du 16 janvier 2018 à hauteur de 12.000€, au titre du trouble de jouissance. Par conclusions déposées par RPVA le 24 août 2021, Monsieur [B] [N] demande à la cour de : DEBOUTER Monsieur [Z] [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions ; RECEVOIR Monsieur [N] en son appel partiel, en ce que le juge n'a pas fait droit à sa demande: - de prononcer une nouvelle mesure d'astreinte définitive, ni même envisagé une mesure d'astreinte provisoire, - de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du trouble de jouissance. CONFIRMER partiellement en ses dispositions le jugement rendu, à l'exception des précédents points critiqués ; INFIRMER la décision du juge du 12.10.2017 sur les points précédemment contestés et sur lesquels la COUR n'a pas encore rendu sa décision ; STATUANT A NOUVEAU ASSORTIR la condamnation prononcée par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-DENIS(REUNION) le 27.09.1988 afin de démolir aux frais de [Z] [M], tous ouvrages construits en fraude des droits de Mr. [N] [B] (en l'espèce le mur de séparation figurant sur les points CDE de l'annexe 2 du rapport d'expertise de Monsieur [C], la limite AB constituant la limite séparative entre les deux parcelles, d'une astreinte définitive d'un montant de 500 € par jour de retard, à compter d'un délai de QUINZE JOURS, à courir de la notification de la décision à intervenir, ce pour une durée de UN AN ; A DEFAUT, ASSORTIR la condamnation prononcée par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-DENIS (REUNION) le 27.09.1988 afin de démolir aux frais de [Z] [M], tous ouvrages construits en fraude des droits de Mr. [N] [B], en l'espèce le mur figurant aux points CDE de l'annexe 2 du rapport de l'expert, d'une astreinte d'un montant de 100 € par jour de retard ; CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Monsieur [N] [B], la somme de DOUZE MILLE EUROS (12.000 €) à titre de dommages-intérêts, au titre des troubles de jouissance à sa propriété subis par lui ; CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Monsieur [N] [B] la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3.500 €) par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens (en ce compris les frais d'expertise), dont distraction au profit de Me LAW-WAI qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. L'intimé expose que l'injonction du juge n'a toujours pas été respectée à ce jour, l'astreinte provisoire initiale ainsi liquidée s'étant révélée totalement inefficace, nonobstant une nouvelle mise en demeure qui a été délivrée le 27 août 2016. Il considère que les décisions prévoyant l'astreinte ne comportant aucune mention d'indivisibilité ou de solidarité, c'est à tort que le Juge de l'Exécution n`a pas fait droit à la demande d'astreinte définitive "concernant des personnes non appelées en la cause??, alors que l'astreinte initialement fixée l'a été en faveur de chacun des demandeurs et de chacun des défendeurs et que l'astreinte définitive aujourd'hui sollicitée n'a d'intérêt que pour les personnes concernées par l'empiètement et l'obligation de libérer et de démolir. A cette date, seul est concerné Monsieur [N] [B] qui continue à subir un empiètement par Messieurs [M], de sorte qu'il conviendra de réformer la décision de première instance sur ce point et de faire droit à la demande du concluant de voir supprimer les ouvrages empiétant sur sa propriété : en l'espèce le mur figurant sur les points CDE de l'annexe 2 du rapport d'expertise de Monsieur [C], la limite AB constituant la limite séparative entre les deux parcelles. Selon l'intimé, l'empiètement réel faisant obstacle à tout passage, a perduré depuis avant 1999 jusqu'à ce jour, le quantum devant permettre de compenser l'absence d'exécution pendant une si longue période et d'espérer une exécution à venir de l'obligation. Monsieur [N] affirme que l'expert a rappelé l'extrait de plan de l'expertise [A] de 1987, et reporté les empiètements constatés à l'époque (page 6 du rapport), empiètements que connaissaient parfaitement l'appelant qui a été partie à la procédure pour avoir depuis plusieurs décennies occupé et empiété la parcelle de Monsieur [N]. Cet empiètement de 4 m2 a toujours été subi dans cette même configuration depuis avant 1987. Pire l'occupation constatée en 1987 s'est étendue depuis tout le long nord du lot 10 appartenant au concluant, la photo prise révélant un mur édifié après 1987, en violation délibérée des droits du concluant qui n'a eu de cesse de solliciter l'exécution de la décision. Monsieur [N] plaide que, contrairement à ce qu'a fait croire Monsieur [Z] [M], la partie obstruée est clairement identifiée, en ce qu'il s'agit de la continuation du chemin libéré pour partie par les autres défendeurs initiaux, et dont l'obstruction en son point final, au niveau de la propriété des [M], est constatée par l'huissier dans son procès-verbal de constat. Il ne saurait non plus être reproché à Monsieur [N] une prétendue inertie, la seule procédure à l'encontre de Monsieur [L] ayant à elle seule mobilisé toute son énergie, des années durant, sans compter une résistance abusive sur plusieurs années également des Messieurs [M], à l'encontre desquels une première décision de liquidation avait déjà été initiée et exécutée. Au contraire, l'appelant a abusé de la faiblesse et de l'âge de Monsieur [B] [N], 86 ans, également malade et plus âgé que [Z] [M]), et a persisté dans son refus d'exécuter une décision de justice, nonobstant une première décision de liquidation d'astreinte. Pour soutenir sa demande de dommages et intérêts, Monsieur [N] expose que, depuis la décision rendue par le Tribunal en 1988 et confirmée par la Cour d'Appel en 1996, le concluant ne dispose toujours pas de passage, alors qu'une servitude est prévue dans l'acte de partage du 3.06.1976. La résistance abusive de Monsieur [M] a clairement fait obstacle à l'exercice du droit de propriété et de ses prérogatives, par Monsieur [N] [B]. Dès lors, il conviendra de réformer la décision de première instance et statuant à nouveau de condamner Monsieur [M] à verser au concluant la somme de 12.000 € au titre des troubles de jouissance à sa propriété subis par lui, son préjudice étant certain et caractérisé, l'expert ayant rappelé que la maison est inaccessible, faute d'accès ouvert, le terrain étant au demeurant inoccupé et en friche. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile. En cours de délibéré, la cour a adressé un avis par RPVA aux parties le 31 mai 2022, les invitant à présenter leurs observations, sous quinzaine, sur les pouvoirs du juge de l'exécution pour statuer sur une demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance. Par nouvelles conclusions datées du 9 juin 2022, déposées le 13 juin 2022 par RPVA, Monsieur [Z] [M] a ajouté que la demande de dommages intérêts pour trouble de jouissance ne relève pas de la compétence du Juge de l'exécution. Le conseil de l'appelant a adressé un message le 14 juin 2022 envoyé un message sur RPVA indiquant que son client serait décédé. Selon les articles 370 et 371 du code de procédure civile, en aucun cas, l'instance n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats. Ainsi, le décès de l'appelant après la clôture des débats ne peut justifier leur réouverture. Sur ce qu'il reste à juger par la cour : Le dispositif des arrêts avant dire-droit et mixte déjà prononcés, établissent que la cour a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la charge de Monsieur [H] [M], puis, débouté Monsieur [B] [N] de sa demande de liquidation d'astreinte formée contre Monsieur [H] [M]. Avant dire droit sur la reconduction de l'astreinte, la cour a ordonné une expertise technique confiée à Monsieur [C]. Pourtant, Monsieur [N] sollicite l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance, précisant que le juge n'a pas fait droit à sa demande. Il avait d'ailleurs soutenu cette prétention depuis le début de l'instance en appel. Ainsi, il convient de statuer sur ces deux prétentions et pas seulement sur la demande de reconduction de l'astreinte. Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance : Il résulte de l'assignation devant le juge de l'exécution et des conclusions de première instance que Monsieur [N] avait sollicité la condamnation des Consorts [M] à lui payer la somme de 12.000 euros en réparation des troubles de jouissance subis par lui. Le juge de l'exécution a rejeté cette demande en considérant que Monsieur [N] ne justifiait pas de son préjudice. La cour n'a pas encore statué sur cette prétention de Monsieur [N]. Ceci étant exposé, Il convient de rappeler que la cour statue comme juge de l'exécution dans le présent litige. Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. L'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution prescrit que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce. Le juge de l'exécution peut relever d'office son incompétence. En l'espèce, la demande relative à des dommages et intérêts pour trouble de jouissance et atteinte au droit de propriété d'une partie ne relève pas des pouvoirs du juge de l'exécution, seulement compétent pour statuer sur des difficultés ou des contestations relatives à l'exécution forcée de titres exécutoires. En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de sa demande, par substitution de motifs. Sur la reconduction de l'astreinte : Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. Le premier juge a rejeté la demande de reconduction de l'astreinte en considérant que, selon le jugement du 27 septembre 1988, l'astreinte avait été prononcée à l'égard et en faveur d'autres parties, absentes dans l'instance, ce qui interdirait de faire droit à la demande dirigée contre un seul des défendeurs originaires. La cour a ordonné une expertise destinée à établir la nature des ouvrages dont la démolition a été mise notamment à la charge de Monsieur [H] [M], et ce afin de donner une solution définitive au litige. Selon le dernier rapport d'expertise, rendu après dépôt d'un pré-rapport en date du 8 mars 2021, afin de recueillir les observations des parties, qui n'en ont pas formulées, Monsieur [C] conclut que : -Il existe un empiètement de l'occupation [M] sur la propriété [B] [N], matérialisée par un mur de clôture, et portant sur une largeur variant entre 0 et 1,2 mètres pour une superficie de 11 m². Ainsi, l'Expert a parfaitement répondu à la mission qui lui était confiée, permettant à la cour de statuer. Il résulte clairement qu'un mur de clôture, appartenant à Monsieur [Z] [M], empiète toujours sur la parcelle appartenant à Monsieur [B] [N] malgré les astreintes déjà prononcées et même liquidées. En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé et d'ordonner la reconduction d'une astreinte, seulement opposable à Monsieur [Z] [M] à compter des délais fixés par le présent arrêt. Monsieur [Z] [M] sera donc condamné à une nouvelle astreinte de 10 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant la signification du présent arrêt, pendant un délai de six mois, afin de procéder à la démolition du mur empiétant sur la parcelle de Monsieur [B] [N]. Sur les autres demandes : Monsieur [Z] [M] supportera les dépens de l'appel, comprenant le coût de l'expertise judiciaire tandis que la décision de première instance doit être confirmée de ce chef. Il devra verser à Monsieur [B] [N] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité déjà allouée par le premier juge. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, Vu les arrêts avant dire droit du 16 octobre 2018 et du 9 juillet 2019, DIT n'y avoir lieu à réouverture des débats ; INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de reconduction d'astreinte ; LE CONFIRME pour le surplus ; Statuant à nouveau du chef infirmé, FIXE une nouvelle astreinte de DIX euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant la signification du présent arrêt, pendant un délai de six mois, afin de procéder à la démolition du mur empiétant sur la parcelle de Monsieur [B] [N]. CONDAMNE seulement Monsieur [Z] [M] à cette astreinte ; CONDAMNE Monsieur [Z] [M] à payer à Monsieur [B] [N] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Monsieur [Z] [M] aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me LAW-WAI, conformément aux prescriptions de l'article 699 du code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
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JUDICIAIRE No RG 22/52718 - No Portalis 352J-W-B7G-CWSN2 Assignation du : 01 Avril 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 03 juin 2022 par Catherine OSTENGO, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES S.A.S. NOVARTIS PHARMA [Adresse 1] [Adresse 1] Société NOVARTIS AG [Adresse 3] [Adresse 3]/SUISSE représentées par Maître Laetitia BENARD du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0022 DEFENDERESSE S.A.S. BIOGARAN [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Marianne GABRIEL et Maître Arnaud CASALONGA, avocats au barreau de PARIS - #K0177 A l'audience du 09 Mai 2022, tenue publiquement, présidée par Catherine OSTENGO,Vice-présidente, assistée de Rokhaya NIANG, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, PRESENTATION DES PARTIES La société NOVARTIS AG est une société suisse spécialisée dans le domaine pharmaceutique et se présente comme un leader mondial des produits de santé innovants, notamment dans le domaine des neurosciences. Elle indique développer des thérapies restaurant la tolérance immunologique aux propres tissus de l'organisme tout en préservant l'immunité protectrice contre les agents pathogènes nocifs, afin de traiter les patients atteints de maladies auto-immunes. Elle commercialise dans ce cadre le médicament GILENYA®, qui contient le principe actif fingolimod pour le traitement de la sclérose en plaques, et plus particulièrement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente. La société NOVARTIS PHARMA SAS est l'exploitant de l'autorisation de mise sur le marché pour la spécialité GILENYA® en France, dont la première autorisation de mise sur le marché dans l'Union Européenne a été délivrée à la société NOVARTIS EUROPHARM LIMITED le 22 mars 2011. L'exclusivité commerciale de la spécialité GILENYA® a expiré le 22 mars 2022, après avoir bénéficié d'une année de protection supplémentaire, le 22 novembre 2018, conformément à l'article 14(11) du Règlement (CE) no 726/2004. La société NOVARTIS AG est titulaire de la demande de brevet européen désignant la France no 2 959 894 (ci-après EP 894) intitulé « Modulateurs du récepteur S1P pour traiter la sclérose en plaques » déposée en tant que demande divisionnaire de la demande de brevet européen no 2 698 154 (retirée) déposée le 27 septembre 2013, qui est elle-même une demande divisionnaire de la demande de brevet européen no 2 037 906 (retirée) déposée le 25 juin 2007. Ces demandes étant toutes issues de la demande de brevet internationale no 2008/000419 déposée le 25 juin 2007, sous priorité de la demande GB20060012721 déposée le 27 juin 2006. La demande a été publiée le 30 décembre 2015 au Bulletin européen des brevets no 2015/53 21. La traduction française des revendications de cette demande telle que déposée a été publiée au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle 22/04 du 28 janvier 2022. Le 2 novembre 2020, la demande de brevet EP 894 a été rejetée par la division d'examen de l'Office européen des brevets (OEB) pour défaut de nouveauté. Le 8 février 2022, la chambre de recours a infirmé cette décision et a renvoyé la demande à la division d'examen pour que sa description soit adaptée. La société BIOGARAN est une société développant une activité spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques. Le 27 mai 2021, la société BIOGARAN s'est vue délivrer une autorisation de mise sur le marché en France pour la spécialité « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule » qui est un médicament générique de la spécialité GILENYA®. Cette spécialité a été inscrite au Répertoire des groupes génériques par décision du 14 septembre 2021. Ayant découvert, le 4 octobre 2021, que la société BIOGARAN avait sollicité la délivrance d'un prix pour sa spécialité générique ainsi que son inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics et le Comité économique des produits de santé (CEPS) l'ayant informée que la société BIOGARAN s'était engagée à commercialiser sa spécialité générique dans les six mois suivant la publication au Journal Officiel des inscriptions précitées, la société NOVARTIS AG a fait adresser à cette dernière le 17 janvier 2022 une mise en demeure de ne pas contrefaire l'exclusivité commerciale et ses droits de brevets sur le fingolimod et lui a fait parvenir, outre une copie de la demande de brevet EP 894 telle que publiée et de sa traduction française, une copie de la requête principale déposée à l'OEB le 18 novembre 2019 accompagnée de sa traduction française. Puis, le 16 février 2022, elle l'a informée de ce que la chambre des recours de l'OEB a infirmé la décision initiale de la division d'examen de rejet de sa demande de brevet et a renvoyé la procédure devant celle-ci pour délivrance de la revendication 1 de la requête principale déposée le 18 novembre 2019. Insatisfaites des réponses apportées par la société BIOGARAN à ses courriers, les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS ont sollicité et obtenu du délégué du président du tribunal judiciaire de Paris, l'autorisation de l'assigner en référé à heure indiquée. LES AUTRES PROCEDURES EN COURS Aux Etats-Unis Dans le cadre d'une procédure initiée par la société NOVARTIS contre des génériqueurs du brevet américain correspondant à la demande de brevet EP 894 (US 405), le tribunal de district du DELAWARE a rejeté le 10 août 2020, les demandes reconventionnelles en nullité formées par les défenderesses sur la base d'une insuffisance de description et d'une évidence de l'invention revendiquée et a reconnu la matérialité des actes de contrefaçon. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel le 3 janvier 2022. Au Royaume-Uni Le 25 février 2022, les sociétés TEVA UK LIMITED et TEVA PHARMACEUTICAL INDUSTRIES LIMITED ont engagé une action devant la Cour anglaise des brevets afin d'obtenir un jugement déclaratoire de type Arrow (« Arrow declaration ») à l'encontre de la demande de brevet EP 894 outre une action en nullité de ce dernier, actuellement toujours pendante. La société NOVARTIS AG a, quant à elle, été déboutée de ses actions en contrefaçon et de ses demandes en référé à l'encontre des sociétés TEVA, DR REDDY, GLENMARK, TILLOMED et ZENTIVA le 2 mars 2022 pour prévenir la contrefaçon imminente de la revendication 1 de la demande de brevet EP 894. En Finlande La société NOVARTIS AG a obtenu sur requête des mesures d'interdiction provisoire jusqu'à ce qu'une décision de référé contradictoire intervienne sur le fondement de la demande de brevet EP 894 contre les sociétés RATIOPHARM GmbH et TEVA FINLAND OY le 10 mars 2022 et contre les sociétés MYLAN IRELAND LIMITED et VIATRIS OY le 11 mars 2022, mais a été déboutée de sa demande d'ordonnance de protection (« protective brief ») devant le tribunal de commerce de Finlande. Des actions à l'encontre des sociétés TEVA et MYLAN se poursuivent en référé. En Espagne Le tribunal de commerce de BARCELONE a prononcé le 7 mars 2022 des mesures d'interdiction provisoire jusqu'au 1er juillet 2022 contre les sociétés TEVA PHARMA S.L.U. et MYLAN PHARMACEUTICALS S.L. sur la base de la demande de brevet EP 894. Aux Pays-Bas Le 22 mars 2022, le tribunal, saisi d'une action en référé, a refusé d'ordonner des mesures d'interdiction de la commercialisation de spécialités génériques de GILENYA® jusqu'à la délivrance du brevet EP 894 à l'encontre des sociétés MYLAN B.V. et MYLAN IRELAND LIMITED. La société NOVARTIS AG a relevé appel de cette décision. Les mesures d'interdiction provisoire pareillement sollicitées par la société NOVARTIS à l'encontre de la société MYLAN n'ont pas été accordées. La société NOVARTIS a également engagé le 9 mars 2022 une action en référé devant le tribunal de MILAN afin d'obtenir des mesures d'interdiction provisoire contre la société MYLAN. La procédure est toujours en cours. En Belgique Une action en référé dans le cadre de laquelle des mesures d'interdiction provisoire sont sollicitées ainsi qu'une action au fond, à jour fixe, à l'encontre de la société MYLAN sont actuellement en cours. Au Danemark Des demandes d'interdiction provisoire contre la société TEVA sont en cours d'examen. La société NOVARTIS a également engagé une action en référé contre les sociétés ZENTIVA DENMARK AnS, pareillement en cours. La société NOVARTIS a engagé une action en contrefaçon et sollicité des mesures d'interdiction provisoire à l'encontre de la société MEPHA, appartenant au groupe TEVA. L'affaire est toujours en cours. En Allemagne Le tribunal de district de Berlin a, par décision du 26 avril 2022, rejeté les demandes provisoires formées à l'encontre de la société Mylan. L'affaire a été appelée à l'audience du 13 avril 2022. Suivant ordonnance du 13 avril 2022, le juge des référés a donné acte à la SAS BIOGARAN de son engagement à ne pas commercialiser sur le territoire français, sa spécialité "FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg" avant la date à laquelle l'ordonnance de référé sera rendue dans le cadre de la présente instance, au plus tard le 15 juin 2022, ordonnance qui statuera sur la mesure d'interdiction provisoire sollicitée par les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS, et au besoin, lui a ordonné de se conformer à cet engagement. L'affaire a ensuite été rappelée à l'audience du 9 mai 2022. Aux termes de son assignation délivrée le 1er avril 2022 reprise oralement à l'audience, la société NOVARTIS formule les demandes suivantes: Vu les articles 485, 493, 834 et 835 du code de procédure civile; Vu les articles L. 613-1, L. 613-3, L. 614-9, L. 615-1, L. 615-3 et L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle ; Vu l'article 1240 du code civil ; Vu la demande de brevet européen désignant la France no 2 959 894 ; - À titre principal : DIRE ET JUGER que la spécialité générique « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, capsule » reproduit la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, de sorte que l'imminence de contrefaçon des droits de NOVARTIS AG n'est pas sérieusement contestable ; DIRE ET JUGER que la commercialisation illicite imminente des spécialités génériques « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, capsule » constitue un acte de concurrence déloyale à l'encontre de NOVARTIS PHARMA SAS ; INTERDIRE à la société BIOGARAN jusqu'au 25 juin 2027 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché, utiliser et détenir aux fins précitées, des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 1.000 euros (MILLE EUROS) par comprimé fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, commercialisé, utilisé ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de la signification de l'ordonnance à intervenir ; ORDONNER à la société BIOGARAN de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 100 euros (CENT EUROS) par comprimé non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48 heures suivant la date de la signification de la décision à intervenir ; AUTORISER les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais de BIOGARAN, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d'actes de contrefaçon et par conséquent de : o autoriser les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 dans les locaux de BIOGARAN et en tous endroits dans lesquels les opérations révéleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS, autres que les subordonnés des Demanderesses ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude; o autoriser l'huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 à saisir dans les lieux de la saisie ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie. ORDONNER à la société BIOGARAN, sous astreinte de 10.000 euros (DIX MILLE EUROS) par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir, de communiquer tous documents ou informations détenus par la société BIOGARAN afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, (ii) les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d'achat de ces produits ; - À titre subsidiaire : DIRE ET JUGER que la spécialité générique « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, capsule » reproduit la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, de sorte que l'imminence de contrefaçon des droits de NOVARTIS AG n'est pas sérieusement contestable ; DIRE ET JUGER que la commercialisation illicite imminente des spécialités génériques « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, capsule » constitue un acte de concurrence déloyale à l'encontre de NOVARTIS PHARMA SAS ; INTERDIRE à la société BIOGARAN jusqu'au 25 juin 2027 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché, utiliser et détenir aux fins précitées, des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 1.000 euros (MILLE EUROS) par comprimé fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, commercialisé, utilisé ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de publication de la délivrance du brevet européen no 2 959 894 ; ORDONNER à la société BIOGARAN de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 100 euros (CENT EUROS) par comprimé non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48 heures suivant la date de publication de la délivrance du brevet européen no 2 959 894 ; AUTORISER les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS, à compter de la date de publication de la délivrance du brevet européen no 2 959 894, à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais de BIOGARAN, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d'actes de contrefaçon et par conséquent de : o autoriser les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 dans les locaux de BIOGARAN et en tous endroits dans lesquels les opérations révèleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS, autres que les subordonnés des Demanderesses ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude; o autoriser l'huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 à saisir dans les lieux de la saisie ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie. ORDONNER à la société BIOGARAN, sous astreinte de 10.000 euros (DIX MILLE EUROS) par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de publication de la délivrance du brevet européen no 2 959 894, de communiquer tous documents ou informations détenus par la société BIOGARAN afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, (ii) les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d'achat de ces produits ; En tout état de cause : DIRE que le Président sera compétent pour statuer, s'il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu'il a fixées ; DÉBOUTER la société BIOGARAN de toutes ses demandes, fins et conclusions ; CONDAMNER la société BIOGARAN à payer aux sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS la somme de 150.000 euros (CENT CINQUANTE MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ; CONDAMNER la société BIOGARAN aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me Laëtitia BENARD, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile. RAPPELER que l'exécution provisoire de l'ordonnance à intervenir est de droit. La défenderesse, dans ses dernières conclusions reprises oralement à l'audience demande au juge des référés de : Vu les articles L. 613-2, L. 614-9, L. 614-12, L. 615-1, L. 615-2, L. 615-3, L. 615-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 52 à 57, 83 et suivants, 123(2), 138 et suivants de la Convention sur le brevet européen, Vu les articles 378, 834, 835, 836 et suivants du code de procédure civile, Vu les articles L. 153-1 et suivants du code de commerce, A titre principal, Dire et juger que les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS sont irrecevables, et à tout le moins mal fondées en leurs demandes, Dire et juger que la société Biogaran est recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, Dire et juger que l'atteinte aux droits invoqués par les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS n'est pas vraisemblable, Dire et juger que la société Biogaran n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, Débouter en conséquence les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les sociétés Novartis ne seraient pas déboutées de l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées, Surseoir à statuer dans l'attente de la publication de la délivrance du brevet EP 894, Renvoyer l'affaire à une audience postérieurement à la publication de la délivrance du brevet EP 894 pour que les parties puissent conclure et présenter leurs arguments sur le texte du brevet tel que délivré ainsi que sur les motifs de la décision qui sera rendue par la Chambre de recours en suite de la procédure orale du 8 février 2022, A titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où le juge des référés entendrait ordonner des mesures d'information, Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira au juge des référés de fixer pour que les parties puissent échanger sur les mesures de protection du secret des affaires à fixer préalablement à toute communication d'information, tel que prévu par l'article L. 153-1 du code de commerce, En tout état de cause, Débouter les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, Condamner in solidum les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS à verser à la société Biogaran la somme provisionnelle de 3.000.000 euros à valoir sur le préjudice subi du fait de leurs manoeuvres déloyales et anticoncurrentielles, Condamner in solidum les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS à verser à la société Biogaran la somme provisionnelle de 200.000 euros au titre de la procédure abusive, Condamner in solidum les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS à verser à la société Biogaran la somme de 350.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamner in solidum les sociétés Novartis AG et Novartis Pharma SAS aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Arnaud Casalonga et Me Marianne Gabriel, avocats, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile. Rappeler que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire par provision. A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 3 juin 2022. 1- Présentation de la demande de brevet EP 894 La sclérose en plaques (ci-après SEP) est une maladie dégénérative à médiation immunitaire du système nerveux central entraînant un déclin progressif des fonctions motrices et sensorielles et une invalidité permanente. Elle se caractérise par des lésions du système nerveux central qui sont causées par une réaction inflammatoire, entraînée par les réponses des cellules immunitaires. Les formes de sclérose en plaque sont regroupées en quatre catégories : la SEP récurrente-rémittente (ci-après SEP-RR ), la SEP secondaire-progressive (ci-après SEP-SP ), la SEP primaire- progressive (ci-après SEP-PP ) et la SEP progressive-récurrente (ci-après SEP-PR). Il est précisé dans la demande de brevet que les aspects pathologiques caractéristiques des maladies démyélinisantes telle que la SEP comprennent l'inflammation, la démyélinisation et la perte d'axones et d'oligodendrocytes et que les lésions peuvent également avoir une composante vasculaire importante, un lien solide entre l'inflammation chronique et l'angiogenèse ayant été établi. Il est également précisé que les traitements existant de la SEP ne sont que partiellement efficaces et n'offrent dans la plupart des cas qu'un court différé de progression de la maladie malgré un traitement anti-inflammatoire et immunosuppresseur et qu'il existe un besoin de substances qui soient efficaces pour réduire, atténuer, stabiliser ou soulager les symptômes qui affectent l'organisme. L'objectif d'un traitement de la SEP-RR est donc de réduire la fréquence des poussées, de soulager les symptômes et de prévenir ou de réduire l'invalidité résultant de la progression de la maladie ou de la récupération incomplète des poussées. L'invention litigieuse concerne la SEP- RR caractérisée par des épisodes de déficience neurologique avec rémission complète ou partielle ultérieure et préconise l'utilisation du fingolimod (2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol ou « FTY720 ») comme modulateur du récepteur de la sphingosine 1-phosphate (S1P), qui est un lipide sérique naturel intervenant dans l'angiogénèse. La demande de brevet indique que des tests opérés sur des rats ont démontré que le fingolimod bloque complètement l'angiogenèse associée à la maladie et inhibe entièrement les poussées lorsqu'il est administré par voie orale à une dose quotidienne de 0,3 mg / kg et que le même effet est obtenu avec le fingolimod administré à une dose de 0,3 mg/kg tous les 2 ou 3 jours ou une fois par semaine de sorte que selon les inventeurs, de très faibles doses de modulateurs des récepteurs S1P pourraient être efficaces dans le traitement de la SEP en agissant spécifiquement sur les poussées. La demande de brevet EP 894 telle que déposée initialement comprenait 11 revendications. Par la suite, la société NOVARTIS AG a modifié les revendications de sa demande pour n'en conserver que la première dont la rédaction est la suivante : « Un modulateur du récepteur S1P pour une utilisation dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, par administration orale d'une dose quotidienne de 0,5 mg, le modulateur du récepteur S1P étant le 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol sous forme libre ou sous une forme de sel pharmaceutiquement acceptable. » L'homme du métier : L'homme du métier est un spécialiste du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné et lui permettent de concevoir la solution au problème que le brevet entend résoudre. A ce titre, il est un praticien de bon niveau qui connaît sa propre discipline et a acquis un savoir issu de domaines voisins ou relevant d'une culture technique générale. Selon les sociétés NOVARTIS, l'homme du métier serait une équipe composée d'un clinicien ayant de l'expérience dans le traitement des patients atteints de SEP et d'un scientifique compétent dans le domaine de la pharmacocinétique (PK) et de la pharmacodynamique (PD). Pour sa part, la société BIOGARAN, considérant que l'invention porte sur la découverte que les modulateurs des récepteurs de la S1P ont un effet inhibiteur sur la néo-angiogénèse associée notamment à la sclérose en plaques, fait valoir que l'homme du métier doit être défini comme un clinicien dans le domaine des neurosciences et de l'angiogénèse. L'invention portant sur une composition pharmaceutique ayant pour objet principal de réduire la fréquence des poussées et l'invalidité résultant de la progression des maladies démyélinisantes telle que la SEP, l'homme du métier sera ici défini comme étant constitué d'une équipe dirigée par un chercheur spécialisé dans ce type de maladies avec une expérience clinique conséquente, et de personnes ayant des connaissances en formulation et en pharmacologie. 2-Recevabilité des prétentions 2.1- Recevabilité des demandes de mesures provisoires fondées sur la demande de brevet La société BIOGARAN fait valoir que les dispositions de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle sur lesquelles la société NOVARTIS AG fonde ses demandes prévoient expressément que son application est subordonnée à l'existence d'un « titre », auquel il serait porté une atteinte caractérisée ou d'une « atteinte imminente » ce qui exclut selon elle, l'action du simple titulaire d'une demande de brevet dont la délivrance reste encore hypothétique. Surabondamment, elle soutient que la protection accordée par l'article L. 615-4 du même code à compter de la demande de brevet est expressément limitée et ne saurait dans ces conditions inclure les mesures provisoires prévues à l'article L. 615-3 précité. Elle rappelle que si ce dernier vise "la personne ayant qualité pour agir en contrefaçon", l'action en contrefaçon est, selon l'article L. 615-1, une "atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet" exercée par le "propriétaire du brevet" comme il est dit à l'article L. 615-2 et qu'en application de l'article L. 615-4, « le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet sursoit à statuer jusqu'à la délivrance du brevet ». Elle ajoute que dans le cadre d'une procédure spéciale basée sur l'évidence et la vraisemblance, les garanties accompagnant le prononcé de mesures provisoires dérogatoires du droit commun doivent être plus importantes encore que dans une action en contrefaçon au fond et qu'aucune mesure provisoire ne saurait dès lors être ordonnée sur la base d'une simple demande de brevet, à l'encontre de laquelle aucune opposition ni action en nullité n'est possible, et dont le contenu, notamment la description qui doit servir à interpréter les revendications en application de l'article L.613-2, et la délivrance restent aléatoires. Elle fait enfin valoir que les demanderesses ne peuvent utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles est intervenue la modification de la rédaction de l'article L. 615-3 par la loi du 29 octobre 2007 alors qu'il n'existe pas de motif tiré de la lettre de la loi ou de son esprit permettant une interprétation extensive de la volonté du législateur – qui était seulement d'harmoniser ces dispositions avec celles des autres droits de la propriété industrielle – ce, alors qu'une demande de brevet est susceptible d'évolution jusqu'à sa délivrance et que le périmètre de la protection de l'invention n'est pas jusqu'à celle-ci, définitivement fixé. La société BIOGARAN conclut par ailleurs à l'irrecevabilité des demandes en faisant valoir que selon l'article L. 615-4 du code de la propriété intellectuelle, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique, à savoir celle de la publication par l'INPI ou de la notification au contrefacteur présumé de la traduction en français des revendications, ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet et qu'au cas d'espèce, seule la publication ou la notification des revendications de la demande de brevet peuvent être prises en compte pour la protection provisoire, à l'exclusion des modifications ultérieures. Elle relève à cet égard que les revendications de la demande de brevet EP 894 telles que déposées, et dont la traduction a été publiée par l'INPI le 28 janvier 2022 visent toutes « l'inhibition ou le traitement d'une néo-angiogénèse » ou « l'inhibition ou le traitement d'une PP-MS » et non le traitement de la SEP R-R comme la revendication telle que modifiée dans sa version du 18 novembre 2019 laquelle ne peut, en tout état de cause, ouvrir droit à protection provisoire dès lors qu'elle constitue une extension au-delà de la demande telle que déposée au sens de l'article 123(2) CBE. Les sociétés NOVARTIS répliquent que le titulaire d'une demande de brevet étant en droit d'intenter une action en contrefaçon, il peut se prévaloir en cette qualité, des dispositions de l'article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle. Elles ajoutent que de surcroît, au cas d'espèce, peu importe que le brevet n'ait pas été à ce jour délivré dès lors que le libellé des revendications ayant été validé par la chambre de recours de l'OEB, il ne sera pas modifié avant la délivrance du brevet. Elle rappelle que le texte antérieur de l'article L. 615-3 faisait expressément référence aux brevets délivrés et que le législateur a souhaité l'étendre aux titulaires d'une demande de brevet en adoptant la formule "toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon". L'article 31 du code de procédure civile dispose que "L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». Et selon l'article 122 du même code, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». En l'espèce, la mesure d'interdiction provisoire sollicitée par la société NOVARTIS AG est fondée sur les dispositions de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon (...)". Il n'est pas contesté que la société NOVARTIS AG a déposé la demande de brevet EP 894 or, il résulte des articles L. 613-1 et L. 615-4 du même code que cette seule demande, permet à son titulaire d'agir en contrefaçon à compter de sa publication (ou d'une notification au prétendu contrefacteur d'une copie certifiée). Dans ces conditions, le seul fait que l'article L. 615-3 précité vise « les droits conférés par le titre » ne saurait priver la société NOVARTIS AG de sa qualité à agir, alors que le terme « titre » recouvre ici le fondement de l'action en contrefaçon, c'est-à-dire la demande de brevet régulièrement publiée ou le brevet, lorsqu'il a été délivré. Par ailleurs, la société BIOGARAN ne peut utilement soutenir que des mesures provisoires ne sauraient être ordonnées sur la base d'une simple demande de brevet à l'encontre de laquelle aucune opposition ni action en nullité n'est encore possible alors qu'il appartient au juge des référés saisi dans le cadre des dispositions de l'article L. 613-5 précité d'apprécier le caractère sérieux des arguments présentés en défense, susceptibles de porter sur la validité du brevet dont la délivrance est sollicitée et qu'au cas d'espèce précisément, la société BIOGARAN fait valoir, avec un argumentaire particulièrement détaillé, que la revendication 1 du brevet EP 894, dans sa dernière version est manifestement nulle et ne peut dès lors fonder les mesures provisoires sollicitées par les sociétés NOVARTIS. S'agissant enfin, de la question de savoir si les conditions de l'article L 615-4 précité sont réunies et plus particulièrement si les sociétés NOVARTIS peuvent se prévaloir de la protection conférée antérieurement à la date de délivrance du brevet alors que, selon la société BIOGARAN, les revendications ont été étendues postérieurement à la publication de la demande de brevet, celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir susceptible d'entraîner l'irrecevabilité des demandes. Au regard de l'ensemble de ces considérations, la société NOVARTIS AG doit être déclarée recevable en ses demandes de mesures provisoires. 2.2- Recevabilité des demandes fondées sur la concurrence déloyale La société NOVARTIS PHARMA SAS expose qu'en sa qualité d'exploitante de l'autorisation de mise sur le marché pour la spécialité GILENYA® en France, elle est recevable à solliciter au visa de l'article 834 et subsidiairement de l'article 835 du code de procédure civile, le prononcé de mesures provisoires à l'encontre de la société BIOGARAN afin de prévenir la survenance de tout dommage pouvant résulter des actes imminents de concurrence déloyale commis à son préjudice. La société BIOGARAN réplique qu'en présence de la procédure particulière prévue par l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, la société qui se prétend l'exploitant d'un produit mettant en oeuvre un brevet, qui intervient à l'action engagée en application de cette disposition par le titulaire dudit brevet sur le fondement de l'atteinte prétendument portée à son brevet et qui prétend que les actes de contrefaçon constitueraient une faute génératrice de préjudice à son égard, n'est pas recevable à se prévaloir des articles 834 ou 835 du code de procédure civile. Si l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle précité permet au licencié d'obtenir des mesures provisoires, il ne prive pour autant pas ce dernier de la possibilité de se prévaloir de l'application combinée des dispositions des articles 834 ou 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil, de sorte que les demandes de la société SAS NOVARTIS PHARMA doivent être déclarées recevables. 3-Sur l'atteinte imminente aux droits du titulaire de la demande de brevet Les sociétés NOVARTIS font valoir que l'autorisation générique de mise sur le marché de la spécialité FINGOLIMOD BIOGARAN a été déposée selon la procédure dite abrégée, que cette autorisation a été délivrée le 27 mai 2021 et qu'elle a été inscrite au Répertoire des groupes génériques par décision du 14 septembre 2021. Dans leur assignation, les demanderesses indiquaient que le 4 octobre 2021, le Comité économique des produits de santé (CEPS) les avait informées de ce que la société BIOGARAN avait sollicité la délivrance d'un prix pour cette spécialité générique et son inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics. A l'audience, elles ont précisé que la défenderesse a obtenu ce prix par arrêté publié au Journal Officiel le 26 avril 2022. Le courrier du 4 octobre 2021 indiquait par ailleurs que la société BIOGARAN s'était engagée à commercialiser sa spécialité générique dans les six mois suivant la publication au Journal Officiel des inscriptions précitées, ce qui a conduit la société NOVARTIS AG à adresser le 17 janvier 2021 à cette dernière, une mise en demeure de ne pas porter atteinte à ses droits accompagnée de la copie de sa demande de brevet et de sa traduction, les échanges postérieurs n'ayant selon elle pas permis d'exclure toute velléité de reproduction de son invention. La société BIOGARAN réplique qu'aucune des démarches préalables à la commercialisation d'un médicament générique, qu'il s'agisse de la demande ou de l'obtention de l'AMM ou des démarches relatives à l'obtention d'un prix ou d'une prise en charge par les organismes de sécurité sociale, ne devrait constituer, par principe et en tant que telle, une menace imminente au sens de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, permettant le prononcé de mesures d'interdiction en référé. En l'espèce, le médicament argué de contrefaçon est la spécialité "FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule" et il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un générique de la spécialité de référence mise sur le marché en France par NOVARTIS PHARMA SAS sous la dénomination commerciale GILENYA®, commercialisée sous forme de gélules de 0,5 mg de fingolimod et correspondant aux caractéristiques décrites dans la demande de brevet EP 894. Dans le courrier que le CEPS a adressé le 4 octobre 2021 à la société NOVARTIS PHARMA SAS, il est indiqué que le laboratoire BIOGARAN a déposé une demande d'inscription pour sa spécialité, et qu'après avoir été informé des droits de propriété intellectuelle revendiqué par la société NOVARTIS, il a confirmé pouvoir la commercialiser dans les 6 mois suivant la publication au Journal Officiel de son inscription (pièce DEM no404). Dans le courriel que le conseil de la société BIOGARAN a ensuite transmis au conseil de la société NOVARTIS PHARMA SAS le 25 février 2022, il n'est certes pas expressément confirmé que la commercialisation litigieuse est imminente, mais il est indiqué que la société défenderesse n'envisage pas le lancement d'une spécialité qui reproduirait les revendications d'un brevet valide, le courriel ajoutant que cette dernière émet en outre toutes réserves quant à la validité de la demande de brevet EP 894. Enfin, il sera rappelé que la société BIOGARAN a effectivement obtenu un prix le 26 avril 2022 et le fait que d'autres « génériqueurs » aient pareillement obtenu un prix, sans pour autant avoir fait l'objet à ce jour, d'une action judiciaire en France, ne saurait remettre en cause l'atteinte imminente par la défenderesse aux droits détenus par la société NOVARTIS PHARMA SAS. Au regard de ces éléments il convient de considérer que l'imminence de l'atteinte alléguée aux droits de la société NOVARTIS PHARMA SAS, titulaire de la demande de brevet EP 894 est suffisamment établie. 4- Sur le bien-fondé des demandes de mesures provisoires présentées sur le fondement de la demande de brevet L'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle précité dispose que les mesures sollicitées ne peuvent être ordonnées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente, ce qui vient d'être retenu. Le juge des référés saisi de telles demandes doit dans ce cadre, apprécier le caractère sérieux des arguments présentés en défense, susceptibles de porter sur la validité du brevet – en l'espèce de la demande – et sur la matérialité de la contrefaçon, et évaluer le rapport de proportionnalité entre la contestation de l'atteinte alléguée et les mesures provisoires sollicitées, au regard des enjeux du litige – qui sont ici économiques, mais aussi de santé publique – et des risques encourus par chacune des parties. En l'espèce, la société BIOGARAN soutient notamment que la revendication 1 de la demande de brevet EP 894 est dépourvue de toute nouveauté au regard des informations divulguées dans la présentation Power Point de la société Novartis intitulée "FTY 720 A novel oral agent for Multiple Sclerosis (MS) Result from a 6 month proof of concept study" publiée sur les sites internet accessibles aux adresses "www.novartis.pt" et "www.novartis.com" avant la date de priorité de la demande de brevet EP 894, fixée au 27 juin 2006 et accessible au public français aux mois de janvier et mars 2006, tel qu'en attestent selon elles, les extraits du site d'archives en lignes Webarchives (pièces DEF no7.4). Les sociétés NOVARTIS font valoir que, si dans sa décision du 2 novembre 2020, la division d'examen de l'OEB a refusé de délivrer la revendication 1 au motif que son objet ne serait pas nouveau au regard d'un communiqué de presse publié en avril 2006 qui révélait les résultats d'essais cliniques menés à partir de doses orales quotidiennes de 1,25 mg et 5 mg de fingolimod dans le traitement de la SEP récurrente-rémittente, dans sa décision du 8 février 2022, la chambre de recours a infirmé cette décision et a considéré que la revendication 1 était bien nouvelle par rapport à ce document. Elles soutiennent que le document Power Point, dont se prévaut la société BIOGARAN et dont la divulgation au public n'est pas démontrée, ne peut détruire la nouveauté de son invention dès lors qu'il se contente de faire référence à un effet thérapeutique suggéré sans fournir de preuves à l'appui de cet effet. Aux termes de l'article 52 de la Convention sur le brevet européen, les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. En vertu de l'article 54 « Nouveauté » de la Convention : 1)Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. 2)L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 3)Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou à une date postérieure. Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. Au soutien de sa demande en nullité pour défaut de nouveauté, la société défenderesse oppose principalement une présentation sous la forme d'un document Power Point intitulé dans sa traduction en langue française "FTY 720 un nouvel agent administré par voie orale pour la Sclérose en plaques (SEP) Résultat d'une étude de preuve de concept de 6 mois", dont il n'est pas contesté qu'il a été conçu par une société du groupe NOVARTIS. Il est précisé par la société BIOGARAN que ce document a été cité dans des observations de tiers le 9 décembre 2021, en fin de la procédure de recours devant l'OEB et qu'il a été écarté comme tardif par la Chambre de recours à la demande de la société NOVARTIS, ce qui ressort d'ailleurs de ses propres pièces (Pièce DEM No113). Ce document Power Point, qui est qualifié dans sa présentation de "communiqué de presse", est daté du 21 juin 2005. Pour justifier de sa communication au public avant la date de publication de la demande de brevet, la société BIOGARAN produit un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 11 avril 2022, duquel il ressort que la saisie, sur le site "web.archive", de l'adresse : "http://www.novartis.pt/downloads_new/investors/FTY720_Conference_Call_presentation_21June2005_final.pdf" laisse apparaître que ce document était en ligne sur le site internet "novartis.pt" à la date du 15 janvier 2006 et si la société NOVARTIS remet en cause la force probante de cette pièce, force est de constater qu'elle ne communique aucun élément de nature à établir que la présentation litigieuse aurait été publiée à une date postérieure au dépôt de sa demande de brevet. En tout état de cause, cette date de mise en ligne est compatible avec celle du document lui-même et la société BIOGARAN produit par ailleurs la copie d'un communiqué de presse de la société NOVARTIS (pièces DEF no7.13) intitulé – dans sa version traduite en langue française – "Le FTY720, un nouveau médicament oral à prise quotidienne, montre des résultats prometteurs dans le traitement de la sclérose en plaques", pareillement daté du 21 juin 2005. Dès lors que ce Power Point est intitulé "communiqué de presse", sa communication au public ne fait guère de doute et en tout état de cause il résulte du constat d'huissier susvisé qu'il a été publié sur le site internet de la société NOVARTIS AG, librement accessible au public notamment français. A cet égard, l'argument selon lequel le procès-verbal de constat du 11 avril 2022 ne constituerait pas une preuve suffisante de la communication au public du document de présentation du FTY720, au motif que l'huissier instrumentaire a directement saisi l'adresse URL, est inopérant dès lors que cette opération n'avait pas pour finalité de rechercher ledit document sur internet mais de connaître la date à laquelle il était visible sur le site de la société NOVARTIS AG, cette dernière ne contestant pas le principe de la publication de ses communiqués de presse sur son site internet, ni la validité de l'URL en question. S'agissant du contenu, ce document présente les résultats positifs de l'étude "FTY720 2201 Robuste Contrôlée par Placebo dans la SEP récurrente", obtenus dans les études de phase II impliquant des doses orales de 1,25 mg et 5 mg de FTY720 qui, pour rappel, est un modulateur de récepteurs S1P. Il est précisé que l'étude porte sur un groupe de patients en phase récurrente-rémittente de la SEP et que l'administration du FTY720 a réduit significativement le nombre de poussées de 55 % chez les patients ayant pris une dose journalière de 1,25 mg et de 53 % chez ceux ayant reçu une dose de 5 mg. La planche no 20 liste les effets indésirables constatés et la planche no23 intitulée "Résumé de sécurité" précise que ceux-ci "semblent se produire plus fréquemment avec la dose la plus élevée". La planche 26 se présente comme suit : Il s'en déduit qu'au jour de la divulgation de ce document, la phase II est terminée et qu'à la suite des résultats d'ores et déjà obtenus, outre la poursuite des essais avec les doses initialement testées en phase II, la phase III intégrera des patients auxquels sera administrée une dose quotidienne de 0,5 mg. Ce document Power Point divulgue donc l'administration orale à des patients atteints de SEP en phase récurrente-rémittente d'un modulateur du récepteur S1P à raison d'une dose quotidienne de 0,5 mg. Il n'est par ailleurs pas contesté que le FTY720 est le "2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol", tel que décrit dans la revendication 1 de la demande de brevet litigieuse. L'argument selon lequel ce document ne serait pas de nature à détruire la nouveauté de l'invention revendiquée au motif qu'il ne ferait, selon les demanderesses, référence qu'à un effet thérapeutique suggéré sans fournir de preuves à l'appui de cet effet, apparaît par ailleurs inopérant, dans la mesure où il y est clairement indiqué que l'administration d'une dose quotidienne de FTY720 de 1,25 mg ou 5 mg a réduit significativement le nombre de poussées par comparaison avec les options thérapeutiques déjà connues (-55 % et -53 % contre -30 %) et que le bénéfice est légèrement augmenté avec la dose la plus faible ce qui a naturellement conduit la société NOVARTIS à envisager de diminuer encore davantage la dose administrée en phase III, étant précisé qu'il avait parallèlement été constaté une corrélation entre l'importance de cette dose et les effets secondaires associés. Ce document ne se contente donc pas de décrire les résultats de la phase II d'expérimentation du FTY720, mais divulgue dans la description de la phase III dont le lancement est manifestement programmé en 2005, l'intégralité des caractéristiques de la revendication 1 de la demande de brevet EP 894. Il sera à cet égard relevé que cette dernière date n'est pas en contradiction avec les informations délivrées dans le communiqué de presse du 6 avril 2006 (pièce DEM no609) examiné au cours de la procédure d'examen de la demande de brevet EP 894 par la division d'examen, dans la mesure où il y est indiqué en deuxième page au paragraphe "programme d'études de phase III" que la société NOVARTIS "a lancé sa première étude de pivot de phase III" et que le communiqué du 21 juin 2005 précité indique pour sa part en page 2 "le programme de phase III dans la SEP devrait être lancé au quatrième trimestre 2005 dans les centres d'Amérique du Nord et d'Europe". Enfin, c'est à bon droit que la société BIOGARAN relève que, si la jurisprudence ne considère pas comme destructeur de nouveauté un document qui ne fait référence qu'à un effet thérapeutique suggéré, la phase III des essais cliniques n'est plus une phase de recherche mais vise à confirmer les résultats obtenus au cours de la phase II comme cela résulte de l'extrait du « Code of Federal Regulations » de la FDA ( Pièce DEF no9.2) qui indique "Les études Phase III sont des essais étendus contrôlés et non contrôlés. Elles sont réalisées après l'obtention de preuves préliminaires suggérant l'efficacité du médicament, et ont pour but d'obtenir des informations supplémentaires sur l'efficacité et l'innocuité qui sont nécessaires pour évaluer le rapport bénéfice/risque global du médicament et fournir une base adéquate pour l'étiquetage destiné au médecin" ce qui implique qu'à ce stade, l'effet thérapeutique n'est plus seulement hypothétique et que les résultats obtenus en phase II sont bien porteurs d'un espoir raisonnable de succès. Il convient dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité développés par la société BIOGARAN, de considérer que l'argument tenant à l'absence de nouveauté de l'invention revendiquée apparaît suffisamment sérieux pour remettre en cause l'apparente validité du brevet EP 894 dont la société NOVARTIS a demandé la délivrance de sorte que les mesures provisoires sollicitées sur ce fondement, doivent être rejetées. 5-Sur le bien-fondé des demandes fondées sur la concurrence déloyale Au titre des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, la société NOVARTIS PHARMA SAS fait valoir que la société BIOGARAN étant sur le point de commettre des actes de concurrence déloyale par suite de l'autorisation de mise sur le marché de sa spécialité délivrée le 27 mai 2021 et de la délivrance d'un prix publiée au Journal Officiel le 26 avril 2022, elle justifie de l'urgence à voir ordonner des mesures visant à empêcher la demanderesse de commettre à son égard des actes de concurrence déloyale qui auraient pour effet de l'exclure du marché, ou à tout le moins, d'entraver de façon substantielle et irréparable sa position sur ce marché. Elle fait à cet égard valoir que la validité et la contrefaçon imminente de la demande de brevet EP 894 ont été démontrées, de sorte que ses demandes ne sont pas sérieusement contestables et qu'en tout état de cause, il existe un différend entre les parties. Au titre des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, elle soutient que l'imminence de la contrefaçon de la demande de brevet EP 894, et donc de la commercialisation illicite de la spécialité FINGOLIMOD BIOGARAN est incontestable et lui causera nécessairement un préjudice, direct et indirect, en sa qualité d'exploitant de l'autorisation de mise sur le marché du GILENYA® en France. La société BIOGARAN réplique qu'il résulte des circonstances de l'espèce qu'aucune urgence n'est établie et qu'il existe une contestation sérieuse tenant au défaut de validité de la demande de brevet EP 894 et enfin, que la seule constatation de l'existence d'un différend ne saurait justifier les mesures sollicitées. S'agissant du trouble manifestement illicite allégué, elle considère qu'il est inexistant dès lors que le brevet n'est pas délivré et que sa spécialité n'a pas été, à ce jour, mise dans le commerce. Elle fait en tout état de cause valoir que le caractère sérieux de ses contestations rend disproportionnée l'allocation des mesures provisoires sollicitées. L'article 834 du code de procédure civile, dispose que "Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend." Et aux termes de l'article 835 alinéa 1er du même code, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite." En l'espèce, dans la mesure où les actes de concurrence déloyale justifiant les demandes de mesures provisoires sollicitées par la société NOVARTIS PHARMA SAS sont exclusivement fondées sur des atteintes alléguées à la demande de brevet dont la société NOVARTIS AG est titulaire et qu'il résulte des développements précédant que son apparente validité n'est pas démontrée, les demandes présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. 6-Sur le demande de dommages et intérêts pour procédure abusive La société BIOGARAN fait valoir que les sociétés NOVARTIS, en demandant, en parfaite connaissance de cause, une fixation à très bref délai alors qu'elles savaient pertinemment qu'il serait matériellement impossible à leurs contradicteurs, pour préparer leur défense, de prendre connaissance et d'étudier un très important volume de documents dans le temps très restreint de 10 jours comprenant 4 jours de week-end et en s'opposant à toute demande de renvoi de l'audience, ont volontairement porté atteinte à la loyauté des débats, au principe du contradictoire, et contraint la défenderesse à se mobiliser dans des conditions d'extrême urgence ce, à la seule fin de se réserver indûment un monopole sur l'ensemble du marché du fingolimod au détriment et au préjudice des autres opérateurs du système de santé, et même des patients. Elle sollicite en conséquence la condamnation in solidum des demanderesses à lui verser la somme provisionnelle de 200.000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi. L'action en justice, même dénuée de fondement, ne dégénère en abus susceptible d'ouvrir droit à une créance de dommages et intérêts qu'en cas de faute du plaideur, de preuve d'un préjudice pour celui qui l'invoque et de l'existence d'un lien de causalité. En l'espèce, aucune faute ni abus ne sont établis à l'encontre des sociétés NOVARTIS dès lors que d'une part, il ne peut leur être pertinemment reproché d'avoir présenté une demande d'autorisation d'assigner à heure indiquée que le magistrat délégué du président de la juridiction leur a délivrée et que d'autre part, les défenderesses ont pu se méprendre sur l'étendue des droits conférés par la demande de brevet EP 894. Les demandes reconventionnelles de la société BIOGARAN seront par conséquent rejetées. 7-Sur la demande de réparation du préjudice subi par la société Biogaran du fait des manoeuvres déloyales et anticoncurrentielles des sociétés NOVARTIS La société BIOGARAN fait valoir que l'assignation ciblée, à dessein, à leur encontre parmi tous les laboratoires « génériqueurs » qui étaient, au jour de l'assignation, le 1er avril 2022, au même stade qu'elle dans le processus de mise sur le marché d'une spécialité générique du GILENYA® et le refus des sociétés NOVARTIS de voir reporter les plaidoiries l'ayant conduite à être enjointe de ne pas lancer sa spécialité dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir et au plus tard jusqu'au 15 juin 2022, alors que d'autres spécialités génériques ont été lancées sur le marché sans que les défenderesses ne réagissent, ont entraîné à leur préjudice une grave distorsion de concurrence, totalement injustifiée, qui génère pour elle un dommage qu'elle chiffre à trois millions d'euros. Elle sollicite en conséquence la condamnation in solidum des demanderesses à lui payer cette somme à titre provisionnel. Les sociétés NOVARTIS répliquent que c'est uniquement à la suite de la demande de renvoi formulée par la société BIOGARAN que l'ordonnance du 13 avril 2022 est intervenue, de sorte que leur demande d'indemnité provisionnelle apparaît totalement injustifiée. La société BIOGARAN ne précise pas le fondement de cette demande or, sur le terrain des dispositions de l'article 834 précité il convient de relever l'existence d'une contestation sérieuse dans la mesure où, comme le relèvent justement les sociétés NOVARTIS, l'ordonnance de référé en date du 13 avril 2022 est intervenue par suite d'une demande de renvoi sollicitée par la défenderesse et qu'elle lui donne acte de son engagement de ne pas commercialiser sa spécialité, ce qui implique qu'elle a acquiescé à cette mesure. Il sera par ailleurs et à nouveau rappelé que l'autorisation obtenue du délégué du président du tribunal d'assigner à heure indiquée, implique que l'affaire soit examinée à très bref délai, de sorte que la société BIOGARAN ne peut pertinemment tirer argument du délai de 10 jours qui lui a initialement été octroyé pour préparer sa défense. Si la demande est fondée sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, alors force est de constater que la contestation sérieuse susvisée s'oppose à l'octroi d'une provision. Dans ces conditions, la demande d'indemnité provisionnelle ne peut qu'être rejetée. 8-Sur les demandes accessoires Les sociétés NOVARTIS, qui succombent, supporteront la charge des dépens et leurs propres frais. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Les sociétés NOVARTIS seront, sur ce fondement, condamnées in solidum à payer à la société BIOGARAN la somme de 120 000 euros. La présente ordonnance est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Le juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et en premier ressort, ECARTE les fins de non-recevoir opposées à l'action des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS; DEBOUTE la société NOVARTIS AG de ses demandes fondées sur la demande de brevet EP 2 959 894 ; DEBOUTE la société NOVARTIS PHARMA SAS de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ; DEBOUTE la société BIOGARAN de ses demandes reconventionnelles ; CONDAMNE in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme de 120 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS aux dépens ; RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire par provision. Fait à Paris le 03 juin 2022 Le Greffier,Le Président, Minas MAKRISCatherine OSTENGO
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ARRÊT No22/388 No RG 20/01588 - No Portalis DBWB-V-B7E-FNMR RG 1èRE INSTANCE : 17/02366 COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS ARRÊT DU 22 JUILLET 2022 Chambre civile TGI Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 24 juillet 2020 RG no: 17/02366 suivant déclaration d'appel en date du 16 septembre 2020 APPELANTS : Madame [Z] [Y] [Adresse 2] [Localité 6] Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [W] [Y] [Adresse 3] [Localité 7] Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [B] [Y] épouse [T] [Adresse 4] [Localité 7] Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [R] [Y] [Adresse 1], [Localité 8] Représentant : Me Anne laure HIBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION CLÔTURE LE : 09 décembre 2021 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2022 devant la Cour composée de : Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller :Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 10 juin 2022 puis prorogé au 22 Juillet 2022. Greffier: Madame Alexandra BOCQUILLON, ff. ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 22 Juillet 2022. EXPOSE DU LITIGE Monsieur [I] [K] [Y] est décédé le [Date décès 5] 2005, en laissant pour lui succéder ses quatre enfants, issus de son union avec [S] [U] [E], dont il avait divorcé par jugement du 23 juillet 1998 : - Monsieur [R] [Y], - Madame [B] [O] [Y] épouse [T] - Madame [Z] [Y] - Monsieur [W] [Y]. Par acte notarié du 20 septembre 2006, la dévolution successorale a été constatée par Maître [A], notaire à [Localité 6]. En raison de désaccords les opposant sur le sort des libéralités reçues par certains d'entre eux, l'un des héritiers, Madame [B] [O] [Y] épouse [T] a fait assigner les trois autres devant le tribunal de grande instance de SAINT-DENIS par acte d'huissier du 8 août 2008 pour voir ordonner le partage judiciaire et le rapport ou la réduction des dons et donations dont ont bénéficié ses frère et s?ur, [W] et [Z] [Y], ainsi que pour faire fixer l'indemnité d'occupation due par cette dernière de 1998 à mai 2004. Par jugement du 17 mars 2010, le Tribunal de grande instance a : - ordonné le partage de l'indivision existant entre les parties ; - commis le Président de la Chambre départementale des notaires de la Réunion ou son délégataire pour procéder aux opérations de compte, liquidation partage ; - dit que le notaire devra déterminer s'il y a lieu de procéder à la réduction des libéralités consenties à [Z] [Y], [W] [Y] et [B] [T] née [Y], conformément aux dispositions des articles 860, 920 et suivants du code civil et en tenant compte des libéralités suivantes: * don d'argent à hauteur de 242.130 francs pour [W]; * don d'argent à hauteur de 527.500 francs pour [Z] outre la maison objet de la donation du 4 mai 1994 à évaluer dans son état à l'époque de la donation pour sa valeur à l'ouverture de la succession déduction faite des dettes ou charges la grevant ; * don d'argent dont a bénéficié [B] [T] qui devra justifier du montant exact auprès du notaire; - débouté les parties de toutes demandes plus amples; - dit que le notaire devra effectuer ses opérations et établir un état liquidatif dans l'année de sa désignation; - commis un juge commissaire pour veiller au déroulement des opérations; - dit qu'en cas de désaccord sur le projet d'état liquidatif un procès-verbal de difficulté conforme aux prescriptions de l'article 1373 du code de procédure civile sera soumis au juge commissaire ; - ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage; - ordonné l'exécution provisoire. Sur appel interjeté par Madame [Z] et Monsieur [W] [Y], la cour d'appel de Saint-Denis a rendu un arrêt en date du 3 février 2012, dont le dispositif est ainsi rédigé : - Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que [Z] [Y] et [W] [Y] avaient bénéficié d'un don d'argent de respectivement 80.416,86 € (527.500 Francs) pour la première et 3.811,22 € (25.000 Francs) pour le second, devant être retenus pour la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible. - Statuant à nouveau de ces chefs, dit et juge non fondées les prétentions des consorts [B] et [R] [Y] tendant à voir dire et juger que leur s?ur [Z] [Y] et frère [W] [Y] ont respectivement bénéficié de ces sommes à titre de dons en numéraire et les en déboute. - Y ajoutant: * dit et juge que la donation de bien immobilier consentie le 4 mai 1994 par les époux [K] [Y] à leur fille [Z] [Y], n'est pas rapportable en raison de son caractère préciputaire ; * dit que cette libéralité devra être retenue dans la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible pour la moitié de la valeur du bien à l'ouverture de la succession en octobre 2005 selon son état au mois de mai 1994; * rappelle que l'indemnité de réduction s'il y a lieu sera déterminée selon les modalités de l'article 924-2 du code civil selon l'état du bien à la date de prise d'effet de la donation le 4 mai 1994 mais pour sa valeur à l'époque du partage. * dit non fondées les demandes de M. [W] [Y] tendant à faire juger que le don de la somme de 30.489,80 € (200.000 francs) dont il a bénéficié ne doit être pris en compte que pour la moitié de son montant correspondant à la part concernée par la succession de son père et que ceux de 914,69 € (6.000 F) du 07/03/2001 et 1.130,00 € du 11/12/2002 constitueraient des présents d'usage : L'en déboute. * dit que les dons en espèces consentis par le de cujus à Madame [G] [N] devront être retenus pour leur montant nominal dans la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible. * constate qu'aucune demande de réduction n'est formée contre cette donataire tiers à la succession, non partie à l'instance. - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. - Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. - Déclare les dépens frais privilégiés de partage sans qu'il n'y ait lieu d'en prononcer la distraction. A la suite de cette décision, la Chambre des Notaires a désigné Me [C] [L], notaire au [Localité 10], pour procéder aux opérations de liquidation en partage de l'indivision prévalant entre les consorts [Y]. Des difficultés relatives au versement d'une provision sur frais de l'Etude notariale, seuls Monsieur [R] [Y] et Madame [B] [T] ayant versé la somme de 20,00 euros en mars 2015. Ainsi, aucun projet de partage ni aucun procès-verbal de difficulté n'était rédigé au début de l'année 2015. Une réunion a eu lieu au tribunal de grande instance de Saint-Denis le 10 février 2015 en présence du Juge Commissaire, sans suite. Un projet d'état liquidatif de la succession a été présenté aux avocats des héritiers par courrier daté du 16 juin 2016. Le Conseil de Madame [B] [T] a adhéré à ce projet par courrier daté du 28 juillet 2016, confiant à Maître [L] la mission de dresser l'acte définitif. Par courrier en date du 25 juillet 2016, le Conseil de Mme [Z] [Y] et de Monsieur [W] [Y] a interrogé le notaire sur le montant retenu dans le projet d'acte au titre d'une donation reçue par Mme [B] [T] (395 euros au lieu de 150.000 euros). Maître [L] a ensuite tenté de réunir les parties le 26 avril 2017 afin que les parties lui exposent les points de divergence relatifs au projet liquidatif. Par acte d'huissier du 18 juillet 2017, Madame [B] [O] [Y], épouse [T], a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis, Messieurs [R] et [W] [Y] et Madame [Z] [Y] aux fins de : - Dire que l'action en partage judiciaire de la requérante est recevable et bien fondée, - Condamner Mme [Z] [Y] in solidum avec [W] [Y] à payer à Mme [B] [T], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement les sommes suivantes: * 47.604,59 euros soit (95.209,19€ / 2) comme le prévoit l`état liquidatif, * 5.000 euros compte tenu de la valeur réelle de 475.000 euros de la maison reçue en préciput et hors part, * 20.000 euros de dommages intérêts, * 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner M. [W] [Y] in solidum avec [Z] [Y] à payer à Mme [B] [T], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement les sommes suivantes: * 9.097 euros au titre du partage judiciaire, * 12.000 euros au titre du remploi, * 20.000 euros de dommages intérêts, * 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. - Condamner [W] et [Z] [Y] in solidum à prendre en charge tous les frais de notaire et d`enregistrement et de publication, - Comme le prévoit l'état liquidatif, [B] [T] doit également se voir attribuer la moitié des comptes bancaires soit la somme de 10.816,04 euros. Par jugement du 6 février 2019, le tribunal a : - révoqué l'ordonnance de clôture, - ré-ouvert les débats, - enjoint aux parties de présenter leurs observations sur l'absence de saisine du juge commis et de rapport qu'il aurait pu établir, - réservé les demandes et dépens. Par ordonnance du 25 mars 2020, le juge de la mise en état a indiqué ne pas être compétent pour ordonner une conciliation ou médiation dans ce cadre procédure. Par jugement du 24 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes : - dit que la partage judiciaire a été déjà ordonné aux termes du jugement rendu le 17 mars 2010, confirmé par l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Saint-Denis le 3 février 2012 ; - dit que Monsieur [W] [Y] doit rapporter la somme, déjà réévaluée, de 78.611 € ; - dit que Madame [B] [T] doit rapporter la somme de 395 € en nominal au partage successoral; - dit que le bien immobilier sis à [Adresse 2], objet de la donation préciputaire consentie par Monsieur et Madame [K] [Y], à leur fille, [Z] [Y], avait une valeur de 475.000€, au jour du décès de Monsieur [Y] dans l'état où il était au jour de la donation; la moitié de ladite valeur, soit 237.500 €, devra s'imputer sur la quotité disponible, laquelle est excédée; -dit que l'indemnité de réduction due par Madame [Z] [Y] est de 175.237,65 €; -dit que l'indemnité de réduction due par Monsieur [W] [Y] est de 9.642,07; -dit que la liquidation de la succession de Monsieur [K] [Y] est établie comme suit: -Ordonne que la somme de 10.816,03€ provenant du solde créditeur des comptes bancaires du de cujus soit remise à Madame [B] [T] au titre d'une quote-part des droits lui revenant; -Condamne Monsieur [W] [Y] à payer à Madame [B] [T] la somme de 9.642,07 € au titre de la soulte à elle due ; -Condamne Madame [Z] [Y] à payer à Madame [B] [T] la somme de 48.115,83 € au titre de la soulte à elle due ; -Ordonne que la somme de 10.816,04 € provenant du solde créditeur des comptes bancaires du de cujus soit remise à Monsieur [R] [Y] au titre d'une quote-part des droits lui revenant; -Condamne Madame [Z] [Y] à payer à Monsieur [R] [Y] la somme de 58.152,89 € au titre de la soulte à lui due ; -Dit que pour le cas où le montant des avoirs bancaires de Monsieur [K] [Y] serait supérieur à 21.632,07 €, le surplus sera partagé en parts égales entre les quatre enfants du de cujus ; -Prend acte que Monsieur [R] [Y] n'a bénéficié d'aucune donation rapportable ; -Déboute [W] et [Z] [Y] de leur demande de prise en compte de la valeur du bien immobilier appartenant à [B] [T], sis à [Adresse 9], dans la liquidation de la succession de leur père, Monsieur [K] [Y] ; -Dit que les frais d'acte notarié seront partagés à parts égales entre les copartageants; -Renvoie le dossier entre les mains de Maître [L], notaire à le [Localité 10], afin que l'acte de partage soit dressé impérativement sur la base de ces éléments; -Dit que Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] seront condamnés à payer, chacun, à Madame [B] [T], la somme de 1.000 € au titre de dommages-intérêts ; -Rejette les demandes formulées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; -Dit que les dépens seront supportés par les parties conformément aux règles de partage successoral; -Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sous astreinte ; -Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ; -Rejette toutes autres demandes plus amples et contraires. Par déclaration du 16 septembre 2020, Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] ont interjeté appel du jugement précité. L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance en date du 16 septembre 2020. Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] ont déposé leurs premières conclusions d'appelants le 30 novembre 2020. Monsieur [R] [Y] a déposé ses conclusions d'intimé le 25 février 2021. Madame [B] [Y], épouse [T], a déposé ses conclusions d'intimée le 25 février 2021. L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2021. PRETENTIONS ET MOYENS Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 1er décembre 2021, Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] demandent à la cour de : -Déclarer recevable l'appel formé par les appelants à l'encontre du jugement du 24 juillet 2020. Vu les décisions judiciaires déjà intervenues dans le cadre de la liquidation de la succession de [K] [Y] ; Vu les pièces versées au débat, Vu l'article 860-1 du code civil, -Juger que preuve est rapportée de ce que la donation reçue par Madame [B] [Y] a bien été réemployée dans l'achat d'un bien immobilier situé à [Adresse 9]. -Juger que pour établir la masse successorale à partager, il convient avant tout d'avoir l'évaluation du bien appartenant à Madame [B] [Y] épouse [T]. -Constater par ailleurs que les premiers juges n'ont absolument pas déterminé le montant de la donation à rapporter par [B] à partir des pièces justificatives, mais seulement en référence d'un chiffre « retenu » par le notaire [L], En conséquence, -Infirmer le jugement du 24 juillet 2020 en ce qu'il a retenu comme seule donation à rapporter par [B] une somme de 395 €. -Constater qu'il n'existait au dossier aucun élément permettant de déterminer le prix de la donation reçu par [Z] [Y] en 1994 dans la consistance de 1994. -Infirmer en conséquence le jugement critiqué en ce qu'il a retenu la valeur de 475 000 €. -Juger que la somme « réemployée » par [W] [Y] dans des biens achetés par lui ne peut excéder la somme de 51 072 €. -Infirmer là encore la décision du 24 juillet 2020 en ce qu'elle a acté à ce niveau une somme de 78 611 €. Statuant de nouveau, -Donner acte aux concluants de ce qu'ils ont toujours sollicité du Notaire des opérations contradictoires de liquidation pour favoriser une situation amiable. -Constater que le notaire et Madame [B] [T] ont refusé tout débat contradictoire. -Constater que le « projet » établi par Me [L] n'a fait que reprendre les revendications de Madame [B] [Y], épouse [T], -Constater que cette réalité ne pouvait que conduite à un procès-verbal de difficultés du 3 mai 2017. -Surseoir à statuer dans l'attente de la production par [B] [T], née [Y], de la valeur du bien immobilier situé [Adresse 9], permettant de déterminer la masse à partager. -Donner acte aux concluants de qu'ils concluront plus avant une fois la masse à partager déterminée. En tout état de cause, -Juger que la valeur en 2021 de la maison donnée à [Z] en 1994 ne peut excéder le prix de 325.000 € -Juger que le coût des travaux payés par [Z] [Y] pour la somme de 43.883 € doit venir en déduction de la valeur de la donation reçue. -Juger qu'en conséquence, le rapport à succession que doit faire [Z] [Y] ne peut excéder la somme de 118.617 €. -Juger que la valeur de la maison de [B] [Y] financée en partie par les deniers de monsieur [K] [Y] doit être évaluée en 2021 à minima à 500.000 €. -Juger que la valeur de réemploi à prendre en considération lors de l'achat de cette maison en 1986 est de 150.000 FF correspondant à 12% du prix. -Juger que sur la base d'une valeur en 2021 de 500.000 €, le réemploi doit être chiffré à 60.000 €. -Juger que cette somme doit être rapportée par [B] [Y] à la masse à partager ainsi que les donations en numéraires chiffrées à la somme de 5195.83 €. -Réformer le jugement du 24 juillet 2020 en ce qu'il a liquidé la succession de Monsieur [K] [Y] sans tenir compte des droits réels des parties. -Juger que la liquidation de cette succession doit se faire de la manière suivante : A) Calcul de la quotité disponible et de la réserve indivisaire (Article 922 du Code civil) Avoir bancaire au jour du décès : 20.581,39 € Donation au profit de [B] : 65.195,83 € Donation au profit de [Z]: 118.617,00 € Donation au profit de [W]: 51.072,00 € Donation au profit de [G] [N]: 29.346,00 € Total : 284.812,22 € La quotité disponible est donc de 284.812,22/4 = 71203 € (Article 913). Ce qui entraine une réserve globale de 213.609 € soit une réserve individuelle de 53402 €. Masse à partager Avoir bancaires: 20.589,39 € Rapport dû par [W]: 51.072,00 € Rapport dû par [B]: 66.195,83 € Indemnité de réduction due par [Z]: 118.617,00 ACTIF NET TOTAL= 256.104,22 € Chacun des héritiers a donc droit à 64.026 € Attributions [R] [Y] il a droit à : 64.026,00€ Il doit lui être attribué le solde des comptes bancaires pour 20.589,39€. Il doit recevoir une soulte de 43.436,66€ qui lui sera versé par [Z] [Y]. [B] [Y]: elle a droit à 64.026,00 € Elle a reçu la somme de 65.195,83 €. Elle doit reverser une soulte de 1169,83 € à [W] [Y]. [W] [Y]: il a droit à : 64.026,00 €. Il doit recevoir la somme de 12324 € qui lui sera versée partie par [B] partie par [Z]. [Z] [Y]: elle a droit à : 64.026,00 € Elle a déjà reçu 118.617 € Elle doit verser une soulte de 54.591 € qu'elle règlera à hauteur de 43.436,66€ à [R] et à hauteur de 11154,34 € à [W]. -Infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné les concluants à des dommages et intérêts alors qu'à aucun moment les concluants n'ont fait obstacle au règlement de la succession de leur père. -Débouter Mme [B] [T] et Monsieur [R] [Y] de leurs demandes autres ou contraires. -Condamner les intimés au paiement de 10 000 € de dommages et intérêts ainsi que 50 000€ de frais irrépétibles. Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] font valoir que Madame [T] a reconnu avoir perçu de l'argent de ses parents soit 150.000 FF en janvier 1986, servant à acheter un bien immobilier Ils prétendent que conformément à l'article 860-1 du Code civil, si les sommes en cause ont été investies dans l'achat d'un bien, il doit être tenu compte de la valeur de ce bien et du pourcentage de l'apport de la somme donnée. Ils sollicitent donc la Cour d'infirmer la décision des premiers juges en enjoignant à Madame [B] [T] d'avoir à produire une évaluation de son bien immobilier pour pouvoir déterminer le rapport qu'elle doit faire à la succession. Ils exposent que le bien immobilier de Madame [Z] [Y] doit être évalué en prenant en compte la valeur réelle de la maison dans l'état de la donation en 1994 et proposent une estimation à 325.000 € réalisée par Monsieur [M]. Ils affirment que Madame [Z] [Y] à effectuer de nombreux travaux sur la maison à hauteur de 43 883 € qui doivent venir en déduction de la valeur de la donation rapportable. Ils indiquent que l'évaluation de Madame [T] du bien de Madame [Z] [Y] à hauteur de 475 000 € ne peut ainsi pas être retenue. Les appelants certifient que [R] [Y] n'a aucune donation à rapporter à la masse successorale. Ils avancent que la valeur de la donation rapportable par Monsieur [W] [Y] ne saurait excéder la somme de 51 072 €. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 30 septembre 2021, Monsieur [R] [Y] demande à la cour de : -Débouter [Z] [Y] et [W] [Y] de leur appel en les y disant mal fondés; -Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser dans la partie «attributions» de l'état liquidatif que [B] reçoit également la soulte due par [W] [Y] pour un montant de 9.642,07€ et que les sommes dues par [Z] et [W] [Y] portent intérêts de retard à compter de la date de la décision, soit à compter du 24 juillet 2020 ; -Condamner M. [W] [Y] et Mme [Z] [Y] à payer à M. [R] [Y] une somme de 10.000,00€ chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que lui cause leur appel et leur argumentation abusifs ; -Condamner M. [W] [Y] et Mme [Z] [Y] à payer à M. [R] [Y] une somme de 3.240,88€ au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, ; -Condamner les mêmes aux entiers dépens ; Monsieur [R] [Y] sollicite de la cour de débouter Madame [Z] [Y] de ses fins et conclusions sur la valeur de la donation qu'elle a reçue, et partant sur le montant de l'indemnité de réduction qu'elle doit à la succession, découlant directement de cette valeur. Il souligne que la maison a été évaluée à 460 000 et 475 000 euros par des experts inscrits. Il soutient qu'il est établi que [W] [Y] a réemployé les fonds reçus de son père pour l'acquisition d'un premier bien et d'un second, dont la valeur avait été estimée par l'expert CMM à 411.000 € le 3 janvier 2017. Il certifie que [Z] et [W] [Y] ne rapportent pas la preuve que [B] [T] a obtenu plus que 395 € de la part de ses parents. Il précise qu'ils ne démontrent pas la réalité, le montant et le réemploi de la donation qu'ils prétendent. Il certifie qu'il n'a bénéficié d'aucune donation de somme d'argent, comme l'ont jugé de manière définitive le tribunal et la cour. Il sollicite la Cour de condamner [Z] et [W] [Y] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 septembre 2021, Madame [B] [Y] épouse [T] demande à la cour de : -Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, -Donner acte à Madame [B] [T] de ce qu'elle rapporte à la succession de son père, la somme de 395 euros, -Condamner Mme [Z] [Y] in solidum avec [W] [Y] à payer à Mme [B] [T], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir les sommes suivantes : - 48 115.83 euros comme le prévoit le dernier jugement. - 20 000.00 euros de dommages intérêts, -Condamner M. [W] [Y] in solidum avec [Z] [Y] à payer à Mme [B] [T] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compte de la signification de l'arrêt à intervenir les sommes suivantes : - 9 642.07 euros au titre du partage judiciaire - 20 000.00 euros de dommages intérêts, -Condamner chacun des appelants à payer à la concluante la somme de 5000.00 euros pour procédure abusive, -Condamner chacun des appelants à payer à la concluante la somme de 5000.00 euros au titre du préjudice moral subi par la concluante, -Condamner [W] et [Z] [Y] in solidum à prendre en charge tous les frais de notaire et d'enregistrement et de publication. -Condamner [W] [Y] à payer à la concluante la somme de 783.70 euros au titre des frais engagés (factures d'huissier). -Condamner [Z] [Y] à payer à la concluante la somme de 3062.92 euros au titre des émoluments A 444-32. -Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions. -Comme le prévoit le dernier jugement [B] [T] doit également se voir attribuer la moitié des comptes bancaires soit la somme de 10 816,04 euros. -Condamner chacun des appelants à payer à la concluante la somme de 5000.00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et aux entiers frais et dépens. Madame [B] [T] fait valoir que son acte en demande de partage judiciaire est bien fondée, et sollicite la cour de condamner au titre de ce partage : -[Z] [Y] à 68 573.93 € et au paiement de dommages et intérêts -[W] [Y] à 9 642,07 € et au paiement de dommages et intérêts. L'intimée soutient que [W] et [Z] [Y] ne démontrent pas l'existence d'une donation de la part de leur père à son profit ni même son montant. Elle soutient qu'elle a acquis avec son époux son bien immobilier en 1986 payé au moyen d'un prêt souscrit à la BFCOI d'un montant de 479.000 Francs et pour 199.727,63 Francs de leurs deniers personnels. Elle estime que le don reçu par ses parents de « 395 euros » peut être considéré comme don d'usage. Elle avance que [Z] et [W] [Y] ont toujours refusé de déclarer ce qu'ils avaient reçu et n'ont pas cessé de dissimuler ou de diminuer ce dont ils ont bénéficié. Elle affirme que les parties n'exposent pas de nouveaux moyens et que l'aveu judiciaire qu'ils soulèvent n'existe pas. L'intimée relève qu'une nouvelle évaluation du bien immobilier de [Z] [Y] par un expert immobilier près la Cour d'appel a retenu un montant de 460 000 euros et une deuxième expertise à 475 000 euros. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile. La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions. Sur la recevabilité des demandes : Vu l'article 480 du code de procédure civile et le principe de l'autorité de la chose jugée ; Le partage de la succession a déjà été ordonné par l'arrêt confirmatif du 3 février 2012. Il a aussi tranché certains points litigieux en : -Infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que [Z] [Y] et [W] [Y] avaient bénéficié d'un don d'argent de respectivement 80.416,86 € (527.500 Francs) pour la première et 3.811,22€ (25.000 Francs) pour le second, devant être retenus pour la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible puis en disant non fondées les prétentions des consorts [B] et [R] [Y] tendant à voir dire et juger que leur s?ur, [Z] [Y] et frère [W] [Y], ont respectivement bénéficié de (ces) sommes à titre de dons en numéraire et les en déboute. -Disant que la donation de bien immobilier consentie le 4 mai 1994 par les époux [K] [Y] à leur fille [Z] [Y], n'est pas rapportable en raison de son caractère préciputaire ; -Disant que cette libéralité devra être retenue dans la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible pour la moitié de la valeur du bien à l'ouverture de la succession en octobre 2005, selon son état au mois de mai 1994 ; -En rappelant que l'indemnité de réduction s'il y a lieu sera déterminée selon les modalités de l'article 924-2 du code civil selon l'état du bien à la date de prise d'effet de la donation le 4 mai 1994 mais pour sa valeur à l'époque du partage ; -En rejetant les demandes de M. [W] [Y] tendant à faire juger que le don de la somme de 30.489,80 € (200.000 francs) dont il a bénéficié ne doit être pris en compte que pour la moitié de son montant correspondant à la part concernée par la succession de son père et que ceux de 914,69 € (6.000 F) du 07/03/2001 et 1.130,00 € du 11/12/2002 constitueraient des présents d'usage ; -En disant que les dons en espèces consentis par le de cujus à Madame [G] [N] devront être retenus pour leur montant nominal dans la composition de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible ; -En constatant qu'aucune demande de réduction n'est formée contre cette donataire tiers à la succession, non partie à l'instance. Le procès-verbal de difficultés, dressé par le notaire désigné le 3 mai 2017 expose les dires des héritiers : 1/ Madame [B] [T] estime que tous ses arguments n`ont pas été suffisamment exposés et rappelés dans le rappel historique établi par le Notaire alors que ceux de Maître [J] [E], avocat, l'ont été point par point. Elle demande dorénavant que le bien donné à [Z] [Y] soit évalué à la somme de 475.000 euros, et ce conformément à l'avis de valeur susvisé et annexé. Elle souhaite également que soit tenu compte du don reçu par [W] [Y], réévalué et remployé dans le financement du bien acquis par lui les 1er et 2 février 2006 )?( A cet égard, elle a remis au notaire, le 3 avril, une attestation de valeur vénale en date du 10 février 2017, du bien. Hormis les deux points précédents, elle demande la validation du projet d'état liquidatif établi le 16 juin 2016. 2/ Monsieur [R] [Y] s'est déclaré parfaitement d'accord avec les calculs de l'état liquidatif proposé à l'exception des deux points suivants : La valeur prise en compte pour la maison de [Z] [Y] soit 440.000 euros au lieu de 475.000 euros, seule valeur estimée par un expert ; La valeur de remploi des sommes dont il a bénéficié après investissement dans des acquisitions immobilières. 3/ Madame [Z] [Y] a exposé qu'elle n'est pas d'accord avec le projet d'état liquidatif car il n'applique pas les décisions de justice et qu'il ne tient pas compte de la réalité des donations reçues par Madame [B] [T]. 4/ Monsieur [W] [Y] s'est associé aux dires de sa s?ur [Z] et a précisé que le calcul de réemploi figurant au projet d'état liquidatif n'est pas conforme au jugement rendu. Il résulte donc de ce procès-verbal de difficultés que les parties sont en désaccord sur : 1/ la valorisation du bien immobilier donné à Madame [Z] [Y] afin qu'il soit évalué à la somme de 475.000 euros, conformément à un avis de valeur établi par un expert. 2/ La valeur de l'indemnité de remploi du don reçu par Monsieur [W] [Y], remployé dans le financement du bien acquis par lui les 1er et 2 février 2006. 3/ Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] ont seulement fait valoir que le projet d'état liquidatif n'applique pas les décisions de justice et ne tient pas compte de la réalité des donations reçues par Madame [B] [T] sans apporter plus de précision au notaire instrumentaire dans le procès-verbal de difficultés. Comme a justement procédé le premier juge, il convient de d'examiner ces différentes difficultés. Sur la valorisation du bien immobilier donné à Madame [Z] [Y] : Vu l'article 860-1 et l'article 924-2 du code civil ; L'arrêt de la cour d'appel du 3 février 2012 a décidé que l'indemnité de réduction s`il y a lieu sera déterminée selon les modalités de l'article 924-2 du code civil selon l'état du bien à la date de prise d'effet de la donation le 4 mai 1994 mais pour sa valeur à l'époque du partage. Le premier juge a estimé que la valeur du bien acquis par Madame [Z] [Y] grâce à cette donation devait être évaluée à la somme de 475.000 euros. Madame [Z] [Y] conteste le projet d'état liquidatif en ce qu'il retient qu'elle doit rapporter la somme de 475.000 euros au titre d'une donation dont elle a bénéficié en 1994, et ce en vertu d'une attestation de valeur rédigée par Monsieur [F], qui n'aurait pas visité l'immeuble en question. Avant la présente instance, elle avait accepté la valorisation à 440.000 euros. Se fondant sur un avis de valeur réalisé par Monsieur [M], elle plaide qu'en 2005, le bien doit être estimé à la somme de 258.000 euros et en 2021 à 325.000 euros. Elle conclut que sur cette estimation de 325.000 euros, la donation rapportable s'élève à la moitié de cette somme moins celle de 43.883 euros au titre des travaux qu'elle a faits réaliser, soit 118.617 euros. Madame [B] [T], fait valoir que, déjà en première instance en 2009, Madame [Z] [Y] avait produit les factures qui avaient été écartées car certaines ne sont que des devis, d'autres sont au nom d'un M. [V] tandis que deux d'entre elles, parmi les huit factures, ne comportent ni SIRET de l'entreprise ni nom du client. Enfin, la facture No 7 est antérieure à la donation. L'intimée précise que la cour dispose désormais d'une autre évaluation établie le 22 septembre 2021 par un Expert près la cour d'appel (pièce No 22 de Mme [T]), retenant une estimation de 460.000 euros. Le jugement querellé s'est limité à une motivation succincte à propos de cette évaluation. L'attestation de valeur rédigée le 9 février 2015 par Monsieur [F] (pièce No 9 des appelants) propose une valeur vénale de 475.000 euros, hors droits, au second semestre 2005. Il mentionne que le bien en question est constitué par une villa T5 à étage, d'une surface de 125 m2, élevée sur un terrain de 668 m². Cet expert, saisi par Madame [B] [T], prétend avoir utilisé la méthode par comparaison, dit qu'il s'est appuyé sur les données de l'Observatoire de l'Immobilier pour parvenir à cette estimation. Cependant, il ne propose aucun élément de comparaison pour renforcer son estimation. En appel, Madame [Z] [Y] et Monsieur [W] [Y] produisent deux avis de valeur plus complets, rédigés par Monsieur [X] [M], expert, déterminant la valeur vénale en 2005 et la valeur vénale du bien en 2021 (pièces No 13 et 13 bis). Ces deux rapports, régulièrement versés aux débats, ont pu faire l'objet de la libre discussion des parties en cours d'instance. Ils sont donc recevables. Ils évoquent précisément la réalité des constructions, leur implantation, les règles d'urbanisme applicables et leur environnement, incluant une décote pour vétusté, et déduisant le coût des murs de soutènement qui n'existaient pas en 1994. Il propose une évaluation de 170.000 euros pour le foncier et celle de 88.000 euros pour les constructions, arrêtée pour l'année 2005. Selon les mêmes méthodes de calcul, Monsieur [M] parvient à une estimation de 217.000 euros pour le foncier en 2021 et de 108.000 euros pour les constructions, soit la somme de 325.000 euros. Madame [B] [T] produit une estimation intitulée « rapport d'expertise », établie par la SCI [W] PIMPEC CONSULTANT IMMOBILIER, le 24 septembre 2021. Pour parvenir à la valeur vénale de 460.000 euros, celui-ci décrit le bien, indique qu'il a consulté les trois bases PERVAL/IMMOPRIX des notaires, PATRIM et DVF ETALAB de l'administration fiscale, ainsi que celle de deux observatoires des prix de l'immobilier de la Réunion, considérant que la valeur moyenne des biens de ce [Adresse 2], peut être estimé actuellement à 4.500 euros le m², ce prix devant être ajusté en fonction des particularités du bien. Précisant qu'il s'est référé à la seule méthode non aléatoire de réalité des prix et des transactions locales, il retient la valeur de 460.000 euros. Cependant, cet expert ne fournit aucun élément de comparaison pour établir la valeur moyenne de 4.500 euros du m² pas plus que pour comparer le bien litigieux à d'autres similaires. Compte tenu de la qualité de ces estimations, la cour choisit de retenir les deux rapports de Monsieur [M], plus complets et plus précis, se référant à une véritable analyse du bien tant en 2005 qu'en 2021. En conséquence, il conviendra de fixer la valeur du bien à la somme de 325.000 euros au jour du partage, le rapport dû par Madame [Z] [Y] devant s'élever à la somme de 162.500 euros sans qu'il n'y ait lieu à déduction des dépenses non justifiées par les factures alléguées et non produites en appel. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur la valeur de l'indemnité de remploi du don reçu par Monsieur [W] [Y], remployé dans le financement du bien acquis par lui les 1er et 2 février 2006 : Le premier juge a estimé que Monsieur [W] [Y] devait rapporter la somme de 78.611 euros en soulignant que si le partage avait pu être réglé rapidement, il aurait pu être envisagé de retenir la valeur nominale de la somme totale au titre de l'indemnité de réduction éventuellement due au titre des sommes énumérées par le jugement du 17 mars 2010, soit 200.000 Francs plus 35.000 Francs et 7.130 Francs, pour un total de 242.130 Francs ou 36912,48 euros. La cour d'appel a d'ailleurs réformé le jugement en statuant comme suit le 3 février 2012 : « * dit non fondées les demandes de M. [W] [Y] tendant à faire juger que le don de la somme de 30.489,80 € (200.000 francs) dont il a bénéficié ne doit être pris en compte que pour la moitié de son montant correspondant à la part concernée par la succession de son père et que ceux de 914,69 € (6.000 F) du 07/03/2001 et 1.130,00 € du 11/12/2002 constitueraient des présents d'usage, l'en déboute. » Il a donc déjà été statué sur le principe de ces donations et leur montant en 2012. Madame [T] a été suivie par le premier juge sur le principe de l'indemnité de remploi des sommes données à Monsieur [W] [Y], tenant compte du fait que le partage n'est pas intervenu. Monsieur [W] [Y] et Madame [Z] [Y] estiment que l'appelant ne peut être tenu de rapporter à la masse à partager une somme supérieure à 51.072 euros, correspondant à la valeur de la donation rapportable (soit 335.010,36 Francs). Il demande à la cour de prendre connaissance de la pièce No 18 sans articuler de moyens pour soutenir sa prétention. Cette pièce est constituée par un courrier personnel semblant adressé à la juridiction, en réponse aux conclusions de Madame [B] [T]. Mais elles ne sont pas reprises en substance dans les conclusions de son avocat alors que la procédure est écrite et que les éléments qui y sont évoqués ne peut donc tenir lieu de conclusions auxquelles devrait répondre la cour d'appel. Ainsi, en vertu des articles 6, 9 et 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement querellé de ce chef, en l'absence de développement de moyens propres à soutenir la demande figurant au dispositif à propos du principe et du montant du rapport dû à la succession par Monsieur [W] [Y]. Sur les donations alléguées et leur montant au profit de Madame [B] [Y], épouse [T] : Selon les prescriptions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe aux parties de prouver les faits qu'ils allèguent. Les appelants contestent le jugement querellé en ce qu'il a retenu la somme de 395 euros au titre du rapport de donation dû par Madame [T] à la succession. Ils affirment que ls de cujus aurait remis à sa fille la somme totale de 23.898,88 euros. Pour parvenir à cette somme, les appelants exposent que, selon leurs pièces No 10 et 11, Madame [B] [T] aurait admis avoir reçu en janvier 1986 un prêt de 150.000 francs dont elle aurait remboursé 50.000 francs. Elle reconnaitrait aussi avoir reçu en 1992 une somme de 50.000 francs. Ils invoquent enfin un tableau (pièce no 11), élaboré par le Conseil de Madame [B] [T], récapitulant les mouvements financiers réalisés entre celle-ci et son père. Madame [T] réplique que la production de la pièce No 11 par les appelants démontre que toutes les pièces avaient bien été produites en première instance et déjà en 2010. En 2007, le courrier de Mme [B] [T] déclarait, sans justificatifs, sur un plan familial et non judiciaire, des montants non remboursés par elle. L'intimée souligne que les recherches sur ses comptes bancaires ont révélé que les montants déclarés initialement étaient totalement erronés tandis que le Notaire s'est fondé exclusivement sur les justificatifs apportés régulièrement par les parties pour aboutir à la somme de 395 euros. La cour, reprenant les motifs du premier juge sur ce point, considère aussi que le jugement rendu le 17 mars 2010 a retenu que Madame [T] avait bénéficié de sommes d'argent et qu'elle devrait préciser de quel montant elle a ainsi bénéficié auprès du notaire commis. Ce chef de jugement a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel en date du 3 février 2012. En effet, cet arrêt a statué d'abord sur les chefs de jugement portant sur « les prétentions des consorts [B] et [R] [Y] tendant à voir dire et juger que leur s?ur [Z] [Y] et frère [W] [Y] ont respectivement bénéficié de ces sommes à titre de dons en numéraire. » Il a confirmé le jugement pour le surplus. Or, le premier juge avait décidé dans son dispositif que « le notaire devra déterminer s'il y a lieu de procéder à la réduction des libéralités consenties à [Z] [Y], [W] [Y] et [B] [T] née [Y], conformément aux dispositions des articles 860, 920 et suivants du code civil et en tenant compte des libéralités suivantes : * don d'argent dont a bénéficié [B] [T] qui devra justifier du montant exact auprès du notaire. » Ainsi, en confirmant ce chef de jugement, la cour d'appel avait maintenu que le notaire serait chargé, le cas échéant, de procéder à la réduction d'éventuelles libéralités consenties aussi à Madame [T]. Ceci étant exposé, Il résulte clairement du courrier rédigé par Madame [B] [T] le 20 juillet 2007 qu'elle a admis avoir bénéficier de la somme de 75.000 euros au titre du reliquat de prêts ou de dons manuels à rapporter le cas échéant à la succession de son père (pièce No 10 des appelants). Elle a produit aussi un document non daté (pièce No 11 des appelants) récapitulant les différents mouvements de fonds entre elle et son père entre 1982 et 1992, dont le résultat révèle un solde débiteur de 5.181 francs, outre les extraits de ses relevés de compte. Maître [L], en page 12 du procès-verbal de difficultés, relate bien que Madame [T] lui a adressé, via son Conseil, le dossier complet portant sur ces prêts ou donations. Il annexe aussi les différents courriers de Madame [B] [T] qui a toujours rappelé que le jugement du 17 mars 2010 et l'arrêt de la cour d'appel du 3 février 2012 ont retenu seulement le principe de dons manuels et non celui de donation pour l'acquisition de biens immobiliers. Néanmoins, face à ces éléments, la cour observe que l'inventaire non daté des sommes ayant été échangées entre Madame [B] [T] et son père, évoque bien le chèque de 50.000 francs du 9 avril 1992, qu'elle a aussi admis dans son courrier du 20 juillet 2007. Mais aucune trace du versement du prêt de 150.000 Francs dont elle a bénéficié en janvier 1986 ne figure dans son récapitulatif, de sorte qu'il y a lieu de retenir qu'elle restait devoir à son père la somme de 100.000 francs qu'elle précisait ne jamais avoir remboursé à son père. En conséquence, il doit être rapporté à la succession non la somme de 5.181,00 Francs, ou 395 euros, mais celle de 105.181 Francs ou 16.034,74 euros. Le jugement doit être réformé de ce chef. Sur le remploi allégué dans l'achat de la maison de Monsieur et Madame [T] le 21 janvier 1986 : Les appelants invoquent les dispositions de l'article 860-1 du code civil, pour réclamer le rapport des libéralités à la valeur du bien dans les conditions prévues à l'article 860, résultant de la Loi No 2006-728 du 23 juin 2006, postérieure au décès de Feu [I] [K] [Y], le [Date décès 5] 2005, date de l'ouverture de la succession, mais applicable à la cause puisque le partage n'a pas été réalisé à la date d'entrée en vigueur de cette loi le 1er janvier 2007. En l'espèce, l'acte dressé le 21 janvier 1986, portant acquisition par Madame [B] [T] et son époux, d'un bien sis à [Adresse 9], moyennant le prix de 329.999 Francs payé au moyen d`un prêt souscrit à la BFCOI d'un montant de 429.999 Francs, et pour 199.222,63 Francs, de leurs deniers personnels ne contient aucune clause de remploi et n'évoque aucunement que cette dernière somme serait propre à Madame [T]. Cet apport personnel est donc réputé être issu d`acquêts appartenant au couple [T]/ [Y]. Les appelants affirment que la coïncidence entre le versement d'une somme de près de 200.000 francs et la remise reconnue par Madame [T] dans son inventaire d'une somme de 32.000 Francs par chèque le 21 janvier 1986 suffit à établir que Madame [T] a pu acheter le bien immobilier du couple grâce aux fonds donnés par leur père à la même époque. Cependant, Madame [T] n'a jamais contesté avoir emprunté la somme de 150.000 Francs en janvier 1986. Elle a pourtant expliqué et justifié comment elle l'avait partiellement remboursé alors que la somme de 32.000 Francs est décomptée dans l'inventaire non daté susvisé. En conséquence, il convient de rejeter la prétention des appelants et de Monsieur [R] [Y] sur le fondement de l'article 860 du code civil puisqu'il ne résulte nullement des pièces versées aux débats que le de cujus a effectué une donation à sa fille en vue d'acquérir le bien immobilier en cause tandis que l'acte authentique de vente ne contient aucune mention du caractère propre des sommes apportées par le couple [Y] / [T]. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relative à une indemnité de remploi due par Madame [B] [T]. Sur les autres demandes : Sur la rédaction de l'état liquidatif : L'article 1373 du code de procédure civile, prévoit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif. Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat. Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation. Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants. Il est, le cas échéant, juge de la mise en état. Aux termes de l'article 1375 du même code, le tribunal statue sur les points de désaccord. Il homologue l'état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l'acte constatant le partage. En l'espèce, le premier juge a estimé opportun, mais à tort, de procéder lui-même à la réalisation de l'état liquidatif de la succession alors qu'il n'y était pas tenu et qu'un notaire est déjà saisi. Or, le notaire avait déjà préparé un projet de liquidation en saisissant la juridiction seulement des difficultés résultant du procès-verbal de difficultés. En conséquence, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a élaboré l'entier projet de liquidation de la succession et renverra cette mission au notaire saisi. Sur les demandes de dommages et intérêts : Vu l'article 1240 du code civil ; Madame [Z] [Y] et Monsieur [R] [Y] réclament la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en alléguant « l'outrance des propos des intimés et leur mauvaise foi. » Madame [B] [T] sollicite la condamnation de chacun des appelants à lui payer la somme de 5 000.00 euros au titre du préjudice moral subi en s'estimant harcelée et en soutenant qu'elle souffre d'avoir sans cesse à se défendre sur des points qui ont déjà été jugés à trois reprises en raison d'un acharnement malsain et injuste, qui amplifie ses souffrances et son préjudice moral depuis plus de treize ans. Monsieur [R] [Y] demande l'allocation de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à l'encontre de chacun des appelants, en réparation du préjudice moral que lui cause leur appel et leur argumentation abusifs. Cependant, s'agissant d'un conflit ancien relatif à la liquidation de la succession de leur parent, alors que les documents versés aux débats établissent clairement que chacune des parties a décidé de camper sur ses positions à raison de celles des autres héritiers, retardant même le partage en omettant de verser au notaire commis dans un délai raisonnable la provision qu'il réclamait afin de commencer ses opérations. En outre, les échanges versés aux débats, annexés au procès-verbal de difficulté, révèlent que l'ensemble des parties ont contribué aux préjudices qu'ils allèguent alors que peu d'efforts pour résoudre leurs désaccords ont été réalisés depuis plus de douze années. Qu'il ne peut être reproché aux appelants d'avoir interjeté appel alors que la cour admet au moins partiellement le bienfondé de leur action en contestation du projet d'état liquidatif tandis que Madame [B] [T] disposait aussi de l'estimation acceptée par le notaire commis pour soutenir ses prétentions. En conséquence, il convient de rejeter toutes les demandes de dommages et intérêts, infirmant le jugement querellé en ce qu'il a alloué une indemnité à ce titre à Madame [B] [T]. Sur les autres demandes : Le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il a jugé que les frais de notaire seraient partagés à parts égales entre les copartageants. Il est équitable de laisser les parties supporter leurs frais irrépétibles en rejetant les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile tandis que les dépens seront liquidés en frais de succession. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort, INFIRME le jugement en ce qu'il a retenu la somme de 395,00 euros au titre du rapport des libéralités reçues par Madame [B] [Y], épouse [T], et 475.000 euros au titre de la valeur vénale du bien immobilier de Madame [Z] [Y], en ce qu'il a rédigé un état liquidatif de la succession et en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts à Madame [B] [T] ; LE CONFIRME pour le surplus ; Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, ORDONNE que soit rapportée à la succession la somme de 16.034,74 euros au titre des libéralités reçues par Madame [B] [Y] épouse [T] ; FIXE à la somme de 325.000 euros la valeur vénale du bien immobilier de Madame [Z] [Y] devant faire l'objet d'un rapport succession à hauteur de la moitié ; DIT n'y avoir lieu pour la juridiction saisie à proposer un état liquidatif ; RENVOIE les parties devant le notaire commis afin qu'il procède à la rédaction de l'état liquidatif de la succession en tenant compte des points de désaccords tranchés ; DEBOUTE les parties de leurs demandes de dommages et intérêts en cause d'appel ; DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que les dépens seront liquidés en frais de partage de la succession. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈREsignéLE PRÉSIDENT
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JUDICIAIRE No RG 22/50368 - No Portalis 352J-W-B7F-CVSAC Assignation du : 19 Novembre 2021 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 31 mai 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE S.A.S. TOPSOLID SAS [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Léopold KRUGER, avocat au barreau de PARIS - #P 141 DEFENDERESSE S.A.R.L. 3D INGENIERIE SYSTEMES (3DIS) [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Grégory LAFAYE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE - #PN 592 A l'audience du 19 Avril 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, EXPOSÉ DU LITIGE : 1 - La société TOPSOLID développe des logiciels de conception et de dessin assistés par ordinateurs (CAO / DAO) ainsi que des logiciels de gestion (ERP) à l'attention des métiers de la mécanique, de la tôlerie / chaudronnerie et du bois. Elle expose non seulement concéder des licences d'utilisation sur ces logiciels, mais également proposer à ses clients des formations pour leur utilisation. 2 - Pour les besoins de cette activité, elle a ainsi déposé, le 10 avril 2019 (publication du 3 mai 2019) : - la marque verbale française "TOPSOLID", enregistrée le 2 août 2019 sous le no 4542099, pour désigner en classes 9, les logiciels, en classe 41, les services de "formation, services de formation logiciel ; mise à disposition de formations logiciel par le biais d'un réseau informatique mondial ; organisation de concours, de colloques, de conférences, de congrès sur le thème des logiciels et connecteurs (logiciels) ; accompagnement personnalisé [coaching] en tant que service de formation ; services de production et d'édition d'enregistrements sonores et vidéos sur le thème des logiciels ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne, revues électroniques sur le thème des logiciels ; micro- édition Formation à l'exploitation de systèmes de logiciels; Formations professionnelles; Formation pratique; Formation en informatique; Formation pour adultes ; services de formation dans le domaine des appareils et logiciels d'intelligence artificielle ; services de formation dans le domaine du traitement des images pour la création de modèles en trois dimensions ; services de formation dans le domaine des logiciels effectuant des calculs de grandeur sur différentes cellules d'un maillage générant un fichier décrivant ce maillage de résultat ; services de formation dans le domaine des logiciels de conception d'aménagement intérieur de mobilier sur mesure, de menuiserie, métallerie, maquettes numériques de bâtiments", ainsi qu'en classe 42, les services, notamment, de "conception et développement de logiciels" ; - la marque semi-figurative française "TopSolid", enregistrée le 2 août 2019 sous le no 4542103, pour désigner les mêmes produits et services que la marque précédente en classes 9, 41 et 42 : 3 - Ayant constaté que la société 3D INGENIERIE SYSTEMES, organisme de formation spécialisé dans le domaine des logiciels, dispensait des formations aux logiciels "TOPSOLID" sans autorisation de sa part, la société TOPSOLID l'a, par une lettre du 19 avril 2021, renouvelée le 15 juin puis le 12 octobre suivants, mise en demeure de cesser tous usages de ses marques et de ses logiciels. Par une lettre du 9 novembre 2021, la société 3D INGENIERIE SYSTEMES a contesté toute contrefaçon de logiciel ne fabriquant elle-même aucun logiciel. 4 - C'est en cet état que par acte d'huissier du 19 novembre 2021, la société TOPSOLID a fait assigner en référé la société 3D INGENIERIE SYSTEMES devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris siégeant à l'audience du 18 janvier 2022, aux fins d'obtenir la cessation des agissements de contrefaçon vraisemblable de droits d'auteur et de marque, ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire. 5 - Dans ses dernières conclusions développées oralement à l'audience du 19 avril 2022 à laquelle cette affaire avait été renvoyée pour plaidoirie, la société TOPSOLID demande au juge des référés, au visa des articles 46 et 835 du code de procédure civile, L. 112-2, L. 122-4, L. 131-3, L. 335-2, L. 713-1 et L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : - SE DÉCLARER compétent pour connaître du présent litige ; - DIRE la société TOPSOLID recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société 3D INGENIERIE SYSTEMES ; - DIRE la société 3D INGENIERIE SYSTEMES irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions reconventionnelles à l'encontre de la société TOPSOLID ; En conséquence, - INTERDIRE à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES d'exploiter le logiciel TOPSOLID; - INTERDIRE à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de faire usage du terme « TOPSOLID» et du logo ; - INTERDIRE à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de réaliser des formations au logiciel TOPSOLID ; - CONDAMNER la société 3D INGENIERIE SYSTEMES à verser à la société TOPSOLID la somme de 310.000 euros à titre de provision sur le préjudice subi ; - ORDONNER à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de communiquer l'ensemble des justificatifs chiffrés et certifiés portant sur l'exploitation des formations au logiciel TOPSOLID réalisées ces cinq dernières années ; - ORDONNER la publication intégrale ou par extrait du dispositif de l'ordonnance à intervenir, sur la page d'accueil du site Internet www.3dis-formation.fr ; - DIRE qu'à défaut de se conformer à la décision rendue, 3D INGENIERIE SYSTEMES encourra une astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision ; - DEBOUTER la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de ses demandes, fins et prétentions reconventionnelles à l'encontre de la société TOPSOLID ; - ORDONNER l'exécution de l'ordonnance au seul vu de la minute sur le fondement de l'article 489 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société 3D INGENIERIE SYSTEMES à verser la somme de 7.000 euros à la demanderesse, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société 3D INGENIERIE SYSTEMES aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Léopold KRUGER. 6 - Dans ses propres conclusions, la société 3D INGENIERIE SYSTEMES (ci-dessous "3DIS") demande quant à elle au juge des référés, au visa des articles 32-1 et 835 du code de procédure civile, 1240 du code civil, et L.716.4-1 et L. 716-4-3 du code de la propriété intellectuelle, de: A titre principal, - La RECEVOIR en ses conclusions, fins et prétentions et l'en dire bien fondée ; En conséquence, - REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société TOPSOLID ; A titre reconventionnel, - ORDONNER à la société TOPSOLID de communiquer des preuves de son usage sérieux de l'utilisation de sa marque au cours des cinq dernières années pour l'activité de formation ; - CONDAMNER la société TOPSOLID à verser à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice économique ; - CONDAMNER la société TOPSOLID à verser à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES, la somme de 300.000 euros au titre du préjudice moral ; - CONDAMNER la société TOPSOLID à une amende civile de 10.000 € en tant que cette dernière a engagé une procédure particulièrement abusive ; - ORDONNER l'exécution de l'ordonnance au seul vu de la minute au titre de l'article 489 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société TOPSOLID à verser à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES, une somme de 1600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 7 - La société TOPSOLID fait valoir que, pour les besoins des formations qu'elle commercialise, la société 3DIS, qui ne bénéficie d'aucune licence sur les logiciels "Topsolid", fait nécessairement, soit usage d'un logiciel "piraté", soit un usage frauduleux de la licence gratuite de 30 jours. Elle ajoute, en ce qui concerne la contrefaçon de marques, démontrer l'usage des marques pour désigner ses services de formation à l'utilisation de ses logiciels et conteste que l'usage fait de ses marques par la société 3DIS le soit à titre de référence nécessaire. La société TOPSOLID fait enfin valoir que l'usage fait des marques par la défenderesse créée un risque de confusion, de même qu'il vise à tirer indûment profit de son savoir-faire. 8 - S'agissant de la contrefaçon de logiciel, la société 3D IS expose que la formation aux logiciels "Topsolid" n'est pas la plus demandée parmi son catalogue et fait ainsi valoir qu'elle délivre ses formations à ces logiciels au moyen d'une licence acquise licitement par ses clients, soit qu'il s'agisse de la licence gratuite de découverte mise à leur disposition sur le site internet de la demanderesse, laquelle comprend des fonctionnalités avancées, soit d'une licence payante. Elle conteste par conséquent toute utilisation sans droits des logiciels, laquelle n'est en tout état de cause selon elle pas démontrée. En ce qui concerne l'atteinte aux marques de la demanderesse, la société 3DIS soutient qu'aucune preuve de l'usage sérieux des marques pour les services de formation n'est ici apportée, tandis que l'usage qui est fait des marques ne l'est qu'aux fins de désigner la formation aux logiciels éponymes. La société 3DIS soutient enfin qu'aucun risque de confusion n'est établi, la clientèle, au vu du nombre de formations différentes proposées, ne pouvant imaginer qu'il existerait un lien entre elle-même et la société demanderesse. Appréciation du juge des référés a - Sur le trouble manifestement illicite tiré de la violation de droits d'auteur 9 - Selon l'article 835 premier alinéa du code de procédure civile, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.", tandis qu'aux termes de l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle constitue "un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi." 10 - La société TOPSOLID, qui ne verse pas aux débats les conditions d'utilisation de la licence gratuite de 30 jours qu'elle reconnaît mettre à la disposition du public et qui interdiraient l'usage aux fins de formation payante par une société tierce, ne démontre ici aucune reproduction de ses logiciels en violation de ses droits par la société 3D IS. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du chef de la contrefaçon de droits d'auteur portant sur le logiciel "Topsolid". b - Sur la contrefaçon vraisemblable de marques 11 - Selon l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 12 - L'article L. 716-4-3 de ce même code précise qu' "Est irrecevable toute action en contrefaçon lorsque, sur requête du défendeur, le titulaire de la marque ne peut rapporter la preuve : 1o Que la marque a fait l'objet, pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l'appui de la demande, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée, dans les conditions prévues à l'article L. 714-5 ; 2o Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage." 13 - Il résulte en outre de l'article L. 713-2 qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 14 - En revanche, l'article L. 713-6 prévoit que "I. - Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (...) 3o De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée." 15 - La société TOPSOLID établit ici l'usage qu'elle fait des marques pour désigner des services de formation (piéces no2, 10, 12 et 13), de sorte que ses demandes sont recevables au sens de l'article L. 716-4-3 du code de la propriété intellectuelle. Elle établit également l'usage que la société 3DIS fait des marques "TOPSOLID", sous la forme d'imitations de ces marques, pour désigner des formations concurrentes (pièce no5 - procès-verbal de constat sur le site internet de la société 3D IS). Ces usages des marques, sous la forme d'un cumul systématique de la marque verbale et de la marque semi-figurative (alors que l'usage sous la seule forme verbale de la marque apparaît suffisant pour désigner les logiciels de la demanderesse), excédent à l'évidence la simple "référence nécessaire" aux logiciels commercialisés par la demanderesse, à laquelle seule cette dernière ne pourrait s'opposer. Il sera donc fait droit à la demande d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision et la société 3D IS sera condamnée au versement d'une provision d'un montant de 2.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi par la société TOPSOLID, ainsi qu'à communiquer la pièce précisée au dispositif (articles L. 716-4-7 et L. 716-4-8 du code de la propriété intellectuelle). Il n'y aura pas lieu, en revanche, à référé sur la demande de publication de la présente décision. c - Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux et parasitaires 16 - Force est de constater que la société TOPSOLID ne caractérise de ce chef aucun fait distinct de la contrefaçon de marques et ne peut solliciter, au mépris du principe de la liberté du commerce, qu'il soit fait défense à des tiers de commercialiser des formations à l'usage de ses logiciels. Il ne peut donc qu'être dit n'y avoir lieu à référé à ce titre. 17 - Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société 3D IS sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société TOPSOLID la somme de 1.500 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Fait défense à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de faire usage des marques no 4542099 et no 4542103 pour désigner des formations à l'usage des logiciels "TOPSOLID", dans des conditions excédant l'indication que les logiciels sont ceux de la société TOPSOLID (usage cumulé des marques verbale et semi-figurative) et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signtification de la présente ordonnance et pendant 180 jours ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; Condamne la société 3D INGENIERIE SYSTEMES à payer à la société TOPSOLID la somme de 2.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts réparant les atteintes aux marques excédant la simple référence nécessaire ; Enjoint à la société 3D INGENIERIE SYSTEMES de communiquer à la société TOPSOLID un état certifié par un expert comptable détaillant le chiffre d'affaires réalisé année par année au titre de l'exploitation des formations au logiciel TOPSOLID depuis le 3 mai 2019 ; Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ; Condamne la société 3D INGENIERIE SYSTEME aux dépens et autorise Me Léopold Kruger à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société 3D INGENIERIE SYSTEME à payer à la société TOP SOLID la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait à Paris le 31 mai 2022. Le Greffier,Le Président, Minas MAKRISNathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE DE [Localité 9] 3ème chambre 2ème section No RG 19/09999 No Portalis 352J-W-B7D-CQSL5 No MINUTE : Assignation du : 8 août 2019 rendu le 20 novembre 2020 DEMANDERESSES Madame [U] [C] [Adresse 2] [Localité 4] S.A.S. PETITE FRITURE [Adresse 5] [Localité 3] représentées par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 DÉFENDERESSE S.A.S. ATHEZZA [Adresse 7] [Localité 1] représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Florence BUTIN, Vice-Présidente Catherine OSTENGO, Vice-présidente Emilie CHAMPS, Vice-Présidente assistées de Géraldine CARRION, greffier A l'audience du 1er octobre 2020 tenue en audience publique Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société PETITE FRITURE immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris en 2009 édite et commercialise des objets et des meubles de design qu'elle distribue à travers 450 points de vente dans le monde. [U] [C] se présente comme une artiste designer de grande renommée et indique être la créatrice de la suspension VERTIGO ci-dessous illustrée, dont elle a cédé les droits patrimoniaux à sa société le 3 septembre 2009 qui les a elle-même cédés à la société PETITE FRITURE. La société ATHEZZA immatriculée en 1992 au registre du commerce et des sociétés de Nîmes, a pour principale activité la création, l'import, l'export, la distribution de tous produits manufacturés, principalement du mobilier. [U] [C] et la société PETITE FRITURE exposent avoir constaté que la société ATHEZZA, offrait à la vente et commercialisait un modèle de suspension dénommé « MELANIE » reprenant selon elles à l'identique, l'ensemble des caractéristiques originales du modèle VERTIGO, ce dont elles ont fait dresser procès-verbal par huissier de justice le 22 janvier 2019, lors du salon [Adresse 8]. Elles ont ensuite fait procéder à un constat d'achat de cette suspension le 9 juillet 2019 dans un magasin situé à [Localité 9] exerçant sous l'enseigne « L'Atelier Pablo » puis ont fait dresser un procès-verbal de constat le 16 juillet 2019, sur le compte Instagram d'un magasin situé à [Localité 6], exerçant sous l'enseigne « Chez nous [Localité 6] » et commercialisant cette même suspension. Enfin, y étant précédemment autorisées par ordonnance du 22 juillet 2019 elles ont fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société ATHEZZA dont les opérations se sont déroulées le 30 juillet 2019. C'est dans ces conditions que par acte signifié le 8 août 2019, [U] [C] et la société PETITE FRITURE ont fait assigner la société ATHEZZA. Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juin 2020, elles demandent au tribunal de : Vu les livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et l'article 1240 du Code civil, - DIRE ET JUGER qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant une suspension qui reproduit les caractéristiques originales de la suspension VERTIGO, la société ATHEZZA a commis à l'encontre de [U] [C] et de la société PETITE FRITURE des actes de contrefaçon en application des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle. -DIRE ET JUGER, à titre subsidiaire, qu'en offrant à la vente et en commercialisant une suspension qui constitue la copie de la suspension VERTIGO de la société PETITE FRITURE, sans que cela ne soit justifié par des impératifs techniques ou autres, la société ATHEZZA a commis à l'encontre de la société PETITE FRITURE des actes de concurrence déloyale et parasitaire en application de l'article 1240 du Code civil. - DEBOUTER la société ATHEZZA de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles. En conséquence, - FAIRE INTERDICTION à la société ATHEZZA de fabriquer ou de faire fabriquer, d'importer, d'offrir à la vente, de promouvoir et/ou de commercialiser, de quelque façon que ce soit, une suspension qui reproduit la suspension VERTIGO et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir. - ORDONNER en application de l'article L. 331-1-4 du Code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les suspensions contrefaisantes soient rappelées des circuits commerciaux et détruites aux frais de la société ATHEZZA. - CONDAMNER la société ATHEZZA à verser à la société PETITE FRITURE la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre. - CONDAMNER la société ATHEZZA à verser à [U] [C] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des atteintes portées à son droit moral d'auteur. - CONDAMNER, à titre subsidiaire, la société ATHEZZA à verser à la société PETITE FRITURE 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre. - ORDONNER, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues, au choix de la société PETITE FRITURE et de [U] [C] et aux frais de la société ATHEZZA sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5 000 euros H.T. - CONDAMNER la société ATHEZZA à payer à la société PETITE FRITURE et [U] [C] la somme de 15 000 euros, et ce compris les frais de constats et de saisie-contrefaçon, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. - CONDAMNER la société ATHEZZA aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie. Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 juin 2020, la société ATHEZZA demande au tribunal de : Vu le Livre I du Code de la propriété intellectuelle, Vu le Livre III du Code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 1240 du Code civil, Vu la jurisprudence, - RECEVOIR la société ATHEZZA en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, A titre principal, - JUGER que le modèle revendiqué par la société PETITE FRITURE et Madame [U] [C] est dépourvu de caractère original et qu'il ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur ; - DIRE ET JUGER qu'aucun acte de contrefaçon ne peut être imputé à la société ATHEZZA A titre subsidiaire, - DIRE ET JUGER qu'aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ne peut être imputé à la société ATHEZZA En conséquence, et en tout état de cause, - DÉBOUTER la société PETITE FRITURE de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à titre principal comme à titre subsidiaire ; - DÉBOUTER Madame [U] [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - DÉBOUTER la société PETITE FRITURE de toutes ses demandes indemnitaires formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ; - DÉBOUTER Madame [U] [C] de toutes ses demandes indemnitaires ; - DÉBOUTER la société PETITE FRITURE et Madame [C] de toutes leurs demandes complémentaires ; - CONDAMNER solidairement la société PETITE FRITURE et Madame [C] au paiement, à la société ATHEZZA de la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ; - CONDAMNER solidairement la société PETITE FRITURE et Madame [C] aux entiers dépens de la présente instance. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juillet 2020 et l'affaire plaidée le 1er octobre 2020. Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS DE LA DECISION 1- Sur la protection de la suspension VERTIGO par le droit d'auteur 1.1- Titularité des droits Les demanderesses font valoir que la suspension VERTIGO ayant été divulguée sous le nom de [U] [C], celle-ci est présumée en être l'auteur par application de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle et donc être titulaire des droits moraux. Elles exposent que la société PETITE FRITURE a ensuite conclu au mois d'octobre 2009, un contrat de sous-édition avec la société [U] [C] aux termes duquel celle-ci lui a cédé, à titre exclusif, les droits patrimoniaux sur la suspension VERTIGO, droits qu'elle avait acquis auprès de [U] [C] comme cela ressort de l'annexe 3 dudit contrat. Elles rappellent à cet égard que la défenderesse, tiers au contrat, ne peut valablement en contester la validité et qu'une personne morale est présumée être titulaire des droits de création sur l'oeuvre qu'elle revendique si elle justifie qu'elle l'exploite de manière non équivoque, ce que fait la société PETITE FRITURE. La société ATHEZZA réplique que [U] [C] -qui ne produit aucun croquis, ébauche ou travail de préparation démontrant un travail de création- ne rapporte pas la preuve de sa qualité de créatrice de la suspension VERTIGO dont elle a d'abord soutenu qu'elle datait de 2007 avant d'indiquer la date de 2004 ce qui témoigne selon elle, de son manque de fiabilité. A l'égard de la société PETITE FRITURE, elle soutient que celle-ci ne peut, en sa qualité de personne morale et en l'absence de démonstration du processus de création, se prévaloir de la présomption de titularité des droits en présence de la revendication de l'auteur et donc, au cas d'espèce, de [U] [C]. En application de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, et en l'absence de revendication d'une personne physique qui s'en prétendrait l'auteur, l'exploitation non équivoque de l'oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que celle-ci est titulaire des droits patrimoniaux invoqués. Pour bénéficier de cette présomption, il appartient à la personne morale d'identifier avec précision l'oeuvre qu'elle revendique, de justifier de sa première commercialisation et d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre revendiquée sont identiques à celle dont la preuve de la commercialisation sous son nom est rapportée. A défaut, elle doit justifier du processus de création et des conditions dans lesquelles elle est investie des droits d'auteur. En l'espèce, pour juger que [U] [C] est l'auteur de la suspension VERTIGO, il suffira de relever que celle-ci est présentée tant par la presse qu'à l'occasion de salons comme sa créatrice, ce depuis 2008 (pièce DEM 1.1, 3.bis) et qu'il est donc justifié de sa divulgation sous son nom, peu importe dans ces conditions, que la pièce 3 non datée ne permette pas de confirmer que cette suspension a été créée en 2004 dans le cadre de ses études à l'école de design ENSCI. Ensuite, les demanderesses produisent le contrat de cession signé par la société [U] [C] et la société PETITE FRITURE le 7 octobre 2009 (pièce DEM 4.1) aux termes duquel la première à cédé à la seconde à titre exclusif, « pour toute la durée de protection (ses) droits d'auteur sur le modèle  (VERTIGO) », ce contrat étant accompagné d'une attestation signée le même jour par [U] [C], qui déclare en être l'unique auteur. Au regard de ces éléments, il est suffisamment établi que la société PETITE FRITURE détient les droits patrimoniaux sur la suspension VERTIGO, [U] [C] étant pour sa part, titulaire des droits moraux. 1.2 - Originalité Les demanderesses décrivent la suspension VERTIGO comme une structure ronde et ondulée, l'ensemble présentant un aspect aéré. Elles précisent qu'elle est composée d'un abat-jour de forme conique évasé et fixé en son milieu, des rubans formant des tiges étant disposés en rayons de la partie inférieure de l'abat-jour central vers l'extérieur de la suspension. Elles ajoutent que la disposition en rayons des rubans crée un ajour qui, lorsque la suspension est allumée, engendre de subtils jeux d'ombre et de lumière et que la suspension prend la forme d'un huit lorsqu'elle est regardée de profil, du fait de l'ondulation de l'armature extérieure. Elles terminent en exposant que ces caractéristiques font de la suspension VERTIGO une véritable sculpture lumineuse, que son design rappelle celui d'une capeline et que sa forme sinusoïdale et son volume lui confèrent un style aérien. Elles soutiennent ne pas revendiquer tout type de suspension composée d'une structure ronde et ondulée formant un 8 mais la combinaison d'éléments ornementaux telle que décrite se distinguant très nettement de l'art antérieur et exprimant un parti pris esthétique et le choix personnel de son auteur. Elles terminent en faisant valoir que la suspension VERTIGO a initié la tendance des modèles de suspensions graphiques présentant des rayons allant du centre aux extrémités de l'abat-jour mais dont aucune ne peut rivaliser avec sa combinaison originale sauf à être contrefaisantes. La société ATHEZZA réplique qu'il est fait de la suspension litigieuse par les demanderesses, une description objective et technique qui ne permet ni de caractériser l'originalité revendiquée ni d'expliquer en quoi elle porterait l'empreinte de la personnalité de son auteur. Elle relève que ce type de suspension filaire s'inscrit dans une tendance que la société ATHEZZA et [U] [C] ne peuvent s'approprier et enfin, que l'absence d'antériorité, inopérante en cette matière, ne peut suffire à établir l'originalité de la suspension VERTIGO. L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. L'originalité de l'oeuvre, qu'il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu'elle soit issue d'un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur. La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose donc pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative. L'originalité de l'oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d'éléments connus. Lorsque la protection est contestée en défense, l'originalité doit être explicitée et démontrée par celui s'en prétendant auteur qui doit permettre l'identification des éléments au moyen desquels cette preuve est rapportée, ce pour chacune des oeuvres au titre desquelles le droit est revendiqué. En l'espèce, la suspension VERTIGO est composée d'une structure ronde, rigide mais ondulée à partir de laquelle sont tirés une multitudes de rubans souples qui se rejoignent pour habiller en son centre la structure entourant la douille et son ampoule. Malgré les contraintes techniques propres à ce type de luminaire, [U] [C] est parvenue à créer un ensemble tout à la fois imposant par son envergure (140 à 200 cm) et aérien par sa conception toute en légèreté qui permet à la suspension de s'animer dès qu'un mouvement d'air se forme à proximité. Cette suspension évoque également par ses dimensions généreuses, une cabane -dont elle emprunte le nom dans plusieurs publications- sous laquelle on aimera se réfugier. Si la société ALTHEZZA soutient tout à la fois que l'effort créatif n'est ainsi pas suffisamment démontré au vu de la multiplication sur le marché, de combinaisons proches de celle qui caractérise la suspension VERTIGO et que l'absence d'antériorité ne peut suffire à établir l'originalité d'une création, force est de constater qu'aucun des luminaires dont elle produit la photographie et qui prennent comme la suspension litigieuse, la forme d'une capeline plus ou moins large, ne présentent une combinaison de nature à traduire la légèreté et le design aérien recherché par [U] [C]. Il n'est de surcroît pas justifié de la date de création de ces antériorités alléguées de sorte que, comme le font valoir les demanderesses, la suspension VERTIGO apparaît comme avant-gardiste sur le marché des luminaires ce qui ne fait que confirmer que [U] [C] s'est suffisamment écartée de l'existant pour proposer une suspension inédite, reflétant l'empreinte de sa personnalité. La suspension VERTIGO apparaît donc protégeable par le droit d'auteur. 2- Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur Selon les demanderesses, il ressort de l'examen comparatif des suspensions en cause que celles qui sont commercialisées par la société ATHEZZA constituent la contrefaçon de la suspension VERTIGO et que les quelques différences relevées tenant au choix de la matière, à la taille de l'abat-jour ou encore au nombre de rayons et à leurs formes, sont mineures et inopérantes, la contrefaçon devant s'apprécier au regard des seules ressemblances. La société ATHEZZA réplique que les caractéristiques revendiquées comme étant originales ne sont pas reprises dans les luminaires qu'elle commercialise ce qui leur donne un effet diamétralement opposé à celui de la suspension VERTIGO. En application des dispositions des articles L122-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité. La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. En l'espèce les suspensions en litige sont illustrées ci-dessous : Si comme la suspension VERTIGO, la structure ronde et ondulée des luminaires allégués de contrefaçon prend la forme d'un huit lorsqu'elle est regardée de profil, la combinaison originale des caractéristiques n'est pas reprise. Les suspensions litigieuses en effet, au contraire de renvoyer l'image d'une structure aérienne, mobile et légère évoquant la liberté, se présentent comme des luminaires massifs dont les tiges métalliques renvoient l'image de barreaux, cette impression de rigidité étant accentuée par la présence d'une chaîne à gros maillon fixée au niveau de la douille. La suspension VERTIGO tire également son originalité de sa légèreté qui la rend très sensible aux mouvements d'air -évoquant pour sa créatrice une danse- or, celle-ci ne se retrouve pas davantage dans les suspensions alléguées de contrefaçon dont la structure métallique exclut pareille sensibilité. Enfin, elles ne peuvent davantage évoquer une cabane au regard de leurs dimensions nettement plus modestes. Les actes de contrefaçon n'apparaissant ainsi pas constitués, les demandes formées de ce chef seront rejetées. 3- Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire A titre subsidiaire, la société PETITE FRITURE soutient que la société ATHEZZA a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale, en commercialisant une suspension qui constitue selon elle, la copie de la sienne sans que cela ne soit justifié par des impératifs d'ordre technique ce qui entraîne auprès du public concerné, un risque de confusion entretenu par la défenderesse via des publications sur internet. Elle ajoute qu'en se contentant d'imiter la suspension VERTIGO, cette dernière a bénéficié de façon indue de sa notoriété tout en s'épargnant les coûts nécessaires à la conception, la création et à la promotion d'un nouveau produit. La société ATHEZZA réplique que compte tenu des différences mais également des conditions respectives de commercialisation des suspensions en litige et de leur dénomination, le consommateur comme la clientèle professionnelle, ne pourra se méprendre sur l'origine des produits. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux, parasitaires, qui tirent indûment profit d'une valeur économique d'autrui et procurent à leur auteur un avantage concurrentiel injustifié issu d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. En l'espèce, les demandes formées par la société PETITE FRITURE au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire étant principalement fondées sur les ressemblances entre les suspensions en litige et accessoirement sur leurs conditions de commercialisation, elles ne peuvent qu'être rejetées au regard des précédents développements relatifs aux actes de contrefaçon. 4-Demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d'exécution de la décision: La société PETITE FRITURE et [U] [C], partie perdante, supporteront la charge des dépens. La société PETITE FRITURE doit en outre être condamnée à verser à la société ATHEZZA, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 7000 euros. L'exécution provisoire étant justifiée au cas d'espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, DIT que la suspension VERTIGO créée par [U] [C] est originale et protégeable par le droit d'auteur ; REJETTE les demandes formées par [U] [C] et la société PETITE FRITURE au titre du droit d'auteur ; REJETTE les demandes formées par [U] [C] et la société PETITE FRITURE fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la société PETITE FRITURE à verser à la société ATHEZZA la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE [U] [C] et la société PETITE FRITURE aux dépens ; ORDONNE l'exécution provisoire de la décision. Fait et jugé à [Localité 9] le 20 novembre 2020. Le GreffierLe Président
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 17/02157 - No Portalis 352J-W-B7B-CJZ7X No MINUTE : Assignation du : 18 janvier 2017 rendu le 17 septembre 2020 Monsieur [X] [Z] 35/229 Soi 19, [Adresse 7] [Adresse 8] [Localité 10] (THAÏLANDE) représenté par Me Krystelle BIONDI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0850 DÉFENDEURS Monsieur [T] [P] [D] dit [P] [J] [Adresse 6] [Adresse 4] LE CAP (AFRIQUE DU SUD) défaillant Société [P] [J] PHOTOGRAPHY APS Store Torv 9 [Adresse 1] (DANEMARK) défaillante Société [P] [J] PRODUCTIONS [Adresse 9] [Adresse 3] (AFRIQUE DU SUD) représentée par Me Emmanuel BAUD du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J001 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Gilles BUFFET, Vice président Alix FLEURIET, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, En application de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 et de l'ordonnance de roulement modificative du président du tribunal judiciaire de Paris du 27 avril 2020 prise dans le cadre du plan de continuation de l'activité de cette juridiction en date du 15 mars 2020 , l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2020 sans audience en l'absence d'opposition des avocats. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire en premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : [H] [Z] est un photographe de mode français ayant notamment travaillé pour le magazine Vogue et dont l'oeuvre fait régulièrement l'objet d'expositions dans le monde entier. [H] [Z] est décédé le [Date décès 2] 1991 laissant pour lui succéder son fils, M. [X] [Z]. [H] [Z] est l'auteur d'une série de photographies prises en 1970 autour du thème du vernis à ongles, dont l'oeuvre ci-dessous, parue pour la première fois dans le magazine Vogue français du mois de mai 1970 : M. [T] [P] [D], dit "[P] [J]", est un photographe danois. La société de droit danois [P] [J] PHOTOGRAPHY ApS édite un site internet à l'adresse <www.[05].com> lequel héberge un blog consacré à la photographie, aux nouvelles technologies et à la commercialisation de stocks de photographies. La société de droit sud-africain [P] [J] PRODUCTIONS édite notamment une banque d'images photographiques accessible à l'adresse <www.peopleimages.com>. Courant 2015, M. [X] [Z] a découvert que deux photographies commercialisées sur le site internet "peopleimages" (ci-dessous) reproduisaient selon lui les caractéristiques originales de l'oeuvre de son père : ce qu'il a fait constater par un huissier de justice parisien le 20 juillet 2015. Par une lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2016, M. [X] [Z], a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société [P] [J] PRODUCTIONS de retirer immédiatement les deux photographies du site "peopleimages", de désindexer le contenu litigieux du moteur de recherche de la société Google, et de l'informer des mesures qu'elle entendait prendre pour réparer le préjudice causé. Par une lettre du 24 mai 2016, M. [P] [J] a répondu que les photographies avaient été retirées, encore qu'il considérait les griefs de M. [Z] comme totalement infondés. C'est dans ce contexte que par actes d'huissier en date des 18 et 20 janvier 2017, M. [X] [Z] a fait assigner M. [P] [J], la société [P] [J] PHOTOGRAPHY et la société [P] [J] PRODUCTIONS, devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu le 1er janvier 2020, le tribunal judiciaire de Paris), en contrefaçon de droit d'auteur. Dans ses dernières conclusions no2 signifiées par la voie électronique le 25 juin 2019, M. [X] [Z] demande au tribunal de : Vu l'article 7 §2 du règlement (UE) no1215/2012 du 12 décembre 2012, Vu l'article 10.3 de la directive UE du 29 avril 2004, Vu les articles 31 et 46 al. 3 du code de procédure civile, Vu les articles L. 112-2, L. 121-1, L. 122-4, L. 331-1-3, L. 331-1-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, In limine litis, - Le juger recevable et bien-fondé à agir ; - Se déclarer compétent territorialement ; - Ecarter des débats la pièce adverse no24 ; Sur le fond, - Juger que la photographie dont [H] [Z] est l'auteur est une oeuvre originale ; - Juger que les deux photographies exploitées et commercialisées sur le site https://peopleimages.com reproduisent les caractéristiques essentielles de la photographie de [H] [Z] ce qui est constitutif de contrefaçon ; - Juger que la diffusion en masse dans le monde entier et à prix dérisoire des photographies litigieuses porte atteinte au droit au respect de l'oeuvre de [H] [Z] ; En conséquence, - Débouter la société [P] [J] PRODUCTIONS de l'ensemble de ses demandes ; - Interdire à M. [D] dit [J] ainsi qu'aux sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS d'exploiter les photographies litigieuses, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ; - Condamner solidairement M. [D] dit [J] et les sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS à verser à M. [X] [Z] la somme de 200.000 euros au titre du préjudice matériel ; - Condamner solidairement M. [D] dit [J] et les sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS à verser à Monsieur [X] [Z] la somme 100.000 euros au titre du préjudice moral ; - Se réserver la liquidation de l'astreinte ; En tout état de cause, - Ordonner, à titre de complément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans son intégralité ou son dispositif dans deux journaux ou magazines français ou internationaux au choix du concluant, aux frais de M. [D] dit [J] et des sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS et pour un montant maximum de 10.000 euros HT par publication, - Condamner solidairement M. [D] dit [J] et les sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS à verser à M. [X] [Z] la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement M. [D] dit [J] et les sociétés [P] [J] PHOTOGRAPHY et [P] [J] PRODUCTIONS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Krystelle BIONDI, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution. Dans ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 8 janvier 2020, la société [P] [J] PRODUCTION demande quant à elle au tribunal de : Vu les articles 9, 122 et 700 du code de procédure civile, Vu l'article 9-2 des accords ADPIC, ensemble le principe selon lequel les idées sont de libre parcours, Vu l'article III, 1 de la Convention Universelle sur le droit d'auteur de 1952, Vu l'article 10 par. 1 et 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, Vu l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles article III, 1 de la Convention Universelle sur le droit d'auteur de 1952 et 15.1 de la Convention de Berne, A titre principal, - DECLARER M. [X] [Z] irrecevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur sur le fondement de la « série de photographies » ou de la « Photographie » visée dans son assignation au fond, A titre subsidiaire, - CONSTATER que le site Internet www.peopleimages.com reporté en pièce adverse no3.1 et comprenant les photographies ID 457770 et ID 457773, rédigé en anglais et affichant des prix en dollars, ne cible pas le public français, - CONSTATER l'absence de contrefaçon au regard des faits invoqués par M. [X] [Z], - CONSTATER que les exploitations opérées sur les sites du Times et du Figaro Magazine sont le seul fait de la société Getty Images, - CONSTATER que le tribunal n'est saisi d'aucun faits pour lesquels il est compétent au titre des arrêts de la CJUE des 3 octobre 2013 et 22 janvier 2015, - CONSTATER l'absence d'intérêt légitime poursuivi par M. [X] [Z], - CONSTATER l'absence d'éléments apportant la preuve d'un quelconque préjudice et son ampleur, En conséquence, - CONSTATER qu'aucun préjudice indemnisable n'est dû à M. [X] [Z] devant le présent tribunal, et le DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, EN TOUTES HYPOTHESES, - CONDAMNER M. [X] [Z] à payer à la société [P] [J] Production à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance, en ce compris, ceux afférents à l'incident. Bien que régulièrement cités respectivement par remise de l'acte au parquet et à l'entité requise danoise, ni M. [D] ni la société [P] [J] PHOTOGRAPHY ApS n'ont constitué avocat. L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 4 février 2020. En raison de l'annulation de l'audience prévue le 29 juin 2020 du fait de la crise sanitaire, la présidente de la formation de jugement a, par un courriel du 12 mai 2020, informé les parties de sa décision de recourir à la procédure sans audience prévue par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, prise en application de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Par déclarations des 2 et 18 juin 2020, les parties ont accepté le recours à la procédure sans audience et déposé leurs dossiers. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur le rejet de la pièce no24 : M. [X] [Z] demande au tribunal d'écarter des débats la pièce no 24 pour défaut de traduction s'agissant d'une pièce produite en langue anglaise. Aux termes de l'article 111 de l'ordonnance royale sur le fait de justice du 25 août 1539 dite ordonnance de Villers-Cotterêts, « nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel et non autrement ». Il est constamment jugé au visa de ce texte qu'il ne concerne que les actes de procédure et qu'il appartient aux juges, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments qui leur sont soumis en particulier lorsqu'ils sont rédigés dans une langue étrangère (Cass. Com., 27 novembre 2012, pourvoi no 11-17.185, Bull. 2012, IV, no 213 ; Cass. Civ. 1ère, 22 septembre 2016, pourvoi no 15-21.176, Bull. 2016, I, no 175). Il en résulte que, si le juge peut écarter un document en langue étrangère, il n'est pas tenu de le faire, et peut au contraire décider de le retenir à condition d'en indiquer la signification en français (Cass. Civ. 2ème, 11 janvier 1989, pourvoi no 87-13.860, Bull. 1989, II, no11; Cass. Civ. 1ère, 23 janvier 2008, pourvoi no06-21.011). Aussi, l'absence de traduction n'étant pas en elle-même une cause d'irrecevabilité des pièces, cette demande sera rejetée. 2o) Sur la titularité des droits de M. [X] [Z] et sa qualité à agir en contrefaçon M. [X] [Z] rappelle qu'il est le seul héritier de son père et que les sociétés qui commercialisent à titre exclusif les photographies réalisées par son père attestent de ce qu'il est le seul à exploiter ces photographies, de sorte qu'il bénéficie de la présomption de titularité des droits moraux et patrimoniaux sur celles-ci, ce d'autant plus qu'aucune autre personne physique ou morale ne revendique de droits concurrents. La société [P] [J] PRODUCTIONS soutient pour sa part faire état d'éléments de nature à renverser la présomption de titularité de M. [X] [Z]. Elle rappelle en premier lieu que différents journaux ont rapporté le litige ayant opposé le demandeur à la dernière compagne de son père et sur lequel M. [X] [Z] ne fournit pas le moindre élément. Elle ajoute que la photographie sur laquelle des droits de propriété sont revendiqués est issue d'une campagne publicitaire ce dont il se déduit selon elle qu'elle appartient à son commanditaire conformément aux termes du contrat type de 1961. La société [P] [J] PRODUCTIONS soutient encore que la photographie litigieuse est en principe diffusée avec la mention d'un "Copyright" au profit d'une société de droit Hongkongais dénommée "The [H] [Z] Estate". Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Selon l'article L.123-1 du même code, "L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent." En outre, en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé les clichés, les actes de possession de celui qui exploite commercialement des photographies sont de nature à faire présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que cet exploitant est titulaire sur ces oeuvres, quelle que soit leur qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur. (Cass. Civ. 1ère, 24 mars 1993, pourvoi no 91-16.543, Bull. 1993, I, no 126) Il est en l'occurrence établi que [H] [Z] est l'auteur de la photographie arguée de contrefaçon et reproduite ci-dessus, laquelle a été divulguée dans le magazine Vogue France no506 du mois de mai 1970 sous son nom (pièce du demandeur no1.6). Il est également établi par le témoignage de M. [B], préposé de la société LOUISE ALEXANDER GALLERY (pièce du demandeur no1.10), ainsi que par celui de M. [L], préposé de la société ART+COMMERCE (pièce du demandeur no1.11), établis en juin et octobre 2019, que la photographie objet du litige est, comme l'ensemble de l'oeuvre de [H] [Z], exploitée commercialement par M. [X] [Z], son fils unique. Aucune revendication n'est présentée par Mme [A], non plus que par la société Revlon, propriétaire de la marque de cosmétiques "Natural Wonder", dont la défenderesse affirme qu'elle a commandé le visuel à des fins publicitaires. Or, outre qu'une telle commande ne saurait être établie par la production d'un film publicitaire dont la diffusion est datée de janvier 1975, soit cinq années après la première parution du cliché en litige, et alors qu'aucun élément n'établit la participation de [H] [Z] à la réalisation de ce film, il convient de rappeler que les dispositions du contrat type s'appliquent aux relations entre l'annonceur et l'agence de publicité, qui plus est à défaut d'autres stipulations contractuelles et si telle est la commune intention des parties. Or rien ne démontre en l'occurrence l'intervention d'une agence pour la réalisation de la publicité, et encore moins que [H] [Z] a agi en qualité d'agent, en plus de celle d'auteur du cliché, de sorte que les dispositions du contrat-type seraient applicables et opposables au demandeur. M. [X] [Z] doit donc être déclaré recevable à agir sur le fondement de la présomption de titularité résultant de l'exploitation paisible de l'oeuvre en litige, cette présomption n'étant pas renversée par des articles de presse datant de plus de 25 ans, ni par des mentions de copyright dont l'objet ne vise qu'à informer les tiers de ce que la reproduction du visuel n'est pas libre. 3o) Sur l'originalité de la photographie en litige M. [X] [Z] décrit l'originalité de la photographie en rappelant que "[H] [Z] est connu pour son traitement spécifique de la couleur et son regard particulier sur la femme avec le souci de magnifier sa féminité au travers notamment d'un maquillage riche en couleurs, de poses sensuelles et de photographies très saturées." Il ajoute que [H] [Z] a "développé la photographie en couleur à sa quintessence, en créant des accents dramatiques avec une saturation des couleurs très importante et beaucoup de textures dans ses compositions" et qu'il avait "une technique non conventionnelle pour cadrer ses plans et une liberté créative et esthétique sans limite et sans compromis". M. [X] [Z] précise encore que la photographie prise par [H] [Z] en 1970 reflète parfaitement son empreinte personnelle, qui va bien au-delà du savoir-faire d'un photographe professionnel, tant par l'aménagement, la composition du sujet et sa mise en scène que le choix de l'angle et du cadrage. Sur ce point, il indique que "le plan est serré sur le visage d'un modèle féminin à l'expression neutre, présenté de face et dont la partie centrale est partiellement recouverte par quatre paires de mains vernies en rouge, qui se superposent en cascade de chaque côté du nez et se rejoignent au milieu du visage, pour ne laisser apparaître que le bout du nez du modèle et sa bouche fermée et ourlée d'un rouge laqué, créant une harmonie avec le vernis des ongles. La géométrie de la Photographie est minutieuse avec un placement précis des mains dont les ongles créent une sorte d'illusion d'optique, de dédoublement et de symétrie. On retrouve les codes du photographe dont la mise en scène minutieuse et travaillée offre au spectateur une impression d'ensemble de désir et de glamour avec le choix d'une harmonie de couleur qui se manifeste par le choix d'une couleur unique, le rouge, pour mettre en perspective et créer un contraste entre les ongles et la bouche du modèle, et le reste de la photographie. Il s'agit de l'unique couleur utilisée par le photographe qui permet de renforcer le teint doré de la peau du modèle mais également et surtout capter l'attention du spectateur sur les ongles et la bouche du modèle qui occupe la plupart de la photographie grâce à un plan serré." La société [P] [J] PRODUCTION soutient quant à elle que le demandeur ne caractérise pas l'originalité de la photographie pour laquelle il sollicite la protection par le droit d'auteur et, en particulier, n'explicite pas le message qu'il a entendu "véhiculer" ni les raisons des choix opérés, qui peuvent également être ceux du commanditaire de la photographie, dont elle rappelle qu'il s'agit d'une oeuvre de commande publicitaire. La société [P] [J] PRODUCTION rappelle à cet égard que la recherche de "désir et de glamour" revendiqué en demande est inhérente à ce type de photographies et n'a donc rien d'original. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, "L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial." En application de l'article L.112-1 du même code, "Ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination." La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, [M] [G] contre Standard Verlags GmbH et a., points 88 et s.) et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, ou son ayant-droit, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. Au cas particulier, l'auteur a fait le choix arbitraire et inattendu d'un plan serré sur un visage féminin dont les yeux sont masqués par une superposition "en cascade" de quatre mains dont les ongles sont laqués d'un rouge identique au rouge maquillant les lèvres. Le cliché, par sa composition symétrique et surprenante pour un "portrait", ainsi que le travail sur les couleurs, crée une atmosphère spécifique. Les défendeurs versent en outre de multiples clichés, dont certains sont antérieurs au visuel objet du présent litige, représentant des visages de modèles dont les ongles sont peints en rouge assortis aux lèvres, mais le tribunal constate qu'aucun ne reprend les choix opérés par [H] [Z] à l'occasion de la réalisation de cette photographie, de plan serré sur un visage partiellement masqué par une cascade de mains dont les ongles sont peints de la même couleur que le maquillage des lèvres du modèle, qui ne saurait donc être regardée comme la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Au contraire, l'ensemble témoigne de l'effort créatif de son auteur donnant à la composition l'empreinte de sa personnalité, et confére à la photographie un caractère original, lui ouvrant droit à la protection par le droit d'auteur. 4o) Sur la contrefaçon de la photographie en litige M. [X] [Z] expose que les deux photographies litigieuses reprennent les caractéristiques essentielles de celle publiée en 1970 et réalisée par son père [H] [Z], ne s'en distinguant que par des différences insignifiantes. Il ajoute que même si ces photographies pourraient être qualifiées d'oeuvres composites, son accord était nécessaire pour pouvoir reproduire l'oeuvre d'origine réalisée par son père. La société [P] [J] PRODUCTIONS fait quant à elle valoir que la contrefaçon n'est pas constituée sauf à octroyer à M. [X] [Z] un monopole sur l'idée consistant à bander les yeux d'un modèle par plusieurs mains laissant apparaître les ongles. Elle ajoute que les photographies litigieuses sont sensiblement différentes de celle réalisée par [H] [Z]. Ainsi, en ce qui concerne la première photographie, elle n'a recours qu'à trois mains sur chaque ?il et non cinq, le nez du modèle est totalement visible et ses cils sont recouverts par les doigts, le plan est moins serré de sorte qu'une part plus importante du visage du mannequin, ainsi que l'arrière plan, sont visibles, tandis que l'aspect laqué du vernis et du maquillage est absent. S'agissant de la seconde photographie, il convient selon elle d'ajouter aux différences précitées, l'expression du mannequin dont la bouche est grande ouverte. Subsidiairement, la société [P] [J] PRODUCTIONS soutient que les photographies litigieuses sont le fruit d'une "rencontre fortuite" et que le tribunal devra mettre en balance les droits de l'auteur de l'oeuvre première avec la liberté d'expression de celui des oeuvres secondes. a - Aux termes de l'article L.123-4 du code de la propriété intellectuelle, "Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque." Le juge statue en fonction des ressemblances (Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2015, pourvoi no23-28.768). Au cas particulier, la comparaison des clichés amène à la conclusion qu'en dehors de différences minimes (plan très légèrement moins serré et maquillage et vernis plus mat, dans les oeuvres secondes), la composition originale très reconnaissable de la photographie de portrait réalisée par [H] [Z] d'un plan serré sur un visage féminin dont la partie haute est masquée par une cascade de mains aux ongles peints du même rouge que celui maquillant les lèvres du modèle, est reproduite, voire adaptée s'agissant de la seconde, sur les photographies mises en vente sur le site internet exploité par la société [P] [J] PRODUCTIONS. Rappelons en outre que "la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par la reproduction, la représentation ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés" (Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2008, pourvoi no06-19.021, Bull 2008, I, no258). Le moyen tiré de la "rencontre fortuite" est donc inopérant. La contrefaçon est donc constituée. b - L'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que "Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.( ?) 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire." Ces dispositions consacrent le droit à l'information du public et la liberté d'expression, notamment artistique, tout en rappelant que ce droit doit s'exercer dans le respect des autres droits fondamentaux tels que le droit de propriété dont découle le droit d'auteur. La Cour de Strasbourg retient que la liberté d'expression est dotée d'une force plus ou moins grande selon le type de discours en distinguant la situation où est en jeu l'expression strictement commerciale de l'individu, de celle où est en cause sa participation à un débat touchant l'intérêt général : "L'étendue de la marge d'appréciation dont disposent les Etats contractants en la matière varie en fonction de plusieurs éléments, parmi lesquels le type de « discours » ou d'information en cause revêt une importance particulière. Ainsi, si l'article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression en matière politique par exemple, les Etats contractants disposent d'une large marge d'appréciation lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression dans le domaine commercial (Mouvement raëlien c. Suisse [GC], no 16354/06, § 61), étant entendu que l'ampleur de celle-ci doit être relativisée lorsqu'est en jeu non l'expression strictement « commerciale » de tel individu mais sa participation à un débat touchant à l'intérêt général (Hertel c. Suisse, 25 août 1998, § 47, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI)." (affaire [K] [U] et autres c/ France du 10 janvier 2013, requête no36769/08). Selon l'article 10 précité, les limitations à la liberté d'expression ne sont admises qu'à la condition qu'elles soient prévues par la loi, justifiées par la poursuite d'un intérêt légitime et proportionnées au but poursuivi c'est à dire rendues nécessaires dans une société démocratique. La Cour européenne des droits de l'homme a également précisé dans la décision précitée que l'adjectif "nécessaire" au sens de l'article10 § 2 "implique un besoin social impérieux" (point 38, § ii de l'arrêt). En l'espèce, la société [P] [J] PRODUCTION n'offre même pas d'expliquer en quoi consistait la nécessité de reproduire les éléments caractéristiques et originaux de la photographie réalisée par [H] [Z]. Le tribunal ne peut qu'en déduire que la mise en oeuvre de la protection au titre du droit d'auteur du demandeur constitue une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté d'expression. 5o) Sur les mesures de réparation Il sera en tant que de besoin fait défense à la société [P] [J] PRODUCTION de poursuivre les faits de reproduction de l'oeuvre réalisée par [H] [Z] sur son site internet à l'adresse <peopleimages.com>. En outre, selon l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." Aucune vente en France des photographies litigieuses n'est établie. Le procès-verbal de constat établit néanmoins que les clichés étaient en vente sur le site "peopleimages", accessible depuis la France, sous la forme de licences dont les prix vont de 33 à 250 €. Le cliché original n'est quant à lui vendu que sous la forme de tirages numérotés à un prix de l'ordre de 60.000 euros. Il en résulte un préjudice matériel pour le demandeur, ainsi qu'un préjudice moral résultant de la banalisation de la photographie originale, qui sera réparé par le versement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts à la seule charge de la société [P] [J] PRODUCTIONS qui édite le site internet "peopleimages.com". Les demandes étant fondées sur la présomption tirée de l'exploitation paisible de la photographie, celles formées en réparation des atteintes au droit moral de l'auteur ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, les demandes aux fins de publication de la présente décision, présentées à titre de réparation complémentaire, seront rejetées, le dommage apparaissant comme étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages-intérêts. 6o) Sur les autres mesures Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société [P] [J] PRODUCTIONS sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [X] [Z] la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, Le tribunal, Rejette la demande de M. [X] [Z] tendant à écarter des débats la pièce no24 ; Dit que M. [X] [Z] est recevable à agir en contrefaçon de la photographie parue pour la première fois dans le magazine français Vogue du mois de mai 1970 sous le nom de [H] [Z] ; Dit qu'en reproduisant et en offrant à la vente deux photographies reproduisant les caractéristiques originales de cette oeuvre sur le site qu'elle édite, accessible à l'adresse <peopleimages.com>, la société [P] [J] PRODUCTIONS a commis des actes de contrefaçon ; Fait en tant que de besoin défense à la société [P] [J] PRODUCTIONS d'exploiter en France les photographies litigieuses, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 2 mois suivant la signification de la présente décision et pendant 6 mois ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; Condamne la société [P] [J] PRODUCTIONS à payer à M. [X] [Z] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant son préjudice tant matériel que moral ; Rejette la demande de publication de la présente décision ; Condamne la société [P] [J] PRODUCTIONS à payer à M. [X] [Z] la somme de 9.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société [P] [J] PRODUCTIONS aux dépens et autorise Maître [C] [W] à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. Fait et jugé à Paris le 17 septembre 2020 La GreffièreLa Présidente
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ARRÊT No22/400 No RG 20/01324 - No Portalis DBWB-V-B7E-FM4I S.E.L.A.R.L. [Z] RG 1èRE INSTANCE : 17/03273 COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 22 JUILLET 2022 Chambre civile TGI Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT DENIS en date du 24 juillet 2020 RG no: 17/03273 suivant déclaration d'appel en date du 06 août 2020 APPELANTE : Madame [K] [V] [L] [Adresse 1] [Localité 4] Représentant : Me Béatrice BOYER-BIGOT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.E.L.A.R.L. HIROU [Adresse 2] [Localité 3]) Représentant : Me Olivier HAMEROUX de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION CLÔTURE LE : 28 octobre 2021 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2022 devant la Cour composée de : Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller :Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 10 juin 2022 puis prorogé au 22 Juillet 2022. Greffier: Madame Alexandra BOCQUILLON, ff. ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 22 Juillet 2022. Mme [L] a acquis, le 4 juillet 2008, 15 des 100 parts de la SCCV Lilas, détenue à 70% par la SAS Les Bâtisseurs de Bourbon (la SAS LBB) et ayant pour objet l'acquisition d'un terrain à [Localité 5] et la construction d'un ensemble immobilier de 93 logements et 10 commerces en vue de leur vente en l'état futur d'achèvement. Le 7 juillet 2008, Mme [L] a fait un apport en compte courant de 525.000 euros Courant 2010, Mme [L] a souhaité se retirer de la SCCV et être remboursée de son apport en compte courant, sans subir de pertes financières. Par suite d'une assignation en référé devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis, le président a par ordonnance du 21 juillet 2011 condamné la SCCV Lilas à rembourser à Mme [L] la somme de 462 173,75 euros à titre de provisionnel et a accordé à la SCCV Lilas un délai de grâce d'une année. Après des mesures d'exécution forcée, Mme [L] a obtenu le remboursement de ses apports, déduction faite des pertes de 62.826,25 euros imputées sur son compte courant et correspondant aux pertes des exercices 2008, 2009 et 2010. Mme [L] a, de nouveau, saisi le juge des référés afin d'obtenir le remboursement de ses pertes, lequel l'a par ordonnance du 17 mars 2016 déboutée de cette demande dont l'imputabilité devait être discutée devant le juge du fond. Par acte du 2 octobre 2017, Mme [L] a fait délivrer assignation devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis à l'encontre de la SCCV Lilas et de la SAS LBB afin d'obtenir au principal le remboursement de cette somme de 62.826,25 euros. La SAS LBB a été placée en liquidation judiciaire le 28 octobre 2018 et la SELARL [Z] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur. Par acte d'huissier du 15 janvier 2019, Mme [L] a mis en cause la SELARL [Z] es qualités de liquidateur. La SCCV Lilas a par la suite été placée en redressement judiciaire par jugement du 18 juin 2019 et Mme [L] a par acte d'huissier du 7 octobre 2019 mis en cause la SELARL [Z] es qualités de mandataire judiciaire. Par jugement du 24 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes : -déclare les demandes de Mme [K] [V] [L] recevables, -déboute Mme [K] [V] [L] de ses demandes en remboursement des pertes financières, d'annulation des délibérations tendant à imputer les pertes de la SCCV Lilas sur les comptes courant d'associés, de garantie de la SAS LBB et de dommages et intérêts, -ordonne le retrait de Mme [K] [V] [L] de la SCCV Lilas, -se déclare incompétent pour trancher le prix de cession des parts dans le cadre de la présente instance, -déboute la SCCV Lilas de sa demande en paiement de la somme de 35.062,08 euros, -déboute la SCCV Lilas et la société LBB de leur demande de dommages et intérêts, -rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires, -dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, -condamne Mme [K] [V] [L] aux dépens. Par déclaration du 6 août 2020, Mme [L] a interjeté appel du jugement précité. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 septembre 2021, elle demande à la cour de : - Infirmer le jugement du 24 juillet 2020 en ce qu'il : .l'a déboutée de ses demandes en remboursement des pertes financières .l'a déboutée de sa demande d'annulation des délibérations tendant à imputer les pertes de la SCCV Lilas sur son compte courant d'associée .l'a déboutée de ses demandes en dommages et intérêts et de garantie. Statuant à nouveau - Juger que la SCCV Lilas doit lui rembourser la somme de 62 826,25 € irrégulièrement imputée sur son compte courant d'associé ; En conséquence, - fixer sa créance sur la SCCV Lilas à hauteur de 62.826,25 € ; - juger que la SAS LBB doit lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de majorité ; En conséquence - fixer sa créance sur la société LBB à hauteur de 50.000 euros ; - Annuler toutes les délibérations des assemblées générales tendant à imputer les pertes de la SCCV Lilas sur les comptes courants d'associés ; - Condamner la SELARL [Z] es qualités de mandataire liquidateur de la SAS LBB à la garantir de toutes les sommes auxquelles elle pourrait être exposée lors de la dissolution ou liquidation de la SCCV Lilas ; - Condamner la SELARL [Z] ès qualités de mandataire judiciaire de la SCCV Lilas et mandataire liquidateur de la SAS LBB à lui payer la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC; En tout état de cause, - Débouter la SCCV Lilas de toutes ses demandes reconventionnelles ; - Débouter la SAS LBB de toutes ses demandes reconventionnelles ; - Juger principalement que la SCCV Lilas et la SAS LBB ne sont pas recevables à formuler pour la première fois en cause d'appel une demande d'irrecevabilité concernant la demande de dommages et intérêts pour abus de majorité ; Et, si la cour ne devait pas considérer qu'il s'agissait d'une demande nouvelle, - Juger que la SCCV Lilas et la SAS LBB en se défendant depuis 2017 sur le fond ont renoncé à se prévaloir de la prescription de l'action en réparation de Mme [L] pour abus de majorité. Mme [L] réfute l'idée selon laquelle ses demandes sont irrecevables puisqu'elle soutient qu'elle a procédé aux déclarations de créances correspondantes en parfaite conformité avec l'article L622-22 du Code de commerce. Elle fait valoir que le tribunal a méconnu l'article 1836 alinéa 2 du Code civil qui proscrit l'augmentation des engagements d'un associé sans son accord en la déboutant de ses deux demandes en remboursement intégral de son compte courant sur lequel avaient été imputées à tort des pertes et en annulation des assemblées générales décidant de l'affectation des pertes à son compte courant d'associé. Elle souligne que les statuts de la SCCV Lilas ne contiennent aucune disposition indiquant que les bénéfices seraient intégralement et systématiquement acquis par les associés à la date de la clôture de l'exercice et que les pertes seraient supportées immédiatement et intégralement par les associés. Elle prétend que conformément à l'article 1836 alinéa 2 du Code civil, pour imputer les pertes sur les comptes courants d'associés et par suite les rendre immédiatement exigibles à la clôture de chaque exercice, il aurait fallu modifier à l'unanimité les statuts de la SCCV Lilas. L'appelante sollicite donc la Cour de juger nulles toutes les décisions d'assemblées générales postérieures aux exercices précités ayant décidé sans l'accord de l'associée minoritaire les pertes directement sur son compte courant d'associé Elle relève que l'article 18 des statuts prévoit le versement d'apport pour les associés, soit un apport de 525.000 euros pour elle. Elle certifie que la SAS LBB n'a pas respecté ses engagements et n'a elle-même pas versé son apport de 2.450.000 euros. L'appelante indique que la SAS LBB a été intégralement payée de ses prestations de maîtrise d'oeuvre alors même que l'opération n'était pas achevée. Mme [L] affirme que la société LBB, associée majoritaire à 85%, a largement abusé de sa majorité pour lui imposer toutes ses décisions telles que : -le choix des prestataires ayant un lien d'intérêt avec elle -l'affectation des pertes aux comptes courant non prévue par les statuts -la souscription d'un prêt en hypothéquant les lots de l'opération pour emprunter une somme destinée à rembourser le propre compte courant de la SAS LBB. L'appelante estime qu'elle est une associée minoritaire et néophyte en matière de promotion immobilière, et que la SAS LBB, gérante de la SCCV Lilas, aurait dû redoubler d'attention concernant son devoir d'information. Elle avance que la SAS LBB s'est comportée comme un véritable gestionnaire de patrimoine et n'a pas rempli les obligations attachées à ce statut, notamment en l'informant des difficultés du déroulement de l'opération. Mme [L] expose alors que la SAS LBB par son comportement fautif, ses abus, ses manoeuvres et dissimulations, lui a fait courir un risque anormal et son préjudice est dès lors distinct et personnel de celui de la SCCV Lilas. Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 6 octobre 2021, la SAS LBB, représentée par son liquidateur, la SELARL [Z] elle-même représentée par Me [M] [Z] et la SCCV Lilas représentée par son mandataire la SELARL [H] de [N] prise en la personne de Me [H] [N] demandent à la cour de: - Dire infondée la demande de Mme [L] visant à ce que la cour juge que la SCCV Lilas doit lui rembourser ses pertes de 62.826,25 € et qu'en conséquence sa créance soit fixée à cette hauteur sur la SCCV. - Dire irrecevable la demande de Mme [L] visant à ce que la SAS LBB lui paie une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de majorité et qu'en conséquence sa créance soit fixée à cette hauteur sur la SAS LBB, pour avoir omis de déclarer une créance de cette nature entre les mains du mandataire judiciaire et, en tout état de cause, en raison de la prescription de son action indemnitaire pour abus de majorité ; Subsidiairement, - dire cette demande infondée et l'en débouter. - Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande d'annulation de toutes les délibérations tendant à lui imputer les pertes de la SCCV Lilas sur les comptes courants associés. En tant que de besoin, - dire ses demandes d'annulation prescrites. Statuant à nouveau sur la demande reconventionnelle de la SCCV Lilas : - Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCCV Lilas de sa demande de condamnation de Mme [L] au titre du solde de son compte courant associé débiteur. - Condamner Mme [L] à payer à la SCCV Lilas la somme de 39.289 € arrêtée au 31 décembre 2019 et représentant ses pertes depuis l'exercice comptable 2011 de la SCCV Lilas, sauf à parfaire des pertes de l'année 2020 au prorata de ses parts sociales. Statuant sur les frais irrépétibles et les dépens - Condamner Mme [L] à payer à la SAS LBB et à la SCCV Lilas la somme de 8.000 € chacune à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 5.000 € chacune au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. - La condamner aux entiers dépens qui comprendront le droit proportionnel de l'article A 444-32 du code de commerce avec distraction au profit de la SELAS FIDAL, avocat aux offres de droit. Les sociétés intimées font valoir que conformément à l'article 1832 du code civil et de l'article 44 des statuts, les pertes de la société doivent être supportées par les associés. Elles ajoutent que cette affectation des pertes aux comptes courant d'associés dans les sociétés civiles est parfaitement admise par la jurisprudence. Elles avancent que le compte courant associé de Mme [L] est débiteur de 39.289 € correspondant aux pertes cumulées de la SCCV Lilas au titre des exercices 2011 à 2019 et sollicitent la cour de la condamner au paiement de cette somme. Elles rappellent que l'article L.643-1 du code de commerce précise que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigible les créances non échues, ce qui permet à la SELARL [H] de [N] ès qualités, bien fondée à solliciter la condamnation de Mme [L] à payer les pertes qui lui sont imputables à sa proportion. Les sociétés intimées affirment que l'imputation des pertes aux comptes courants d'associés décidée par les assemblées annuelles (et qui concerne en premier chef la SAS LBB qui les supporte à hauteur de 85%) ne constitue pas une aggravation des engagements des associés qui nécessiterait un accord unanime. Elles exposent que la SAS LBB n'a pas commis d'abus de majorité puisqu'elle a agi dans le but de remédier à des difficultés financières causées par : -emprunt à la Banque de la Réunion, -remboursement des apports de Mme [L]. Elles estiment que les fautes reprochées à la SAS LBB par Mme [L] ne concernent pas des agissements de l'associé majoritaire lors des assemblées générales mais des fautes supposées du gérant dans l'exercice de son mandat social, lesquelles relèvent de l'action ut singuli qu'elle n'a jamais engagé et qui est prescrite. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile. La clôture a été ordonnée le 28 octobre 2021. Par message RPVA du 16 mai 2022, les parties ont été invitées à présenter leurs observations au visa des articles L145-16 et L. 641-9 I du code de commerce et des articles 125, 126, 547, 552, 553 et 554 du code de procédure civile, eu égard aux demandes en fixation de créances formées devant la cour, sur la recevabilité de l'appel, en l'absence de mise en cause par l'acte d'appel des sociétés SAS les Bâtisseurs de Bourbon et SCCV Lilas, parties en première instance et respectivement placées en liquidation judiciaire et en redressement en cours d'instance devant le tribunal les 28 octobre 2018 et 18 juin 2019. Par observations déposées le 2 juin 2022, Mme [L] conclut à la recevabilité de son appel dès lors que seules les modalités de représentation des sociétés intimées ont changé du fait de l'ouverture d'une procédure collective. Elle ajoute qu'il n'y a pas d'indivisibilité entre le mandataire et les sociétés débitrices mais une communauté d'intérêt dans la mesure où l'avocat des sociétés débitrices et du mandataire était le même. Par note du 3 juin 2022, les SAS LBB, représentée par Me [Z], et la SCCV Lilas, représentée par Me [N], font observer qu'en cas d'ouverture de la procédure collective en cours d'instance, même après appel du mandataire ès qualités le débiteur reste partie à l'instance en vertu d'un droit propre à défendre à la fixation des créances au passif. Ce droit à défendre n'entre pas dans les missions du mandataire. En outre, s'agissant d'une instance aux fins d'admission de créance, elles en déduisent un lien d'indivisibilité rendant l'appel irrecevable. En revanche, elles énoncent qu'en application de l'article 550 du code civil, l'appel incident de la SCCV Lilas en paiement du compte courant débiteur de Mme [L] est recevable et non soumis à l'indivisibilité existent en matière de fixation de créances. Vu l'article 16 du code de procédure civile; Attendu que la SAS LBB et la SCCV Lilas ont, dans leurs dernières observations déposées le 3 juin 2022, dernier jour du délai imparti aux parties pour présenter leurs observations, une question nouvelles tirée du sort de l'appel incident et développé un argumentaire nouveau; Que dès lors, pour assurer l'équité des débats et leur caractère contradictoire, il y a lieu pour la cour de permettre aux parties de débattre de ces questions de pur droit; Qu'il convient dès lors d'ordonner la réouverture des débats, sans révoquer l'ordonnance de clôture et d'inviter les parties à présenter leurs observations complémentaires; PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement avant dire droit, - Ordonne la réouverture des débats, sans révocation de l'ordonnance de clôture, - Invite les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité des appels incidents et principaux au visa des articles L145-16 et L. 641-9 I du code de commerce et 125, 126, 547, 552, 553 et 554 du code de procédure civile suivant le calendrier suivant : . Appelante et intimées avant le 1er septembre 2022. - Renvoie l'affaire et les parties pour l'affaire être plaidée à l'audience collégiale de la chambre civile du 10 février 2023 à 8h30; RESERVE toutes les demandes. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON,faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈREsignéLE PRÉSIDENT
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JUDICIAIRE No RG 20/56484 - No Portalis 352J-W-B7E-CSSED Assignation du : 25 Août 2020 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 14 janvier 2021 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE S.A. FRANCE AUTOPARTAGE [Adresse 2] [Localité 9] représentée par Me Corinne LEPAGE, avocat au barreau de PARIS - #P0001 ( avocat postulant), Me Pascal CREHANGE, avocat au barreau de STRASBOURG - 95 ( avocat plaidant), DEFENDERESSE S.A.S. CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Maître Pierre DEPREZ de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0221 A l'audience du 14 Décembre 2020, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Arnaud FAURE, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, EXPOSÉ DU LITIGE : La société AUTO'TREMENT, créée en 1999 à l'origine sous la forme d'une association par des habitants de [Localité 9], met des véhicules à la disposition de ses abonnés. La société AUTO'TREMENT a déposé la marque verbale française "citiZ" le 27 novembre 2008, cédée à la société FRANCE AUTOPARTAGE le 6 septembre 2013. La marque "citiZ" n'est plus en vigueur faute de renouvellement. La société anonyme coopérative FRANCE AUTOPARTAGE, ayant son siège à [Localité 9], offre un service de location de véhicules en libre service 24 h / 24 au moyen d'un service de réservation en ligne, qu'elle exploite et développe sous le nom de CITIZ. La société FRANCE AUTOPARTAGE revendique un réseau de 1500 véhicules, disponibles dans 300 stations, réparties dans 130 villes françaises. Elle est en particulier implantée à [Localité 7] (93) depuis le mois de mars 2020. La sociéte FRANCE AUTOPARTAGE est la titulaire inscrite des marques françaises suivantes: - la marque verbale "Je n'ai plus de voiture, j'ai citiz!", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246022 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules, - la marque verbale "J'ai changé pour une Citiz", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246030 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules, - la marque verbale "Citiz, la liberté au bout de la rue", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246038 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules, - la marque verbale "CITIZ" enregistrée le 11 septembre 2020 sous le no4609920 pour désigner en classes 9, 12, 35 et 39, notamment les logiciels de gestion de flottes de véhicules, les véhicules, la réservation pour le transport à bord de véhicules en autopartage. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE le 5 mars 2020, a pour associé unique la société de droit espagnol CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl, qui est elle-même une entreprise jointe (joint-venture) entre le constructeur automobile français RENAULT et le groupe espagnol FERROVIAL, spécialisé notamment dans la gestion des infrastrucures de transport. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl a lancé à Madrid en 2017 le service d'autopartage dénommé ZITY, présenté comme la contraction de ZOÉ, du nom du véhicule électrique commercialisé par la société RENAULT et principalement utilisé pour ce service, et de CITY. Sous le signe ZITY, la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl propose un service de véhicules en flotte libre (free floating) qui dispense l'utilisateur de ramener le véhicule loué à une borne. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a lancé le même service à [Localité 8], [Localité 5], et [Localité 3] le 22 mai 2020, déployant une flotte de 500 véhicules. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE sl est la titulaire inscrite des marques de l'Union européenne suivantes: - la marque semi-figurative "ZITY", enregistrée le 23 avril 2019 sous le no 17972539 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules : - la marque seni-figurative "ZITY flexible living, flexible driving", enregistrée le 23 avril 2019 sous le no17972539 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules : - la marque semi-figuratuve "ZITY" enregistrée le 21 juillet 2020 sous le no18206151 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules : Estimant que le signe ZITY, sous lequel est exploité le service de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE FRANCE, portait atteinte à ses marques et créait un risque de confusion dans l'esprit du public, la société FRANCE AUTOPARTAGE a, par une lettre du 16 mars 2020, mis en demeure cette société de cesser tout usage de ce signe. Cette mise en demeure, renouvelée le 12 mai 2020, étant restée vaine, la société FRANCE AUTOPARTAGE a, par acte d'huissier du 25 août 2020, fait assigner en référé la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE FRANCE devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser le signe ZITY. Après un renvoi, l'affaire a été appelée à l'audience du 14 décembre 2020. A l'audience, la société FRANCE AUTOPARTAGE a développé oralement ses écritures aux termes desquelles elle demande au juge des référés, au visa des articles L713-1, L713-3 et suivants, L-716-4-6 et L716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, 1240 du code civil, de : - CONSTATER que la société FRANCE AUTOPARTAGE est recevable dans son action et bien fondée dans ses demandes, - REJETER l'intégralité des demandes, fins et prétentions de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France, - DECLARER vraisemblable la contrefaçon de la marque verbale française no4609920 dont est titulaire la société FRANCE AUTOPARTAGE. - DECLARER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE seule responsable des agissements retenus au titre de la contrefaçon. En conséquence, - ORDONNER la cessation immédiate de l'usage, sous quelque support que ce soit, physique ou immatériel par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE des signes ZITY ou tout autre signe imitant la marque de la société FRANCE AUTOPARTAGE sous astreinte de 5.000,00 [cinq mille euros) par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 24 heures suivant la signification de la décision à intervenir. A titre principal, - CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 150.000,00 € (cent cinquante mille euros) à titre de provision du fait des actes de contrefaçon de marque. - CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 20.000 € (vingt mille euros) à titre de provision pour son préjudice moral, du fait des actes de contrefaçon de marque. - CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 150.000,00 € (cent cinquante mille euros) de dommages-intérêts à titre de provision du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire. A titre subsidiaire, - ORDONNER que soit diligentée une expertise comptable afin de fixer le montant des dommages et intérêts dus par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France. En tout état de cause : - CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France à supporter le coût de la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou magazines au choix de la société France AUTOPARTAGE. - CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 20.000,00 € (vingt mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a de la même manière développé oralement ses conclusions par lesquelles elle demande au juge des référés de: A titre principal, - CONSTATER l'antériorité des marques ZITY no017972538 et , no017972539, sur la marque « CITIZ » no 4609920 invoquée par la demanderesse ; - DIRE que la renommée de la marque « CITIZ » no 4609920 n'est pas démontrée ; - DIRE qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé en l'absence de contrefaçon de la Marque « CITIZ » no 4609920; - DIRE que la société France AUTOPARTAGE ne démontre pas avec l'évidence requise en référé qu'il existe un trouble manifestement illicite qui résulterait d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ; En conséquence, - DIRE n'y avoir lieu à référé ; - DEBOUTER la société France AUTOPARTAGE de l'ensemble de son action et de toutes ses demandes de toute nature en ce compris celles formées à l'égard des marques ZITY ainsi que celles relatives à l'usage du signe ZITY par la défenderesse ; En tout état de cause, - CONDAMNER la société France AUTOPARTAGE à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société France AUTOPARTAGE aux entiers dépens de la présente instance sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION La demanderesse invoque, d'une part, une atteinte vraisemblable à ses droits de marque et, d'autre part, le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent générés par le comportement déloyal et parasitaire de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE. 1o) Sur l'atteinte vraisemblable aux droits de marque de la société France AUTOPARTAGE La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient que c'est en pleine connaissance du risque de confusion encouru que la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a fait le choix de déployer une flotte de véhicules reprenant l'identité visuelle des véhicules du réseau Citiz, à savoir des véhicules de couleur blanche, dont seul le toit est peint, en vert pour les véhicules de la défenderesse et en bleu turquoise pour ceux de la demanderesse, avec reproduction de la marque sous sa forme verbale sur la porte avant du véhicule. La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient encore que la défenderesse est mal fondée à invoquer le fait que sa flotte ne serait composée que de véhicules Renault Zoé, dès lors que la presse spécialisée rapporte le prochain déploiement de véhicules Dacia. Elle ajoute que le public ne fait pas la différence entre un service portant sur une flotte libre et celui portant sur une flotte de véhicules devant être ramenés à une borne. La société FRANCE AUTOPARTAGE fonde ses demandes du chef de la contrefaçon vraisemblable sur sa marque "citiZ", expirée, mais dont elle invoque la renommée et sur sa marque "CITIZ" . Elle fait à cet égard valoir avoir consacré de lourds investissements (2 millions d'euros depuis 2013) aux fins d'assurer la promotion de sa marque, laquelle est très visible sur ses véhicules, ses stations, ses agences, les réseaux sociaux et dans la presse. Ainsi, la société FRANCE AUTOPARTAGE produit un sondage au terme duquel 49% des habitants de [Localité 6] cite spontanément CITIZ comme étant une marque d'autopartage. Elle en déduit que sa marque jouit de renommée au sens des dispositions de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle. La société FRANCE AUTOPARTAGE fait encore valoir que le risque de confusion résultant de l'imitation de sa marque CITIZ par le signe ZITY est avéré ainsi qu'en attestent les pièces qu'elle verse aux débats qui relatent que ses propres préposés chargés de l'entretien de sa flotte confondent les véhicules des deux réseaux. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE conclut à l'irrecevabilité et subsidiairement au caractère mal fondé des demandes au titre de la contrefaçon vraisemblable. Elle rappelle en premier lieu que la marque dont la renommée est invoquée est expirée de sorte qu'elle ne peut selon elle être considérée comme une "marque enregistrée" au sens de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle à l'occasion du présent litige, tandis que la marque verbale "CITIZ" no4609920 est postérieure à ses marques "ZITY". La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE expose à cet égard avoir abandonné l'usage de sa marque semi-figurative sur les portes avant des véhicules ainsi que l'usage du liseret vert courant le long du véhicule, non pour copier sa concurrente, mais pour des raisons de coût d'entretien, ce dernier étant facilité par l'emploi de la couleur sur le seul toit du véhicule et l'aposition de la marque sous sa seule forme verbale sur les portes situées à l'avant. Elle joute que la demanderesse ne peut en outre s'approprier des couleurs. Subsidiairement, la défenderesse soutient que les pièces produites sont insuffisantes à établir la renommée de la marque "citiZ" sur une partie significative du territoire français, les habitants de la ville de [Localité 6] ne constituant pas à eux seuls cette part significative, tandis que les autres pièces ne sont pas pertinentes. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE soutient qu'en tout état de cause, aucune confusion n'est possible entre les signes "ZITY" et "CITIZ", qui visuellement, phonétiquement et conceptuellement sont distincts, tandis que le public pertinent fera selon elle parfaitement la différence entre les services proposés par l'une et l'autre société (flotte libre pour CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE et véhicules accessibles et devant être restitués à une borne pour FRANCE AUTOPARTAGE). Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" Selon l'article L.713-2 du même code, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." Il résulte en outre de l'article L.713-3 de ce même code qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice." Selon l'article L.712-1 du code de la propriété intellectuelle, "La propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement. La marque peut être acquise en copropriété. L'enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable." Il appartient au juge des référés, dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés, de considérer l'atteinte alléguée aux droits du titulaire et le sérieux de l'argumentation développée qui est élevée pour s'opposer aux mesures demandées et de faire droit, le cas échéant, aux mesures d'interdiction sollicitées, au regard du principe de proportionnalité, dans l'hypothèse d'une contrefaçon vraisemblable. En l'occurrence, la marque "citiZ" n'est plus en vigueur depuis le 28 novembre 2018. Aucun usage en France d'un signe identique ou similaire en 2020 ne peut donc porter atteinte à l'éventuelle "renommée" de cette marque, en l'absence d'enregistrement. Le dépôt de la marque "CITIZ" no4609920, le 23 décembre 2019 (enregistrement du11 septembre 2020) étant antérieur à celui de la marque "ZITY" (ci-dessous) no18206151, le 6 mars 2020 (enregistrement le 21 juillet 2020), il convient de procéder à une comparaison des titres. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la Directive, dont l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a, par un arrêt du 22 juin 1999 ( [Y] [O] [Z] & Co. GmbH contre [R] [X] BV, Aff. C-342/97), dit pour doit que : "17 Selon la jurisprudence de la Cour, constitue un risque de confusion au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir, en ce sens, arrêts SABEL, précité, points 16 à 18, et du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 29). Il découle du libellé même de l'article 5, paragraphe 1, sous b), que la notion de risque d'association n'est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l'étendue (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, points 18 et 19). 18 Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, point 22). (...) 25 En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. En effet, il ressort du libellé de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, aux termes duquel «... il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion...», que la perception des marques qu'a le consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, point 23). 26 Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, [T] [F] et [A], C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31). Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il en a gardée en mémoire. (...)" Sur la comparaison des produits et services : Il est en l'occurrence constant que la marque dont la contrefaçon est alléguée désigne notamment les logiciels de gestion de flottes de véhicules, les véhicules, la réservation pour le transport à bord de véhicules en autopartage. Les produits et services concernés sont donc similaires. Sur la comparaison des signes : D'un point de vue visuel, les marques ont trois lettres en commun, mais leur première lettre, ou lettre d'attaque, est différente, la marque débutant par un "C" et le titre comparé débutant par la lettre "Z". D'un point de vue auditif, les mêmes observations peuvent être faites. D'un point de vue conceptuel, la marque "CITIZ" renvoie exclusivement à une offre de services urbains, tandis que cet aspect est atténué dans la marque "ZITY" par l'usage en première position de la lettre "Z". Il convient d'en conclure que les signes en litige présentent une similarité moyenne. Sur le public pertinent : Le public pertinent est en l'occurrence constitué des personnes intéressées par le recours au service de véhicules en autopartage. Il s'agit d'un public dont l'attention est relativement élevée et raisonnablement attentif aux services qu'il recherche. Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, qu'en raison des différences entre les signes, même pour partie compensées par la similitude des produits concernés, que le risque que le public pertinent, dont l'attention est relativement élevée, identifie les produits marqués et ceux de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE, comme provenant de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées, n'apparaît pas établi avec l'évidence requise en référé. L'atteinte vraisemblable aux droits de propriété intellectuelle de la société FRANCE AUTOPARTAGE n'est donc pas établie de sorte que les demandes formées sur les dispositions de l'article L716-4-6 du code de la propriété intellectuelle ne peuvent qu'être rejetées. 2o) sur les actes de concurrence déloyale La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient que la défenderesse a repris l'ensemble des caractéristiques de sa flotte de véhicules, constituée de véhicules, dont des Renault Zoé, de couleur blanche, dont le toit est de couleur bleu turquoise, avec un logo quasiment identique de couleur noire sur les portières avant. Elle ajoute qu'une telle reprise ne peut être le fruit du hasard mais vise au contraire tout à la fois à s'approprier le fruit de ses investissements et à créer la confusion dans l'esprit du public. La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE conclut au rejet des demandes de ce chef, soutenant n'avoir fait que décliner à [Localité 8] les choix déjà mis en oeuvre avec succès à Madrid par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl. La défenderesse ajoute avoir effectué ses propres investissements aux fins de développer son offre ZITY, que l'offre ZITY n'est pas déployée sur le même secteur géographique que l'offre CITIZ, que les offres diffèrent sur des points essentiels et en particulier l'offre ZITY fonctionne sans abonnement, les véhicules pouvant être pris et déposés n'importe où, excluant ainsi selon elle tout risque de confusion. En application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire." La condition d'urgence n'est pas requise, ni même l'absence de contestation sérieuse, pour la mise en oeuvre de ces dispositions, il suffit que soit caractérisée une atteinte manifestement illégitime aux droits du demandeur. Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, il est néanmoins constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié. Est de la même manière fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier, ce qui constitue un acte de parasitisme. En l'occurrence, indépendamment de tout droit de marque, il n'est pas contestable que "CITIZ" est le signe utilisé par la demanderesse pour désigner son réseau d'autopartage en France depuis à tout le moins 2013. Ce signe jouit en France d'une certaine "notoriété" ainsi qu'en atteste l'étude de notoriété réalisée (pièce FRANCE AUTOPARTAGE no55) et qui démontre que : - le réseau compte 790 stations en France, dans 140 villes françaises, dont [Localité 9], [Localité 6], [Localité 10], [Localité 4], - l'entreprise organise à de nombreux événements locaux et participe à de nombreux salons, - elle exploite un site internet accessible par le nom de domaine <www.citiz.coop.>, a développé une application, et est suivie, elle-même ou par les opérateurs locaux de son réseau, par 13500 abonnés sur les réseaux sociaux, - elle développe depuis 2013 d'importants moyens pour sa communication, tant locale que nationale, ainsi qu'en atteste la revue de presse réalisée. De tous ces éléments il résulte que la société FRANCE AUTOPARTAGE, via son réseau CITIZ, peut être regardée comme un acteur historique et notoire de l'autopartage, et en particulier de l'autopartage "en boucle" (par opposition au "free floating"), en France. Toutefois, l'imitation alléguée de son concurrent par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE n'est pas servile, sauf à conférer à la demanderesse un monopole sur les véhicules de couleur blanche avec un toit coloré, ainsi qu'en attestent les visuels ci-dessous : Ainsi que le relève en outre à juste titre la défenderesse, les services d'autopartage proposés par l'une et l'autre parties ne sont pas identiques, puisqu'il n'est pas contesté que la demanderesse propose un service d'autopartage en boucle et la défenderesse un service de flotte libre. Il en résulte quele caractère déloyal des agissements de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE n'apparaît pas établi avec l'évidence requise en référé. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société FRANCE AUTOPARTAGE. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société FRANCE AUTOPARTAGE supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes ; Condamne la société FRANCE AUTOPARTAGE aux dépens ; Condamne la société FRANCE AUTOPARTAGE à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 14 janvier 2021. Le Greffier,Le Président, Minas MAKRISNathalie SABOTIER
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COUR D'APPEL DE [Localité 6] Chambre civile TGI RG N : No RG 21/02006 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUKQ Affaire : Ordonnance Référé, origine Président du TGI de SAINT DENIS, décision attaquée en date du 18 Novembre 2021, enregistrée sous le no 21/00267 Monsieur [I] [D] [Adresse 2] [Adresse 7] Représentant : Me Céline CABAUD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [V] [W] [Adresse 2] [Adresse 7] Représentant : Me Céline CABAUD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTSMonsieur [O] [K] Entreprise individuelle immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis sous le numéro 517482949 [Adresse 1] [Localité 5] Représentant : Me Jacques BELOT de la SELAS FIDAL & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A.S. AUSTRALE CONCRETE [Adresse 3] [Localité 4] Représentant : Me Eric BODO de la SELARL ACTIO DEFENDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION ORDONNANCE DE DÉSISTEMENT No Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre, Assisté de Véronique FONTAINE, Greffier, Vu l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en date du 18 novembre 2021 ; Vu la déclaration d'appel de Monsieur [I] [D] et Madame [V] [W], déposée par RPVA le 26 novembre 2021, enregistrée sous les références RG-21-2006 ; Vu l'ordonnance fixant l'affaire à bref délai en date du 18 janvier 2022 ; Vu la seconde déclaration d'appel déposée par RPVA le 16 décembre 2021 par les mêmes appelants contre la même décision, enregistrée sous les références RG-21-2043 ; Vu la demande de jonction adressée par message RPVA du 17 décembre 2021 au motif que cette seconde déclaration d'appel est une erreur ; Vu les conclusions de désistement des appelants déposées par RPVA le 8 mars 2022 tendant au rejet des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; Vu les conclusions déposées par Monsieur [O] [K], exerçant à l'enseigne PISCINE SERVICE REUNION, demandant de constater le désistement et de condamner les appelants à lui payer une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Vu les conclusions No 2 déposées par la SAS AUSTRALE CONCRETE par RPVA le 15 avril 2022, tendant à constater le désistement des appelants et à leur condamnation au paiement d'une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Les incidents ayant été examinés à l'audience du 19 avril 2022. Sur la jonction des instances enregistrées sous les références RG-21-2006 et 21-2043 : Aux termes des articles 367 et 368 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs. Les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire. En l'espèce, il est incontestable que les appels concernent le même jugement et les mêmes parties la seconde déclaration d'appel constituant soit la régularisation de la première, soit un acte superflu comme l'indique le Conseil des appelants. Il convient donc d'ordonner la jonction des deux procédures en précisant que l'instance se poursuivra sous les références les plus anciennes. Sur le désistement de l'appel : Aux termes de l'article 401 du code de procédure civile, le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente. En l'espèce, les intimés ayant conclu au fond, acceptent le désistement et sollicitent une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles. EN conséquence, il convient de faire droit à la demande de désistement des deux appels. Cependant, la partie qui se désiste doit supporter les dépens de l'instance. Les appelants supporteront les dépens et devront verser aux intimés ayant été contraints de constituer avocat par l'effet de l'appel, une indemnité de 1.000 euros à chacun. PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre, statuant contradictoirement, ORDONNONS la jonction des instances d'appel enregistrées sous les références RG-21-2006 et RG-21-2043 ; DISONS que les deux instances se poursuivront sous les références RG-21-2006 ; CONSTATONS le désistement de l'appel dans les deux instances ; DISONS que Monsieur [I] [D] et Madame [V] [W] supporteront solidairement les dépens de l'appel ; CONDAMNONS solidairement Monsieur [I] [D] et Madame [V] [W] à payer à Monsieur [O] [K] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNONS solidairement Monsieur [I] [D] et Madame [V] [W] à payer à la SAS AUSTRALE CONCRETE la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Saint-Denis, le 24 Mai 2022 Le Greffier, Le président,
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COUR D'APPEL DE NOUMÉA Numéro de répertoire général: No RG 19/00127 - No Portalis DBWF-V-B7D-QRI Date de la saisine: 16 Décembre 2019 Date de la décision attaquée:10 Décembre 2019 Origine de la décision attaquée:Tribunal du travail de NOUMEA Magistrat chargé de la mise en état : M. Philippe ALLARD, Président de Chambre ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo LISTE DES PARTIES ET AVOCATS DU DOSSIER Société MELCHIOR, demeurant [Adresse 2] assistée de Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA ============================================================================================================= CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DE PREVOYANCE (CAFAT), Siège : [Adresse 1] assisté de Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA ============================================================================================================= ORDONNANCE SUR INCIDENT DE MISE EN ETAT Nous, Philippe ALLARD, président de chambre, assisté de Petelo GOGO, greffier à l'audience de mise en état du 21 avril 2021 ; l'affaire a été ensuite mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 19 mai 2021, et l'ordonnance rendue de manière contradictoire, signée par Philippe ALLARD, président de chambre, et Petelo GOGO, greffier. Vu le jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal du travail de Nouméa dans une instance opposant la société Melchior à la Cafat, Vu la requête d'appel déposée le 16 décembre 2019 par la société Melchior au greffe de cette cour, Attendu que selon mémoire transmis le 20 août 2020, complété par des conclusions transmises le 16 mars 2021, la Cafat, qui reproche à l'appelante d'avoir méconnu les prescriptions du décret du 24 février 1957 en ne déposant pas sa déclaration d'appel au secrétariat du tribunal du travail, nous demande de : - constater l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Melchior, - constater l'irrecevabilité de la question préjudicielle au tribunal administratif posée par la société Melchior - débouter en conséquence la société Melchior de l'intégralité de ses demandes, - condamner la société Melchior à verser la somme de 150.000 FCFP à la Cafat au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens ; Attendu que selon conclusions transmises le 16 avril 2021, la société Melchior, qui conteste la légalité des dispositions du décret du 24 février 1957 que lui oppose la Cafat, nous prie de : - dire que la solution du litige dépend de la question préjudicielle posée au tribunal administratif de Nouméa portant sur la légalité des articles 10 et 11 du décret no 57-246 du décret du 24 février 1957, - autoriser la plus diligente des parties, en l'occurrence la société Melchior, à saisir le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, sous un mois, afin d'obtenir une réponse à la question préjudicielle qui porte sur l'abrogation ou à défaut, la légalité des dispositions des articles 10 et 11 du décret no 57-246 du décret du 24 février 1957, et qui serait formulée de la manière suivante : « Les dispositions des articles 10 et 11 du décret no 57-246 du 24 février 1957 qui prévoient que l'appel doit être introduit dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la notification 'par déclaration orale ou écrite faite au secrétariat du tribunal du travail' ne sont-elles pas frappées d'illégalité en raison de leur contrariété avec les dispositions du code de procédure civile NC régissant la matière sociale, et, en particulier, les dispositions de l'article 887-6 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ? » - surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal administratif de Nouméa se soit prononcé sur ladite question préjudicielle ; Attendu que l'article 10 du décret no 57-246 du 24 février 1957 relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales dans les territoires d'outre-mer et au Cameroun dispose : « L'appel des décisions du président du tribunal du travail peut être interjeté par chacune des parties intéressées dans les quinze jours de la réception de la notification prévue à l'article 9 du présent décret. Il est porté devant la juridiction d'appel des tribunaux du travail. » que l'article 11 précise : « L'appel est introduit par déclaration orale ou écrite faite au secrétaire du tribunal du travail. ll est transmis dans la huitaine à la juridiction d'appel du tribunal du travail, avec une expédition du jugement et les lettres, mémoires et documents déposés par les parties en première instance et en appel.» Attendu, ainsi que le relève la Cafat, que l'appel n'a pas été formalisé au greffe du tribunal du travail mais au greffe de la cour d'appel, en violation des prescriptions de l'article 11 précité ; Attendu, sans doute, que le code de procédure civile adopté selon délibération no 118/CP du 26 mai 2003 instituant le livre premier et le titre IV du livre deuxième du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, contient des dispositions qui sont en contradiction avec les régles posées par les articles 10 et 11 précités puisque l'article 879-2 du code de procédure civile dispose que les règles de procédure applicables devant le tribunal du travail « sont celles du livre premier du présent code sous réserve des dispositions spécifiques édictées ci-après » et que l'article 887-6 alinéa 2 prévoit que « l'appel est formé au greffe de la cour d'appel » ; Attendu que l'article 4 de la délibération no 118/CP du 26 mai 2003 dispose : « A compter du 1er juillet 2003, sont abrogés : 1o - toutes les dispositions du code de procédure civile rendues applicables en Nouvelle-Calédonie par arrêté gubernatorial du 17 octobre 1862 modifié qui sont contraires au présent code ; 2o - le décret modifié du 17 avril 1928 à l'exception des articles 40, 40-2, 40-3, 40-4, 76-2 alinéa 1, 76-3 à 82, 83-3, 110, 110-1, 111-7, 111-8, 112, 124, 125 et 128 ; 3o - les articles 113, à l'exception du second alinéa, 114, 115 et 116 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 susvisée. » Attendu que les articles 10 et 11 du décret no 57-246 du 24 février 1957 ne figurent pas dans la liste des dispositions abrogées ; Attendu que l'abrogation par un nouveau texte résulte normalement d'une décision explicite de celui-ci, qui en l'espèce fait défaut ; que dès lors que le décret du 24 février 1957 a un domaine d'application spécifique : les jugements rendus en matière de contrainte, et qu'il est admis que le spécial déroge au général, il convient de conclure qu'il n'y a pas eu abrogation implicite des articles 10 et 11 du décret du 24 février 1957 par la délibération no 118/CP du 26 mai 2003 ; que cette solution a d'ailleurs déjà été retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 juin 2016 (pourvoi no 14-25399) ; Attendu que les termes des articles 10 et 11 étaient reproduits dans la lettre de notification du jugement, datée du 13 septembre 2016 de sorte que la société Melchior avait été parfaitement informée du délai et des modalités d'appel ; Attendu que n'ayant pas été formé dans les formes prévues par le décret no 57-246, l'appel de la société Melchior est irrecevable ; PAR CES MOTIFS : Déclarons irrecevable l'appel formé le 16 décembre 2019 par la société Melchior ; Déboutons la Cafat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la société Melchior aux dépens d'appel. Fait en notre cabinet à [Localité 3] le 19 mai 2021, Le greffier,Le président,
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No RG 20/02076 - No Portalis DBWB-V-B7E-FOMT LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 24 JUIN 2022 Chambre civile Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 10 OCTOBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 19 NOVEMBRE 2020 RG no 19/00089 APPELANTE : Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS [Adresse 3] [Localité 4] Monsieur [G] [S] [Adresse 2] [Adresse 5] [Localité 4] Représentant : Me Mihidoiri ALI de la SELARL ALI-MAGAMOOTOO-YEN PON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/4021 du 12/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) DATE DE CLÔTURE : DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2022 devant Monsieur DELAGE Martin, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président , qui en a fait un rapport, assisté de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président :Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Conseiller :Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Conseiller :Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, déléguée à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Qui en ont délibéré Greffier : Mme Nathalie TORSIELLO Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 24 Juin 2022. EXPOSE DU LITIGE 1. Monsieur [G] [S] est né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7] (Comores). Son acte de naissance a été détruit en 1977 et reconstitué par jugement supplétif de naissance rendu le 29 novembre 1980 à la requête de sa mère, Madame [T] [J] née vers 1937 à [Localité 6] (Comores), de nationalité française. 2. La mère de Monsieur [G] [S], Madame [J], a conservé la nationalité française par déclaration souscrite le 11 juillet 1977 devant le Tribunal d'instance de Mamoudzou (Mayotte). 3. S'estimant français par filiation maternelle, Monsieur [G] [S] a sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité, lequel a été rejeté le 22 juin 2010 aux motifs suivants : - La filiation de Monsieur [G] [S] à l'égard de sa mère a été établie par jugement supplétif no1627 du 31 décembre 1980 rendu par le cadi de [Localité 7] (Comores) soit postérieurement à la déclaration de réintégration dans la nationalité française souscrite par sa mère le 11 juillet 1977 devant le TI de Mamoudzou (Mayotte), dossier no1977 DX 013988. Il ne peut bénéficier en conséquence de l'effet collectif attaché à cette déclaration. - La mère de Monsieur [G] [S] n'a mentionné aucun enfant dans son dossier de déclaration. 4. Le 24 août 2010, le Ministre de la Justice a opposé une décision de rejet au recours gracieux qu'il avait exercé à l'encontre de cette décision. 5. Par assignation délivrée le 29 novembre 2018, Monsieur [S] a saisi le tribunal judiciaire de Saint Denis (Réunion) pour faire constater qu'il a la qualité de français. 6. Par jugement du 10 octobre 2020, le Tribunal a fait droit à sa demande en jugeant qu'il est français. 7. Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour en date du 19 novembre 2020, Monsieur le Procureur Général a interjeté appel de ce jugement. Vu les conclusions prises pour le PROCUREUR GENERAL, déposées et notifiées par RPVA le 8 octobre 2021, Vu les conclusions d'intimé No1 prises pour Monsieur [G] [S], déposées et notifiées par RPVA le 2 août 2021, Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions. MOTIFS DE LA DECISION: Sur la recevabilité: 8. A titre liminaire, il convient de noter que la formalité prescrite par l'article 1043 du code de procédure civile a été accomplie par le Ministère public. Le récépissé y afférent est délivré le 1er décembre 2020. L'action du Ministère public est donc recevable. Sur le fond: 9. Le tribunal a considéré que la désignation de la mère dans le jugement supplétif rendu le 29 novembre 1980 valait établissement de la filiation au jour de la naissance de l'intéressé et ainsi déduit que [G] [S] pouvait bénéficier de l'effet collectif attaché à la déclaration souscrite par sa mère, [T] [J]. 10. Le Ministère public considère que [G] [S] échouerait à faire la preuve de sa nationalité française, sa filiation n'ayant été établie a l'égard de [T] [J], que le 24 novembre 1980, soit après qu'elle se soit vu reconnaître la nationalité française par déclaration souscrite le 11/07/1977 devant le juge d'instance de Mamoudzou en application des dispositions de l'article 10 de la Loi no 75 560 du 03/07/1975 et de l'article 9 de la Loino131337 du 31/12/1975. 11. Il incombe en effet à Monsieur [S] de justifier d'un état civil fiable et d'une filiation établie à l'égard de sa mère française pour pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement de l'effet collectif attaché à la déclaration précitée. 12. L'état civil de Monsieur [S] est justifié par les pièces suivantes : - une copie certifiée conforme délivrée le 30 octobre 2019 et légalisée par le Consul des Comores à la Réunion le 14 novembre 2019 de l'acte de naissance no1643 dressé le 31 décembre 1980 au centre d'état civil de [Localité 7] (Comores) aux termes duquel : « Le [Date naissance 1] 1968 est né [G] [S] à [Localité 7], du sexe masculin, fils de [S] [C] né vers mil neuf cent vingt-sept à [Localité 7], maçon, demeurant à [Localité 7] et [T] [J] née vers 1937 à [Localité 7], ménagère, demeurant à [Localité 7] » (pièce no2 de l'intimé). Cet acte a été établi sur la base du jugement supplétif de reconstitution rendu le 29 novembre 1980 par le Tribunal de Cadi de [Localité 7] (Comores). - une expédition conforme à l'original de ce jugement délivrée le 30 octobre 2019 et régulièrement légalisée par Monsieur [I] [H], Consul des Comores à La Réunion, le 14 novembre 2019 (Pièce no3 de l'intimé). - un certificat d'authenticité et de conformité établi par le Substitut du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Mutsamudu le 8 novembre 2019, légalisé par le Consul des Comores en France le 14 novembre 2019 (pièce no9 de l'intimé). Aux termes de ce certificat le Procureur de la République de Mutsamudu (Comores) certifie que « l'acte de naissance no1643 – année 1980 de la Commune de [Localité 7] et le Jugement civil no1627/1980 rendu le 29 novembre 1980 par le Tribunal de Cadi de [Localité 7] sont réguliers et authentiques. Ils ont été rédigés conformément aux formes usitées aux Comores à l'époque, définies par la délibération no61-16 du 17 mai 1961 de l'assemblée territoriale des Comores. Aucun recours n'a été formulé contre le jugement supplétif de naissance ci-dessus référencé de l'intéressé. La commune de [Localité 7] est seule habilitée à recevoir la transcription de l'acte de naissance de l'intéressé. Le registre et les feuilles sont cotés et paraphés par le Procureur de la République. L'acte est mentionné dans la table alphabétique du registre et aucun rajout n'a été effectué postérieurement à la date à laquelle l'acte a été transcrit. » 13. La Cour considère que ces éléments permettent de considérer que l'état civil de Monsieur [S] est suffisamment établi conformément à l'article 47 du code civil. 14. Par suite, Monsieur [S] est né à [Localité 7] (Comores) le [Date naissance 1] 1968, alors que le territoire des Comores était encore sous la souveraineté française, l'indépendance n'ayant été acquise que depuis le 6 juillet 1975. Par déclaration souscrite en 1977, Madame [J], sa mère a conservé la nationalité française (pièce 5). Il est ainsi établi que Madame [J] était française au jour de la naissance de son fils, Monsieur [S]. 15. Le jugement du tribunal de Cadi de Sima le 29 novembre 1980, s'il a bien été rendu après la date de la déclaration de nationalité souscrite par la mère de l'intimé, n'a fait que reconstituer l'acte de naissance de ce dernier. La motivation de cette décision démontre que Monsieur [S] [G] disposait auparavant d'un ancien acte de naissance « no1679 – année 1968 ». Le Tribunal retient que «les registres sur lesquels a été inscrite la naissance du fils de [S] [C] et de [T] [J] ont été détruits en 1977 par le régime déchut ». (pièce 3 de l'intimé). 16. Il est ainsi établi que l'identité des père et mère de l'intimé figurait dans son acte de naissance, qui a été plus tard détérioré par les faits du régime révolutionnaire alors au pouvoir en 1977. Cette décision, reconstituant l'acte de naissance de l'intimé n'a fait que confirmer que lien de filiation déjà établi dans son acte de naissance originaire détruit dont une copie avait été produite devant le Tribunal de Cadi de [Localité 7], permettant ainsi à cette juridiction de prononcer la reconstitution de cet acte, au vu des « autres pièces versées au dossier, les témoignages corroborant et la conclusion favorable du Procureur de la république ». 17. Dès lors, la filiation de Monsieur [S] à l'égard de sa mère, Madame [T] [J], est parfaitement établie dès sa naissance et non depuis le 29 novembre 1980 comme l'a soutenu le ministère public. 18. Selon l'article 11 de la loi no 15-560 du 3 juillet 1975 relative à l'indépendance du territoire des Comores : « Les déclarations souscrites en application de l'article 10 produiront effet à l'égard des enfants mineurs de dix-huit ans du déclarant dans les conditions prévues à l'article 84 du code de la nationalité ». 19. Dans sa rédaction résultant de la loi no73-42 du 9 janvier 1973, applicable en l'espèce, cet article 84 prévoyait : « L'enfant mineur de dix-huit ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit. » 20. Eu égard aux éléments qui précèdent, Monsieur [S], mineur au moment de la déclaration de nationalité souscrite par sa mère, Madame [T] [J], est français en vertu de l'effet collectif attaché à la déclaration souscrite par sa mère le 11 juillet 1977 devant le Juge d'instance de Mamoudzou et enregistrée le 15 septembre 1977. 21. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont reconnu la qualité de français de M. [S] [G]. La décision sera confirmée en toutes ses dispositions. PAR CES MOTIFS: La Cour d'appel de Saint Denis, statuant par décision contradictoire et en dernier ressort, CONSTATE que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ; CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de Saint Denis le 10 octobre 2020. ORDONNE les mentions prévues aux articles 28 et 28-1 du code civil ; DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. LAISSE les dépens à la charge de l'Etat. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
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R.G : No RG 21/01594 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTQ6 [R] EPOUSE [Y] COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS ARRÊT DU 28 JUIN 2022 Chambre civile TGI Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT DENIS en date du 26 AOUT 2021 suivant déclaration d'appel en date du 13 SEPTEMBRE 2021 rg no: 21/00836 APPELANTS : Monsieur [G] [Y] [Adresse 3] [Localité 5] Représentant : Me Alain ANTOINE,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [S] [R] EPOUSE [Y] [Adresse 3] [Localité 5] Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [B] [M] [Adresse 1] [Localité 2] Représentant : Me Didier ANTELME de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [D] [W] [Adresse 1] [Localité 2] Représentant : Me Didier ANTELME de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Clôture: 19 avril 2022 DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Avril 2022 devant la cour composée de : Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, conseillère Conseiller :Madame Isabelle OPSAHL, Vice-présidente placée Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 28 Juin 2022. Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 28 Juin 2022. Greffier : Mme Véronique FONTAINE, Greffier. Exposé du litige Désireux de s'installer à la Réunion, Mme [B] [M] et M. [D] [W] ont fait l'acquisition de la villa de M. [G] [Y] et Mme [S] [R], épouse [Y], (les époux [Y]) sise [Adresse 4] (Réunion). Après avoir constaté de nombreux désordres et vices cachés dans le logement, Mme [M] et M. [W] ont sollicité et obtenu du juge des référés de Saint-Denis qu'il ordonne une expertise. Par jugement du 15 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a prononcé la résolution de la vente et a condamné les époux [Y] à verser à Mme [M] et M. [W] la somme de 390.000 euros en remboursement du prix outre la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Les époux [Y] ont reçu signification de ce jugement le 17 août 2020. Le 18 décembre 2020, Mme [M] et M. [W] ont quitté l'habitation et remis les clefs aux époux [Y] via huissier de justice. Le 18 janvier 2021, Mme [M] et M. [W] ont signifié aux époux [Y] un commandement de payer aux fins de saisie-vente en recouvrement des sommes dues pour un montant total de 403.138,64 euros. Par acte du 8 avril 2021, les époux [Y] ont assigné Mme [M] et M. [W] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Denis qui, par jugement du 26 août 2021 a : déclaré irrecevables les époux [Y] en leur demande tendant à conditionner leur obligation de remboursement à la justification de la levée des hypothèques et à la publication du jugement annulant la vente ; les a déboutés de leurs demandes de délais et de dommages et intérêts pour procédure abusive; les a condamnés à payer à Mme [M] et M. [W] la somme de 2.500 euros au titre des frais non répétibles ainsi qu'aux dépens de l'instance. Par déclaration enregistrée au greffe le 13 septembre 2021, M. [Y] et Mme [R], épouse [Y], ont interjeté appel total de ce jugement. Selon dernières conclusions déposées au RPVA le 13 décembre 2021, M. [Y] et Mme [R] demandent à la cour de : Infirmer le jugement déféré ; Statuant à nouveau : Subordonner l'obligation de paiement des demandeurs à la remise de ces éléments : la confirmation de la levée de l'hypothèque sur la maison ; la publication du jugement annulant la vente auprès des services chargés de la publicité foncière ; Leur accorder un délai de paiement de vingt-quatre mois à compter de l'accomplissement des formalités susvisées ; Ramener les sommes réclamées au titre des intérêts acquis et des frais de procédure à de plus justes proportions ; En tout état de cause, Ordonner la mainlevée de la saisie attribution dénoncée aux demandeurs le 9 mars 2021 et pratiquée entre les mains de BNP PARIBAS pour un montant de 204.407,97 euros ; Condamner Mme [M] M. [W] à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens. Les époux [Y] reprochent au premier juge d'avoir considéré, pour rejeter leurs demandes, que de nouvelles obligations ne pouvaient être imposées à Mme [M] et à M. [W]. Or, ils estiment qu'il convient de considérer que la restitution du prix d'achat intervient en contrepartie de la restitution du bien vendu. S'ils ont bien récupéré les clefs le 18 décembre 2020, ils disent demeurer dans l'attente de la levée de l'hypothèque et de la publication du jugement annulant la vente afin d'obtenir la propriété effective de leur bien conformément aux obligations réciproques des parties. Ils font valoir que compte tenu de l'importance de la somme réclamée dans l'acte d'huissier du 18 janvier 2021 (403.138,64 euros), ils ont dû entamer de longues démarches auprès de banques en vue d'obtenir un prêt dans la mesure où ils avaient déjà des emprunts en cours concernant deux autres biens immobiliers. Ils sollicitent la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 mars 2021 entre les mains de la banque BNP Paribas Réunion pour 204.407,97 euros. Ils précisent que le 15 octobre 2021, postérieurement à leur appel, ils ont toutefois réussi à vendre le bien litigieux et à apurer entièrement leur dette à hauteur de 439.315,08 euros. Ils indiquent réclamer des délais de paiement injustement refusés par le premier juge eu égard aux longues démarches qu'ils ont dû effectuer auprès de banques pour obtenir un prêt, des travaux qu'ils ont dû effectuer durant trois mois car la maison litigieuse leur a été restituée par les intimés dans un état déplorable. Ils ajoutent que ce refus de délais a considérablement retardé la mise en vente du bien d'autant que leurs nouveaux acquéreurs ont dû attendre la réponse de leur banque pour un prêt. Ils sollicitent, en outre, la réduction des intérêts et des frais d'huissier s'élevant à : 9.248,90 euros d'intérêts acquis, 106,86 euros de frais de procédure, qu'ils estiment injustifiés et surabondants eu égard au frais suivants : 837,96 euros d'émolument proportionnel, 944,92 euros de frais d'huissier. Par dernières conclusions déposées au RPVA le 19 janvier 2022, Mme [M] et M. [W] demandent à la cour de : Déclarer M. et Mme [Y] irrecevables et en tout cas mal fondés en leur appel et les en débouter ; Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant, Condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur verser somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ; Condamner solidairement les mêmes, sous la même solidarité, à leur verser une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de première instance et d'appel. Les intimés tiennent, avant toute chose, à préciser qu'ils n'ont pas restitué le bien dans un état déplorable, ainsi qu'en témoigne le constat d'huissier effectué lors de la remise des clefs. Ils soulignent que les appelants sont malvenus de dire qu'ils ont dû réaliser des travaux dans la maison eu égard à leurs carences qui ont précisément conduit à annuler la vente entre eux. Ils font valoir que, considérées comme irrecevables par le premier juge, les conditions que persistent à réclamer les époux [Y] sont devenues sans objet puisque ces derniers ont soldé, au mois d'octobre 2021, via leur notaire, l'intégralité de leur dette, en ce compris les frais d'huissier et de procédure pour lesquels ils réclament curieusement aujourd'hui une réduction. Ayant subi la poursuite d'une procédure qui n'a que trop duré et ayant été exposés à des contraintes coûteuses mais aussi stressantes puisqu'ils ont dû être hébergés en métropole, les intimés soutiennent avoir subi un préjudice moral et d'anxiété pour lequel ils demandent réparation. Par ordonnance du 13 décembre 2021, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 15 mars 2022. A cette audience, la décision a été mise en délibéré au 28 juin 2022 par mise à disposition au greffe. MOTIFS DE LA DECISION Sur les demandes des époux [Y] Les appelants demandent à la cour de subordonner leur obligation de paiement à, d'une part, la confirmation de la levée de l'hypothèque sur la maison et, d'autre part, la publication du jugement annulant la vente de celle-ci auprès des services chargés de la publicité foncière S'agissant de la publication du jugement, il convient de noter que par jugement du 15 juillet 2020 annulant la vente de l'immeuble, le tribunal judiciaire de Saint-Denis avait ordonné la publication de ce jugement au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble à la requête de la partie la plus diligente. Il n'est pas contesté par les parties que le jugement du 15 juillet 2020 n'a pas fait l'objet d'un appel et qu'il est de ce fait devenu définitif. En application de l'article 1355 du Code civil, il n'appartient pas à la cour d'ajouter à une décision passée en force de chose jugée. La cour ne saurait statuer sur une demande visant à confirmer la levée d'une hypothèque, comme demandé par les appelants. Il est à observer que le terme « confirmer », utilisé signifie que l'hypothèque est déjà levée. A cet égard, les parties ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité d'obtenir du notaire une radiation amiable. Il n'appartient pas à la cour de suppléer cette carence d'autant que l'inscription d'hypothèque et la publication du jugement sont sans effet dans les rapports entre les parties mais seulement à l'égard des tiers. Il convient, en lui substituant les présents motifs, de confirmer la décision querellée sur ce point. Par ailleurs, il ressort du dossier les arrêtés de comptes de l'huissier de justice, en date du 23 septembre 2021, établissant un récapitulatif des sommes auxquelles les époux [Y] ont été condamnés par jugement du 15 juillet 2020 ainsi que les intérêts, les frais d'acte et les dépens pour une somme totale de 439.315,08 euros dont l'huissier a demandé le paiement aux appelants (pièce no 42 appelants, no 25 intimés). Or, il ressort de l'attestation du notaire des époux [Y], en date du 9 mars 2022 que le bien sis [Adresse 4] a été définitivement vendu le 15 octobre 2021 par M. et Mme [Y] à M. [A] et qu'après avoir reçu les arrêtés de comptes de l'huissier, le 23 septembre 2021, ce notaire a transféré, le 18 octobre 2021, à l'huissier la somme de 439.315,08 euros réclamée. Il ressort du dossier que les époux [Y] et M. [A] se sont entendus sur un prix net vendeur de 460.750 euros (pièce no 29 appelants). Il résulte de ces éléments, confirmés par les parties en litige, que les demandes des époux [Y] tendant à obtenir des délais de paiement et la réduction des intérêts et frais d'actes d'huissier sont sans objet puisque ces derniers ont déjà réglé, via leur notaire, l'intégralité des sommes qui leur était demandée. Il en est de même, et pour les mêmes raisons, s'agissant de leur demande tendant à la mainlevée de la saisie-attribution du 9 mars 2021, leur notaire ayant réglé les sommes mises à jour par l'huissier dans un acte postérieur à cette saisie comme daté du 23 septembre 2021 (pièce no 42 appelants). Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les demandes des époux [Y], celles-ci étant sans objet. Sur la demande de dommage et intérêts Mme [M] et M. [W] font valoir que les époux [Y] ne pouvaient ignorer, deux mois avant l'émission de leurs conclusions d'appel, avoir soldé leur dette mais qu'ils ont, malgré tout, décider de ne pas se désister pour au contraire persister à les intimer sans raison légitime alors que la procédure les a déjà impactés et a généré du stress et nombre désagréments. Ils demandent en conséquence à être indemnisés au vu de l'appel abusif des époux [Y]. Il convient de relever que les époux [Y] ont interjeté appel le 13 septembre 2021 à une date où ils avaient déjà signé, quatre mois auparavant, le compromis de vente avec M. [A], soit le 11 mai 2021. Ils ont conclu devant la cour le 13 décembre 2021 presque deux mois après la vente définitive du bien signée le 15 octobre 2021 (pièce no 42). Toutefois, il ne peut être considéré que l'appel, proprement dit, des époux [Y] était abusif au moment où il a été interjeté, la vente définitive de l'immeuble n'ayant pas au 13 septembre 2021 été conclue d'autant que l'acquéreur attendait l'accord de la banque pour son prêt (pièce no 44 appelants). D'ailleurs, les intimés versent au dossier un mail du cabinet du notaire [Z] disant que la vente a été régularisée le 15 octobre 2021 (pièce no 26). Mme [M] et M. [W] seront dès lors déboutés de la demande de dommages et intérêts sur le fondement d'un appel abusif. Si les intimés soutiennent avoir subi un préjudice moral et d'anxiété pour lequel ils demandent réparation, force est de constater qu'ils ne formulent aucune demande à ces titres dans le dispositif de leurs écritures. Sur les frais irrépétibles et les dépens Compte tenu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser à Mme [M] et M. [W] la charge des frais non répétibles qu'ils ont dû engager pour faire valoir leurs droits devant la cour et il convient, dès lors, de condamner solidairement, et non in solidum, les époux [Y] à leur payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a écarté les demandes tendant à subordonner le paiement à la radiation d'hypothèque et à la publication du jugement ; Le confirme pour le surplus ; Statuant sur les chefs de jugement infirmés, Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de [G] [Y] et [S] [R], épouse [Y], tendant à obtenir des délais de paiement, la réduction des intérêts et frais d'actes d'huissier et la mainlevée de la saisie-attribution du 9 mars 2021, ces demandes étant sans objet ; Déboute [B] [M] et [D] [W] de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif ; Condamne [G] [Y] et [S] [R] épouse [Y] à payer à [B] [M] et [D] [W] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne [G] [Y] et [S] [R] épouse [Y] aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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No de minute : AFARRET COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt en rectification d'erreur matérielle (ou omission de statuer) du AFDERPRO Numéro R.G. : AFN APPELANT LAPPACC@SM par requête en rectification d'erreur matérielle (ou omission de statuer) du AFDTSAIS d'un arrêt rendu le AFRECOUR@D (RG no : AFRECOUR@N ) par la Cour d'appel de Nouméa faisant suite à une déclaration d'appel du (date premier dossier) sur une décision rendue le (date du jugement initial) par le tribunal de première instance de Nouméa. LISTEAPP@qNRa*zR INTIMÉ LINTACC@SM LISTEINT@qNRa*zR AUTRE PITACC@SM INTERVENANT PITACC@SM LISTEPIT@qNRa*zR COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le AFDERPLA , en audience publique, devant la cour composée de : AFPRESPLA@QpF , président, AFASS1PLA@QpF , AFASS2PLA@QpF , qui en ont délibéré, sur le rapport de AFRAPPPLA@Qp . Greffier lors des débats : AFGREFPLA@Qp Greffier lors de la mise à disposition : AFGREF@Qp - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par AFPRESPLA@Qp , président, et par AFGREF@Qp , greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE PROCÉDURE D'APPEL MOTIFS DE LA DÉCISION PAR CES MOTIFS Le greffier,Le président. PHMAILOBJET_237 PHMAILTEXTE_200
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS CHAMBRE CIVILE No RG 21/01532 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTNH RÉFÉRENCES : Appel d'un Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT PIERRE, décision attaquée en date du 09 Juillet 2021, enregistrée sous le no 21/00795 Madame [G] [A] [B] [S] Représentant : Me Christine LACAILLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/5762 du 13/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) APPELANTMonsieur [W] [N] [S] Représentant : Me Nichka boris simon MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Monsieur [D] [S] Représentant : Me Nichka boris simon MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [G] [M] [S] Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006679 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) Madame [I] [S] Représentant : Me Nichka boris simon MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Monsieur [C] [O] [S] Représentant : Me Nichka boris simon MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Maître Jean-Patrick MOUTIEN Représentant : Me Abdoul karim AMODE de la SELARL AMODE & ASSOCIES (SELARL), Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Maître Corinne ROSSOLIN Représentant : Me Abdoul karim AMODE de la SELARL AMODE & ASSOCIES (SELARL), Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [R] [S] ORDONNANCE DE CADUCITÉ D'APPEL No22/195 Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre assisté de [J] [K], ff Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le no No RG 21/01532 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTNH, Vu l'article 902, alinéa 2 du code de procédure civile, Vu l'avis préalable de constatation à la caducité adressé à l'appelante le 29 Octobre 2021, Vu les observations de Me [L] [E] en date du 12 novembre 2021 ; Attendu que l'appel a été interjeté le 23 Août 2021 ; que l'avis selon l'article 902 du CPC a été adressé le 28 septembre 2021 par le greffe ; que l'appelane avait un délai de 1 mois pour signifier la déclaration d'appel aux intimés défaillants ; que celles-ci n'ont pas été déposées au greffe dans le délai légal imparti par l'article 902 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre, statuant contradictoirement, par décision susceptible de déféré à la Cour, assisté de [J] [K], ff PRONONÇONS la caducité de la déclaration d'appel du 23 Août 2021. DISONS que l'appelante supportera les dépens de la procédure d'appel. Fait à [Localité 1], le 07 Juin 2022 Le greffier, signéLe conseiller de la mise en état, copie délivrée le 01 Juin 2022 à : Me Christine LACAILLE, vestiaire : 135 Me Nichka boris simon MARTIN, vestiaire : 80 Me Khlifi-Etheve
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JUDICIAIRE DE [Localité 10] 3ème chambre 3ème section No RG 18/03307 - No Portalis 352J-W-B7C-CMRUR No MINUTE : Assignation du : 08 Mars 2018 rendu le 05 Avril 2022 DEMANDEURS S.A.S.U. STAFFMATCH FRANCE 1 [Adresse 2] [Localité 6] Monsieur [Y] [G] [Adresse 3] [Localité 9] S.A.S. STAFFMATCH, intervenante volontaire [Adresse 2] [Localité 6] représentée par Maître Jonathan BELLAICHE de la SELARL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0103 DÉFENDEURS S.A.S.U. STAFFME [Adresse 4] [Localité 7] Monsieur [Z] [H] intervenant volontaire [Adresse 1] [Localité 5] représentés par Maître Thibault LANCRENON de la SELARL TRIPTYQUE LAW avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2511 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assisté de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 06 janvier 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 mars 2022, décision prorogée au 05 avril 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : La société STAFFMATCH se présente comme une start-up proposant un service entièrement digitalisé de mise en relation de salariés intérimaires et d'entreprises utilisatrices. Elle constitue, avec la société STAFFMATCH FRANCE, présidée par M. [Y] [G], le groupe STAFFMATCH et détient des participations dans les sociétés STAFFMATCH FRANCE 1 à STAFFMATCH FRANCE 17. La société STAFFMATCH FRANCE 1 exploite les signes suivants: - La marque verbale française « STAFFMATCH » no 4 123 711, enregistrée le 7 octobre 2014 en classes 35, 37 et 42, par M. [G] au profit d'une société alors en cours d'immatriculation; - Le dessin ou modèle français déposé par la société STAFFMATCH le 26 février 2015 et enregistré le 28 août 2015 sous le no2015 0954-001 - La marque verbale de l'Union européenne « STAFFMATCH » no015055882 enregistrée le 29 janvier 2016 en classes 35, 37 et 42 par M. [G] au profit de la société STAFFMATCH FRANCE 1, alors en cours d'immatriculation et ayant fait l'objet d'une rectification enregistrée le 23 avril 2018 ; - l'élément graphique suivant comportant une poignée de main qu'elle expose avoir utilisé dans sa communication interne et dans des supports de communication externe, sans les avoir déposés à titre de marque: La société STAFFME, immatriculée le 21 avril 2016, a pour président et fondateur M. [Z] [H]. Elle se présente comme une plateforme internet de mise en relation de micro-entrepreneurs et d'entreprises pour la réalisation de toutes prestations ponctuelles de services. Elle exploite les deux marques suivantes, déposées respectivement par M. [Z] [H] et la société STAFFME : - la marque verbale française « STAFFME » no4269449, déposée en classes 9, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45, le 2 mai 2016, - la marque semi-figurative française « STAFFME » no164292648, déposée le 9 août 2016 en classes 35, 37 et 42 : Par acte en date du 8 mars 2018, la société STAFFMATCH FRANCE 1 a assigné la société STAFFME devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité des marques « STAFFME » no164269449 et no164292648, en contrefaçon par imitation de la marque « STAFFMATCH » no144123711, ainsi que de ses dessins et modèles et droits d'auteur portant sur ses visuels, ainsi que, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitaire. Par acte en date du 1er juin 2018, M. [H] a assigné, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, M. [G], en nullité de la marque française « STAFFMATCH » no4 123 711. Le 8 novembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de Nanterre sur la marque opposée « STAFFMATCH » no4 123 711. Par une ordonnance du 3 octobre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à l'exception de connexité soulevée par M. [G] et a prononcé son dessaisissement au profit de la présente juridiction. Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 7 mai 2020. Par conclusions du 13 octobre 2020, la société STAFFMATCH est intervenue volontairement à l'instance. Par conclusions du 30 janvier 2021, M. [Z] [H] est intervenu volontairement à l'instance. Dans leurs dernières conclusions no3 signifiées par la voie électronique le 9 avril 2021, les sociétés STAFFMATCH FRANCE 1, STAFFMATCH et M. [G] demandent au tribunal de : A titre principal, - DIRE le dépôt de la marque française « StaffMatch » no14/4123711 régularisé ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de radiation de la marque française « StaffMatch » no4123711 et à titre subsidiaire, - DECLARER M. [Y] [G] recevable et ayant qualité à agir en ses demandes concernant la marque française « StaffMatch » no14/4123711 ; - DECLARER la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [Y] [G] recevables en l'ensemble de leurs demandes ; - DEBOUTER la société STAFFME de sa demande d'irrecevabilité de la demande en contrefaçon du logo représentant une poignée de main protégé par le droit d'auteur ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de nullité de la marque française « StaffMatch » no14/4123711 ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en nullité de la marque verbale communautaire « STAFFMATCH » no015055882 ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de nullité du dessin et modèle no20150954 ; - JUGER que le logo de la société STAFFMATCH représentant une poignée de main est original et qu'à ce titre il est protégé par le droit d'auteur ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en déchéance de la marque verbale française « StaffMatch » no14/4123711 ; - DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en déchéance de la marque communautaire « STAFFMATCH » no0150055882 ; - JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation de la dénomination STAFFME constituent des actes de contrefaçon de la marque « StaffMatch » no14/4123711 ; - JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation de ses logos constituent des actes de contrefaçon des dessins et modèles déposés par la société STAFFMATCH ; - JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation du logo représentant une poignée de mains constituent des actes de contrefaçon du droit d'auteur des sociétés STAFFMATCH ; - DIRE les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 bien fondées et recevables dans leur demande de nullité de la marque verbale « STAFFME » no 4269449 et de la marque française semi-figurative « STAFFME » no4292648 ; - DIRE qu'en déposant, en usant et en exploitant la marque et le logo STAFFME et en utilisant le site internet www.staffme.fr, la société STAFFME a imité la dénomination sociale ainsi que le nom de domaine des sociétés STAFFMATCH et s'est ainsi rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ; En conséquence, - PRONONCER la nullité de la marque « STAFFME » no4292648 déposée le 09 août 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ; - PRONONCER la nullité de la marque « STAFFME » no4269449 déposée le 2 mai 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ; - INTERDIRE à la société STAFFME de faire usage de la marque, de la dénomination ainsi que de tout élément d'identité visuelle « STAFFME », sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ; - CONDAMNER la Société STAFFME à payer aux demandeurs la somme de 262.321,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la contrefaçon de la marque, du logo et des droits d'auteur des sociétés STAFFMATCH, ainsi que du préjudice moral subi ; - ORDONNER la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix des sociétés STAFFMATCH, outre une publication sur le site internet de la société STAFFME, aux frais de cette dernière ; - CONDAMNER la société STAFFME à payer à la société STAFFMATCH la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale ; - DECLARER le montant des indemnités allouées comme produisant intérêt de plein droit au taux d'intérêt légal à compter de la décision rendue par le tribunal de céans A titre subsidiaire, - PRONONCER la nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 déposée le 09 août 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ; - DIRE qu'en déposant, en usant et en exploitant la marque et le logo STAFFME, la société STAFFME s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ; En conséquence, - CONDAMNER la société STAFFME à payer à la société STAFFMATCH la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale ; En tout état de cause, - DEBOUTER les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - DEBOUTER les défenderesses de leur demande de paiement de la somme de 30.000 euros au titre d'un caractère abusif de la présente procédure ; - CONDAMNER la Société STAFFME et M. [H] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution. Dans leurs dernières conclusions no4 notifiées électroniquement le 22 septembre 2021, la société STAFFME et M. [H] demandent au tribunal de : A titre principal : - JUGER que le dépôt le 7 octobre 2014 de la marque française « StaffMatch » enregistrée sous le no4123711 n'est pas valable pour avoir été déposé par M. [Y] [G], en qualité de « gérant » pour le compte d'une société inexistante de [Localité 9] ; - JUGER que l'irrégularité du dépôt de cette marque n'a pas été valablement régularisée par la demande d'inscription d'une rectification publiée au BOPI le 15 juin 2018 ; - ORDONNER la radiation de la marque « StaffMatch » enregistrée sous le no4123711 du registre national des marques, avec publication par l'INPI à la demande de la partie la plus diligente ; - JUGER en conséquence que la demande en contrefaçon de la marque française « StaffMatch » no412371 est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile ; - JUGER en tant que de besoin que la demande en contrefaçon de la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de cette marque ; - JUGER que la demande en contrefaçon de « dessins et modèles » est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de ces « dessins et modèles » ; - JUGER que la demande en contrefaçon de droits d'auteur d'un logo de poignée de mains est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de ces « droits d'auteur » ; - JUGER que la demande à titre principal en nullité des marques « STAFFME » no4269449 et no4292648 des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, les rejeter intégralement ; - JUGER que la demande à titre principal en concurrence déloyale des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - JUGER que la demande subsidiaire en concurrence déloyale des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; A titre subsidiaire : - DECLARER nulle la marque française « StaffMatch » no4123711 en application des articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, pour défaut de distinctivité ; - DECLARER à tout le moins nulle la marque française « StaffMatch » no4123711 en application des articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, pour vice de descriptivité ; - DECLARER nulle la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 en application de l'article 7-1-b du Règlement (CE) no07/2009 (ou à tout le moins de l'article 7- 1-b du Règlement (UE) 2017/1001), pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise en classes 9, 35, 38, 41 et 42, pour défaut de distinctivité ; - DECLARER à tout le moins nulle la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 en application de l'article 7-1-c du Règlement (CE) no07/2009 (ou à tout le moins de l'article 7-1-c du Règlement (UE) 2017/1001), pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise en classes 9, 35, 38, 41 et 42, pour vice de descriptivité ; - DECLARER nul le dessin et modèle no20150954-001 pour violation des dispositions des articles L.511-1 et L.512-4 du code de la propriété intellectuelle, faute d'identification précise du périmètre de protection de ce dessin et modèle ou, a minima, pour absence de caractère propre au sens des dispositions de l'article L.511-4 du code de la propriété intellectuelle ; - JUGER que le logo dont se prévalent des demanderesses n'est pas protégé par les droits d'auteur, faute de constituer une oeuvre de l'esprit originale au sens du Livre I du code de la propriété intellectuelle; - DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; A titre très subsidiaire : - JUGER que M. [G], la société Site Internet et/ou la société STAFFMATCH France 1 est déchu de ses droits sur la marque française « StaffMatch » no4123711 pour défaut d'exploitation sérieuse pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, à compter du 30 janvier 2016, en application des dispositions de l'article L.714- 5 du Code de la propriété intellectuelle ; A titre infiniment subsidiaire : - JUGER que la demande en contrefaçon de la marque « StaffMatch » no412371 est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - REJETER en conséquence les demandes en nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 et de la marque française « STAFFME » no4292648 ; - JUGER en tant que de besoin que la demande en contrefaçon de la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement; - REJETER en conséquence les demandes en nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 et de la marque française « STAFFME » no4292648 ; - JUGER que la demande en contrefaçon de « dessins et modèles » ou du dessin et modèle no20150954-001, dont la protection a par ailleurs expiré, est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - JUGER que la demande en contrefaçon de droits d'auteurs sur un logo de poignée de mains est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - JUGER que la demande à titre subsidiaire en nullité de la marque « STAFFME » no4269449 pour défaut de caractère distinctif et descriptivité est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ; - JUGER que la demande à titre principal en concurrence déloyale des demandeurs, comme la demande subsidiaire en concurrence déloyale, est dénuée de tout fondement et, en conséquence, les rejeter intégralement ; - DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; En tout état de cause : - DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - ECARTER toute exécution provisoire de la décision à intervenir dès lors qu'elle accueillerait une demande adverse, en application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile ; - CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] au versement de la somme de 50 000 Euros eu égard au caractère abusif de leur action, en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ; - CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] au versement de la somme de trente-cinq mille (35 000 €) euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] aux entiers dépens et dire que ces dépens pourront être recouvrés par Maître Thibault LANCRENON, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 6 janvier 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la nullité du dépôt de la marque verbale française no4 123 711 Moyens des parties La société STAFFME soutient qu'à la date de l'assignation, aucune inscription n'indiquait que la marque appartenait à la société Staffmatch France 1. Le dépôt indiquait au contraire qu'elle avait été déposée par M. [G] en tant que gérant d'une société « site internet » en cours de formation, toute régularisation étant dès lors impossible. La société STAFFMATCH expose quant à elle avoir régularisé l'enregistrement de la marque no4123711 le 15 juin 2018 et soutient donc en être titulaire. Elle fait valoir à titre subsidiaire que M. [G] est recevable et bien-fondé en tant que personne physique ayant réalisé le dépôt pour le compte d'une société en formation dont l'intitulé résulte à l'évidence d'une erreur matérielle. Appréciation du tribunal Il est constamment jugé que seuls sont susceptibles de reprise les actes accomplis "pour le compte" d'une société en formation, tandis que les actes accomplis "par" la société en formation elle-même doivent être déclarés nuls pour avoir été conclus par une société dépourvue de la personnalité morale (Cass. Com., 10 février 2021, pourvoi no 19-10.006 ; Cass. Com., 21 février 2012, pourvoi no 10-27.630, Bull. 2012, IV, no 49). Force est en l'occurrence de constater que le dépôt de la marque "Staffmatch" no4123711 a bien été effectué pour le compte de la société en cours de formation (et non par cette même société) de sorte que le dépôt était régularisable. Il doit donc être retenu que la société STAFFMATCH a valablement repris et régularisé le dépôt initial, en ce compris la rectification d'erreur matérielle qui affectait indiscutablement ce dépôt. Ce premier moyen de nullité de la marque no4 123 711 doit donc être rejeté. 2o) Sur la nullité du dépôt de la marque de l'Union européenne no15055882 Moyens des parties La société Staffme soutient de ce chef que le déposant (la société Staffmatch) n'avait pas la personnalité juridique au moment du dépôt, le 16 janvier 2016, son immatriculation datant du 11 mars suivant. Les sociétés demanderesses répliquent que la société Staffmatch existait déjà et qu'elle a simplement fait l'objet d'un transfert de son siège social au Luxembourg par décision du 22 décembre 2015, de sorte qu'elle avait bien la personnalité juridique au jour du dépôt. Appréciation du tribunal Il est établi que la société déposante existait bien au jour du dépôt, ayant simplement changé de forme, en même temps que son siège était transféré de France au Luxembourg. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté. 3o) Sur la nullité du dessin no2015-0515 Moyen des parties Au sujet de ce dessin, la société Staffme soutient qu'aucune action ne peut être engagée sur le fondement des dessins et modèles puisqu'il n'a jamais été enregistré. Appréciation du tribunal Aucun dessin sous cette référence n'est opposé à la société STAFFME de sorte que cette demande ne peut qu'être rejetée comme étant dépourvue d'objet. 4o) Sur la titularité des droits d'auteur sur le logo "poignée de mains" Moyens des parties La société Staffme soutient que la société Staffmatch ne peut se prévaloir d'aucune présomption de titularité non plus que du contrat de cession rédigé pour les besoins de la cause six jours avant son intervention volontaire pour établir la titularité de droits d'auteur sur le logo qu'elle lui oppose à l'occasion de la présente instance. La société Staffmatch soutient quant à elle bénéficier d'une cession de ses droits d'auteur par M. [W] auteur du logo. Appréciation du tribunal Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Il est cependant constant que cette présomption ne peut jouer qu'au bénéfice des personnes physiques (Cass. Civ. 1ère, 19 février 1991, pourvoi no89-14.402, Bull. 1991, I, no69), une personne morale ne pouvant être titulaire ab initio des droits d'auteur (Cass. Civ. 1ère, 15 janvier 2015, pourvoi no13-23.566, Bull 2015, I, no11), à moins que la personne morale justifie d'une exploitation paisible et non équivoque de l'oeuvre sous son nom, encore qu'elle ne pourrait bénéficier que d'une présomption de titularité des droits patrimoniaux à l'égard des tiers (Civ. 1ère, 10 décembre 2014, pourvoi no13-23.076). Les pièces no9 et 48 des demandeurs ("memorandum" de décembre 2014 de [Y] [G] et [E] [W] et contrat de cession gratuite de ses droits d'auteur par M. [W] du 9 octobre 2020) ne démontrent, ni que M. [W] serait l'auteur du logo, ni que ce logo aurait fait l'objet d'une exploitation publique par quiconque, ni même au demeurant qu'il aurait été divulgué. Les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur sont donc irrecevables et à tout le moins mal fondées, sans qu'il soit besoin d'examiner l'originalité alléguée de ce logo. 5o) Sur la nullité des marques verbales française et de l'Union européenne "Staffmatch" pour défaut de distinctivité Moyen des parties La société Staffme demande la nullité des marques pour défaut de caractère distinctif, le signe verbal étant composé de deux termes dont le sens est selon elle compréhensible d'emblée par le public pertinent. Elle soutient que le terme "staff" désigne de manière courante le personnel d'une entreprise tandis que le terme "match" désigne usuellement une rencontre ou une correspondance entre deux éléments, et est largement utilisé par le public français. Ainsi, le signe « StaffMatch » ne présente selon elle pas de distinctivité pour les services désignés. La société Staffmatch invoque quant à elle la jurisprudence "Baby-Dry" et soutient que le signe "Staffmatch" est distinctif pour désigner les services des classes 35, 37 et 42, et en particulier un service de recrutement et de mise à disposition de travailleurs intérimaires. Elle fait valoir que le terme "match" n'est pas usuellement utilisé pour désigner les rencontres et les correspondances par le public pertinent, tandis que le terme « Staffmatch » est une création inattendue qui n'existe ni dans la langue française, ni dans l'usage courant en français, et ne pas en aucun cas être compris comme une façon normale de désigner les services désignés à l'enregistrement. Appréciation du tribunal Selon l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à la date du dépôt, "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;" Selon l'article 4 "Signes susceptibles de constituer une marque communautaire" du Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, applicable à la date du dépôt de la marque en litige, "Peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises." Selon l'article 7 "Motifs absolus de refus" de ce même texte, "1. Sont refusés à l'enregistrement: a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 ; b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ; c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ; d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;" Les dispositions des articles 4 et 7 du Règlement sont identiques à celles des articles 3 et 4 de la Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne. En outre, par un arrêt du 12 février 2004, la Cour de justice (aff. [Adresse 8]) a abandonné la notion d' "écart perceptible" résultant de sa jurisprudence antérieure dite "Baby Dry" (CJCE, 20 septembre 2001, Procter & Gamble C/ OHMI), et a dit pour droit que : "L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments. (voir également les arrêts Koninklijke KPN Nederland du 12 février 2004, C-363/99 et Lancôme parfums et beauté c/ OHMI du 5 février 2010 C-408/08) Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement." Force est en l'occurrence de constater que le néologisme "Staffmatch" ne créé pas une impression suffisamment éloignée des termes "Staff" et "match" envisagés séparément, dont le public pertinent, plutôt jeune s'agissant de services essentiellement voire exclusivement digitaux, et quoique francophone, connaît la signification, à savoir "personnel" et "rencontre" et dont il comprend que le service proposé vise à la "rencontre de personnel" pour des entreprises utilisatrices. Un tel signe n'apparaît pas susceptible de distinguer sans confusion possible les services de la demanderesse de ceux ayant une autre origine. Il en résulte que le signe "Staffmatch" est dépourvu de caractère distinctif pour les services de la classe 35 de "bureaux de placement ; portage salarial ;" tels que désignés à l'enregistrement de la marque verbale française no 4 123 711. Le signe est de la même manière dépourvu de caractère distinctif pour les services suivants de la classe 9 "Applications logicielles de recrutement de travailleurs salariés et intérimaires; Application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs ou de candidats salariés ou intérimaires; Bases de données informatiques permettant la saisie, le stockage, le traitement et la communication de données concernant l'exploitation d'un service d'intérim; Applications mobiles, logiciels et bases de données informatiques permettant l'évaluation et la formation de travailleurs intérimaires; Applications mobiles et logiciels téléchargeables de gestion des ressources humaines.", de la classe 35 "Services d'intérim et de travail temporaire; placement de personnel permanent et d'intérimaires; recherche de données dans des fichiers informatiques pour des tiers; services de conseils et d'assistance en matière de gestion de personnel; services de recherche et recrutement de personnel permanent et intérimaire; services d'intermédiation commerciale [conciergerie]; portage salarial; rédaction de curriculum vitae pour des tiers; services de bureaux de placement de personnel permanent et intérimaire; services de sélection et d'évaluation de candidats à un poste permanent ou intérimaire; services de gestion et d'administration du personnel; sélection du personnel par procédés psychotechniques; sélection de personnel par tests et entretiens visant à évaluer les compétences professionnelles; établissement de statistiques; services de sous-traitance [assistance commerciale]; services de gestion de carrière, d'assistance en matière d'emploi, de reclassement professionnel; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données de profils et de curriculum vitae de travailleurs permanents ou intérimaires; Service de diffusion de petites annonces en matière d'emploi et de recrutement; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données d'opportunités de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Services de mise à disposition sur internet et application mobile de bases de données d'offres d'emplois permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'un site internet permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'un site internet de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; services de diffusion de petites annonces en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de personnel permanent ou intérimaire par le biais de réseaux de communication mobiles, d'internet, et d'applications mobiles; services d'évaluation et de bilan de compétences professionnelles." de la classe 38 " fourniture d'accès à des bases de données dans le domaine de l'emploi et du recrutement; services de communications en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement de personnel; transmission d'information en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; mise à disposition de forums, de services de messagerie, ou de transmission de fichiers en vue de la mise en oeuvre de services d'intérim, d'emploi et de recrutement;" de la classe 41 "Services de formation professionnelle; organisation et conduite d'ateliers de formation; conseil en matière de formation; Services de coaching professionnel; information en matière de formations;" et de la classe 42 "Services d'instruction en matière commerciale et de traitement de données; services de formation du personnel.élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet offrant des services dans le domaine du recrutement et de l'intérim; élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet permettant le partage de commentaires et de contenus entre utilisateurs; programmation pour ordinateurs; stockage électronique de données; Mise à disposition d'une application mobile permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'une application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation de travailleurs par des employeurs; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation d'employeurs par des travailleurs." visés à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne no015055882. 6o) Sur la nullité pour défaut de caratère distinctif des marques "Staffme" Moyen des parties La société Staffmatch sollicite, à titre subsidiaire et pour le cas où ses marques seraient annulées pour ce motif, la nullité des marques françaises « STAFFME » pour défaut de caractère distinctif, soutenant que le terme « STAFFME » signifie « Donne-moi du personnel » ou « Donne-moi du travail ». À titre subsidiaire elle soutient que la marque est descriptive, la société intervenant dans le recrutement. La société Staffme et M. [H] répliquent que leur marque est composée d'une suite ininterrompue de 7 lettres qui n'a pas de signification ordinaire et évidente en langue française, que le public français pourra prononcer de plusieurs façons (Staffmeu ou Staffm) et que ces différents modes de prononciation supposent un examen cognitif qui ne résulte pas de la simple lecture du signe en langue française, ce qui écarte l'absence de caractère distinctif. Elle rappelle que le terme « donne » est absent du signe Staffme et soutient que le signe ne décrit pas une caractéristique d'un produit ou d'un service désigné par la marque. Elle demande par conséquent le rejet de la demande. Appréciation du tribunal Les mêmes règles que celles rappelées ci-dessus (cf 5o) s'appliquent ici. Et de la même manière que précédemment, il doit être retenu que le néologisme "Staffme", que le public pertinent, quoique francophone, prononcera "stafmi" (et non "stafmeu" ou "stafm"), s'agissant d'un public plutôt jeune, le service proposé par la société défenderesse étant entièrement digital, ne crée pas une impression suffisamment éloignée des termes "Staff" et "me" envisagés séparément et dont le public pertinent connaît la signification (de manière plus évidente encore que s'agissant du terme "match"), à savoir "personnel" et "moi", qu'il traduira par "donne moi du personnel", voire "donne moi du travail". Le public pertinent comprend ainsi immédiatement que le service proposé vise à la mise en relation de personnel avec des entreprises utilisatrices. Il en résulte que la marque no4292648 doit être annulée en ce qu'elle est dépourvue de distinctivité pour désigner en classe 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial" et que la marque no4269449 doit l'être en ce qu'elle est de la même manière dépourvue de caractère distinctif pour désigner 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial". 7o) Sur la nullité du dessin et modèle français no2015 0954-001 Moyens des parties La société Staffme soutient que le dessin est décrit comme déposé en couleur, tandis qu'il figure en noir et blanc au dépôt, ce qui constitue selon elle une contradiction entrainant sa nullité. Elle ajoute que ce dessin est nul pour défaut de caractère propre au regard du dépôt préexistant de la marque « StaffMatch ». La société Staffmatch réplique que l'erreur matérielle ne peut constituer une contradiction justifiant la nullité du dessin et modèle et soutient que les défenderesses ne produisent aucun dessin ou modèle ou aucune marque antérieure produisant une impression globale similaire à l'impression produite par le dessin. Appréciation du tribunal Selon l'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, "Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre." L'article L. 511-4 de ce même code prévoit que "Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle." Il est relevé que l'erreur sur la couleur du dépôt pourrait tout au plus s'analyser en un défaut de clarté du modèle, lequel ne figure pas au rang des motifs de nullité, ainsi que le relève à juste titre la société demanderesse. Force est en outre de constater que la marque verbale "Staffmatch" produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente du dessin reproduit ci-dessous : Le dessin doit donc être considéré comme valable. 8o) Sur la contrefaçon a - de marques : Selon l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." L'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêt SABEL, Aff. C-251/95 du 11 novembre 1997 ; et l'arrêt [T] [N] [K] & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, Aff. C-342/97 du 22 juin 1999). Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. Il est en effet indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l'appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (arrêt Canon du 29 septembre 1998, Aff. C-39/97). En l'occurrence, l'annulation des marques dans les classes de services relatifs au portage salarial et à l'intérim, la similitude moyenne des signes, de même que la faible notoriété du signe "Staffmatch", ne peuvent que conduire au rejet des demandes au titre de la contrefaçon de marques faute d'identité et même de similarité des services, de sorte que tout risque de confusion apparaît exclu. b - de modèle : Selon l'article L.513-5 du code de la propriété intellectuelle, "La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente." Par un arrêt du 20 octobre 2011, C-281/10, Pepsi Co, Inc. contre Grupo Promer Mon Graphic SA., la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion d'utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré. Il résulte en l'occurrence de la comparaison du dessin avec les signes "Staffme" que ces derniers ne peuvent être considérés comme produisant sur l'observateur averti une même impression visuelle d'ensemble. La contrefaçon apparaît donc exclue. 9o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties La société Staffmatch soutient que la société Staffme s'est rendue coupable de concurrence déloyale par l'exploitation du signe "STAFFME" qui constitue une imitation manifeste de sa dénomination sociale "STAFFMATCH" ainsi que de son nom de domaine. Elle ajoute que cette société a également copié sa stratégie de développement, créant un risque évident de confusion. Elle souligne que l'action en concurrence déloyale lui est ouverte même en l'absence de droit de propriété incorporelle sur les signes utilisés pour l'exploitation de son activité. La société Staffme réplique que leurs fonctionnements, leurs statuts, leurs clientèles et leurs signes distinctifs sont différents et que les demandeurs ne visent qu'à échapper au jeu normal de la concurrence. Appréciation du tribunal Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. De même, l'action en concurrence déloyale peut être intentée y compris par celui qui ne peut seprévaloir d'un droit privatif (Cass. Com., 12 juin 2007, pourvoi no 05-17.349 ; Cass. Civ. 1ère, 20 mars 2007, pourvoi no 06-11.657 ; Com., 22 octobre 2002, pourvoi no 00-14.849 ; 6 décembre 1984, pourvoi no 82-16.828). A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié. Est de la même manière fautif le fait, pour un agent économique, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. Le tribunal ne peut que constater ici que le signe "StaffMatch" jouit d'une notoriété très relative, tandis que ce même signe a été considéré comme non distinctif pour désigner les services de portage salarial et de mise à disposition de salariés intérimaires, qui constituent l'activité du groupe demandeur. En outre, le signe constitué d'une poignée de mains, en supposant qu'il soit exploité, apparaît totalement dépourvu d'originalité, étant abondamment utilisé par de nombreuses autres entreprises ainsi que le démontrent les défendeurs. Il ne peut davantage être considéré comme déloyal pour un concurrent de développer, comme les demandeurs, une activité totalement digitalisée ou dirigée vers les étudiants. Aucune déloyauté n'est donc caractérisée, non plus qu'aucun investissement individualisable et à ce titre protégeable en application des règles de la responsabilité civile délictuelle de droit commun. Les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formées par les sociétés Staffmatch ne peuvent donc qu'être rejetées. 10o) Dispositions finales Les succès et échecs respectifs des parties en leurs prétentions commandent de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il y a lieu en revanche de considérer ici les demandeurs comme partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile et de les condamner in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux défendeurs, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 5.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le tribunal, Déclare irrecevables les demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur formées par les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 ; Prononce l'annulation de la marque verbale française "Staffmatch" no 4 123 711 pour défaut de caractère distinctif pour désigner les services suivants de la classe 35 : "bureaux de placement ; portage salarial " ; Prononce l'annulation de la marque verbale de l'Union européenne "Staffmatch" no015055882 pour défaut de caractère distinctif pour désigner les services suivants de la classe 9 : "Applications logicielles de recrutement de travailleurs salariés et intérimaires; Application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs ou de candidats salariés ou intérimaires; Bases de données informatiques permettant la saisie, le stockage, le traitement et la communication de données concernant l'exploitation d'un service d'intérim; Applications mobiles, logiciels et bases de données informatiques permettant l'évaluation et la formation de travailleurs intérimaires; Applications mobiles et logiciels téléchargeables de gestion des ressources humaines.", de la classe 35 : "Services d'intérim et de travail temporaire; placement de personnel permanent et d'intérimaires; recherche de données dans des fichiers informatiques pour des tiers; services de conseils et d'assistance en matière de gestion de personnel; services de recherche et recrutement de personnel permanent et intérimaire; services d'intermédiation commerciale [conciergerie]; portage salarial; rédaction de curriculum vitae pour des tiers; services de bureaux de placement de personnel permanent et intérimaire; services de sélection et d'évaluation de candidats à un poste permanent ou intérimaire; services de gestion et d'administration du personnel; sélection du personnel par procédés psychotechniques; sélection de personnel par tests et entretiens visant à évaluer les compétences professionnelles; établissement de statistiques; services de sous-traitance [assistance commerciale]; services de gestion de carrière, d'assistance en matière d'emploi, de reclassement professionnel; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données de profils et de curriculum vitae de travailleurs permanents ou intérimaires; Service de diffusion de petites annonces en matière d'emploi et de recrutement; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données d'opportunités de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Services de mise à disposition sur internet et application mobile de bases de données d'offres d'emplois permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'un site internet permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'un site internet de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; services de diffusion de petites annonces en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de personnel permanent ou intérimaire par le biais de réseaux de communication mobiles, d'internet, et d'applications mobiles; services d'évaluation et de bilan de compétences professionnelles." de la classe 38 " fourniture d'accès à des bases de données dans le domaine de l'emploi et du recrutement; services de communications en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement de personnel; transmission d'information en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; mise à disposition de forums, de services de messagerie, ou de transmission de fichiers en vue de la mise en oeuvre de services d'intérim, d'emploi et de recrutement;" de la classe 41 : "Services de formation professionnelle; organisation et conduite d'ateliers de formation; conseil en matière de formation; Services de coaching professionnel; information en matière de formations;" et de la classe 42 : "Services d'instruction en matière commerciale et de traitement de données; services de formation du personnel.élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet offrant des services dans le domaine du recrutement et de l'intérim; élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet permettant le partage de commentaires et de contenus entre utilisateurs; programmation pour ordinateurs; stockage électronique de données; Mise à disposition d'une application mobile permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'une application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation de travailleurs par des employeurs; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation d'employeurs par des travailleurs" ; Prononce l'annulation de la marque verbale française "StaffMe" no4292648 pour défaut de caractère distinctif pour désigner en classe 35 les services suivants : "services de bureaux de placement ; portage salarial" ; Prononce l'annulation de la marque semi-figurative française "StaffMe" no4269449 pour défaut de caractère distinctif pour désigner en classe 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial"; Dit que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI aux fins de transcription au Registre des Marques à l'initiative de la partie la plus diligente ; Rejette les demandes des sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 fondées sur la contrefaçon de marques et de dessin français (interdiction, publication de la décision, paiement de dommages-intérêts) ; Rejette les demandes des sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ; Rejette les demandes formées, tant par les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE1, que par la société STAFFME au titre de l'abus de procédure ; Condamne les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 et M. [G] in solidum aux dépens et autorise Maître Thibault Lancrenon, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 et M. [G] in solidum à payer à la société STAFFME et à M. [H] la somme de 5.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques. Fait et jugé à Paris le 05 avril 2022. LA GreffièreLa Présidente
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No RG 22/00405 - No Portalis DBWB-V-B7G-FVQB [Z] VEUVE [F] COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 06 JUILLET 2022 Chambre des déférés DÉFÉRÉ d'une décision rendue par le CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT DE SAINT-DENIS en date du 05 AVRIL 2022 - RG no 21/00906 - suivant Requête - procédure au fond en date du 05 AVRIL 2022 REQUÉRANTS : Monsieur [S] [F] [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Sophie MARGAIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [W] [F] [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Sophie MARGAIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [M] [F] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [N] [Z] veuve [F] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DÉBATS : En application des dispositions des articles 785, 786 et 916 al.2 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2022 devant la cour composée de : Président :Monsieur Alain CHATEAUNEUF, Premier président Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère Conseiller :Madame Mélanie CABAL, Conseillère Qui en ont délibéré A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 06 Juillet 2022. Greffier lors des débats : Mme Nathalie BEBEAU, Greffier Greffier lors de la mise à disposition : Mme Nathalie TORSIELLO, Greffier ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 Juillet 2022. EXPOSE DU LITIGE Par déclaration enregistrée par RPVA le 21 mai 2021, Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F] ont formé appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis le 16 mars 2021, ayant : - condamné solidairement Madame [W] [F] et Monsieur [S] [F] à payer à Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], les sommes de : * 17 425 euros au titre du prix des matériaux et du coût de la main d'oeuvre de la construction édifiée sur leur terrain; * 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, Le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Par déclaration déposée par RPVA le 5 avril 2022, Monsieur [S] [F] et Madame [W] [F] ont saisi la cour en déféré des suites de l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 5 avril 2022: - les déboutant de leur demande tendant à ce que l'appel soit déclaré irrecevable ; - disant que l'appel est recevable ; - rejetant les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - laissant à leur charge les dépens de l'incident ; - renvoyant l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 23 juin 2022 pour clôture et fixation. De ce chef, Monsieur [S] [F] et Madame [W] [F] sollicitent, aux termes de leur requête, de : -réformer l'ordonnance susvisée ; -déclarer Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], irrecevables en leur appel et de les débouter de toutes demandes, fins et conclusions contraires ; -condamner Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], à leur verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Au soutien de leurs prétentions, Monsieur [S] [F] et Madame [W] [F] exposent essentiellement, au visa des articles 914 et 546 du code de procédure civile, que les appelants sont privés de tout intérêt à interjeter appel dès lors qu'ils ont obtenu entièrement satisfaction en leurs demandes, telles que fixées par le seul dispositif de leurs conclusions ; que tel est bien le cas en l'espèce, alors qu'ils ont sollicité devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis, aux termes de leur assignation, la condamnation solidaire des défendeurs à verser la somme de 17 425 euros ; que d'ailleurs, le premier juge a pris soin de préciser dans le corps de sa décision qu'il convenait de faire droit à leurs demandes dans les termes de leurs écritures, le juge ne pouvant pallier à la carence de ceux-ci sur ce point ; que, dans son ordonnance, le conseiller de la mise en état ne statue pas sur l'intérêt à agir, mais uniquement sur la recevabilité en la forme de l'appel. Aux termes de leurs écritures déposées par RPVA le 27 mai 2022, Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], sollicitent la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation de Monsieur [S] [F] et de Madame [W] [F] à verser chacun la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens. A l'appui de leurs prétentions, Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], soutiennent essentiellement que : -dans le corps de l'assignation, chacun des demandeurs sollicitait pour son compte la somme de 17 425 euros ; -dans le dispositif de l'assignation, il n'avait pas été indiqué que la demande de condamnation à hauteur de 17 425 euros était solidairement demandée par les deux demandeurs, de sorte qu'elle concernait bien chaque demandeur ; -en tout état de cause, les dispositifs des articles 564 à 567 du code de procédure civile permettent de déroger à la prohibition de toute demandes nouvelles devant la cour d'appel, en particulier s'agissant de l'augmentation du quantum des demandes prétentions formées devant la juridiction de première instance. A l'issue de l'audience du 30 mai 2022, la décision a été mise en délibéré au 6 juillet 2022 par mise à disposition au greffe. Aux termes de l'article 916 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci ou lorsqu'elles prononcent l'irrecevabilité des conclusions en applications des dispositions des articles 909 et 910. Sur la recevabilité du déféré La requête en déféré a été déposée selon les formes et délais prescrits par la loi, elle sera donc déclarée recevable. Sur la recevabilité de l'appel Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoquées simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été. L'article 546 du même code dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé ; que l'intérêt à agir d'une partie constitue une fin de non-recevoir, dont l'examen relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état et non de la cour statuant au fond ; que les appelants sont privés de tout intérêt à interjeter appel dès lors qu'ils ont obtenu entièrement satisfaction en leurs demandes, telles que fixées par le seul dispositif de leurs conclusions ; Or, en l'occurrence, quoique ne soutiennent Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], dans le dispositif même de l'assignation délivrée devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis le 6 octobre 2020, sans qu'il ne soit justifié de conclusions postérieures, ils ont sollicité la condamnation solidaire des époux [F] à leur verser la somme de 17 425 euros au titre du prix des matériaux et le coût de la main d'oeuvre de la construction édifiée sur leur terrain ; que s'y ajoute, la mention, dans le corps de l'assignation, de ce qu'ils requéraient du premier juge d'homologuer le rapport d'expertise et de retenir une somme de 17 425 euros à la charge des défendeurs au titre de la somme résiduelle due ; qu'il est ainsi suffisamment établi que Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], ont obtenu, aux termes du jugement du 16 mars 2021, entièrement satisfaction en leurs demandes. En conséquence, Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], ne rapportent pas la preuve de leur intérêt à agir ; que leur appel sera ainsi déclaré irrecevable, sans qu'il ne soit besoin d'examiner l'argument tiré de la possibilité offerte à l'appelant d'augmenter le quantum en cause d'appel de ses prétentions, qui est sans conséquence sur la recevabilité de l'appel, s'agissant d'une question de fond relative à la recevabilité des demandes nouvelles formées en cause d'appel. L'ordonnance déférée sera infirmée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], qui succombent, supporteront les dépens. L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La chambre des déférés de la cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, conformément à la loi et par décision mise à disposition au greffe, Déclare le déféré recevable en la forme ; Infirme l'ordonnance déférée ; En conséquence : Fait droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F] ; Déclare Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], irrecevables en leur appel interjeté à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 16 mars 2021 ; Laisse à Monsieur [M] [F] et Madame [N] [Z] veuve [F], es qualité de représentante légale de l'enfant [J] [U] [F], la charge des dépens ; Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que le dossier RG 21/906 sera clôturé par mention au dossier. Le présent arrêt a été signé par Madame Mélanie CABAL , substituant vu l'urgence Monsieur Alain CHATEAUNEUF, Premier président, et par Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre civile TGI No RG 19/03113 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJOD Madame [N] [Y] [D] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD - SAUBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTMonsieur [F] [U] [W] [Adresse 3] [Localité 4] Représentant : Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D'AVOCATS MICKAEL NATIVEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [F] [K] [B] [Adresse 1] [Localité 4] Madame [T] [M] [Adresse 1] [Localité 4] S.A. CBO TERRITORIA SA au capital de 42 919 085.12 € - Prise en la personne de son Représentant Légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège. [Adresse 5] [Localité 4] Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 07 Juin 2022 Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre chargé de la mise en état, assisté de Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, lors de l'audience du 3 mai 2022 et Véronique FONTAINE, Greffier lors de la mise à disposition. FAITS ET PROCÉDURE Vu le jugement réputé contradictoire en date du 27 novembre 2019, prononcé par le tribunal de grande instance de Saint Denis ayant : Débouté Madame [D] de l'intégralité de ses demandes ; Débouté la SA CBO TERRITORIA de sa demande indemnitaire pour procédure abusive_; Condamné Madame [D] à payer à la SA CBO TERRITORIA la somme de 1200 i au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamné Madame [D] aux entiers dépens. VU la déclaration d'appel déposée par Madame [D] le 3 décembre 2019 ; Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la cour d'appel le 25 février 2022, renvoyant l'examen d'un incident de caducité non purgé ; Vu les premières conclusions d'appelante déposées par RPVA le 3 mars 2020 ; Vu les conclusions déposées par RPVA le 29 juillet 2020, par la société CBO TERRITORIA, demandant au conseiller de la mise en état de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de Madame [D] et sur la non caducité de celui-ci, et, sur le fond, la condamner à lui payer 3.000 euros de frais irrépétibles et 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Vu les conclusions d'incident aux fins de rabat de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats déposés par RPVA le 17 août 2020 par Monsieur [F] [U] [W], tendant à : REVOQUER l'ordonnance de clôture rendue le 25 juin 2020 ; DONNER ACTE à M. [W] [F] [U] de ce qu'il entend soulever la caducité de la déclaration d'appel de Mme [D] [N] [Y] ; DEBOUTER Mme [D] [N] [Y] de toute conclusions et prétentions contraires. RESERVER les dépens ; Vu les dernières conclusions d'incident déposées par RPVA par Madame [D] le 5 avril 2022, tendant à : DEBOUTER Mr [F] [U] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions. CONDAMNER Monsieur [F] [U] [W] aux entiers dépens de l'incident. Madame [D] fait valoir que les délais de l'article 908 ont été suspendus par l'effet de l'Ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020, relative à l'état d'urgence sanitaire. Elle a donc pu régulièrement déposer ses premières conclusions au greffe de la cour le 3 mars 2020. L'affaire ayant été examinée à l'audience du 3 mai 2022, en l'absence de conclusions d'incident invoquant la caducité de la déclaration d'appel de la part de Monsieur [W]. Sur la caducité de la déclaration d'appel : Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. La déclaration d'appel a été déposée par Madame [D] le 3 décembre 2019. Elle disposait donc d'un délai de trois mois pour déposer ses conclusions au greffe de la cour et d'un délai de quatre mois pour signifier ses conclusions aux intimés défaillants. Le délai de trois mois expirait donc le 3 mars 2020. Madame [L] invoque la suspension des délais en vertu de l'Ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020. L'état d'urgence sanitaire a provoqué la modification du calcul des délais de la procédure civile, sous l'égide de l'Ordonnance susvisée, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Aux termes de l'article 1er de cette ordonnance, ces dispositions sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020. Or, en l'espèce, le délai pour déposer ses conclusions au greffe de la cour expirait avant le 12 mars 2020. Madame [D] est dès lors mal fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de la suspension du délai de trois mois prévu par l'article 908 susvisé. En conséquence, il convient de prononcer la caducité de la déclaration d'appel déposée le 3 décembre 2019 par Madame [D] à l'encontre du jugement en date du 27 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis. Sur les autres demandes : Seule la société CBO a formé des demandes par conclusions d'incident adressées au conseiller de la mise en état. Cependant, elle y a présenté des prétentions au fond qui sont irrecevables devant le conseiller de la mise en état, s'agissant de la demande de dommages et intérêts. Mais elle peut obtenir une indemnité au titre de ses frais irrépétibles alors que Madame [D] supportera les dépens de l'appel. PAR CES MOTIFS Le Conseiller de la mise en état, statuant publiquement, et par décision susceptible de déféré, PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel ; DECLARE IRRECEVABLES les demandes " au fond " de la société CBO TERRITORIA ; CONDAMNE Madame [N] [Y] [D] à payer à la société CBO TERRITORIA une indemnité de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Madame [N] [Y] [D] aux dépens de l'appel. La présente ordonnance a été signée par le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Véronique FONTAINEle conseiller de la mise en état
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No RG 20/00810 - No Portalis DBWB-V-B7E-FL2F Société SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TR AVAUX PUBLICS (SMABTP) Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 24 JUIN 2022 Chambre civile Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT DENIS en date du 17 MARS 2020 suivant déclaration d'appel en date du 12 JUIN 2020 RG no 17/03196 APPELANTE : SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP) [Adresse 7] [Localité 6] Représentant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [K] [Z] [V] [N] [Adresse 1] [Localité 8] Représentant : Me Tania LAZZAROTTO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [D] [T] épouse [B] [Adresse 4] [Localité 5] Représentant : Me Caroline CHANE MENG HIME de la SELARL AVOCATS ET CONSEILS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Monsieur [J] [B] [Adresse 4] [Localité 5] Représentant : Me Caroline CHANE MENG HIME de la SELARL AVOCATS ET CONSEILS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) [Adresse 3] [Localité 6] Représentant : Me Tania LAZZAROTTO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2022 devant Monsieur DELAGE Martin, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président , qui en a fait un rapport, assisté de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président :Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Conseiller :Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Conseiller :Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, déléguée à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président Qui en ont délibéré Greffier : Mme Nathalie TORSIELLO Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 24 Juin 2022. EXPOSE DU LITIGE 1. Suivant acte sous seing privé en date du 9 mai 2003, les époux [B] ont confié à M. [N], architecte, une mission de maîtrise d'oeuvre de conception (phase études) et d'exécution (phase travaux), relative à la construction d'une villa sise [Adresse 2] à La Réunion. 2. M. [N] était assuré à ce titre, en responsabilité civile professionnelle (RCP) et responsabilité civile décennale (RCD) auprès de la MAF ASSURANCES. 3. Les travaux de construction ont été réalisés par la société ARTEBAT OI, assurée en responsabilité civile décennale (RCD) auprès de la SMABTP. Cette société a néanmoins été liquidée. La réception de l'ouvrage est intervenue le 28 octobre 2004. 4. En début d'année 2012, durant la période de garantie décennale, les époux [B] ont constaté le décollement de certains carreaux du bassin de la piscine. Le sinistre a été déclaré à la SMABTP, assureur Responsabilité Civile Décennale de la société ARTEBAT OI. 5. L'assureur a décliné sa garantie au motif que cette activité, la pose de carreaux de pâte de verre dans une piscine par mortier colle sur une étanchéité de type MET2, n'était pas couverte par la police d'assurance souscrite. 6. Le Cabinet EUREXO a été mandaté par l'assureur protection juridique des époux [B] aux fins de diligenter une expertise amiable contradictoire. Il ressortait de cette expertise que les désordres étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à destination à terme. L'expert alertait les époux [B] quant au caractère évolutif desdits désordres. 7. Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, les époux [B] ont sollicité le juge des référés aux fins de voir diligenter une expertise judiciaire. 8. Par ordonnance rendue le 18 septembre 2014, le juge des référés a ordonné l'expertise judiciaire, et a désigné M. [L] en qualité d'expert. L'expert a déposé son rapport le 13 juillet 2015, lequel met en évidence la réalité du désordre affectant le bassin de la piscine, ainsi que les responsabilités encourues. 9. Le 23 août 2017, les époux [B] ont assigné Monsieur [K] [N] et la MAF en vue de leur condamnation en réparation du désordre atteignant leur piscine en concluant expressément que la garantie de la SMABTP n'est pas mobilisable. 10. Par assignation du 29 janvier 2019, la MAF et Monsieur [N] ont assigné la SMABTP aux fins de mise en cause et d'être relevés indemnes de toutes condamnations. 11. Par décision en date du 17 mars 2020, le tribunal judiciaire de Saint Denis: REJETTE l'exception de prescription soulevée par la SMABTP ; DIT que l'activité de la société ARTEBAT OI dans le chantier des époux [B] faisait bien partie des activités faisant l'objet de la garantie décennale souscrite auprès de la SMABTP ; DIT que les conditions de la garantie décennale sont applicables au cas d'espèce ; CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes Français assurances (MAF) à payer à Madame [D] [B] et Monsieur [J] [B] la somme de 11 660 € ; DIT que la SMABTP devra garantir et relever indemnes Monsieur [K] [N] et la MAF de cette condamnation ; CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes Français assurances (MAF) à payer à Madame [D] [B] et Monsieur [J] [B] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que la SMABTP devra garantir et relever indemnes Monsieur [K] [N] et la MAF de cette dernière condamnation ; CONDAMNE la SMABTP à payer à Monsieur [K] [N] et à la MAF la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ; CONDAMNE la SMABTP aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire. 12. La SMABTP a fait appel de cette décision par déclaration enregistrée le 12 juin 2020. Vu les conclusions prises pour la société mutuel d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), déposées et notifiées par RPVA le 26 février 2021, par lesquelles elle demande à la cour de : JUGER que l'assignation en référé du 26 juin 2014 n'a suspendu et interrompu le délai décennal qu'au profit des époux [B] ; JUGER que l'assignation de mise en cause de la SMABTP par la MAF, délivrée le 29 janvier 2019 est hors délai, par conséquent que l'appel en garantie de M. [N] et de la MAF à l'encontre de la SMABTP ne pouvait prospérer ; JUGER que M. [N] et la MAF sont forclos à appeler en garantie la SMABTP, A titre subsidiaire, JUGER que l'activité déclarée par l'assuré est différente de celle qui a conduit à la survenance des désordres pour lesquels sa garantie est mobilisée ; JUGER que la SMABTP est en droit d'opposer à la MAF l'exception d'assurance pour absence d'activité garantie ; JUGER que M. [N] engage sa responsabilité dans les désordres à hauteur de 50 % et qu'il ne pouvait être déchargé de toute responsabilité et charges dans la réparation des désordres ; JUGER que la MAF doit sa garantie à M. [N] et que M. [N] et la MAF devront garantir la SMABTP de la part des condamnations mises à leur charge; CONDAMNER la MAF et M. [N] à payer à la SMABTP la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Vu les conclusions prises pour Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes français ( MAF) déposées et notifiées par RPVA le 9 mars 2021, par lesquelles, ils demandent à la cour de: JUGER que les désordres en cause ne sont pas de nature décennale ; JUGER que la responsabilité de l'architecte, Monsieur [K] [N] ne saurait être engagée ni sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ni sur celui du droit cornmun des contrats ; A TITRE SUBSIDIAIRE INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [K] [N] et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) à payer aux époux [B] la somme de 11 660 € sur le fondement de l'article 1792 du Code civil et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. EN CONSEQUENCE JUGER recevable l'action en garantie de Monsieur [K] [N] et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) à l'encontre de la SMABTP, sur le fondement des articles 1792 et suivants comme l'ont fait les premiers juges ou à défaut sur celui de la responsabilité quasi-délictuelle de l'article 1240 du même code; JUGER que la SMABTP ne peut opposer d'exception de non assurance pour les désordres en cause: Et en conséquence : CONFIRMER le jugement déféré dans ses dispositions relatives à la garantie de la SMABTP. EN TOUT ETAT DE CAUSE: DEBOUTER la SMABTP et les consorts [B] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [K] [N] et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), CONDAMNER la SMABTP à payer à Monsieur [K] [N] et à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAP) la somme de 3.000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise. Vu les conclusions prises pour les époux [B], déposées et notifiées par RPVA le 10 novembre 2020, demandant à la cour de: JUGER qu'un contrat d'architecte a été conclu entre M. [K] [N] et les époux [B] en date du 09/05/2003 ; JUGER que l'architecte était investi d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète comprenant une "phase études", et une "phase travaux" ; JUGER que M. [K] [N] était assuré auprès de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES) ; JUGER que les désordres qui affectent la construction des époux [B] sont de nature décennale en ce qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination « du fait du risque de blessure coupure encouru par les propriétaires du bien » ; CONSTATER l'impossibilité de poursuivre la société ARTEBAT OI du fait de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet ; CONSTATER que l'assureur de la société ARTEBAT OI a décliné sa garantie au motif que les travaux réalisés n'étaient pas couverts par la police d'assurance souscrite . JUGER qu'il incombe à l'architecte chargée d'une mission complète de vérifier l'assurance effective des entreprises intervenantes sur le chantier qu'il dirige . JUGER que l'architecte, M. [N], a commis une faute en ne vérifiant pas que la société ARTEBAT OI était assurée pour les travaux pour lesquels elle était missionnée ; JUGER que l'architecte engage sa responsabilité en sa qualité de constructeur de l'ouvrage, conformément aux articles 1792 et suivants du code civil ; ET PAR CONSÉQUENT : HOMOLOGUER le rapport d'expertise judiciaire de M.[L]. en date du 13/07/2015 ; CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis le 17 mars 2020, en toutes ses dispositions. EN TOUT ETAT DE CAUSE : DEBOUTER M. [K] [N], la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ASSURANCES, et la SMABTP, de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions CONDAMNER SOLIDAIREMENT M. [K] [N], la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ASSURANCES, et la SMABTP à verser à M. [J] [B] et Mme [D] [T], épouse [B] la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire . Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions. MOTIFS DE LA DECISION: 13. Les demandes tendant simplement à voir «dire » et « juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas. Sur la garantie de la police SMABTP 14. La responsabilité de ARTEBAT OI a été retenue par l'expert judiciaire en raison d'un défaut de mise en oeuvre du système d'étanchéité. L'expert précise également la responsabilité de l'architecte au motif du défaut de vérification des activités déclarées et couvertes par l'assureur responsabilité civile (RC) et responsabilité civile décennale (RCD). 15. La Cour constate que la SMABTP n'a jamais assuré l'entreprise ARTEBAT OI pour l'activité d'étancheur, si bien que sa garantie n'était pas mobilisable pour ce désordre. Les travaux de pose de carrelage dans une piscine sont d'une toute autre nature que la pause classique de carrelage dans une cuisine ou une salle de bain. Ils supposent une qualification particulière, des produits spécifiques devant être mis en oeuvre. 16. La police d'assurance souscrite n'assurait que les travaux de technique dite « courante », ce que la cour considère n'être pas le cas en l'espèce. L'expert lui même a relevé que la mise en oeuvre du complexe de revêtement de la structure en béton n'entrait pas dans la catégorie des travaux dits «courants», dès lors qu'ils nécessitaient le respect de préconisations spécifiques du fournisseur des produits mis en oeuvre. L'étanchéité ne fait pas partie des activités couvertes par la SMABTP. 17. La décision sera réformée en ce qu'elle a condamné la SMABTP à garantir et relever indemnes Monsieur [K] [N] et la MAF de la condamnation sans qu'il soit besoin de statuer sur l'éventuelle prescription de l'action dirigée contre la SMABTP. Sur la garantie de l'architecte et de son assureur: 18. Selon l'architecte, M. [N], le désordre affectant la piscine, ne serait pas de nature décennale. Subsidiairement, il considère qu'aucun manquement ne saurait lui être reproché au regard de la mission qui lui a été confiée - Concernant la nature du désordre: 19. L'expert judiciaire a constaté un désordre unique, concernant la partie immergée de la piscine : un décollement des carreaux 20 mm x 20 mm en pâte de verre - mosaïque de couleur bleu saphir, servant de revêtement au bassin d'une piscine. Il précise qu'un grand nombre de carreaux sont décollés de façon isolée, en divers endroits immergés de la piscine (parois et fond). Une analyse chimique du complexe « étanchéité-colle-carreaux-joints » a été réalisée par le laboratoire POLYMEX. Il en est ressorti que les produits de collage et de jointure employés par la société ARTEBAT OI lors de la pose des carreaux étaient inadaptés. Selon, l'expert ce désordre rend l'ouvrage impropre à sa destination, du fait du risque de blessure et/ou coupure encouru par les propriétaires du bien. 20. Les constatations de l'expert ne sont pas utilement contestées par les parties. La cour considère que le désordre affectant la piscine de Monsieur et Madame [B] est de nature décennale. - Concernant la responsabilité de l'architecte: 21. L'article 1792 du Code civil pose le principe selon lequel, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. 22. L'article 1792-1 alinéa 1er du même code ajoute que l'architecte lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage est réputé constructeur. 23. Par ailleurs, la responsabilité civile décennale de l'architecte est engagée de plein droit, sans que le maître de l'ouvrage ait à prouver une faute dans l'exécution de ses obligations, à moins qu'il ne parvienne à faire la preuve d'une cause étrangère de nature à l'exonérer, partiellement ou intégralement. 24. En l'espèce, l'architecte n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère. La cour considère, de manière surabondante, que l'architecte se devait de vérifier l'assurance de la société ARTEBAT OI par rapport aux travaux commandés. Si cette dernière était assurée des conséquences de la pause de carrelage, elle n'était pas assurée pour la pause de carrelage dans une piscine, le carrelage restant constamment immergé. 25. Comme rappelé plus haut, la police d'assurance souscrite n'assurait que les travaux de technique dite « courante », ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'expert judiciaire ayant relevé que la mise en oeuvre du complexe de revêtement de la structure en béton n'entrait pas dans la catégorie des travaux dits «courants », dès lors qu'ils nécessitaient le respect de préconisations spécifiques du fournisseur des produits mis en oeuvre. L'étanchéité ne fait pas partie des activités couvertes par la SMABTP. Le maître d'oeuvre du fait de l'étendue de sa mission (conception et exécution) se devait de vérifier que l'entreprise était bien couverte pour l'ensemble des tâches traditionnelles réalisées et pour celles ne relevant pas de techniques courantes. 26. La décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné le maître d'oeuvre et son assureur à payer à Madame [D] [B] et Monsieur [J] [B] différentes sommes en application de la garantie décennale. Sur les demandes annexes: 27. Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur et Madame [B] l'intégralité des frais engagés dans la présente instance et non compris dans les dépens, Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes français (MAF) seront condamnés à leur verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 28. De même, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SMABTP l'intégralité des frais engagés dans la présente instance et non compris dans les dépens, Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes français (MAF) seront condamnés à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 29. Monsieur [K] [N] et la mutuelle des architectes français (MAF) qui succombent supporteront les dépens. PAR CES MOTIFS: La Cour d'appel de Saint Denis, statuant par décision contradictoire et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Saint Denis en date du 17 mars 2020, sauf en ce qu'elle a condamné la SMABTP à garantir et relever indemnes Monsieur [K] [N] et la MAF des différentes condamnations prononcées contre eux et l'a condamnée aux dépens de l'instance comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, Condamne Monsieur [K] [N] et la MAF à verser à Monsieur et Madame [B] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Monsieur [K] [N] et la MAF à verser à la SMABTP la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Monsieur [K] [N] et la MAF aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
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JUDICIAIRE No RG 22/50813 - No Portalis 352J-W-B7F-CVUGC Assignation du : 30 Novembre 2021 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 31 mai 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE S.A.S. BRAINBOX [Adresse 3] [Localité 1] représentée par Maître Grégoire BERTROU du LLP WILLKIE, FARR ET GALLAGHER LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0037 DEFENDERESSE S.A.S. ALENTOUR [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Maître Karine RIAHI de la SAS SPRING LEGAL, avocats au barreau de PARIS - #P 579 A l'audience du 19 Avril 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, EXPOSÉ DU LITIGE : 1 - La société Brainbox développe et exploite une plateforme digitale, à l'origine dénommée "Tous voisins", désormais "Alentoor", proposant aux internautes d'une localité donnée des événements et activités de loisirs à proximité, ainsi que des annonces immobilières et d'emploi. Aux fins de cette activité, elle a déposé la marque verbale française "Alentoor" enregistrée le le 4 novembre 2019 sous le no4595971 pour désigner en classe 35 les services de "Publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; service de gestion informatisée de fichiers ; optimisation du trafic pour des sites web ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; conseils en communication (publicité) ; relations publiques ; conseils en communication (relations publiques)", et en classe 38 les services de "Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d'ordinateurs ; communications par réseaux de fibres optiques ; communications radiophoniques ; communications téléphoniques ; radiotéléphonie mobile ; fourniture d'accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux ; mise à disposition de forums en ligne ; fourniture d'accès à des bases de données ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; agences de presse ; agences d'informations (nouvelles) ; location d'appareils de télécommunication ; émissions radiophoniques ; émissions télévisées ; services de téléconférences ; services de visioconférence ; services de messagerie électronique ; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux". 2 - Ayant découvert le lancement d'une plateforme dénommée "Alentour" exploitée par la société du même nom, et proposant la mise en relation des professionnels du tourisme (hôtels, chambres d'hôtes, campings, offices de tourisme,...) avec les professionnels des activités de loisirs, permettant à la clientèle des premiers de réserver une activité proposée par les seconds, dans des conditions de nature à créer selon elle un risque de confusion avec sa marque "Alentoor", la société Brainbox a, par une lettre du 7 octobre 2021, mis en demeure la société Alentour de cesser d'exploiter le signe "Alentour", déposé à titre de marque semi-figurative française le 23 juin 2021 pour désigner différents services en classes 35 ("Service d'intermédiaire commercial entre promoteurs de destinations (à savoir : Comités Régionaux Touristiques, Offices de Tourisme des Villes ou autres influenceurs indépendants) et de l'hébergement ; services de mise en relation avec des promoteurs de destinations (à savoir : Comités Régionaux Touristiques, Offices de Tourisme des Villes ou autres influenceurs indépendants) ou des professionnels de l'hébergement; mise en relation commerciale de professionnels de l'hébergement et des promoteurs de destinations ; mise à disposition d'informations commerciales en matière de tourisme, hébergement, loisirs et/ou divertissement à partir de bases de données en ligne ; mise à disposition de coordonnées commerciales et d'affaires dans le domaine du tourisme, des loisirs et de l'hébergement via Internet ; référencement de sites web à but commercial ou publicitaire ; aide aux promoteurs de destinations et/ou aux professionnels de l'hébergement dans la conduite de leur affaires ; informations commerciales par le biais de sites web en matière d'offres touristiques, de loisirs et d'hébergement; informations et conseils commerciaux aux promoteurs de destinations, aux professionnels de l'hébergement et du tourisme ; gestion de base de données et compilation de bases de données ; recueil de données dans un fichier central et dans des bases de données ; gestion de fichiers informatiques ; services publicitaires dans le domaine de l'hébergement, du tourisme, de la promotion territoriale ; promotion des services et produits touristiques ainsi que des produits et services dans le domaine de l'hébergement ou des loisirs") , 38 (" Fourniture d'accès et mise à disposition de bases de données ; fourniture d'accès à des bases de données dans le domaine du tourisme, de l'hébergement, des loisirs et/ou du divertissement ; mise à disposition de bases de données d'activités et de loisirs ; Services d'accès à des données ou à des documents stockés électroniquement dans des fichiers centraux pour consultation à distance ; fourniture d'accès et mise à disposition de forums de discussion en ligne; fourniture d'accès et mise à disposition de blogs en ligne; tous les services précités se rapportant aux domaines du tourisme, de l'hébergement, des loisirs et/ou du divertissement"), 39 (" informations concernant le tourisme ; réservations de voyage ou de transport via une plateforme de réservation en ligne"), 41 ( "Informations en matière de loisirs ou de divertissement ; réservation d'activités de loisirs ou de divertissement via une plateforme de réservation en ligne ;ervices de réservation et de préréservation de billets concernant les activités et les événements dans les domaines du divertissement et des loisirs"), 42 ("Exploitation (gestion) d'un site web de tiers en ligne permettant la mise en relation des hébergeurs et promoteurs de destinations") et 43 ("Informations en matière d'hébergement, d'hôtellerie et/ou de restauration ; réservation de restaurants via une plateforme de réservation en ligne"), ce que cette dernière a refusé invoquant la différence de services proposés par l'une et l'autre. 3 - C'est en cet état que, par acte d'huissier délivré le 30 novembre 2021, que la société Brainbox a fait assigner en référé la société Alentour devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris siégeant à l'audience du 7 février 2022, afin qu'il soit fait défense à cette société d'utiliser le signe "Alentour". 4 - Dans ses dernières conclusions développées oralement à l'audience du 19 avril 2022 à laquelle cette affaire avait été renvoyée pour plaidoirie, la société Brainbox demande au juge des référés, vu les articles L. 713-1 et s. et L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, de : - La Déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes ; - Juger que les actes commis par ALENTOUR par l'usage de la dénomination « Alentour » dans le cadre de son activité d'exploitation d'une plateforme numérique de tourisme de proximité constituent une contrefaçon de la marque « Alentoor » dont BRAINBOX est titulaire ; - Interdire à ALENTOUR de faire usage ou de concéder tout droit d'usage de la dénomination « Alentour », sous quelque forme et de quelque titre et nature que ce soit, dans le cadre de son activité d'exploitation d'une plateforme numérique de tourisme de proximité, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 50.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner à ALENTOUR, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois après la signification de la décision à intervenir, la publication d'un encart (d'une taille devant être au minimum égale à 1/5 ème de l'écran) sur la page d'accueil du site internet « Alentour.fr » indiquant les termes de la décision à intervenir, pour une durée de trois mois ; - Juger que le président du tribunal judiciaire de Paris restera compétent pour connaitre de la liquidation éventuelle des astreintes qu'il aura ordonnées ; - Rappeler que l'exécution provisoire est de droit ; - Condamner ALENTOUR à réparer les préjudices subis par BRAINBOX et à lui payer la somme provisionnelle de 1.000.000 euros sur dommages-intérêt, en réparation des préjudices résultant de façon manifeste de la contrefaçon et de l'usage frauduleux de la marque « Alentoor» dont BRAINBOX est titulaire ; - Débouter ALENTOUR de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; - Condamner ALENTOUR à payer à BRAINBOX la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner ALENTOUR en tous les dépens de l'instance. 5 - Dans ses dernières conclusions développées oralement à l'audience du 19 avril 2022, la société Alentour demande quant à elle au juge des référés, au visa des articles L.713-2, L.713-3 et L.716-4-6 et L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle et 1er de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945, de : A titre principal : - Écarter des débats les Pièces 33, 34 et 38 produites par la société BRAINBOX ; - Dire irrecevable et mal fondée la société BRAINBOX en son action en référé-contrefaçon introduite à l'encontre de la société ALENTOUR ; - Débouter la société BRAINBOX de toutes fins, demandes et conclusions au titre de l'action en référé-contrefaçon introduite à l'encontre de la société ALENTOUR ; - Dire que le lancement de la plateforme ALENTOUR par la société ALENTOUR et les actes commis par la société ALENTOUR par l'usage de la dénomination "ALENTOUR" dans le cadre de l'exploitation de la plateforme ALENTOUR ne constituent pas une contrefaçon de la marque ALENTOOR dont la société BRAINBOX est titulaire ; - Dire que la société BRAINBOX n'a subi aucun préjudice lié à l'exploitation de la marque ALENTOUR et à la plateforme ALENTOUR par la société ALENTOUR. A titre subsidiaire : - Dire que le prétendu préjudice subi par la société BRAINBOX au soutien de son action en référé-contrefaçon introduite à l'encontre la société ALENTOUR est sérieusement contestable et - Débouter la société BRAINBOX de toutes fins, demandes et conclusions au titre de l'action en référé-contrefaçon introduite à l'encontre de la société ALENTOUR. A titre reconventionnel : - Ordonner la constitution d'une garantie de 1.550.000€ destinée à assurer l'indemnisation éventuelle de la société ALENTOUR en qualité de défenderesse si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures prononcées à son encontre annulées ; - Interdire à la société BRAINBOX d'utiliser la marque ALENTOOR pour les produits et services de la marque ALENTOUR réservés par la société ALENTOUR pour les classes 35, 38, 39, 41, 42 et 43 ; - Condamner la société BRAINBOX à payer à la société ALENTOUR la somme de 70.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société BRAINBOX en tous les dépens de l'instance. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 6 - La société Brainbox fait, en substance, valoir que la vraisemblance de la contrefaçon de la marque "Alentoor" résulte ici de la quasi identité des signes et des services proposés par les parties, en particulier ceux concernant les activités de loisirs. Elle indique à cet égard que les même annonces sont référencées sur les deux plateformes et que les particuliers sont susceptibles d'être mis en contact avec les annonces de la société Alentour, contrairement aux affirmations de cette dernière. 7 - La société Alentour conteste quant à elle toute contrefaçon du signe "Alentoor" et invoque à cet égard la différence entre les logotypes exploités par les deux sociétés, la différence des services proposés, les siens étant exclusivement tournés vers le tourisme, tandis que la demanderesse s'adresse à la population d'un secteur géographique y résidant, auquel elle propose un service beaucoup plus large intégrant des annonces immobilières et d'emploi. La société défenderesse en déduit que le public concerné n'est pas le même et que "l'expérience client" est radicalement différente, excluant par là-même tout risque de confusion. Appréciation du juge des référés 8 - Selon l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" Il résulte en outre de l'article L.713-2 de ce même code qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 9 - L'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêt SABEL, Aff. C-251/95 du 11 novembre 1997 ; et l'arrêt [I] [W] [G] & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, Aff. C-342/97 du 22 juin 1999). Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. Il est en effet indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l'appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (arrêt Canon du 29 septembre 1998, Aff. C-39/97). 10 - Force est en l'occurrence de constater que les services des classes 35 et 38 visés à l'enregistrement de la marque "Alentoor" ne sont que pour partie les mêmes que ceux concernés par l'exploitation du signe "Alentour", cette exploitatoin étant exclusivement dédiée au tourisme, ce qui n'est pas le cas de la marque "Alentoor", qui désigne des services beaucoup plus vastes de publicité en ligne et de fourniture d'une base de données concernant des annonces beaucoup plus variées. La similitude visuelle entre les signes, en outre, est forte, tandis que ces derniers sont identiques d'un point de vue auditif. De la même manière, la similitude conceptuelle entre les signes est forte, l'un et l'autre renvoyant à la fourniture d'une activité ou d'un service dans un secteur géographique donné (les signes désignent par là-même l'un et l'autre une caractéristique des services proposés). Le public pertinent, enfin, n'est pas le même, la marque "Alentoor" visant tout internaute recherchant une activité ou un service à proximité, tandis que le signe "Alentour" vise en premier lieu les professionnels du tourisme lesquels mettent à la disposition de leurs clients (par hypothese des touristes), les services de la société "Alentour", uniquement accessibles au moyen d'une connexion intranet. 11 - Il en résulte qu'en dépit de leurs similitudes visuelle, auditive et conceptuelle, le public pertinent ne peut faire aucune confusion entre la marque "Alentoor" et le signe "Alentour", les services de la société Alentour n'étant pas directement destinés, ni d'ailleurs accessibles, aux internautes à la recherche d'activités sur leur lieu de vacance, qui ne pourra des lors les confondre. La contrefaçon vraisemblable de la marque "Alentoor" n'est donc pas établie, pas plus que celle de la marque "Alentour" (demande reconventionnelle de la défenderesse). 12 - Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Brainbox supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société Alentour la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes, principales comme reconventionnelles, des sociétés Brainbox et Alentour ; Condamne la société Brainbox aux dépens ; Condamne la société Brainbox à payer à la société Alentour la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est, de plein droit, assortie de l'exécution provisoire. Fait à [Localité 4] le 31 mai 2022 Le Greffier,Le Président, Minas MAKRISNathalie SABOTIER
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T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG 17/14651 - No Portalis 352J-W-B7B-CLSHU No MINUTE : Assignation du : 17 octobre 2017 rendu le 18 avril 2019 DEMANDERESSES E.U.R.L. JEU DE BOULES [Adresse 2] [Localité 7] Madame [H] [S] [Adresse 1] [Localité 8] représentées par Me Elise WEISSELBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2164 DÉFENDERESSES Madame [V] [C] [Adresse 4] [Localité 5] représentée par Me Laurent SALEM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1392 Madame [J] [X] [P] [Adresse 6] [Localité 3] représentée par Me Bénédicte LAVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1141 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Gilles BUFFET, Vice président Karine THOUATI, Juge assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier A l'audience du 19 Février 2019 tenue en audience publique Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : L'EURL DU JEU DE BOULES commercialise les bijoux fantaisie haut de gamme créés par Mme [H] [S] et ce, sous le nom commercial de cette dernière et sous sa propre marque éponyme. Mme [J] [P] est une styliste, créatrice de pièces murales et bijoux tissés, auto-entrepreneur, qui commercialise ses créations sous sa marque éponyme déposée en octobre 2017. En juillet 2016, Mme [S] indique avoir découvert que Mme [P] commercialisait des bijoux qui constituaient selon elle des contrefaçons de certains de ses bijoux. Aussi, par une lettre du 1er décembre 2016, Mme [S] a mis en demeure Mme [P] de cesser la commercialisation des bracelets et manchettes référencés « Guamote bracelet S M ou L » et du modèle «Secondskin peach choker », contrefaisant selon elle les droits d'auteurs protégeant ses propres créations. Par courriel en date du 6 février 2017, Mme [P] répondait qu'elle ne cesserait pas la vente des Guamote L, M ou S, tout en indiquant qu'elle avait retiré de la vente le bijou secondskin peach choker. Suspectant des contacts entre Mme [C] d'une part, avec laquelle Mme [S] avait souscrit un contrat d'agent commercial ainsi qu'un contrat de "prestation de services", et Mme [P] d'autre part, Mme [S] a, par une lettre du 4 janvier 2017, notifié à Mme [C] la rupture de leurs relations contractuelles sans préavis. Par une assignation du 7 septembre 2017, Mme [C] a fait assigner Mme [S] devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa condamnation à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale des contrats d'agent commercial et de prestation de services. C'est dans ce contexte que par exploits d'huissier du 9 octobre 2017, Mme [S] et la société du Jeu de Boules ont fait assigner Mmes [C] et [P] en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire. Dans leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 12 octobre 2018, elles demandent au tribunal, au visa des articles L.111-1, L.112-2,14o et L.335-2 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de : - Déclarer l' EURL du Jeu de Boules et [H] [S] recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions, En conséquence, A TITRE PRINCIPAL, - Juger que les bijoux de la collection Luxume [H] [S] MLS 183, MLS 276, MLS 340, sont originaux et protégés au titre du droit d'auteur, - Juger que MMmes [J] [P] et [V] [C] ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur des bijoux MLS 183, MLS 276 et MLS 340 et des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire, En conséquence sur la contrefaçon, - Juger que : - le bracelet Guamote S (GUABS), le bracelet Guamote Fringe S ou Guamote Franges S (GUABFS) et les bracelets de la gamme Second Skin S (SSBGS/ SSBPS / SSBSS / SSBBS) et les bracelets de la gamme Raya S (Raya 1S / Raya 2S / Raya 3S / Raya 4S) constituent la contrefaçon du MLS 183, - les bracelets de la gamme Second Skin M (Second skin Silver M,Second skin gold M, Second skin black M) constituent la contrefaçon du MLS 276 ; - les bracelets de la gamme Raya M (Raya 1M / Raya 2M / Raya 3M / Raya 4M), les bracelets de la gamme Raya L (Raya 1L / Raya 2L / Raya 3L / Raya 4L) et les bracelets de la gamme second skin XL (SSBSXL / SSBSSXL / SSBGXL / SSBBXL / SSBPXL), le Guamote L (GUABL) et la manchette Guamote argenté constituent la contrefaçon du MLS 276 ; - le Guamote M bicolore gris foncé et gold est la contrefaçon du MLS 340 ; A défaut juger que : - le bracelet Guamote S (GUABS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey, du MLS 183 Silver/beige, du MLS 183 Gold/grey et du MLS 183 Gold/beige - le bracelet Guamote Franges S (ou Guamote Fringes S) (GUABFS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey, du MLS 183 Silver/beige, du MLS 183 Gold/grey et du MLS 183 Gold/beige - le bracelet Second skin Gold S (SSBGS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Gold/beige, du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/grey - le bracelet Second skin Silver S (SSBSS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey - le bracelet Second skin Black S (SSBBS) constitue la contrefaçon du MLS 183 uthenium/silver et du MLS 183 Black silver/black - le bracelet Second skin Pink S (SSBPS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Pink gold/nude - le bracelet Second skin Silver M constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver Grey - Juger que le bracelet Second skin gold M constitue la contrefaçon MLS 276 Gold/beige, du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/grey - le bracelet Second skin black M constituent la contrefaçon du MLS 276 Ruthenium/silver et du MLS 276 Black silver/black, - la Manchette Guamote argentée constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey, - le bracelet second skin silver XL (SSBSXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey, - le bracelet second skin shiny silver XL (SSBSSXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey, - le bracelet second skin gold XL (SSBGXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Gold/nude et MLS 276 Gold/grey - le bracelet second skin shiny black XL (SSBBXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Ruthenium/silver) et du MLS 276 Black silver/black - le bracelet Second skin Pink XL constitue la contrefaçon du MLS 276 Pink gold/nude - les bracelets Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S constituent les contrefaçons du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/beige, du MLS 183 Silver/Grey, du MLS 183 Pink/Gold, du MLS 183 Pink/nude, du MLS 183 gold/caramel du MLS 183 Ruthenium/silver, - les bracelets Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M constituent les contrefaçons du MLS 276 Gold/nude, du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Silver/Grey du MLS 276 Pink gold/nude, du MLS 276 Pink gold/caramel du MLS 276 Ruthenium/silver, - les bracelets Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L constituent les contrefaçons du MLS 276 Gold/nude, du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Silver/Grey, du MLS 276 Pink gold/nude du MLS 276 Pink gold/caramel, du MLS 276 Ruthenium/silver, - le bracelet Guamote L (GUABL) constitue la contrefaçon du MLS 276(Gold/beige, Gold/grey et Silver/grey, Silver/beige), En conséquence, - Enjoindre à Mme [J] [P] et Mme [V] [C] de cesser, sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la fabrication, la commercialisation et la promotion sous quelle que forme que ce soit des bijoux Guamote, Second skin et Raya référencés comme suit : Guamote S (GUABS), Guamote M (GUABM), Guamote L (GUABL), Guamote Franges S ou Guamote Fringes S (GUABFS), Guamote Fringes M (GUABFM) Manchette Guamote argentée, Second skin Gold S (SSBGS) / second skin pink S (SSBPS) / second skin silver S (SSBSS) / second skin black S (SSBBS), Second skin silver M (SSBSM), second skin gold M (SSBGM), second skin black M (SSBBM), second skin pink M, second skin silver XL (SSBSXL), second skin shiny silver XL (SSBSSXL), second skin gold XL (SSBGXL) second skin shiny black (SSBBXL), second skin pink XL (SSBPXL), Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S, Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M, Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L ; - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à Mme [H] [S] la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon de son droit moral d'auteur, - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 89.560 euros, à parfaire, au titre du manque à gagner lié à la commercialisation des modèles Guamote et second skin susvisés, - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de son image de marque auprès de la clientèle publique et professionnelle ; - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros à parfaire, au titre des actes distincts de concurrence déloyale ; - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des actes parasitaires; A TITRE SUBSIDIAIRE et TRES SUBSIDIAIRE, dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait que les bijoux de la collection Luxume [H] [S] MLS 183, MLS 276, MLS 340, sont originaux mais qu'aucune atteinte sur le fondement de la contrefaçon du droit d'auteur n'est avérée ou dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait que les demandeurs ne peuvent prétendre à la protection sur le fondement du droit d'auteur : - Juger que MMmes [J] [P] et [V] [C] ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, En conséquence, - Enjoindre à Mme [J] [P] et Mme [V] [C] de cesser, sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la fabrication, la commercialisation et la promotion sous quelle que forme que ce soit des bijoux Guamote et second skin référencés comme suit : Guamote S (GUABS), Guamote M (GUABM), Guamote L (GUABL), Guamote Franges S ou Guamote Fringes S (GUABFS), Guamote Fringes M (GUABFM) Manchette Guamote argentée, Second skin Gold S (SSBGS) / second skin pink S (SSBPS) / second skin silver S (SSBSS) / second skin black S (SSBBS), Second skin silver M (SSBSM), second skin gold M (SSBGM), second skin black M (SSBBM), second skin pink M, second skin silver XL (SSBSXL), second skin shiny silver XL (SSBSSXL), second skin gold XL (SSBGXL) second skin shiny black (SSBBXL), second skin pink XL, Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S, Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M, Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L ; - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, en raison du risque de confusion entre les bijoux de [J] [P] et les bijoux [H] [S] générés par les actes fautifs de concurrence déloyale, - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 89.560 euros, à parfaire, au titre du manque à gagner lié à la commercialisation des modèles susvisés, - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de la dévalorisation des bijoux MLC et de son image de marque auprès de la clientèle publique et professionnelle, - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des actes distincts de concurrence déloyale ; - Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à la société EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros à parfaire, au titre des actes parasitaires ; EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, - Condamner la ou les parties succombantes in solidum à payer à L'EURL DU JEU DE BOULES la somme de totale de 3.912,48€ TTC en remboursement des constats d'huissier (3.036,48€) et des achats de bijoux (876€) effectués pour la défense de ses droits, - Condamner la ou les parties succombantes in solidum à payer à L'EURL DU JEU DE BOULES et à Madame [H] [S] la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les condamner également aux dépens, - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - Débouter les défenderesses de leurs demandes reconventionnelles fins et prétentions. En réponse, dans ses dernières conclusion notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2018, Mme [P] demande au tribunal, au visa de l'article L 112-4 du code de la propriété intellectuelle, de : - Dire l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] mal fondées à revendiquer la protection des modèles MLS 183, 276 et 340 par le droit d'auteur ; - Débouter l' EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner in solidum l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] à verser à Mme [J] [P] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ; - Condamner in solidum l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] à payer à Mme [J] [P] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître LAVILLE ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement. Dans ses e-conclusions du 30 octobre 2018, Mme [C] demande quant à elle au tribunal de : - Débouter l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, - Les condamner à payer à Madame [C] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour action abusive, - Les condamner à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Les condamner en tous les dépens. L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 6 novembre 2018. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur l'originalité des bijoux créés par Mme [S] : Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité. Mme [S] revendique la protection par le droit d'auteur sur deux bracelets référencés MLS 183 et MLS 340, ainsi qu'une manchette référencée MLS 276. Elle explique en l'occurrence que les bijoux MLS 183 et MLS 340 sont constitués par le tressage de fines chaînes d'argent à maillon de type "limé forcat"et de fils de soie. Le tressage est très serré afin de donner au bijou l'apparence d'un textile, apparence renforcée par des franges à l'extrémité du bijou, tandis que les maillons de type "limé forcat" qu'elle utilise ont la spécificité de comporter des facettes conférant au bijou de multiples petits effets miroirs donnant l'impression que des brillants sont insérés dans les bracelets. Enfin, les bracelets s'attachent par un simple noeud coulissant afin de donner aux bracelets un effet "décontracté" en contraste avec la matière semi précieuse utilisée : Le braclet MLS 340 se distingue des créations précédentes MLS 183 et MLS 276 par le fait qu'il est constitué d'un simple tissage d'une chaîne d'argent. Force est toutefois de constater que Mme [S] se livre à une description de son travail sans identifier l'élément ou la combinaison d'éléments qui serait le résultat d'un choix arbitraire et qui porterait à ce titre l'empreinte de sa personnalité. Les défenderesses font en outre justement valoir que les bijoux décrits s'inscrivent dans une tendance, celle du style "bohème chic", de même que le travail du métal ou des perles en textile et les bijoux tissés tels que les bracelets brésiliens "revisités" appartiennent au fond commun de la mode. Le tribunal observe surtout qu'aucun catalogue ayant date certaine (seules des copies d'écran de son site internet qui dateraient de 2014 étant produites) n'est versé aux débats permettant de faire le lien entre les références sur lesquelles la protection est revendiquée, et les factures et documents supposés attester de la date de création desdites références par Mme [S] et en particulier la référence MLS 183 qu'elle allègue avoir créée en 2011. Les bracelets MLS 183, MLS 340 et MLS 276 ne sont donc pas susceptibles de protection par le droit d'auteur. L'ensemble des demandes à ce titre sera donc rejeté (contrefaçon et actes distincts de concurrence déloyale). 2o) Sur les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. A cet égard, les procédés consistant, par imitation des produits d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du produit imité, l'originalité ou la notoriété du produit copié. Est de la même manière fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. Il doit également être rappelé que celui qui ne dispose pas d'un droit privatif sur l'élément qu'il exploite dans le commerce ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale ou en parasitisme une protection de repli lui permettant de faire sanctionner la simple exploitation non autorisée de cet élément. En l'occurrence, outre que les faits invoqués au soutien de la contrefaçon et de la concurrence déloyale sont les mêmes, le tribunal observe que les créations de Mme [S] sont récentes (2014) et d'une notoriété relative. Ne sont concernés que trois modèles dans sa gamme de bijoux. Leur "originalité" est en outre contestable dans la mesure où ces modèles, à l'instar de ceux de Mme [P], s'inscrivent dans une tendance reprise par d'autres créatrices, dont les bijoux sont visuellement très proches de ceux de Mme [S], ainsi qu'en attestent les pièces produites aux débats : Mmes [S] et [P] ont enfin six points de vente communs, ce qui ne permet pas d'attester d'un détournement organisé (avec Mme [C]) de clientèle. Mme [P] établit également être entrée seule en relation avec Mme [Y] ainsi qu'en témoignent leurs échanges de courriels au cours de l'été 2016. Il en résulte que la faute consistant à créer la confusion dans l'esprit du public en vue de détourner la clientèle de Mme [S] n'est pas établie, non plus que la volonté de tirer partie de son savoir faire particulier. Les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire seront donc rejetées. 3o) Sur les mesures accessoires Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [S] et l'EURL du Jeu de Boules seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [P], sous la même solidarité, la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et une somme de 3000 euros à Mme [C] sur le même fondement. Le rejet des demandes de Mme [S] et de l'EURL du Jeu de Boules rend sans objet la demande d'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, LE TRIBUNAL, Rejette les demandes principales fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur et les faits distincts de concurrence déloyale ; Rejettes les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ; Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules à payer à Mme [J] [P], la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules à payer à Mme [V] [C], la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules aux dépens ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 18 avril 2019. Le GreffierLe Président
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No RG 22/05521 No Portalis DBVX-V-B7G-OOPA Nom du ressortissant : PRÉFET DE LA SAVOIE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 29 JUILLET 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Vincent NICOLAS, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 15 juillet 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assisté de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 29 Juillet 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [P] [L] né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6] (KOSOVO) de nationalité Kosovare Actuellement retenu au [Adresse 4] comparant assisté de Maître Carine LEFEVRE-DUVAL, avocat au barreau de LYON, commis d'office M. PRÉFET DE LA SAVOIE [Adresse 5] [Adresse 3] [Localité 2] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 29 Juillet 2022 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Par arrêt du 9 septembre 2021, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Chambéry a condamné [P] [L] à une peine de trente mois d'emprisonnement dont dix-huit mois assorti d'un sursis probatoire pendant trois ans et elle a ordonné son maintien en détention. Le 21 juin 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant trois ans a été notifiée à [P] [L] par le préfet du département de la Savoie. Le 21 juillet 2022, le préfet du département de la Savoie a ordonné le placement de [P] [L] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement Suivant requête du 26 juillet 2022, reçue le même jour à 16 heures 47, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Dans son ordonnance du 27 juillet à 10 heures 29, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a déclaré régulière la procédure diligentée contre [P] [L] et ordonné la prolongation de sa rétention dans les locaux du centre de rétention administrative de [7] pour une durée de vingt-huit jours. Par déclaration au greffe le 28 juillet 2022 à 12 heures 28 , [P] [L] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa mise en liberté. A cet effet il soutient que l'administration n'a pas effectué les diligences utiles dans les deux premiers jours de sa rétention. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 29 juillet 2022 à 10 heures 30. Le conseil de [P] [L] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet du département de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [P] [L] a eu la parole en dernier. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [P] [L] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le moyen pris de l'insuffisance des diligences de l'autorité administrative durant les premières quarante-huit heures de rétention administrative Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 741-3 : « qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet » ; Attendu que [P] [L] soutient dans sa requête en appel et pour la première fois, que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires durant la période de 48 heures qui a suivi son placement en rétention ; Attendu qu'il ressort des pièces du débat qu'au moment de sa requête du 26 juillet 2022 à 16 heures 47, et avant même la levée d'écrou de [P] [L], l'autorité administrative avait saisi le 20 juin 2022 les autorités consulaires du Kosovo afin d'obtenir un accord de ré-admission de l'intéressé sur le territoire de ce pays. Que 18 juillet 2022, le Pôle Central d'éloignement de la DCPAF a accusé réception de la demande de routing que lui avait adressé le préfet de la Savoie, suite à l'identification de [P] [L] par les autorités Kosovares comme étant l'un de leur ressortissant. Que le 20 juillet 2022, un document de voyage concernant [P] [L] a été établi aux termes duquel le transport en avion de l'intéressé en direction de Pristina est prévu pour le 4 août 2022; Qu'il ne peut donc être valablement soutenu que les diligences utiles n'ont pas été engagées dans ce bref délai, le moyen n'étant pas sérieusement soutenu ; Attendu que ce moyen ne peut donc pas être accueilli ; Attendu qu'en conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [P] [L], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. Le greffier,Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLEVincent NICOLAS
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre civile TGI No RG 21/00168 - No Portalis DBWB-V-B7F-FP3B Association LES LUCIOLES D'OR [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Laurent PAYEN de la SELARL PAYEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTAssociation LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT - FÉDERATION DE LA REUNION prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 07 Juin 2022 Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre chargé de la mise en état, assisté de Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, lors de l'audience du 3 mai 2022 et Véronique FONTAINE, Greffier lors de la mise à disposition. FAITS ET PROCÉDURE Vu l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président du tribunal de grande instance de Saint Denis le 31 mai 2018, condamnant l'association LES LÙCIOLES D'OR à payer à l'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT la somme de 17.400 euros avec intérêt légal à compter du 28 mai 2018 ; Vu l'opposition de l'association LES LUCIOLES D'OR ; Vu le jugement en date du 16 décembre 2020 rendue par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ayant statué en ces termes : Déclare recevable l'opposition formée par l'association LES LUCIOLES D'OR, prise en la personne de son représentant légal ; Se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer en date du 31/5/2018, DIT que la signature apposée sur les conventions des 2 et 31 mai 2016 n'est pas celle de son président en exercice à l'époque et à ce jour, M. [L] [M] ; Condamne cependant l'association LES LUCIOLES D'OR, prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT, prise en la personne de son représentant légal, la somme 17.400 € au principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 06 septembre 2017 jusqu'à complet paiement. Rejette le surplus des demandes ; Condamne l'association LES LUCIOLES D'OR, prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne l'association LES LUCIOLES D'OR, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens dont distraction au profit de Me CHICAUD, conformément à l'article 699 du CPC ; Vu la déclaration d'appel déposée par RPVA le 9 février 2021 par l'Association LES LUCIOLES D'OR ; Vu l'ordonnance du 10 février 2021, renvoyant l'instruction de l'affaire à la mise en état ; Vu les conclusions No 1 déposées par l'appelante par RPVA le 4 mai 2021 ; Vu les conclusions d'intimée déposées par l'association la LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT Fédération de la Réunion, par RPVA le 30 juillet 2021 ; Vu les conclusions de nullité et d'irrecevabilité, déposées le 30 juillet 2021 par l'intimée, demandant au conseiller de la mise en état de : Voir prononcer la nullité de l'acte d'appel de l'association LES LUCIOLES D'OR en date du 9 février 2021 ; Rejeter les conclusions subséquentes communiquées par l'association LES LUCIOLES D'OR; Débouter l'association LES LUCIOLES D'OR de l'ensemble de ses demandes ; S'entendre condamner l'association LES LUCIOLES D'OR, à payer à l'Association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers dépens ; L'intimée soutient en substance que l'appelante a omis de préciser le nom de son président dans la déclaration d'appel et n'a pas régularisé ce vice de forme dans le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile. Cette irrégularité affectant la déclaration d'appel lui a nécessairement causé un grief dès lors qu'aucune indication ne permet de s'assurer de l'identification du représentant légal de l'association LES LUCIOLES D'OR, alors que celle-ci arguait justement dans ses écritures en premières instance et devant la cour d'appel, d'une confusion entre le président de l'association et le signataire des conventions litigieuses entre les concluantes et l'association LES LUCIOLES D'OR. Ainsi, en contestant que les conventions litigieuses auraient été conclue par le président en exercice, sans mentionner par la suite l'identité du président en exercice dans le cadre de sa déclaration d'appel, l'association LES LUCIOLES D'OR a volontairement cultivé l'ambiguïté concernant son représentant légal causant un préjudice à l'association de la LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT. Vu les conclusions en réplique sur incident déposées par l'appelante par RPVA le 28 octobre 2021, tendant à : Débouter l'association LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT de sa demande de nullité de la déclaration d'appel ; Déclarer irrecevables les conclusions d'intimée déposée par l'association LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT par RPVA le 30 juillet 2021 faute d'y préciser la nature de l'organe qui représente l'association intimée, ce sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile ; En conséquence, déclarer caduc l'appel incident formé dans le cadre de ces écritures de l'intimée ; Condamner l'association LIGUE DE UENSEIGNEMENT à payer à l'association LES LUCIOLES D"OR la somme de 868 € au titre de l'article 700 du C.P.C. pour les frais irrépétibles du présent incident ; Condamner l'association LIGUE DE UENSEIGNEMENT aux entiers dépens du présent incident ; Selon l'association LES LUCIOLES D'OR, son représentant est en effet bien son président en exercice comme cela est spécifié dans les différentes conclusions, sans qu'il soit besoin légalement de préciser l'identité personnelle de l'organe représentatif. Il est en revanche notable que la constitution et les conclusions de l'intimée portent mention uniquement de ce qu'elle serait représentée " par son représentant légal en exercice " sans que la nature de ce représentant ne soit spécifiée. Il est de jurisprudence constante que cela ne suffit pas pour désigner l'organe représentatif d'une personne morale. Vu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ; L'incident ayant été examiné à l'audience du 3 mai 2022 ; Sur la nullité de la déclaration d'appel : Selon les prescriptions de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité: 1o La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2o L'indication de la décision attaquée ; 3o L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; 4o Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. L'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT soutient que l'omission de la mention relative au représentant légal de l'association LES LUCIOLES D'OR doit entraîner la nullité de l'acte et rendre ainsi irrecevable l'appel. Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. En l'espèce, il est constant que la déclaration d'appel ne fait aucune référence au représentant légal de l'association appelante, manquant ainsi aux exigences de l'article 54 - 1o b) du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 57 visé par l'article 901 susvisé. En effet, il est prescrit que, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement. En visant l'organe représentatif de la personne morale, s'agissant d'une association soumise à la loi de 1901, il est évident qu'il ne peut être que son président en exercice. La question soulevée par l'intimée, relative à la personne élue président de l'association, et à son pouvoir d'agir dans le cadre du fond du litige, notamment pour la signature de conventions litigieuses, n'est donc pas la même que celle portant sur la régularité de l'acte de déclaration d'appel. Au surplus, celle-ci a fait délivrer une ordonnance d'injonction de payer et a obtenu le jugement querellé dirigé contre " l'association LES LUCIOLES D'OR prise en la personne de son représentant légal ", disposition suffisante pour faire exécuter le jugement. Enfin, l'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT sait parfaitement que son action est dirigée contre l'appelante, représentée par son représentant légal, même si celui-ci peut changer au cours de l'instance ou des éventuelles voies d'exécution forcées. Ainsi, l'intimée n'a subi aucun grief résultant de l'omission de la mention du représentant légal de l'association LESLUCIOLES D'OR dans la déclaration d'appel. La demande de nullité sera rejetée. Sur la nullité des conclusions d'intimée et l'irrecevabilité de l'appel incident : Aux termes de l'article 960 du code de procédure civile, la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. Cet acte indique : a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. L'article 961 du même code prescrit que les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats. La communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l'avocat qui procède à la communication. En l'espèce, la constitution d'avocat de l'intimée (pièce No 3) contient précisément les mentions exigées par l'article 960 susvisé alors que le nom de la personne assurant les fonctions de représentant légal de la personne morale n'est pas prévu par le texte. Au surplus, les conclusions d'intimée déposées par RPVA le 30 juillet 2021 mentionnent clairement la représentation légale en exercice de l'association intimée, comme celle de l'association appelante. En conséquence, outre le fait que l'irrégularité dans la constitution d'avocat de l'intimée n'est pas avérée, celle-ci aurait été régularisée par les conclusions de la même partie tandis qu'aucun grief n'est démontré de la part de l'appelante. L'exception de nullité des conclusions d'intimée sera aussi rejetée. Les parties supporteront leurs propres dépens ainsi que leurs frais irrépétibles au titre de l'incident. PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre, chargé de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, et par décision susceptible non susceptible de déféré, DEBOUTONS l'association LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT de son exception de nullité; DEBOUTONS l'association LES LUCIOLES D'OR de son exception de nullité et de sa demande d'irrecevabilité des conclusions d'intimée contenant appel incident ; DEBOUTONS les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; LAISSONS les parties supporter leurs propres dépens de l'incident ; RENVOYONS l'examen de l'affaire à la mise en état du 13 octobre 2022 à 9h30 pour clôture et fixation. La présente ordonnance a été signée par Le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Véronique FONTAINE Le conseiller de la mise en état
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No RG 22/05769 No Portalis DBVX-V-B7G-OPBW Nom du ressortissant : PRÉFET DU RHÔNE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 09 AOÛT 2022statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Georges PÉGEON, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 15 juillet 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 09 Août 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [Z] [C] né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 3] de nationalité Française Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5] comparant assisté de Maître Karima SAIDI, avocat au barreau de LYON, commis d'office, et avec le concours de Madame [Y] interprète en langue arabe inscrite sur liste CESEDA M. PRÉFET DU RHÔNE [Adresse 2] [Adresse 2] Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de Lyon, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 09 Août 2022 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcés l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour de 18 mois a été notifiée à [Z] [C] le 5 août 2022 par le préfet du Rhône. Par décision du 5 août 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement d'[Z] [C] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures à compter du 6 août 2022. Suivant requête du 6 août 2022 reçue à 15h12, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention d'[Z] [C] pour une durée de vingt-huit jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 7 août 2022 10h26 a : - déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative, - déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre d'[Z] [C], - ordonné la prolongation de la rétention dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours. [Z] [C] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 8 août 2022 à 15 h 55 en faisant valoir le défaut de diligences de l'autorité préfectorale. Il demande l'infirmation de l'ordonnance attaquée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 9 août 2022 à 10 heures 30. [Z] [C] a comparu assisté d'un interprète et d'un avocat. Son conseil s'en rapporte à l'appréciation de la cour. Le préfet du Rhône représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [Z] [C] a eu la parole en dernier. MOTIVATION Sur la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel d'[Z] [C] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est recevable. Sur le moyen pris de l'insuffisance de diligences Attendu que l'article L 741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. Attendu qu'en l'espèce, par fax du 5 août 2022 à 12 h17, l'autorité préfectorale justifie avoir saisi l'autorité consulaire algérienne afin de délivrance d'un laisser-passer. Que le moyen tiré de l'absence de diligences sera rejeté. Attendu qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [Z] [C], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. Le greffier,Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLEGeorges PÉGEON
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COUR D'APPEL VERSAILLES Code nac : 66B 3e chambre CONTRADICTOIRE DU 20 MAI 2021 No RG 18/04462 No Portalis DBV3-V-B7C-SPDX UFC QUE CHOISIR SAS FONCIA GROUPE Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 08 No RG : 14/11846 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : Me Franck LAFON Me Martine DUPUIS RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE VINGT MAI DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR (UFC QUE CHOISIR) [Adresse 2] [Localité 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - No du dossier 20180263 Représentant : Me Erkia NASRY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0060 **************** SAS FONCIA GROUPE RCS No 424 641 066 [Adresse 1] [Localité 4] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1860061 Représentant : Me Eve DUMINY de la SAS BREDIN PRAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T12 Représentant : Me Florian BOUAZIZ de la SAS BREDIN PRAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T12 Représentant : Me Jean-daniel BRETZNER de la SAS BREDIN PRAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T12 **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport et Madame Caroline DERNIAUX, conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José BOU, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT, La société Foncia groupe est une société exerçant une activité de "prise de participation ou d'intérêts dans toutes sociétés ou groupements d'administration de biens (gestion locative syndic de copropriété), transactions immobilières expertise promotion, prise de participation et activité de gestion immobilière et de transaction". Le "réseau Foncia" est constitué de plusieurs centaines d'agences exerçant sous l'enseigne Foncia, qui pour certaines constituent des filiales de la société Foncia groupe et pour d'autres lui sont liées par un contrat de franchise. Elles proposent aux bailleurs de locaux des services de gestion locative. Le 17 février 2012, l'association union fédérale des consommateurs Que Choisir, ci-après l'UFC-Que choisir, a assigné la société Foncia groupe devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir déclarer illicite la facturation aux locataires de frais d'envoi de quittances. Par jugement du 3 décembre 2013, ce tribunal a jugé illicite la facturation de frais d'expédition de quittances. Suivant arrêt du 11 février 2016, la cour d'appel de Paris a infirmé ce chef de décision. Le pourvoi interjeté par l'UFC-Que Choisir a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2017. Dans l'intervalle, par acte d'huissier du 1er octobre 2014, l'association UFC-Que Choisir, agissant en qualité d'association représentative au plan national et agréée en application de l'article L. 411-1, devenu L. 811-1 du code de la consommation, a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d'une action de groupe contre la société Foncia groupe, en application des articles L. 423-1, devenus L. 623-1, et suivants du code de la consommation, en invoquant l'existence d'une facturation de frais indus aux locataires sous la dénomination de frais d'avis d'échéance depuis l'année 2009. Selon une ordonnance du 10 mars 2015, le juge de la mise en état a confié une mesure de médiation à l'institut d'expertise, d'arbitrage et de médiation qui n'a pas abouti. Par ordonnance du 2 juin 2016, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par l'UFC-Que Choisir dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation devant être rendu à la suite du pourvoi intenté contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris précité. Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a : - déclaré les demandes de l'UFC-Que Choisir irrecevables sur le fondement de l'article L. 623-1 du code de la consommation, reprenant l'article L. 423-1 ancien du même code, - débouté la société Foncia groupe de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles, - condamné l'UFC-Que Choisir à payer à la société Foncia groupe la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire du jugement, - condamné l'UFC-Que Choisir aux dépens de l'instance. Suivant déclaration du 26 juin 2018, l'UFC-Que Choisir a interjeté appel du jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à une indemnité de procédure. Elle prie la cour, par dernières conclusions du 10 février 2021, de : - déclarer l'association UFC-Que Choisir recevable et bien fondée en son appel et y faire droit, - confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la première fin de non-recevoir soulevée par la société Foncia groupe tirée de son défaut de qualité à défendre, - confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Foncia groupe de sa demande reconventionnelle, - infirmer le jugement pour le surplus, statuant à nouveau : - déclarer l'UFC-Que Choisir recevable en son action, - déclarer illégale "de" la facturation du service mensuel d'envoi d'avis d'échéance entre l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2009 et la loi du 24 mars 2014, - condamner la société Foncia groupe à réparer les préjudices patrimoniaux subis par les consommateurs souhaitant adhérer à l'action de groupe en raison de la facturation du service mensuel d'envoi d'avis d'échéance entre l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2009 et la loi du 24 mars 2014, en conséquence : - définir le groupe des consommateurs victimes pouvant être indemnisés de leur préjudice matériel, dans le cadre de l'action, comme tout locataire d'un logement géré par une agence Foncia et ayant payé mensuellement des services d'avis d'échéance de 2,30 euros du jour de sa prise à bail jusqu'à la fin de son bail et en tout état de cause, au plus tard au 30 mars 2014, - déclarer que l'information des consommateurs susceptibles d'adhérer au groupe sera assurée par : la publication pendant 2 mois, par extrait du "jugement" à intervenir, -contenant la reproduction du dispositif, les informations nécessaires à l'adhésion et les informations relatives aux conséquences de l'adhésion, conformément aux articles R. 623-13 à R. 623-17 du code de la consommation- dans les journaux Le Monde, Libération, Le Figaro et Que Choisir, à l'initiative de l'UFC, et aux frais de la société Foncia groupe ; ainsi que sur le site internet de chacun et de celui de la société Foncia groupe : fr.foncia.com, le tout aux frais avancés de la société Foncia, savoir : ?pour la presse écrite, une publication par semaine, pendant le délai imparti, à concurrence de 3 000 euros par insertion, ?sur les sites internet, par la parution du même extrait, en tête de page d'accueil de chaque site, maintenue pendant la durée impartie, ?diffusion bihebdomadaire d'un message sur les chaînes TF1, France 2 et "BMM" TV avant le journal de 20 heures pendant une durée de 2 mois, - dire que les consommateurs susceptibles d'adhérer au groupe défini, pourront le faire auprès de l'UFC-Que Choisir dans un délai de 6 mois, à compter de la dernière mesure de publication ordonnée, par tout moyen utile proposé par l'UFC-Que Choisir afin d'en accuser une bonne réception tel qu'un formulaire en ligne ou par courrier postal avec adresse dédiée, - condamner la société Foncia groupe à consigner la somme de 8 787 840 euros, soit un an pour l'ensemble du groupe éligible, sur un compte spécifique ouvert au nom de l'association UFC- Que Choisir pour la présente action auprès de la Caisse des dépôts et consignations, - dire que l'UFC-Que Choisir pourra attribuer à chaque locataire adhérant au groupe, le montant de la réparation de son préjudice matériel, sur les bases ci-dessus (2,30 euros/mois pour la durée de facturation du service d'avis d'échéance), et ce dans les 3 mois suivant l'adhésion au groupe, outre intérêts au taux légal depuis chaque versement, et outre capitalisation des intérêts au regard de l'article 1343-2 du code civil, - ordonner l'exécution provisoire du paiement de cette consignation, - allouer en outre à l'UFC-Que Choisir une provision d'un montant de 100 000 euros en application des articles L. 623-12 et L. 623-13 du code de la consommation, - ordonner à la société Foncia groupe de produire la liste de ses locataires, (nom, prénom & adresse, adresse électronique et durée de facturation du "service d'avis d'échéance") par agence, depuis le 1er mars 2009 jusqu'au 1er avril 2014, et ce dans le mois de la décision à intervenir, et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, en application de l'article R. 623-9 du code de la consommation, - renvoyer l'affaire à la mise en état pour le surplus et fixer la date d'audience à laquelle le "juge" de la mise en état statuera sur toute difficulté intervenue dans le cadre de l'action (insuffisance de la provision globale, contestations sur les sommes réclamées par certains consommateurs), - débouter la société Foncia groupe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions exposées tant en première instance qu'en cause d'appel, - condamner la société Foncia groupe à verser à l'UFC-Que Choisir la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - la condamner encore aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par dernières écritures du 24 février 2021, la société Foncia groupe prie la cour de : - juger irrecevable et mal fondé l'appel formé par UFC-Que Choisir, - l'en débouter, - juger recevable et fondé l'appel incident interjeté par Foncia groupe, y faisant droit, à titre principal : - juger que les griefs formulés à l'encontre de Foncia groupe ne relevaient pas de l'action de groupe à la date d'introduction de l'action, - juger que l'article L. 623-1 du code de la consommation tel que modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018 ne saurait être applicable à la présente procédure, - subsidiairement, juger qu'à supposer qu'il soit applicable à la présente procédure, l'article L. 623-1 du code de la consommation tel que modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018 recèle une violation des principes de sécurité des rapports juridiques, de prééminence du droit et du droit à un procès équitable consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que son application doit être écartée en l'espèce, - juger en toute hypothèse que le défaut de qualité pour agir d'UFC-Que Choisir n'a fait l'objet d'aucune régularisation avant toute forclusion, - juger que les consommateurs aux noms desquels UFC-Que Choisir prétend agir ne sont pas placés dans une situation similaire ou identique, - juger que l'action engagée par UFC-Que Choisir est par conséquent irrecevable au regard de l'article L. 623-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date d'introduction de l'action, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré cette action irrecevable sur le fondement de l'article L. 623-1 du code de la consommation, - juger en toute hypothèse que la société Foncia groupe n'a pas qualité pour défendre face à l'action d'UFC-Que Choisir, - juger irrecevables les demandes formées par UFC-Que Choisir à l'encontre de Foncia groupe, à titre subsidiaire : - juger qu'aucun grief ne saurait être formulé à l'encontre de Foncia groupe, dans la mesure où aucune disposition législative n'interdisait la facturation à un locataire d'un service d'avis d'échéance facultatif et résiliable à tout moment jusqu'à la loi du 24 mars 2014, - juger qu'UFC-Que Choisir n'administre la preuve d'aucun préjudice indemnisable, - juger que les demandes de versement d'une consignation et de communication d'informations formulées par UFC-Que Choisir sont dénuées de tout fondement, - débouter UFC-Que Choisir de l'ensemble de ses demandes, en toute hypothèse : - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de Foncia groupe, - juger recevable et bien fondée la demande reconventionnelle de Foncia groupe, - condamner UFC-Que Choisir à verser à Foncia Groupe une somme de 1 euro en réparation de son préjudice, - condamner UFC-Que Choisir à publier, à ses frais, le dispositif de l'arrêt à intervenir sur son site internet ainsi que dans la revue mensuelle "Que Choisir", pendant trois mois consécutifs à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner UFC-Que Choisir à une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction. La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation. L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2021. MOTIFS DE LA DECISION Sur l'irrecevabilité de l'appel de l'association UFC-Que Choisir La société Foncia groupe demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel de l'association UFC-Que choisir mais ne développe aucun moyen d'irrecevabilité au soutien de cette prétention. La demande de Foncia groupe doit dès lors être rejetée. Sur la fin de non-recevoir fondée sur le champ d'application matériel de l'action de groupe Le tribunal a énoncé que la recevabilité de l'action de groupe est subordonnée à l'existence de préjudices individuels nés de manquements commis à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou de pratiques anticoncurrentielles. Il a retenu qu'un contrat de fourniture de services a pour objet de réaliser une prestation de services au bénéfice d'un consommateur se procurant des services à des fins non professionnelles et comporte pour obligation essentielle une obligation de faire, le débiteur de cette obligation s'engageant à titre principal, à effectuer une activité déterminée créatrice d'utilité économique. Il a observé que l'UFC-Que Choisir invoquait la violation de dispositions relatives aux baux d'habitation issues de la loi no89-462 du 6 juillet 1989. Or, il a estimé que le bailleur ne s'oblige pas, à titre d'obligation essentielle, à réaliser une prestation mais à mettre un bien immobilier à la disposition de son locataire de sorte que le bail d'habitation ne comprend pas à titre principal de la part du bailleur une obligation de faire et ne s'analyse pas en une fourniture de services. Il a noté que l'UFC-Que Choisir invoquait à titre subsidiaire la violation des dispositions de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce. Il a retenu l'existence d'un lien direct entre ce chef de demande et les contrats de bail, la responsabilité de la société Foncia groupe étant mise en cause à l'occasion de la location réalisée par les agences Foncia, et l'a jugé en conséquence également irrecevable. La société Foncia groupe conclut sur ce point à la confirmation du jugement, se prévalant de l'arrêt du 19 juin 2019 de la Cour de cassation (pourvoi no 18-10424) et faisant valoir que : - les dispositions de l'article L. 623-1 dans sa version initiale sont dépourvues de toute ambiguïté et ne sont susceptibles d'aucune interprétation ; - l'objection selon laquelle la critique ne concerne pas directement des clauses de baux d'habitation mais un service d'avis d'échéance facultatif est inopérante dans la mesure où l'association UFC-Que Choisir invoque exclusivement la violation de textes spécifiques à la matière immobilière et étrangers au droit de la consommation ; - l'article L. 623-1 modifié issu de l'article 138 de la loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement du logement et du numérique, dite loi ELAN, n'est pas un texte interprétatif ; - à supposer qu'il constitue une loi de procédure, ce texte ne peut être appliqué dès lors que le principe de la prééminence du droit, le principe de la sécurité des rapports juridiques et le droit au procès équitable, visant aussi des litiges auxquels l'Etat n'est pas partie, interdisent toute ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer partiellement ou totalement sur le dénouement judiciaire d'un litige, sans qu'il puisse y être dérogé pour les lois de procédure ou interprétatives ; - l'article L. 623-1 modifié est de nature à exercer une influence sur l'issue de l'action en cause, sans répondre à un motif impérieux d'intérêt général dans la mesure où l'objectif d'extension du champ d'application de l'action de groupe peut être atteint par l'application du texte aux seules procédures introduites après son entrée en vigueur ; - en toute hypothèse, la recevabilité de l'action doit s'apprécier au jour de son introduction et si la fin de non-recevoir résultant de l'absence de qualité à agir du demandeur peut faire l'objet d'une régularisation, celle-ci doit intervenir avant l'expiration de tout délai de forclusion ou de prescription, cette règle s'appliquant même en cas de changement de qualité ; - à supposer que la loi ELAN du 23 novembre 2018 ait été de nature à régulariser la situation de l'association UFC-Que Choisir en lui conférant immédiatement qualité à agir, cette régularisation est intervenue tardivement dans la mesure où, d'une part, le jugement a été signifié le 28 mai 2018 de sorte que le délai d'appel, qui constitue un délai de forclusion, a expiré le 28 juin 2018, et où, d'autre part, plusieurs des locataires dont les cas sont invoqués ont cessé de recevoir et régler des avis d'échéance bien avant le 23 novembre 2013 si bien que la prescription était acquise le 23 novembre 2018. L'association UFC-Que Choisir considère au contraire que son action entre dans le champ d'application matériel de l'action de groupe, faisant valoir que : - au regard des dispositions de l'article L. 623-1 du code de la consommation dans sa version initiale, de la circulaire du 26 septembre 2014 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière de clauses abusives, rien ne justifie d'exclure les consommateurs locataires de l'action de groupe ; - les débats parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 17 mars 2014, confirmés par ceux relatifs à la loi ELAN, démontrent que le bail d'habitation figure parmi les contrats pouvant donner lieu à une telle action ; - l'arrêt du 19 juin 2019 de la Cour de cassation est contestable, car retenant une conception abusivement restrictive du champ d'application de l'action de groupe, et ne s'est pas prononcé en tout état de cause sur la question des débats parlementaires alors que l'article L. 623-1 dans sa version initiale nécessitait une interprétation ; - le tribunal n'était pas saisi d'une contestation portant sur l'inexécution d'un quelconque contrat de bail d'habitation mais de manquements commis dans le cadre de la délivrance d'une prestation de service fournie par l'entremise d'agences du réseau Foncia et sous le contrôle de la société Foncia groupe, qui ne sont pas des bailleresses ; - de surcroît, à supposer que le raisonnement du tribunal soit suivi, la modification opérée par l'article 138 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 est applicable immédiatement, s'agissant d'une loi de procédure et d'un texte à caractère interprétatif ; - le moyen tiré de la prétendue atteinte aux principes de sécurité juridique, de prééminence du droit et au droit au procès équitable est inopérant dès lors que : * l'intention du législateur était dès l'origine d'inclure le contrat de location dans l'action de groupe ; * l'article 138 précité ne concerne pas un litige opposant un particulier à l'Etat ou une administration, ne vise pas spécialement l'action relative à la société Foncia groupe et ne contient aucune disposition relative au fond du droit, * l'application immédiate des lois de procédure aux instances en cours ne recèle aucune violation des principes susvisés, * aucune disposition expresse n'a pu faire naître une attente légitime de l'intimée quant à l'exclusion pérenne du contrat de bail du domaine de l'action de groupe et la modification intervenue est justifiée par un motif d'intérêt général, soit la protection des consommateurs ; - la fin de non-recevoir invoquée par la société Foncia groupe a ainsi disparu, sans que celle-ci soit fondée à lui opposer une forclusion ou une prescription dans la mesure où elle a toujours été partie à l'instance et où l'action de groupe, à laquelle les consommateurs ne sont pas partie, suspend les délais de prescription des actions individuelles. L'article L. 423-1, devenu L. 623-1, dans sa version issue de la loi du 17 mars 2014 ayant institué l'action de groupe, dispose qu'une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 41l-1 (devenu L. 811-1) peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles : 1 o A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ; 2 o Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'article 138 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 a modifié l'article L. 623-1 comme suit : une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 811-1 peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales, relevant ou non du présent code, ou contractuelles : 1 o A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ainsi que dans le cadre de la location d'un bien immobilier ; 2 o Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Au cas d'espèce, l'association UFC-Que Choisir soutient notamment avoir agi dès l'origine en raison du manquement de la société Foncia groupe à ses obligations légales à l'occasion de la délivrance d'une prestation de service, en voulant pour preuves la dénomination et le caractère distinct du bail des documents remis aux consommateurs. Le contrat de service renvoie au contrat de louage et d'industrie tel que régi par les articles 1779 et suivants du code civil et à la notion de contrat d'entreprise. La définition retenue par le tribunal selon laquelle le contrat de fourniture de services a pour objet de réaliser une prestation de services et comprend comme obligation essentielle une obligation de faire, le débiteur de cette obligation s'engageant à titre principal à effectuer une activité déterminée créatrice d'utilité économique, doit être approuvée. En l'occurrence, la facturation des avis d'échéances litigieuse a été réalisée à l'égard de consommateurs ayant conclu un contrat de location portant sur un local à usage d'habitation. Cependant, un bailleur ou l'administrateur du bien agissant pour le compte du bailleur n'est pas tenu légalement ou réglementairement d'envoyer de tels avis au locataire. La société Foncia groupe indique qu'il s'agissait d'un service facultatif, payant, proposé par les sociétés du réseau Foncia aux locataires de biens immobiliers gérés par elles, l'intimée précisant que la facturation s'appliquait aux locataires ayant expressément accepté ce service. L'existence d'un service particulier liant l'agence immobilière au locataire est corroborée par les pièces versées aux débats. En atteste la fiche intitulée "des services pour vous faciliter la vie" présentant le service d'avis d'échéance des sociétés du réseau Foncia comme suit : "Afin de vous sécuriser, FONCIA met à votre disposition un service vous permettant, préalablement à l'échéance, de vous rappeler automatiquement que le loyer doit être réglé. L'avis d'échéance est détaillé : vous êtes informé des sommes dues. Avec l'avis d'échéance, vous n'oublierez pas de payer votre loyer, vous éviterez ainsi le désagrément d'être relancé. Ce service vous sera facturé 2,30 euros TTC.". Les pièces produites démontrent aussi que la très grande majorité des consommateurs cités par l'association UFC-Que Choisir a souscrit en le signant à un document spécifique, en plus du contrat de location, intitulé "service d'avis d'échéance" mentionnant que "le service d'avis d'échéance à domicile ou toute autre adresse, facultatif et résiliable à tout moment, sera facturé au prix de 2,30 euros". Il résulte des explications concordantes des parties sur ce point que seuls 4 consommateurs parmi les 23 visés par l'appelante n'ont pas souscrit à ce service. Il existait ainsi, dans l'essentiel des cas, un "contrat d'avis d'échéance", distinct du contrat de location, passé entre l'agence et le locataire, en vertu duquel les avis d'échéance étaient envoyés à ce dernier et des frais lui étaient facturés à ce titre. Il se déduit de ces éléments que le service d'avis d'échéance n'était pas inclus dans les baux conclus. Selon la présentation qui ressort tant des documents produits que des propres indications de l'intimée, il constituait en lui-même une fourniture de service assurée par l'agence immobilière à l'égard du locataire, correspondant à l'exécution d'une obligation de faire, de telle sorte que les manquements allégués ont été commis à l'occasion d'une fourniture de services. La circonstance que cette action soit fondée sur des textes qui seraient spécifiques à la matière immobilière est inopérante dès lors que ne sont pas mis en cause des bailleurs et que ne sont pas seulement invoquées des violations de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs mais aussi des violations de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, laquelle vise des activités d'entremise et de gestion qui sont indubitablement des prestations de service. Le caractère prétendument étranger au droit de la consommation de ces textes est aussi indifférent, dans la mesure où il suffit que des manquements à des obligations légales ou contractuelles soient invoqués, ce qui est le cas. Dans ces conditions, l'action de l'association UFC-Que Choisir entre dans le champ d'application de l'action de groupe, tel que défini depuis la loi du 17 mars 2014 l'ayant instituée. De plus, à supposer même qu'il soit considéré à l'instar du tribunal que les manquements auraient été commis à l'occasion de contrats de location, l'action n'en serait pas moins recevable au regard du champ d'application de cette action. Il est de principe que le contrat de location d'un logement, en ce qu'il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu'il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l'exécution d'une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services et que le bail d'habitation régi par la loi no89-462 du 6 juillet 1989 n'entre pas dans le champ d'application de l'action de groupe prévue à l'article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 (Cour de cassation 19 juin 2019, pourvoi no18-10424). Si, lors des débats parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014, le ministre délégué a affirmé qu' "aucun secteur d'activité n'est exclu du champ d'application du dispositif d'action de groupe" et que "par l'action de groupe, ils (les locataires) peuvent obtenir la réparation des préjudices subis du fait de manquements par un bailleur professionnel.", force est de constater que la formule retenue par le législateur en 2014, dénuée d'ambiguïté, ne vise pas tous les contrats, ni n'inclut les contrats de location d'un bien immobilier mais limite l'action de groupe, la cantonnant à la vente de biens et à la fourniture de services. L'examen des débats parlementaires est en conséquence indifférent. Mais, depuis lors, l'article L. 623-1 du code de la consommation a été modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018 dans les termes précités. Cette loi n'indique pas qu'elle est interprétative de la loi du 17 mars 2014 ayant institué l'action de groupe et l'alinéa selon lequel l'article 138 est interprétatif de ladite loi a d'ailleurs été supprimé dans la rédaction finalement retenue. En outre, il résulte de la formulation de l'article 138 précité que ce texte n'a nullement précisé les termes de la loi initiale mais a procédé à un ajout. Il s'en déduit que la modification de l'article L. 423-1 devenu L. 623-1 du code de la consommation n'est pas interprétative et qu'elle ne saurait être appliquée à la présente instance pour ce motif. Cependant, il est de principe qu'en l'absence de disposition spéciale, les lois relatives à la procédure et aux voies d'exécution sont d'application immédiate. Ce principe est appliqué aux lois portant sur l'existence et les conditions d'exercice de l'action en justice. En l'occurrence, l'article 138 de la loi ELAN ne modifie en rien le fond du droit quant aux règles gouvernant la responsabilité des professionnels et porte sur la procédure, ajoutant la location d'un bien immobilier au champ d'application de l'action de groupe. Du reste, comme le relève pertinemment l'association UFC-Que Choisir, dans sa décision du no2014-690 DC du 13 mars 2014, le Conseil Constitutionnel, auquel des parlementaires ont déféré la loi relative à la consommation, en particulier ses articles 1er et 2 relatifs à l'action de groupe, au motif notamment qu'en permettant l'application immédiate de la nouvelle procédure à des faits antérieurs à la promulgation de la loi, les dispositions de ces articles revêtaient un caractère rétroactif, a déclaré celles-ci conformes à la Constitution après avoir énoncé : "Considérant toute fois, que les dispositions contestées sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d'un professionnel à l'égard de consommateurs peut être judiciairement constatée ; qu'elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité ; que, par suite, l'application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif ; que le grief doit être écarté". Dès lors, l'article 138 de la loi du 23 novembre 2018, qui a modifié l'article L. 623-1, anciennement L. 423-1, du code de la consommation, constitue également une loi relative à la procédure, étant au demeurant observé que la société Foncia groupe ne développe aucun moyen pour contester une telle analyse. Il est de principe que si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges. Cette règle générale s'applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l'Etat n'est pas partie au procès. (Cour de cassation Assemblée plénière, 23 janvier 2004, pourvoi no 03-13617) Toutefois, il a été jugé, s'agissant d'une loi de procédure qui, en l'absence de dispositions contraires, régit les affaires en cours à partir de sa mise en application, que la cour d'appel en a nécessairement déduit que cette disposition législative ne constitue pas une immixtion injustifiée du pouvoir législatif dans l'administration de la justice en vue d'influer sur le dénouement du litige (Cour de cassation chambre civile 1, 26 avril 2007, pourvoi no 05-19153. La CEDH admet elle-même comme un principe généralement reconnu celui selon lequel, sauf disposition expresse en sens contraire, les lois de procédure s'appliquent immédiatement aux procédures en cours. En l'espèce, l'article 138 précité constitue une loi de procédure qui, en l'absence de disposition spéciale, est d'application immédiate de sorte qu'elle ne constitue pas une ingérence injustifiée au sens précité. Aux termes de l'article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance. La régularisation résultant de l'intervention de la loi ELAN est possible. Cette loi ayant élargi le champ d'application de l'action de groupe a fait disparaître la cause d'irrecevabilité avant que la cour ait statué et avant l'ordonnance de clôture rendue par le magistrat chargé de la mise en état. Ce n'est qu'en matière d'absence de qualité pour agir que la régularisation, par l'intervention de la personne ayant qualité à agir, doit survenir avant tout délai de prescription ou de forclusion. Or, en l'occurrence, la cause d'irrecevabilité qui a disparu n'a pas trait à la qualité à agir de l'association UFC-Que Choisir. Celle-ci, dont il n'est pas contesté qu'elle était dès le début du litige une association de consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 41l-1 devenu L. 811-1 du code de la consommation, a toujours eu la qualité requise pour introduire une action de groupe et toujours été partie à l'instance. Seule est en jeu la condition de recevabilité tenant au champ d'application de l'action de groupe. Ayant disparu par l'intervention du législateur au moment où la cour statue, l'irrecevabilité initialement constituée de ce chef doit être écartée. En conséquence, la fin de non-recevoir fondée sur le champ d'application matériel de l'action de groupe doit être rejetée. Sur la fin de non-recevoir fondée sur la condition tenant à des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique La société Foncia groupe soutient aussi que les demandes de l'association UFC-Que Choisir sont irrecevables en ce que les groupes ou cas individuels décrits dans ses écritures incluent des personnes placées dans des situations objectives différentes : certains locataires ont reçu des avis d'échéance et d'autres non ; certains ont souscrit au service d'avis d'échéance, au contraire d'autres ; certains ayant souscrit à ce service ont conclu un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 tandis que d'autres non ; les locataires ayant souscrit à ce service étaient contractuellement liés à des sociétés distinctes, qui étaient ses filiales ou des sociétés franchisées du groupe Foncia, et certains l'étaient à des agences ayant rejoint le réseau Foncia après la signature du bail ; enfin, certains des locataires ayant souscrit au service d'avis d'échéance l'ont résilié en cours de bail. L'association UFC-Que Choisir réplique que les consommateurs dont les cas sont exposés par elle sont placés dans une situation similaire ou identique au regard du manquement reproché, ayant tous subi des frais d'envoi d'avis d'échéance dans le même document que la quittance, au même tarif, le fait que certains aient accepté de souscrire au service d'avis d'échéance étant indifférent s'agissant d'un service illicite. En application de l'article L. 623-1 susvisé, l'association de défense des consommateurs représentative au niveau national et disposant de l'agrément exigé doit agir au bénéfice d'une pluralité de consommateurs placés dans une situation similaire ou identique, pour obtenir la réparation des préjudices individuels subis par eux et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l'occasion des contrats entrant dans le champ d'application de l'action de groupe. La condition tenant à des consommateurs dans une situation similaire ou identique suppose a minima une similitude dans la situation des consommateurs par rapport au professionnel mis en cause, cette condition devant s'apprécier au regard du manquement reproché à celui-ci. En l'occurrence, les 23 cas de consommateurs dont la situation est présentée par l'association UFC-Que Choisir ont tous pris à bail des logements gérés par une société du réseau Foncia, animée par la société Foncia groupe qui vérifie selon ses propres dires la qualité des services proposés par ces sociétés. Il est justifié qu'ils ont tous reçu des documents incluant une quittance et un avis d'échéance (le service d'avis d'échéance étant systématiquement facturé 2,30 euros), sauf M. [P]. A cette seule exception, ils ont donc tous fait l'objet d'une facturation d'un service d'avis d'échéance, service payant dénoncé comme illicite, dans lequel la société Foncia groupe est impliquée. Le fait que 3 d'entre eux n'aient pas souscrit au service d'avis d'échéance tout en ayant subi cette facturation n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'un groupe de consommateurs placés dans une situation similaire ou identique au sens de l'article L. 623-1 susvisé. En effet, il ne s'agit que d'une infime minorité et, dans tous les cas, hormis pour M. [P], ils ont reçu des avis d'échéance et subi des frais pour ce service, l'association UFC-Que Choisir faisant valoir notamment qu'une telle pratique est illicite que le service ait été accepté ou non. De même, le fait qu'un seul des consommateurs visés, à savoir Mme [U], n'ait pas conclu un bail soumis à la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, s'agissant d'une location meublée, n'affecte pas non plus l'existence d'une pluralité de consommateurs se trouvant dans une situation similaire ou identique dans la mesure où il est invoqué également un manquement à la loi du 2 janvier 1970 et où, en tout état de cause, il s'agit d'une unique exception. La fin de non-recevoir fondée sur la condition relative aux consommateurs dans une situation similaire ou identique doit dès lors être aussi rejetée. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société Foncia groupe Le tribunal l'a écartée au motif que si la facturation de frais d'avis d'échéance a été réalisée non directement par la société Foncia groupe mais par ses filiales ou les sociétés franchisées, cette pratique était généralisée sur l'ensemble du réseau, les documents utilisés par les agences immobilières étant standardisés. Il en a déduit que la société Foncia groupe ne pouvait y être étrangère au regard de son rôle d'animation et de vérification de la qualité des services assuré à l'égard des agences de son réseau et qu'un manquement personnel lui était reproché. La société Foncia groupe soutient qu'appliquée en matière de responsabilité, la règle de l'article 32 du code de procédure civile signifie que l'action doit être exercée contre l'auteur de la faute alléguée. Or, elle affirme qu'elle n'a conclu aucun contrat d'avis d'échéance, ni facturé ou perçu de somme à ce titre, seules des sociétés du réseau Foncia, personnes morales distinctes, ayant procédé ainsi. Elle conteste tout aveu ou reconnaissance de responsabilité de sa part. De même, elle conteste l'affirmation selon laquelle la pratique dénoncée aurait été conçue et orchestrée par elle, sans marge de manoeuvre laissée aux agences, invoquant qu'elle n'est pas prouvée. Elle fait valoir qu'une société mère ne peut être tenue pour responsable d'actes commis par une de ses filiales, qu'un fait générateur de responsabilité imputable à un franchisé ne permet pas de rechercher la responsabilité du franchiseur et que la notion d'entité économique, propre au droit de la concurrence, ne s'applique pas en matière de responsabilité civile délictuelle de droit commun. L'UFC-Que Choisir conclut sur ce point à la confirmation du jugement. Elle soutient que le caractère standardisé du document intitulé "quittance/avis d'échéance" et le coût uniformisé des envois de ce document au sein des agences du réseau Foncia révèlent que la société Foncia groupe est l'unique responsable de la pratique illicite dénoncée, laquelle n'a pu être réalisée que par le truchement d'un système organisationnel et documentaire mis en oeuvre sur ses préconisations. Elle avance que cet état de fait est confirmé par la société Foncia groupe dans ses écritures, ce qui caractérise un aveu judiciaire qu'elle en est seule responsable. Elle souligne que son action a un fondement délictuel. Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Au cas d'espèce, l'action de l'association UFC-Que Choisir vise à obtenir la réparation de préjudices qu'elle impute à des agissements illicites de la société Foncia groupe, à laquelle elle reproche d'avoir conçu, diffusé et généralisé à l'ensemble des sociétés du réseau Foncia une pratique de facturation aux locataires d'une somme de 2,30 euros par mois d'un service mensuel d'envoi d'avis d'échéance matérialisé par des "avis d'échéance" intégrant cette facturation. Il est constant que la société Foncia groupe est une société holding et qu'elle n'a pas elle-même envoyé les avis d'échéance aux locataires, facturé ce service et perçu de sommes à ce titre. Mais l'association UFC-Que Choisir lui fait grief d'être impliquée dans cette facturation, comme étant la créatrice et l'instigatrice de la pratique dénoncée, et d'avoir elle-même commis un manquement à ce titre. Il s'ensuit que la société Foncia groupe a bien qualité à défendre à cette mise en jeu de sa responsabilité à raison du manquement qui lui est personnellement imputé, la question de déterminer si elle a effectivement eu le rôle allégué par l'association UFC-Que Choisir ayant trait au bien-fondé de l'action et ne se rapportant pas à ses conditions de recevabilité. En tout état de cause, c'est par des motifs pertinents approuvés par la cour que les premiers juges ont relevé que les documents utilisés par les agences immobilières étaient standardisés sur l'ensemble du réseau Foncia et que la société Foncia groupe revendiquait un rôle d'animation et de vérification de la qualité des services assuré à l'égard des agences immobilières dudit réseau. Le coût du service est aussi exactement identique quelle que soit l'agence immobilière. Ces éléments justifient de la conception et de la diffusion de la pratique reprochées à la société Foncia groupe qui, de toute évidence, a imposé aux agences de son réseau d'utiliser le modèle standardisé. En conséquence, la fin de non-recevoir fondée sur le défaut de qualité à défendre de la société Foncia groupe doit être rejetée. Sur les manquements aux obligations fondées sur la loi no89-462 du 6 juillet 1989 L'association UFC-Que Choisir soutient que la société Foncia groupe a manqué à ses obligations légales en ce que la facturation du service d'avis d'échéance constitue un manquement : - à l'article 21 de la loi no89-462 du 6 juillet 1989, avant sa modification par la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, qui prévoyait une transmission gratuite de la quittance, le fait pour Foncia groupe d'avoir apposé sur un unique document la quittance et l'avis d'échéance revenant à rendre payant l'envoi de la première ; - à l'article 4 o) de la même loi ; - à l'article 4 p) de cette même loi interdisant la facturation aux locataires de frais de relance et d'expédition de quittances, l'avis d'échéance s'analysant en une relance, en un rappel au locataire de son obligation de payer le loyer, ce qui correspond à un service fictif puisque le locataire connaît cette obligation ; - à l'article 23 de la même loi et au décret du 26 août 1987 fixant de manière limitative la liste des charges récupérables, lesquels interdisent d'ajouter des charges non visées par ces textes et ne prévoient pas que de tels frais puissent être récupérés. L'intimée réplique que le droit positif lors de la période incriminée ne prohibait pas la facturation d'un service facultatif d'avis d'échéance, arguant que : - l'article 4 p) de la loi du 6 juillet 1989 ne concerne pas l'avis d'échéance ; - l'article 4 o) de la même loi vise les sommes dont le paiement est réclamé lors de l'entrée dans les lieux ; - l'article 21 de la même loi a trait à la quittance ; - la quittance se distingue de l'avis d'échéance en ce qu'il s'agit d'un reçu permettant au locataire d'avoir un justificatif des sommes réglées ; - les sommes facturées au titre du "service d'avis d'échéance" ne correspondent pas à des dépenses prises en charge par les bailleurs mais à des services proposés et rendus par les agences Foncia, dans le cadre de contrats conclus par elles avec les locataires, de sorte que cette pratique ne saurait être prohibée par les textes fixant les charges récupérables ; - la prestation fournie par les sociétés du réseau Foncia est réelle en ce qu'elle permet notamment au locataire d'être informé de variations ponctuelles ou durables, comme l'augmentation du montant du loyer en vertu d'une clause d'indexation que le preneur, avant la loi ALUR, devait appliquer dès lors que le loyer était portable et payable d'avance. 1. Sur le manquement à l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 Dans sa version en vigueur à la date des faits, issue de la loi no 2009-323 du 25 mars 2009, dite loi Molle, l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose : Le bailleur est tenu de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. La quittance porte le détail des sommes versées par le locataire en distinguant le loyer, le droit de bail et les charges. Si le locataire effectue un paiement partiel, le bailleur est tenu de délivrer un reçu ; étant souligné que la loi du 24 mars 2014, non applicable lors la période incriminée, a notamment ajouté qu'aucuns frais lié à la gestion de l'avis d'échéance ou de la quittance ne peuvent être facturés au locataire. Comme le fait valoir l'intimée et l'a indiqué la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 11 février 2016, la quittance se distingue de l'avis d'échéance en ce qu'il s'agit d'un reçu permettant au locataire d'avoir un justificatif des sommes réglées. L'avis d'échéance est pour sa part émis préalablement à la date d'exigibilité du loyer (quelques jours avant) et indique pour l'essentiel la somme dont le locataire est redevable pour le terme à venir. La circonstance que les documents produits par l'appelante comportent sur une même page la quittance et l'avis d'échéance ne permet pas de considérer que ce faisant, le locataire supporte des frais de transmission de la quittance dès lors que, d'une part, la quittance et l'avis d'échéance sont clairement distingués sur deux parties différentes et que, d'autre part, seuls des frais de "service d'avis d'échéance" sont facturés, à l'exclusion de frais de quittance. Il sera au demeurant observé que certains documents produits par l'appelante, par exemple sa pièce no 7-2, comprend une partie non remplie pour la quittance et une partie remplie pour l'avis d'échéance, ce qui corrobore qu'il s'agit bien d'éléments distincts. Le moyen tiré de la violation de l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 doit donc être rejeté. 2. Sur le manquement à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 Dans sa version en vigueur sur la période incriminée, l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 dispose : Est réputée non écrite toute clause : o) Qui impose au locataire le versement, lors de l'entrée dans les lieux, de sommes d'argent en plus de celles prévues aux articles 5 et 22 ; p) Qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ; L'article 5 de la même loi, dans sa version alors applicable, prévoit que la rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leur concours à l'établissement d'un acte de location d'un immeuble appartenant à autrui tel que défini à l'article 2 est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire et l'article 22 a exclusivement trait au dépôt de garantie. Le service d'avis d'échéance n'engendre pas le versement de sommes lors de l'entrée dans les lieux, en plus de celles prévues aux articles 5 et 22 précités, mais génère une facturation et le règlement de sommes mensuellement, à chaque avis d'échéance. Il n'est donc pas prohibé par l'article 4 o) de la loi du 6 juillet 1989. Des énonciations précédentes, il résulte que les frais d'avis d'échéance litigieux ne constituent pas des frais d'expédition de quittances. Ils ne constituent pas davantage des frais de procédure au sens de l'article 4 p) précité, de tels frais supposant l'existence d'une procédure, d'un litige. Le service d'avis d'échéance ne correspond pas non plus à une relance, laquelle a pour objet de rappeler à son destinataire son obligation en cas d'impayé. Le terme de relance implique en effet qu'il y ait eu une première réclamation demeurée infructueuse, à tout le moins qu'il existe une situation d'impayé. Or, l'avis d'échéance est envoyé même s'il n'existe pas d'impayé. Comme indiqué supra, il a pour objet d'indiquer la somme dont le locataire est redevable pour le terme à venir, non encore exigible à sa date d'émission. Il ne constitue pas une relance. Le moyen tiré de la violation de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 sera aussi écarté. 3. Sur le manquement à l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et à l'article 2 du décret no87-713 du 26 août 1987 Dans sa version applicable sur l'essentiel de la période incriminée, l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 dispose : Les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie : 1o Des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ; 2o Des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l'article L. 125-2-2 du code de la construction et de l'habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d'usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ; 3o Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement. La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d'Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l'article 42 de la loi no86-1290 du 23 décembre 1986 précitée (...). Le décret no 87-713 du 26 août 1987 détermine en son annexe la liste des charges récupérables. Les charges d'habitation se définissent comme "l'ensemble des dépenses de fonctionnement d'un immeuble (coût global du logement) avant ventilation entre propriétaire et locataire". Les charges récupérables correspondent à certaines catégories de dépenses prises en charge par le bailleur mais qui peuvent être récupérées par celui-ci. Les dispositions précitées sont d'ordre public et la liste des charges récupérables est limitative. Au cas d'espèce, le service d'avis d'échéance n'a pas été facturé aux locataires à titre de charge locative ou récupérable. Aucun document n'atteste que les avis d'échéance faisaient partie des diligences incombant aux sociétés du réseau Foncia en vertu des contrats conclus avec les propriétaires des biens concernés et pour lesquelles celles-ci percevaient une rémunération. Le fait que certains locataires n'en aient pas reçu, comme M. [P] qui a refusé le service d'avis d'échéance, démontre le contraire et corrobore qu'il s'agit effectivement, comme indiqué supra, d'une prestation de service facultative proposée aux locataires par lesdites sociétés. La facturation de ce service a été faite conformément au contrat d'avis d'échéance passé entre les agences et les preneurs alors que le caractère fictif de ce service n'est pas non plus prouvé. Les avis ont bien été émis, rappelaient mensuellement aux locataires leur obligation de paiement, détaillaient les sommes appelées et avisaient les preneurs de toute variation du quantum dû résultant notamment d'une clause d'indexation. Contrairement à ce que soutient l'association UFC-Que Choisir, ces informations présentaient une utilité pour les preneurs et caractérisent un service fourni à ces derniers par l'agence immobilière. Partant, les frais d'avis d'échéance ne sont pas une dépense acquittée par les bailleurs et la facturation de ces frais aux locataires ne saurait être considérée comme un accessoire du loyer principal ou la récupération d'une charge au profit des bailleurs, l'association UFC-Que Choisir indiquant d'ailleurs dans ses écritures que "le produit de ces prélèvements sauvages n'est pas destiné à être remis au bailleur". Il s'agit de la rémunération d'un service distinct rendu par l'agence au profit du locataire de telle sorte que les frais d'avis d'échéance n'encourent pas le grief d'une charge non incluse dans les charges récupérables. Le moyen tiré de la violation des dispositions législatives et réglementaires relatives aux charges récupérables sera aussi rejeté. Sur les manquements aux obligations fondées sur la loi no70-9 du 2 janvier 1970 L'association UFC-Que Choisir soutient que la société Foncia groupe a aussi manqué à ses obligations légales en ce que la facturation du service d'échéance constitue un manquement à l'article 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et à l'article 66 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 qui interdisent aux agents immobiliers toute facturation autre que les honoraires du mandat. La société Foncia groupe réplique qu'aucun grief ne peut être formulé contre elle aux motifs qu'elle n'est pas soumise à la loi Hoguet et que les articles 6 de cette loi ainsi que 66 du décret du 20 juillet 1972 n'interdisaient pas davantage, avant mars 2014, cette pratique. Aux termes de l'article 1 de la loi no70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dans sa version en vigueur sur la période incriminée, les dispositions de cette loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1o L'achat, la vente, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; 2o L'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ; 3o La cession d'un cheptel mort ou vif ; 4o La souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ; 5o L'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; 6o La gestion immobilière. 7o A l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis. 8o La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation. L'article 6 I de cette loi prévoit que les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1o à 6o, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat : Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d'argent, biens, effets ou valeurs à l'occasion de l'opération dont il s'agit ; Les modalités de la reddition de compte ; Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge. Les dispositions de l'article 1325 du code civil leur sont applicables. Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties. Toutefois, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. Lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes d'argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à l'article 1er avant qu'une opération visée au même article n'ait été effectivement conclue et constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'article 66 du décret no72 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi no70-9 du 2 janvier 1970 dispose en son article 66 inclus dans le chapitre VI relatif aux dispositions particulières à la gestion immobilière : Le mandat précise les conditions de la reddition de comptes qui doit intervenir au moins tous les ans. Le mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y sont désignées. Sont ainsi soumises à la loi Hoguet toutes les personnes physiques ou morales qui, de manière habituelle, se livrent ou prêtent leurs concours, même à titre accessoire, à des opérations portant sur les biens d'autrui. Il est constant que la société Foncia groupe, en sa qualité de holding, ne se livre pas elle-même de manière habituelle à de telles opérations. La circonstance qu'elle ait conçu et généralisé à son réseau d'agences des documents utilisés par celles-ci lorsqu'elles sont chargées de missions de gestion locative ne permet pas de considérer qu'elle ait de manière habituelle prêté son concours, même à titre accessoire, à ces opérations. En effet, en agissant ainsi, elle ne s'entremet, ni n'exerce une gestion portant sur les biens d'autrui en fait et habituellement. Elle ne prête pas davantage de fait son concours à de telles activités : son rôle de conception et de diffusion de supports matérialisant une pratique destinée à être adoptée par les agences du réseau Foncia dans leur mission de gestion locative ne porte pas sur les biens d'autrui et ne caractérise pas une activité d'entremise ou de gestion au sens de la loi Hoguet. La société Foncia groupe soutient ainsi à raison ne pas être soumise à la loi précitée, l'appelante ne répondant d'ailleurs pas à ce moyen. Il s'en déduit que quand bien même la facturation de frais d'échéance aux locataires serait contraire aux dispositions précitées et qu'elle est impliquée dans cette pratique, il n'est pas justifié d'un manquement de la société Foncia groupe à ses obligations légales tel que prévu à l'article L. 623-1 du code de la consommation. Les demandes de l'association UFC-Que Choisir doivent dès lors être rejetées. Sur les demandes reconventionnelles Pour débouter la société Foncia groupe de ses demandes, le tribunal a retenu que l'affirmation du communiqué de presse de l'association UFC-Que Choisir relative à l'absence d'appel contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris était erronée mais compréhensible et que les autres mentions du communiqué ne présentaient pas de caractère excessif. La société Foncia groupe reproche à l'association UFC-Que Choisir d'avoir rendu publique l'existence de l'action initiée contre elle et de l'avoir faussement présentée comme déjà jugée. Elle fait valoir qu'il s'agit d'une faute délictuelle sanctionnée par les articles 1240 et 1241 du code divil. Elle affirme que ces informations adressées à de nombreux organes de presse ont nécessairement été reçues par une fraction significative des clients actuels et potentiels de son réseau et affecté l'image de la marque Foncia dont elle est titulaire. Elle sollicite la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans les conditions précisées au dispositif de ses écritures, outre l'allocation de la somme de 1 euro en réparation de son préjudice. L'association UFC-Que Choisir invoque l'irrecevabilité de la demande et son caractère dénué de fondement au motif que les abus de la liberté d'expression quels qu'ils soient ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil. En toute hypothèse, elle soutient qu'il n'existe en l'espèce aucun abus de critique, arguant que sa communication a été sobre et limitée, ni intention de nuire. Elle ajoute que la société Foncia groupe ne justifie d'aucun préjudice. En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. En l'espèce, la fin de non-recevoir soulevée par l'association UFC-Que Choisir dans le corps de ses écritures n'est pas reprise dans le dispositif de celles-ci. La cour n'a dès lors pas à statuer sur une demande d'irrecevabilité des prétentions reconventionnelles. Il appartient à celui qui se plaint d'une faute délictuelle de rapporter la preuve du préjudice dont il se prévaut en lien de causalité avec cette faute. Au cas présent, la société Foncia groupe n'invoque aucun élément justifiant concrètement de l'atteinte à l'image de la marque Foncia et du préjudice en résultant pour elle, se bornant à l'affirmer. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Foncia Groupe qui s'analysent toutes en des demandes de réparation, qu'elles consistent en des dommages et intérêts ou en des mesures de publicité. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile L'association UFC-Que Choisir, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'intimée la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. PAR CES MOTIFS Rejette la demande de la société Foncia groupe visant à déclarer l'appel irrecevable; Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de l'UFC irrecevables sur le fondement de l'article L. 623-1 du code de la consommation, anciennement L. 423-1 ancien, du même code ; Confirme pour le surplus le jugement ; Statuant à nouveau dans la limite du chef infirmé et ajoutant : Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société Foncia groupe ; Rejette les demandes de l'association UFC-Que Choisir ; Condamne l'association UFC-Que Choisir à payer à la société Foncia groupe la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne l'association UFC-Que Choisir aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier,Le Président,
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JUDICIAIRE DE [Localité 5] 3ème chambre 3ème section No RG 21/10917 - No Portalis 352J-W-B7F-CVAZW No MINUTE : Assignation du : 18 Août 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 24 mai 2022 Monsieur [Z] [E] [Adresse 3] [Localité 4] représenté par Maître Cyrille AMAR de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515 DÉFENDERESSE S.A. VICAT [Adresse 2] [Localité 1] représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #P0370 et par Maîtres Barbara BERTHOLET et Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants, vestiaire #K35 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, Greffière A l'audience du 14 avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 24 mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1.Suivant un contrat de "licence de savoir-faire et d'invention" en date du 1er février 2018, expressément soumis au droit français et à la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris, M. [Z] [E], chercheur spécialisé en minéralogie et chimie du minéral, a consenti à la société Vicat, spécialisée dans la fourniture de produits et services destinés à la construction, un droit exclusif d'usage portant sur un liant minéral innovant, dont la fabrication permet une réduction sensible des émissions de CO2, et ce, moyennant le versement d'une redevance d'un montant de 2.000 euros par mois. Le contrat prévoit qu'il est conclu pour la durée du contrat de travail à durée déterminée (article 7) par lequel la société Vicat a engagé M. [E], du 1er février au 31 juillet 2018, en raison de l'accroissement d'activité lié au développement de liants activés chimiquement. Le contrat prévoit également la faculté pour le licencié d'acquérir l'invention et pour le concédant, l'engagement dans ce cas de lui céder l'invention, à des "conditions justes et raisonnables" que les parties s'engagent "à négocier de bonne foi" (article 6). 2.Par deux avenants successifs, le contrat de travail de M. [E] a été renouvelé jusqu'au 31 juillet 2019, et par une lettre du 25 juillet 2019, la société Vicat a levé l'option d'achat de l'invention prévue au contrat de licence. Un nouveau contrat de travail à durée déterminé a été régularisé entre les parties pour la période du 4 février au 31 juillet 2020. 3.C'est en cet état que, par une lettre du 5 août 2020, la société Vicat a finalement notifié à M. [E] sa décision de ne pas acquérir l'invention et de mettre un terme aux négociations. 4.Les échanges ayant suivi cette décision de la société Vicat n'ayant pas permis de rapprocher les points de vue des parties, cette société s'étant refusée à toute indemnisation du préjudice étant résulté de la violation selon M. [E] de ses engagements contractuels, ce dernier l'a, par acte d'huissier délivré le 19 août 2021, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes. 5.Par des conclusions d'incident notifiées électroniquement le 14 décembre 2021, M. [E] a saisi le juge de la mise en état d'une demande aux fins d'obtenir la condamnation de la société Vicat au versement d'une provision d'un montant de 1.270.000 euros. Il forme la même demande dans ses dernières conclusions d'incident du 14 mars 2022. 6.Par des conclusions d'incident no2 notifiées par la voie électronique le 11 avril 2022, la société Vicat conclut au rejet de cette demande et, subsidiairement, qu'elle soit assortie d'une consignation du même montant auprès de la Caisse des Dépôts et consignations. 7.L'incident a été plaidé à l'audience du 14 avril 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 8.M. [E] fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 1104 du code civil d'où découle selon lui le caractère non sérieusement contestable de ses demandes. Il soutient à cet égard qu'en levant l'option d'achat de l'invention, la société Vicat s'est engagée à négocier de bonne foi les termes du contrat d'achat, n'ayant plus la faculté de remettre en cause le principe de l'acquisition. Aussi, en opérant une volte-face brutale, fondée sur un motif insusceptible de la justifier à ce stade, la société Vicat a, selon lui, démontré en définitive son cynisme et le fait qu'elle n'a en réalité jamais eu l'intention d'acquérir l'invention, mais a, en contractant et en levant l'option, simplement cherché à retarder l'arrivée sur le marché d'un produit concurrent respectueux de l'environnement. 9.La société Vicat fait quant à elle valoir que la demande de M. [E] se heurte à de nombreuses contestations sérieuses, en particulier tirées de la qualification du contrat, qui n'était pas une promesse synallagmatique ou unilatérale de vente, parfaite dès la levée d'option, mais un contrat entourant des négociations. Elle ajoute avoir toujours négocié de bonne foi, ainsi qu'en témoignent ses investissements auxquels elle a renoncé. Elle ajoute que le préjudice éventuellement subi par M. [E] ici ne peut en aucun cas s'analyser en une perte de chance. Appréciation du juge de la mise en état 10.Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (...) 3o Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522." 11.En application des dispositions identiques de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, il est constamment jugé que l'interprétation des clauses d'un contrat revient à trancher une contestation sérieuse (Cass. Civ. 1ère, 4 juillet 2006, pourvoi no 05-11.591, Bull. 2006, I, no 337). 12.Il résulte en outre de l'article 1123 premier alinéa du code civil que "Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter." Et selon l'article 1124 de ce même code, "La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire." 13.L'article 6 "Option d'acquisition" du contrat est ainsi libellé : "Pendant toute la durée du présent contrat, le licencié bénéficie d'une option d'acquisition de la pleine et entière propriété sur l'invention et, le cas échéant, d'une licence d'exploitation sur le savoir-faire. La décision du licencié sera notifiée au concédant par écrit daté avec preuve de réception. Le concédant s'engage, en cas d'exercice de cette option par le licencié, à lui céder la pleine et entière propriété de l'invention et à lui concéder, le cas échéant, une licence d'exploitation sur le savoir-faire à des conditions justes et raisonnables, que les parties s'engagent à négocier de bonne foi en tenant compte des informations dont elles disposeront alors (...)". 14.Force est en l'occurrence de constater que les éléments essentiels du contrat (objet, prix,...) que M. [E] s'est engagé à consentir à la société Vicat, ne sont pas déterminés par le contrat du 1er février 2018, de sorte que ce contrat pourrait tout aussi bien s'analyser en un pacte de préférence, et non en une promesse de contrat, seule cette dernière qualification permettant de retenir que le contrat était parfait par la seule levée de l'option. Aussi, la nécessité d'interpréter le contrat et partant, de trancher une contestation sérieuse, de même que la nécessité d'apprécier la bonne ou la mauvaise foi de la société Vicat, qui excède tout autant la compétence du juge de la mise en état, ne peuvent que conduire au rejet de la demande de provision. 15.Les dépens seront réservés. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mie en état, REJETTE la demande de provision présentée par M. [E] ; RÉSERVE les dépens ; RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état (dématérialisée) du : 30 juin 2022 à 14 heures pour laquelle les parties sont invitées à faire part au juge de la mise en état de leur avis sur la proposition qui leur est faite de procéder entre elles par voie de médiation afin de leur permettre de tenter de trouver une issue rapide et librement négociée au présent litige, et à défaut, pour fixation d'un calendrier court ; Faite et rendue à [Localité 5] le 24 mai 2022. La GreffièreLe Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 16/13597 No Portalis 352J-W-B7A-CIYIZ No MINUTE : Assignation du : 02 Septembre 2016 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 20 Mai 2022 DEMANDERESSE Société SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH [Adresse 7] [Localité 3]) Société RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC C/O Corporation Service Compagny [Adresse 1] DE 19808 (ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE) représentées par Maître Bertrand WARUSFEL de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0028 DÉFENDERESSES S.A.S. MILLIPORE [Adresse 4] [Localité 5] S.A.S. MERCK BIODEVELOPMENT [Adresse 2] [Localité 6] représentées par Maître Catherine MATEU de la SEP ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Madame Elise MELLIER, Juge assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 1er avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 20 mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE Par acte extrajudiciaire du 2 septembre 2016, la société SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH (ci-après la société « SARTORIUS ») a fait assigner les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris en contrefaçon d'un brevet européen EP 2 024 487 (ci-après « EP 487 »). Les défenderesses ont reconventionnellement sollicité la nullité de la partie française de ce brevet et fait assigner en intervention forcée, par acte du 15 avril 2021, la société RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC (ci-après la société « RESPIRONICS »), co-titulaire du brevet EP 497 afin que le jugement à intervenir lui soit opposable. Les deux procédures ont été jointes par décision du juge de la mise en état du 23 septembre 2021. Par conclusions d'incident du 15 février 2022, les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT ont notamment soulevé la prescription des demandes formées à leur encontre par la société RESPIRONICS dans ses conclusions au fond du 3 décembre 2021. Aux termes de leurs conclusions d'incident no 2 signifiées électroniquement le 25 mars 2022, les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT demandent au juge de la mise en état de : Vu l'article 2219 du code civil, Vu l'article L. 615-8 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable au 2 septembre 2016, Vu l'article 789 du code de procédure civile, - Juger que les demandes de la société RESPIRONICS sont irrecevables comme étant prescrites ; - Condamner solidairement les sociétés RESPIRONICS et SARTORIUS à verser à chacune des sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner les sociétés SARTORIUS et RESPIRONICS sous la même solidarité en tous dépens. Aux termes de leurs conclusions en réponse sur l'incident signifiées par voie électronique le 31 mars 2022, les sociétés SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH et RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC demandent au juge de la mise en état de : - JUGER que l'incident formé par les sociétés MERCK MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT est irrecevable et mal-fondé ; - JUGER que la question de la recevabilité et de la prétendue prescription des demandes de la société RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC sera traitée dans le cadre des conclusions au fond ; - REJETER les demandes injustifiées sollicitées par les sociétés MERCK MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT à verser aux sociétés SARTORIUS et RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC la somme de trois mille (3 000) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recourus (sic) par la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries sur incident à l'audience du 1er avril 2022. Pour un exposé complet de l'argumentation des parties, il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs conclusions d'incident précitées. MOTIFS DE LA DÉCISION A titre liminaire, il sera simplement observé que le courrier par lequel l'INPI a refusé la première limitation ayant été communiqué, les demanderesses à l'incident ont expressément abandonné leurs demandes à ce sujet. Les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT soutiennent que, en ce qu'elles sont fondées sur des faits invoqués dans l'assignation en date du 2 septembre 2016 délivrée à la requête de la société SARTORIUS, les demandes en contrefaçon présentées par la société RESPIRONICS dans des conclusions du 3 décembre 2021 sont prescrites. Cette dernière société n'ayant été attraite à la procédure qu'en avril 2021, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur ce point. En réponse, les sociétés SARTORIUS et RESPIRONICS soutiennent que le litige étant antérieur au 1er janvier 2020, la question de la prescription des demandes de la société RESPIRONICS ne pourra être tranchée que par le tribunal saisi au fond, ce qui est du reste d'une bonne administration de la justice. En application de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Par ailleurs, s'il est exact qu'une jonction d'instances, simple mesure d'administration judiciaire, ne conduit pas à la création d'une procédure unique, les affaires jointes demeurant autonomes et chacune soumise aux règles de procédure qui lui sont propres, encore faut-il que les procédures jointes soient originellement des instances distinctes ; or, l'intervention forcée constitue une demande incidente, qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires, de sorte qu'elle n'entraîne pas la création d'une nouvelle instance (Cass. 2e civ., 25 juin 2015, no 13-27.470 et no 14-21.713). Dès lors, et le décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui a confié l'examen des fins de non-recevoir au seul juge de la mise en état, ayant sur ce point reporté son entrée en vigueur aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il doit être fait en l'espèce application de l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret précité, aux termes duquel les fins de non-recevoir, dont fait partie la prescription, sont de la compétence du tribunal statuant au fond en formation collégiale. Les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT verront en conséquence leurs prétentions tendant à voir consacrer la prescription des demandes formées à leur encontre par la société RESPIRONICS déclarées irrecevables. Les sociétés MILLIPORE ET MERCK BIODEVELOPMENT, qui succombent, supporteront ensemble les dépens du présent incident, outre leurs propres frais. Elles seront en outre condamnées in solidum à payer aux sociétés SARTORIUS et RESPIRONICS, ensemble, la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles que celles-ci ont dû engager pour se défendre. PAR CES MOTIF Nous, juge de la mise en état, par décision rendue publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d'appel dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2021 et s'appliquant aux instances en cours à cette date, DISONS irrecevables en leur demande de prescription les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT ; RENVOYONS l'affaire à l'audience de mise en état du 15 septembre 2022 (audience dématérialisée), pour clôture ; CONDAMNONS in solidum les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT à payer aux sociétés SARTORIUS STEDIM BIOTECH GmbH et RESPIRONICS NOVAMETRIX LLC ensemble la somme globale de 3 000 (trois mille) euros au titre des frais irrépétibles ; CONDAMNONS in solidum les sociétés MILLIPORE et MERCK BIODEVELOPMENT aux dépens du présent incident. Faite et rendue à Paris, le 20 mai 2022. Le GreffierLe Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE DE [Localité 7] 3ème chambre 2ème section No RG 20/04001 - No Portalis 352J-W-B7E-CSA6V No MINUTE : Assignation du : 18 Mai 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 07 Mai 2021 DEMANDERESSES S.A.S. BB DESIGN [Adresse 1] [Localité 2] Société NINGBO TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD 6th floor Unit C16 [Adresse 6] [Adresse 5] (REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE) représentée par Maître Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1605 DEFENDERESSE S.A.S.U. DOREL FRANCE [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 3] représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Catherine OSTENGO, Vice-présidente, Juge de la mise en état, Assistée de Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 01 Avril 2021, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2021. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société SAS BB DESIGN a pour activité l'étude, la conception et la commercialisation de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules. Elle commercialise depuis 2013, un siège auto rotatif pour enfant dénommé ROTAX fabriqué par la société chinoise APRAMO CHILD MANUFACTURING Co., Ltd. La société TRANSTEK est une société de droit chinois qui exerce une activité de conception, fabrication et commercialisation de sièges pour véhicules et notamment de sièges automobiles pour enfants. La société SAS DOREL FRANCE, a pour activité principale la conception, la fabrication et la commercialisation d'articles de puériculture, tels que des poussettes, des chaises hautes, des landaus, des berceaux, des sièges autos, etc. qu'elle commercialise en France sous les marques Bébé Confort, Baby Relax, Babidéal, Safety 1st. Elle est titulaire du brevet européen EP 1 625 967 (ci-après EP 967), déposé le 14 août 2004 et publié le 17 octobre 2007, ayant pour intitulé « Sie ge auto pour enfant, pivotant entre une position face a la route et une position face a la portie re, a retour automatique en position face a la route ». Elle était également titulaire du brevet européen EP 1 625 968 annulé pour défaut de nouveauté par la cour d'appel de Paris par arrêt du 15 novembre 2019. Considérant que le même sort devait être réservé au brevet EP 1 625 967 la société BB DESIGN et la société TRANSTEK ont, par acte signifié le 18 mai 2020, assigné la société DOREL FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de sa partie française. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 26 mars 2021, la société DOREL FRANCE demande au juge de la mise en état de : Vu l'article 31 du Code de proce dure civile, Vu l'article 789 du Code de proce dure civile, Vu l'article 122 du Code de proce dure civile, CONSTATER que le brevet EP 1 625 967 n'a jamais e te oppose aux socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ; CONSTATER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ne rapportent aucune preuve d'actes pre paratoires ou projet se rieux pour mettre en oeuvre une technique similaire au brevet EP 1 625 967 ; En tout e tat de cause, CONSTATER que la socie te DOREL n'a pas paye la dernie re annuite relative a la partie franc aise de son brevet EP 1 625 967 depuis le 27 aou t 2020 de sorte que celui-ci n'est plus en vigueur ; Par conse quent : JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK n'ont pas d'inte re t a agir en nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967; DE CLARER irrecevable ou, a tout le moins, mal fonde es les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK de leur demande de nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967 ; DIRE n'y avoir lieu a appliquer les dispositions de l'article 700 du code de proce dure civile ; RE SERVER les de pens. Par conclusions en réponse à incident notifiées par voie électronique le 23 mars 2021, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK demandent au juge de la mise en état de : Vu les articles 31 et 700 du Code de proce dure civile, Vu la jurisprudence, Vu les pie ces, DIRE ET JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ont un inte rêt a agir en nullite du brevet EP 1 625 967 ; En conse quence, REJETER la demande de la socie te DOREL tendant a de clarer irrecevable la demande en nullite du brevet EP 1 625 967 forme e par les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ; CONDAMNER la socie te DOREL aux entiers de pens et a verser a chacune des socie te s BB DESIGN et TRANSTEK la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de proce dure civile ; REJETER toute autre demande de la socie te DOREL ; L'incident a été plaidé le 1er avril 2021 et mis en délibéré au 7 mai 2021. MOTIFS DE LA DECISION La société DOREL soutient qu'en application de l'article 31 du code de procédure civile réservant la demande de nullité d'un brevet à toute personne titulaire d'un intérêt direct et personnel, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK doivent être déclarées irrecevables dès lors qu'elles ne démontrent pas l'existence d'actes préparatoires ou de projet sérieux mettant en oeuvre une technique reprenant les revendications du brevet EP 967 qui ne leur est d'ailleurs pas opposé. Elle ajoute que le produit ROTAX n'est plus exploité en France depuis 2013 par suite des mesures d'interdiction prononcées en référé le 21 novembre 2013, de sorte que la prescription est acquise, et qu'en tout état de cause les annuités relatives à la partie française du brevet EP 967 n'ont pas été réglées depuis le 27 août 2020 de sorte qu'elle s'en trouve aujourd'hui déchue. Les sociétés défenderesses répliquent avoir un intérêt à agir car la technique décrite dans le brevet EP 967 est reprise par le siège ROTAX qui pivote entre une position de voyage face à la route et une position d'installation face à la portière. Elles ajoutent que même si ce siège n'est plus commercialisé en France, le brevet litigieux demeure en vigueur et pourrait donc être invoqué par la société DOREL pour empêcher la commercialisation future de sièges par la société BB DESIGN. La société TRANSTEK, fait valoir que spécialisée dans les sièges automobiles elle s'est vue confier par la société BB DESIGN, le projet de fabriquer le nouveau siège ROTAX ce qui démontre sa intérêt à agir. Enfin, les défenderesses font valoir que leurs demandes constituent des actes positifs, encouragés pour la libre concurrence sur le marché, dans le but de faire cesser une appropriation exclusive et illégitime que représente le brevet EP 967. En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable. Et, conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité d'un brevet français ou de la partie française d'un brevet européen est apprécié selon les conditions de droit commun et doit ainsi être personnel, légitime, né et actuel au jour de l'assignation, les éléments postérieurs à celle-ci pouvant toutefois éclairer le tribunal sur la situation à sa date voire asseoir une régularisation au sens de l'article 126 du code de procédure civile à défaut de texte l'excluant. Lorsque l'action en nullité oppose deux parties en situation de concurrence, l'avantage procuré par une telle action au sens de l'article 31 du code de procédure civile s'entend traditionnellement, tant pour la doctrine que pour les juridictions françaises, comme devant se traduire par une amélioration de la situation juridique du demandeur, et il est en général attendu de ce dernier qu'il démontre l'existence d'un intérêt suffisant visant à libérer une exploitation prochaine de la technique brevetée ou d'une technique ressemblante. En l'espèce, les parties sont pareillement des fabricants et/ou des distributeurs de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules. La société BB DESIGN et la société TRANSTEK soutiennent que le siège ROTAX et pour lequel elles auraient un projet commun de relancement de la production et de la distribution sur le territoire national, reproduit les caractéristiques de l'invention décrite dans le brevet EP 967. La description abrégée de cette invention telle que publiée par l'INPI est la suivante : « (...)un siège auto pour enfant, comprenant une assise montée pivotante sur une embase fixe de façon que le siège puisse être orienté selon au moins deux positions, l'une face à la route et l'autre face à une portière latérale, et des moyens de rappel (3, 4) débrayables qui, lorsqu'ils sont embrayés, agissent sur une platine solidaire dudit siège de façon à ramener celle ci dans ladite position face à la route ». Les défenderesses à l'incident soutiennent que le siège ROTAX reprend ces caractéristiques puisque selon leurs dires, il pivote d'un quart de tour, entre une position de voyage, face à la route, et une position d'installation, face à la portière et qu'il met également en oeuvre un système de retour automatique du siège et de verrouillage de position. Toutefois, comme le relève justement la société DOREL, la caractéristique selon laquelle le siège comporte « une position de voyage, face à la route, et au moins une position d'installation, face à une portière latérale, comprenant des moyens de rappel tendant à ramener ladite assise dans ladite position de voyage (...) » est décrite dans le préambule de la revendication 1 et fait donc partie de l'état de la technique antérieur. L'invention selon le brevet EP 967 est en effet constituée par des moyens de rappel qui sont : -« inactifs, ou debrayés, sur une première portion angulaire, débutant en position d'installation et s'arrêtant en une position intermédiaire prédéfinie, le déplacement sur cette première portion angulaire étant assuré manuellement par l'utilisateur ; - actifs, ou embrayés, sur une seconde portion angulaire, terminale, débutant à ladite position intermédiaire prédéfinis, et s'arrêtant à ladite position de voyage, de façon que le siège soit systématiquement ramené dans la position de voyage, sans action manuelle de l'utilisateur, lorsqu'il se trouve dans ladite seconde portion angulaire ». Dans sa partie descriptive, le brevet indique que « l'assise reprend automatiquement la position précise face à la route, même si l'utilisateur ne l'a pas correctement repositionnée » et qu'il « suffit à l'utilisateur d'effectuer une partie du déplacement, ou d'initier celui-ci, pour que les moyens de rappel prennent le relais, et finalisent la mise en place correcte en position de transport ». La société BB DESIGN qui soutient que son siège ROTAX comprend pareillement un système de retour automatique du siège se contente pour en rapporter la preuve de se référer à une illustration extraite d'un rapport d'expertise privée réalisée à son initiative le 14 mai 2018 (pièce BB DESIGN no 5.1) et qui présente le siège accompagné d'une flèche illustrant sa rotation (phase 3). Ce seul élément ne peut suffire à établir que ladite rotation s'exerce automatiquement étant relevé que la phase 4 est illustrée par un moyen de verrouillage qui pour sa part précise expressément que celui-ci est effectué automatiquement. La société DOREL pour sa part, produit un extrait du site internet « mummysmarket.com » présentant le siège ROTAX dont la description ne mentionne nullement qu'il comprend des moyens de remise en place automatique du siège face à la route (pièce DOREL no10). Outre le fait donc, qu'il n'est pas justifié du projet commun allégué par les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK de distribution du siège ROTAX sur le territoire français, il n'est pas avéré, au vu des pièces produites que ce siège tel qu'il est actuellement commercialisé à l'étranger, reprendrait la technique brevetée ou une technique ressemblante qui permettrait de juger que le brevet EP 967 constituera une entrave pour leur activité. Par ailleurs, elles ne peuvent pertinemment soutenir qu'en tout état de cause leur action en nullité tend à mettre un terme au monopole indu que se réserve la société DOREL sur le marché des sièges automobiles rotatifs pour bébés alors que le brevet EP 967, outre qu'il ne pouvait octroyer à son titulaire qu'un monopole sur le moyen de rappel automatique qu'il décrit, est expiré depuis le 28 février 2021, la société DOREL ne s'étant pas acquittée de la redevance du 27 août 2020 et n'ayant pas régularisé sa situation auprès de l'INPI dans les 6 mois. Cela n'est d'ailleurs pas contesté par les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK qui se contentent de rappeler qu'une telle déchéance ne vaut que pour l'avenir et que ce titre pourrait toujours être invoqué pour sanctionner les actes d'exploitation antérieurs ce qui au cas d'espèce doit être écarté dans la mesure où le siège ROTAX ne reproduit pas les caractéristiques des revendications du brevet EP 967. Il s'ensuit que les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK doivent être déclarées irrecevables. Partie perdante, elle supporteront par ailleurs la charge des dépens. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible d'appel, mise à disposition par le greffe le jour du délibéré, DECLARE sociétés BB DESIGN et TRANSDEK TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD irrecevables en leurs demandes, DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE sociétés BB DESIGN et TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD aux dépens. Faite et rendue à [Localité 7] le 07 Mai 2021 Le GreffierLe Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/15290 - No Portalis 352J-W-B7F-CVVJN No MINUTE : Assignation du : 07 Décembre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 24 mai 2022 DEMANDERESSE S.A. L'OREAL [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Nicolas BRAULT de la SARL WBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0046 DÉFENDERESSE S.A.R.L. WINES AND BRANDS [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Margaux NEGRE-CARILLON de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, Greffière A l'audience du 14 avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 24 mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1.La société L'Oréal SA est titulaire de nombreuses marques, parmi lesquelles la marque verbale française « Azzaro » no1347241, enregistrée le 19 mars 1986 pour désigner en classe 3 les produits de parfumerie et la marque verbale internationale désignant la France « Chrome » no656351, enregistrée le 22 mai 1996, également en classe 3. Ces marques ont été acquises dans le cadre de la cession du pôle fragrances du groupe Clarins. La société L'Oréal est ainsi venue aux droits de la société Loris Azzaro B.V, qui a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société MUGLER SAS, renommée Azzaro Beauté, elle-même ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de l'associé unique, L'Oréal SA. La mention de cette transmission totale de propriété des marques a été inscrite au registre des marques tenus par l'INPI et l'OMPI le 22 octobre 2020. 2.La société Wines & Brands SARL, fondée en 2017, est spécialisée dans le négoce de vin. Elle exploite notamment le site internet accessible à l'adresse <www.winesandbrands.com>. 3.Ayant découvert que la société Wine & Brands faisait la promotion sur son site internet de bouteilles de vin revêtues de la marque "Azzaro" et faisait aux mêmes fins, usage de la marque "Chrome", évoquant notamment un partenariat avec la "maison de luxe Azzaro", la société L'Oréal l'a, par une lettre du 7 octobre 2021, mise en demeure de cesser de faire usage des marques et de lui communiquer tous éléments utiles en vue de l'évaluation de son préjudice. Invoquant la licence lui ayant été consentie par la société Loris Développement le 28 juin 2021 sur la marque verbale de l'Union européenne "Azzaro" enregistrée sous le no5926911 le 17 avril 2008 pour désigner en classe 32 les "eaux minérales", d'une part, et la marque verbale internationale ne désignant pas la France "Azzaro" enregistrée sous le no841773, le 7 mai 2004, pour désigner en classes 30, 33 et 34, notamment les "vins", d'autre part, la société Wine & Brands a refusé d'accéder aux demandes de la société L'Oréal sauf en ce qui concerne la référence aux parfums. 4.Insatisfaite de cette réponse, la société L'Oréal a, par acte d'huissier délivré le 7 septembre 2021, fait assigner la société Wines & Brands devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes en réparation de l'atteinte à ses marques renommées "Azzaro" et "Chrome", ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. 5.Par des conclusions d'incident notifiées électroniquement le 5 février 2022, renouvelées le 8 avril suivant, la société L'Oréal demande au juge de la mise en état de faire défense, à titre provisoire et conservatoire, à la société Wines & Brands de promouvoir par tous moyens, de fabriquer et faire fabriquer, et de commercialiser tout produit revêtu des marques renommées « Azzaro» et/ou « Chrome», ainsi que de faire référence à un "partenariat avec la marqe de luxe Azzaro", sous astreinte de 5.000 € par jour et par infraction constatée. Elle conclut au rejet de la demande de sursis à statuer et sollicite la condamnation de la société Wines & Brands à lui payer la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 6.Par des conclusions d'incident en réplique notifiées par la voie électronique le 31 mars 2022, la société Wines & Brands demande quant à elle au juge de la mise en état d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt définitif qui sera rendu par la cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG no 13/10160, d'écarter des débats la pièce communiquée par la société L'Oréal sous le no 2, de rejeter l'intégralité des demandes formées par la société L'Oréal et de condamner la société L'Oréal à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 7.L'incident a été plaidé à l'audience du 14 avril 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la demande de sursis à statuer Moyens des parties 8.La société Wines & Brands soutient de ce chef que l'issue du litige en cours devant la cour d'appel, qui concerne les marques déposées par la société Nature Up dont elle-même tient ses droits, influencera le sort du présent litige, de sorte qu'il apparaît selon elle de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer. 9.La société L'Oréal s'oppose au sursis faisant valoir que l'instance toujours en cours devant la cour d'appel ne concerne ni la société Wines & Brands ni les marques en litige. Appréciation du juge de la mise en état 10.Le sursis sollicité par la société Wines & Brands n'est en l'occurrence pas obligatoire, de sorte qu'il ne peut être prononcé que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, pour le cas où l'issue de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel serait susceptible d'avoir une incidence directe sur la solution du présent litige. Cette appréciation doit s'opérer notamment au regard de l'incidence prévisible du sursis qui serait ordonné sur le délai de traitement du présent litige et de la probabilité d'une contrariété de décisions qui résulterait en l'espèce d'une remise en cause des droits invoqués par la société L'Oréal au soutien de ses demandes (ici les marques no1347241 et no656351). 11.Force est à cet égard de constater que la validité des marques ici opposées n'est pas en cause dans le cadre de l'instance dont est saisie la cour d'appel de Paris, dont au surplus la date prévisible de la décision n'est pas connue, et apparaît même relativement lointaine puisque cette juridiction a elle-même ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte pénale. Aussi, le sursis n'apparaît nullement commandé par l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Cette exception de procédure sera donc rejetée. 2o) Sur la demande au titre de la contrefaçon vraisemblable Moyen des parties 12.La société L'Oréal invoque la renommée de ses marques "Azzaro" et "Chrome" en classe 3 (produits de parfumerie) aux fins d'obtenir qu'il soit fait défense à la société Wines & Brands de faire la promotion de vins (classe 33) en faisant usage de ces signes. 13.La société Wines & Brands conclut au rejet de cette demande soutenant que le signe "Chrome" n'est pas un utilisé dans la vie des affaires mais simplement ici aux fins de décrire l'origine des marques lui ayant été concédées en licence. Elle rappelle à cet égard que le célèbre couturier et fondateur de la maison de mode éponyme était soucieux de protection de l'environnement et qu'il avait mandaté l'un de ses amis aux fins de créer une fondation ayant pour objet la protection de l'environnement dont les activités seraient financées par la production de produits issus de la terre et notamment des vins. C'est pour cette raison que la société Nature Up, aux droits de laquelle vient la société Loris Développement, a déposé diverses marques "Azzaro" pour désigner différents produits dont les vins. Ce sont ces marques qui lui ont été concédées en licence et c'est pour rappeler cette origine qu'il a été fait usage des signes "Chrome" et "Azzaro", tandis qu'aucune bouteille de vin marquée "Azzaro" n'a été commercialisée en France, territoire non couvert par les marques lui ayant été concédées en licence. Appréciation du juge de la mise en état 14.Selon l'article 789 du code de procédure civile, "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (...) 4o Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées (...)". 15.Aux termes de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...)" 16.Il résulte en outre de l'article L. 713-3 de ce même code qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice." 17.La renommée de la marque "Azzaro" est amplement établie par les pièces produites aux débats (pièce L'Oréal no2 dont le bordereau joint aux conclusions détaille le contenu de sorte qu'il n'y a pas lieu d'écaretr cette pièce des débats) et avait d'ailleurs été retenue par le jugement rendu par ce tribunal le 26 avril 2013. Tel n'est pas le cas en revanche, en l'état des pièces produites qui ne la concernent pas spécialement, de la marque "Chrome", de sorte que les demandes concernant cette marque et fondées sur sa renommée ne sauraient prospérer en raison de l'absence de similitude, comme d'ailleurs de complémentarité, entre les produits de parfumerie et les vins, à supposer que l'usage du signe "Chrome" ait lieu "dans la vie des affaires". 18.Le procès-verbal de constat réalisé le 21 octobre 2021 par Me [K], huissier de justice à [Localité 3], établit en revanche de multiples usages du signe "Azzaro" sur le site accessible à l'adresse <www.winesandbrands.com> pour faire la promotion, en langue française, de vins de différentes gammes "proposées en France et à l'international", et partant, à destination du public français (Cass. Com., 13 juill. 2010, no 08-13.944, Bull. civ. IV, no 124). Cet usage a indiscutablement lieu "dans la vie des affaires" et le lien avec les parfums "Azzaro" est non seulement établi mais encore revendiqué (cf l'extrait suivant accompagnant les visuels des bouteilles : "Des vins précieux qui sont l'expression parfaite de la philosophie de la marque Azzaro et de ses parfums."). La société Wines & Brands ne dispose d'aucun motif légitime d'usage de la marque "Azzaro" pour désigner des vins en France et tire dès lors indûment profit de la renommée des marques "Azzaro" et des investissements de son titulaire légitime. En l'état de cette contrefaçon vraisemblable établie, il sera donc fait droit à la mesure d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 19.La société Wines & Brands revendique dans sa communication "une association avec la marque de luxe Azzaro pour des vins premium sous le prestigieux label Azzaro", association qui n'existe pas, la licence sur les marques ne lui ayant pas été concédée par "la marque de luxe", mais par la société Loris Développement, distincte des sociétés qui exploitent la branche des parfums ou celle de la mode. Cette fausse information est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public amené à croire à une origine commune des produits. Aussi, il sera de la même manière fait droit à la demande d'interdiction concernant ce partenariat selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, qui ne pourront qu'exclure les articles de presse librement rédigés par leurs auteurs et sous leur propre responsabilité. 20.Les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mise en état, REJETTE la demande de sursis à statuer formulée par la société Wines & Brands ; FAIT DÉFENSE, à titre provisoire et conservatoire, à la société Wines and Brands de promouvoir, par tous moyens, de fabriquer et faire fabriquer, et de commercialiser, en France, des bouteilles de vin revêtues de la marque renommée « Azzaro », et ce, sous astreinte de 500 € par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance et jusqu'à la décision du tribunal statuant au fond ; FAIT DÉFENSE, à titre provisoire et conservatoire, à la société Wines and Brands de faire état, en France, par tous moyens et sur tous supports, en ce compris sur son site internet à l'adresse <www.winesandbrands.com>, d'un partenariat ou d'un quelconque lien avec la « marque de luxe Azzaro », et ce, sous astreinte de 500 € par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance et jusqu'à la décision du tribunal statuant au fond ; SE RESERVE la liquidation des astreintes ; RÉSERVE les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état (dématérialisée) du : 17 novembre 2022 à 14 heures pour clôture et fixation au terme du calendrier suivant : - 29 juillet 2022 (date relais) pour les conclusions au fond no1 de Wines and Brands, - 30 septembre 2022 (date relais) pour les conclusions au fond no1 de la société L'Oréal, - 28 octobre 2022 (date relais) pour les conclusions au fond no2 de Wines and Brands. Faite et rendue à Paris le 24 Mai 2022. La GreffièreLe Juge de la mise en état
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No de minute : 47 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 27 Mai 2021 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 19/00043 - No Portalis DBWF-V-B7D-P7W Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Décembre 2017 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :15/262) Saisine de la cour : 23 Mai 2019 S.A.R.L. JAKALDI, Siège social : [Adresse 4] (liquidation judiciaire depuis le 15 juillet 2019) Mme [E] [W] née le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3] Représentée par Me Jean-jacques DESWARTE de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA AUTRE INTERVENANT S.E.L.A.R.L. [P] [C], Siège social : [Adresse 1] COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 Mai 2021, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,M. François BILLON, Conseiller, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET. Greffier lors des débats et de la mise à disposition : M. Petelo GOGO ARRËT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** Rappel de la procédure Par contrat de travail à durée indéterminée du 10 avril 2015, madame [E] [W] était embauchée par la SARL JAKALDI qui exploite le restaurant "QG Bistronomique" en qualité d'employé polyvalent de restauration, à temps complet moyennant un salaire mensuel brut égal à 155 000 XPF évoluant à 175 000 XPF en juin 2015 (convention collective de l'hôtellerie, restauration, bars, café). Le 7 septembre 2015, madame [W] était destinataire d'une convocation à entretien pour motif personnel indiqué par erreur à la date du 23 avril 2015 avec notification d'une mise à pied conservatoire pour avoir menacé son employeur de "brûler leur restaurant". Suite à un entretien informel qui avait eu lieu entre les parties le 15 juillet, elle recevait dans le même courrier une notification en date du 16 juillet 2015 d'une mise à pied conservatoire (pièce no8) a effet immédiat pendant la procédure de licenciement pour différents retards, absences injustifiées, et diverses fautes (dégradations de matières premières, injures, insubordination, abandon de poste, menace verbale, présence d'un enfant sur le lieu de travail). Le 7 octobre 2015, madame [W] envoyait un courrier à son employeur rappelant qu'elle avait été licenciée verbalement le 15 juillet 2015 et demandant le règlement des sommes qu'elle estimait dues ainsi que la remise des documents de fin de contrat. Le 9 octobre 2015, son employeur lui remettait une lettre de licenciement pour faute lourde non datée lui rappelant les faits reprochés dans la lettre du 16 juillet 2015. ll lui notifiait aussi la fin de son contrat de travail à cette date et l'absence de règlement d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de congés payés et de la période de mise à pied conservatoire. Elle recevait en main propre son certificat de travail et un reçu de solde de tout compte Selon requête enregistrée le 15 décembre 2015, modifiée et complétée par des conclusions ultérieures, madame [E] [W] a fait convoquer devant le tribunal la SARL JAKALDI aux fins de faire juger son licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse outre le paiement des indemnités afférentes. Par jugement en date du 27 décembre 2017le tribunal du travail de Nouméa jugeait que madame [E] [W] avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la Sarl JAKADI à lui payer les sommes suivantes ?28 755 francs CFP au titre des rappels de salaire de juillet 2015, ?350 000 francs CFP au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, ?175 000 francs CFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ?17 500 francs CFP a titre de l'indemnité de congés payés sur préavis, ?46 666 francs CFP au titre des congés-payés, ?175 000 francs CFP au titre du préjudice moral, ?150 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles. Il déboutait la requérante du surplus de ses demandes, fixait à cent soixante-quinze mille (175 000) francs CFP la moyenne des trois derniers mois de salaire. Le 23 mai 2019, en suite d'une signification du jugement en date du 23 avril, madame [X] [T], gérante de la société, relevait appel de la décision. Le 15 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nouméa prononçait la liquidation judiciaire de la Sarl JAKADI. Par conclusions en date du 29 avril 2021, Maître [P], mandataire liquidateur de la société investie des droits et actions de JAKADI, indiquait se désister de son appel sollicitant qu'il lui en soit donné acte. SUR QUOI LA COUR L'article 403 du code de procédure civile dispose : « Le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement. (?) » Aucune réserve ni aucune demande incidente n'étant formulée tant lors de l'audience que dans les écritures des parties, ce désistement est parfaitement régulier. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONSTATE le désistement d'instance de la Sarl JAKADI appelante, DONNE ACTE à Maître [C] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl JAKADI du désistement d'appel concernant la procédure pendante devant la cour référencée RG 19/43 l'opposant à madame [E] [W] Le greffier,Le président.
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre civile TGI No RG 21/00763 - No Portalis DBWB-V-B7F-FRMU Madame [M] [J] [L] [W] [Adresse 3] [Localité 4] Représentant : Me Ben ali AHMED, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/4488 du 12/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) APPELANTMonsieur [E] [Z] [C] [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Stéphane BIGOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Monsieur [S] [X] [C] [Adresse 1] [Localité 4] Représentant : Me Stéphane BIGOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 07 Juin 2022 Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre chargé de la mise en état, assisté de Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, lors de l'audience du 3 mai 2022 et Véronique FONTAINE, Greffier lors de la mise à disposition. FAITS ET PROCÉDURE Vu la déclaration d'appel déposée par RPVA le 4 mai 2021 par Madame [M] [W] à l'encontre du jugement en date du 1er mars 2021 prononcé par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE ; Vu l'ordonnance de renvoi à la mise en état en date du 4 mai 2021 ; Vu les premières conclusions d'appelante déposées par RPVA le 2 juin 2021 ; Vu les avis préalables adressés aux parties le 28 janvier 2022 afin de recueillir leurs observations relativement à : -La caducité de la déclaration d'appel en l'absence de dépôt des conclusions d'appelante dans le mois suivant le délai de trois mois imparti par l'article 911 du code de procédure civile ; -L'irrecevabilité des conclusions des intimés, susceptible d'être encourue en l'absence de dépôt de celles-ci ans le délai de l'article 909 du code de procédure civile ; L'affaire ayant été examinée à l'audience du 3 mai 2022, en l'absence de conclusions en réponse aux avis préalables. Sur la caducité de la déclaration d'appel : Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. La déclaration d'appel a été déposée par Madame [W] le 4 mai 2021. Elle disposait donc d'un délai de trois mois pour déposer ses conclusions au greffe de la cour et d'un délai de quatre mois pour signifier ses conclusions aux intimés défaillants. Ce délai n'a pas été suspendu par sa demande d'aide juridictionnelle dans la mesure où elle a présenté cette demande le 9 juin 2021, soit après le dépôt de la déclaration d'appel. Ainsi, le délai pour déposer ses conclusions au greffe de la cour expirait normalement le 4 août 2021. En déposant ses conclusions le 2 juin 2021, Madame [W] n'a pas dépassé le délai de l'article 908 susvisé. Les intimés se sont constitués le 4 juin 2021, soit avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par l'article 911, soit le 4 septembre 2021. Ainsi, la seule notification des conclusions d'appelante à l'avocat constitué pourrait suffire à condition que cette constitution ait bien été adressée et reçue par l'avocat des appelants. Mais, le document de constitution transmis par Maître BIGOT, avocat des intimés, ne contient aucune mention de réception par l'avocat de l'appelante. Il n'est donc pas établi que la constitution du 4 juin 2021 ait été régulière. En tout état de cause, soit l'appelante n'a pas notifié ses conclusions à l'avocat des intimés, soit pour le cas où elle aurait ignoré cette constitution, elle n'a pas signifié ses conclusions d'appelante à Monsieur et Madame [C] avant le 4 septembre 2021. A cet égard, le message RPVA de l'avocat des intimés, en date du 22 septembre 2021, confirme qu'il était toujours dans l'attente des conclusions de l'appelante pour répliquer. Compte tenu de ce qui précède, la caducité doit être prononcée sans qu'il soit besoin d'envisager l'irrecevabilité des conclusions des intimés. Madame [W] supportera les dépens de l'appel. PAR CES MOTIFS Le Conseiller de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, et par décision susceptible de déféré, PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel ; LAISSE Madame [M] [W] supporter les dépens de l'appel. La présente ordonnance a été signée par le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Véronique FONTAINE le conseiller de la mise en état Patrick CHEVRIER
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JUDICIAIRE DE [Localité 3] 3ème chambre 2ème section No RG 20/10415 No Portalis 352J-W-B7E-CTBOE No MINUTE : Assignation du : 23 Octobre 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 13 Mai 2022 DEMANDERESSE Société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION [Adresse 1] [Adresse 5] ( ETATS-UNIS) représentée par Maître Sabine AGE et Maître Caroline LEVESQUE de la SELARL PSitA Avocats, membres de l'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER , avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 DEFENDERESSE S.A.R.L. ASLED [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Maître Florent GUILBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1595 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 24 Mars 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 Mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE Le groupe Signify se présente comme pionnier et leader mondial dans le domaine de l'éclairage, en particulier dans celui des éclairages à base de diodes électrolumines-centes, ou light-emitting diodes (LED). La société Signify North America Corporation (ci-après SNAC) est la filiale américaine du groupe Signify. Elle est titulaire du brevet d'invention européen no 1 234 140 B2 (ci-après EP 140) intitulé « systèmes et procédés de génération et de modulation des conditions d'éclairage », issu d'une demande internationale no WO 2001/036864, déposée le 20 novembre 2000 par la société américaine Color Kinetics et publiée le 25 mai 2001. La société ASLED est une société française qui a pour activité le commerce de gros d'appareils d'éclairage qu'elle vend sous sa marque ASLED. Ayant découvert que la société ASLED commercialisait des produits contrefaisant selon elle les revendications de son brevet EP 140, la société SNAC, précédemment autorisée par ordonnance du Président du tribunal judiciaire de Paris en date du 21 septembre 2020 a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société ASLED qui se sont déroulées le 24 septembre 2020. Puis par acte signifié le 24 octobre 2020, elle a fait assigner la société ASLED devant ce tribunal aux fins de voir juger que celle-ci a commis des actes de contrefaçon en important, détenant, offrant à la vente et vendant en France : - les produits TECNO 10W, TECNO 10WS reproduisant les caractéristiques des revendications no 1, 2, 3, 7, 9, 11, 21, et 23 de son brevet - les produits CALIPSO, SWING CTC et Zigbee, et BAGAD reproduisant les caractéristiques des revendications no 21, et 23 de son brevet. Suivant dernières conclusions d'incidents notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, la société SNAC demande au juge de la mise en état de : Vu l'article 10 du code civil, les articles L. 615-5 et L.615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, les articles 70, 788, 789 et 798 du code de procédure civile, A titre principal, -DÉCLARER la société ASLED irrecevable en ses demandes en nullité des revendications no 4, 8, 10, 12 et 19 du brevet européen no 1 234 140 ; -DÉCLARER la société Signify North America Corporation recevable en ses demandes formées dans ses conclusions du 24 mars 2021 et du 16 octobre 2021 ; -ORDONNER à la société ASLED de fournir, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, dès signification de la décision à intervenir, une déclaration, certifiée par son commissaire aux comptes ou par un expert-comptable indépendant, rapportant les quantités de l'ensemble des références des produits TECNO 10W, TECNO 10WS, CALIPSO, SWING, BAGAD, SALSA, DISCO, SKA, FOLK, BEBOP, BEBOP SEERA, HIP HOP, BLUES et BLUES SEERA, POP, SAMBA, TANGO, TIMBA et TWIST importés et vendus en France ou depuis la France du 1 er octobre 2015 au 20 novembre 2020, ainsi que les prix de vente annuels moyens hors taxes de chacun de ces produits ; -SE RÉSERVER de liquider l'astreinte ordonnée conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; -DÉBOUTER la société ASLED de ses demandes ; A titre subsidiaire, - ORDONNER à la société ASLED de fournir, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, dès signification de la décision à intervenir, une déclaration, certifiée par son commissaire aux comptes ou par un expert-comptable indépendant, rapportant les quantités de l'ensemble des références des produits TECNO 10W, TECNO 10WS, CALIPSO, SWING, BAGAD, SALSA, DISCO, SKA, FOLK, BEBOP, BEBOP SEERA, HIP HOP, BLUES et BLUES SEERA, POP, SAMBA, TANGO, TIMBA et TWIST importés et vendus en France ou depuis la France du 1 er octobre 2015 au 20 novembre 2020 ainsi que les prix de vente annuels moyens hors taxes de chacun de ces produits ; et dire que la communication de ces informations se fera dans le cadre d'un cercle de confidentialité auquel participeront les avocats des parties et deux représentants de sociétés du groupe Signify ; -SE RÉSERVER de liquider l'astreinte ordonnée conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; En tout état de cause, -CONDAMNER la société ASLED à payer la société Signify North America Corporation la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; -CONDAMNER la société ASLED aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 23 mars 2022 la société ASLED demande au juge de la mise en état de : Vu les articles 4, 5, 31 et 70 du code de procédure civile, L.615-5-2 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de l'article 8 de la Directive 2004/48, L. 152-4 et R.153-1 du Code de commerce, Sur l'irrecevabilité des demandes additionnelles, DIRE ET JUGER irrecevables les demandes additionnelles en contrefaçon présentées dans les conclusions en date du 24 mars 2021 et du 16 octobre 2021en ce qu'elles ne présentes pas de lien suffisant avec la demande initiale présentée dans la demande initiale ; Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle en nullité, A titre principal, - DIRE ET JUGER irrecevables les demandes additionnelles en contrefaçon présentées dans les conclusions en date du 24 mars 2021 et du 16 octobre 2021en ce qu'elles ne présentes pas de lien suffisant avec la demande initiale présentée dans la demande initiale ; DIRE ET JUGER que le juge de la mise en état n'est pas saisi de conclusions claires et précises de la part de la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION ; A titre subsidiaire, - DIRE ET JUGER que la société ASLED a intérêt à agir en nullité du brevet EP 1 234 140 ; - DIRE ET JUGER que l'action reconventionnelle en annulation des revendications 2, 4, 8, 10, 12 et 19 du brevet EP 1 234 140 a un lien suffisant avec l'action en contrefaçon diligentée à titre principal par la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION au fond ; En tout état de cause, - DÉBOUTER la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION de sa demande visant à l'irrecevabilité de l'action reconventionnelle en annulation des revendications 2, 4, 8, 10, 12 et 19 de la partie française du Brevet européen EP 1 234 140 ; Sur les demandes au titre du droit à l'information A titre principal, - DIRE ET JUGER que les demandes de la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION sont infondées ; En conséquence, - DEBOUTER purement et simplement la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION de l'ensemble de ses demandes au titre du droit à l'information ; A titre subsidiaire, - DIRE ET JUGER que les mesures au titre du droit à l'information : - ne pourront concerner que la période allant du 25 septembre 2020 au 20 novembre 2020 pour les produits argués de contrefaçon référencés TEC10W et TEC10WS ; - ne pourront concerner que la période allant du 24 mars 2016 au 20 novembre 2020 pour les produits argués de contrefaçon référencés FOLK, BEBOP, BEBOP SEERA, SALSA, DISCO, SKA ; - ne pourront concerner que la période allant du 7 octobre 2016 au 20 novembre 2020 pour les produits argués de contrefaçon référencés HIP HOP, TANGO, TWIST, BLUES, BLUES SEERA, POP, SAMBA, TIMBA et SAMBA ; - ne sauraient couvrir les prix des références visées ; - seront, en tout état de cause, exclusivement limitées à la seule communication par la société ASLED d'une liasse de déclarations, comprenant une déclaration individuelle pour chacune des références de produits argués de contrefaçon, à un huissier de Justice de son choix, qui devra mettre sous scellés ladite liasse et la garder par devers-lui en en préservant la confidentialité jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue au fond, le cas échéant, sur l'existence de la contrefaçon du Brevet EP 1 234 140, auquel cas, l'huissier devra alors communiquer à la société SNAC les seules déclarations relatives aux références de produits qui auront été reconnues comme contrefaisantes afin qu'elle puisse évaluer son préjudice en s'interdisant d'utiliser cette information à d'autres fins, l'huissier restituera à la société ASLED les autres déclarations En tout état de cause, - CONDAMNER la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION à payer à la société ASLED la somme de 20.000 (vingt mille) euros à parfaire en cours d'instance au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - CONDAMNER la société SIGNIFY NORTH AMERICA CORPORATION aux entiers dépens de l'instance dont distraction aux profits de Maître [H] [M] sur son affirmation de droit. L'incident a été plaidé le 27 mars 2022 et mis en délibéré au 13 mai 2022. 1- Sur la demande aux fins de voir déclarer irrecevables des demandes en nullité des revendications no 4, 8, 10, 12 et 19 La société SNAC expose que dans ses conclusions au fond notifiées le 2 juin 2021, la société ASLED demande au tribunal de prononcer la nullité des revendications no 4, 8, 10, 12 et 19 du brevet EP140 pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive alors que ces dernières ne sont pas opposées dans la présente procédure et qu'il n'est pas non plus démontré que ces revendications pourraient entraver ses activités ou justifier sa condamnation dans une autre procédure. La société ASLED réplique en premier lieu que la demande d'irrecevabilité doit être écartée car imprécise et en second lieu, que l'action en annulation de brevet, qu'elle soit sollicitée à titre principal ou à titre reconventionnel, est ouverte à tout concurrent. Elle fait enfin valoir que la jurisprudence n'exige pas que le demandeur à la nullité fasse la démonstration d'une exploitation effective de toutes les revendications dont il sollicite la nullité. L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée et l'article 70 du même code, que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Comme le relèvent pertinemment la société SNAC il résulte des dispositions de l'article 70 précité que la demande reconventionnelle en nullité formée en réponse à une demande en contrefaçon est un moyen de défense et s'inscrit donc dans le périmètre des droits que le demandeur principal en contrefaçon entend opposer à la partie défenderesse de sorte que les revendications no 4, 8, 10, 12 et 19 n'étant pas opposées à la société ASLED, celle-ci doit être déclarée irrecevable à agir en nullité de ces revendications. 2- Sur la demande aux fins de voir déclarer irrecevables les demandes additionnelles en contrefaçon La société ASLED fait valoir que dans son assignation du 23 octobre 2020, la société SNAC a expressément limité ses demandes à 6 produits contrefaisant selon elle, les revendications 1, 2, 3, 7, 9, 11, 21 et 23 de son brevet. Elle expose qu'ensuite, dans ses conclusions du 24 mars 2021 la société SNAC a formulé une demande additionnelle pour 5 nouveaux produits et a ajouté les revendications 16, 17, 18 comme étant contrefaites. Elle poursuit en relevant que dans ses conclusions du 7 octobre 2021, elle a effectué une nouvelle demande additionnelle pour 9 autres produits et a ajouté la revendication 20 de son brevet à son action en contrefaçon. Elle soutient que ce faisant, la société SNAC a modifié l'objet matériel et l'objet juridique du litige sans justifier de l'existence d'un lien suffisant entre les demandes initiales et les demandes additionnelles. La société SNAC réplique que ses demandes additionnelles sont étroitement liées aux demandes initiales contenues dans l'assignation dès lors que des analyses complémentaires ont révélé qu'un produit déjà visé dans l'assignation reproduisait d'autres revendications du brevet EP140 que celles initialement opposées et qu'elle a découvert au cours de ses investigations que d'autres produits de la défenderesse mettaient en oeuvre les revendications du brevet EP140. Elle soutient que l'analyse de la contrefaçon de tous ces produits dans la même instance se justifie par un souci de bonne administration de la justice et d'économie procédurale. Il n'est pas contesté que toutes les demandes initiales et additionnelles sont fondées sur un même titre, le brevet EP 140 dont la société SNAC est titulaire et portent sur la contrefaçon de ses revendications. Dès lors, il convient de considérer, au visa de l'article 70 précité, qu'il existe un lien suffisant entre les demandes additionnelles et les demandes originaires formées par la société SNAC. 3- Sur la demande de communication de pièces La société SNAC soutient pouvoir faire valoir son droit d'information dès lors que l'atteinte portée au brevet EP140 dont elle est titulaire est vraisemblable et que la production des informations qu'elle sollicite est proportionnée et nécessaire à la détermination de l'étendue de la contrefaçon et de son préjudice. La société ASLED réplique que le droit à l'information n'est applicable qu'à l'encontre des produits qui ont été préalablement et expressément reconnus comme contrefaisants par une décision de justice devenue définitive après un débat contradictoire au fond étant précisé qu'au cas d'espèce, la contrefaçon est fermement contestée. Elle ajoute que la condition de « nécessité » opposée par la société SNAC motif pris des conditions de réalisation des opérations de saisie contrefaçon, est inopérante et que la demanderesse ne cherchant pas à connaître l'origine de la contrefaçon alléguée, elle ne peut se prévaloir de son droit à l'information. Elle termine en faisant valoir qu'une telle mesure serait disproportionnée, dès lors qu'elle porterait sur des informations confidentielles, que le juge doit prendre en compte les intérêts de chacune des parties et tenir compte de l'absence d'urgence ainsi que de la période de prescription. L'article L 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime. » Ce droit d'information étant susceptible d'être mis en oeuvre avant même qu'il soit statué sur la validité du titre invoqué si celle-ci est discutée et sur la matérialité de la contrefaçon alléguée, il doit être justifié par les circonstances de l'espèce et proportionné en ce qu'il ne doit pas porter une atteinte excessive aux intérêts de la partie poursuivie dont la responsabilité n'est pas judiciairement établie. Au regard de ces critères, les arguments relatifs à la matérialité de la contrefaçon sont inopérants. Il est en outre rappelé que selon une interprétation jurisprudentielle désormais largement admise, ce texte a vocation à permettre la détermination de l'ampleur de la contrefaçon alléguée et partant du préjudice susceptible d'en résulter. Enfin, les demandes présentées ne sont pas disproportionnées et ne portent pas une atteinte excessive aux droits de la défenderesse nonobstant la situation de concurrence directe des parties, en ce qu'elles concernent des références précises parmi les nombreux produits qu'elle commercialise et que les éléments dont la communication est demandée ne sont pas susceptibles de porter atteinte au secret des affaires dès lors qu'ils se rapportent principalement au nombre de produits allégués de contrefaçon vendus. En revanche dans la mesure où la société SNAC dispose du prix de vente de chacune des références issues du catalogue de la société ASLED, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande portant sur le prix de vente annuel moyen. S'agissant de la période visée par la demande de communication de pièces, la société ASLED fait à bon droit valoir que doit en être exclue celle qui apparaît prescrite. Seront donc prises en compte les périodes suivantes en fonction de la date des demandes formulées dans l'assignation puis dans les conclusions au fond additionnelles : -pour les références TEC10W et TEC10WS visées à l'assignation : du 23 octobre 2015 au 23 octobre 2020 -pour les références FOLK, BEBOP, BEBOP SEERA, SALSA, DISCO, SKA visées dans les conclusions additionnelles 24 mars 2021 : du 24 mars 2016 au 20 novembre 2020 -pour les produits référencés HIP HOP, TANGO, TWIST, BLUES, BLUES SEERA, POP, SAMBA, TIMBA visés aux conclusions additionnelles du 7 octobre 2021 : du 7 octobre 2016 au 20 novembre 2020. Il est en conséquence justifié de faire droit aux prétentions de la société SNAC dans ces limites et selon les modalités indiquées au dispositif. 4- Sur les demandes accessoires Les dépens de l'incident sont réservés et la société ASLED sera condamnée à verser à la société SNAC la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe, susceptible d'appel dans les conditions prévues à l'article 795 du code de procédure civile, DECLARE irrecevables les demandes en nullité des revendications no 4, 8, 10, 12 et 19 du brevet EP 1 234 140 dont la société Signify North America Corporation est titulaire ; DECLARE recevables les demandes additionnelles de la société Signify North America Corporation formulées dans ses conclusions au fond des 24 mars et 7 octobre 2021 ; ORDONNE la communication par la société ASLED, dans un délai de 20 jours suivant la signification de l'ordonnance et sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant une durée de 4 mois, des quantités vendues, certifiées conformes par expert-comptable : - des références TEC10W et TEC10WS entre le 23 octobre 2015 et le 23 octobre 2020 - des références FOLK, BEBOP, BEBOP SEERA, SALSA, DISCO, SKA entre le 24 mars 2016 et le 20 novembre 2020 - des références HIP HOP, TANGO, TWIST, BLUES, BLUES SEERA, POP, SAMBA, TIMBA entre le 7 octobre 2016 et le 20 novembre 2020 ; SE RESERVE la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE la société ASLED à verser à la société Signify North America Corporation la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 8 septembre 2022 (audience dématérialisée) pour les conclusions en réplique de la société ASLED qui devront être notifiées avant le 29 août 2022 ; RESERVE les dépens. Faite et rendue à [Localité 3] le 13 Mai 2022 Le GreffierLe Juge de la mise en état
CAPP/JURITEXT000046206476.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/04393 - No Portalis 352J-W-B7E-CSCUT No MINUTE : Assignation du : 02 Juin 2020 rendu le 24 Mai 2022 DEMANDERESSES S.A. LA POSTE [Adresse 7] [Localité 5] Association VIGIK [Adresse 1] [Localité 4] représentées par Maître Catherine VERNERET de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T0007 DÉFENDEURS Monsieur [Y] [O] [Adresse 3] [Localité 8] représentée par Maître Esther LELLOUCHE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #187 Monsieur [J] [E] [Adresse 2] [Localité 6] défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 03 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Initialement le jugement devait être rendu par mise à disposition au greffe le 05 avril 2022, à cette date la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue le 24 mai 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort ___________________________ Exposé du litige 1.La société La Poste et l'association à but non lucratif Vigik, la première étant titulaire de marques verbales française et de l'Union européenne « Vigik » utilisées notamment pour désigner un service d'accès sécurisé des professionnels dans les locaux d'habitation par cartes électroniques, la seconde s'étant quant à elle vu confier la gestion de ce système, reprochent à « la société en nom personnel [O] [Y] », en réalité M. [Y] [O], personne physique, d'utiliser depuis 2017 le signe Vigik pour vendre des badges d'accès, notamment sur un site internet badge-vigik.fr dont elles imputent par ailleurs la réservation à M. [J] [E], et ce en contrefaçon des marques. Elles invoquent en outre contre M. [O] une concurrence déloyale et une usurpation du nom de l'association. En défense, M. [Y] [O] estime la marque déchue pour être devenue usuelle (dégénérescence). 2.Les marques en cause, appartenant à la société La Poste, sont les 2 marques verbales « Vigik » suivantes : - française no96638370, déposée le 12 aout 1996, et enregistrée en novembre 1997 pour désigner les produits et services suivants, en classes 6 ; 7 ; 9 ; 12 ; 16 ; 19 ; 28 ; 35 ; 37 ; 38 ; 39 ; 42 ; 43 ; 44 ; 45 : « Métaux communs et leurs alliages; matériaux de construction métalliques; constructions transportables métalliques; câbles et fils métalliques non électriques; serrurerie et quincaillerie métallique; tuyaux métalliques; coffres-forts; alliages d'acier, fils d'acier, tubes et tuyaux d'acier, alliage argent-nickel, aluminium, fils d'aluminium, anneaux métalliques, anneaux métalliques pour clefs, fils d'antennes, soudure d'argent, alliage d'étain argenté, armatures de portes (métalliques), armatures métalliques pour béton, arrêts de portes (métalliques), pattes d'attaches de câbles ou de tubes métalliques, bagues métalliques, matériaux à bâtir métalliques, blindages, fermetures de boîtes métalliques, boîtes aux lettres (métalliques), boîtes en métaux communs, capsules de bouchage métalliques, boulons métalliques, bronze, butoirs, serres-câbles métalliques, câbles métalliques non électriques, cadenas, cadres de portes, cassettes de sûreté, chaînes de sûreté, châssis de fenêtres (métalliques), châssis de portes, clefs, anneaux métalliques pour clefs, cloisons métalliques, fil de fer, ferme-porte (non électriques), fils à lier métalliques, fils en alliages de métaux communs (à l'exception des fusibles), fils métalliques, plombs de garantie, loquets métalliques, serrures pour véhicules (métalliques), verrous.Appareils et instruments technologiques à savoir appareils scientifiques, électroniques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle, de secours (inspection) et d'enseignement; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son, de l'image ou des données; supports multi-médias; caméras vidéo, écrans de visualisation d'images vidéo, récepteurs radiographiques, récepteurs de télévision, antennes, magnétoscopes, lecteurs de vidéo-disques, magnétophones, amplificateurs, platines y compris pour cassettes, disques, vidéo-disques et disques compacts; supports d'enregistrements vierges et enregistrés pour la reproduction sonore, visuelles et audio-visuelle y compris magnétiques; disques numériques, cassettes acoustiques et cassettes vidéo; instruments d'alarme, appareils pour l'analyse non à usage médical, batteries électriques, bobines électriques, boîtes à clapets (électricité), boîtes de branchement (électricité), boîtes de jonction (électricité), câbles électriques, cartes magnétiques, cartes magnétiques d'identification, circuits imprimés, circuits intégrés, clignotants (signaux lumineux), lecteurs de codes à barres, installations électriques pour la commande à distance d'opérations industrielles, commutateurs, appareils électriques de commutation, connecteurs, boîtes de connexion, connexions, contacts électriques, appareils électriques de contrôle, appareils de contrôle de l'affranchissement,coupe-circuit, détecteurs, supports de données magnétiques, supports de données optiques, encodeurs magnétiques, ferme-portes électriques, fibres optiques (fils conducteurs de rayons lumineux), appareils d'intercommunication, interfaces (informatique), lecteurs (informatique), puces (circuits intégrés), appareils électriques de surveillance, machines de calcul, bandes et disques magnétiques enregistré ou non, machines parlantes, lecteurs magnétiques de cassettes, vidéo-disques, claviers d'ordinateur, circuits, cartes, sous-ensembles électroniques, alimentations, codeurs, décodeurs, modulateurs, démodulateurs, organe d'accès, de contrôle et de préservation, organe de pointage tels que souris et crayons optiques; tableaux de commandes, commutateurs, comparateurs, tableaux de connexion, pupitres, écrans, appareils pour l'enregistrement du temps, enregistreurs de données et d'images; appareils d'enseignement; machines à prépaiement; panneaux de signalisation lumineux ou mécaniques; instruments de tests et de mesure; ordinateurs, mémoires pour ordinateurs, programmes d'ordinateurs enregistrés dont logiciels, progiciels, ludiciels, didacticiels; systèmes experts; appareils de projection; appareils de radio; appareils électrodynamiques pour la commande à distance des signaux; photocopieurs, télécopieurs, distributeurs automatiques, indicateurs électriques; appareils de téléguidage; scanneurs, tables à digitaliser, imprimantes, lecteurs pour cartes accréditives et analogues; appareils et équipements pour le traitement de l'information, dont entre autres micro-ordinateurs, terminaux, mini-ordinateurs,mini-processeurs, lecteurs de disquettes, lecteurs de bandes; appareils pour le traitement de texte et de l'image; appareils de télématique et de bureautique. Véhicules, appareils de locomotion par terre, par air, sur eau et sur rail, appareils, machines et dispositifs pour l'aéronautique, antivols pour véhicules, véhicules électriques, véhicules militaires, véhicules nautiques.Papeterie, manuels, affiches, porte-affiches, en papier ou en carton, classeurs, albums, calendriers, carnets; cartes pour la commande, l'utilisation et le contrôle de machines électroniques à savoir d'ordinateurs; cartons, catalogues, décalcomanies, fournitures pour le dessin, instruments pour le dessin, dessins, diagrammes, dossiers; machines à écrire, tablettes à écrire, écriteaux en papier ou en carton, fiches dont notamment fiches pour saisie, pour tests; représentations graphiques, gravures, images, impressions; produits de l'imprimerie, livres, journaux et périodiques, revues, catalogues, répertoires, annuaires, guides, manuels et notices; papier à lettres, jeux de cartes, livres, livrets, papier, photographies; supports pour photographies; photogravures, plans, prospectus, publications, répertoires; appareils de reproduction; documents contenant des programmes d'ordinateurs de logiciels et progiciels; manuels et notices pour l'instruction et la formation; plans, patrons et gabarits; tableaux noirs, tableaux pour écrire; matériel d'instruction et d'enseignement (à l'exception des appareils); matériels de bureau; tableaux d'affichage; tickets. Matériaux de construction non métalliques, tuyaux rigides non métalliques pour la construction; constructions transportables non métalliques; armatures de portes (non métalliques), armatures pour la construction (non métalliques), châssis de fenêtres (non métalliques), châssis de portes (non métalliques), cloisons non métalliques, moules pour la fonderie non métalliques, poteaux de lignes électriques (non métalliques), revêtements (construction) non métalliques.Publicité et affaires; services rendus par l'aide et l'assistance dans l'exploitation et la direction des entreprises, conseils en mercatique, études de marché, communications de déclarations et d'annonces par tous les moyens de diffusion; services de centralisation comptable et de répartition, tenue de statistiques; services comportant l'enregistrement, la transcription, la composition, la compilation, la transmission ou la systématisation de communications écrites et d'enregistrements de même que l'exploitation ou la compilation de données mathématiques ou statistiques; création, modification, adaptation, suivi de logiciels, progiciels, didacticiels, ludiciels, systèmes expert; location de machines et d'installations de bureaux ainsi que de programmes et logiciels; audits et contrôles, organisation, relations publiques; diffusion de matériel de publicités (tracts, prospectus, imprimés); transcription de communications; documentations publicitaires, agences d'informations commerciales, publication de textes publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, reproduction de documents, gestion de fichiers informatiques et de documents, compilation et archivage de données.Construction; réparation; services d'installation; installation et réparation d'appareils électriques, informations en matière de construction, informations en matières de réparations. Services de télécommunication; diffusion de programmes ou de retransmission par radio ou télévision, en direct ou après enregistrement; communication et transmission de dépêches, messages, documents, informations, voix, données, images, par téléphone, télégraphes, radio, informatique, serveurs télématiques avec accès à un serveur de banques et de bases de données et pour le fonctionnement de réseaux; messageries électroniques; services télématiques accessibles par codes; informations en communication, en télécommunication; communication par terminaux d'ordinateurs; transmission d'images assistée par ordinateur. Distribution du courrier, entreposage, informations en matière d'entreposage, services d'expédition, livraison de colis, conditionnement de produits, dépôts de marchandises, emballages de produits, services d'expédition, informations en matière de transport, distribution de journaux, livraison de marchandises, messagerie (courrier ou marchandises).Travaux de bureaux d'études, de techniciens; services de recherches scientifiques, industrielle et informatique; exploitation de brevets, conception, création et réalisation de programmes informatiques, de méthodes, logiciels et progiciels, bases et banques de données, programmation d'ordinateurs; location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données, services d'échanges de correspondance; services de recherche et développement; informations de caractère scientifique, économique, juridique et comptable; conseils en propriété intellectuelle; consultations professionnelles; consultations en matière de sécurité; services d'études de projets concernant l'établissement de normes et de procédures pour la mise en uvre de procédures et d'ensembles de contrôle de qualité, de fiabilité et de sécurité dans le domaine informatique et de l'échange de données et d'informations; services de consultations scientifiques et technologiques; établissement de plans pour la construction; concession de licences de propriété intellectuelle; restauration (alimentation); hébergement temporaire, agence de logement (hôtels, pensions), agences de surveillance nocturne, cafés-restaurants, cafétérias, exploitation de terrain de camping, cantines, cliniques, services hôteliers, restaurants libre-service, restaurants à service rapide et permanents (snack-bars), salons de beauté,salons de coiffure, reportages notamment des moyens audio-visuels, photographiques et cinématographiques; programmation de programmes informatiques gérant de l'image, du son ou des données; ouverture de serrures ; » - de l'Union européenne no000331173, déposée le 13 aout 1996 et enregistrée le 22 juillet 2002 pour désigner les produits et services suivants, en classes 6 ; 9 ; 12 ; 16 ; 19 ; 35 ; 37 ; 38 ; 39 ; 42 : « 6 Métaux communs et leurs alliages, matériaux de construction métalliques; constructions transportables métalliques, câbles et fils non électriques en métaux communs; serrurerie et quincaillerie métalliques; tuyaux métalliques; coffres-forts; produits métalliques non compris dans d'autres classes; alliages d'acier, tubes en acier, alliage argent-nickel, aluminium, fils en aluminium, anneaux métalliques pour clés, fils pour antennes, soudure d'argent, alliage d'étain argenté, châssis de portes métalliques, armatures métalliques pour béton, arrêts de portes métalliques, pattes d'attache de câbles ou de tubes métalliques, bagues métalliques, matériaux de construction métalliques, blindages, fermetures de boîtes métalliques, boîtes aux lettres métalliques, boîtiers métalliques pour câbles, câbles métalliques non électriques, cadenas, châssis de portes, cassettes de sûreté, chaînes de sûreté métalliques, châssis de fenêtres métalliques, châssis de portes, clés, cloisons métalliques, fil de fer, ferme-porte non électriques, fils à lier métalliques, fils en alliages de métaux communs (à l'exception des fusibles), fils métalliques, plombs de garantie, loquets métalliques, serrures métalliques pour véhicules, verrous. 9 Programmes informatiques enregistrés, y compris logiciels, progiciels, logiciels de jeux, logiciels éducatifs. 12 Véhicules; appareils de locomotion par terre, air, eau ou rail, appareils, machines et dispositifs pour l'aéronautique, antivols pour véhicules, véhicules électriques, véhicules militaires, véhicules marins. 16 Papeterie; manuels, affiches, porte-affiches en papier ou en carton, dossiers, albums, calendriers, carnets; cartes pour l'exploitation, l'utilisation et le contrôle de machines électroniques, notamment ordinateurs; carton, catalogues, décalcomanies, fournitures pour le dessin, instruments de dessin, dessins, diagrammes, dossiers de documents; machines à écrire, sous-main, écriteaux en papier ou en carton, fiches, y compris fiches de collection et de test; représentations graphiques, gravures, images, imprimés; produits de l'imprimerie, livres, journaux et périodiques, magazines, catalogues, index, répertoires, guides, manuels et notices; papier à lettres, cartes à jouer, livres, dépliants, papier, photographies; supports pour photographies, photogravures, plans; prospectus, publications, répertoires; appareils de reproduction; magazines et journaux périodiques, catalogues, index, répertoires, guides, instructions d'utilisation et manuels de formation; plans, modèles et stencils, tableaux noirs, sous-main; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); articles de bureau; tableaux d'affichage; tickets. 19 Matériaux de construction non métalliques; tuyaux rigides non métalliques pour la construction; constructions transportables non métalliques; châssis de portes non métalliques, armatures pour la construction non métalliques, châssis de fenêtres non métalliques, cloisons non métalliques, moules pour la fonderie non métalliques, poteaux non métalliques pour lignes électriques, revêtements de construction non métalliques. 35 Publicité et affaires, tous les services ayant trait au traitement de données et à l'automatisation des fonctions de bureau; services d'aide à la direction des affaires, conseils en marketing, études de marchés, communication d'annonces et publicité par tous les moyens de diffusion; services de centralisation et distribution de la comptabilité, compilation de statistiques; services consistant en l'enregistrement, la transcription, la composition, la compilation, la transmission ou la systématisation de communications et d'enregistrements écrits ainsi qu'en l'utilisation ou la compilation de données mathématiques ou statistiques; création, modification, adaptation, suivi de logiciels, progiciels, logiciels éducatifs, logiciels de jeux, systèmes spécialisés; location de machines et infrastructures de bureau ainsi que de programmes et logiciels; audits et contrôles, organisation, relations publiques; publicité par mailing direct; transcription de communications; matériel publicitaire, agences d'informations commerciales, publication de textes publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, reproduction de documents, gestion de fichiers et documents informatisés, compilation et archivage de données. 37 Construction; réparation; installation et réparation d'appareils électriques, informations en matière de construction, informations en matière de réparation. 38 Services permettant à au moins une personne de communiquer avec un autre par un moyen sensoriel; diffusion de programmes ou retransmission par radio ou télévision, en direct ou non; communication et expédition de dépêches, messages, documents, informations, messages vocaux, données, images, par téléphone, télégramme, radio ou ordinateur; services de transmission de données avec accès à une base de données informatiques et pour l'exploitation de réseaux; courrier électronique; services de transmission de données accessibles par code, informations sur les communications et télécommunications; communication par terminaux d'ordinateurs; transmission d'images assistée par ordinateur. 39 Distribution du courrier, entreposage, informations en matière d'entreposage, services de transit, distribution de colis, conditionnement de produits, stockage de marchandises, informations en matière de transport, distribution de journaux, distribution de marchandises, messagerie [courrier ou marchandises]. 42 Services fournis par des personnes, individuellement ou collectivement, en tant que membres d'une organisation ou à titre personnel; recherche, ingénierie; recherche scientifique, industrielle et en matière de traitement des données; exploitation de brevets, conception et création de programmes informatiques, méthodes, logiciels et progiciels, bases de données, programmation informatique; location de temps d'accès à une base de données informatique, services d'échange de correspondance; services d'achat; recherche et développement; informations scientifiques, économiques, juridiques, financières et comptables; conseils en propriété intellectuelle, conseils professionnels; conseils en matière de sécurité; études de projets concernant l'établissement de normes et procédures pour la mise en oeuvre de systèmes de contrôle de la qualité, fiabilité et sécurité dans le domaine des ordinateurs et de l'échange de données; conseils scientifiques et technologiques; établissement de plans pour la construction; concession de licences de propriété intellectuelle; services personnels fournis par des particuliers et des établissements destinés à rencontrer les besoins des individus, restauration (alimentation); hébergement temporaire, agences de logement [hôtels, pensions], agences de surveillance nocturne, cafés, cafétérias, exploitation de terrains de camping, cliniques, hôtels, restaurants libre-service, restaurants à service rapide et permanent [snack-bars], salons de beauté, salons de coiffure; reportages, notamment audiovisuels, photographiques et cinématographiques; multimédia; ouverture de serrures. » 3.Après une mise en demeure du 5 octobre 2017 suivie d'une fermeture seulement temporaire du site internet litigieux, puis deux autres mises en demeure infructueuses les 6 février 2019 et 12 septembre 2019, la société La Poste et l'association Vigik ont assigné la société [O] [Y] et M. [E] en contrefaçon et concurrence déloyale le 2 juin 2020. 4.Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 septembre 2021, la société La Poste et l'association Vigik demandent de ?interdire à la société [O] [Y] et M. [J] [E] de « poursuivre leurs agissements » et, en particulier, ?ordonner à M. [E] de transférer le nom de domaine badge-vigik.fr au profit de la société La Poste, ?ordonner à la société [O] [Y] de modifier son nom commercial et son enseigne, ?condamner la société [O] [Y] à payer ?35 000 euros de dommages et intérêts à la société La Poste pour les actes de contrefaçon de marques ?25 000 euros de dommages et intérêts à l'association Vigik pour les actes de concurrence déloyale et parasitaire ?15 000 euros à l'association Vigik pour usurpation de nom ?condamner M. [E] à payer ?5 000 euros de dommages et intérêts à la société La Poste pour contrefaçon de marque, ?2 000 euros à l'association Vigik pour concurrence déloyale et parasitaire ?ordonner la publication du jugement, ?et condamner les deux défendeurs in solidum à leur payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux dépens. 5.Sur la contrefaçon, elles soutiennent que la réservation du nom de domaine, qu'elles disent effectuée par M. [J] [E], est fautive dès lors que le site qui y est lié est exploité pour vendre des badges d'immeubles, produits identiques selon elles aux « supports de données magnétiques, supports de données optiques, encodeurs magnétiques, ferme-portes électriques » pour lesquels les marques seraient enregistrées ; que le signe Vigik est utilisé à de nombreuses reprises sur le site internet badge-vigik.fr pour vendre des badges d'autres marques, ainsi que dans un document commercial et sur une application pour téléphone mobile ; que le fait que le site litigieux apparaisse dans les résultats d'une recherche « badge vigik » sur Google est encore un acte de contrefaçon. La société La Poste invoque un manque à gagner du fait de l'absence de redevance, une banalisation, un avilissement et une dépréciation des marques, et d'importants bénéfices réalisées par la défenderesse qui aurait plusieurs salariés et a pu lancer une application mobile. 6.Elles contestent toute dégénérescence de leurs marques, faisant valoir les actions de la société La Poste contre les utilisations de sa marque, et l'existence de licences accordées à des fabricants et aux autres vendeurs comme les sociétés Cdiscount et Amazon. 7.Elles estiment par ailleurs que la réservation et l'exploitation du nom de domaine badge-vigik.com génère un risque de confusion avec le nom de domaine de l'association, vigik.com, et constitue à ce titre une concurrence déloyale dont il s'infère nécessaire un préjudice pour celle-ci, outre un préjudice moral tiré de l'atteinte à sa réputation ; et que l'usage des termes « badge vigik » à titre de nom commercial et d'enseigne caractérise par ailleurs une usurpation du nom de l'association, créant un risque de confusion en laissant croire une création à l'initiative de celle-ci ou du moins un lien commercial avec elle, ce qui aurait terni son image en faisant croire que la défenderesse était habilitée à certifier des badges. 8.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 septembre 2021, M. [Y] [O] résiste à l'ensemble des demandes et réclame lui-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9.Il soutient que la marque est devenue la désignation usuelle des badges permettant d'ouvrir les portes d'immeuble, sans que la société La Poste n'y réponde par des mesures suffisamment importantes, selon lui ; il conteste également tout risque de confusion car son site internet précise qui en est responsable, et car l'association Vigik ne vend pas elle-même de badges d'accès, parmi lesquels, au demeurant, seuls les passes universels destinés aux facteurs relèveraient réellement du système Vigik. 10.Il conteste la concurrence déloyale et l'usurpation dès lors que, son site mentionnant expressément n'être pas lié à l'association Vigik, aucun risque de confusion ne pourrait exister ; et conteste l'ampleur du préjudice allégué, faisant valoir que l'association Vigik ne vend rien et n'a donc pu subir aucun préjudice économique, et que lui-même ne perçoit que très peu de revenus et ne maintient l'activité que pour éviter de licencier son unique salarié. 11.M. [J] [E] a été assigné au [Adresse 2], où l'huissier a constaté qu'il n'habitait pas, sans pour autant être en mesure, malgré plusieurs diligences, de trouver sa nouvelle adresse. Il a ainsi été assigné par procès-verbal de vaines recherches (article 659 du code de procédure civile), et si le présent jugement est réputé contradictoire, c'est uniquement parce qu'il est susceptible d'appel. 12.L'instruction a été close le 24 septembre 2021, l'affaire plaidée le 3 février 2022, et le jugement mis en délibéré. 13.Les parties désignent le premier défendeur comme « la société [O] [Y] » ; il s'agit toutefois d'une erreur matérielle de leur part : aucune société de ce nom n'existe, et le numéro d'inscription au RCS visé par les demanderesses dans leur assignation et leurs conclusions (422 465 492) correspond à M. [Y] [O], entrepreneur individuel (personne physique), et non à une société. Là où les parties écrivent « la société [O] [Y] », il convient donc de lire « M. [O] [Y] ». 1) Demandes dirigées contre M. [J] [E] 14.Les demanderesses fondent leurs demandes contre M. [E] sur la réservation qu'il aurait effectuée du nom de domaine badge-vigik.fr ; elles produisent pour le prouver une impression du site internet de l'Afnic montrant le registre Whois pour ce nom de domaine (leur pièce no7) . Mais sur cette pièce n'apparait pas le nom de M. [E] ; il est au contraire indiqué une mention de confidentialité. Par conséquent, à défaut de preuve des faits allégués, les demandes dirigées contre M. [E] sont rejetées. 2) Demandes en contrefaçon des marques Vigik a. atteinte au droit conféré par la marque (contrefaçon) 15.Les droits sur les marques françaises et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ; b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque » 16.L'atteinte au droit exclusif conféré par la marque, codifié en droit interne à l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). 17.Le défendeur oppose le caractère générique acquis de la marque, qu'il faut analyser au regard des produits ou services en cause, ce qui requiert donc préalablement d'identifier quels sont ces produits et services, c'est-à-dire ceux que le demandeur oppose au défendeur. Produits et services en cause 18.Les faits reprochés aux défendeurs concernent l'usage du signe « Vigik » pour vendre des badges ou cartes électroniques, permettant par un moyen informatique (numérique) d'ouvrir les portes d'accès des immeubles collectifs d'habitation, compatibles avec le système de contrôle d'accès du même nom développé par La Poste. 19.Contre cet usage, les demanderesses invoquent des produits (supports de données magnétiques, supports de données optiques, encodeurs magnétiques, ferme-portes électriques) qui, outre qu'ils ne figurent pas à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne, ne sont pas similaires aux objets vendus par M. [O] : ceux-ci s'analysent en des outils d'identification ; ils supportent certes des données à cette fin, mais il s'agit d'une caractéristique extrêmement vague (un livre est également un support de données), qui n'est donc pas discriminante, et en toute hypothèse ils contiennent ces données de façon électronique, et non magnétique, ni optique ; elles n'ont encore aucun rapport avec des encodeurs magnétiques ; ni avec des ferme-portes, qui sont des outils fixés sur les portes pour les fermer automatiquement. 20.Pour autant le défendeur ne conteste pas que les marques soient enregistrées pour désigner des produits ou services similaires aux produits qu'il vend. Les parties ont donc implicitement mais nécessairement estimé que dans la (très longue) liste des objets pour lesquels au moins une des deux marques est enregistrée, s'en trouve un qui soit au moins similaire aux badges ou cartes électroniques d'ouverture de porte, bien que les demanderesses n'aient pas jugé utile de l'expliciter. 21.Le plus susceptible de répondre à cette condition est l'« organe d'accès, de contrôle et de préservation », visé à l'enregistrement de la marque française (mais pas de la marque de l'Union européenne). En elle-même et de par la catégorie de produits dans laquelle elle se trouve, cette notion renvoie à l'informatique, domaine auquel peuvent indirectement appartenir également les badge d'accès numériques. Si un organe est par définition une partie d'un tout, il peut éventuellement en être détaché (ainsi, dans la liste des produits de la marque française, suivent des « organes de pointages tels que souris ou crayons optiques », qui peuvent être détachés de l'ordinateur qu'ils contrôlent) ; dès lors, en ce qu'il fait partie du dispositif qui doit le reconnaitre pour ouvrir la porte, le badge d'accès peut, éventuellement, être qualifié « d'organe ». Il s'agit alors bien d'un « organe d'accès ». 22.Il ne s'agit toutefois pas directement d'un organe de contrôle car il n'envoie qu'un signal d'identification et c'est la centrale informatique fixe dans le bâtiment qui contrôle l'ouverture de la porte après vérification du badge ; et il ne s'agit pas d'un organe de préservation dans la mesure où en lui-même il n'assure pas la préservation du dispositif dont il fait partie. Ces notions de contrôle et de préservation sont certes proches des objectifs du badge d'accès, qui indirectement, du point de vue de l'utilisateur, contrôle l'ouverture de la porte, et, d'un point de vue général, contribue à « préserver » l'intégrité des locaux contre les intrusions ; de sorte que, envisagés de cette manière, les badges d'accès tels que ceux vendus par M. [O] peuvent être considérés comme similaires aux organes d'accès, de contrôle et de préservation pour lesquels la marque française est enregistrée. 23.Il faut donc considérer, pour la suite de la démonstration, que les produits invoqués par la demanderesse sont, implicitement mais nécessairement, les organes d'accès, de contrôle et de préservation ; et que seule la marque française est réellement invoquée. C'est ainsi dans ce seul cadre qu'il convient d'examiner le moyen de dégénérescence. 24.Ce dont il résulte également que les demandes fondées sur la marque de l'Union européenne sont rejetées. Marque devenue générique (dégénérescence) 25.L'article 20 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, applicable à raison de la date du présent jugement, régit la déchéance des marques devenues génériques en ces termes : « Le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits lorsque, après la date de son enregistrement, la marque : a) est devenue, par le fait de l'activité ou de l'inactivité de son titulaire, la désignation usuelle dans le commerce d'un produit ou d'un service pour lequel elle est enregistrée » Ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article L. 714-6, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction actuellement applicable. 26.En l'espèce, M. [O] n'invoque, pour justifier du caractère générique de la marque, que les résultats des recherches « vigik », « copie badge immeuble » et « badge vigik » sur Google (respectivement ses pièces no7 et no3). 27.La première recherche montre que les 2 premiers résultats sont le site officiel de l'association, le 3e est la page Wikipédia sur le sujet, le 5e est le propre site du défendeur, ce qui n'indique aucun usage générique. Les résultats de cette recherche incluent ensuite 2 articles de presse sur le « badge » ou le « système » Vigik, dont le contenu est inconnu et dont aucune conséquence ne peut être tirée car désigner un produit d'une marque déterminée dans un objectif d'information du public n'est pas nécessairement un usage générique de la marque. Ces résultats incluent certes le site d'Amazon (« Vigik - Amazon.fr ») et le site de Cdiscount (« Badge vigik - Achat / Vente pas cher - Cdiscount.com »), à qui, contrairement à ce qu'elles affirment, les demanderesses ne justifient pas avoir concédé une licence, leur pièce no20 supposée le démontrer ne contenant que des licences destinées à une société Cogélec, qui fabrique des badges d'accès compatibles avec le système Vigik ; elles ne démontrent pas davantage que les produits vendus sur ces sites ont été fabriqués par des licenciés. Ces deux seuls cas sont toutefois loin de suffire à démontrer que le terme vigik serait devenu la dénomination usuelle des badges d'accès. Au contraire, il ressort plus certainement des autres résultats, parmi lesquels se trouvent de nombreux sites relatifs à l'installation d'un « système VIGIK » (en majuscules), ou de « lecteurs Vigik » (avec une majuscule) que ce mot est employé comme un nom propre, parfois d'ailleurs suivi du signe « (r) », et dans la plupart des cas pour désigner non pas les badges d'accès en général mais un système et plus précisément le système par lequel « le facteur » accède à l'immeuble (ainsi du résultat « Intratone : Système VIGIK - emetteur.fr ». 28.Les 2e et 3e recherches (« copie badge immeuble » et « badge vigik ») montrent certes que le terme « vigik » est souvent associé à « badge d'immeuble » même lorsqu'il n'est pas demandé dans la recherche. Il en résulte assurément que cette marque fait l'objet d'un usage important. Mais l'ampleur d'un usage ne révèle pas à elle seule son caractère générique : encore faut-il démontrer que cet usage se rapporte à des produits qui ne sont pas fabriqués sous le contrôle du titulaire de la marque. Ici, au contraire, la plupart des résultats se réfèrent à la « copie » de « badges vigik », ce qui fait référence à des badges originaux, dont rien n'indique qu'ils ne soient pas vendus à l'origine par un fabricant autorisé, que l'on se propose de dupliquer. Surtout, qu'il s'agisse d'usages légitimes, de contrefaçons ou de formes de parasitisme, tous désignent les produits concernés comme des badges « vigik », et jamais comme des « vigik » tout court. 29.Il n'est donc pas démontré que la marque Vigik soit devenue la désignation usuelle dans le commerce des organes d'accès, de contrôle et de préservation, ni même plus précisément des badges ou cartes d'accès électroniques tels que ceux vendus par M. [O]. Autres moyens de déchéance 30.Le défendeur n'a pas soulevé d'autres moyens de déchéance, tels que le défaut d'usage sérieux de la marque pour les produits et services susceptibles de lui être opposés. Appréciation du risque de confusion 31.Il est constant que M. [O] utilise sur son site internet badge-vigik.fr le signe Vigik, identique à la marque, pour vendre des badges ou cartes d'accès électroniques. Il est également démontré qu'il a employé, faisant référence à son site internet, un document commercial faisant la promotion de ses « cartes pass Vigik » destinées aux professionnels, sous la forme d'un abonnement mensuel, avec « SAV » (pièce demandeurs no18), et a développé une application pour téléphone mobile, dénommée « Scan badge - copie badge vigik » renvoyant également à son site internet, qui a pour but de permettre aux particuliers d'obtenir une copie de leur badge d'accès, et dont la description mentionne notamment « votre badge d'immeuble vigik ». 32.Il s'agit donc d'un usage dans la vie des affaires, pour désigner des badges et cartes d'accès ainsi que des services associés à la vente de ces produits (identification du badge à créer, dans le cas de l'application mobile, et service continu permettant le fonctionnement de la carte, dans le cas du document commercial). Il a été démontré ci-dessus (points 19 à 22) que ces produits étaient similaires aux organes d'accès, de contrôle et de préservation visés à l'enregistrement de la marque. Les services associés à cette vente ou à l'usage de ces produits y sont également similaires. Le degré de similitude est moyen, au regard du caractère seulement indirect du contrôle et de la préservation apportés par les produits litigieux (cf point 22). 33.Par ailleurs, il n'est pas allégué par le défendeur qu'il utiliserait le signe uniquement pour désigner des services comme étant ceux du titulaire de la marque au sens de l'article 14 de la directive 2015/2436, par exemple à titre de « référence nécessaire ». 34.Compte tenu de l'identité du signe avec la marque, et de la similitude moyenne entre les produits et services en cause, la marque étant en outre fortement distinctive pour désigner ces produits, les usages litigieux créent un risque de confusion dans l'esprit du public, même d'attention élevé comme peuvent l'être les professionnels ; ce qui porte atteinte à la fonction essentielle de la marque et, donc, au droit exclusif du titulaire de celle-ci. 35.Enfin, le fait qu'une mention du site internet indique que celui-ci est sans lien avec l'association Vigik n'est pas de nature à écarter le risque de confusion, dès lors que cette mention concerne le site lui-même et non les produits désignés sous le signe Vigik, dont l'usage reste susceptible de laisser croire au public que les produits qu'il désigne ont pour origine le titulaire de la marque ou une personne autorisée (voir, par analogie, CJUE, 12 novembre 2002, Arsenal, C-206/01, points 57, 58). 36.La contrefaçon est donc caractérisée. b. réparation 37.En application de l'article L. 716-4-10, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 38.Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Elle n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 39.La société La Poste allègue un préjudice économique correspondant aux redevances qu'elle n'a pas pu percevoir, mais ne donne aucun élément pour en justifier : elle n'a par exemple jamais proposé à M. [O] de rejoindre un programme de licence, les seules licences communiquées concernent des fabricants de badges et non des intermédiaires comme M. [O], de sorte qu'il n'est en réalité pas démontré que La Poste eût consenti au principe même d'une licence à celui-ci. Aucun préjudice n'est donc subi à ce titre. 40.En revanche, l'usage illicite de la marque contribue nécessairement à la dévaloriser en affaiblissant son pouvoir distinctif. Pour le surplus il n'est pas démontré que l'usage en cause ait été avilissant : il concerne les mêmes objets, et rien n'indique qu'il soit associé à une activité illégale. 41.Pour justifier la faiblesse de son bénéfice, M. [O] communique un tableau (sa pièce no4) selon lequel il n'aurait réalisé du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2020 que 159 000 euros de ventes, et 93 000 euros de bénéfices bruts, dont il faudrait déduire le cout de son salarié. Néanmoins, il faut également tenir compte de ce que l'intégralité de son activité est réalisée en contrefaçon de la marque Vigik. Il ne s'en déduit certes pas que c'est la contrefaçon qui lui a permis de réaliser l'ensemble de son bénéfice, car celui-ci résulte également d'un travail et d'investissements personnels ; mais la contrefaçon lui a permis d'attirer une clientèle supplémentaire et d'augmenter ses ventes ; il peut ainsi être estimé que sur l'ensemble de ses gains, 15 000 euros sont dus à la contrefaçon ; ce qui permet d'estimer l'ampleur de l'atteinte faite à la valeur de la marque. 42.De ces éléments, il résulte que le préjudice subi par la société La Poste est de 20 000 euros. 43.Pour mettre fin au préjudice, il est nécessaire d'interdire sous astreinte au défendeur de poursuivre ses actes de contrefaçon, et donc d'utiliser le signe Vigik dans la vie des affaires pour désigner des badges et cartes électroniques d'ouverture de porte. Cette interdiction implique celle d'utiliser le nom de domaine badge-vigik.fr pour vendre ces produits (y-compris par une redirection vers un autre nom de domaine où ces produits seraient vendus). Une demande spécifique au nom de domaine est également présentée par l'association, et est examinée ci-dessous. 44.Ces mesures permettent la réparation intégrale du préjudice, au regard des circonstances de l'espèce ; il n'est donc pas justifié d'ordonner en outre une publication. 3) Demandes fondées sur la concurrence déloyale et l'usurpation de nom 45.L'association Vigik recherche la réparation de son préjudice causé, d'une part, par l'usage du site internet sous le nom de domaine badge-vigik.fr qu'elle qualifie de concurrence déloyale au regard de son propre nom de domaine vigik.com et d'autre part, en raison de l'usage du nom commercial et de l'enseigne « badge vigik », qu'elle qualifie d'usurpation de son nom. Dans les deux cas, il s'agit de la responsabilité de droit commun, prévue par l'article 1240 du code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. 46.La reprise du mot Vigik dans le nom de domaine badge-vigik.fr est certes fautive dans la mesure où, comme il a été démontré en partie 2), ce site est utilisé dans la vie des affaires pour désigner des produits similaires à ceux de la marque en créant ainsi un risque de confusion, de sorte qu'il s'agit d'un acte de contrefaçon de la marque. 47.Néanmoins, il ne s'en infère pas nécessairement un risque de confusion avec le nom de domaine vigik.com exploité par l'association Vigik. Un tel risque dépend notamment du degré de similitude entre les noms de domaine en cause, mais aussi du contenu proposé aux internautes par les sites exploités sous chacun de ces noms de domaine, un internaute étant d'autant plus susceptible de confondre les deux noms de domaine qu'il va aussi trouver sous l'un ce qu'il était venu chercher sous l'autre. 48.Or, à cet égard, il est constant que le site badge-vigik.fr se rapporte à des badges et cartes électroniques relatifs au système vigik que le site vigik.com de l'association du même nom a précisément pour objet d'expliquer et de présenter aux différentes personnes concernées (pièce La Poste no3) ; il ressort également du constat d'huissier réalisé sur le site de M. [O] (pièce La Poste no8) que son site apporte lui aussi une présentation du système Vigik, à travers des « FAQ » notamment. Dans ce cadre, la ressemblance entre « vigik.com » et « badge-vigik.fr » qui ne diffèrent que par l'extension et par l'ajout de « badge », peu significatif s'agissant d'un objet lié au système en cause, crée un risque de confusion susceptible d'entrainer le détournement du trafic du site vigik.com, ce qui porte atteinte à la mission que s'est donnée l'association. Il en résulte pour l'association un préjudice moral de 1 500 euros. 49.De la même manière, l'emploi du nom commercial et de l'enseigne « badge vigik » créent aussi un risque de confusion pour le public qui trouve sous cette enseigne et ce nom commercial des produits et services correspondant au système exploité par l'association du même nom ; ce qui détourne une partie du public et fait perdre à l'association une partie de son utilité, lui causant un préjudice moral de 1 500 euros. 50.Pour mettre fin au préjudice, il est nécessaire d'ordonner à M. [O], sous astreinte, de cesser l'exploitation de son site internet sous le nom de domaine badge-vigik.fr et tout autre nom de domaine contenant le mot vigik ; et de modifier son enseigne et son nom commercial. 4) Dispositions finales 51.Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 52.M. [O], qui perd le procès, doit être tenu aux dépens et indemniser les demanderesses de l'ensemble de leurs frais utiles, qui peuvent être estimés, au regard des éléments de la procédure, à 6 000 euros. 53.L'exécution provisoire est de droit et les circonstances de l'espèce ne justifient pas de l'écarter. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe, Rejette les demandes de la société La Poste et de l'association Vigik en interdiction, transfert de nom de domaine et dommages et intérêts dirigées contre M. [J] [E] ; Condamne M. [Y] [O] à payer 20 000 euros à la société La Poste en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de la marque française Vigik no 96638370 ; Rejette les demandes fondées sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne Vigik no 000331173 ; Condamne M. [Y] [O] à payer 1 500 euros à l'association Vigik en réparation du préjudice causé par l'exploitation du nom de domaine badge-vigik.com Condamne M. [Y] [O] à payer 1 500 euros à l'association Vigik en réparation du préjudice causé par l'emploi du nom commercial et de l'enseigne « Badge vigik » ; Interdit à M. [Y] [O] d'utiliser le signe Vigik dans la vie des affaires, pour désigner des badges ou cartes électroniques d'ouverture de portes, et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours, au profit de la société La Poste ; Ordonne à M. [Y] [O] de cesser d'utiliser le nom de domaine badge-vigik.fr et de modifier son nom commercial et son enseigne de manière à y supprimer toute mention du mot « Vigik », et en faisant enregistrer ce changement au registre du commerce, et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours, au profit de l'association Vigik ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Rejette la demande en publication du jugement ; Condamne M. [O] aux dépens ainsi qu'à payer 6 000 euros au total à la société La Poste et l'association Vigik au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et rejette la demande de celles-ci formée au même titre contre M. [E] ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 24 Mai 2022 La GreffièreLa Présidente
CAPP/JURITEXT000046206477.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/11677 - No Portalis 352J-W-B7E-CTH7H No MINUTE : Assignation du : 16 novembre 2020 rendu le 24 mai 2022 Monsieur [J] [P], dit "[B]". [Adresse 1] [Adresse 1] représenté par Maître Alexis FOURNOL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1601 DÉFENDERESSE Société D'APPLICATION DES PROCEDES LEFEBVRE (SAPL) [Localité 2] représentée par Maître Jean-François VILA, avocat au barreau de PARIS, vestiaires #D0176 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 17 mars 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1.A l'occasion du salon "Milipol", organisé à [Localité 3] du 21 au 24 novembre 2017, la Société d'Application des Procédés Lefebvre (SAPL), spécialisée dans la conception et la fabrication d'armes, de munitions et d'équipement destinés au maintien de l'ordre, a diffusé une vidéo promotionnelle intitulée « Maintien de l'ordre avec SAPL » dans laquelle était inséré un diaporama de photographies, dont l'une reproduisait une photographie dont M. [P], photojournaliste professionnel, soutient être l'auteur. (Cf ci-dessous la photographie). 2.Par une lettre du 27 novembre 2017, M. [J] [P] a sollicité de la société SAPL l'indemnisation du préjudice résultant de ces faits qu'il qualifiait de contrefaçon. 3.Cette démarche n'ayant pas permis aux parties de trouver un accord, M. [P] a, par acte d'huissier délivré le 16 novembre 2020, fait assigner la SAPL devant ce tribunal en contrefaçon de droits d'auteur. 4.Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 mai 2021, M. [P] demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-2 et -9, L. 121-1, L. 122-1 et suivants, L. 331-1-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 515 et 700 du code de procédure civile, de : A titre principal : - CONDAMNER la société SAPL à lui payer la somme de dix-mille (10.000) euros à titre de dommages-inte rêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son droit moral, à savoir la paternité et l'intégrité tant matérielle que spirituelle de son oeuvre ; - CONDAMNER la société SAPL au paiement de la somme de sept-mille (7.000) euros a titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux; - ORDONNER à la société SAPL de retirer les différentes utilisations contrefaisantes de la photographie en litige présentes sur tous les supports dont la société SAPL a la maitrise; A titre subsidiaire : - CONDAMNER la société SAPL au paiement de la somme de dix-mille (10.000) euros en réparation du préjudice résultant des actes parasitaires commis par la défenderesse ; En tout état de cause : - ORDONNER l'exécution provisoire ; - DIRE que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure; - REJETER les demandes de la société SAPL au titre de la procédure abusive ; - CONDAMNER la société SAPL au paiement de la somme de huit-mille (8.000) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - CONDAMNER la société SAPL aux entiers dépens à la distraction de Me Alexis FOURNOL. 5.Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 juillet 2021, la SAPL demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-2, L. 122-4, L. 331-1-3 et L. 335-3 du code de propriété intellectuelle, 1240 du code civil, et 9, 32-1, 514, 514-1, 514-5 et 700 du code de procédure civile, de rejeter l'ensemble des demandes de M. [P], et de : A titre reconventionnel, - Le CONDAMNER à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'abus de procédure ; En tout état de cause : - REJETER la demande d'exécution provisoire de la décision à intervenir ; A titre subsidiaire : - DIRE que la demande d'exécution provisoire de la décision a intervenir se fera sous la forme de dépôt d'une garantie ; - CONDAMNER M. [P] aux entiers dépens ; - CONDAMNER M. [P] au versement de la somme de 5.000 euros a la société SAPL au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6.La clôture a été prononcée par une ordonnance du 21 octobre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 17 mars 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION I. Sur la contrefaçon de droit d'auteur a - Sur la recevabilité de la demande Moyens des parties 7.La SAPL soutient que le demandeur ne communique aucun élément permettant de justifier, de manière objective, qu'il est bien l'auteur de la photographie litigieuse, notamment par des fichiers portant date et origine certaines. 8.M. [P] fait quant à lui valoir que cette contestation de sa qualité d'auteur et partant, de sa recevabilité à agir relevait, eu égard à la date de son assignation, de la compétence exclusive du juge de la mise en état et non de la juridiction statuant au fond. Faute d'en avoir saisi ce magistrat, cette fin de non-recevoir est selon lui irrecevable. M. [P] ajoute qu'en tout état de cause son oeuvre a été divulguée sous son pseudonyme «[B]» et que la présomption légale de titularité doit jouer en sa faveur. Appréciation du tribunal 9.Selon l'article 122 du code de procédure civile, "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée." Il résulte en outre de l'article 789, 6o, de ce même code, dans sa rédaction issue du Décret no2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances engagées postérieurement au 1er janvier 2020 (ce qui est le cas ici), que le juge de la mise en état a compétence exclusive, jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Ce même article précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ». 10.Toutefois, la qualité d'auteur d'une oeuvre de l'esprit est une condition du bien-fondé de l'action en contrefaçon de droit d'auteur et non la condition de sa recevabilité. En effet, la qualité de titulaire de droits sur une oeuvre de l'esprit ne résulte d'aucun titre enregistré, cette qualité étant appréciée par référence aux articles L.113-1 à L.113-10 du code de la propriété intellectuelle. Force est en outre de constater que cette appréciation dépend de la question (préalable donc) de l'originalité de l'oeuvre en litige, dont il est constamment jugé qu'il s'agit d'une condition dont dépend le bien-fondé de l'action en contrefaçon, et non sa recevabilité (Cass. Com., 29 janvier 2013, pourvoi no 11-27.351). Il ne peut qu'en être déduit que la "qualité" d'auteur d'une oeuvre, comme celle d'ailleurs de créancier ou de victime, doit de la même manière être regardée comme une condition dont dépend le bien-fondé de l'action en contrefaçon de droit d'auteur, et non sa recevabilité. Le moyen tiré du défaut de la preuve de la qualité d'auteur de l'oeuvre de l'esprit en litige de M. [J] [P], invoqué par la société SAPL, qui n'est pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, relève donc de la compétence du tribunal statuant au fond. Ce moyen ne peut être examiné qu'après l'appréciation de l'originalité de la photographie. b - Sur la qualification d'oeuvre de l'esprit de la photographie Moyens des parties 11.La société SAPL conteste l'originalité de l'oeuvre. Elle soutient que la photographie litigieuse est conforme aux représentations habituelles des affrontements entre forces de l'ordre et manifestants. Elle ajoute que le cadrage n'a rien d'original dans la mesure où il est fréquent que les journalistes et photographes suivent la manifestation en marge et non au sein même du cortège, afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble et mieux rendre compte des événements. 12.M. [P] soutient que la photographie en litige porte bien l'empreinte de sa personnalité qui résulte ici des divers choix arbitraires opérés tant au moment de la phase préparatoire de la réalisation du cliche , qu'au moment de la prise de celui-ci et qu'au stade du travail de post-production. Il fait ainsi valoir le clichéréalise la fixation d'un moment bien particulier de la manifestation ou il intervenait en tant que photojournaliste, positionné de biais, au plus proche des protagonistes, l'angle de la prise de vue choisi ayant permis la mise en valeur des trois blocs de CRS, et du CRS isolé au centre de la photographie litigieuse. M. [P] précise encore que le cadrage et la composition ont été soigneusement effectués afin de rendre compte de l'intensité des affrontements, de mêm qu'il a opéré un travail de post-production en réalisant des retouches par le biais du logiciel Adobe Lightroom, en augmentant les contrastes et la clarté, en diminuant la surexposition, en ajoutant de la saturation et un "vignetage". Appréciation du tribunal 13.Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L. 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit et acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 14.En outre, selon l'article 6 « Protection des photographies » de la directive 93/98 du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, « Les photographies sont originales en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées conformément à l'article 1er. Aucun autre critère ne s'applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de la protection. Les États membres peuvent prévoir la protection d'autres photographies ». 15.Interprétant cette disposition, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, [Y] [G] contre Standard VerlagsGmbH ea) a dit pour droit qu'une photographie est susceptible de protection par le droit d'auteur à condition qu'elle soit une création intellectuelle de son auteur, ce qui est le cas si l'auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l'oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs et ce, de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation. Ainsi, au stade de la phase préparatoire, l'auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l'éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l'angle de prise de vue ou encore l'atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l'auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu'il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l'emploi de logiciels. À travers ces différents choix, l'auteur d'une photographie de portrait est ainsi en mesure d'imprimer sa « touche personnelle » (point 92 de la décision) à l'oeuvre créée. 16.En l'occurrence, le tribunal observe que M. [P] n'a eu la maîtrise, ni de la mise en scène, ni de la pose des agents des forces de l'ordre photographiés, pas plus que de l'éclairage, s'agissant d'une photographie prise "sur le vif", capturant un instant furtif de l'évènement, fruit du hasard. Si la technique de prise de vue "sur le vif" n'exclut pas en elle-même l'originalité de la photographie, il s'avère qu'en l'occurrence, la photographie litigieuse, malgré le choix de l'angle de la prise de vue, constitue une représentation relativement commune d'une scène de manifestations. En outre, la description qui en est faite par M. [P] ne permet pas de lui conférer une physionomie propre et, partant, le bénéfice de l'originalité. Enfin, par la description de son travail de retouche, le tribunal constate que M. [P] fait la démonstration d'une maîtrise professionnelle des outils techniques et logiciels de post-production de photographies, mais ne décrit aucun apport personnel créatif. En définitive, les explications de M. [P] sont insuffisantes à conférer à la photographie en litige les qualités propres à révéler le parti-pris esthétique et le choix d'une composition arbitraire témoignant d'une approche personnelle de photographe. 17.La photographie litigieuse n'est donc pas éligible à la protection par le droit d'auteur et les demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur sont donc rejetées, sans qu'il soit nécessaire à ce stade d'examiner la titularité. III. Sur le parasitisme Moyens des parties 18.M. [P] soutient, à titre subsidiaire, que la société SAPL a utilisé son effort intellectuel en s'appropriant son travail, comme le démontre sans conteste la photographie prise sur le stand de cette société à l'occasion du salon Milipol. 19.La SAPL réplique que les faits invoqués au soutien de cette demande ne sont pas distincts des faits sur lesquels se fondent les demandes au titre de la contrefaçon, tandis que le parasitisme suppose la démonstration d'un élément intentionnel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Au surplus, la SAPL affirme ne pas être en situation de concurrence avec M. [P]. Appréciation du tribunal 20.Il est constant que celui qui ne dispose pas de droit privatif sur l'élément qu'il exploite dans le commerce ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale ou parasitaire une protection de repli lui permettant de faire sanctionner la simple exploitation non autorisée de cet élément. En outre, le simple fait de copier un produit qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme. Est en revanche fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.En outre, les agissements parasitaires peuvent être constitutifs d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil même en l'absence de toute situation de concurrence (Cass. Com., 30 janvier 1996, pourvoi no 94-15.725, Bull. 1996, IV, no32). 21.En l'occurrence, la société SAPL a fait le choix d'illustrer une vidéo produite par elle à des fins de promotion de son activité de vente d'armes nécessaires au maintien de l'ordre, au moyen d'une photographie sur laquelle elle ne pouvait ignorer ne détenir aucun droit. La photographie litigieuse est en outre, quoique divulguée sous pseudonyme, sans équivoque possible le fruit du travail de M. [J] [P], professionnel reconnu, qui plus est, engagé politiquement à l'extrême gauche (pièces du demandeur no2, 2bis et 3). La SAPL a ainsi indûment tiré profit du savoir-faire professionnel et des efforts de M. [P], lequel subit nécessairement un préjudice tant matériel, résultant de l'absence de paiement de son travail, que moral, en raison de son opposition flagrante avec les valeurs de la société SAPL. Il doit néanmoins être tenu compte de la faible exploitation de la photographie litigieuse, la vidéo promotionnelle n'ayant été diffusée que dans le cadre du salon qui a duré trois jours. La SAPL sera par conséquent condamnée à payer à M. [P] la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil, au titre de l'utilisation parasitaire du visuel en cause. V. Dispositions finales 22.Le succès d'une partie des prétentions de M. [P] commande de rejeter la demande reconventionnelle de la défenderesse en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive. 23.Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SAPL sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme incluant les frais de constat par huissier de justice. 24.Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, REJETTE les demandes de M. [J] [P] fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur ; CONDAMNE la Société d'Application des Procédés Lefebvre à payer à M. [J] [P] la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à son préjudice ; REJETTE la demande de la Société d'Application des Procédés Lefebvre au titre de la procédure abusive ; CONDAMNE la Société d'Application des Procédés Lefebvre aux dépens ; CONDAMNE la Société d'Application des Procédés Lefebvre à payer à M. [J] [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 24 mai 2022. La GreffièreLa Présidente
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JUDICIAIRE DE [Localité 7] 3ème chambre 1ère section No RG 20/11841 No Portalis 352J-W-B7E-CTIZU No MINUTE : Assignation du : 03 novembre 2020 rendu le 09 juin 2022 DEMANDERESSE S.A.S. LABEL HABITAT [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Me Saladin KASSIMY de la SELARL LARTIGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0561 DÉFENDERESSES S.A.R.L. 1001 TELECOMMANDES [Adresse 2] [Localité 5] S.A.S. TELECOMMANDE EXPRESS [Adresse 3] [Localité 6] représentées par Me Valentin MANGENOT de la SELAS AGN Avocats développement, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1160 & Me Philippe CHARLES de la SELAS AGN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice- président Alix FLEURIET, Juge Linda BOUDOUR, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 15 février 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société Label Habitat commercialise des produits d'automatisme, notamment de marques « MOTOSTAR » sur son site internet accessible à l'adresse <www.motostar-smarthome.com>. Elle a ainsi déposé la marque semi-figurative de l'Union européenne « MOTOSTAR » suivante, le 5 avril 2012, sous le numéro 10789931, pour désigner des produits et services des classes 6, 7 et 9, notamment des panneaux électriques de commande, de connexion et de distribution, des dispositifs électriques et électroniques pour l'ouverture et la fermeture de portes et fenêtres, des dispositifs de contrôle d'accès : Elle était également titulaire de la marque verbale française « MOTOSTAR », déposée le 5 octobre 2010, sous le numéro 3771862, pour désigner des produits et services des classes 7 et 9. Cette marque, qu'elle avait acquis de la société Came le 22 mai 2017, est aujourd'hui expirée. Les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommandes Express sont spécialisées dans la vente en ligne de produits d'automatisme. A cet effet, la société Télécommande Express exploite deux sites Internet, accessibles aux adresses <www.telecommande-express.com> et <www.probip.com>, et la société 1001 Télécommandes exploite le site Internet accessible à l'adresse <www.1001telecommandes.com>. Elles exposent que, dans le cadre de cette activité, elles proposent à la vente des télécommandes de portail de marques d'origine, ainsi que des télécommandes compatibles avec les motorisations de portail de ces marques d'origine, qui leur sont substituables. Considérant au contraire qu'elles usaient de la pratique de "la marque d'appel", consistant dans le fait de proposer à la vente des produits de marques d'origine, notamment ceux des marques MOTOSTAR, sans pour autant disposer d'aucun stock, afin de rediriger le consommateur vers la présentation de produits de marques concurrentes, la société Label Habitat les a mises en demeure, aux termes d'une lettre qui leur a été adressée le 30 juin 2020, de supprimer des sites Internet qu'elles exploitent toute mention de ses marques et toute photographie de ses produits, de cesser toute utilisation, reproduction ou apposition du signe MOTOSTAR à quelque titre que ce soit, de lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice et de lui adresser une lettre d'engagement de suppression des mentions mensongères et trompeuses figurant sur leurs sites Internet ou sur tout autre support. Par l'intermédiaire de leur conseil, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express lui ont répondu, par une lettre du 10 août 2020, que : - l'enregistrement d'une marque n'interdit pas la commercialisation de produits compatibles ; - en l'occurrence, elles n'ont fait un usage de ses marques MOTOSTAR qu'à titre de référence nécessaire, pour informer les consommateurs sur le fait que les produits vendus sur leurs sites Internet sont compatibles avec les produits des marques en cause, ce qui est autorisé par les dispositions des articles L. 713-6 b) du code de la propriété intellectuelle et 14 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 ; - l'enregistrement d'une marque n'interdit pas la reproduction d'images de produits de cette marque à des fins d'illustration. Aucun accord amiable n'ayant pu être trouvé, la société Label Habitat a, par actes d'huissier de justice des 3 et 5 novembre 2020, fait assigner les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 juillet 2021, la société Label Habitat demande au tribunal de: Vu les articles L 211-4, D 211-6-1, R 211-7 du code de l'organisation judiciaire ; Vu les articles 42 et 46 du code de la procédure civile Vu les articles L 713-1, L 713-2, L 713-3, L 713-4 L 716-1, L 716-5, L 716-14 du code de la propriété intellectuelle ; Vu les articles 1240 et 1241 du code civil ; Vu la jurisprudence ; Vu les pièces versées aux débats ; - Juger recevable et bien fondée la société Label Habitat en l'ensemble de ses demandes ; - Juger que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Expressont commis des actes de contrefaçon de la marque MOTOSTAR appartenant à la société Label Habitat ; - Désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de déterminer : ? Le nombre de produits vendus en lieu et place des produits de la marque MOTOSTAR ; ? Le bénéfice effectué sur ces ventes ; ? Le manque à gagner subi par la demanderesse ; - Juger que les condamnations à intervenir en application du rapport de l'expert porteront sur tous les faits de contrefaçon jusqu'à la date de dépôt du rapport ; - Condamner solidairement les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express à verser à la société Label Habitat la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts compensant le préjudice moral résultant de la contrefaçon de marque ; - Faire interdiction à la société 1001 Télécommandes de poursuivre l'usage de la marque MOTOSTAR sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter du jugement à intervenir ; - Faire interdiction à la société Télécommande Express de poursuivre l'usage de la marque MOTOSTAR sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter du jugement à intervenir ; - Ordonner le retrait sur le site internet exploité par la société 1001 Télécommandes de toute mention de la marque MOTOSTAR, et toute photographie des produits litigieux ; - Ordonner le retrait sur les sites internet exploités par la société Télécommande Express de toute mention de la marque MOTOSTAR, et toute photographie des produits litigieux ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir en intégralité en page d'accueil des sites internet respectivement exploités par 1001 Télécommandeset par Télécommande Express; - Juger que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société Label Habitat ; - Condamner solidairement les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express à verser à la société Label Habitat la somme de 45 000 euros en indemnisation de la concurrence déloyale et parasitaire ; - Faire interdiction en tant que de besoin aux sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express de poursuivre des actes de concurrence déloyale, sous astreinte définitive de 150 euros par infraction constatée et 100 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir ; - Condamner solidairement les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express à payer à la société Label Habitat la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express aux entiers dépens de la présente instance ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - Débouter les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions au titre de leur demande reconventionnelle, et notamment de leur demande de condamnation de la société Label Habitat au titre de la procédure abusive. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 septembre 2021, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express demandent au tribunal de : Vu les articles L 713-2, 713-3, L 713-6, L 716-14 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 1240 et 1241 du code civil, Vu les articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, Vu les pièces versées au débat, A titre principal - Dire et juger irrecevable l'action de la société Label Habitat au titre de la contrefaçon de marques en ce que l'usage de la marque Motostar par les sociétés Télécommandes Express et 1001 Télécommandes est licite en tant que référence nécessaire pour des produits compatibles, et en l'absence de tout risque de confusion dans l'esprit du public ; - Dire et juger irrecevable la demande de la société Label Habitat au titre de la concurrence déloyale en l'absence d'une faute distincte de celle alléguée au titre de la contrefaçon ; - Dire et juger que la société Label Habitat est mal fondée à se prévaloir de manquements dont elle se rend elle-même coupable sur ses sites internet de vente en ligne : "Téléommande Online" enregistré sous l'adresse URL https://www.telecommandeonline.com/; "Label Habitation enregistré" sous l'adresse URL https://www.labelhabitation.com/ ; "Motorisation +" enregistré sous l'adresse URL https://www.motorisationplus.com/. En conséquence, - Débouter la société Label Habitat de son action en contrefaçon comme infondée ; - Débouter la société Label Habitat de son action en concurrence déloyale comme infondée ; - Débouter la société Label Habitat de ses demandes pécuniaires au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, et plus généralement de l'intégralité de ses demandes ; A titre subsidiaire Si par l'exceptionnel le tribunal devait reconnaitre une quelconque faute de la part des sociétés Télécommandes Express et 1001 Télécommandes : - Dire et juger que la société Label Habitat ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice au titre du prétendu usage abusif de la marque Motostar ; - Dire et juger que la société Label Habitat ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice au titre des actes de concurrence déloyale dénoncés ; En conséquence, - Débouter la société Label Habitat de ses demandes en paiement de la somme de 15 000 euros au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de marque ; - Débouter la société Label Habitat de ses demandes en paiement de la somme de 45 000 euros en indemnisation de la concurrence déloyale et parasitaire ; Et plus généralement, - Débouter la société Label Habitat de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques et de la concurrence déloyale ; A titre reconventionnel - Dire et juger que l'action engagée par la société Label Habitat est abusive ; - Condamner la société Label Habitat au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ; En tout état de cause - Enjoindre à la société Label Habitat de retirer la pièce no8 des débats qui relève des échanges confidentiels entre avocats ; - Condamner la société Label Habitat au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; - Condamner la société Label Habitat aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2021. A titre liminaire, il est relevé que la société Label Habitat a retiré de son bordereau des pièces communiquées sa pièce no 8, la demande reconventionnelle formée à cette fin par les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express étant dès lors devenue sans objet. La contrefaçon de la marque MOTOSTAR no10789931 La société Label Habitat soutient que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express commettent des actes de contrefaçon de sa marque de l'Union européenne MOTOSTAR no 10789931, en en faisant usage, sans son autorisation, pour commercialiser des produits similaires aux produits visés à son enregistrement, en l'espèce des télécommandes d'ouverture et de fermeture de portails et de garages. Précisément, elle expose que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express offrent à la vente la télécommande MOTOSTAR 4C, sans son autorisation, mais surtout, prétendent commercialiser les télécommandes MOTOSTAR Click 4M, MOTOSTAR Clickstar 4 et MOTOSTAR clickstar 2, qu'elles n'ont pas en stock, pour vendre à leur place des produits d'autres marques, qui leur sont substituables. Elle ajoute d'ailleurs que jusque dans les url utilisés par les sociétés défenderesses, le terme MOTOSTAR apparaît, ce qui permet d'établir que le consommateur est bien dirigé d'abord sur une page d'un produit MOTOSTAR avant d'être redirigé vers l'achat d'un produit compatible. La société Label Habitat considère ainsi que, usant de manoeuvres incompatibles avec des pratiques commerciales loyales, précisément de la pratique dite de la marque d'appel, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express ne peuvent se prévaloir d'un usage licite de sa marque, comme référence nécessaire, pour indiquer la destination des produits qu'elles commercialisent. Ainsi, selon elle, les sociétés défenderesses tirent indûment profit de la renommée de sa marque, dans le domaine de la motorisation des portails et accessoires y afférents, pour commercialiser des produits concurrents. Les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express se défendent d'avoir commis tout acte de contrefaçon de la marque de l'Union européenne MOTOSTAR no 10789931. Elles soutiennent en effet que l'usage qu'elles en font, sur les sites Internet qu'elles exploitent pour commercialiser des produits substituables aux produits de la marque MOTOSTAR, est licite dès lors que, destiné uniquement à fournir au consommateur une information compréhensible et complète sur leur compatibilité avec les produits de la marque MOTOSTAR, il n'induit aucun risque de confusion. Elles font par ailleurs valoir que, n'ayant jamais offert à la vente de produits de la marque MOTOSTAR, il ne peut leur être reproché d'avoir eu recours à la pratique dite de la marque d'appel ou à une quelconque pratique commerciale déloyale. Enfin, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express exposent que, dans le domaine d'activité en cause, l'ensemble des sites de e-commerce, qui proposent à la vente des télécommandes compatibles avec des produits de la marque d'origine procèdent exactement de la même façon, y compris ceux qui sont exploités par la société Label Habitat. Conformément à l'article 9-2 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque. Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services: 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. Enfin, il résulte de l'article L. 713-6 I 3o du code de la propriété intellectuelle qu'une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (...) 3o De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée. Les produits visés par la marque Il est rappelé que la marque semi-figurative de l'Union européenne MOTOSTAR no10789931 a été enregistrée dans les classes 6, 7 et 9, pour désigner notamment des dispositifs électriques et électroniques pour l'ouverture et la fermeture de portes et fenêtres, ainsi que des dispositifs de contrôle d'accès. Le public pertinent Le public pertinent visé par la marque est constitué par le consommateur de produits d'automatisme, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. L'usage de la marque par les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes dans la vie des affaires Les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes commercialisent via les sites Internet qu'elles exploitent des produits d'automatisme, notamment des télécommandes d'ouverture de portails, produits similaires à ceux qui sont visés à l'enregistrement de la marque semi-figurative de l'Union européenne MOTOSTAR no10789931. a - le site Internet "1001telecommandes.com" La société Label Habitat produit un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 7 juillet 2020, constatant, sur le site Internet "1001telecommandes.com", exploité par la société 1001 Télécommandes, que, en entrant le terme MOTOSTAR dans le moteur de recherche : - des télécommandes de marque MOTOSTAR, modèle 4C, étaient présentées accompagnées des mentions "Achat express" et "LIVRAISON EN 48H" ; - des télécommandes de marque MOTOSTAR, modèles Click 4M, Clickstar 4 et Clickstar 2, étaient présentées au-dessus d'encarts contenant la formule "Voir le produit compatible" : Il résulte également de ce procès-verbal qu'en sélectionnant le produit MOTOSTAR 4C, l'huissier de justice a constaté que celui-ci apparaissait comme étant "en stock". b - le site Internet "probip.com" La société Label Habitat verse également aux débats un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 7 juillet 2020, constatant, sur le site Internet "probip.com", exploité par la société Télécommande Express, qu'en entrant dans le moteur de recherche le terme MOTOSTAR, les modèles de télécommande 4C, Clickstar 4 et Clickstar 2 de la marque MOTOSTAR, étaient présentés au-dessus d'un encart comprenant la mention "Voir le produit" : Là encore, en sélectionnant le produit MOTOSTAR 4C, l'huissier de justice a constaté que celui-ci apparaissait comme étant "en stock". Le consommateur était invité à créer un compte pour commander le produit. c - le site Internet "telecommande-express.com" La société Label Habitat produit enfin un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 7 juillet 2020, constatant, sur le site Internet "telecommande-express.com", exploité par la société Télécommande Express, qu'en entrant dans le moteur de recherche le terme MOTOSTAR, la mention "4 télécommande(s) portail disponible(s)" apparaissait, ainsi qu'un visuel des modèles de télécommande 4C, Click 4M, Clickstar 4 et clickstar 2 de la marque MOTOSTAR : En cliquant sur le lien "MOTOSTAR 4C", l'huissier de justice a également constaté que le produit apparaissait "en stock" et pouvait être ajouté "au panier". Il résulte de ces procès-verbaux que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express ont présenté les modèles de télécommandes 4C, Click 4M, Clickstar 4 et clickstar 2 de la marque "MOTOSTAR", sur les sites Internet qu'elles exploitent, comme étant proposés à la vente, en faisant usage des termes "disponibles" ou "en stock", ainsi qu'en invitant le consommateur à "voir le produit". d - l'absence de commercialisation de produits de la marque Les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express soutiennent qu'elles n'ont pourtant commercialisé aucun produit de la marque MOTOSTAR, mais uniquement des produits qui leurs sont "compatibles", ce qui n'est pas contesté par la société Label Habitat s'agissant des télécommandes Click 4M, Clickstar 4 et clickstar 2. Et si elle considère qu'elles ont en revanche commercialisé des télécommandes du modèle 4C de la marque MOTOSTAR, force est de constater que cela ne résulte d'aucun des constats réalisés sur Internet, produit aux débats, l'huissier de justice n'ayant jamais finalisé aucune commande de produit. Aussi, est-il acquis que les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express ont reproduit l'élément verbal de la marque de l'Union européenne MOTOSTAR no10789931, dans la vie des affaires, aux fins de commercialiser des produits similaires à ceux qu'elle vise à son enregistrement, de marque concurrente. L'exception de référence nécessaire S'il ne peut être reproché aux sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express d'avoir fait usage du signe MOTOSTAR pour informer le consommateur que les produits qu'elles commercialisent sont substituables aux télécommandes 4C, Click 4M, Clickstar 4 et clickstar 2, il est en revanche relevé qu'elles ont usé de manoeuvres déloyales en proposant à la vente des produits de la marque d'origine, sans en détenir un seul exemplaire, ce qu'elles ne pouvaient ignorer, et ce dans le seul but d'attirer à elles le consommateur cherchant à acquérir une télécommande de marque MOTOSTAR et de lui proposer, à la place, des produits compatibles de marques concurrentes. La société LABEL HABITAT ne pouvait autoriser l'usage de sa marque dans des conditions de nature à détourner la clientèle des produits couverts par ce signe. Un tel usage du signe litigieux par les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express, est exclusif du bénéfice de l'exception de référence nécessaire qu'elles invoquent, prévue aux dispositions de l'article L. 713-6 I 3o du code de la propriété intellectuelle. Partant, la contrefaçon de la marque semi-figurative de l'Union européenne MOTOSTAR no10789931 est ici caractérisée. La concurrence déloyale et le parasitisme La société Label Habitat soutient, se fondant sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, ainsi que sur l'article L. 121-2 du code de la consommation, qu'en ayant recours à la pratique de la marque d'appel pour commercialiser des produits de marques concurrentes, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express ont non seulement commis des actes de contrefaçon de sa marque, mais également eu recours à une pratique commerciale trompeuse constitutive d'une "faute de concurrence déloyale". Elle considère en effet que l'usage du terme MOTOSTAR, ainsi que de tous les éléments distinctifs de sa marque, est de nature à entrainer un risque de confusion pour le consommateur entre les produits qu'elle commercialise sous sa marque et ceux qui sont offerts à la vente par les sociétés défenderesses, de marques concurrentes, et partant, à altérer son comportement. Elle ajoute qu'en reproduisant le terme MOTOSTAR dans les url des pages des sites Internet qu'elles exploitent, les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express se sont inscrites dans son sillage, afin de bénéficier indûment des investissements qu'elle a consentis pour acquérir sa marque. Les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express considèrent que les demandes formées par la société Label Habitat au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme doivent être rejetées dès lors qu'elles ne sont fondées sur aucun fait distinct de ceux qu'elle invoque au soutien de ses demandes en contrefaçon de sa marque. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Ces actions exigent que soit rapportée la preuve de faits distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon. En l'occurrence, la société Label Habitat invoque au soutien de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme, comme au soutien de ses demandes formulées sur la contrefaçon de sa marque, des faits d'usage de celle-ci sans son autorisation, dans la vie des affaires, précisément dans le but de capter une partie de la clientèle de la société Label Habitat. Et le fait qu'il soit fait usage de cette marque sur les sites Internet en cause ou dans les url de leurs pages n'a pas pour effet de lui permettre d'agir tant sur le fondement de la contrefaçon de sa marque que sur celui du parasitisme, en l'absence de faits distincts. De plus, la demanderesse ne fait état d'aucun investissement au soutien de sa demande au titre du parasitisme. Il convient dès lors de débouter la société Label Habitat de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme. Les mesures de réparation La société Label Habitat sollicite le prononcé de mesures d'interdiction, de retrait des sites Internet litigieux de toute mention de la marque MOTOSTAR et de toute photographie des produits qu'elle commercialise sous sa marque, ainsi que de publication du présent jugement. Considérant également qu'elle ne dispose pas des pièces comptables des sociétés défenderesses lui permettant d'évaluer les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, qu'elle subit du fait des actes de contrefaçon de sa marque commis par les sociétés 1001 Télécommandes et Télécommande Express, ainsi que les bénéfices réalisés par celles-ci, la société Label Habitat demande au tribunal d'ordonner une mesure d'expertise destinée à déterminer : - le nombre de produits vendus en lieu et place des produits de la marque MOTOSTAR ; - le bénéfice effectué sur ces ventes ; - son manque à gagner. Elle sollicite en tout état de cause l'allocation de la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant d'une part de l'atteinte portée au monopole légal qu'elle détient sur sa marque, et d'autre part, de la dépréciation et de la vugarisation de celle-ci. Elle fait valoir au demeurant que sa marque jouit d'une importante notoriété. En vertu des dispositions de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, auxquelles renvoie l'article L. 717-2 du même code, relatif aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dues si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. L'article L. 716-4-8 du code de la propriété intellectuelle dispose également que la juridiction peut ordonner, d'office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d'instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n'a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 716-4-7. Enfin, l'article 146 du code de procédure civile précise qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve. La mesure d'expertise Si, en l'espèce, la demande d'expertise n'apparaît pas pleinement justifiée, il est cependant observé que la société Label Habitat sollicite la production de pièces établissant le nombre de produits vendus par les sociétés defenderesses en lieu et place des produits de la marque MOTOSTAR et le bénéfice réalisé sur ces ventes, afin d'évaluer son préjudice matériel. Par conséquent, faisant application des dispositions de l'article L.716-4-8 du code de la propriété intellectuelle il convient d'enjoindre, sous astreinte, dans les conditions fixées au dispositif du présent jugement, aux sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes, de communiquer à la société Label Habitat tous documents financiers, certifiés par un expert-comptable, portant sur les ventes de produits comercialisés en lieu et place des produits de la marque MOTOSTAR, ainsi que sur le bénéfice généré par ces ventes. L'indemnisation du préjudice moral L'usage du signe MOTOSTAR a incontestablement causé un préjudice moral à la société Label Habitat, tenant à la banalisation de sa marque, qui doit être apprécié notamment en fonction de sa valeur et de la durée de l'usage litigieux. En l'espèce, la société Label Habitat ne démontre aucunement que sa marque MOTOSTAR jouirait d'une quelconque renommée ou notoriété. Par ailleurs, les sociétés défenderesses justifient du fait qu'au mois de mai 2021 elles avaient cessé, sur les sites Internet qu'elles exploitent, de prétendre commercialiser des produits de la marque MOTOSTAR. Les actes de contrefaçon caractérisés ont par conséquent duré moins d'une année. Il s' évince de ces éléments que la réparation du préjudice moral subi par la société Label Habitat peut donc être évaluée à la somme de 5 000 euros, que les sociétés défenderesses sont par conséquent condamnées in solidum à lui payer. Les mesures d'interdiction et de retrait Il y a lieu de faire interdiction aux sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes de faire usage de la marque MOTOSTAR sur les sites Internet qu'elles exploitent, pour commercialiser des produits de marques concurrentes, sauf à ce que cet usage soit justifié par la nécessité d'informer le consommateur que les télécommandes qu'elles commercialisent sont compatibles avec les motorisations de portail de la marque MOTOSTAR et exclusif de la pratique dite de la marque d'appel. Les mesures de retrait sollicitées sont rejetées, les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes ayant cessé de faire apparaître les produits de la marque MOTOSTAR comme étant proposés à la vente. La mesure de publication Les préjudices subis par la société Label Habitat étant suffisamment réparés par les mesures précitées, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la présente décision. La demande reconventionnelle au titre de l'abus de droit d'agir en justice Compte tenu du sens de la présente décision, les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes sont déboutées de leur demande fondée sur l'abus du droit d'agir en justice. Les autres demandes Les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes, parties succombantes, sont condamnées in solidum aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à la société Label Habitat la somme de 7 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire est de droit. PAR CES MOTIFS Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe, LE TRIBUNAL Dit que la demande de retrait de la pièce no 8 du bordereau de pièces de la société Label Habitat est sans objet ; Dit qu'en faisant usage du terme MOTOSTAR dans la vie des affaires et sans autorisation de la société Label Habitat, pour prétendre commercialiser des produits de la marque MOTOSTAR, sans disposer d'aucun stock disponible, et ce dans le but d'offrir à la vente des produits similaires de marques concurrentes, les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes ont commis des actes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne MOTOSTAR no10789931 ; Condamne in solidum les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes à payer à la société Label Habitat la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; Fait interdiction aux sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes de faire usage de la marque MOTOSTAR sur les sites Internet qu'elles exploitent, pour commercialiser des produits de marques concurrentes, sauf à ce que cet usage soit justifié par la nécessité d'informer le consommateur que les télécommandes qu'elles commercialisent sont compatibles avec les motorisations de portail de la marque MOTOSTAR et exclusif de la pratique dite de la marque d'appel ; Déboute la société Label Habitat de sa demande d'expertise judiciaire ; Enjoint aux sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes, chacune dans un délai de soixante jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, de communiquer à la société Label Habitat tous documents financiers, certifiés par un expert-comptable, portant sur les ventes de produits comercialisés en lieu et place des produits de la marque MOTOSTAR, ainsi que sur les bénéfices générés par ces ventes ; Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice subi par la société LABEL HABITAT sur la base des éléments comptables communiqués et à défaut par voie judiciaire après assignation ; Dit que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinte ; Déboute la société Label Habitat de ses demandes de retrait, ainsi que de sa demande de publication de la présente décision ; Déboute la société Label Habitat de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ; Déboute les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes de leur demande reconventionnelle au titre de l'abus de droit d'agir en justice ; Condamne in solidum les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes à payer à la société Label Habitat la somme de 7 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Télécommande Express et 1001 Télécommandes aux dépens de l'instance ; Rappelle que l'exécution provisoire est de droit Fait et jugé à [Localité 7] le 09 juin 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre civile TGI No RG 21/00365 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQKH Monsieur [B] [J] [F] [M] [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTS.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEG C) La COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEGC), Société Anonyme au capital de 160.995.996,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le no 382 506 079, dont le siège social est [Adresse 2]), représentée par son Directeur Général. [Adresse 2] [Adresse 2] Représentant : Me Thierry CODET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 07 Juin 2022 Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre chargé de la mise en état, assisté de Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, lors de l'audience du 3 mai 2022 et Véronique FONTAINE, Greffier lors de la mise à disposition. FAITS ET PROCÉDURE Vu le jugement en date du 26 janvier 2021 prononcé par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, ayant statué en ces termes : CONDAMNE Monsieur [B] [J] [F] [M] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 130.541,58 € au titre des prêts litigieux ; CONDAMNE Monsieur [B] [J] [F] [M] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 9258,73 € au titre des intérêts et frais ; ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ; CONDAMNE [B] [J] [F] [M] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du CPC. CONDAMNE Monsieur [B] [J] [F] [M] aux dépens ; Vu la déclaration d'appel déposée par RPVA le 25 février 2021 par Monsieur [B] [M] ; Vu l'ordonnance en date du 26 février 2021 renvoyant l'affaire à la mise en état ; Vu les premières conclusions d'appelant déposées par RPVA le 20 mai 2021 ; Vu les premières conclusions d'intimés déposées par la société anonyme COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANITE ET CAUTIONS (CEGC) par RPVA le 20 août 2021 ; Vu les conclusions d'incident aux fins de radiation déposées par RPVA le 20 août 2021 par la CEGC, puis les conclusions additionnelles et récapitulatives aux fins de radiation, déposées le 6 décembre 2021, demandant au conseiller de la mise en état de : Constater que Monsieur [B] [J] [F] [M] n'a pas exécuté la décision frappée d'appel ; Par conséquent, Ordonner la radiation de l'affaire RG no 21/00365 du rôle de la Cour d'appel ; Débouter Monsieur [B] [J] [F] [M] de ses prétentions comme étant infondées ; Condamner [B] [J] [F] [M] à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Vu les conclusions aux fins de rejet de la demande de radiation No 2, déposées par Monsieur [M], par RPVA le 17 février 2022, tendant à : REJETER la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS en ses demandes, fins et conclusions tendant notamment à la radiation du rôle de l'affaire ; JUGER que l'exécution du jugement attaqué est impossible et engendrerait des conséquences manifestement excessives. L'incident ayant été examiné à l'audience du 5 avril 2022 ; Vu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ; Sur la demande de radiation : Recevabilité : Aux termes de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911. En l'espèce, les premières conclusions d'incident ont été déposées par l'intimée le 20 août 2021, soit moins de trois mois après la notification des conclusions de l'appelant le 20 mai 2021. L'incident est donc recevable. Sur le caractère exécutoire du jugement entrepris : Selon les prescriptions de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. La CGEC, affirme que le jugement querellé, assorti de l'exécution provisoire, a été signifié à Monsieur [M]. Elle produit l'acte d'huissier délivré à l'appelant le 2 mars 2021. Son caractère exécutoire est donc incontestable. La demande de radiation est dès lors recevable. Sur la demande de radiation : Monsieur [M] a été condamné à payer à la CEGC les sommes suivantes : -130.541,58 € au titre des prêts litigieux ; -9.258,73 € au titre des intérêts et frais ; -1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que sa situation patrimoniale s'est dramatiquement dégradée du fait de procédures de saisie immobilière à son encontre. Ces dernières visent les deux biens cités par la partie adverse dans ses conclusions et, notamment, deux appartements à [Localité 5] (l'un de ceux-ci ayant été vendus pour désintéresser son créancier) et deux ensembles immobiliers à [Localité 4] (Pièces no 14 à no 16). Pour démontrer qu'il n'est pas en mesure d'exécuter la décision querellée, Monsieur [M] verse aux débats, parmi les autres pièces relatives à l'instance en cours les pièces suivantes: Pièce no 12 : Commandement de payer valant saisie immobilière avec sommation, délivré par un autre créancier sur un immeuble situé à [Localité 5] ; Pièce no 13 : Attestation de vente d'un appartement à [Localité 5] ; Pièce no 14 : Assignation à comparaître à l'audience d'orientation du 25 novembre 2019; Pièce no 15 : Avis de non-imposition de M. [M] sur les revenus des années 2019 et 2020 ; Pièce no 16 : Attestations d'expert-comptable concernant l'absence de rémunération de gérance de la société JFC GROUPE SARL depuis sa prise de fonction le 1er janvier 2010 à la date du 20 septembre 2021 et pour la société JFC IMPORT SARL depuis le début de son mandat le 14 décembre 2011, jusqu'au 20 septembre 2020 ; Pièce no 17 : Relevés de compte de Monsieur [M] datant des mois de septembre et octobre 2013. Face à ces éléments, la société CEGC produit les pièces suivantes pour établir que Monsieur [M] tente de dissimuler sa faculté de remboursement et d'exécution de la décision querellée : -Fiches d'immeubles de [Localité 4], de [Localité 5], de [Localité 6], de [Localité 3] datant de 2018 ; -Statuts des sociétés JFC GROUPE et JFC IMPORT REUNION. Ainsi, même s'il résulte de ces extraits des fichiers immobiliers que les biens appartenant à Monsieur [M] peuvent être grevés de privilèges en faveur de prêteurs, il est certain que l'appelant reste propriétaire ce ces immeubles et dispose donc d'un patrimoine immobilier susceptible d'être mobilisé. Or, Monsieur [M] ne produit aucun élément établissant qu'il est dans l'impossibilité de disposer de ces biens pour les vendre et commencer à désintéresser la société CEGC. Au surplus, les statuts des SARL JFC GROUPE et JFC IMPORT REUNION établissent que Monsieur [M] était propriétaire de 720 parts sur 800 pour la première société. En ce qui concerne la SARL JFC IMPORT REUNION, les statuts mis à jour le 3 juin 2021, confirment que Monsieur [M] et son épouse, alors seuls associés de la société depuis sa création, ont accepté des apports de leurs enfants pour se retrouver associés minoritaires dans la SARL avec date d'effet au 20 avril 2021. La survenance de cette modification statutaire importante de la SARL JFC IMPORT REUNION, survenue quelques semaines après le jugement dont appel, établit que Monsieur [M] a ainsi limité les facultés de ses créanciers de saisir ses parts sur la société. En outre, l'appelant ne produit pas les comptes de ces deux sociétés, pas plus que les éventuels revenus apportés par les biens immobiliers dont il est toujours propriétaire, alors qu'il est difficile d'imaginer qu'il a pu mener ses activités de gérant et d'associé principal sans tirer aucun bénéfice de ces entreprises depuis plus de dix ans. Enfin, Monsieur [M] ne produit aucune pièce établissant qu'il a tenté d'exécuter la décision, même en ce qui concerne l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ou le règlement partiel des intérêts de retard. En conséquence, il convient de juger que Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve que l'exécution du jugement querellé serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter cette décision. La demande de radiation du rôle de l'affaire doit être accueillie jusqu'à ce que Monsieur [M] envisage un début d'exécution significatif de la décision querellée. Monsieur [M] supportera les dépens de l'incident ainsi que les frais irrépétibles de la société CEGC au même titre. PAR CES MOTIFS Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre chargé de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe ; DECLARE RECEVABLE l'incident de radiation ; ORDONNE la radiation de l'affaire du rôle de la cour d'appel jusqu'à commencement significatif d'exécution par [B] Monsieur [M] ; CONDAMNE Monsieur [B] [M] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'incident ; CONDAMNE Monsieur [B] [M] aux dépens. La présente ordonnance a été signée par Le président chargé de la mise en état et le greffier. Le greffier Véronique FONTAINE Le conseiller de la mise en état
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JUDICIAIRE DE [Localité 7] 3ème chambre 3ème section No RG 15/14150 - No Portalis 352J-W-B67-CGHRH No MINUTE : Assignation du : 18 Septembre 2015 rendu le 07 Juin 2022 DEMANDEURS S.A.S. PIXMANIA [Adresse 3] [Localité 6] S.E.L.A.R.L. [I] prise en la personne de Maître [J] [H] [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PIXMANIA [Adresse 2] [Localité 5] représentées par Maître Didier BRUERE-DAWSON du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0260 DÉFENDERESSE SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVEE AUDIOVISUELLE ET SONORE, dite COPIE FRANCE [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Maître Olivier CHATEL de l'AARPI ASSOCIATION D'AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R039 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 16 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Le jugement était mis en délibéré au 19 avril 2022, la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue par mise à disposition le 07 juin 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ Exposé du litige 1. La société Pixmania distribuait des produits électroniques et notamment des supports de données, ou supports d'enregistrement, soumis à la « rémunération pour copie privée », redevance légale destinée à indemniser les titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins pour l'existence du droit de copie à usage privé, et qui est recouvrée par la ‘Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore', dite Copie France (ci-après « la société Copie France »). La société Pixmania estime avoir payé au titre de ces redevances des sommes qui n'étaient pas dues car fondées sur des produits qui ont été exportés et n'étaient dès lors pas soumis à redevance ; et a assigné la société Copie France en remboursement et dommages et intérêts devant le présent tribunal, le 18 septembre 2015. 2. La société Pixmania a, depuis, bénéficié d'une procédure de sauvegarde (27 octobre 2015), puis été placée en redressement judiciaire (14 janvier 2016), l'ensemble de ses actifs a été cédé (selon jugement du 5 février 2016), et,le 25 février 2016, le redressement a été converti en liquidation. 3. En cours de procédure, la société Pixmania, représentée par son liquidateur, a engagé le 23 mai 2017 une action connexe devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui s'est déclaré incompétent au profit du présent tribunal le 5 décembre 2018. Dans l'intervalle, plus précisément entre décembre 2017 et mars 2019, aucun acte n'a été accompli par les parties dans la présente procédure. Aucun acte n'a encore été accompli entre mars 2019 et janvier 2020. Finalement, la mise en état de l'affaire a duré 6 années, au cours desquelles les parties ont échangé, chacune, 9 jeux d'écritures (assignation comprise). Aucun incident n'a dû être jugé, et aucun sursis à statuer n'a été ordonné. Pour autant, aucune radiation n'a été prononcée. 4. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la société Pixmania, représentée par son liquidateur (la selarl [I] prise en la personne de Me [I]) ? demande, « pour le cas où le tribunal l'estimerait nécessaire », de surseoir à statuer et poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : ? « Un système déclaratif qui faisait payer une compensation de copie privée, sans distinction de la provenance des approvisionnements, ni de la destination des marchandises en transit est-il compatible avec le régime de la directive no2001/29 » ? « Un système qui conditionne le droit au remboursement pour exportation à la constitution d'un dossier administratif, dont l'examen est remis à la discrétion de la société de gestion collective, et qui de surcroît, dispense l'organisme percepteur de tout devoir d'information sur ses doutes, ni n'impose de délai de restitution de l'avance pouvant, le cas échéant, excéder 3 ans, est-il compatible avec la directive et son exigence de droit de remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile l'exercice dudit droit au remboursement ? » ? demande, au cas contraire, de condamner la société Copie France à lui payer : ? 10 900 000 euros au titre du remboursement auquel elle avait droit sur l'indemnisation pour copie privée de la période 2003-2015, avec intérêts au taux légal « au jour de leur mise en demeure » ? 325 000 euros « au titre des préjudices de trésorerie, sauf à parfaire » ? 20 740 418,25 euros, au titre de l'insuffisance d'actifs, « déduction faite, le cas échéant, du montant de la condamnation qui aura été prononcée au sujet de la créance de remboursement pour la période 2003 à 2015 » ; ? plus subsidiairement, demande une expertise aux frais avancés de la société Copie France pour estimer le montant des remboursements dus ainsi que des dommages et intérêts ; ? outre 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont recouvrement par le « cabinet Chain association d'avocats » ; 5. Elle invoque d'abord la répétition de l'indu, exposant avoir indument payé des redevances sur des supports exportés, pour un montant net, une fois déduites les redevances réellement dues, non « gelées » par la procédure collective, et non payées, de 11,0 millions d'euros fin 2015, comme en attesterait le rapport d'un cabinet externe du 15 juin 2016 ; elle estime que si les fournisseurs entre les mains desquels elle a versé ces redevances ne les ont pas payées à la société Copie France, c'est à cette dernière qu'il incombe de le prouver ; qu'en toute hypothèse 77 775,28 euros HT restent impayés sans motif valable sur les redevances liées à des fournisseurs dont Copie France a dit s'être assurée du paiement ; et qu'elle dispose d'un droit à remboursement consacré par la Cour de justice de l'Union européenne. 6. Elle invoque ensuite la responsabilité civile de la société Copie France, pour des fautes tenant : 1) à la perception de sommes dont la société Copie France n'aurait jamais dû appeler le paiement, car concernant des marchandises en transit ou destinées à l'export ; 2) à l'appel de redevances sur les entrées en stock des produits alors que la redevance n'est exigible qu'à la sortie de stock ; 3) à n'avoir pas aménagé un dispositif permettant un remboursement effectif et non excessivement difficile : le dispositif n'était pas indiqué, était discrétionnaire, donnant lieu à des vérifications durant près de 3 ans avec un long audit imposé par Copie France de son système informatique, laissant peser sur l'exportateur le risque de défaillance d'un fournisseur, laissant cet exportateur dans la dépendance de l'action ou de l'inaction de la société Copie France, tout en ne l'informant pas de ces éventuelles défaillances de fournisseurs ; 4) à n'avoir pas effectivement remboursé les sommes dues, remboursement que la société Copie France a au contraire conditionné à ses rapports avec les fournisseurs auxquels la société Pixmania estime être étrangère, au demeurant sans démontrer la réalité des litiges invoqués, et alors selon elle qu'il aurait de toute façon suffi à la société Copie France d'éditer un avoir à ces sociétés et d'en informer la société Pixmania pour que celle-ci opère une compensation dans ses flux avec les fournisseurs ; sans lui permettre, donc, d'agir contre ces fournisseurs avant que la prescription soit acquise ; et ce alors que la société Copie France disposerait de prérogatives exorbitantes du droit commun pour repérer et poursuivre les fraudes ; ce qui caractériserait enfin une discrimination abusive au regard de la position dominante dont disposerait la société Copie France « sur le marché en amont ». 7. Elle ajoute que ce dernier manquement viole le droit européen et elle invite le tribunal, s'il « en doutait », à le vérifier auprès de la Cour de justice en posant les questions précitées. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 octobre 2021, la société Copie France soulève l'irrecevabilité des demandes, subsidiairement y résiste au fond, plus subsidiairement invoque la compensation légale avec la créance dont la société Pixmania reconnait être débitrice ; et réclame elle-même 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 9. Elle soutient que les conditions de l'action en répétition de l'indu ne sont pas réunies, en ce que c'est à ses fournisseurs, et non à elle, que la société Pixmania a payé un supplément de prix correspondant à la redevance ; que la société Pixmania ne démontre pas, au demeurant, que les redevances dont le remboursement est demandé lui ont bien été payées par ces fournisseurs ; que ceux-ci, qui sont les redevables de la rémunération pour copie privée, sont de ce fait ceux à qui elle doit le cas échéant la rembourser, à charge pour eux de la reverser à leur client exportateur, de sorte qu'il lui serait interdit de rembourser directement l'exportateur, comme l'a aussi indiqué l'administration fiscale à qui elle a demandé un avis sur ce point, outre que cela poserait un problème de TVA ; qu'il incombe en outre à l'exportateur de justifier sa demande de remboursement, alors que la société Pixmania n'apporterait, pour justifier des exportations et du paiement initial de la redevance par les fournisseurs, qu'un rapport d'audit dont les auteurs n'ont pas vérifié l'exactitude des montants déclarés. 10. Elle conteste « subsidiairement » toute faute, faisant valoir qu'elle n'a jamais réclamé de redevance pour des produits en transit donc non mis en circulation sur le marché français, ni lors des entrées en stocks mais toujours lors des sorties de stock, outre que ce n'est pas elle qui réclame car le système est déclaratif ; et que c'est d'abord le système informatique de la société Pixmania qui n'isolait pas les différents circuits de circulation de ses produits ; sur la procédure de remboursement mise en place, que le droit au remboursement posé par la Cour de justice concerne les supports à usage professionnel, et non les exportations ; que le remboursement direct à l'exportateur n'a été rendu possible qu'avec la loi du 7 juillet 2016 qui en a aussi précisé les modalités ; que la société Pixmania a pu bénéficier d'un remboursement de 18 645 147,65 euros pour la période s'achevant au 31 décembre 2015 ; que l'impossibilité de rembourser le reste ne venait pas de la procédure applicable mais de l'absence de preuve de ce qu'elle avait bien reçu la rémunération dont le remboursement était demandé ; qu'elle n'a pas exigé l'audit du nouveau système informatique de Pixmania mais qu'il « s'est imposé » aux deux parties car il fallait en vérifier la conformité avec la règlementation ; qu'elle n'est pas un organisme de garantie et n'a donc pas à supporter elle-même le risque de défaillance des fournisseurs de Pixmania. 11. L'instruction a été close le 21 octobre 2021, l'affaire plaidée à l'audience du 16 février 2022, et le jugement mis en délibéré. 12. Il est rappelé qu'indépendamment de la longueur de la partie initiale des conclusions des parties, le tribunal ne peut tenir compte que des moyens de fait et de droit présents dans la partie « discussion » conformément aux dispositions de l'article 768 du code de procédure civile. Les renvois exprès à des passages précis de la partie initiale, venant au soutien d'un moyen présent dans la partie « discussion », ont toutefois été pris en compte. 1) Demande en remboursement Cadre juridique 13. Les articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle prévoient plusieurs limites aux droits patrimoniaux de l'auteur et des bénéficiaires de droits voisins, en les empêchant d'interdire certains types d'exploitation, dont la copie ou reproduction destinée à l'usage privé du copiste. L'article L. 311-1 prévoit toutefois que cette exception de copie privée leur donne droit à une « rémunération », laquelle est financée par un prélèvement obligatoire que l'article L. 311-3 qualifie de « forfaitaire » et que l'article L. 311-4 fait reposer sur « le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires (...), de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d'oeuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports. » 14. Il est constant que cette mise en circulation s'entend de la première vente sur le territoire, qu'elle soit faite à un utilisateur final ou à un intermédiaire. L'importateur ou le fabricant d'un support d'enregistrement doit donc déclarer toutes ses ventes, toutes soumises à redevance, et payer celle-ci à la société de perception. Il intègre alors le montant de la redevance dans son prix de vente (en le faisant apparaitre dans sa facture, conformément à une instruction fiscale donnée lors de la création de la rémunération pour copie privée en 1986), de sorte qu'indépendamment du nombre d'intermédiaires, le prix de vente au consommateur final intègrera le cout de la redevance (ce qui doit au demeurant, depuis l'entrée en vigueur de la loi 2011-1898, lui être indiqué de façon transparente). 15. Ce mécanisme est, depuis le 22 juin 2001, encadré par la directive 2001/29, dont le délai de transposition a expiré le 22 décembre 2002, et dont l'article 5, paragraphe 2, sous b) autorise une exception pour copie privée, « à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable ». 16. Interprétant cette disposition, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le préjudice causé aux auteurs, dont la compensation équitable est la contrepartie, est causé par la personne qui réalise une reproduction pour son usage privé, et qu'il incombe donc en principe à celle-ci de financer la compensation, selon un juste équilibre entre les droits et intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs d'objets protégés ; mais qu'en raison des difficultés pratiques pour identifier les utilisateurs privés et les obliger à indemniser ce préjudice, les États membres peuvent instaurer une redevance à la charge non pas des utilisateurs, mais des personnes qui mettent à leur disposition des équipements, appareils et supports de reproduction numérique ou leur rendent un service de reproduction. Elle a alors dit pour droit, d'une part, qu'un tel système était conforme à ce juste équilibre « dans la mesure où ces personnes ont la possibilité de répercuter la charge réelle de ce financement sur les utilisateurs privés » et, d'autre part, « qu'un lien est nécessaire entre l'application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l'égard des équipements, des appareils ainsi que des supports de reproduction numérique et l'usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée (CJUE, 21 octobre 2010, Padawan, C-467/08, points 40, 45, 46, 49 et dispositif points 2 et 3). 17. Elle en a déduit en substance que (dans un territoire donné) un système de redevance appliquée indistinctement, dès leur première mise en circulation, à tous les produits susceptibles de permettre la copie privée, y-compris ceux acquis par des personnes ne bénéficiant pas de l'exception de copie privée, n'était conforme à la directive que s'il était accompagné d'un droit au remboursement des redevances payées sans lien avec l'usage de reproduction privée, droit devant être effectif et ne rendant pas excessivement difficile la restitution de la redevance payée, et si les difficultés pratiques justifiaient un tel système de financement de la compensation équitable (CJUE, 11 juillet 2013, Amazon c. Austro-Mechana, C-521/11, points 28, 31 et dispositif, point 1). 18. Lorsqu'une opération transfontière est en cause, la Cour a jugé que le préjudice tiré de la copie privée étant né sur le territoire de l'État membre dans lequel résident les utilisateurs finaux, c'est à cet État d'assurer une perception effective de la compensation équitable, et donc dans cet État qu'elle doit être payée, de sorte que la personne qui a payé préalablement une redevance à ce titre dans un autre État membre qui n'est pas territorialement compétent peut lui demander le remboursement de celle-ci, conformément à son droit national (Amazon, C-521/11, précité, points 58, 59, 64, 65). 19. Ainsi, le financement de la compensation équitable par une redevance sur des produits ou services doit conserver un lien avec l'usage de ceux-ci à des fins de copie privée sur le territoire de l'État membre où la redevance est perçue. Cadre factuel et identification du problème juridique 20. Il est constant que la société Pixmania, qui commercialisait des supports d'enregistrement dans plusieurs États, centralisait sa logistique en France, ce qui l'amenait à importer ou acquérir en France des quantités importantes de produits soumis à redevance qui étaient ensuite exportés. Dans le cas où la société Pixmania importait elle-même et réexportait directement les produits sans les mettre en circulation en France, aucune redevance n'était due, et il est constant (dans le dernier état des conclusions des parties) qu'aucune redevance n'a été payée à ce titre. Mais dans le cas où la société Pixmania achetait des supports d'enregistrement en France à un fabricant ou un importateur, la redevance devait être payée par celui-ci du fait de cette vente, et intégrée au prix d'achat payé par la société Pixmania ; de même, dans le cas d'un achat en France à un commerçant intermédiaire, celui-ci avait par hypothèse acheté auparavant le produit en payant un prix intégrant la redevance, et la répercutait à son client, la société Pixmania. Celle-ci, en vendant ces produits hors de France, leur faisait perdre tout lien avec un usage en France, et ne pouvait répercuter le cout de la redevance à personne. 21. Les parties s'accordent sur le fait qu'en application de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, la redevance payée dans une telle situation où le produit est revendu hors de France (sous-entendu avant sa mise à disposition d'un particulier) cesse d'être due. Le choix d'un prélèvement le plus en amont possible, dès la première mise en circulation, et non lors de la vente au consommateur, a ainsi pour conséquence de le rendre provisoire. C'est alors sur les conséquences de cette situation provisoire que s'opposent les parties. 22. En effet, après discussions entre les parties et après examen de la situation et du système informatique de la société Pixmania, la société Copie France a réparti les demandes de remboursement de la société Pixmania au regard des fournisseurs, en classant ceux-ci en trois catégories (pièce Copie France no44, sur la situation au 21 novembre 2012) : - les fournisseurs dont il était établi qu'ils avaient initialement payé la redevance sur les supports acquis par la société Pixmania ; ce qui correspondait à une somme à rembourser de 13 745 332,60 euros (66,7% du total) sur laquelle ne resteraient dus que 71 775,28 euros ; - ceux qui étaient inconnus de la société Copie France, et dont on ne pouvait donc pas vérifier si les supports qu'ils avaient vendus avaient donné lieu à paiement initial de la redevance ; pour un montant total de 5 882 167,07 euros, soit 28,6% du total, et dont 0,21% seulement soit 12 500,67 euros avaient pu être remboursés ; - ceux avec lesquels la société Copie France était en contentieux ou qui faisaient l'objet d'une procédure collective (977 562,92 euros, soit 4,7% du total, et dont 48% soit 411 758,44 euros avaient été remboursés). 23. En outre, ces remboursements, selon la société Copie France, ne pouvaient pas être faits directement à l'exportateur, mais uniquement au profit des importateurs ou fabricants s'étant acquittés de la redevance à l'origine, à charge pour eux de transférer les sommes remboursées à l'exportateur, ou le cas échéant à leur client intermédiaire qui devait les transmettre à son propre client, et ainsi de suite jusqu'à l'exportateur. 24. Enfin, ces remboursement sont conditionnés, selon la société Copie France, à la preuve de ce que la redevance a bien été payée initialement, car elle « ne saurait naturellement rembourser des sommes qu'elle n'a pas reçues ». Implicitement, elle estime donc que le risque de défaillance du redevable initial repose sur l'exportateur et non sur la société de perception, et que l'incertitude sur la réalité d'un paiement initial justifie de laisser à l'exportateur la charge définitive de la compensation équitable, même si elle s'avère non justifiée. 25. Au contraire, la société Pixmania affirme avoir droit à un remboursement direct, et estime en substance que l'état du paiement initial concerne la société de perception et non l'exportateur. 26. La question juridique principale posée par les parties est donc (bien qu'elles ne l'aient pas entièrement explicitée) la charge du risque et de l'incertitude générés par le choix d'un système de perception anticipée, au caractère provisoire, où le fait générateur de la redevance précède et se distingue de son fait justificatif. Application des principes de la compensation équitable au problème posé 27. Il résulte des principes dégagés par la Cour de justice (exposés ci-dessus points 16 à 19) que l'État doit assurer une perception effective de la compensation équitable, mais que celle-ci doit être supportée uniquement par les personnes qui bénéficient de l'exception de copie privée. Un système de perception préalable indifférenciée peut être licite, mais à la condition que les personnes qui se trouvent, en quelque sorte par accident, obligées d'y contribuer sans lien avec la réalisation de copies privées sur le territoire de l'État, doivent être remboursées de cette contribution accidentelle. En d'autres termes, si l'État fait le choix, en raison de difficultés pratiques, d'un système dont la simplicité a pour effet d'affecter indûment des tiers, non obligés à la compensation équitable et ne pouvant répercuter la charge de son financement sur les utilisateurs privés, ce système doit prévoir un correctif. 28. Dans ce cadre, une interprétation du droit national selon laquelle l'exportateur qui a dû supporter temporairement le poids de la redevance devrait finalement la supporter définitivement, en tout ou partie, sans lien avec la réalisation de copies privées, serait contraire au droit de l'Union européenne. Le dispositif français de financement de la compensation équitable donc être interprété en ce sens qu'il permet à l'exportateur de se faire rembourser intégralement des sommes qu'il a acquittées. 29. Il est dès lors indifférent que sur les sommes qu'il a acquittées, certaines n'aient pas été reversées à la société de perception : cette défaillance d'un fournisseur intermédiaire ou du redevable initial n'est pas imputable à l'exportateur, et ne justifie donc pas de faire obstacle au remboursement. En définitive, s'il est si difficile de rassembler les informations sur la chaîne de transmission du poids de la redevance, ce n'est pas en raison du comportement de l'exportateur (dès lors que celui-ci a remis les preuves permettant d'identifier son fournisseur) mais en raison du fonctionnement même du système de financement mis en place, ce qui n'est assurément pas un motif de faire peser une charge supplémentaire au titre du financement de la compensation équitable à celui qui ne doit pas cette compensation, et qui est déjà contraint par expédient de supporter une charge temporaire qui n'est justifiée qu'en raison de difficultés pratiques. 30. L'incohérence d'un système consistant à faire peser le risque sur le tiers s'illustre au demeurant par la possibilité d'une perception indue résultant du refus de rembourser l'exportateur en cas d'incertitude sur le paiement initial : il faut observer en effet que sur le total de remboursement dont la société Copie France a admis le principe, la partie dont il est établi que les fournisseurs redevables n'ont pas payé la redevance est infime comparée à celle dont il est établi que la redevance a été payée (4,7% du total contre 66,7%, soit 14 fois moins, cf pièce Copie France no44, citée ci-dessus point 22) ; ce dont il résulte que la très grande majorité des redevances dues sont payées. Dès lors, il y a lieu de considérer que la partie des créances pour lesquelles Copie France n'est pas en mesure de remonter la chaîne jusqu'à un redevable correspond en majorité à des redevances qui ont bien été payées : même si parmi ces fournisseurs inconnus, certains peuvent être des redevables ayant frauduleusement omis de déclarer leurs ventes, il est douteux que tous le soient, et, au regard de l'écrasante majorité de fournisseurs en règle dans l'ensemble connu, le plus probable est que, dans l'ensemble inconnu, la majorité corresponde bien à des redevances payées à la société Copie France. Ainsi, en faisant supporter à l'exportateur le risque de l'incertitude sur la chaîne de vente, la société de perception lui fait définitivement conserver la totalité d'un ensemble dont elle a en réalité perçu au moins une partie. 31. Quant au caractère indirect du remboursement, par l'intermédiaire des fournisseurs, comme dit devoir le pratiquer la société Copie France, il soumettrait l'exportateur au risque de ne pouvoir être remboursé intégralement en raison soit de la disparition soit de la défaillance desdits fournisseurs. Il faut donc là aussi interpréter le droit national dans le sens d'un remboursement direct par la société de perception à la personne ayant acquitté indirectement et de manière injustifiée la redevance, ici l'exportateur. 32. Enfin, le moyen tiré de la TVA, opposé contre le remboursement direct, qui repose sur un avis de l'administration fiscale (pièce Copie France no33), est inopérant : outre que la doctrine de l'administration fiscale n'engage qu'elle, il s'agit d'une question distincte, qui n'empêche aucunement un remboursement direct, et est en toute hypothèse indifférente en l'espèce, dès lors que la société Pixmania, société commerciale assujettie à la TVA, déduisait celle-ci des achats qu'elle réalisait et n'a donc pas besoin de se la voir rembourser. 33. Cette interprétation a été validée par le législateur, d'abord à l'égard des utilisateurs professionnels, par la loi 2011-1898 du 20 décembre 2011, qui a introduit à l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle la possibilité à leur profit d'un remboursement voire d'une exonération, précisant ainsi le droit national conformément aux principes dégagés par la Cour de justice et exposés ci-dessus. Cette disposition est interprétée comme permettant un remboursement direct au profit du professionnel, et non conditionné à la vérification préalable que le support acquis ait bien donné lieu, à l'origine, au versement de la redevance par l'importateur ou le fabricant. 34. Et cette interprétation a finalement été validée, à l'égard des exportateurs, par la loi 2016-925 du 7 juillet 2016, qui a introduit au même article la possibilité à leur profit d'une exonération ou d'un remboursement, dont la société Copie France admet qu'il doit être fait directement à l'exportateur. Conclusion en droit 35. Ainsi, il résulte tant de la directive 2001/29 que de l'évolution ultérieure du droit national ayant comblé le silence de la loi dans le même sens, que l'imprécision du dispositif normatif antérieur doit être interprétée en ce sens que celui qui a acquitté une redevance pour copie privée sur des supports finalement vendus à l'étranger a droit au remboursement intégral de cette redevance, directement par la société de perception, et indifféremment de la capacité de celle-ci à assurer le recouvrement initial, ce qui relève de sa responsabilité et non de celle des tiers non concernés par la compensation équitable. 36. Pour permettre le remboursement, il faut naturellement que l'exportateur justifie la vente en-dehors de France de supports assujettis à la redevance, et l'acquisition en France de ces mêmes supports auprès d'un fournisseur lui ayant facturé le montant de la redevance. 37. Les questions préjudicielles proposées par la société Pixmania ne sont, par suite, pas utiles au tribunal pour se prononcer sur les demandes. Application à l'espèce, détermination des montants de remboursement dus 38. En vertu de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'introduction de l'instance, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 39. La société Pixmania se prévaut d'un rapport provisoire du cabinet 8 advisory (sa pièce no33 ; la pièce no34 qui est censée contenir le rapport définitif est en partie illisible) qui allègue un montant total de redevance payée sur des produits exportés qui correspond partiellement aux montants admis par la société Copie France, mais pas entièrement (il est supérieur d'environ 1,5 millions d'euros). Or ce montant allégué repose sur les « déclarations et comptabilité » de la société Pixmania, et non sur les preuves de vente à l'étranger et les factures d'achat des supports, seules susceptibles de prouver la réalité du paiement d'une redevance et de son caractère indu. La demanderesse échoue donc à démontrer le montant total de sa créance au-delà de celui que la société Copie France admet devoir, à savoir (son tableau en pièce no53-1 « actualisée ») 26 571 927 euros. 40. La société Copie France allègue des montants de remboursement, certifiés par son commissaire aux comptes, année par année, pour un montant total de 18 645 147 euros, mais revendique finalement (son tableau en pièce 53-1 « actualisée ») 18 692 558 euros. Toutefois, il est constant que ces paiements ont été faits aux fournisseurs, et non à la société Pixmania. Ils l'ont certes été en leur faisant signer un engagement de reverser le montant à celle-ci, mais cela ne prouve pas, en soi, que tel a toujours été le cas. 41. Or la société Pixmania, à travers le même rapport de la société 8 advisory (p. 12), admet seulement avoir reçu un total de 15 732 885 + 1 520 511 = 17 253 396 euros. 42. Le solde restant à rembourser, en l'état des preuves apportées par les parties, s'élève donc à 26 571 927 - 17 253 396 = 9 318 531 euros. 43. Une expertise n'est ainsi pas utile, et n'aurait été au demeurant que le palliatif de la carence probatoire des parties. Compensation légale des créances réciproques et conclusion générale 44. La société Copie France invoque la compensation légale de la créance de remboursement de la société Pixmania avec sa créance de redevance contre celle-ci, laquelle n'en conteste ni le principe ni le montant, mais l'estime « forclose » car non déclarée à la procédure collective, et insusceptible d'avoir été de plein droit compensée avant le jugement d'ouverture car sa propre créance de remboursement, fondée sur une « perception illégale », requiert selon elle un « raisonnement juridique » de la part du tribunal et « n'existera donc qu'à compter de la décision ». 45. En application des articles 1289 à 1291 du code civil, dans leur rédaction applicable à la date des créances en cause, lorsque deux personnes se trouvent débitrices d'une somme d'argent l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives, pour peu qu'elles soient liquides et exigibles. 46. Or la créance de remboursement de la société Pixmania était déjà née au 27 octobre 2015, la présente procédure visant à la constater ayant même déjà été introduite ; et elle était exigible ; de même la créance de la société Copie France, que celle-ci évalue dans ses propres pièces (no53-1 et no76) à 2 895 746 euros (et non 5 millions, somme que la société Pixmania évoque certes mais n'admet pas expressément devoir) était exigible, au moins s'agissant des redevances dues au titre des exercices antérieurs à 2015 ; car pour les 45 979 euros réclamés au titre de 2015 (mêmes pièces), il ne peut être présumé qu'ils étaient exigibles avant le 27 octobre, en l'absence de précision et de preuve en ce sens de la part de la société Copie France. La créance exigible de la société Copie France à la date de l'ouverture de la procédure collective s'élevait donc à 2 895 746 - 45 979 = 2 849 767 euros. 48. Ont donc été compensées de plein droit, à concurrence de la plus faible d'entre elles, au fur et à mesure de leur exigibilité, d'une part la créance de redevances de la société Copie France s'élevant à 2 849 767 euros, et d'autre part la créance de remboursement de la société Pixmania, qui était supérieure. Dès lors, à la date du jugement d'ouverture, la créance de redevances était déjà éteinte par compensation légale, il n'y avait pas lieu à la déclarer à la procédure collective, et il faut en déduire le montant du total de la créance de remboursement. 49. Par conséquent, la société Copie France doit être condamnée à payer à la société Pixmania la somme de 9 318 531 - 2 849 767 = 6 468 764 euros. 50. Il ne s'agit pas d'une obligation contractuelle ; le taux d'intérêt courra donc à compter du jugement. 2) Demandes en réparation 51. En vertu de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction en vigueur lors de l'introduction de l'instance, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 52. Il ressort des échanges entre les parties que la société Copie France, qui n'a pas appelé de redevance sur des produits n'ayant pas été mis en circulation en France, ni en entrée de stock, n'a pas manqué de diligence, a cherché à résoudre le problème auquel était confrontée la société Pixmania sans que la demande de vérification du système informatique et comptable de celle-ci ne puisse lui être reprochée, et en appliquant une procédure que, bien qu'elle résulte d'une interprétation erronée du droit applicable, elle pouvait légitimement croire valable, cette erreur ne résultant assurément pas d'une négligence. Par conséquent, les deux premiers griefs soulevés par la société Pixmania étant infondés, et les deux suivants insusceptibles de caractériser une faute, ses demandes en réparation sont rejetées. 53. Il n'y a, par suite, pas lieu d'ordonner une expertise pour évaluer le préjudice dont la réparation était demandée. 3) Dispositions finales 54. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 55. Les deux parties perdent le procès en ne voyant pas l'ensemble de leurs demandes accueillies, mais le principe d'un remboursement, demande principale, à laquelle la société Copie France s'opposait, est reconnu bienfondé ; il appartient dès lors à celle-ci de supporter les dépens, et l'équité permet de lui faire supporter une partie des frais de la demanderesse, à hauteur, compte tenu de l'état du débat, de seulement 20 000 euros. 56. L'article 699 permet aux avocats de demander à recouvrer directement contre la partie condamnée les dépens dont ils ont fait l'avance. Le cabinet « Chain association d'avocats », au profit de qui cette demande est formée, n'est plus l'avocat de la société Pixmania. Il ne peut donc lui être accordé cette faculté. 57. Vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, l'extrême ancienneté de l'affaire, tenant compte toutefois de ce que celle-ci posait une question nouvelle en droit que le présent tribunal peut avoir imparfaitement envisagée, impose que l'exécution provisoire soit prononcée mais seulement à hauteur de 3 500 000 euros. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, Condamne la société Copie France, après compensation avec sa propre créance au titre des redevances de rémunération pour copie privée, à payer 6 468 764 euros à la société Pixmania en remboursement de la redevance dont celle-ci ne devait pas supporter définitivement la charge (de 2003 à 2015 inclus) ; Rejette les demandes de la société Pixmania pour préjudice de trésorerie et insuffisance d'actif ; Rejette ses demandes d'expertise ; Condamne la société Copie France aux dépens ainsi qu'à payer 20 000 euros à la société Pixmania au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande formée au titre de l'article 699 du même code ; Prononce l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 3 500 000 euros sur la créance principale, et en totalité sur les dépens et l'indemnité de procédure ; Fait et jugé à [Localité 7] le 07 Juin 2022. La GreffièreLa Présidente
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JUDICIAIRE DE [Localité 6] 3ème chambre 3ème section No RG 19/03671 - No Portalis 352J-W-B7D-CPOKK No MINUTE : Assignation du : 19 mars 2019 rendu le 24 mai 2022 Monsieur [E] [S] [Adresse 2] [Localité 3] (ISRAEL) représenté par Maîtres Olivier PARDO et Antoine CADEO de la SELAS OPLUS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0170 DÉFENDERESSE MUSEE NATIONAL [L] [B] L'Hôtel de [Adresse 4] [Adresse 1] [Localité 6] représentée par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0945 et par Maître Régis CUSINBERCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0008 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arhtur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 03 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Initialement le jugement devait être rendu par mise à disposition au greffe le 05 avril 2022, à cette date la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue le 24 mai 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1.M. [E] [S] reproche au musée national [L] [B] de ne pas reconnaitre que 5 sculptures en bronze dont il est propriétaire sont des oeuvres originales de cet artiste. Il demande qu'elles soient « jugées » comme telles, et réclame au musée une indemnité pour le préjudice qu'il estime subir à cet égard en raison d'une vente manquée. Le musée, à titre reconventionnel, estime qu'en essayant de vendre ses statues comme des originaux, M. [S] porte atteinte à l'intégrité artistique de l'oeuvre de [B]. 2.M. [S] a acquis ces 5 bronzes le 28 octobre 1969 de Mme [U] [P], qui lui a expliqué qu'ils avaient été réalisés, selon elle avec l'autorisation d'[L] [B], à partir du moulage de 5 sculptures en marbre qui avaient été acquises auprès de l'artiste par son grand-père M. [L] [O] en 1905 et 1908, et dénommées « La Mort d'Athènes », « Le Christ et la Madeleine » (commandés en 1905), « La Naissance de Vénus », « La Mort d'Alceste », et « Le Rêve » (commandés en 1908). 3.Après un premier échange en 2011 avec un conservateur du musée [B] sur la portée de l'accord conclu en 1905 entre l'artiste et [L] [O] sur le nombre d'exemplaires en marbre autorisés, M. [S] a fait exposer en 2015 ses bronzes dans un musée de [Localité 5] où se trouvaient les marbres de la collection [O]. Puis après avoir obtenu un avis favorable de la part d'une spécialiste de l'oeuvre de [B] (Mme [V]), M. [S] a demandé au musée [B] de bien vouloir lui confirmer la légitimité et l'originalité de ses bronzes ; ce que le musée a refusé, estimant alors, par courrier du 9 juillet 2018 que l'artiste s'étant réservé les droits de reproduction, ces bronzes, réalisés par « surmoulages », devaient être considérés « comme des reproductions et non comme des éditions originales de bronze », « conformément » à un décret du 3 mars 1981. 4.Après un courrier demandant au musée de justifier son opinion, resté sans réponse, M. [S] a assigné le musée [B] le 19 mars 2019. 5.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 juillet 2021, M. [E] [S] résiste aux demandes reconventionnelles et demande de ?« juger » que les cinq sculptures qui lui appartiennent « sont des éditions légitimes d'épreuves originales en bronze de [B] » ?condamner le musée [B] à lui payer 30 578 095,26 euros de dommages et intérêts pour son manque à gagner, sauf à « reconnaitre la qualité d'édition légitimes et originales des bronzes dans le mois du jugement » ?outre 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens (avec recouvrement par son avocat) et l'exécution provisoire. 6.Il soutient que le droit de reproduction des marbres a été cédé à [L] [O] ; que ses héritiers pouvaient donc réaliser des tirages en bronze ; que ces tirages à partir de l'oeuvre en marbre en sont l'achèvement et sont donc l'oeuvre elle-même, et doivent dès lors être qualifiés de tirages originaux ; que le musée [B], qui a pourtant réalisé lui-même des bronzes à partir de marbres de [B] dans les mêmes conditions, se contredit, et abuse ainsi du droit moral de l'artiste, dont il est détenteur, en refusant la qualification d'oeuvres originales aux bronzes de M. [S]. 7.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 septembre 2021, le musée [B], établissement public administratif, résiste aux demandes et demande lui-même de condamner M. [S] à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts, la publication du jugement, outre 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 8.Il estime que le droit de reproduction n'a pas été transmis à [L] [O] ; que seul le titulaire du droit moral peut tirer des bronzes originaux ; que le tirage d'un original se fait, en outre, à partir d'un modèle, auquel ne peuvent être assimilés selon lui ni les marbres en cause, qui sont achevés, ni les empreintes prises sur ces marbres, qui n'ont pas été réalisées par l'auteur ; que les bronzes en cause ont été obtenus par surmoulage et sont donc, précise-t-il, des reproductions ; qu'ainsi aucun abus notoire ne peut lui être reproché, et qu'à l'inverse en faisant passer ses bronzes pour des tirages originaux M. [S] porte atteinte au droit moral de l'artiste, ce qui lui causerait un préjudice de 50 000 euros. Il conteste, également, avoir lui-même réalisé des empreintes sur des sculptures en marbre pour réaliser des éditions originales en bronze. 9.L'instruction a été close le 30 septembre 2021, l'affaire plaidée le 3 février 2022 et le jugement mis en délibéré. 10.L'article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit qu'en cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L. 121-2, le tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure appropriée. Plus généralement, l'exercice du droit moral de l'auteur, qui ne se limite pas au droit de divulgation, peut dégénérer en abus et, aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. 11.M [S] reproche au musée [B] un abus du droit moral de l'auteur caractérisé par le refus de reconnaitre à ses bronzes la qualité d'éditions ou tirages originaux, autrement dit de les reconnaitre comme ce qui serait la matérialisation première de l'oeuvre créée par l'artiste, et non comme des reproductions de cet objet originaire. Mais par ce refus, le musée [B] n'exerce ni ne refuse d'exercer aucun droit : le titulaire du droit moral n'a aucune obligation de décerner des certificats « d'originalité » aux oeuvres dont on invoque le lien avec l'auteur. 12.Certes, du fait de sa demande reconventionnelle, le musée ne se contente plus de refuser de reconnaitre la qualité d'éditions originales aux objets en cause, comme dans son courrier de 2018, mais cherche désormais activement à interdire à M. [S] de la revendiquer lui-même. Il fonde cette prétention sur le respect de l'intégrité de l'oeuvre et affirme donc lui-même exercer ainsi une prérogative attachée au droit moral. 13.Néanmoins, la question de savoir si un objet est un « exemplaire original » (notion au demeurant empreinte d'une certaine contradiction malgré son emploi répandu dans le domaine des sculptures en bronze), ou une reproduction (un « exemplaire non original », donc), ne relève pas du respect dû à l'oeuvre, ni de la paternité de l'auteur : par le seul emploi de l'un ou de l'autre qualificatif, l'oeuvre n'est en rien altérée elle-même, ni la paternité de l'auteur contestée. Cette question est également parfaitement indifférente à la divulgation, du moins ici, car l'oeuvre en cause, y-compris le cas échéant son « exemplaire original » en bronze, a été divulguée il y a plusieurs décennies. Au demeurant c'est également le cas du droit de reproduction, qui ne fait pas partie du droit moral, a expiré, et a en toute hypothèse été mis en oeuvre lui aussi il y a plusieurs décennies, quelque fût son titulaire ; outre qu'il ne parait pas a priori très utile de s'intéresser au titulaire du droit de reproduction pour déterminer si un objet est la première matérialisation de l'oeuvre et donc, précisément, n'est pas une reproduction (dans la logique de la distinction faite par les parties entre exemplaires originaux et non originaux). 14.La demande reconventionnelle du musée [B], qui est ainsi infondée pour ne reposer sur aucune prérogative du droit moral, ne caractérise de la même manière aucun abus de ce droit. Par conséquent les demandes respectives en dommages et intérêts, infondées, doivent être rejetées ; et, par suite, la demande en publication formée par le musée [B]. 15.En définitive, les demandes des parties tendent, sous couvert du droit moral, à faire décerner par le tribunal une qualité pour elle-même. Or un tribunal recherche et au besoin qualifie un fait dans la mesure où celui-ci est nécessaire au succès d'une prétention dirigée contre une personne déterminée ; d'une manière, donc, toujours relative et comme un moyen, non comme une fin. Ce qui est demandé en réalité ici est de donner ou refuser à des objets une consécration dans le langage du marché de l'art (comme M. [S] l'écrit dans ses conclusions, p. 56, « l'originalité d'une oeuvre fait sa valeur sur le marché ») ; mais cette consécration, à supposer qu'elle puisse jamais exister, appartient aux amateurs, spécialistes et, dans la mesure où une valeur monétaire y est attachée, aux acheteurs potentiels, donc au seul marché. C'est aux personnes intéressées de déterminer si les sculptures en cause ont à leurs yeux la valeur d'une sculpture « originale » de [B], en parfaite connaissance de leur origine, qui est ici connue et n'est contestée par personne. 16.Ainsi, la demande de « juger » que les sculptures « sont des éditions légitimes d'épreuves originales en bronze de [B] » relève d'une action déclaratoire, qui est en effet définie comme ayant pour objet de lever un doute sur une situation juridique, et n'est admise, hormis les cas où elle est expressément prévue par la loi (ex : article 1040 du code de procédure civile ; article L. 615-9 du code de la propriété intellectuelle), que de manière exceptionnelle (Civ. 1ère, 10 février 1971, Bull. 1971, I, no 48 ; Civ. 2ème, 30 avril 2009, Bull. 2009, II, no107 ; Civ. 1ère, 7 décembre 2011, pourvoi no 10-30.919, Bull. 2011, I, no 210), dans la mesure où elle tend à déroger à une condition essentielle de l'action en justice tenant à l'existence d'un intérêt né et actuel, dont la caractérisation est incontournable pour le tribunal en application des articles 30 et 31 du code de procédure civile. Cette demande est, par conséquent, irrecevable. 17.Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 18.L'issue du litige commande de laisser à chaque partie la charge des frais qu'elle a jugé nécessaire d'exposer. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, Déclare irrecevable la demande de M. [S] tendant à voir juger que ses sculptures en bronze sont des « éditions légitimes d'épreuves originales en bronze de [B] » ; Rejette sa demande en dommages et intérêts ; Rejette les demandes reconventionnelles du musée [B] en dommages et intérêts et publication du jugement ; Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés et rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à [Localité 6] le 24 Mai 2022 La GreffièreLa Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/03773 - No Portalis 352J-W-B7E-CSAPP No MINUTE : Assignation du : 17 Mars 2020 rendu le 24 Mai 2022 DEMANDERESSE Société OANA MILLET SL M. [Adresse 2]/n [Adresse 2] (ESPAGNE) représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 DÉFENDERESSE S.A.R.L. CLEDOR BIJOUX [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Erick LANDON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0786 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 09 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Initialement le jugement devait être rendu par mise à disposition au greffe le 05 avril 2022, à cette date la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue le 24 mai 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ___________________________ Exposé du litige 1. La société de droit espagnol Oana millet, qui fabrique et vend des bijoux, reproche à la société Clédor bijoux d'avoir importé et offert à la vente des bijoux reproduisant 7 de ses propres produits, en contrefaçon de ses droits d'auteur (sur les 7) et de ses dessins ou modèles communautaires non enregistrés (pour deux d'entre eux). 2. La société Oana millet expose qu'après avoir vendu 23 bijoux à la société Clédor bijoux lors d'un salon en 2019, elle a constaté en janvier 2020 que celle-ci proposait à la vente dans sa propre boutique des bijoux reproduisant 7 d'entre eux, qui avaient été créés entre 2012 et 2018 par Mme [X], laquelle lui en avait cédé en 2018 les droits patrimoniaux d'auteur. Elle a alors fait réaliser un constat d'achat le 13 février 2020, puis une saisie-contrefaçon le 4 mars, et a assigné la société Clédor bijoux en contrefaçon par acte du 17 mars 2020. 3. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 31 mai 2021, la société Oana millet résiste aux demandes reconventionnelles et, alléguant une contrefaçon de droits d'auteurs par la reproduction de ses 7 bijoux, ainsi qu'une contrefaçon de dessins ou modèles communautaires non enregistrés pour deux d'entre eux (CO174 et CO177), subsidiairement une concurrence déloyale et parasitaire, demande de ?ordonner le rappel et la destruction des bijoux contrefaisant, et interdire à la société Clédor bijoux d'importer, (faire) fabriquer, commercialiser de quelque façon que ce soit les colliers reproduisant les siens, sous deux astreintes, ?lui enjoindre de communiquer toutes les factures d'achat et de vente relatives aux produits contrefaisants, certifiées par un expert comptable, en indiquant le nombre exact de produits achetés et vendus, sous astreinte ?la condamner à lui verser une provision de 150 000 euros, ?outre la publication du jugement, 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens, le tout avec exécution provisoire. 4. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, la société Clédor bijoux soulève la nullité du constat d'huissier du 13 février 2020, et de l'ensemble des actes liés à la saisie-contrefaçon du 4 mars 2020, demande de les écarter des débats, résiste aux demandes sur le fond, s'oppose à l'exécution provisoire ou en demande subsidiairement la soumission à un séquestre de 120% des sommes perçues, et réclame elle-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec recouvrement par son avocat. 5. L'instruction a été close le 30 septembre 2021, l'affaire plaidée à l'audience du 9 février 2022 et le jugement mis en délibéré. 1) Sur la validité du constat et des actes liés à la saisie-contrefaçon Moyens des parties 6. La société Clédor bijoux invoque l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, l'article 9 du code de procédure civile, et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, pour justifier la nullité du constat d'huissier du 13 février 2020 et « dans les mêmes conditions » celle de l'ordonnance et du procès-verbal de saisie-contrefaçon, reprochant au constat du 13 février 2020 : - d'avoir été réalisé sans autorisation ni contrôle judiciaire alors qu'il lui fait grief et qu'il revient à « suspendre le contradictoire » ; - de porter sur des « faits commis dans des lieux privés sans que l'officier ministériel n'ai décliné sa qualité et l'objet de son intervention », et en mandatant un tiers à sa place, « pour effectuer des actes à l'intérieur du magasin » et sans informer celui à qui le constat « fait grief » ; ce tiers ayant agi « en connaissance de cause sur les directives de l'huissier usant de toute la liberté donnée par l'absence de contrôle du Juge faute de respecter la loi », ce qui « n'est pas nouveau » car il s'agirait d'un professionnel du constat d'achat ; - en définitive, de n'avoir pas recouru à la procédure prévue par l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle (la saisie-contrefaçon). 7. Elle soutient par ailleurs en substance (ses conclusions pp. 6-8) que la société Oana millet n'a pas qualité à agir et était donc irrecevable à requérir une ordonnance sur requête, pour n'avoir pas établi la titularité ni la réalité des droits qu'elle invoque ; à cet égard elle soutient que la jurisprudence invoquée par la société Oana millet (relative à la présomption pour commercialisation) est contraire à la loi et au droit européen, et qu'il serait contradictoire de s'en prévaloir tout en invoquant une confirmation écrite « établie à postériori ». 8. En réponse, la société Oana millet soutient, s'appuyant sur des décisions de la cour d'appel de Paris, que la Convention européenne impose de veiller au caractère équitable du procès dans son ensemble, au regard notamment de la manière dont la preuve a été administrée, sans imposer ou refuser certains modes de preuves (en eux-mêmes) mais en vérifiant (seulement) que ces preuves soient recueillies et exploitées loyalement ; et elle fait valoir que l'huissier était accompagné d'un tiers indépendant et n'a constaté l'achat que depuis la voie publique, de sorte que le constat est selon elle exempt de critique. 9. Sur la validité de la requête et de la saisie-contrefaçon, elle expose avoir reproduit dans sa requête les 7 bijoux en cause. Puis, plus généralement sur la recevabilité, outre qu'elle estime irrecevables les fins de non-recevoir qui lui sont opposées, elle affirme que l'originalité des oeuvres n'est pas une condition de recevabilité ; que la titularité des droits d'exploitation qu'elle invoque doit être présumée car elle commercialise les oeuvres de façon non équivoque (Cass. 1re Civ., 10 juillet 2014, no13-16.465) ; que la cession des droits patrimoniaux par l'autrice, qui n'est selon elle soumise à aucun formalisme, résulte également d'une confirmation de cession versée aux débats ; et que les éléments conférant un caractère individuel aux dessins et modèles non enregistrés ont été identifiés très précisément dans l'assignation conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (C-345/13). Appréciation du tribunal a. validité du constat d'huissier Indépendance du tiers acheteur professionnel 10. Le droit à un procès équitable, protégé notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, implique que la procédure soit équitable dans son ensemble, au regard notamment de la manière dont les preuves ont été recueillies ; mais la recevabilité des preuves relève au premier chef du droit interne (CEDH, Elsholz c. Allemagne, GC, 13 juillet 2000, no25735/94, §66). 11. En droit interne, la jurisprudence a dégagé du droit au procès équitable et de l'article 9 du code de procédure civile, qui fait obligation aux parties de prouver les faits « conformément à la loi », un principe de loyauté dans l'administration de la preuve dont il a été déduit, quoique par un raisonnement implicite, que lorsqu'un huissier est assisté par un tiers pour réaliser un constat, ce tiers doit être indépendant de la partie requérante (Cass. 1re Civ., 25 janvier 2017, no15-25.210, publié). 12. Cette règle doit toutefois être interprétée à la lumière d'un autre principe relevant également du droit au procès équitable, le droit à la preuve, dont l'exercice peut rendre nécessaire l'atteinte à d'autres intérêts protégés, le juge devant alors apprécier la proportionnalité de l'atteinte (Cass. 1re Civ., 5 avril 2012, no11-14.177, publié). 13. Or il est également jugé que l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 relative au statut des huissiers, lorsqu'il autorise ceux-ci à « effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences », leur interdit implicitement toute démarche active revenant, en quelque sorte, à créer la situation dont le constat est recherché, même lorsque la démarche est elle-même loyale (voir, sous-entendant ce principe bien que ne le posant pas en termes généraux, Cass. 1re Civ., 20 mars 2014, no12-18.518, publié). Et il est encore généralement considéré comme une évidence que l'huissier ne peut pas entrer sans autorisation dans un magasin, qui est un lieu privé, pour y constater une vente (bien qu'il soit ouvert au public). 14. Ainsi, pour constater qu'une personne offre un produit à la vente, l'huissier, qui selon ces considérations ne peut entrer dans le magasin ni procéder lui-même à l'achat, doit faire appel à un tiers qui est à la fois disposé à procéder à cette démarche et est en même temps indépendant de la partie requérante ; autrement dit un tiers qui n'a aucun intérêt à l'obtention de la preuve recherchée mais qui pourtant est prêt à y concourir. Il est évident qu'un tel concours a peu de chances d'être gratuit, sa gratuité même étant susceptible de faire douter des motifs réels et donc de l'indépendance de celui qui s'y prête, et que pour s'assurer de pouvoir en disposer au moment recherché, il faut le prévoir à l'avance, en faisant donc appel à une personne qui est amenée à exercer ce type d'activité de façon habituelle, comme en l'espèce. 15. Dès lors, en raison de la complexité des situations résultant de l'état du droit français en la matière, la possibilité pratique de constater une offre de vente dépend de l'appréciation de l'indépendance du tiers acheteur professionnel ; ce qui, au regard du droit à la preuve, appelle une appréciation souple de cette indépendance. Le fait, soulevé indirectement par la société Clédor bijoux, qu'il existe en propriété intellectuelle une procédure spéciale, la saisie-contrefaçon, ne doit pas conduire à exclure en pratique le recours aux modes de preuve de droit commun, car cette procédure dérogatoire est une faculté offerte aux titulaires de droits, et non une contrainte leur imposant le recours systématique à cette méthode plus couteuse et contraignante même dans les situations ou les modes de preuve de droit commun leur paraitraient suffisants. 16. Dans ce cadre, l'acheteur juridiquement et économiquement indépendant de la partie requérante ne perd pas cette indépendance du seul fait qu'il est un auxiliaire habituel voire professionnel des constats d'achat. Tel est le cas de l'acheteur au cas d'espèce, dont il est constant qu'il ne travaille pas même occasionnellement pour la société Oana millet ni pour son avocat, et dont seul est critiqué le fait qu'il soit habitué ou éventuellement « professionnel » des constats d'achat. La nullité n'est donc pas encourue de ce chef. Autres critiques 17. Pour le reste, il ne peut être reproché à la société Oana Millet d'avoir choisi de prouver les faits qu'elle allègue par un constat d'huissier plutôt que par une saisie-contrefaçon seule ; au demeurant il lui fallait bien, afin de justifier sa demande de saisie-contrefaçon, apporter les « preuves raisonnablement accessibles » ; et il est observé que le constat, tel qu'il s'est déroulé en l'espèce, où les seules critiques portent en définitive sur le fait même d'avoir constaté dans une boutique ouverte au public, pendant les heures d'ouverture, les faits accomplis spontanément par l'exploitant de cette boutique, n'a porté atteinte à aucune règle de droit et moins encore à un droit fondamental, et offre également une plus grande transparence qu'un simple achat accompli par le requérant et prouvé par un ticket de vente, ou qu'un simple témoignage. 18. La demande en nullité du constat est, par conséquent, rejetée. b. validité de la requête en saisie-contrefaçon, de l'ordonnance d'autorisation, de sa signification, du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 et du procès-verbal du 10 mars 2020 19. Le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, peut annuler un procès-verbal de constat autorisé sur requête pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête (Cass. Soc., 2 octobre 2001, no99-42.171 ; Cass. 1re Civ., 14 novembre 2012, no11-18.045, cet arrêt ayant été rendu après avis de la 2ème chambre civile). Ces décisions, transposables à la saisie-contrefaçon, opèrent une distinction entre, d'une part, l'ordonnance sur requête, qui ne peut être rétractée que par le juge même qui l'a prononcée, même si le juge du fond est saisi de l'affaire, de sorte que ce dernier est incompétent pour annuler ladite ordonnance, et, d'autre part, le procès-verbal de la mesure exécutée en application de cette ordonnance, que le juge du fond peut annuler, y compris pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête (Cass. Com., 17 mars 2015, no13-15.862 ; voir aussi le jugement de ce tribunal, 25 janvier 2022, 19/10156). 20. Ainsi, les demandes en nullité de l'ordonnance d'autorisation et de la requête sur laquelle elle a été délivrée sont irrecevables, le présent tribunal n'ayant pas le pouvoir d'y faire droit, mais il faut tout de même examiner si c'est à tort que cette ordonnance a été délivrée, afin de répondre au moyen de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon lui-même. La société Clédor bijoux fait valoir indirectement, à ce titre, que l'ordonnance a été rendue sur une requête irrecevable faute pour le requérant d'avoir qualité à agir. Ces critiques portent en réalité sur deux conditions (existence de droits d'auteur, et titularité de ces droits) qui ne sont pas des fins de non-recevoir mais n'en conditionnent pas moins l'autorisation de pratiquer la saisie, et qu'il convient donc d'examiner. 21. L'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle ouvre en effet la saisie-contrefaçon à tout auteur d'une oeuvre de l'esprit ; plus généralement, les articles 6 et 7 de la directive 2004/48, que cet article applique et à la lumière desquels il faut donc l'interpréter, conditionnent la mesure à la communication par le requérant des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations. Le niveau probatoire requis est donc plus faible pour délivrer l'ordonnance que pour faire droit aux demandes sur le fond. En outre, il s'apprécie au regard de l'ensemble des preuves que les parties, une fois la contradiction rétablie, souhaitent soumettre au tribunal, et non seulement au regard des éléments visés par la requête. 22. En matière de droit d'auteur, il est constamment jugé que la personne morale qui exploite de façon paisible et non équivoque une oeuvre de l'esprit sous son nom est présumée titulaire des droits patrimoniaux, à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de revendication de droits d'auteur (Cass. 1re Civ., 10 avril 2013, no12-12.886, publié). 23. La société Clédor bijoux identifie 7 bijoux, référencés CO174, CO177, CO162, C118, CO114, CO129, CO159, dont elle indique les caractéristiques qui en font selon elle l'originalité, ce qui est suffisant au stade de la requête. 24. Elle démontre avoir vendu ces 7 références à la société Clédor bijoux en 2019, par une facture du 14 mars 2019 adressée à cette société, confirmée par le reçu bancaire d'un virement du même montant émis par la société Clédor bijoux le 20 mars 2019, et par une facture de la société DHL pour un transport le 21 mars 2019 depuis les locaux de la société Oana millet vers ceux de la société Clédor bijoux (ses pièces no10 à no12), ce qu'au demeurant celle-ci ne conteste pas. Cette vente corrobore d'autres factures de vente par la société Oana millet, jointes à des attestations de personnes se disant clients professionnels de cette société et affirmant lui avoir acheté les références mentionnées sur ces factures (pièce Oana millet no1.5), et dont il ressort que les références CO174, C118, CO114, CO129 et CO159 ont été vendues pour la première fois à ces clients au plus tard en 2017. Enfin, la société Clédor bijoux n'allègue pas être elle-même titulaire des droits patrimoniaux sur ces oeuvres ni qu'un tiers le serait. Il est donc suffisamment démontré que la société Oana millet exploite de façon paisible et non équivoque les 7 bijoux en cause dont la qualification d'oeuvre de l'esprit est par ailleurs suffisamment établie pour faire droit à une requête en saisie-contrefaçon, de sorte qu'elle peut être présumée titulaire des droits qu'elle revendique. 25. Les critiques visant les conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête sont donc infondées. Pour le reste, la société Clédor bijoux ne formule dans la partie « discussion » de ses conclusions aucun autre moyen au soutien de la nullité de la requête elle-même ou des autres actes dont la nullité est demandée. Par conséquent ces demandes en nullité sont rejetées. 2) Demandes fondées sur la contrefaçon de dessins ou modèles et de droits d'auteur a. droits sur des dessins ou modèles communautaires non enregistrés Moyens des parties 26. La demanderesse expose que ses bijoux CO174 et CO177 ont été divulgués pour la première fois dans l'Union européenne le 30 mars et le 16 octobre 2017, sont nouveaux, estime expliquer suffisamment en quoi ils sont individuels (cf ci-dessus point 9), les antériorités communiquées par la défenderesse étant également très différentes selon elle, de sorte qu'ils bénéficieraient de la protection des dessins ou modèles communautaires non enregistrés respectivement jusqu'au 30 mars et 16 octobre 2020, les faits litigieux ayant débuté au plus tard en janvier 2020 et constatés en février et mars 2020. 27. La défenderesse lui reproche de se placer uniquement sur le terrain de la nouveauté et de ne pas définir les caractéristiques particulières permettant de connaitre leur caractère individuel comme l'exigerait la jurisprudence européenne (C-395/16, C-29/21), au regard notamment des « contraintes fonctionnelles, techniques et historiques du domaine des colliers » ; de justifier de la commercialisation de ces modèles mais pas de la date de leur première divulgation, point de départ du délai de 3 ans de la protection Appréciation du tribunal 28. En vertu de l'article 85, paragraphe 2, du règlement 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, dans les procédures résultant d'actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide si son titulaire apporte la preuve que les conditions prévues à l'article 11 sont remplies et s'il indique en quoi son dessin ou modèle communautaire présente un caractère individuel. Le défendeur peut, toutefois, en contester la validité par voie d'exception ou par une demande reconventionnelle en nullité. Durée et point de départ de la protection 29. En vertu de l'article 11 du règlement 6/2002, un dessin ou modèle non enregistré bénéficie d'une protection de 3 ans à compter de sa première divulgation dans l'Union européenne. Or il ressort de la pièce no2 de la société Oana millet elle-même que le modèle CO174 était divulgué sur ce territoire dans le catalogue de janvier 2017 ; sa protection était donc expirée en janvier 2020, alors que la demanderesse ne rapporte des faits de contrefaçon qu'à partir de ce mois. 30. En revanche, le modèle CO177 n'apparait pas sur le catalogue de janvier 2017, mais seulement sur celui de septembre 2017 (pièce Oana millet no3) ; or un extrait du site internet Time out indique que la créatrice propose (seulement) deux collections par an (pièce Oana millet no1.3, 3e page) ; enfin aucun autre mode de divulgation n'est allégué par la défenderesse pour justifier d'une date de divulgation antérieure. C'est donc en septembre 2017 que ce modèle a été divulgué pour la première fois, et sa protection n'avait pas encore expiré à la date des faits litigieux, commis entre janvier et mars 2020. Protection du produit CO177 comme dessin ou modèle communautaire non enregistré 31. L'article 4, paragraphe 1 du règlement 6/2002 prévoit que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. En vertu de l'article 5, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois. Et en vertu de l'article 6, paragraphe 1, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la même date. Cet article précise, à son paragraphe 2, que pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle. Enfin, l'article 8, paragraphe 1, dispose qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. 32. La demanderesse indique que le bijou référencé CO177 (représenté ci-dessous) présente un caractère individuel de par la combinaison et la disposition de ses éléments de forme et de dimension particulière qu'elle décrit ainsi : « -Ce bijou est un sautoir composé sur sa moitié inférieure de disques de métal fins, de 2 cm de diamètre et de 7 nuances de couleurs variées, séparés les uns des autres par un tube de caoutchouc noir de 1,7 cm. -La moitié supérieure du sautoir est nue. -Chaque disque de métal est martelé, lui conférant un aspect irrégulier. - La longueur du sautoir est réglable grâce à une perle coulissante permettant de le resserrer sur le cou. » 33. Ces éléments sont suffisants pour indiquer en quoi le modèle présente un caractère individuel, conformément à l'article 85 du règlement ; il est donc présumé valide. La défenderesse communique l'image de bijoux d'Amérique ou d'Océanie qui révèlent certes une relative proximité d'inspiration, mais le modèle s'en distingue très nettement et produit manifestement une impression visuelle différence de celle produite par ces objets. Cette impression, enfin, n'est pas causée par des caractéristiques imposées par la fonction technique du modèle. Il bénéficie donc de la protection conférée aux dessins ou modèles communautaires non enregistrés. b. droits d'auteur Moyens des parties 34. La demanderesse, qui a déjà fait valoir que les fin de non-recevoir n'étaient plus recevables devant le tribunal et qu'elle démontrait suffisamment, selon elle, être titulaire des droits d'exploitation sur les 7 bijoux en cause (cf point 9), estime ensuite que ceux-ci, pris chacun dans son ensemble, sont d'une très grande originalité, en combinant des caractéristiques tenant à leurs couleurs, leur composition particulière et l'agencement de leurs divers éléments géométriques, qui leur confèreraient une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique qui porterait l'empreinte de la personnalité de leur auteur. 35. La société Clédor bijoux estime que les bijoux en cause ne constituent pas des oeuvres de l'esprit, telles que la Cour de justice de l'Union européenne en a précisé les critères ; qu'en particulier, la demanderesse allèguerait seulement des caractéristiques esthétiques, qui sont indifférentes, se bornerait à décrire les bijoux de façon générale, lesquels seraient en fait puisés dans un fond commun ancien, notamment des arts primitifs, et qu'elle confondrait l'originalité avec la nouveauté. Appréciation du tribunal 36. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale, en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 37. Pour l'application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects des droits d'auteurs, la notion d'oeuvre, qui conditionne la protection exigée par ce texte, implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 38. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 39. Les caractéristiques revendiquées par la société Oana millet pour le bijou référencé CO177 (reproduites ci-dessus au point 32) sont purement descriptives, et ne révèlent aucun choix créatif et personnel de l'auteur ; elles décrivent des éléments et couleurs a priori assez banals, y-compris dans leur combinaison. Cet objet n'est donc pas une oeuvre de l'esprit protégée au titre des droits d'auteur. 40. Le bijou référencé CO174 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Il est composé, en sa moitié inférieure, de 7 éléments de métal fin. -Chaque élément est composé de la combinaison d'un disque d'un diamètre de 2.5 cm et d'un cercle d'un diamètre de 2.9 cm. -La combinaison de couleur des disques et des cercles est la suivante : (de gauche à droite) disque turquoise/cercle vert, disque orange/cercle rose, disque bleu/cercle turquoise, disque rose/cercle violet, disque vert/cercle bleu, disque jaune/cercle orange, disque vert/cercle bleu. -Sur la moitié gauche du collier, chaque disque se superpose sur la partie supérieure du cercle et la recouvre, ne laissant apparaître qu'un demi-cercle. -Sur la moitié droite du collier, le disque se superpose sur la partie inférieure du cercle et la recouvre, ne laissant apparaître qu'un demi-cercle. -Les 7 éléments sont reliés entre eux par des anneaux métalliques perforant le métal. -Chaque plaque de métal est martelée, ce qui lui confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. » 41. La combinaison de disques pleins sur des cercles vides ainsi que leur couleur ne sont pas inusuelles en elles-mêmes, et les caractéristiques invoquées n'indiquent pas qu'elles résultent d'un choix créatif ou personnel tel qu'il reflèterait la personnalité de son auteur. Il en va de même des anneaux métalliques et du système d'attache en général. Il ne s'agit donc pas d'une oeuvre originale. 42. Le bijou référencé CO162 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Ce bijou est un sautoir composé de disques et de segments de métal fins qui s'intercalent. -Chaque segment est de couleur noire et d'une longueur de 4.5 cm et d'une largeur de 0.5 cm. - Les disques sont de deux dimensions différentes, certains d'un diamètre de 2.5 cm, d'autres d'un diamètre de 2cm. -Chaque disque est d'une couleur parmi des nuances variées. -Les disques sont reliés entre eux par un segment de métal. -Sur la moitié droite du collier, la partie basse du segment se juxtapose sur le disque qui est positionné en dessous. La partie haute du segment est perforée et reliée au disque placé au-dessus par un anneau métallique. -Sur la moitié gauche du collier, la partie haute du segment se juxtapose sur le disque qui est positionné au-dessus. La partie basse du segment est perforée et reliée au disque placé au-dessous par un anneau métallique. -Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. » 43. Ce bijoux est, comme les deux précédents, apparemment assez banal de par sa forme, sa couleur, le détail de ses éléments, sans que l'auteur n'invoque aucun choix créatif particulier. Il ne s'agit pas d'une oeuvre. 44. Le bijou référencé C118 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Ce bijou est un collier ras de cou composé de deux plaques fines de métal en forme de feuilles oblongues, de couleurs différentes, de dimensions équivalentes et se superposant. -La feuille de gauche est positionnée à la verticale et orientée vers la gauche, tandis que la feuille de droite, qui la recouvre sur une partie de sa largeur, est positionnée de biais vers la droite. -L'extrémité supérieure de chaque feuille est perforée afin de laisser passer une cordelette permettant d'attacher le collier. -Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. -Ce bijou est décliné en plusieurs coloris » 45. Si le choix d'orientation et d'inclinaison des deux éléments de ce bijou est relativement arbitraire, il est extrêmement simple et ne suffit pas, en lui-même, à porter l'empreinte de la personnalité de son auteur ; le reste de l'objet (forme des deux feuilles, système d'attache, couleurs) n'est pas en soi original et il n'est pas plus allégué ici de choix créatif que dans les bijoux précédents. Il ne s'agit donc pas d'une oeuvre. 46. Le bijou référencé CO114 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Ce bijou est un collier ras de cou composé de 22 fines branches de métal de longueurs différentes, qui s'entrecroisent. -Chaque branche est légèrement incurvée, certaines vers le centre du collier, d'autres vers l'extérieur. -L'alternance des branches de longueurs et d'incurvations différentes, ainsi positionnées, crée un effet visuel d'entrecroisement. -L'accumulation des branches, bien que fines, et leur densité, donne à l'ensemble les caractéristiques d'un plastron. -Chaque branche est suspendue au cordon par le pliage du métal autour du cordon, formant ainsi un crochet. -Chaque branche de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. -Ce bijou se décline plusieurs coloris » 47. L'idée de laisser des branches métalliques s'entrecroiser ne peut être appropriée en elle-même ; la façon exacte dont se croisent ces branches, le jeu précis des longueurs différentes dans le croisement qu'elles adoptent pourraient, en revanche, être le fruit d'un choix personnel ; toutefois, le croisement précis des branches n'est pas revendiqué, et en effet il n'est pas déterminé ni figé dans cet objet : le catalogue de janvier 2017 (pièce Oana millet no2) montre une représentation du même bijou avec un agencement différent des branches métalliques. Il ne s'agit donc que d'un ensemble d'éléments métalliques incurvés de longueurs légèrement différentes, ce qui n'est pas une caractéristique originale. Il ne s'agit donc pas d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur. 48. Le bijou référencé CO129 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Ce bijou est un collier ras de cou composé d'une accumulation de fines plaques de métal de dimensions identiques et de 7 nuances de couleurs variées, positionnées les unes à côté des autres et se chevauchant. -Chaque plaque de métal a la forme d'un triangle dont l'un des angles de sa base aurait été atténué. -Les plaques sont alternativement orientées vers la droite et la gauche. -Elles sont suspendues au cordon par le pliage du métal de l'angle supérieur autour du cordon, formant ainsi un crochet. -Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. » 49. Il s'agit ici encore de caractéristiques descriptives qui ne paraissent pas originales en elle-même et dont la demanderesse n'établit pas qu'elles sont le fruit d'un processus créatif. 50. Le bijou référencé CO159 (représenté ci-dessous) est original, selon la demanderesse, de par la combinaison des éléments ci-après : « -Ce bijou est un collier ras de cou composé d'une accumulation de fins segments de métal, de dimensions identiques et de sept couleurs aux nuances variées, positionnés les uns à côté des autres et suspendus au cordon par le pliage du métal autour du cordon, formant ainsi un crochet. -Chaque segment de métal est martelé, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse. » 51. Il s'agit de franges colorées dont ni le principe ni l'agencement des couleurs (qui n'est pas revendiqué précisément) ne sont en eux-mêmes originaux, et aucun choix personnel et créatif n'est caractérisé. 52. Aucun des bijoux invoqués n'est dès lors protégé au titre du droit d'auteur, et par conséquent les demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur doivent être rejetées. c. contrefaçon du dessin ou modèle communautaire non enregistré 53. En application de l'article 10 du règlement 6/2002, la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente ; et pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle. 54. Dans ce cadre, le titulaire du dessin ou modèle dispose d'un droit exclusif régi par l'article 19 du règlement dans les termes suivants : « 1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. 2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé. L'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire. » 55. Et l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que toute atteinte à ce droit exclusif constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. 56. La société Oana millet a fait acheter et a fait saisir plusieurs exemplaires d'un collier offert à la vente dans la boutique de la société Clédor bijoux et qui, comme son modèle CO177, se compose d'un même nombre (25) de disques métalliques de même taille, au même nombre de couleurs gaies quoique légèrement plus ternes (jaune, rouge, bleu, vert, mauve, orangé, bleu plus clair), séparés par des éléments noirs d'épaisseur et de longueur apparemment identiques le long d'une tige également flexible. Il s'agit donc de la copie presque identique du modèle, qui nonobstant l'éclat moins fort des couleurs produit manifestement sur l'utilisateur averti une impression visuelle identique, dans un secteur, les colliers de fantaisie, où la liberté du créateur est forte. Le fait qu'il s'agisse d'une copie résulte non seulement de l'identité quasi-parfaite des objets en cause, mais également de la preuve de ce que la société Clédor bijoux avait préalablement acheté le modèle à la société Oana millet. 57. Le droit exclusif de celle-ci a donc été atteint, ce qui caractérise la contrefaçon. La protection ayant toutefois expiré depuis septembre 2020, aucune interdiction n'est possible à ce titre. d. réparation Moyens des parties 58. La société Oana milet invoque un préjudice économique tiré des ventes et des importations de bijoux, critique l'absence d'identification des produits sur les pièces comptables, affirme que comme tout commerçant la défenderesse connait forcément son stock produit par produit, réclame donc que soient communiqués des éléments comptables au titre du droit d'information et demande une provision de 100 000 euros. Elle demande encore une provision de 50 000 euros pour son préjudice moral au regard de la piètre qualité des produits contrefaisants par rapport aux siens, du succès important que connaissent les colliers en cause, de l'atteinte à son image, ses clients pouvant penser du fait de la contrefaçon qu'elle manque de créativité et de sérieux, de ce que la société Clédor bijoux a échappé au risque inhérent à la commercialisation d'un nouveau produit, et de la mauvaise foi de celle-ci qui a d'abord commandé les colliers originaux avant de les faire fabriquer en Chine pour les vendre moins cher. 59. La société Clédor bijoux estime que le préjudice allégué n'est pas démontré, que le stock découvert lors de la saisie-contrefaçon et par le constat d'achat correspond à un chiffre d'affaires potentiel de 800 euros, mais qu'en toute hypothèse ces produits n'ayant pas été vendus ils n'ont causé aucun préjudice ; et que la société Oana millet ne peut réclamer un préjudice moral car le droit moral appartient exclusivement à l'auteur et n'est pas prévu pour les dessins et modèles. Appréciation du tribunal 60. En application de l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, applicable aux atteintes portées aux dessins ou modèles communautaires en vertu de l'article L. 522-1, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 61. Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 521-7), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 62. Il résulte de la saisie-contrefaçon que lorsqu'elle a été réalisée, le 4 mars 2020, le collier contrefaisant le modèle CO177 se trouvait dans la boutique de la défenderesse en 5 exemplaires seulement (pièce Oana millet no14). La responsable de la boutique présente lors de la saisie a toutefois indiqué avoir commencé à vendre les différents modèles incriminés en janvier 2020 soit 2 mois plus tôt. Une facture remise lors de la saisie-contrefaçon révèle que les bijoux sont achetés à un fournisseur dans des quantités variables mais souvent supérieures à 100 pièces par référence, et pouvant aller jusqu'à 300 pièces. Il en résulte que la quasi-totalité du stock acheté a été vendue, et que ce stock initial peut être estimé, en l'absence d'autres éléments, à 200 pièces. 63. Pour déterminer la perte économique du titulaire des droits, il faut se fonder sur la probabilité que les clients qui ont acheté un produit contrefaisant eussent acheté un produit authentique si la contrefaçon n'avait pas eu lieu. La société Oana millet revendique des ventes de 247 exemplaires au total pour son collier CO177 (sa pièce 1.4) ; elle ne démontre, ni au demeurant ne revendique, bénéficier d'une renommée particulière. Le produit authentique n'était donc pas recherché pour lui-même par les clients de la société Clédor bijoux, qui n'avaient aucune raison de savoir qu'ils trouveraient dans cette boutique le collier CO177 de la demanderesse, de sorte que les achats du produit contrefaisant sont essentiellement des achats d'opportunité et non des achats motivés par la volonté d'acquérir à moindre cout un produit imitant l'original. Le taux de report entre le produit contrefaisant et produit authentique est donc très faible. Ainsi, compte tenu du prix de vente unitaire du collier authentique (25 euros, pièce Oana millet no3), et d'un bénéfice marginal pouvant être estimé, en retenant une hypothèse favorable, à 40%, la perte économique peut être évaluée à 200 euros. 64. Le prix de vente de ce collier par la société Clédor bijoux est de 9,90 euros HT (soit 11,88 euros TTC) ; rapporté au prix d'achat des bijoux mentionnés sur la facture du fournisseur (environ 2 euros en moyenne), et en tenant compte des couts exposés pour vendre ce type d'objet dans une boutique physique, il peut être estimé que la défenderesse a tiré un bénéfice marginal d'environ 3,5 euros par bijou vendu, soit un bénéfice d'environ 700 euros du fait de la contrefaçon. 65. Enfin, le fait de s'être fait copier un modèle protégé par un concurrent a nécessairement provoqué pour la société Oana millet une contrariété constitutive d'un préjudice moral, d'autant plus important que des clients achetaient le modèle en cause sans même savoir que c'est elle qui en était à l'origine. 66. Il résulte de ces éléments que tous chefs confondus la société Oana millet a subi un préjudice de 2 000 euros, que la société Clédor bijoux est par conséquent condamnée à réparer. La demanderesse ayant demandé une provision, le tribunal ne peut accorder qu'une provision, et non une somme définitive . 67. Pour autant, l'ordre de grandeur économique de la contrefaçon est suffisamment connu grâce à la facture identifié et il constitue une part très minoritaire du préjudice total, essentiellement composé du préjudice moral. L'information réclamée à la défenderesse est dès lors insusceptible de modifier le montant du préjudice, donc inutile, et il n'y a pas lieu d'en ordonner la communication. 68. Le préjudice est suffisamment réparé par l'indemnité et il n'y a donc pas lieu à publication. 3) Demandes subsidiaires en concurrence déloyale et parasitaire 69. La concurrence déloyale, sanctionnée en application de l'article 1240 du code civil, doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement commercialisé sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur son origine, circonstance attentatoire à l'exercice loyal des affaires. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de l'espèce prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. 70. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel. 71. En l'espèce, la société Clédor bijoux a volontairement copié les bijoux de la société Oana millet. Néanmoins, ces bijoux ont bénéficié d'une protection, au titre des dessins ou modèles communautaires non enregistrés, dont le législateur européen a lui-même prévu la duré afin de permettre la rentabilisation des investissements sans entraver excessivement la concurrence (voir (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, précité, point 50). Une fois la protection expirée, la copie du modèle ne saurait dès lors être fautive en elle-même. 72. La défenderesse a certes acheté les produits de la demanderesse afin de pouvoir les copier. Mais dès lors que la copie est licite, il ne peut être jugé illicite d'acheter l'original pour le copier. 73. Enfin, l'identité visuelle entre les produits vendus par la société Clédor bijoux et les produits de la société Oana millet ne cause pas à elle seule une confusion dans l'esprit du consommateur. L'admettre reviendrait là encore à entraver la libre concurrence en protégeant les modèles indéfiniment, au mépris de l'équilibre issu de la législation. Or il n'est reproché à la défenderesse aucun autre acte de nature à susciter la confusion dans l'esprit du consommateur. 74. Par conséquent, le parasitisme et la concurrence déloyale invoquées ne sont pas établies, et les demandes en ce sens doivent être rejetées. 4) Dispositions finales 75. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 76. En l'espèce, la demanderesse voit une de ses prétentions accueillie, de sorte que la défenderesse, qui s'opposait à la totalité des demandes et a en outre contesté de manière infondée certaines des preuves, perd le procès. Néanmoins la demanderesse, qui voit également ses demandes rejetées dans une large mesure, a dans cette mesure inutilement complexifié le litige et provoqué une résistance légitime de la part de la défenderesse. Par conséquent, si celle-ci doit être condamnée aux dépens, car elle aurait dû supporter même si la demanderesse avait limité ses demandes à la seule partie qui est finalement accueillie, l'équité interdit en revanche de lui faire indemniser les frais de la demanderesse au-delà d'une proportion minime, soit 1 000 euros. 77. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter dans la présente affaire, ni d'ordonner spécialement un séquestre des sommes payées en exécution du jugement. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, Rejette la demande de la société Clédor bijoux en nullité du constat du 13 février 2020, Déclare irrecevables ses demandes en nullité de l'ordonnance du 28 février 2020 ayant autorisé la saisie-contrefaçon et de la requête sur laquelle cette ordonnance a été rendue ; Rejette ses demandes en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 pratiquée en vertu de cette ordonnance et du procès-verbal de « non réception de document » du 10 mars 2020 qui l'a suivi ; Rejette la demande en dommages et intérêts fondée sur la contrefaçon de droits d'auteur ; Rejette la demande en dommages et intérêts fondée sur la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire pour le collier CO174 ; Condamne la société Clédor bijoux à payer à la société Oana millet la somme provisionnelle de 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon du dessin ou modèle communautaire non enregistré pour le collier CO177 ; Rejette les demandes d'interdiction et de rappel des produits ; Rejette la demande de droit d'information ; Rejette la demande de publication ; Rejette les demandes subsidiaires en concurrence déloyale et parasitaire ; Condamne la société Clédor bijoux aux dépens et la condamne à payer 1 000 euros à la société Oana millet au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, ni à séquestre ; Fait et jugé à Paris le 24 Mai 2022 La GreffièreLa Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/12942 No Portalis 352J-W-B7D-CRB32 No MINUTE : rendu le 21 avril 2022 DEMANDEURS S.A.R.L. ECODENEIGE [Adresse 6] [Localité 1] Monsieur [B] [O] [Adresse 6] [Localité 1] Madame [V] [D] épouse [J] [Adresse 5] [Localité 4] représentés par Me Marie-Laure BOUZE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0613 & Me Nicolas COURTIER de la SELARL COURTIER CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant DÉFENDERESSES S.A.S. ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON [Adresse 9] [Localité 3] représentée par Me Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P370 & Me Barbara BERTHOLETde la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant Société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISE [Adresse 2] [Localité 1] représentée par Me Philippe BAYLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0728 & Me Christine IMBERT de la SELARL ARCOLIA, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice- président Alix FLEURIET, Juge Linda BOUDOUR, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 18 janvier 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE: Le 19 juillet 2013, les sociétés COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) et ECODENEIGE ont déposé une demande de brevet français no1357115 portant sur un dispositif et procédé de déneigement. Les co-inventeurs désignés sont MM. [G] [J], [B] [O] et [K] [T]. Ce brevet a fait l'objet d'une demande internationale le 16 juillet 2014, publiée le 22 janvier 2015 sous le no WO2015/007991. L'invention couverte par ce brevet porte sur une machine permettant de faire fondre la neige. Le 16 octobre 2013, un accord de confidentialité a été conclu entre les sociétés COMEX et ECODENEIGE, d'une part, et la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériels de déneigement, d'autre part, en vue de trouver un moyen d'étudier et de réaliser, en partenariat, un prototype opérationnel permettant de valider le procédé de l'invention dans les ateliers des sociétés COMEX et ECODENEIGE à une échelle réduite puis sur un site de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON en conditions réelles. L'accord de confidentialité prévoyait que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON s'engageait à garder le secret sur toutes informations confidentielles relatives au projet que COMEX et ECODENEIGE viendraient à lui communiquer oralement ou par écrit en soulignant leur caractère confidentiel. L'article 3 stipulait notamment que le présent engagement de confidentialité et de non divulgation ne s'appliquait pas aux informations reçues lorsque la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON pourra apporter la preuve qu'elles ont été mises à la connaissance du public sans faute de sa part au moment de leur réception. Le procédé comportant des dispositifs d'émetteurs d'ultrasons, la société ECODENEIGE s'est rapprochée également de la société WEBER, spécialisée en matière d'ultrasons. Dès avril 2014, la société ECODENEIGE, souhaitant anticiper la future commercialisation de la machine, est entrée en pourparlers avec la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON en vue de négocier un accord de coopération pour les aéroports d'Europe du Nord. Par courrier du 4 novembre 2014, le conseil de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, faisant valoir que les investissements nécessaires à la mise en oeuvre d'un prototype fonctionnel seront assurés par elle, indiquait à la société ECODENEIGE qu'elle souhaitait obtenir une concession exclusive de licence de brevet, aux termes de laquelle elle conserverait l'exclusivité de la distribution et qu'elle n'entendait verser qu'une redevance proportionnelle aux ventes réalisées par elle. Plusieurs essais ont été menés. Il est constant que des améliorations devaient être apportées pour que la machine soit commercialisable. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON fait valoir qu'elle s'est éloignée du procédé d'origine, le dispositif mis au point par la société ECODENEIGE présentant l'inconvénient majeur de tasser la neige en entrée de réservoir et que les blocs de neige ainsi formés se révélaient difficiles à briser ou à réduire, de sorte qu'il en résultait une saturation du dispositif et que ce problème technique empêchait de mettre en oeuvre l'invention de la société ECODENEIGE. Elle soutient que, fort de son savoir-faire, elle aurait créé un nouveau dispositif de brassage de neige, faisant intervenir un tapis de convoyage avec un broyeur disposé en amont, permettant d'émietter la neige avant qu'elle n'entre dans le dispositif de brassage. Le 30 novembre 2015, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a déposé une demande de brevet français no15 61608 portant sur un dispositif de brassage de neige, puis, sous priorité de cette demande de brevet français, une demande de brevet européen le 30 novembre 2016 sous le noEP 3 173 529. Les relations se sont poursuivies entre les parties. Des essais ont été effectués en janvier 2016. Le 12 février 2016, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON indiquait à la société ECODENEIGE qu'à la suite de ces essais, elle avait réalisé que différentes améliorations devaient être apportées pour arriver à un rendement correct et qu'elle était en train d'apporter des modifications techniques en ses ateliers. Elle ajoutait que les conditions juridiques et financières de leur collaboration après essais et avant validation du projet ne pouvaient être effectives. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 mai 2016, la société ECODENEIGE notifiait à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON qu'elle mettait un terme à leurs relations. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 mai 2016, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON notifiait à la société ECODENEIGE qu'il lui était difficile de commercialiser une machine sur la base des éléments communiqués par ses soins et du prototype qu'ils avaient réalisé, le protype, lors des derniers essais, ne donnant satisfaction qu'à hauteur seulement de 50% de sa production. Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre 2017, la société ECODENEIGE, MM. [B] [O] et [G] [J] ont notifié à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON qu'elle avait fautivement rompu les pourparlers en vue de la conclusion d'une concession exclusive de brevet en ayant déposé une demande de brevet de perfectionnement de l'invention, sans l'autorisation des titulaires et inventeurs de ce brevet et en violation de l'accord de confidentialité du 15 octobre 2013 tout en prolongeant volontairement les pourparlers dans le seul but de poursuivre les essais sur sa propre invention. Il était enjoint à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON de retirer ses demandes de brevet, de remettre les plans de perfectionnement apportés à l'invention, et à défaut de reprise de bonne foi des négociations en vue de la conclusion d'une licence exclusive, de verser la somme de 2.000.000 d'euros en réparation des préjudices subis tout en s'engageant à ne pas exploiter tout ou partie de l'invention brevetée par la société ECODENEIGE ainsi que des perfectionnements apportés sans leur accord. Par exploits d'huissier de justice du 20 décembre 2017, la société ECODENEIGE et MM. [B] [O] et [G] [J] ont fait assigner la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON et la société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX), en sa qualité de co-titulaire de la demande du premier brevet, devant le tribunal de grande instance de Paris en revendication de brevet et en rupture abusive des pourparlers et agissements déloyaux et parasitaires. Le 7 janvier 2019, M. [G] [J] est décédé. Par ordonnance du 5 mars 2019, le juge de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance et dit que celle-ci sera reprise par l'éventuelle régularisation de la procédure par les héritiers de M. [G] [J]. Par déclaration faite au greffe du tribunal de grande instance de Marseille du 18 mars 2019, M. [F] [J], fils de M. [G] [J], a renoncé à la succession de son père. Le 24 juin 2019, Me [C] [E], notaire, a dressé l'acte de notoriété à la suite du décès de M. [F] [J] aux termes duquel il laisse pour lui succéder, hors M. [F] [J] : - Mme [V] [D], veuve du défunt, conjoint survivant ; - Melle [N] [J]- [A], petite-fille du défunt. Par requête du 2 septembre 2019, M. [F] [J] et Mme [S] [A], ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure [N] [J]-[A], ont sollicité l'autorisation du juge des tutelles du tibunal de grande instance de Versailles pour pouvoir renoncer , au nom et pour le compte de leur fille mineure, à la succession de M. [G] [J], son grand-père. Par ordonnance du 7 octobre 2019, le juge des tutelles a rendu une ordonnance prévoyant une telle autorisation. Le 30 octobre 2019, les parents de Mlle [N] [J]- [A] ont adressé au tribunal de grande instance de Marseille l'acte de renonciation à la succession au nom de leur enfant mineur. Par des conclusions de reprise d'instance notifiées par la voie électronique le 4 novembre 2019, Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], est intervenue à l'instance, laquelle a été reprise. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er février 2021, la société ECODENEIGE, M. [B] [O] et Mme [V] [D] (épouse [J]) en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], demandent au tribunal de: Vu les articles L611-8 et L613-15 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 1112 nouveau et 1240 nouveau (1382 ancien) du Code civil, DIRE ET JUGER que la demande de brevet noEP 3173529 de la Société VILLETON est un perfectionnement du brevet noWO2015007991 de la Société ECODENEIGE ; PRONONCER L'INTERDICTION pour la Société VILLETON d'exploiter le brevet noEP 3173529 ; DIRE ET JUGER que la demande de brevet noEP 3173529 a été déposée par la société VILLETON en violation de l'accord de confidentialité qu'elle a signé le 15 octobre 2013 ; DIRE ET JUGER que la propriété du brevet noEP3173529 est transférée à la Société ECODENEIGE ; DIRE ET JUGER que la Société VILLETON a rompu de manière fautive les pourparlers avec la Société ECODENEIGE ; DIRE ET JUGER que la Société VILLETON a commis des agissements déloyaux et parasitaires à l'encontre de la Société ECODENEIGE ; CONDAMNER la Société VILLETON au paiement de quatre million huit cent mille euros (4.800.000€)de dommages-intérêts à la Société ECODENEIGE ; CONDAMNER la Société VILLETON au paiement de deux cent cinquante mille euros (250.000 €) de dommages-intérêts à Monsieur [O] ; CONDAMNER la Société VILLETON au paiement de la somme de trois cent trente mille euros (330.000 €).de dommages-intérêts à Madame [D] poursuivant l'instance es-qualités d'ayant droit et héritière de Monsieur [J]; ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir. ORDONNER la publication des termes de la condamnation dans deux revues au choix des demandeurs, pour un cout de publication n'excédant pas la somme de dix mille euros (10.000€). CONDAMNER la Société VILLETON au paiement de la somme de dix mille euros (10.000€) à la Société ECODENEIGE et MM. [O] et [J], au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; CONDAMNER la Société VILLETON aux entiers dépens ; SUBSIDIAIREMENT NOMMER AVANT DIRE DROIT un expert auquel sera attribuée la mission de comparer le brevet noWO2015007991 de la Société ECODENEIGE et la demande de brevet noEP3173529 de la Société VILLETON afin de déterminer si ce dernier est un perfectionnement du premier ; DIRE ET JUGER qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'Huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la Société VILLETON, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 février 2021, la COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES demande au tribunal de: Constater que la société COMEX a été assignée aux termes de l'assignation au seul motif de sa qualité de co-titulaire du brevet en cause. Constater qu'au jour de la notification des présentes conclusions, aucune demande n'a été formulée par les parties demanderesses ni par la société défenderesse à l'encontre de la société COMEX. En conséquence, Dire et Juger que la société COMEX sera mise purement et simplement hors de cause. Bien entendu, dans le cas où, par extraordinaire, des demandes seraient par la suite formulées à son encontre, il conviendra de permettre à la société COMEX, dans le strict respect du principe du contradictoire et de celui des droits de la défense, de formuler ses observations sur toute demande éventuelle. Condamner tout succombant à lui payer la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Me Philippe BAYLE, Avocat aux offres de droit. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 mars 2021, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON demande au tribunal de: Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, Vu les articles L613-15 et L611-8 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 32-1, 1112 et 1240 du code civil, Rejetant toutes demandes, fins et moyens contraires, DIRE ET JUGER que M. [B] [O] et Mme [V] [D] sont dépourvus d'intérêt à agir, DIRE ET JUGER en conséquence que leurs demandes sont irrecevables et les rejeter, DIRE ET JUGER que le brevet EP 3173529 n'est pas un brevet de perfectionnement dans la dépendance du brevet WO2015007991, DIRE ET JUGER que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON n'a pas rompu de manière fautive les pourparlers avec la société ECODENEIGE, DIRE ET JUGER que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON n'a commis aucun agissement constitutif de parasitisme au préjudice de la société ECODENEIGE, REJETER en conséquence toutes les demandes de la société ECODENEIGE, Subsidiairement, DEBOUTER la société ECODENEIGE, M. [O] et Mme [D] de leurs demandes indemnitaires, de publication et d'exécution provisoire, comme étant mal fondées et en tout état de cause injustifiées, En tout état de cause, CONDAMNER in solidum la société ECODENEIGE, M. [O] et Mme [D] à payer à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON une somme de 50 000 euros pour procédure abusive en application de l'article 1240 du code civil, CONDAMNER in solidum la société ECODENEIGE, M. [O] et Mme [D] à payer à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Nicolas MOREAU. La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 29 juin 2021. MOTIFS DU JUGEMENT : Sur la recevabilité des demandes de M.[B] [O] et Mme [V] [D] en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J]: La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON oppose que M. [B] [O], en qualité de gérant de la société ECODENEIGE et de co-inventeur du brevet français 1357115 ayant fait l'objet d'une demande internationale le 16 juillet 2014, publiée le 22 janvier 2015 sous le no WO2015/007991, et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], co-inventeur dudit brevet, seraient irrecevables en leurs demandes pour défaut de droit d'agir, ne pouvant former aucune demande concernant le brevet EP 3173529 déposé par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON et au titre de la responsabilité délictuelle de cette société invoquée au titre de la rupture abusive des pourparlers et des agissements déloyaux et parasitaires. M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], répliquent que le préjudice qu'ils allèguent ne concerne que la qualité d'inventeurs de MM. [O] et [J], ceux-ci s'étant consacrés, pendant les pourparlers menés avec la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, quasi-exclusivement au projet ECODENEIGE et ayant ainsi subi un préjudice personnel distinct de la société ECODENEIGE du fait de la rupture abusive des pourparlers et du parasitisme reprochés à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, ce préjudice présentant un caractère économique, physique et moral. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], sollicitent respectivement à leur profit l'allocation de 250.000 euros et 330.000 euros à titre de dommages-intérêts. Au soutien de ces demandes, ils se prévalent des conséquences personnelles négatives subies en qualité d'inventeurs du brevet déposé par les sociétés ECODENEIGE et COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX), du fait de leur important investissement dans la réalisation de l'invention, qu'ils imputent au comportement fautif invoqué à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON. Par conséquent, M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], doivent être déclarés recevables en leurs demandes relatives à leur préjudice propre. Sur la mise hors de cause de la société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX ) : La société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) a été appelée en la cause par la société ECODENEIGE et MM. [B] [O] et [G] [J], en sa qualité de co-titulaire de la demande de brevet déposée avec la société ECODENEIGE. Aucune demande n'est formée à son encontre. Aux termes de ses conclusions, cette société fait valoir qu'elle ne considère pas que le brevet litigieux déposé par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON constituerait un simple perfectionnement de celui dont elle est co-titulaire, mais d'un brevet portant sur une machine complémentaire et qu'elle n'entend donc pas prendre partie dans ce litige. Aussi, il convient de dire cette société hors de cause. Sur les demandes formées au titre du brevet européen noEP 3 173 529: La société ECODENEIGE soutient que le brevet déposé par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON porte sur un perfectionnement technique de son brevet, ayant pour objet une invention qui consiste en une amélioration par le déplacement vers l'extérieur de la machine des moyens mécaniques de déstructuration par hachage et/ou malaxage divulgués par la revendication 1 du brevet ECODENEIGE tout en reprenant des moyens visant à réduire le volume, à savoir les ultrasons et l'injection d'eau liquide. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais donné son accord pour que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON exploite ce brevet et sollicite, subsidiairement, une expertise. Elle forme des demandes d'interdiction d'exploitation de ce brevet, sur le fondement de l'article L.613-15 du code de la propriété intellectuelle. Elle ajoute que la demande de brevet de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON est intervenue en violation de l'accord de confidentialité qu'elles avaient conclu et qu'elle est donc fondée à en solliciter la propriété en application de l'article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON réplique qu'aucune expertise n'est nécessaire pour analyser les brevets en cause et qu'il incombe à la société ECODENEIGE de démontrer que le brevet litigieux est un brevet de perfectionnement dépendant du brevet de la demanderesse et de la société COMEX. Elle fait valoir que son brevet porte sur l'ajout d'un dispositif de pré-brassage composé d'un tapis de convoyage et d'un broyeur en amont d'un dispositif de brassage de neige quel qu'il soit et que le dispositif objet du brevet EP 529 peut être mis en oeuvre pour tous moyens de réduction de volume de neige, aucune des revendications de ce brevet n'incluant le dispositif de la demande WO 991 et ne couvrant les huit caractéristiques de cette demande. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON considère que si les deux inventions appartiennent au même domaine technique et si l'on peut considérer au sens commun que son invention apporte un perfectionnement aux dispositifs de broyage de neige, dont ceux couverts par la demande WO991, cette invention n'est pas dépendante de cette demande car, non seulement elle peut être mise en oeuvre sans reproduire l'invention couverte par la demande WO 991, mais surtout il est recommandé de ne pas mettre en oeuvre cette invention qui comprend une opération de tassement de la neige dans la trémie, ce qui est contraire à l'enseignement de la description de la demande EP 529. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, qui ajoute qu'aucune des caractéristiques du brevet WO 991 n'est couverte par le brevet EP 529, conclut que son brevet n'est pas un brevet de perfectionnement dans la dépendance du brevet WO 991. Elle indique enfin qu'elle n'a pas exploité et n'exploite pas son invention. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON s'oppose ensuite à la demande de revendication du brevet EP 529, n'ayant soustrait aucune invention de la société ECODENEIGE, l'invention couverte par le brevet EP 529 n'étant pas un perfectionnement dépendant du brevet WO 991 tandis que la société ECODENEIGE ne justifie pas des informations confidentielles qui lui auraient été transmises et qu'elle aurait utilisées. Sur la demande d'interdiction d'exploitation du brevet EP 3 173 529 (EP 529) : Aux termes de l'article L.613-15 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'un brevet portant atteinte à un brevet antérieur ne peut exploiter son brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet antérieur ; ledit titulaire ne peut exploiter le brevet postérieur sans l'autorisation du titulaire du brevet postérieur. Lorsque le titulaire d'un brevet ne peut l'exploiter sans porter atteinte à un brevet antérieur dont un tiers est titulaire, le tribunal judiciaire peut lui accorder une licence d'exploitation du brevet antérieur dans la mesure nécessaire à l'exploitation du brevet dont il est titulaire et pour autant que cette invention constitue à l'égard du brevet antérieur un progrès technique important et présente un intérêt économique considérable. La licence accordée au titulaire du brevet postérieur ne peut être transmise qu'avec ledit brevet. Le titulaire du brevet antérieur obtient, sur demande présentée au tribunal, la concession d'une licence réciproque sur le brevet postérieur. Pour déterminer si un brevet constitue le perfectionnement d'un premier brevet, il convient de rechercher s'il reprend les caractéristiques essentielles de celui-ci (Cass. Com.,27 janv.2009). Il est rappelé que les sociétés COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) et ECODENEIGE ont déposé la demande de brevet du 19 juillet 2013 ayant fait l'objet d'une demande internationale du 16 juillet 2014, publiée sous le noWO 2015/7991. Cette demande est intitulée "Dispositif et procédé de déneigement". Selon la description, elle concerne un procédé et un dispositif de réduction du volume et fluidification de neige pour l'évacuation de neige accumulée sur des chaussées dans les lieux publics ou sites industriels et aéroportuaires. Le but de l'invention est de fournir des dispositifs et procédés de déneigement permettant de faciliter le transport et réduire le plus rapidement possible le volume de neige pour permettre de l'évacuer afin de limiter les arrêts d'exploitation extrêmement coûteux, et à moindre coût. Plus particulièrement, le but est de permettre la réduction du volume de la neige accumulée sur des surfaces importantes qui doivent être rendues opérationnelles très rapidement et d'évacuer et/ou de stocker la neige sous forme liquide dans des réservoirs de volume limité afin de pouvoir les implanter facilement à proximité des sites à risque pour limiter la distance à parcourir pour les engins de déneigement. Pour obtenir ce résultat, l'invention couverte par le brevet porte, selon la revendication indépendante 1 sur un : « dispositif de réduction de volume de neige et de fluidification comprenant : - un premier réservoir fixe (1) équipé de moyens (2-6) de fluidification et de réduction de volume de la neige, - au moins un deuxième réservoir formant bassin de stockage (11) de plus grand volume que le premier réservoir, le volume dudit bassin de stockage étant d'au moins 20 fois de préférence d'au moins 100 fois le volume du premier réservoir, et ledit bassin de stockage étant rempli d'eau à température ambiante au moins partiellement, de préférence au moins 30% de son volume étant rempli d'eau, - au moins une première canalisation de transfert de fluide (9) entre un orifice d'évacuation (1e ) à l'extrémité inférieure dudit premier réservoir (1) et ledit bassin de stockage (11) ; et - au moins une deuxième canalisation de transfert (10) entre ledit bassin de stockage (11) et ledit premier réservoir (1), - lesdits moyens de fluidification (2-6) comprenant : - des moyens de tassement de la neige comprenant des moyens mobiles de tassement dynamiques (4), et - des moyens mécaniques de déstructuration par hachage et/ou malaxage (2) disposés dessous lesdits moyens de tassement, et aptes à provoquer un déplacement forcé vers le bas de la neige, et - des moyens d'injection d'eau (3), comprenant de préférence des buses d'aspersion d'eau (3a, 3b), à l'intérieur et/ou au-dessus du premier réservoir (1) alimenté par de l'eau (12) provenant du bassin de stockage (11) via une dite deuxième canalisation, lesdits moyens d'injection d'eau (3) étant situés au moins au-dessus (3a) lesdits moyens de hachage et/ou malaxage (2), de préférence aussi au-dessous (3b) lesdits moyens de hachage et/ou malaxage, et - des moyens de génération d'ultrasons comprenant des dispositifs émetteurs d'ultrasons (5a) supportés par une structure rigide (5) à l'intérieur du premier réservoir, disposés dessous lesdits moyens de hachage et/ou malaxage (2) et dessous des dites buses d'injection d'eau. Par conséquent, l'invention, qui a pour but but d'assurer la réduction du volume de neige en la fluidifiant, comprend deux réservoirs : - le premier comprenant des moyens de tassement de la neige, des moyens mécaniques de déstructuration par hachage et/ou malaxage, des moyens d'injection d'eau et des moyens de génération d'ultrasons, - le second formant un bassin de stockage de la neige. Le brevet enseigne qu'on réalise la fluidification de la neige dans le premier réservoir sous la forme d'un mélange homogène eau/neige déstructuré fluidifié pompable et ou transférable mécaniquement vers le bassin de stockage de plus grande taille au sein duquel la fonte complète naturelle de la neige s'effectue à température ambiante et sans aucun apport énergétique de la machine. Enfin, le brevet indique que le procédé ne consomme pas d'eau mais fonctionne en circuit fermé avec le bassin de stockage et permet la récupération et le traitement de l'eau, ce qui plus avantageux tant en termes de consommation d'énergie que d'économie d'eau. Le brevet comporte la figure 1 suivante : La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a déposé la demande de brevet français no1561608 le 30 novembre 2015, servant de priorité à la demande de brevet européen EP 3 173 529 (EP 529) déposée le 30 novembre 2016. Cette invention est intitulée : "Dispositif de brassage de neige". Aux termes de sa description, le brevet EP 529 indique qu'il est connu du document de brevet WO 2015007991 un dispositif de réduction du volume et fluidification de neige pour l'évacuation de neige accumulée sur des chaussées dans des lieux publics ou sites industriels et aéroportuaires (0004). Décrivant le fonctionnement de ce dispositif, le brevet EP 529 indique que le tassement réalisé en entrée du réservoir par les moyens de tassement a l'inconvénient de former des blocs compacts de neige. Ces blocs compacts de neige sont ensuite difficiles à briser ou réduire, malgré les moyens de malaxage et les moyens de génération d'ultrasons, de sorte qu'il peut en résulter une saturation du dispositif (0006). La présente invention couverte par le brevet vise à pallier cet inconvénient en proposant un dispositif de brassage de neige permettant de réduire et faire fondre la neige avec efficacité, fiabilité, c'est à dire sans risque de saturation ni suralimentation en neige dure, avec un impact environnemental limité (0007). La revendication indépendante 1 du brevet EP 529 est rédigée comme suit : "1. Dispositif (1) de brassage de neige comprenant une trémie (100), la trémie (100) ayant une ouverture (102) d'entrée pour recevoir de la neige, et des moyens de réduction du volume de neige introduite dans la trémie (100), caractérisé en ce que le dispositif (1) comprend en outre un ensemble (200) d'alimentation configuré pour conduire la neige depuis l'extérieur de la trémie (100) jusqu'à l'ouverture (102) d'entrée, et en ce que l'ensemble (200) d'alimentation comprend au moins un tapis (202) de convoyage et un broyeur (204) permettant de pré-brasser la neige avant introduction dans la trémie (100)." Le brevet reproduit la figure suivante : La description du brevet indique (0009) qu'ainsi, le dispositif de brassage de neige offre un pré-brassage de la neige avant l'introduction dans la trémie. Cela permet de travailler la neige en amont, c'est à dire l'émietter avant déversement dans la trémie, pour éviter que des blocs compacts de neige dure soient introduits dans la trémie. Le tapis de convoyage permet d'étaler et déstructurer la neige du fait de sa longueur et des vibrations qu'il engendre en fonctionnement, ce qui limite tout risque de saturation et favorise ensuite la fonte de la neige dans la trémie. C'est à juste titre que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON oppose que le brevet EP 529 porte, non sur un système de réduction du volume de neige par fluidification dans des réservoirs, mais sur un dispositif de pré-brassage de la neige comprenant un tapis de convoyage et un broyeur en amont. Le dispositif divulgué ne prévoit pas qu'il doit être mis en oeuvre dans le cadre du dispositif spécifique de réduction de neige décrit par le brevet WO 2015/7991, mais indique qu'il concerne, de manière large, des trémies ayant des moyens de réduction du volume de la neige qui y est introduite. Au contraire, la demande de brevet EP 529 exclut expressément son association avec le dispositif du brevet WO 2015/7991 en ce qu'il divulgue des moyens de fluidification par tassement de la neige, dès lors que la description du brevet EP 529 indique (0055) que la trémie 100 est dépourvue de moyens de tassement de la neige qui est introduite en entrée, ce qui évite de former des blocs compacts de neige dans la trémie 100. En outre, l'invention divulguée par le brevet EP 529 ne prévoit pas la nécessité de la présence de deux réservoirs avec, dans le premier réservoir, des moyens mécaniques de déstructuration par hachage et/ou malaxage de la neige. Il est relevé que les revendications dépendantes 7 à 9 du brevet EP 529 mentionnent seulement des modes particuliers de réalisation de l'invention selon lequelles les moyens de réduction de volume de neige dans la trémie peuvent comprendre une pluralité de sonotrodes pour générer des ultrasons et un dispositif d'injection d'eau liquide, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON faisant valoir que ces éléments découlent de l'état de la technique connue, ce qui au demeurant n'est pas contesté. Par conséquent, il apparaît, sans qu'une mesure d'instruction soit nécessaire, que le brevet EP 529 ne reprend pas les caractéristiques essentielles du brevet WO 2015/7991, s'agissant d'un brevet indépendant, de sorte qu'il ne porte pas atteinte au brevet WO 2015/7991 au sens de l'article L.613-15 du code de la propriété intellectuelle. Sur la demande de revendication du brevet EP 529 : Aux termes de l'article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle, si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. Il résulte de l'accord de confidentialité conclu entre les sociétés COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) et ECODENEIGE, d'une part, et la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, d'autre part, le 16 octobre 2013, que l'obligation de confidentialité concerne (article 1-Objet) toutes informations remises dans le cadre du projet "ECODENEIGE" dans le cadre de l'invention, l'objectif de l'accord étant de trouver un moyen d'étudier et réaliser, en partenariat, un prototype opérationnel permettant de valider le procédé de l'invention dans les ateliers de la société ECODENEIGE à une échelle réduite et sur un site de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON en conditions réelles. Aux termes de cet accord, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON s'est engagée à garder le secret sur toutes informations confidentielles relatives au thème identifié en Objet que COMEX et ECODENEIGE viendraient à lui communiquer oralement ou par écrit en soulignant leur caractère confidentiel. L'article 3 de l'accord prévoit notamment une exception à l'engagement de confidentialité aux informations reçues lorsque la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON pourra apporter la preuve (...) qu'elles ont été mises à la connaissance du public sans faute de sa part au moment de leur réception. Or, d'une part, si le brevet EP 529 cite, au titre de l'état de la technique antérieure, le brevet WO 2015/7991, il est rappelé que cette demande de brevet a été publiée le 22 janvier 2015 et ainsi portée à la connaissance du public à l'initiative des sociétés COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) et ECODENEIGE. Par conséquent, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON pouvait librement, sans violer l'accord de confidentialité, faire état du brevet WO 2015/7991 dans ses demandes de brevet français et européen ultérieures. D'autre part, la société ECODENEIGE ne justifie pas en quoi les demandes de brevets déposées par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON reprendraient des informations confidentielles visées par l'accord du 16 octobre 2013 qui seraient fournies par les sociétés ECODENEIGE et COMEX, étant précisé que le brevet EP 529 n'est pas un brevet dans la dépendance du brevet WO 2015/7991. Aussi, en l'absence de preuve d'une violation par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON d'une quelconque obligation contractuelle, la société ECODENEIGE sera déboutée de sa demande en revendication de la propriété du brevet EP 529. Sur la responsabilité délictuelle de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON au titre de la rupture des négociations précontractuelles : La société ECODENEIGE rappelle qu'un contrat de licence d'exploitation exclusive avait été envisagé avec la défenderesse, ces sociétés étant en pourparlers depuis le mois d'avril 2014. Elle indique qu'aucun droit d'entrée n'était prévu et que le fait pour la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON d'avoir démarré la fabrication du prototype, laissait sous-entendre un accord tacite sur le principe d'une licence, cette société n'ayant émis aucune contre-offre aux propositions faites, ayant même, lors d'une réunion du 8 décembre 2015, renouvelé son intérêt pour une licence et validé des propositions faites sur le principe. La société ECODENEIGE fait valoir que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON ne s'est ensuite plus manifestée, poursuivant les essais sur la machine de son côté et que ses relances étant restées vaines, la société ECODENEIGE n'a eu d'autre choix que de prendre acte de la rupture des relations par courrier recommandé du 10 mai 2016, tandis que ce n'est que par courrier du 17 mai 2016, soit cinq mois après la réunion et deux ans après le début des pourparlers, que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a clairement notifié qu'elle ne souhaitait pas commercialiser la machine. La société ECODENEIGE soutient qu'ainsi, les agissements de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON relèvent d'une légèreté blâmable, de nature à qualifier de fautive la rupture des pourparlers. Elle fait valoir que la société défenderesse a tardé à l'aviser du fait que le rendement de la machine était inférieur à ce qui avait été envisagé, alors qu'il pouvait être optimisé et que le business modèle de la société ECODENEIGE n'était pas sérieux, entretenant de manière illusoire l'espoir d'un contrat, dans l'objectif de piller l'invention sur laquelle les sociétés COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) et ECODENEIGE ont déposé un brevet. La société ECODENEIGE ajoute que le fait de ne pas répondre à ses partenaires commerciaux est contraire aux usages du commerce, et que le dépôt d'un brevet de perfectionnement sans en aviser la société ECODENEIGE, tout en indiquant qu'elle entendait poursuivre ses relations avec elle, présentait un caractère fautif. La société ECODENEIGE conteste l'importance des apports financiers qui auraient été effectués par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON rappelle que la preuve d'une faute commise par l'auteur de la rupture pèse sur la partie qui s'en dit victime. Elle fait valoir que seule la société ECODENEIGE a pris l'initiative de la rupture des pourparlers par courrier du 10 mai 2016. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON affirme que, pendant les deux années durant lesquelles les pourparlers ont eu lieu, elle s'est investie techniquement et économiquement pour vérifier la faisabilité technique et la viabilité économique du projet, préalable indispensable à toute conclusion d'un contrat de licence, la conception, le développement, les essais et les nombreuses modifications apportées au prototype après essais ayant mobilisé d'importants moyens financiers. Elle indique ainsi que la période correspondant aux pourparlers allégués par la société ECODENEIGE était en réalité consacrée à la mise au point du prototype, à des essais et à des tentatives d'amélioration auxquels elle a majoritairement contribués avec la société WEBER et qu'elle a seule financés. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON soutient qu'on ne peut lui reprocher une quelconque intention de ne pas contracter, compte tenu de son engagement dans le projet tandis que la société ECODENEIGE ne justifie pas de ses propres investissements. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON ajoute qu'elle n'a détourné aucune valeur de la société ECODENEIGE à laquelle elle n'aurait pas eu accès sans le partenariat et n'a réalisé aucune économie à son détriment en déposant ses demandes de brevets français et européen qui ne sont pas dans la dépendance des brevets déposés par la société ECODENEIGE et COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX). Elle fait valoir que la société ECODENEIGE n'a engagé aucun investissement dont elle aurait profité et qu'elle a cherché à résoudre des problèmes techniques découlant du dispositif de la société ECODENEIGE. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON soutient encore que la société ECODENEIGE ne peut lui reprocher de ne pas avoir contracté à ses conditions qui étaient déraisonnables et déséquilibrées au regard de leurs investissements respectifs, la défenderesse ayant émis des contre-propositions dont la société ECODENEIGE n'a pas tenu compte. Elle indique que le projet "ECODENEIGE" n'était étayé par aucune donnée comptable chiffrée et que le business modèle de la société ECODENEIGE n'était pas sérieux, la société ECODENEIGE, sans ressource technique et financière, comptant sur ses partenaires pour assumer les coûts et risques du développement dont elle espérait recueillir les fruits en majeure partie par la conclusion d'un contrat défavorable à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON. Enfin, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON souligne que l'absence de rendement suffisant de la machine excluait toute industrialisation et commercialisation viables par ses soins. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON conclut qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle à l'origine de la rupture des pourparlers. Les faits étant antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 intervenue le 1er octobre 2016, il convient de faire application de l'article 1382 ancien du code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Si le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, ils doivent cependant être effectués de bonne foi. Il est rappelé que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 mai 2016, la société ECODENEIGE a notifié à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON qu'elle mettait un terme à leurs relations, faisant état de son absence de motivation pour le projet ou de sa volonté de freiner le projet pour se l'approprier. Aussi, dès lors qu'elle a pris l'initiative de la cessation de leurs relations, la société ECODENEIGE ne peut imputer à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON une rupture abusive de la poursuite des négociations afin de finaliser un contrat d'exploitation. La demande de la société ECODENEIGE doit donc s'entendre comme une demande en réparation résultant de fautes prétendument commises par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON dans le cadre de leurs relations préccontractuelles. Il incombe alors à la société ECODENEIGE de prouver l'existence d'une faute imputable à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON dans le déroulement des négociations l'ayant contrainte à mettre un terme à leurs relations. Il est rappelé que, par courrier du 23 juillet 2014, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a déclaré être partenaire avec la société ECODENEIGE pour le projet avec les Aéroports de [Localité 8]. Il était envisagé que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON devait fournir en machines de déneigement les Aéroports de [Localité 8], avec l'aide de la technologie issue du brevet déposé par les sociétés ECODENEIGE et COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) (pièce demandeurs 15). Par courrier du 4 novembre 2014, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON faisait valoir qu'elle supportait seule les investissements nécessaires à la mise en oeuvre d'un prototype fonctionnel, cette situation étant confirmée par le gérant de la société ECODENEIGE, dans son courriel du 24 juin 2014 (pièce 15 précitée des demandeurs), aux termes duquel il reconnaissait que cette société était une société de recherche pure, ne pouvant, en l'absence de moyens financiers, produire que des pertes jusqu'à ce que le projet aboutisse. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON souhaitait obtenir une concession exclusive sur la distribution, la société ECODENEIGE ne pouvant prétendre qu'à une redevance proportionnelle sur les ventes. Il n'est pas contesté qu'aucun contrat de licence n'est intervenu entre ces sociétés en dépit des éléments proposés ultérieurement par la société ECODENEIGE. Sur la négligence opposée à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, il est relevé qu'à tout le moins au 6 octobre 2015, elle avait commencé à faire des modifications du prototype de la machine couverte par l'invention (pièce défendeur 2.3). Il est établi que, selon compte rendu du projet ECODENEIGEdans le cadre d'une réunion qui s'est tenue le 8 décembre 2015 dans les locaux de la société COMEX, le principe d'un planning prévisionnel des prochains essais confiés à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a été arrêté, celle-ci devant, en collaboration avec la société ECODENEIGE, définir ce planning, effectuer une nouvelle campagne de test, valider la capacité de fonte, le rendement énergétique et la nécessité de hacher ou non la neige, avec des essais possibles début 2016 en fonction des chutes et stock de neige disponible. Il est justifié que des tests ont été effectués conjointement avec la société ECODENEIGE en situation réelle les 27 et 28 janvier 2016 sur la Commune du [Localité 7] , puis les 22 au 24 mars 2016, selon rapport desdits essais transmis par la société ECODENEIGE par courriel du 29 mars 2016 (pièce demandeurs 25). Aussi, il ne peut être soutenu que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, qui indique subir des contraintes organisationnelles importantes pour faire des tests en nature, n'a pas été diligente et impliquée dans l'élaboration de la machine et de ses essais. Par courriel du 12 février 2016, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a écrit que, suite aux essais du Snow Melter qui se sont déroulés sur la Commune du [Localité 7] les 27 et 28 janvier 2016, il en résultait qu'il convenait d'apporter différentes améliorations pour arriver à un rendement correct et qu'il n'était pas encore possible de déterminer précisément les rendements, des modifications techniques étant effectuées dans ses ateliers. Il est observé que le rapport des essais du 22 et 24 mars 2016 mentionne l'utilisation d'un convoyeur comprenant une fraise. Si, par courriel du 29 mars 2016 transmettant ce rapport, la société ECODENEIGE soutient que les résultats étaient satisfaisants, force est de relever que ce point est formellement contesté par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, laquelle, dans son courrier du 17 mai 2016, fait valoir qu'il lui était difficile de commercialiser une machine sur la base des éléments qui lui avaient été communiqués et du prototype qu'ils avaient réalisés, le prototype ne donnant satisfaction qu'à hauteur seulement de 50% de sa production. La société ECODENEIGE ne rapporte pourtant pas la preuve que les résultats des essais étaient réellement satisfaisants pour une exploitation optimale de l'invention, tandis que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, qui fait valoir que l'élaboration du prototype a représenté des investissements substantiels, a financé pour une très large part le projet. Elle produit, à cet égard, une attestation de son commissaire aux comptes relative au prototype Snow Walter ECODENEIGE pour la période du 1er décembre 2013 au 30 juin 2016 qui indique que le montant total des coûts engagés par cette société s'élevant à 268.614,98 euros était cohérent au regard des données comptables. La société ECODENEIGE ne peut reprocher à la société défenderesse, qui n'était tenue par aucun engagement autre que la conception et les essais du prototype, de ne pas avoir formalisé un quelconque contrat de licence, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON demeurant libre de s'engager aux conditions qui lui apparaissaient adaptées à ses intérêts, tandis que la société ECODENEIGE ne peut se prévaloir d'aucun "accord tacite" qui n'est pas caractérisé, la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON ayant toujours pris soin de réserver sa position en fonction des essais techniques sur l'invention qui lui apparaissaient à ce stade insatisfaisants pour une machine qui ne lui semblait pas viable au plan commercial. En conséquence, il n'est justifié d'aucune faute commise par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON de nature à obliger la société ECODENEIGE à mettre un terme à leurs relations. Enfin, il est rappelé que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON était libre de déposer, alors qu'elle était en relation avec la société ECODENEIGE, une demande de brevet français et européen, pour protéger son patrimoine intellectuel, dès lors qu'il n'est pas établi que ce brevet, qui entrait dans le champ de l'activité de la défenderesse, était dans la dépendance du brevet de la société ECODENEIGE et qu'il n'était pas le résultat des propres investissements de la société défenderesse. Par conséquent, en l'absence de faute caractérisée de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON dans la poursuite des relations précontractuelles, il convient de débouter la société ECODENEIGE de ses demandes formées à ce titre. Sur les faits de parasitisme et de dénigrement : La société ECODENEIGE fait valoir que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a commis des agissements parasitaires à son préjudice en s'emparant d'indications techniques à l'occasion des pourparlers pour mettre en oeuvre à son profit les méthodes portées à sa connaissance. Elle rappelle que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON a cherché à "piller" sa propriété industrielle en déposant un brevet sans l'aviser alors que ces sociétés étaient en relations d'affaires. Enfin, la société ECODENEIGE se prévaut de faits de dénigrement commis par la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON à son préjudice, celle-ci, en mettant en cause les performances de la machine, ayant découragé les Aéroports de [Localité 8] de devenir le premier client de la société ECODENEIGE et [Localité 8] BUSINESS ANGEL d'investir dans son capital. La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON réplique qu'elle ne s'est pas immiscée dans le sillage de la société ECODENEIGE sans bourse délier, n'ayant pas repris ses investissements pour développer le brevet EP 529. Elle ajoute que les Aéroports de [Localité 8] font partie de ses clients historiques, ce qui a favorisé l'intérêt de cet organisme pour le projet compte tenu de l'implication de la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON et que la preuve qu'elle aurait cherché à dénigrer la société ECODENEIGE n'est pas rapportée. En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il est rappelé que la preuve n'est pas rapportée que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON aurait fautivement utilisé des informations techniques appartenant à la société ECODENEIGE et couvertes par le secret pour déposer ses demandes de brevets, la demande de brevet WO 2015/7991 étant publiée et rendue publique avant le dépôt des brevets litigieux. Par ailleurs, la société ECODENEIGE ne justifie pas que la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON aurait cherché à la dénigrer auprès de divers partenaires officiels, en particulier les Aéroports de [Localité 8]. Les demandes formées au titre du parasitisme et du dénigrement seront donc rejetées. Dans ces conditions, il convient de débouter la société ECODENEIGE de ses demandes indemnitaires, ainsi que celles de M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], qui trouvent leur origine dans les faits reprochés par la société ECODENEIGE. Il n'y a pas plus lieu, dans ces conditions, d'ordonner la publication du jugement. Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive : La société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON ne caractérisant pas que les demandeurs, qui ont pu se tromper sur l'étendue de leurs droits, auraient introduit leur action avec une légèreté blâmable, sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive. Sur les demandes accessoires : Parties succombantes, la société ECODENEIGE, M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], seront condamnés aux dépens et à payer in solidum à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à la société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) 1.500 euros au titre de cette même disposition légale. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, compte tenu de son ancienneté, l'exécution provisoire sera prononcée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré, Déclare M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], recevables en leurs demandes, Dit hors de cause la société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) , Rejette la demande d'expertise judiciaire formée par la société ECODENEIGE, Déboute la société ECODENEIGE de sa demande d'interdiction d'exploitation du brevet européen EP 3 173 529, Déboute la société ECODENEIGE de sa demande de transfert de propriété du brevet européen EP 3 173 529, Déboute la société ECODENEIGE de ses demandes indemnitaires formées au titre de la rupture des relations précontractuelles avec la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON, du parasitisme et du dénigrement, Déboute M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], de leurs demandes indemnitaires, Dit n'y avoir lieu à publication du jugement, Déboute la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, Condamne la société ECODENEIGE, M. [B] [O] et Mme [V] [D] en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], aux dépens, lesquels pourront être recouvrés, pour ceux les concernant, par Me Philippe BAYLE et Me Nicolas MOREAU, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, Condamne in solidum la société ECODENEIGE, M. [B] [O] et Mme [V] [D], en qualité d'ayant-droit et d'héritière de M. [G] [J], à payer à la société ETABLISSEMENTS JEAN VILLETON 15.000 euros et à la société COMPAGNIE MARITIME D'EXPERTISES (COMEX) 1.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire du jugement. Fait et jugé à Paris le 21 avril 2022 LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
CAPP/JURITEXT000046206464.xml
JUDICIAIRE DE [Localité 10] 3ème chambre 1ère section No RG 19/01143 No Portalis 352J-W-B7D-CO2FU No MINUTE : Assignation du : 02 janvier 2019 rendu le 02 juin 2022 DEMANDERESSE S.A.S. SAMES KREMLIN [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1104 DÉFENDERESSES Société DÜRR SYSTEMS [Adresse 4] [Adresse 5] [Adresse 9] [Localité 3] Société DÜRR SYSTEMS AG [Adresse 6] [Adresse 7] (ALLEMAGNE) représentées par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice -président Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Alix FLEURIET, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 08 mars 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort La société SAMES KREMLIN, immatriculée le 21 mars 2017 au RCS de [Localité 8] et issue de la fusion des sociétés SAMES TECHNOLOGIES et KREMLIN REXSON, fait partie du groupe EXEL INDUSTRIES. La société SAMES KREMLIN est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de matériels et systèmes dédiés à la manipulation, au dosage, au mélange, à la distribution et à l'application de fluides, en particulier les peintures dans le domaine automobile. La société de droit allemand DÜRR SYTEMS AG est spécialisée dans les produits d'application de peinture, les systèmes d'assemblage et les technologies robotiques associées. La société de droit français DÜRR SYSTEMS est une filiale de la société DÜRR SYSTEMS AG qui assure notamment la distribution des produits Dürr sur le marché automobile français. La société SAMES KREMLIN est titulaire d'un brevet français FR 08 56607 (FR 607), déposé le 30 septembre 2008 par la société SAMES TECHNOLOGIES et enregistré par l'INPI le 25 juillet 2014, intitulé "Projecteur rotatif et procédé de projection de produit de revêtement mettant en oeuvre un tel projecteur rotatif". Il est toujours en vigueur par le paiement régulier des annuités. Elle est également titulaire d'un brevet européen EP 2 328 689 déposé le 30 septembre 2009, sous priorité de la demande française FR 607, délivré le 26 février 2014. Ce brevet a été maintenu sous une forme modifiée par décision de la division d'opposition de l'OEB du 11 janvier 2018. Cette décision fait actuellement l'objet d'un recours devant la chambre des recours de l'OEB. Ce brevet ne produit pas ses effets en France, la société SAMES KREMLIN y ayant renoncé. La société SAMES KREMLIN fait valoir qu'elle a appris que la société DÜRR SYSTEMS avait entrepris de présenter, offrir à la vente et vendre en France, sous la dénomination Ecobell, des pulvérisateurs rotatifs mettant selon elle en oeuvre le brevet FR 607. Autorisée par ordonnances du 22 novembre 2018, la société SAMES KREMLIN a fait pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon le 7 décembre 2018 dans les locaux de la société DÜRR SYSTEMS et PEUGEOT CITROEN RENNES. La société SAMES KREMLIN fait valoir que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir que la commercialisation des pulvérisateurs dénommés "EcoBell 2 HD", qui contreferaient le brevet FR 607, est le fait de la société DÜRR SYSTEMS AG, que leur importation en France est assurée par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS et que la société DÜRR SYSTEMS est en charge de leur commercialisation en France. Par exploits d'huissier des 2 et 7 janvier 2019, la société SAMES KREMLIN a fait assigner les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020, en contrefaçon des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 septembre 2021, la société SAMES KREMLIN demande au tribunal de : - Ecarter des débats la pièce communiquée par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS sous le numéro HL no 5.4 ; - Déclarer les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS coupables de contrefaçon des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 08 56607 ; - Faire interdiction aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, de diffuser tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support papier que par tout autre moyen, présentant des pulvérisateurs ayant les mêmes caractéristiques que les pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 ayant fait l'objet des opérations de saisie contrefaçon du 7 décembre 2018, sous ces dénomination et références ou sous quelques autres dénomination et références que ce soit, de les importer en France, de les détenir, de les offrir à la vente et de les vendre ; - Ordonner le retrait des pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 commercialisés en France depuis le 7 décembre 2013 ou, à tout le moins, depuis le 2 janvier 2014 et la destruction devant huissier des pulvérisateurs ainsi retirés et de ceux détenus en stock par la société DÜRR SYSTEMS, aux frais des sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit; - Faire injonction aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'avoir à produire, chacune, un état certifié par leur commissaire aux comptes, attestant des quantités de pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 importés et vendus en France depuis le 7 décembre 2013 ou, à tout le moins, depuis le 2 janvier 2014, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés au titre de la fourniture, de l'installation, de la mise en service et de la maintenance de lignes ou équipements d'application comportant ces pulvérisateurs, ainsi que de la fourniture des pièces détachées correspondantes, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs (bons de commande, bon de livraison, factures d'achat et factures de vente) ; - Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes et la fixation éventuelle de nouvelles astreintes ; - Condamner in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits privatifs sur le brevet FR 08 56607 et de sa dévalorisation consécutive ; - Dire que le tribunal statuera sur le préjudice commercial subi par la Société SAMES KREMLIN au vu des pièces qui seront produites par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ; - Condamner d'ores et déjà in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 450.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du chef du préjudice commercial subi ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir in extenso ou par extraits dans trois journaux ou périodiques, au choix de la société SAMES KREMLIN et aux frais des sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS tenues in solidum, dans la limite de 5.000 euros H.T. par insertion ; - Déclarer les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ; les en débouter ; - Condamner in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 100.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; - Les condamner in solidum à rembourser à la société SAMES KREMLIN les honoraires, frais et dépens exposés par elle à l'occasion des opérations de saisie contrefaçon du 7 décembre 2018 ; - Les condamner également in solidum en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Olivier LEGRAND conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 septembre 2021, les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS demandent au tribunal de : A titre principal : - Dire et juger que les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 sont dépourvues de nouveauté, ou à tout le moins d'activité inventive ; En conséquence, - Prononcer la nullité des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 ; - Ordonner l'inscription de la décision à intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ; - Débouter la société Sames Kremlin de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ; A titre subsidiaire : - Dire et juger que les sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems bénéficient d'un droit de possession personnelle antérieure sur l'invention couverte par les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 ; En conséquence, - Débouter la société Sames Kremlin de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ; A titre très subsidiaire : - Dire et juger que la demande de Dürr Systems AG en revendication du brevet FR 08 56607 est bien fondée ; En conséquence, - Ordonner le transfert des droits attachés au brevet FR 08 56607 à la société Dürr Systems AG ; - Ordonner l'inscription de la décision intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ; A titre infiniment subsidiaire : - Dire et juger que la masse contrefaisante est limitée aux bols et aux anneaux d'air de guidage portant la référence EcoBell 2 HD ; - Dire et juger que les demandes de Sames relatives à des actes antérieurs au 2 janvier 2014 sont prescrites ; - Limiter les mesures ordonnées aux bols et aux anneaux d'air de guidage portant les références EcoBell 2 HD visées par Sames, à l'exclusion notamment des pulvérisateurs, des robots, et des équipements de commande ; - Limiter les mesures ordonnées aux actes accomplis depuis le 2 janvier 2014 ; - Débouter la société Sames Kremlin de ses demandes de dommages-intérêts provisionnels formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ; En tout état de cause : - Dire et juger que l'action de Sames Kremlin est abusive ; - Condamner Sames Kremlin à verser à Dürr Systems AG une somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive ; - Condamner Sames Kremlin à verser à Dürr Systems une somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive ; - Condamner la société Sames Kremlin à verser aux sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems, in solidum, la somme de 187.974 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ; - Condamner la société Sames Kremlin en tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Stanislas Roux-Vaillard, en application de l'article 699 du code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir du chef de la condamnation aux dommages-intérêts, de la condamnation aux dépens et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 octobre 2021. MOTIFS DU JUGEMENT : La présentation du brevet FR 607 : La description de ce brevet indique que l'invention concerne un projecteur rotatif de produit de revêtement et également un procédé de projection de produit de revêtement qui met en oeuvre un tel projecteur rotatif. La pulvérisation au moyen de projecteurs rotatifs est utilisée pour s'appliquer sur, notamment, des carosseries de véhicules automobiles, un apprêt, une couche de base et/ou un vernis. Le brevet indique qu'un projecteur rotatif de produit de revêtement comporte un organe de pulvérisation tournant à haute vitesse, sous l'effet de moyens d'entraînement en rotation, tels qu'une turbine à air comprimé, un corps fixe logeant les moyens d'entraînement en rotation ainsi que des moyens d'alimentation de l'organe de pulvérisation en produit de revêtement. L'organe de pulvérisation a généralement la forme d'un bol à symétrie de révolution et une arête de pulvérisation apte à former un jet de produit de revêtement. Le produit de revêtement s'étale sur la surface intérieure du bol, sous l'effet de la force centrifuge, jusqu'à une arête de pulvérisation où il est micronisé en fines gouttelettes, le jet de produit de revêtement pulvérisé présentant une forme globalement conique. Le brevet indique que, dans l'état de la technique antérieur, la pulvérisation était améliorée par l'utilisation de jets d'air en dotant à cette fin le projecteur de plusieurs orifices disposés sur un cercle centré sur l'axe de symétrie du bol et situés sur le pourtour extérieur du bol. Il peut comporter des jets d'air "primaire", inclinés par rapport à l'axe de rotation du bol selon une direction primaire présentant une composante axiale et une composante orthoradiale ou circonférentielle, les jets d'air primaire générant un flux d'air tourbillonnant autour du pourtour extérieur du bol et du jet de produit de revêtement. Ce flux d'air tourbillonnant, parfois qualifié de "vortex", permet de conformer le jet de produit pulvérisé par l'arête en fonction de l'application recherchée. Il peut comporter également des jets d'air "secondaire", par des orifices secondaires disposés également sur le pourtour extérieur du bol et sur le même cercle que les orifices primaires et de façon décalée par rapport à ceux-ci. Chaque jet d'air secondaire est incliné par rapport à l'axe de rotation selon une direction secondaire présentant une composante axiale et une composante radiale, ces composantes étant déterminées de manière à injecter des flux d'air autour du bol permettant de réduire la dépression causée en aval du bol par la rotation du bol à haute vitesse. Les jets d'air secondaire sont destinés à obtenir un film de peinture déposée uniforme. Le brevet indique, cependant, que les jets d'air secondaire ainsi inclinés ne permettent pas de régler la forme du jet de produit ni, par conséquent, la surface d'impact des goutelettes pulvérisées sur l'objet à revêtir. Ils requièrent également des réglages délicats pour éviter de détériorer la forme du jet de produit de revêtement. Le brevet mentionne également que le projecteur induit des vitesses d'air de jupe et d'air de vortex relativement élevées, risquant de dégrader l'application du produit de revêtement sur l'objet à revêtir, de manière qualitative, avec des impacts de produit dont les profils sont parfois irréguliers et généralement peu robustes, et quantitative, le rendement de dépôt de produit étant relativement limité. L'invention enseignée par le brevet vise notamment à remédier à ces inconvénients en proposant un projecteur rotatif de produit de revêtement permettant d'obtenir des rendements de dépôt relativement élevés ainsi qu'une bonne robustesse des impacts de produit de revêtement sur les objets à revêtir. L'objectif de l'invention est atteint, selon le brevet, par sa revendication 1 rédigée comme suit : "Projecteur rotatif (P) de produit de revêtement comportant : - un organe de pulvérisation (1) du produit de revêtement présentant au moins une arête (12) globalement circulaire et apte à former un jet de produit de revêtement, - des moyens d'entraînement en rotation de I'organe de pulvérisation (1) et - un corps (2) qui est fixe et qui comprend : des orifices primaires (4) disposés sur un contour primaire (C4) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice primaire (4) étant destiné à éjecter un jet d'air primaire (J4) suivant une direction primaire (X4), des orifices secondaires (6) disposés sur un contour secondaire (C6) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice secondaire (6) étant destiné à éjecter un jet d'air secondaire (J6) suivant une direction secondaire (X6), caractérisé en ce que les orientations respectives de chaque direction primaire (X4) et de chaque direction secondaire (X6) ainsi que les positions respectives de chaque orifice primaire (4) et de chaque orifice secondaire (6) induisent la formation de jets combinés (J46) résultant chacun de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire (J4) et d'au moins un jet d'air secondaire (J6) associés, la région d'intersection (R46) se situant en amont de l'arête (12)." Le brevet indique que, grâce à ce dispositif dévoilé par cette revendication, toutes les gouttelettes micronisées par l'arête 12 sont ainsi soumises à des forces aérauliques uniformes et constantes, ce qui a pour effet de conférer une robustesse élevée aux impacts de produit de revêtement sur l'objet à revêtir et d'améliorer sensiblement le rendement du dépôt, ou efficacité de transfert, du produit de revêtement sur l'objet à revêtir, les forces aérauliques uniformes et constantes permettant de réduire la quantité de produit de revêtement non déposé sur l'objet à revêtir, ce qui augmente le rendement de dépôt d'environ 10%. Les autres revendications opposées par la société SAMES KREMLIN aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS sont les suivantes : 4. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que chaque orifice primaire (4) et l'orifice secondaire (6) associé sont séparés par une distance (c46) comprise entre 0 mm et 10 mm, de préférence égale à 1 mm." 6. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'ensemble des directions primaires (X4) et l'ensemble des directions secondaires (X6) présentent respectivement une symétrie par rapport à l'axe de rotation (X1)." 7. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la distance (L1) entre le contour primaire (C4) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm et en ce que la distance (L1) entre le contour secondaire (C6) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm." 8. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) présentent chacun une forme circulaire." 9."Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont disposés dans un plan commun (P46), le plan commun (P46) étant perpendiculaire à l'axe de rotation (X1)." 11. "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 8 ou 9, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont confondus en un cercle (C) centré sur l'axe de rotation (X1), le rapport entre le diamètre (D12) de l'arête (12) et le diamètre (D) du cercle (C) étant compris entre 0,65 et 1 et de préférence égal à 0,95." 12."Projecteur rotatif (P) selon la revendication 11, caractérisé en ce que le corps (2) comprend entre 20 et 60 orifices primaires (4) et entre 20 et 60 orifices secondaires (6), en ce que les orifices primaires (4) et les orifices secondaires (6) sont circulaires, en ce que les orifices primaires (4) sont agencés sur le cercle (C) en alternance avec les orifices secondaires (6) et en ce que le diamètre (d4) des orifices primaires (4) et le diamètre (d6) des orifices secondaires (6) sont compris entre 0,4 mm et 1,2 mm et de préférence égaux à 0,8 mm". 13. "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 9, caractérisé en ce qu'une direction primaire (X4) et une direction secondaire (X6) associée se rejoignent en un point de rencontre (46), la distance selon l'axe de rotation (X1) entre le plan commun (P46) et le point de rencontre (46) étant comprise entre 0,5 fois et 30 fois, de préférence entre 1 fois et 2 fois, la plus grande dimension (d4, d6) des orifices primaires (4) ou secondaires (6) prise dans le plan commun (P46)." 16. "Procédé de projection de produit de revêtement, caractérisé en ce qu'il met en oeuvre un projecteur rotatif (P) selon I'une des revendications 1 à 15, avec un débit d'air total compris entre 100 NL/min et 1000 NL/min, de préférence entre 300 NL/min et 800 NL/min et comprenant de 25% à 75%, de préférence 33%, de débit des jets d'air primaire (J4) et de 75% à 25%, de préférence 67%, de débit des jets d'air secondaire (J6)." Les figures reproduites dans le brevet sont les suivantes : La validité du brevet FR 08 56607 : Sur le moyen tiré de l'absence de nouveauté : Les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS soutiennent que les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607 sont dépourvues de nouveauté, de sorte qu'elles seraient nulles. Elles font valoir, à cet égard : - qu'entre 2006 et le début de l'année 2007, elles ont développé une mise à jour d'un pulvérisateur intitulé EcoBell 2 pour en améliorer les performances en modifiant deux pièces, le bol de pulvérisation et l'anneau d'air de guidage pourvu de deux types de jets d'air émis dans des directions différentes et se combinant en amont de l'arête du bol afin de créer un "vortex" produisant de meilleures performances, - que ce nouveau dispositif, dénommé EcoBell 2 HD au milieu de l'année 2007, comprenait l'ensemble des caractéristiques des revendications du brevet FR 607, - qu'en décembre 2006, une demande de brevet DE 596 a été déposée couvrant les caractéristiques de l'EcoBell 2 HD, - qu'en janvier et février 2007, le développement de l'EcoBell 2 HD est arrivé à son terme, - que les dessins techniques finalisés du bol de pulvérisation et de l'anneau d'air de guidage ont été élaborés en mars 2017, - que, du 24 au 28 septembre 2007, l'Ecobell 2 HD a été exposé à plus de 750 participants lors de l'événement "Open House 2007", que le pulvérisateur lui-même était exposé, accompagné d'une présentation détaillant ses caractéristiques, d'un démonstrateur à base d'eau illustrant la trajectoire des jets, et d'explications orales fournies par un employé de la société DÜRR SYSTEMS AG, - que, du 17 septembre au 12 octobre 2007, l'EcoBell 2 HD a été installé dans l'usine DAIMLERCHRYSLER en Allemagne, la documentation retraçant la négociation, la préparation et le bilan de cette installation étant produite aux débats, - que, du 26 au 30 novembre 2007 , le dispositif a fait l'objet d'essais sur les lignes de production de l'usine de PSA PEUGEOT-CITROEN en France, ces essais ayant donné lieu à un compte-rendu détaillé établi par PSA, et sont retracés par les échanges préparatifs ainsi que des attestations d'un employé de DÜRR et d'un employé de PSA, - que, du 14 au 31 janvier 2008, l'EcoBell 2 HD a fait l'objet d'essais dans les locaux de DÜRR sur des voitures RENAULT MODUS en présence d'un employé de RENAULT, qu'un compte rendu de ces essais a été dressé par RENAULT et que DÜRR a elle-même réalisé un rapport détaillé du processus, les essais étant également attestés par un employé de DÜRR, - que le même pulvérisateur a été commercialisé de 2007 à aujourd'hui, sans changement, et que n'a été ajouté qu'une différence d'ordre purement cosmétique liée en l'ajout d'encoches sur les modèles les plus récents, - qu'au regard du pulvérisateur EcoBell 2 HD divulgué publiquement et commercialisé en 2007, avant le dépôt de la demande de brevet FR 607, les revendications de ce brevet, qui reprennent les mêmes caractéristiques que ce pulvérisateur, sont dépourvues de nouveauté, - que le brevet invoqué est également nul au regard des documents de l'art antérieur constitués par des demandes de brevets de la société DÜRR SYSTEMS AG, DE 590 et WO 950, - que si, concernant la délivrance du brevet EP 689, la division d'opposition de l'OEB n'a pas tenu compte des preuves fournies par la société DÜRR SYSTEMS AG de nature à établir un usage public antérieur destructeur de la nouveauté de ce brevet portant sur la même invention que le brevet FR 607 désigné comme priorité, elle a néanmoins révoqué la revendication 1 du brevet EP 689, identique à la revendication 1 du brevet FR 607, au regard de la demande WO 950 qui l'antériorisait, - que le document DE 590 divulgue implicitement les aspects du pulvérisateur qui ont été ultérieurement repris par la société SAMES KREMLIN dans le brevet FR 607 à titre de parties caractérisantes, - qu'en effet, le document DE 590 enseigne que les orientations proposées pour les orifices primaires et secondaires permettent aux flux d'air de fusionner et former un flux d'air pourvu d'une orientation spécifique, ce document prévoyant un jet primaire orienté de façon axiale et un jet secondaire incliné à 45o leur permettant de fusionner et de résulter en un jet combiné, l'anneau d'air de guidage divulgué prévoyant que la région d'intersection entre les jets est située à une distance égale à la distance entre le centre des deux orifices d'une même paire d'orifices, la distance séparant l'orifice primaire du point de rencontre des directions étant inférieure à la distance séparant les contours d'orifices de l'arête du bol, de sorte que la région d'intersection des jets est située en amont de l'arête du bol, - que le document WO 950 divulgue également l'ensemble des caractéristiques du brevet FR 607 opposé par la société SAMES KREMLIN, - qu'à cet égard, le document WO 950 enseigne notamment qu'il est souhaitable que les jets d'air émis par les orifices d'air de guidage individuels se chevauchent dans la direction circonférentielle ou au moins se jouxtent l'un l'autre sans aucun espace lorsqu'ils frappent l'arête de pulvérisation du bol, tandis que ce document indique sans ambiguïté que l'intersection des jets se produit en amont de l'arête du bol. La société SAMES KREMLIN réplique : - que les sociétés DÜRR SYTEMS AG et DÜRR SYTEMS ne justifient d'aucune divulgation antérieure, destructrice de la nouveauté du brevet FR 607, - que le dispositif qui aurait été présenté et vendu en 2007 n'est pas identique à celui ayant fait l'objet des opérations de saisie-contrefaçon du 7 décembre 2018, et ce, même s'ils se présentent sous la même dénomination EcoBell 2 HD, - qu'à cet égard, au regard des différences des références des anneaux d'air de guidage entre les produits présentés en 2007 et ceux saisis en 2018, il n'est pas justifié de caractéristiques techniques constantes pour les pulvérisateurs EcoBell 2 HD des défenderesses, l'anneau d'air de guidage présentant des encoches sur les pulvérisateurs commercialisés en 2018, qui étaient absentes auparavant, - que les défenderesses ne justifient pas que l'événement "Open House 2007" organisé par la société DÜRR SYSTEMS AG en Allemagne aurait donné lieu à la présentation d'un dispositif reproduisant l'ensemble des moyens couverts par la revendication 1 du brevet FR 607, en l'absence de preuve formelle de communication d'une documentation complète des produits, - qu'il n'est pas plus établi qu'un tel dispositif a été présenté et offert à la vente, dans le cadre des relations commerciales de la société DÜRR SYSTEMS AG avec la société DAIMLER CHRYSLER en 2007, - que les pièces communiquées par les défenderesses permettent tout au plus d'établir que la société DÜRR SYSTEMS AG a présenté lors de l'Open House de 2007 et/ou vendu à la société DAIMLER CHRYSLER un projecteur rotatif de produit de revêtement dénommé EcoBell 2 HD comportant un organe de pulvérisation avec un anneau d'air de guidage, comprenant des jets d'air primaire et secondaire pour former des jets combinés, sans que, pourtant, les autres caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 607 soient divulguées, en l'absence de preuve formelle que la région d'intersection des jets d'air primaire et des jets d'air secondaire se situerait en amont de l'arête du bol,étant précisé que les deux seules pièces qui abordent cette question (pièces HL 5.2 et annexe 4 de la pièce HL 5.4) enseignent de manière concordante que ces jets d'air se croisent à la limite extérieure du bol, - qu'outre l'absence de preuve certaine de l'usage antérieur par la société DÜRR SYSTEMS AG d'un dispositif reprenant l'ensemble des moyens couverts par les revendications opposées du brevet FR 607, le grief de défaut de nouveauté opposé n'est pas plus fondé au regard des documents de l'art antérieur invoqués en défense, - qu'à cet égard, la demande allemande DE 596 publiée le 19 juin 2008 et la demande internationale WO 950 déposée le 12 juin 2009 sous priorité du 12 juin 2008 et publiée le 17 septembre 2009 ne divulguent pas plus les caractéristiques du brevet FR 607, - que la société SAMES KREMLIN conteste devant la chambre des recours de l'OEB l'analyse de la division d'opposition qui a retenu que l'invention couverte par la revendication 1 du brevet EP 689 n'était pas nouvelle au regard du document WO 950, - que le document DE 596 n'enseigne pas que le jet d'air de guidage éjecté individuellement par une buse (20) et le jet d'air de guidage éjecté individuellement par une buse (21) se combineraient en un jet, les distances des jets n'étant pas comparées tandis que ce document ne divulgue aucune inclinaison préférentielle des buses (21) de 45o, de sorte que l'homme du métier ne peut retenir que l'intervalle d'inclinaison préféré est de 30 à 45o, - que le document WO 950 ne divulgue pas les moyens couverts par la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet FR 607, n'enseignant pas la combinaison des jets d'air de guidage, ce document ne prévoyant pas plus une mise en fonctionnement simultanée des buses (6) et (7) qui sont réglables indépendamment, tandis que l'objectif clairement et précisément poursuivi est que les flux d'air de guidage atteignent le bol de pulvérisation sur son arête et non en amont de celle-ci, - que ce document ne divulgue pas plus de manière certaine et sans ambiguïté les caractéristiques additionnelles spécifiquement couvertes par les revendications dépendantes 4, 6, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607. Selon l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen(...)". La nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui doit être prise telle quelle, sans avoir besoin d'être interprétée. L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. Il incombe donc aux sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS de justifier d'une antériorité destructrice de la nouveauté des revendications opposées du brevet FR 607 avant sa date de dépôt intervenue le 30 septembre 2008. Il est rappelé que la revendication 1 du brevet FR 607 est rédigée comme suit : "Projecteur rotatif (P) de produit de revêtement comportant : - un organe de pulvérisation (1) du produit de revêtement présentant au moins une arête (12) globalement circulaire et apte à former un jet de produit de revêtement, - des moyens d'entraînement en rotation de I'organe de pulvérisation (1) et - un corps (2) qui est fixe et qui comprend : des orifices primaires (4) disposés sur un contour primaire (C4) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice primaire (4) étant destiné à éjecter un jet d'air primaire (J4) suivant une direction primaire (X4), des orifices secondaires (6) disposés sur un contour secondaire (C6) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice secondaire (6) étant destiné à éjecter un jet d'air secondaire (J6) suivant une direction secondaire (X6), caractérisé en ce que les orientations respectives de chaque direction primaire (X4) et de chaque direction secondaire (X6) ainsi que les positions respectives de chaque orifice primaire (4) et de chaque orifice secondaire (6) induisent la formation de jets combinés (J46) résultant chacun de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire (J4) et d'au moins un jet d'air secondaire (J6) associés, la région d'intersection (R46) se situant en amont de l'arête (12)." Au titre de l'état de la technique antérieur qui serait destructeur de la nouveauté de cette revendication, les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS opposent notamment la demande internationale WO 2009/149950 A1 (WO 950), déposée le 12 juin 2009 par la société DÜRR SYSTEMS GmbH, devenue DÜRR SYSTEMS AG, à l'OMPI et publiée le 17 décembre 2009, cette demande visant une priorité du 12 juin 2008. Compte tenu de la date de priorité de cette demande, antérieure au dépôt intervenu le 30 septembre 2008 de la demande du brevet FR 607, le document WO 950 représente l'état de la technique opposable dans le cadre de l'examen de la nouveauté du brevet FR 607, conformément à l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle susvisé. Le document WO 950, intitulé "pulvérisateur universel", concerne un système de pulvérisation destiné à un pulvérisateur rotatif pour appliquer un agent de revêtement. Le but de l'invention couverte par ce document consiste à réduire les coûts d'ingénierie pour les travaux de peinture sur les carrosseries de véhicules automobiles. La description de ce document indique, page 7, que le système de pulvérisation selon l'invention, comporte un bol de de pulvérisation logé de manière rotative, destiné à pulvériser le produit de revêtement et à dispenser un jet de pulvérisation du produit de revêtement, le bol étant pourvu d'une arête annulaire circonférentielle de pulvérisation ayant un diamètre externe prédéterminé. Pour entraîner le bol de pulvérisation, le document prévoit, page 9, que le système de pulvérisation est pourvu d'une turbine pour entraîner le bol qui entraîne un arbre du bol sur lequel le bol est monté. Le document WO 950 divulgue également que le système de pulvérisation comporte un anneau d'air de guidage, qui est un corps fixe, destiné à dispenser un premier air de guidage et un second air de guidage pour former le jet de pulvérisation distribué par le bol de pulvérisation. Le document WO 950 enseigne que l'anneau d'air de guidage comporte deux couronnes de buses d'air de guidage, pouvant être dispensé sur le jet de pulvérisation, une première couronne d'air de guidage comportant une pluralité de buses d'air de guidage 6 à orientation axiale, dispensant un premier air de guidage en direction axiale sur l'arête de pulvérisation 5 du bol de pulvérisation 3, et une deuxième couronne de buses d'air de guidage 7 comportant une pluralité d'orifices vrillés dans la direction périphérique, dispensant un deuxième air de guidage sur l'arête de pulvérisation 5 du bol de pulvérisation 3. Il s'en déduit que le document WO 950 divulgue deux coutours autour de l'axe de rotation, chacun comportant un type d'orifice (buses) émettant un jet d'air dans une direction différente. Page 19, le document WO 950 indique que l'anneau d'air de guidage 4 comporte deux couronnes de buses d'air de guidage, via lesquelles les deux airs de guidage susceptibles d'être commandés séparément l'un de l'autre peuvent être dispensés sur le jet de pulvérisation, ce qui implique sans ambiguïté que les couronnes de buses sont par principe actionnées ensemble, mais peuvent cependant l'être séparément. S'il est indiqué, page 9, qu'il est souhaitable que, du fait de l'élargissement de leur jet, les jets d'air émis par les orifices d'air de guidage individuels se chevauchent dans la direction circonférentielle ou au moins se jouxtent l'un l'autre sans aucun espace lorsqu'ils frappent l'arête de pulvérisation du bol, le document WO 950 n'indique pas cependant, contrairement à ce que soutiennent les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, que, si les jets d'air induisent la formation de jets d'air combinés, ceux-ci résultent de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire et d'au moins un jet d'air secondaire associés, mais plutôt que les jets issus des orifices primaires 6 induisent la formation de jets combinés entre eux et que les jets issus des orifices secondaires 7 induisent également la formation de jets combinés entre eux . En revanche, il est incontestable que les jets combinés issus des jets primaires entre eux forment, dans un plan normal à l'axe de rotation du projecteur situé en amont de l'arête, un anneau continu, de même que les jets combinés issus des jets secondaires entre eux. A cet égard, les intersections respectives des jets primaires entre eux et des jets secondaires entre eux ont lieu nécessairement en amont de l'arête de pulvérisation, du fait de la répartition régulière des orifices primaires et secondaires sur le coutour du corps fixe. Or, du fait de la répartition régulière par paire des orifices d'air primaires et secondaires, ainsi qu'il résulte clairement de la figure 11 reproduite dans le document WO 950 : de sorte que chaque orifice secondaire se trouve entre chaque orifice primaire, et inversement, force est de constater que, compte tenu de la géométrie des orifices, il est impossible que des jets issus des orifices primaires passent entre deux jets issus des orifices secondaires sans les croiser (ou inversement) en amont de l'arête, de sorte que les jets primaires et secondaires sont amenés à se combiner mutuellement. Par conséquent, au regard du document WO 950 qui divulgue l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 607, il y a lieu de dire qu'elle est dépourvue de nouveauté, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen de l'antériorité invoquée tirée de la promotion et de la commerciliation antérieure du dispositif EcoBell 2 HD et du document DE 596 invoqués par les défenderesses, et ainsi de statuer sur la demande de rejet de l'attestation de M. [J] du 7 juin 2019 (pièce HL 5.4). Concernant la revendication dépendante 4 du brevet FR 607 qui est rédigée comme suit: "4. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que chaque orifice primaire (4) et l'orifice secondaire (6) associé sont séparés par une distance (c46) comprise entre 0 mm et 10 mm, de préférence égale à 1 mm", le diamètre d'un orifice primaire 6 est, selon le document WO 950, de 0,7 mm et celui d'un orifice secondaire 7 de 0,65 à 0,6 mm. Au regard de la figure 11, il est évident que les offices primaires et secondaires sont séparées par une distance comprise entre 0 et 10 mm, la distance séparant chaque orifice d'une paire étant nécessairement inférieure au diamètre de chacun des orifices. Par conséquent, la revendication 4 du brevet FR 607 est antériorisée par le document WO 950, et n'est donc pas nouvelle. Concernant la revendication 6 prévoyant que le projecteur rotatif (P) est caractérisé en " ce que l'ensemble des directions primaires (X4) et l'ensemble des directions secondaires (X6) présentent respectivement une symétrie par rapport à l'axe de rotation (X1)", il résulte de la figure 11 du document WO 950 que l'ensemble des directions primaires et secondaires sont respectivement symétriques par rapport à l'axe de rotation, chacune des directions étant répartie à intervalles réguliers sur des cercles respectifs dont le centre est l'axe de rotation. Le document WO 950 est donc destructeur de la nouveauté de la revendication 6 du brevet FR 607. La revendication 7 du brevet litigieux est rédigée come suit : "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la distance (L1) entre le contour primaire (C4) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm et en ce que la distance (L1) entre le contour secondaire (C6) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm", Le document WO 950 indique, page 14, que l'écart axial entre les buses d'air de guidage et l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation est de préférence de 6,3 mm, soit donc une distance entre le contour primaire et l'arête, prise suivant l'axe de rotation, et entre le contour secondaire et l'arête, prise suivant l'axe de rotation, comprise entre 5 et 30 mm, de sorte que la revendication 7 du brevet FR 607 est également dépourvue de nouveauté. La revendication 8 du brevet FR 607 : "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) présentent chacun une forme circulaire.", est clairement reproduite dans la figure 11 du document WO 950, de sorte que la revendication 8 n'est pas nouvelle. La revendication 9 du brevet FR 607 est rédigée comme suit : "9.Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont disposés dans un plan commun (P46), le plan commun (P46) étant perpendiculaire à l'axe de rotation (X1)." La figure 8 du document WO 950 fait apparaître que les contours primaire et secondaire sont situés sur un même plan correspondant à l'anneau d'air de guidage (4) perpendiculaire à l'axe de rotation : La revendication 9 du brevet FR 607 est donc dépourvue de nouveauté. La revendication 11 du brevet FR 607 est rédigée comme suit : "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 8 ou 9, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont confondus en un cercle (C) centré sur l'axe de rotation (X1), le rapport entre le diamètre (D12) de l'arête (12) et le diamètre (D) du cercle (C) étant compris entre 0,65 et 1 et de préférence égal à 0,95." Le document WO 950 précise, pages 7 et suivantes, que la première couronne de buses d'air de guidage a un diamètre qui est essentiellement égal au diamètre externe de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation et que la deuxième couronne de buses d'air de guidage a un certain diamètre qui est essentiellement égal au diamètre externe de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation. Les contours primaire et secondaire ont donc le même diamètre et sont disposés sur le même cercle (figure 11) centré sur l'axe de rotation, tandis que le diamètre de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation est très proche ( "essentiellement") du diamètre du cercles des buses, et qu'il peut donc être compris dans un rapport entre 0,65 et 1 comme le suggère le document WO 950. Par conséquent, le document WO 950 antériorise la revendication 11 du brevet FR 607. La revendication 12 est rédigée comme suit : "12."Projecteur rotatif (P) selon la revendication 11, caractérisé en ce que le corps (2) comprend entre 20 et 60 orifices primaires (4) et entre 20 et 60 orifices secondaires (6), en ce que les orifices primaires (4) et les orifices secondaires (6) sont circulaires, en ce que les orifices primaires (4) sont agencés sur le cercle (C) en alternance avec les orifices secondaires (6) et en ce que le diamètre (d4) des orifices primaires (4) et le diamètre (d6) des orifices secondaires (6) sont compris entre 0,4 mm et 1,2 mm et de préférence égaux à 0,8 mm". La figure du document 11 de l'antériorité WO 950 montre que les contours des orifices primaires et secondaires comprenent 30 orifices primaires et 30 orifices secondaires, lesquels sont circulaires, les orifices primaires se trouvant sur le cercle en alternance avec les orifices secondaires. Enfin, il est rappelé que le diamètre d'un orifice primaire est, selon le document WO 950, de 0,7 mm et celui d'un orifice secondaire de 0,65 mm, soit des valeurs comprises entre 0,4 mm et 1,2 mm. Il s'ensuit que la revendication 12 du brevet FR 607 est antériorisée par le document WO 950 et n'est pas nouvelle. Concernant la revendication 13, il est rappelé qu'elle porte sur un "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 9, caractérisé en ce qu'une direction primaire (X4) et une direction secondaire (X6) associée se rejoignent en un point de rencontre (46), la distance selon l'axe de rotation (X1) entre le plan commun (P46) et le point de rencontre (46) étant comprise entre 0,5 fois et 30 fois, de préférence entre 1 fois et 2 fois, la plus grande dimension (d4, d6) des orifices primaires (4) ou secondaires (6) prise dans le plan commun (P46)." Le document WO 950 indique, page 9, que l'angle de vrillage du jet secondaire peut être, par exemple, de l'ordre de 40o à 70o, tandis qu'il est rappelé que l'orifice primaire a un diamètre de 0,7 mm. Dans l'hypothèse d'un jet primaire axial avec un jet secondaire pouvant être incliné à 45o, la distance selon l'axe de rotation entre le plan commun et le point de rencontre des directions primaire et secondaire est donc nécessairement comprise entre 0,5 et 30 fois la plus grande dimension des orifices primaires ou secondaires prise dans le plan commun. Par conséquent, la revendication 13 du brevet Fr 607 n'est pas nouvelle. Enfin, la revendication 16 du brevet FR 607 divulgue un "Procédé de projection de produit de revêtement, caractérisé en ce qu'il met en oeuvre un projecteur rotatif (P) selon I'une des revendications 1 à 15, avec un débit d'air total compris entre 100 NL/min et 1000 NL/min, de préférence entre 300 NL/min et 800 NL/min et comprenant de 25% à 75%, de préférence 33%, de débit des jets d'air primaire (J4) et de 75% à 25%, de préférence 67%, de débit des jets d'air secondaire (J6)". La desciption du document WO 950 mentionne, page 16, qu'à partir des buses d'air de guidage vrillées est distribué de préférence un flux d'air de guidage qui se situe dans l'ordre de 0 Nl/min à 700 Nl/min et qu'en revanche, à partir des buses d'air de guidage à orientation axiale est dispensé de préférence un flux d'air de guidage qui se situe dans l'ordre de 100 Nl/min à 800 Nl/min. Ainsi que le relève les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, l'homme du métier, au regard des fourchettes proposées par le document WO 950, peut notamment retenir un air de guidage pour les orifices secondaires de 100 Nl/min et pour les orifices primaires de 500 NL/min, soit un débit d'air global de 600 Nl/min, compris donc entre 100 Nl/min et 1000 Nl/min, Par ailleurs, s'il est retenu un débit de 400 Nl/min pour chacun des jets d'air, on obtient un débit d'air total comprenant entre 25 à 75% de débit des jets d'air primaire et de 75 à 25% des débits d'air secondaire. La revendication 16 du brevet FR 607 est donc dépourvue de nouveauté. Aussi, il convient d'annuler les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 et de débouter la société SAMES KREMLIN de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de ces revendications. Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive formée par les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS : Les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS font notamment valoir qu'elles ont fourni de très nombreuses preuves d'usage de l'invention avant le dépôt du brevet litigieux, que la société SAMES KREMLIN a cependant adressé de nombreuses lettres d'avertissements à leurs clients en invoquant ses droits sur le brevet EP 689, qui revendique la priorité du brevet FR 607, ces lettres étant antérieures aux saisies-contrefaçon pratiquées et à l'introduction de l'instance, ce qui a suscité des réactions des destinataires des courriers sollicitant des explications. Les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS font valoir qu'elles ont subi un préjudice commercial d'image et un préjudice financier dû à la dégradation de ses relations avec ses clients. La société SAMES KREMLIN réplique que le dépôt du brevet FR 607 et l'introduction de l'action en contrefaçon sur la base de celui-ci ne procèdent d'aucune intention malicieuse et ne caractérise pas un abus du droit d'agir en justice, le brevet FR 607 bénéficiant d'une présomption de validité, la revendication principale du brevet EP 689 modifiée regroupant les revendications 1, 8 et 11 du brevet FR 607 invoquées dans la procédure tandis que la contrefaçon du brevet FR 607 est caractérisée. Elle ajoute qu'aucun argument ne peut être tiré par les défenderesses de l'envoi à diverses sociétés de mises en demeure fondées sur un titre différent et incriminant un autre dispositif. Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Il est rappelé qu'un brevet est présumé valable jusqu'à décision contraire. Par ailleurs, la diffusion et l'exploitation d'un dispositif antérieur Eco Bell 2 HD qui reprendrait les caractéristiques du brevet FR 607 sont vivement contestées par la société SAMES KREMLIN et il n'est aucunement établi que, lors de l'introduction de l'instance, elle avait acquis la conviction qu'une telle antériorité lui était opposable. En outre, il ne peut être considéré comme fautif le fait pour la demanderesse d'invoquer ses droits sur le brevet EP 689 par courriers à des sociétés tierces, et non le brevet français incriminé, le brevet EP 689, maintenu sous une forme modifiée, n'ayant pas à l'époque fait l'objet d'une décision de la chambre des recours de l'OEB. Il est également relevé que ne peut participer d'un abus du droit d'agir en justice le fait de solliciter des saisies-contrefaçon qui ont été judiciairement autorisées. Enfin, les échanges intervenus entre les parties sur certaines pièces participant du déroulement du procès et de l'organisation de leurs défenses ne relèvent pas de la procédure abusive. Par conséquent, la preuve formelle d'un abus du droit d'agir en justice de la société SAMES KREMLIN n'est pas rapportée et les demandes indemnitaires formées au titre de la procédure abusive par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS seront rejetées. Sur les demandes accessoires : Partie succombante, la société SAMES KREMLIN sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS 120.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du jugement sera ordonnée, à l'exception de la transcription de l'annulation des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 compte tenu de son caractère irréversible. PAR CES MOTIFS Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe, LE TRIBUNAL Déclare nulles, pour défaut de nouveauté, les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607, Dit que la présente décision, une fois définitive, sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Déboute la société SAMES KREMLIN de ses demandes formées au titre de la contrefaçon des revendications de ce brevet, Déboute les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS de leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive, Condamne la société SAMES KREMLIN aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Stanislas ROUX-VAILLARD dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, Condamme la société SAMES KREMLIN à payer aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS 120.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription de l'annulation des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 au registre national des brevets. Fait et jugé à [Localité 10] le 02 juin 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/14267 - No Portalis 352J-W-B7D-CRIN6 No MINUTE : Assignation du : 28 novembre 2019 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 08 avril 2021 DEMANDERESSE Madame [L] [O] [Adresse 3] [Adresse 3] (GRECE) représentée par Me Eric ALLIGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2458 DEFENDERESSES Société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES (anciennemnt dénommée PUBLICIS ACTIV FRANCE) - Intervenante volontaire [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Me Bruno RYTERBAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0798 Société HERMES INTERNATIONAL [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Me Pascal LEFORT de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P75 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 02 mars 2021, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 08 avril 2021. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : Mme [L] [O] se présente comme, diplômée en science, ainsi que dans différents domaines artistiques, et comme auteur de photographies, qu'elle a divulguées au public sous le nom de [L] [S], sur son site internet, et à l'occasion d'expositions organisées aussi bien dans son pays qu'à l'étranger. Dans le cadre de cette activité, elle indique être l'auteur, entre 2006 et 2008, d'une série de clichés rassemblés sous le titre "Ecology of dance", inspirés de l'art grec ancien et représentant des personnages dansant "au rythme de la nature" (pièce [O] no4). Parmi cette série, figurent quatre clichés intitulés "Firebird" représentant l'artiste dansant en équilibre sur un rocher surplombant la mer vêtue d'une robe multicolore à dominante rouge comportant des voiles en mouvement. (Extrait des pièces no1 et 2 de la demanderesse) Mme [L] [O] expose encore être l'auteur d'une oeuvre audiovisuelle partagée sur la plateforme Youtube en 2011. Mme [O] expose que la société HERMES a fait paraître entre 2010 et 2016 différentes campagnes promotionelles utilisant des clichés réalisés en Grèce, constituant selon elle des contrefaçons de son oeuvre, dans des conditions telles qu'en 2019, les photographies "Firebird" diffusées sur le site Pinterest étaient intitulées "HERMES Campaign, Greece", tandis qu'une recherche sur le moteur de la société Google avec les mots clés "HERMES Campaign, Greece" amenait comme résultats les photographies "Firebird". Après avoir vainement mis en demeure la société HERMES INTERNATIONAL de cesser ces agissements, Mme [L] [O] l'a, par acte d'huissier du 28 novembre 2019, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur. Par des conclusions d'incident du 21 juillet 2020, la société PUBLICIS ACTIV FRANCE a a déclaré intervenir volontairement à l'instance opposant Mme [O] à la société HERMES INTERNATIONAL. Après plusieurs renvois et alors qu'il avait été enjoint à ces sociétés de conclure au fond, par des conclusions d'incident signifiées électroniquement le 5 novembre 2020, la société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES (anciennement PUBLICIS ACTIV FRANCE), a soulevé une exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation du 28 novembre 2019. Dans ses conclusions d'incident no2 signifiées électroniquement le 22 février 2021, la société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES demande au juge de la mise en état de : Vu les articles 4, 9, 15, 56, 74, 114 et 771, 789 du code de procédure civile, Vu l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle, - DECLARER recevable et bien fondée l'exception de nullité soulevée par la société PUBLICIS ETNOUS ; En conséquence, - DECLARER nulle l'assignation du 28 novembre 2019 délivrée à HERMES à la requête de Mme [O] ; Subsidiairement, - RENVOYER l'affaire devant le tribunal de céans, au fond, afin qu'il soit statué, préalablement à tout examen ultérieur des griefs de la demanderesse et sans préjudice de toutes exceptions de procédure et défenses au fond, sur la prescription de l'action en tant qu'elle vise des faits antérieurs au 28 novembre 2014 ; - CONDAMNER Mme [O] à verser à PUBLICIS ET NOUS la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Mme [O] aux entiers dépens du présent incident. Par des conclusions d'incident signifiées le 16 novembre 2020, la société HERMES INTERNATIONAL demande de la même manière au juge de la mise en état de : Vu les articles 4, 9, 15, 56, 74, 114, 771 et 789 du code de procédure civile, Vu l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle, - DECLARER recevable et bien fondée l'exception de nullité soulevée par la société PUBLICIS ET NOUS ; En conséquence, et à titre principal : - DECLARER nulle l'assignation du 28 novembre 2019 délivrée à HERMES INTERNATIONAL à la requête de Mme [O] ; Et subsidiairement : - RENVOYER l'affaire devant la juridiction de fond, afin qu'il soit statué, préalablement à tout examen au fond, sur la prescription de l'action en tant qu'elle vise des faits antérieurs au 28 novembre 2014 ; - CONDAMNER Mme [O] à verser à HERMES INTERNATIONAL la somme de 3.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Mme [O] aux entiers dépens du présent incident. Dans ses conclusions d'incident signifiées le 11 janvier 2021, Mme [O] demande quant à elle au juge de la mise en état de : - La RECEVOIR en son action et déclarer son assignation du 28 novembre 2019 valide et recevable ; - DÉBOUTER les sociétés HERMES et PUBLICIS ET NOUS en toutes leurs demandes incidentes ; - RENVOYER l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris afin qu'il soit statué au fond ; - CONDAMNER la société HERMES à verser à Mme [L] [O] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société PUBLICIS ET NOUS à verser à Mme [L] [O] la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société HERMES aux entiers dépens du présent incident ; - CONDAMNER la société PUBLICISETNOUS aux entiers dépens du présent incident. L'incident a été plaidé à l'audience du 2 mars 2021. MOTIFS DE LA DÉCISION La société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES fonde sa demande de nullité de l'assignation sur les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile qui imposent au demandeur de décrire de manière suffisamment précise les faits sur lesquels il fonde son action. Elle ajoute qu'au visa de ce texte, sont systématiquement déclarées nulles les assignations qui ne permettent pas au défendeur de déterminer le nombre et la nature des oeuvres sur lesquelles des droits sont revendiqués. La société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES soutient à cet égard que l'assignation ne lui permet pas de savoir de quels clichés Mme [O] est l'auteur et dont elle revendique la protection par le droit d'auteur et qui seraient reproduits par les campagnes publicitaires qu'elle a conçu pour le compte de la société HERMES INTERNATIONAL. Cette société ajoute que, la demanderesse lui faisant tout à la fois le grief de contrefaçon et de plagiat, elle ignore ce qui lui est précisément reproché (atteinte au droit moral, patrimonial d'auteur, parasitisme). La société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES sollicite enfin le renvoi de l'affaire devant le tribunal avant tout examen au fond, afin qu'il soit statué sur la prescription, seule la campgane "Galop d'Hermès" n'étant, parmi les faits incriminés, pas couverte par la prescription. La société HERMES INTERNATIONAL a déclaré faire siens tous les moyens soulevés par la société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES. Mme [O] conclut quant à elle à la validité de l'assignation. Elle soutient que les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile ont été parfaitement respectées en l'occurrence et qu'au demeurant les défenderesses savent très bien ce qui leur est reproché, ce qu'elles ont, selon elle, amplement démontré à l'audience. a - Sur la nullité de l'assignation Selon l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no2019-1333 du 11 décembre 2019, "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1o Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ; Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;" Il résulte en outre de l'article 73 du même code que "Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours." L'article 56 prévoit quant à lui que "L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 : (...) 2o Un exposé des moyens en fait et en droit ; (...)" Selon les articles 114 et 115 du code de procédure civile, "Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief." Il est constamment jugé au visé de ces textes qu'il incombe aux demandeurs qui agissent en contrefaçon de droits d'auteur d'indiquer clairement et précisément dans leur assignation : - les éléments sur lesquels des droits d'auteur sont revendiqués, - les éléments qu'ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits. Il a ainsi été jugé qu'"Ayant relevé que l'assignation en contrefaçon de modèles de bijoux et en concurrence déloyale du chef de la vente des produits contrefaisants, renvoyait simplement aux photographies annexées des modèles opposés et souverainement estimé que la seule lecture de la liste des pièces jointes ne permettait pas de déterminer la nature et le nombre des articles incriminés, une cour d'appel a pu retenir, d'une part, que les caractéristiques de chacun des modèles revendiqués au titre du droit d'auteur n'étaient pas définies et, d'autre part, que les modèles argués de contrefaçon n'étaient ni décrits ni même identifiés. Elle en a exactement déduit que le demandeur avait failli dans l'exposé des moyens relatifs à la protection dont il sollicitait le bénéfice et aux agissements qu'il incriminait pour rechercher la responsabilité du défendeur au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale." (Cass. Civ.1ère, 5 avril 2012, pourvoi no 11-10.463, Bull. 2012, I, no 83) Force est en l'occurrence de constater que la demanderesse identifie les clichés et l'oeuvre audiovisuelle sur lesquels elle revendique des droits, lesquels sont reproduits dans ses pièces 1 et 2 annexées à ses conclusions au fond no1, où ils sont en outre comparés avec les clichés argués de contrefaçon, également reproduits. Il en résulte qu'il est satisfait aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile, le moyen faisant en réalité grief à la demanderesse d'invoquer un grand nombre d'oeuvres et de tenter de s'approprier un genre, ce qui relève d'une défense au fond. Le moyen tiré de la nullité de l'assignation sera donc écarté. b - Sur la prescription Il est admis que seule une partie des faits incriminés seraient prescrits. Il en résulte qu'il n'apparaît pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de retarder davantage l'examen de l'entier litige au fond étant observé que les défenderesses ont attendu un an avant de formuler le présent incident. Les dépens de l'incident et les demandes au titre de l'article 700 seront réservés. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mise en état, Rejette l'exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation délivrée le 28 novembre 2019 à la société HERMES INTERNATIONAL à la requête de Mme [L] [O] ; Réserve les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état dématérialisée du 25 mai 2021 à 10 heures avec injonction de conclure au fond pour les sociétés HERMES INTERNATIONAL et SERVICES MARKETING DIVERSIFIES, les conclusions devant impérativement être signifiées 8 jours avant l'audience. Faite et rendue à Paris le 08 avril 2021. La GreffièreLa Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/04001 - No Portalis 352J-W-B7E-CSA6V No MINUTE : Assignation du : 18 Mai 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 07 Mai 2021 DEMANDERESSES S.A.S. BB DESIGN [Adresse 1] [Adresse 1] Société NINGBO TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD 6th floor Unit C16 [Adresse 3] [Adresse 3] (REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE) représentée par Maître Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1605 DEFENDERESSE S.A.S.U. DOREL FRANCE [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Catherine OSTENGO, Vice-présidente, Juge de la mise en état, Assistée de Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 01 Avril 2021, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2021. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société SAS BB DESIGN a pour activité l'étude, la conception et la commercialisation de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules. Elle commercialise depuis 2013, un siège auto rotatif pour enfant dénommé ROTAX fabriqué par la société chinoise APRAMO CHILD MANUFACTURING Co., Ltd. La société TRANSTEK est une société de droit chinois qui exerce une activité de conception, fabrication et commercialisation de sièges pour véhicules et notamment de sièges automobiles pour enfants. La société SAS DOREL FRANCE, a pour activité principale la conception, la fabrication et la commercialisation d'articles de puériculture, tels que des poussettes, des chaises hautes, des landaus, des berceaux, des sièges autos, etc. qu'elle commercialise en France sous les marques Bébé Confort, Baby Relax, Babidéal, Safety 1st. Elle est titulaire du brevet européen EP 1 625 967 (ci-après EP 967), déposé le 14 août 2004 et publié le 17 octobre 2007, ayant pour intitulé « Sie ge auto pour enfant, pivotant entre une position face a la route et une position face a la portie re, a retour automatique en position face a la route ». Elle était également titulaire du brevet européen EP 1 625 968 annulé pour défaut de nouveauté par la cour d'appel de Paris par arrêt du 15 novembre 2019. Considérant que le même sort devait être réservé au brevet EP 1 625 967 la société BB DESIGN et la société TRANSTEK ont, par acte signifié le 18 mai 2020, assigné la société DOREL FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de sa partie française. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 26 mars 2021, la société DOREL FRANCE demande au juge de la mise en état de : Vu l'article 31 du Code de proce dure civile, Vu l'article 789 du Code de proce dure civile, Vu l'article 122 du Code de proce dure civile, CONSTATER que le brevet EP 1 625 967 n'a jamais e te oppose aux socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ; CONSTATER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ne rapportent aucune preuve d'actes pre paratoires ou projet se rieux pour mettre en oeuvre une technique similaire au brevet EP 1 625 967 ; En tout e tat de cause, CONSTATER que la socie te DOREL n'a pas paye la dernie re annuite relative a la partie franc aise de son brevet EP 1 625 967 depuis le 27 aou t 2020 de sorte que celui-ci n'est plus en vigueur ; Par conse quent : JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK n'ont pas d'inte re t a agir en nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967; [V] irrecevable ou, a tout le moins, mal fonde es les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK de leur demande de nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967 ; DIRE n'y avoir lieu a appliquer les dispositions de l'article 700 du code de proce dure civile ; RE SERVER les de pens. Par conclusions en réponse à incident notifiées par voie électronique le 23 mars 2021, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK demandent au juge de la mise en état de : Vu les articles 31 et 700 du Code de proce dure civile, Vu la jurisprudence, Vu les pie ces, DIRE ET JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ont un inte rêt a agir en nullite du brevet EP 1 625 967 ; En conse quence, REJETER la demande de la socie te DOREL tendant a de clarer irrecevable la demande en nullite du brevet EP 1 625 967 forme e par les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ; CONDAMNER la socie te DOREL aux entiers de pens et a verser a chacune des socie te s BB DESIGN et TRANSTEK la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de proce dure civile ; REJETER toute autre demande de la socie te DOREL ; L'incident a été plaidé le 1er avril 2021 et mis en délibéré au 7 mai 2021. MOTIFS DE LA DECISION La société DOREL soutient qu'en application de l'article 31 du code de procédure civile réservant la demande de nullité d'un brevet à toute personne titulaire d'un intérêt direct et personnel, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK doivent être déclarées irrecevables dès lors qu'elles ne démontrent pas l'existence d'actes préparatoires ou de projet sérieux mettant en oeuvre une technique reprenant les revendications du brevet EP 967 qui ne leur est d'ailleurs pas opposé. Elle ajoute que le produit ROTAX n'est plus exploité en France depuis 2013 par suite des mesures d'interdiction prononcées en référé le 21 novembre 2013, de sorte que la prescription est acquise, et qu'en tout état de cause les annuités relatives à la partie française du brevet EP 967 n'ont pas été réglées depuis le 27 août 2020 de sorte qu'elle s'en trouve aujourd'hui déchue. Les sociétés défenderesses répliquent avoir un intérêt à agir car la technique décrite dans le brevet EP 967 est reprise par le siège ROTAX qui pivote entre une position de voyage face à la route et une position d'installation face à la portière. Elles ajoutent que même si ce siège n'est plus commercialisé en France, le brevet litigieux demeure en vigueur et pourrait donc être invoqué par la société DOREL pour empêcher la commercialisation future de sièges par la société BB DESIGN. La société TRANSTEK, fait valoir que spécialisée dans les sièges automobiles elle s'est vue confier par la société BB DESIGN, le projet de fabriquer le nouveau siège ROTAX ce qui démontre sa intérêt à agir. Enfin, les défenderesses font valoir que leurs demandes constituent des actes positifs, encouragés pour la libre concurrence sur le marché, dans le but de faire cesser une appropriation exclusive et illégitime que représente le brevet EP 967. En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable. Et, conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité d'un brevet français ou de la partie française d'un brevet européen est apprécié selon les conditions de droit commun et doit ainsi être personnel, légitime, né et actuel au jour de l'assignation, les éléments postérieurs à celle-ci pouvant toutefois éclairer le tribunal sur la situation à sa date voire asseoir une régularisation au sens de l'article 126 du code de procédure civile à défaut de texte l'excluant. Lorsque l'action en nullité oppose deux parties en situation de concurrence, l'avantage procuré par une telle action au sens de l'article 31 du code de procédure civile s'entend traditionnellement, tant pour la doctrine que pour les juridictions françaises, comme devant se traduire par une amélioration de la situation juridique du demandeur, et il est en général attendu de ce dernier qu'il démontre l'existence d'un intérêt suffisant visant à libérer une exploitation prochaine de la technique brevetée ou d'une technique ressemblante. En l'espèce, les parties sont pareillement des fabricants et/ou des distributeurs de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules. La société BB DESIGN et la société TRANSTEK soutiennent que le siège ROTAX et pour lequel elles auraient un projet commun de relancement de la production et de la distribution sur le territoire national, reproduit les caractéristiques de l'invention décrite dans le brevet EP 967. La description abrégée de cette invention telle que publiée par l'INPI est la suivante : « (...)un siège auto pour enfant, comprenant une assise montée pivotante sur une embase fixe de façon que le siège puisse être orienté selon au moins deux positions, l'une face à la route et l'autre face à une portière latérale, et des moyens de rappel (3, 4) débrayables qui, lorsqu'ils sont embrayés, agissent sur une platine solidaire dudit siège de façon à ramener celle ci dans ladite position face à la route ». Les défenderesses à l'incident soutiennent que le siège ROTAX reprend ces caractéristiques puisque selon leurs dires, il pivote d'un quart de tour, entre une position de voyage, face à la route, et une position d'installation, face à la portière et qu'il met également en oeuvre un système de retour automatique du siège et de verrouillage de position. Toutefois, comme le relève justement la société DOREL, la caractéristique selon laquelle le siège comporte « une position de voyage, face à la route, et au moins une position d'installation, face à une portière latérale, comprenant des moyens de rappel tendant à ramener ladite assise dans ladite position de voyage (...) » est décrite dans le préambule de la revendication 1 et fait donc partie de l'état de la technique antérieur. L'invention selon le brevet EP 967 est en effet constituée par des moyens de rappel qui sont : -« inactifs, ou debrayés, sur une première portion angulaire, débutant en position d'installation et s'arrêtant en une position intermédiaire prédéfinie, le déplacement sur cette première portion angulaire étant assuré manuellement par l'utilisateur ; - actifs, ou embrayés, sur une seconde portion angulaire, terminale, débutant à ladite position intermédiaire prédéfinis, et s'arrêtant à ladite position de voyage, de façon que le siège soit systématiquement ramené dans la position de voyage, sans action manuelle de l'utilisateur, lorsqu'il se trouve dans ladite seconde portion angulaire ». Dans sa partie descriptive, le brevet indique que « l'assise reprend automatiquement la position précise face à la route, même si l'utilisateur ne l'a pas correctement repositionnée » et qu'il « suffit à l'utilisateur d'effectuer une partie du déplacement, ou d'initier celui-ci, pour que les moyens de rappel prennent le relais, et finalisent la mise en place correcte en position de transport ». La société BB DESIGN qui soutient que son siège ROTAX comprend pareillement un système de retour automatique du siège se contente pour en rapporter la preuve de se référer à une illustration extraite d'un rapport d'expertise privée réalisée à son initiative le 14 mai 2018 (pièce BB DESIGN no 5.1) et qui présente le siège accompagné d'une flèche illustrant sa rotation (phase 3). Ce seul élément ne peut suffire à établir que ladite rotation s'exerce automatiquement étant relevé que la phase 4 est illustrée par un moyen de verrouillage qui pour sa part précise expressément que celui-ci est effectué automatiquement. La société DOREL pour sa part, produit un extrait du site internet « mummysmarket.com » présentant le siège ROTAX dont la description ne mentionne nullement qu'il comprend des moyens de remise en place automatique du siège face à la route (pièce DOREL no10). Outre le fait donc, qu'il n'est pas justifié du projet commun allégué par les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK de distribution du siège ROTAX sur le territoire français, il n'est pas avéré, au vu des pièces produites que ce siège tel qu'il est actuellement commercialisé à l'étranger, reprendrait la technique brevetée ou une technique ressemblante qui permettrait de juger que le brevet EP 967 constituera une entrave pour leur activité. Par ailleurs, elles ne peuvent pertinemment soutenir qu'en tout état de cause leur action en nullité tend à mettre un terme au monopole indu que se réserve la société DOREL sur le marché des sièges automobiles rotatifs pour bébés alors que le brevet EP 967, outre qu'il ne pouvait octroyer à son titulaire qu'un monopole sur le moyen de rappel automatique qu'il décrit, est expiré depuis le 28 février 2021, la société DOREL ne s'étant pas acquittée de la redevance du 27 août 2020 et n'ayant pas régularisé sa situation auprès de l'INPI dans les 6 mois. Cela n'est d'ailleurs pas contesté par les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK qui se contentent de rappeler qu'une telle déchéance ne vaut que pour l'avenir et que ce titre pourrait toujours être invoqué pour sanctionner les actes d'exploitation antérieurs ce qui au cas d'espèce doit être écarté dans la mesure où le siège ROTAX ne reproduit pas les caractéristiques des revendications du brevet EP 967. Il s'ensuit que les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK doivent être déclarées irrecevables. Partie perdante, elle supporteront par ailleurs la charge des dépens. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible d'appel, mise à disposition par le greffe le jour du délibéré, DECLARE sociétés BB DESIGN et TRANSDEK TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD irrecevables en leurs demandes, DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE sociétés BB DESIGN et TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD aux dépens. Faite et rendue à Paris le 07 Mai 2021 Le GreffierLe Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 17/14628 No Portalis 352J-W-B7B-CLSDE No MINUTE : Assignation du : 19 octobre 2017 rendu le 19 mai 2022 DEMANDERESSES S.A.S. BELLE ETOILE [Adresse 4] [Localité 3] représentée par Me Olivier ITEANU de la SELAS ITEANU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1380 S.A.S. SUN CITY - Intervenante volonataire [Adresse 2] [Localité 5] représentée par Me Virginie GUIOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E432 DÉFENDERESSE S.A. ETABLISSEMENT MICHEL [Adresse 1] [Adresse 10] [Localité 6] représentée par Me Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice- président Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Alix FLEURIET, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 24 janvier 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Nathalie SABOTIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort La société BELLE ETOILE, immatriculée le 26 décembre 2016, a pour activités déclarées l'acquisition, le développement, l'exploitation de marques, brevets et tout élément de propriété intellectuelle, les prestations de services, l'achat et la vente de produits. La société SUN CITY, immatriculée le 1er février 2010, est notamment spécialisée dans l'achat, la vente, la fabrication de tous articles de chaussures, gadgets, linge de maison, maroquinerie, textile, réparation de chaussures, soldés en tous genres, import, export, achat/vente en gros, semi-gros, détail, import/export de tous produits pour hommes, femmes, enfants, la maison, le bureau, les produits alimentaires et les prestations de services. La société ETABLISSEMENT MICHEL, immatriculée le 21 juin 2012, a pour activités l'achat, la vente en gros, demi-gros et détail de confection, bonneterie, lingerie, prêt à porter hommes, femmes, enfants, chaussures, habillement et tous accessoires de mode, soldes en tous genres, foires et marchés, déballage. La société NEWMAN , immatriculée le 23 juin 2010, était spécialisée dans le commerce d'articles, d'habillement hommes, femmes et enfants. Elle était titulaire de la marque semi-figurative de l'Union européenne : no001230135 déposée le 5 juillet 1999 et enregistrée pour désigner des produits des classes 3, 18 et 25, dont, dans cette dernière classe, les vêtements, chaussures et la chapellerie. Elle était également titulaire de la marque semi-figurative française "NEWMAN", reproduisant le même graphisme, no95599540, déposée le 30 novembre 1995 et enregistrée pour désigner des produits des classes 3,5,9,14,16,18,20,21,23,24,25 et 28 dont les vêtements (habillement) en classe 25. La société NEWMAN a conclu, le 3 mars 2015, un contrat de licence avec la SAS ETABLISSEMENT MICHEL lui conférant le droit exclusif en Europe de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants : haut et bas de jogging homme, pyjamas et gants. Par avenant du 17 mars 2015, les parties ont convenu d'ajouter le produit "parapluie" aux produits précédemment concédés sous licence. Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 30 juin 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée. La SAS ETABLISSEMENT MICHEL s'était engagée, aux termes du contrat, à verser une redevance calculée, sauf dérogation écrite, sur la base du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 mars 2016, du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, avec un minimum garanti HT de 40.000 euros pour l'année 1, 50.000 euros l'année 2, et 60.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB. La société NEWMAN et la SAS ETABLISSEMENT MICHEL ont également conclu un autre contrat de licence le 3 mars 2015 conférant le droit exclusif en Europe pour la SAS ETABLISSEMENT MICHEL de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants : chaussettes homme, sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee shirt chaud de nuit). Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 30 juin 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée. Le contrat prévoyait une redevance au profit de la société NEWMAN calculée sur la base, sauf dérogation écrite, du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 juin 2016, du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 et du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, avec un minimum garanti HT de 40.000 euros pour l'année 1, 50.000 euros l'année 2, et 60.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB. Enfin, un troisième contrat de licence a été conclu le 22 avril 2015 entre la société NEWMAN et la SAS ETABLISSEMENT MICHEL lui conférant le droit exclusif en Europe de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants: maroquinerie homme, petite maroquinerie homme, sac ordinateur, sacoche bandoulière. Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 31 décembre 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée. Le contrat prévoyait une redevance au profit de la société NEWMAN calculée sur la base, sauf dérogation écrite, du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 avril 2016, du 1er mai 2016 au 31 avril 2017 et du 1er mai 2017 au 31 avril 2018, avec un minimum garanti HT de 20.000 euros pour l'année 1, 25.000 euros l'année 2, et 30.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB. Par jugement du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Besançon a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société NEWMAN, nommant comme mandataire judiciaire, Me [H] [O]. Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal de commerce de Besançon a arrêté le plan de cession de la société NEWMAN au profit des sociétés SUN CITY et ETOILES SCR, avec faculté de substitution. Le plan prévoyait la reprise du seul contrat de licence conclu avec la société LOOK VISION portant sur la distribution de lunettes. Suivant jugement du 25 janvier 2017, le tribunal de commerce de Besançon a prononcé la liquidation judiciaire de la société NEWMAN. Par contrat du 30 janvier 2017 conclu entre la société NEWMAN, représentée par son administrateur judiciaire, et les sociétés SUN CITY et BELLE ETOILE, la cession des actifs de la société NEWMAN ordonnée a été régularisée. La société BELLE ETOILE, se substituant à la société ETOILES SCR, a notamment acquis les marques "NEWMAN". Antérieurement, par lettres recommandées avec accusés de réception des 21 décembre 2016, Me [X] [W], es qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société NEWMAN, a indiqué à la société ETABLISSEMENT MICHEL que le président de la société et lui-même entendaient procéder à la résiliation des contrats de licence portant sur les joggings, pyjamas, gants, petite maroquinerie, chaussettes et sous-vêtements, compte tenu de leur non respect à défaut pour la société ETABLISSEMENT MICHEL d'avoir apporté les éléments d'informations sur la nature des produits commercialisés et sur le circuit de distribution, informant également la société ETABLISSEMENT MICHEL que le plan de cession des actifs de la société NEWMAN ne prévoyait pas la reprise desdits contrats. [X] [W] faisait ainsi interdiction à la SAS ETABLISSEMENT MICHEL de fabriquer et vendre des marchandises de marque NEWMAN à compter du 8 décembre 2016. Par courrier du 25 janvier 2017, le conseil de la SAS ETABLISSEMENT MICHEL avisait Me [W] de ce qu'elle contestait les motifs de cette résiliation. La société BELLE ETOILE a consenti, le 1er mars 2017, une licence de marques au profit de la société SUN CITY. Faisant valoir que lasociété ETABLISSEMENT MICHEL avait continué, postérieurement au 8 décembre 2016, à vendre des produis couverts par les marques NEWMAN, la société BELLE ETOILE a fait dresser un procès-verbal de constat Internet par huissier de justice le 9 mars 2017, établissant que des sacs, chaussettes, boxers, étaient toujours en vente sur le site internet "les2sous.com", édité par la société ETABLISSEMENT MICHEL. Selon un second procès-verbal de constat du 26 avril 2017, il était relevé que la société ETABLISSEMENT MICHEL continuait à afficher la marque NEW MAN en devanture de ses locaux. Par ordonnance du 13 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, a débouté la société BELLE ETOILE de ses demandes formées contre la société ETABLISSEMENT MICHEL en cessation des atteintes vraisemblables alléguées sur les marques NEWMAN. Autorisée par ordonnance du 17 octobre 2017, la société BELLE ETOILE a fait assigner à jour fixe la société ETABLISSEMENT MICHEL devant le tribunal judiciaire de Paris, selon exploit d'huissier du 19 octobre 2017. Le 30 janvier 2018, la société ETABLISSEMENT MICHEL a saisi le juge-commissaire à la procédure collective de la société NEWMAN d'une demande tendant à voir prononcer l'irrégularité de la procédure de résiliation des contrats conclus entre elle et la société NEWMAN les 3 mars et 22 avril 2015, dire qu'aucune résiliation des contrats de licence n'est intervenue et que ces contrats sont opposables à la société BELLE ETOILE. Par ordonnance rendue le 10 avril 2018, le juge-commissaire a "confirmé la pleine résiliation du contrat de licence à la date de notification de Me [W] par LRAR au 21/12/2016 au vu de l'article L. 641-11-1 du code Commerce", condamnant la société ETABLISSEMENT MICHEL à payer au liquidateur la somme de 30.000 euros dont le détail était repris dans la note de compte (voir annexe dossier M. [J]) assorti des intérêts de retard, la société ETABLISSEMENT MICHEL étant également condamnée aux dépens et à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par déclaration formalisée par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 avril 2018, la société ETABLISSEMENT MICHEL a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Besançon. Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le sursis à statuer sur les demandes des parties dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal de commerce de Besançon sur le recours formé par la SAS ETABLISSEMENT MICHEL à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 10 avril 2018. Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Besançon a notamment confirmé la résiliation des contrats de licence conclus entre les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et NEWMAN, mais dit que cette résiliation est intervenue de plein droit à la date du 25 janvier 2017 correspondant à celle du jugement prononçant la conversion en liquidation judiciaire de la société NEWMAN. Par bulletin du 10 juillet 2018, l'affaire était renvoyée à l'audience de mise en état du 22 janvier 2019 pour faire le point sur la procédure d'appel en raison de l'appel interjeté contre le jugement du 27 juin 2018. Par arrêt du 5 décembre 2018, la cour d'appel de Besançon a notamment infirmé le jugement rendu le 27 juin 2018 en ce qu'il a constaté la résiliation des contrats de licence conclus entre les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et NEWMAN et dit que cette résiliation était intervenue de plein droit au 25 janvier 2017 correspondant à celle du jugement prononçant la conversion en liquidation judiciaire de la société NEWMAN, disant que ni le juge-commissaire, ni le tribunal de commerce statuant sur l'opposition formée contre l'ordonnance, ni la cour d'appel statuant sur le recours formé contre le jugement, n'avaient le pouvoir juridictionnel pour connaître des demandes des parties, déclarant ainsi les parties irrecevables en toutes leurs prétentions. Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt. Par bulletin du 22 janvier 2019, l'examen de l'affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 16 avril 2019 pour faire le point sur la procédure pendante devant la Cour de cassation. Le 19 février 2019, la société BELLE ETOILE a saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à faire interdiction à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire usage du signe "NEWMAN", de lui enjoindre de communiquer des pièces financières, de la condamner au paiement d'une provision pour le procès et d'ordonner la consignation par la société ETABLISSEMENT MICHEL d'une somme correspondant à 20% du préjudice global évalué par la société BELLE ETOILE. Par ordonnance du 11 juillet 2019, le juge de la mise en état a, relevant que la question de la régularité de la résiliation des contrats de licence consentis à la société ETABLISSEMENT MICHEL était actuellement pendante devant la Cour de cassation, constaté cependant que les contrats de licence étaient arrivés à leur terme les 30 juin 2018 pour les contrats "sous-vêtements homme" et "pyjamas" et le 31 décembre 2018 pour le contrat "maroquinerie". Eu égard notamment à une retenue douanière effectuée en septembre 2019 portant sur des vêtements revêtus de la marque "NEWMAN" expédiés par la société ETABLISSEMENT MICHEL, le juge de la mise en état a considéré que la contrefaçon invoquée par la société BELLE ETOILE était vraisemblable. En revanche, le juge de la mise en état a considéré que la demande de consignation n'était pas justifiée, la société BELLE ETOILE ne justifiant pas que la situation de la société ETABLISSEMENT MICHEL était en péril et ne quantifiant pas le préjudice invoqué. Aux termes de cette ordonnance, le juge de la mise en état a donc notamment : - interdit à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire usage, à quelque titre que ce soit, du signe "NEW MAN", sous astreinte, - enjoint à la société ETABLISSEMENT MICHEL de communiquer à la société BELLE ETOILE les factures d'achat et de vente des produits sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee-shirt chaud de nuit) portant le signe "NEWMAN", les bons de commande en cours de ces produits, l'état des stocks de ces produits, les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs, desdits produits, les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que les prix pratiqués pour ces marchandises, pour la période du 30 juin 2018 au 11 juillet 2019, sous astreinte, -débouté la société BELLE ETOILE du surplus de ses demandes, - renvoyé l'examen de l'affaire pour faire le point sur la procédure en cours devant la Cour de cassation. Par arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation, relevant que la cour d'appel avait relevé d'office le moyen tiré de l'incompétence du juge-commissaire sans inviter les parties à présenter leurs observations, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Besançon et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Dijon. Compte tenu de la longueur de la procédure et afin de ne pas retarder excessivement le prononcé d'un jugement au fond, la clôture de l'affaire pendante devant le tribunal judiciaire de Paris a été prononcée le 16 mars 2021. Par arrêt du 20 mai 2021, la cour d'appel de Dijon a notamment dit que les contrats de licence de marque conclus entre la société ETABLISSEMENT MICHEL et la société NEWMAN les 3 mars et 23 avril 2015 étaient devenus caducs et privés d'effet depuis le 8 décembre 2016 du fait de l'entrée en vigueur du plan de cession à cette date. Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal a révoqué l'ordonnance de clôture, les sociétés BELLE ETOILE et ETABLISSEMENT MICHEL ayant conclu au fond à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon. Un pourvoi en cassation a été formé le 27 mai 2021 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Dijon. Le tribunal a invité la société ETABLISSEMENT MICHEL à communiquer l'avis de son avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur le mérite du pourvoi. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 octobre 2021, la société BELLE ETOILE demande au tribunal de : Vu les articles L. 713-1, L. 713-2, L. 716-1, L. 716-14 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 9 et suivants du règlement (UE) 2015/2424 du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2015, Vu l'article 1165 ancien du code civil, Vu les articles 74, 75, 377, 378 et 803 du Code de procédure civile, Vu les articles L. 642-5 et L. 642-8 du Code de commerce, - DIRE ET JUGER la Société BELLE ETOILE recevable en ses demandes, fins et conclusions, En conséquence, - FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage du signe NEW MAN pour désigner des vêtements et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement des marques revendiquées, sur tout site internet, sur ses factures, sur la devanture de son établissement à [Localité 7] (93) et sur quelque support que ce soit, à destination du public situé sur le territoire communautaire, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de concevoir, fabriquer, importer, distribuer, offrir à la vente, commercialiser, sur le territoire communautaire, des vêtements sous la marque NEW MAN et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement des marques revendiquées, par quelque moyen que ce soit et notamment dans son établissement à [Localité 7] (93) et par l'intermédiaire de tout site internet sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, ORDONNER la communication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL à la Société BELLE ETOILE : - de l'intégralité des factures d'achat et de vente de produits portant le signe NEW MAN, - des bons de commande en cours de produits portant le signe NEW MAN, - de l'état des stocks de produits portant le signe NEW MAN sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, - et des informations sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants et des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises en question, sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par document non remis à l'Huissier de justice à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL, compte tenu des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne et française « NEW MAN » respectivement enregistrées sous les numéros 1230135 et 95599540 qu'elle a commis, au paiement au profit de la Société BELLE ETOILE de la somme globale de 4.801.964 euros détaillée comme suit: - la somme de 3.101.964 euros au titre des conséquences économiques négatives (1.601.964 euros au titre du manque à gagner et 1.500.000 euros au titre de la perte subie), - la somme de 700.000 euros au titre du préjudice moral de la Société BELLE ETOILE, - et la somme de 1.000.000 euros au titre des bénéfices réalisés par la Société ETABLISSEMENT MICHEL, SUBSIDIAIREMENT, CONDAMNER la société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement au profit de la société BELLE ETOILE de la somme forfaitaire globale de 4.800.000 euros par application de l'alinéa 2 de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, ORDONNER la destruction devant Huissier de justice, aux frais avancés de la société ETABLISSEMENT MICHEL, de l'intégralité des stocks de produits portant le signe NEW MAN détenus et en cours de fabrication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par produit non détruit à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, ORDONNER la publication de tout ou partie, au choix de la Société BELLE ETOILE, de la décision à intervenir sur tout site internet édité par la Société ETABLISSEMENT MICHEL au jour du prononcé de la décision à intervenir pendant une durée de trois mois ainsi que dans trois publications au choix de la Société BELLE ETOILE et aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL, DEBOUTER la Société ETABLISSEMENT MICHEL de l'ensemble de ses demandes, y compris reconventionnelles, fins et conclusions, CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement de la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 septembre 2021, la société ETABLISSEMENT MICHEL demande au tribunal de : Vu les articles 377 et 378 du Code de Procédure Civile, Vu les articles L.622-13, L.631-14 et L.641-11-1 du Code de Commerce, Vu les articles L.713-2 et L.716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu l'article L. 714-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu l'article 1200 du Code Civil, Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil, A TITRE PRINCIPAL : ? CONSTATER que seul le juge-commissaire de la procédure collective de la société NEWMAN est compétent pour prononcer le cas échéant la résiliation des contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 entre la société NEW MAN et la société ETABLISSEMENT MICHEL ; ? CONSTATER que la société ETABLISSEMENT MICHEL a dûment été autorisée par trois contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 avec la société NEW MAN à exploiter les marques NEW MAN jusqu'au 30 juin 2018, s'agissant des produits couverts par les contrats du 3 mars 2015, et jusqu'au 31 décembre 2018, s'agissant des produits couverts par le contrat du 22 avril 2015 ; ? CONSTATER qu'aucune résiliation des contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 n'est intervenue ; ? CONSTATER que ces contrats sont restés valables jusqu'à leurs termes respectifs et parfaitement opposables à la société BELLE ETOILE et à la société SUN CITY ; ? CONSTATER que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a dès lors commis aucun acte de contrefaçon, car elle était dûment autorisée à exploiter les marques jusqu'au 30 juin 2018, pour les produits couverts par les contrats du 3 mars 2015, et jusqu'au 31 décembre 2018, pour les produits couverts par le contrat du 22 avril 2015 ; EN CONSEQUENCE : ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL. ? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL. A TITRE SUBSIDIARE : ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ou à tout le moins les ramener à de plus justes proportions ; ? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ou à tout le moins les ramener à de plus justes proportions ; ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de communication des documents comptables ; ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de l'ensemble de leurs demandes d'interdiction ; ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de destruction des stocks de produits portant le signe NEW MAN en présence d'un Huissier de justice ; ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de publication de la décision à intervenir ; ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. A TITRE RECONVENTIONNEL ? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a commis des actes de dénigrement à l'égard de la société ETABLISSEMENT MICHEL ; ? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 50 000 (cinquante mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ; ? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a mis en place une stratégie d'étouffement commercial fautive à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL et qu'elle a porté atteinte à l'exclusivité d'exploitation dont bénéficiait la société ETABLISSEMENT MICHEL sur la marque NEW MAN ; ? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 100 000 (cent mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ; ? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a engagé une procédure abusive à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL ; ? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 50 000 (cinquante mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ; ? ORDONNER la levée du blocage du site internet www.les2sous.com ou à tout le moins permettre à ETABLISSEMENT MICHEL de communiquer le jugement à intervenir à l'hébergeur du site internet www.les2sous.com, la société O2SWITCH SARL, aux fins de permettre le déblocage dudit site. EN TOUT ETAT DE CAUSE ? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL. ? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL. ? CONDAMNER solidairement la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY à verser à la société ETABLISSEMENT MICHEL la somme de 30.000 (trente mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ? CONDAMNER solidairement la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY aux entiers dépens de l'instance. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 septembre 2021, la société SUN CITY demande au tribunal de : Vu les articles L. 713-1, L. 713-2, L. 716-1, L. 716-5 alinéa 2 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 68, 325, 803 et suivants du Code de procédure civile, DIRE ET JUGER la Société SUN CITY recevable en son intervention volontaire principale, ses demandes, fins et conclusions, En conséquence, DONNER ACTE à la Société SUN CITY de son intervention volontaire principale, la recevoir et la juger bien fondée, FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage du signe NEW MAN pour désigner des vêtements et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995, sur tout site internet, sur ses factures, sur la devanture de son établissement à [Localité 7] (93) et sur quelque support que ce soit, à destination du public situé sur le territoire français, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de concevoir, fabriquer, importer, distribuer, offrir à la vente, commercialiser, sur le territoire français, des vêtements sous la marque NEW MAN et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995, par quelque moyen que ce soit et notamment dans son établissement à [Localité 7] (93) et par l'intermédiaire de tout site internet sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, ORDONNER la communication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL à la Société SUN CITY, des documents et informations suivants : - des bons de commande en cours de produits portant le signe NEW MAN, - de l'état des stocks de produits portant le signe NEW MAN sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, - et des informations sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; et des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises en question, sur la période du 1 er Janvier 2017 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par document non remis à l'Huissier de justice à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, ORDONNER la destruction devant Huissier de justice, aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL, de l'intégralité des stocks de produits portant le signe NEW MAN détenus et en cours de fabrication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par produit non détruit à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir, CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement au profit de la Société SUN CITY de la somme forfaitaire globale de 5.000.000 euros en réparation de son préjudice global, par application de l'alinéa 2 de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, compte tenu des actes de contrefaçon de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995 qu'elle a commis, ORDONNER la publication de tout ou partie, au choix de la Société SUN CITY, de la décision à intervenir ur tout site internet édité par la Société ETABLISSEMENT MICHEL au jour du prononcé de la décision à intervenir pendant une durée de trois mois, ainsi que dans trois publications au choix de la Société SUN CITY et aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL, DEBOUTER la Société ETABLISSEMENT MICHEL de l'ensemble de prétentions, moyens et conclusions, CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions. Une nouvelle clôture de l'instruction a été prononcée le 30 novembre 2021 et l'affaire fixée pour être plaidée le 24 janvier 2022. MOTIFS DU JUGEMENT : Sur l'intervention volontaire de la société SUNCITY : Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. La société SUN CITY fait valoir qu'elle a conclu un contrat de licence exclusive portant sur les marques NEWMAN avec la société BELLE ETOILE le 1er mars 2017 et qu'elle a subi un préjudice du fait de l'exploitation non autorisée de ces marques par la société ETABLISSEMENT MICHEL alors que les contrats de licence qu'elle avait conclus avec la société NEWMAN étaient privés d'effet depuis le 8 décembre 2016 aux termes de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 20 mai 2021. Le droit d'agir de la société SUN CITY n'étant pas formellement contesté par la société ETABLISSEMENT MICHEL, il convient de dire la société SUN CITY recevable en son intervention volontaire. Sur la rupture des contrats de licence des 3 mars et 22 avril 2015 : La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que ces contrats de licence n'ont pas été valablement résiliés le 21 décembre 2016 et qu'ils n'étaient pas frappés de caducité et privés d'effet depuis le 8 décembre 2016. Elle soutient, à cet égard, que seul le juge-commissaire pouvait prononcer la résiliation des contrats de licence conclus entre la société NEWMAN et la société ETABLISSEMENT MICHEL. Elle indique que ce juge n'a été saisi ni par la société BELLE ETOILE ni par l'administrateur judiciaire qui n'avait pas qualité pour prononcer de lui-même la résiliation des contrats, n'ayant qu'une mission d'assistance du débiteur. La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir qu'elle n'a jamais sollicité ou donné son accord pour la résiliation des contrats lors de l'adoption du plan de cession tandis que les contrats non repris dans le plan de cession ne se trouvaient pas résiliés par l'effet du jugement arrêtant ce plan. Elle ajoute que le liquidateur de la société NEWMAN, postérieurement au plan de cession, n'a pas plus saisi le juge-commissaire d'une demande de résiliation des contrats. La société ETABLISSEMENT MICHEL indique également qu'aucune faute contractuelle n'était démontrée au moment où la résiliation des contrats lui a été notifiée par l'administrateur judiciaire. Elle ajoute que les contrats ne sont jamais devenus caducs le 8 décembre 2016 du fait de la cession des marques NEWMAN au profit de la société BELLE ETOILE sans reprise des contrats de licence, le sort des contrats ne pouvant être régi que par les règles d'ordre public applicables aux procédures collectives, étant rappelé que les lois spéciales dérogent aux lois générales et que le droit commun des contrats ne peut être utilement invoqué, étant, en toute hypothèse, précisé que les dispositions de l'article 1186 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ne peuvent s'appliquer aux contrats litigieux qui ont été conclus avant son entrée en vigueur tandis qu'un simple de transfert d'un bien sans disparition de celui-ci ne peut remettre en cause les contrats antérieurs portant sur ce bien. La société ETABLISSEMENT MICHEL conclut que les contrats de licence en cause sont restés en vigueur jusqu'à leurs termes respectifs, à savoir le 30 juin 2018 s'agissant des produits couverts par les deux premiers contrats (sous-vêtements, joggings, pyjamas, gant) et jusqu'au 31 décembre 2018 pour les produits couverts par le troisième contrat (produits de maroquinerie), de sorte qu'aucune contrefaçon des marques "NEWMAN" ne peut lui être reprochée. Enfin, elle indique que, si les contrats de licence n'ont pas été inscrits aux registres des marques français et européen, les contrats étaient néanmoins opposables à la société BELLE ETOILE, qui en avait connaissance avant d'acquérir les droits sur la marque, au regard des dispositions des articles 27 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 et L.714-7 du code de la propriété intellectuelle. La société BELLE ETOILE réplique la société NEWMAN, liquidée depuis 2017, ne pouvait plus concéder à la société ETABLISSEMENT MICHEL des droits sur des marques dont elle n'était plus titulaire et que la titularité sur les marques concédées, élément essentiel des contrats, a donc disparu le 8 décembre 2016, les contrats étant devenus caducs à cette date. La société BELLE ETOILE ajoute que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas poursuivi l'exécution de ses propres obligations stipulées au contrat de licence puisqu'elle n'a versé aucune redevance à quiconque, en contrepartie de la licence dont elle prétend avoir pu bénéficier après le transfert des marques. La société BELLE ETOILE soutient également que ces licences n'ont pas fait l'objet d'une inscription aux registres des marques, de sorte qu'elles ne lui sont pas opposables. Enfin, elle ajoute que les contrats de cession n'ont pas été repris dans le plan de cession des actifs de la société NEWMAN. La société SUN CITY adopte les moyens soulevés par la société BELLE ETOILE. L'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 20 mai 2021, qui est déféré à la censure de la Cour de cassation, ne présente aucun caractère définitif. Il appartient donc au tribunal d'examiner la question de la poursuite des contrats de licence des marques "NEWMAN" conclus les 3 mars et 22 avril 2015 entre les sociétés NEWMAN et ETABLISSEMENT MICHEL-avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont a bénéficié la société NEWMAN suivie de l'adoption d'un plan de cession et d'une liquidation judiciaire- autorisant la société ETABLISSEMENT MICHEL à commercialiser, sous ces signes, des haut et bas de jogging homme, pyjamas, gants, parapluies, chaussettes homme, sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee shirt chaud de nuit), maroquinerie homme, petite maroquinerie homme, sacs d'ordinateur et sacoches bandoulières. Sur la caducité des contrats de licence invoquée, il est rappelé que les dispositions de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 entrant en vigueur le 1er octobre 2016 , l'ensemble des contrats conclus à compter de cette date seront soumis au droit issu de cette ordonnance. Corrélativement, l'article 9, alinéa 2, de l'ordonnance prévoit que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis au droit antérieur. Les contrats de licence ayant été conclus les 3 mars et 22 avril 2015, le droit des contrats antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 s'applique. Aux termes de l'article 1131 ancien du code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Or, d'une part, si les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY soutiennent que les contrats de licence seraient devenus caducs au motif que la société NEWMAN, liquidée depuis 2017, ne pouvait plus transmettre des droits sur des marques dont elle n'était plus titulaire, il est rappelé que la cause d'un contrat de licence de marque est l'existence d'une marque en cours de validité. Aussi, le seul changement du titulaire des marques "NEWMAN", qui étaient toujours en vigueur, n'est pas de nature, à la date de transfert de leur propriété, à rendre dépourvus d'effets les contrats de licence en l'état d'une simple substitution de la société BELLE ETOILE à la société NEWMAN, le cessionnaire ayant volontairement acquis les marques en sachant qu'elles étaient exploitées par des sociétés tierces dans le cadre des licences initialement consenties par la société NEWMAN. Par conséquent, les contrats de licence litigieux doivent être réputés s'être poursuivis après l'acquisition des marques "NEWMAN" par la société BELLE ETOILE, sauf s'il a été valablement mis un terme à ces contrats par une stricte application des règles d'ordre public relatives aux procédures collectives, étant rappelé, à cet égard, que la société NEWMAN a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 juin 2016 avant de faire l'objet d'une liquidation judiciaire le 25 janvier 2017, à la suite de l'adoption par jugement du 7 décembre 2016 du plan de cession des actifs de la société NEWMAN. Pour justifier de la résiliation des contrats, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY se prévalent des courriers recommandés avec accusés de réception adressés le 21 décembre 2016 par l'administrateur au redressement judiciaire de la société NEWMAN à la société ETABLISSEMENT MICHEL. Il est constant que cette résiliation n'a pas été prononcée par le juge-commissaire en charge de cette procédure. Il est rappelé qu'aux termes de l'article L.622-13 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire : "I. -Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif. II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit : 1o Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer; 2o A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation. IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts. VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire". Or, il est relevé qu'après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société NEWMAN, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas mis en demeure l'administrateur de prendre parti sur la poursuite de ses contrats de licence antérieurs, tandis qu'aucune décision du juge-commissaire, saisi par l'administrateur dans l'hypothèse où la résiliation des contrats s'avérerait nécessaire à la sauvegarde du débiteur, n'est intervenue. Concernant la période d'adoption du plan de cession des actifs de la société NEWMAN et la liquidation judiciaire subséquente de cette société, il est rappelé qu'aux termes de L.642-7 alinéa 7 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2014 au 24 mai 2019, applicable en l'espèce, le cocontractant dont le contrat n'a pas fait l'objet de la cession prévue par le deuxième alinéa (le jugement qui arrête le plan emporte cession des contrats déterminés par le tribunal) peut demander au juge-commissaire qu'il en prononce la résiliation si la poursuite de son exécution n'en est pas demandée par le liquidateur. Or, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas demandé au juge-commissaire de résilier ses contrats de licence de marques qui n'étaient pas repris dans le plan de cession des actifs de la société NEWMAN et dont le liquidateur n'a pas demandé le maintien, étant précisé que les contrats non repris dans le plan de cession ne se trouvent pas résiliés de plein droit par l'effet du jugement arrêtant ce plan. Enfin, aux termes de l'article L.641-11-1 du code de commerce, applicable au jugement de liquidation judiciaire, qui fait écho à l'article L.622-13 dudit code : "I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif. II. - Le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, le liquidateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit : 1o Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ; 2o A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ; 3o Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat. IV. - A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. V. - Si le liquidateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts. VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles sont également inapplicables au contrat de fiducie et à la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire." Or, en l'espèce, le liquidateur n'a pas demandé au juge-commissaire de résilier les contrats de licence consentis par la société NEWMAN à la société ETABLISSEMENT MICHEL. Il s'ensuit qu'aux différents stades de la procédure collective dont la société NEWMAN a fait l'objet, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas demandé la résiliation des contrats de licence, tandis qu'aucune décision la prononçant n'a été rendue par le juge-commissaire à l'initiative de l'administrateur judiciaire. Par conséquent, la résiliation effectuée par l'administrateur judiciaire par courriers du 21 décembre 2016 est irrégulière et sans effet, l'administrateur judiciaire ne pouvant contourner les règles impératives susvisées en faisant valoir, dans ces courriers, que la société ETABLISSEMENT MICHEL aurait commis une faute en n'apportant pas les éléments d'informations sur la nature des produits commercialisés et sur le circuit de distribution, laquelle n'est au demeurant pas caractérisée. Il est ajouté que l'administrateur judiciaire ne fait pas plus état dans les courriers litigieux de l'absence de paiement des redevances dues à la société NEWMAN, dont il est justifié, au regard des déclarations de Me [O], mandataire judiciaire, que l'ensemble des redevances dues avant la cession des marques ont finalement été payées par la société ETABLISSEMENT MICHEL. Enfin, si les contrats de licence de marques consentis à la société ETABLISSEMENT MICHEL portant sur les marques de l'Union européenne et française "NEWMAN" n'ont pas été enregistrés tant à l'EUIPO qu'à l'INPI, il est rappelé qu'aux termes de l'article 27-1. du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne : " Les actes juridiques concernant la marque de l'Union européenne visés aux articles 20, 22 et 25 (licences) ne sont opposables aux tiers dans tous les États membres qu'après leur inscription au registre. Toutefois, avant son inscription, un tel acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur la marque après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits", tandis que l'article L.714-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que "toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques. Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits". Or, le contrat de cession des actifs de la société NEWMAN conclu le 30 janvier 2017, ensuite del'adoption du plan de cession par jugement du 7 décembre 2016, auquel est partie la société BELLE ETOILE, se substituant à la société ETOILES SCR, mentionne, en son article 1.1.2, que "Me [W] a informé tous les autres titulaires de licence sur la marque NEWMAN de la résiliation de leur contrat de licence à compter du 8 décembre 2016 et notamment les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et VEROTRADE et leur a rappelé qu'ils devaient cesser de vendre des marchandises de marque NEWMAN à compter du 8 décembre 2016". Il s'ensuit que les contrats de licence de marques conclus entre les sociétés NEWMAN et ETABLISSEMENT MICHEL sont opposables à la société BELLE ETOILE qui avait nécessairement connaissance de ces contrats lorsqu'elle a acquis les marques "NEWMAN" lors de la cession des actifs de la société NEWMAN et qu'elle entendait ne pas poursuivre. Par conséquent, il y a lieu de retenir que les contrats de licence litigieux sont restés en vigueur jusqu'à leur terme, à défaut de renouvellement, soit jusqu'au 30 juin 2018 pour les contrats du 3 mars 2015 et 31 décembre 2018 pour le contrat du 22 avril 2015. La société ETABLISSEMENT MICHEL était donc autorisée à continuer à commercialiser les produits de marques "NEWMAN" visés par les contrats de licence jusqu'à leur expiration. Aussi, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs invoqués par la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY, licenciée exclusive, sur la contrefaçon des marques pour la période antérieure à l'expiration des contrats de licence. Sur la contrefaçon des marques postérieure à l'expiration des contrats : Les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY font valoir que, concernant le contrat "sous-vêtements homme" du 3 mars 2015 arrivé à expiration le 30 juin 2018, les douanes de [Localité 9] ont effectué, le 11 septembre 2018, une retenue douanière portant sur des caleçons qui contreferaient les marques "NEWMAN" concernant des produits expédiés par la société ETABLISSEMENT MICHEL. La société ETABLISSEMENT MICHEL réplique que les informations données par l'administration des douanes lors de la retenue invoquée sont contradictoires, tandis qu'aucun document, image des marchandises prétendument retenues permettent d'établir sans équivoque leur nature, emballage, date d'expédition et origine. Conformément à l'article 9-2 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque. L'article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services: 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. Il est rappelé que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'est plus autorisée depuis le 30 juin 2018 à commercialiser des sous-vêtements homme sous les marques "NEWMAN", le contrat de licence du 3 mars 2015 correspondant étant arrivé à son terme. La société BELLE ETOILE communique un avis de mise en retenue douanière du 11 septembre 2018 portant sur quatre caleçons présumant contrefaire la marque "NEWMAN". Il est observé que le courriel du 13 septembre 2018 adressé par les services des douanes aux demanderesses mentionne comme expéditeur des produits la société ETABLISSEMENT MICHEL et comme destinataire, la société O DESTOCK à [Localité 8]. Or, d'une part, il existe une contradiction entre l'avis de mise en retenue douanière et ce courriel en ce que ce dernier indique que la quantité saisie est de cinq caleçons, et non quatre. Par ailleurs, la date d'expédition des produits n'est pas connue, tandis qu'en contrariété avec l'article L.716-8 du code de la propriété intellectuelle, il n'est pas établi que les services des douanes auraient transmis des images des marchandises. Enfin, il n'est justifié de l'existence de mesures conservatoires par le titulaire de la marque ou son licencié exclusif en lien avec cette retenue. Aussi, la preuve n'est pas suffisamment rapportée de la commercialisation par la société ETABLISSEMENT MICHEL de produits couverts par les marques "NEWMAN" après l'expiration des contrats de licence, étant précisé qu'hormis la retenue douanière invoquée, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY ne font état d'aucun autre fait susceptible de caractériser une exploitation non autorisée des marques "NEW MAN" par la société ETABLISSEMENT MICHEL. Par conséquent, il n'est pas établi que la société ETABLISSEMENT MICHEL aurait commis des actes de contrefaçon des marques no001230135 et 95599540. Aussi, il convient de débouter les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY de l'ensemble de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon. Sur les demandes reconventionnelles de la société ETABLISSEMENT MICHEL : La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que la société BELLE ETOILE a commis des actes de dénigrement à son préjudice, ayant tout fait pour la faire apparaître auprès de ses partenaires commerciaux comme un vulgaire contrefacteur, ayant même obtenu le blocage de son site internet marchand "les2sous.com", pour l'empêcher de commercialiser ses produits en ligne, alors qu'elle y était autorisée en vertu de ses contrats de licence. Ensuite, la société ETABLISSEMENT MICHEL soutient qu'elle a fait l'objet d'une stratégie "d'étouffement commercial" par la société BELLE ETOILE, celle-ci ayant, en violation de l'exclusivité d'exploitation des marques conférée par les contrats de licence, mis en place une exploitation intensive de ces marques à travers la société SUN CITY, qui a commercialisé les produits "NEWMAN" dans des conditions identiques à celles de la société ETABLISSEMENT MICHEL et notamment auprès des mêmes partenaires commerciaux. Elle ajoute que la société BELLE ETOILE a fait bloquer en douanes des produits qu'elle était parfaitement en droit de commercialiser. Enfin, la société ETABLISSEMENT MICHEL affirme que la procédure diligentée à son encontre présente un caractère abusif. La société BELLE ETOILE réplique qu'elle n'a commis aucun acte de dénigrement, n'ayant pas cité la société ETABLISSEMENT MICHEL dans ses demandes auprès de la société VENTE PRIVEE tandis qu'aux termes de son courrier adressé à l'hébergeur du site Internet "les2sous.com", qui n'était pas public et ne concernait pas un concurrent de la défenderesse, elle se bornait à énoncer ses droits sur ses marques. La société BELLE ETOILE fait valoir qu'elle n'a mis en oeuvre aucune politique d'étouffement de la société ETABLISSEMENT MICHEL, qui a réalisé un important chiffre d'affaires sur les produits "NEWMAN" et n'a payé aucune redevance au titre de l'exploitation des marques. Enfin, la société BELLE ETOILE soutient que son action en justice était légitime. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important que l'information divulguée soit matériellement exacte ( Cass. Com., 24 septembre 2013, no12-19.790, Bull. 2013, IV, no139). Aux termes de son courrier du 9 janvier 2017, le conseil de la société BELLE ETOILE a indiqué à la société VENTE-PRIVEE.COM qu'elle a acquis les droits sur les marques "NEWMAN" et qu'elle a relevé que des ventes de produits "NEWMAN" avaient été réalisées le 5 janvier 2017, sur le site en ligne "vente-privee.com", en infraction avec ses droits. Il était demandé à la société VENTE-PRIVEE.COM de lui communiquer les coordonnées de la société qui lui avait confié la vente de ces produits et de bloquer tous les paiements de ces ventes, dans l'attente des suites à donner à cette affaire. Or, le conseil de la société BELLE ETOILE ne cite pas la société ETABLISSEMENT MICHEL de sorte que le contenu dénigrant de ce courrier n'est pas établi. Aux termes de la notification en application de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, effectuée le 30 mai 2017 à la société O2SWITCH, hébergeant le site Internet "les2sous.com" édité par la société ETABLISSEMENT MICHEL, le conseil de la société BELLE ETOILE a déclaré qu'à travers ce site, la société ETABLISSEMENT MICHEL, sans l'autorisation de la société BELLE ETOILE, reproduisait et faisait usage des marques "NEWMAN", le site s'analysant en des actes de contrefaçon. Il était fait état d'une procédure en référé introduite le 9 mai 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'interdire à la société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage des marques "NEWMAN". Il était demandé à la société O2SWITCH de retirer du site Internet "les2sous.com" les contenus illicites signalés portant atteinte aux droits de la société BELLE ETOILE. Aussi, la société BELLE ETOILE en affirmant ainsi que la société ETABLISSEMENT MICHEL a été l'auteur d'actes de contrefaçon, alors qu'aucune décision de justice n'a été rendue en ce sens (l'ordonnance de référé du 13 octobre 2017 lui sera même défavorable), sans la moindre réserve ni mesure, a jeté le discrédit sur les produits commercialisés par la société ETABLISSEMENT MICHEL dans le but de faire obstacle à leur commercialisation au profit de la société concurrente SUN CITY. Un tel comportement fautif, qui a entraîné le blocage du site Internet exploité par la société ETABLISSEMENT MICHEL, lui a causé un préjudice incontestable qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros. En revanche, si la société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que la société BELLE ETOILE a été l'auteur d'une stratégie "d'étouffement commercial" en violant les droits qu'elle détenait sur les marques "NEWMAN" en vertu des contrats de licence, dès lors qu'elle a porté atteinte à l'exclusivité que la société ETABLISSEMENT MICHEL bénéficiait sur l'exploitation des marques, par l'intervention de la société SUN CITY qui a intensivement commercialisé des produits concurrents sous ces signes, en multipliant les procédures judiciaires et en procédant à des retenues douanières injustifiées, il est observé qu'elle ne forme sa demande indemnitaire que contre la société BELLE ETOILE, à l'exclusion de la société SUN CITY, et sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun des articles 1240 et 1241 du code civil. Or, les manquements ainsi reprochés à la société BELLE ETOILE, tirés de la violation de l'exclusivité sur les marques consentie au licencié et de la volonté d'empêcher qu'il puisse les exploiter, ne peuvent s'analyser qu'en des fautes contractuelles découlant du non-respect par la société BELLE ETOILE de ses obligations découlant des contrats de licence. La responsabilité contractuelle n'étant pas invoquée par la société ETABLISSEMENT MICHEL, la demande formée à ce titre ne peut qu'être rejetée. Enfin, il est rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. La société BELLE ETOILE ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, la demande formée par la société ETABLISSEMENT MICHEL au titre de la procédure abusive sera rejetée. Enfin, il est rappelé qu'il appartient à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire le nécessaire auprès de l'hébergeur du site Internet "les2sous.com" afin d'obtenir la levée du blocage de ce site, sur présentation du présent jugement. Sur les demandes accessoires : Parties succombantes, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire, compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré, Déclare la société SUN CITY recevable en son intervention volontaire, Déboute la société BELLE ETOILE de ses demandes formées au titre de la contrefaçon des marques "NEWMAN" no001230135 et 95599540, Déboute la société SUN CITY de ses demandes formées au titre de la contrefaçon desdites marques, Condamne la société BELLE ETOILE à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de dénigrement, Rejette la demande indemnitaire de la société ETABLISSEMENT MICHEL au titre de l'atteinte à l'exclusivité d'exploitation sur les marques "NEWMAN" et des faits de nature à empêcher cette exploitation, Déboute la société ETABLISSEMENT MICHEL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, Dit qu'il appartiendra à la société ETABLISSEMENT MICHEL de solliciter la levée du blocage du site Internet "les2sous.com" sur présentation du présent jugement, Condamne in solidum les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY aux dépens, Condamne in solidum les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. Fait et jugé à Paris le 19 mai 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/04711 - No Portalis 352J-W-B7E-CSEMM No MINUTE : Assignation du : 26 Mai 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 21 Juin 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. KOMPERNAß HANDELSGESELLSCHAFT GMBH [Adresse 5] [Localité 6] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1104 DEFENDEURS S.A.R.L. [U]'KIDS intervenante volontaire [Adresse 3] [Localité 2] (SUISSE) Monsieur [K] [U] [Adresse 4] [Localité 1] (SUISSE) représentés par Maître Antoine LE BRUN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NA702 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 11 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 21 juin 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit allemand Kompernaß Handelsgesellschaft GmbH (ci-après « kompernaß ») se présente comme ayant pour activité la conception et la fabrication de produits non-alimentaires à destination du grand public qu'elle distribue à travers l'enseigne Lidl. Elle expose avoir notamment développé un réveil éducatif référencé « SKS 4 A1 », destiné aux enfants en bas âge, lequel a été commercialisé en France au mois de mai 2019 sous la marque Silvercrest. 2. M. [K] [U] est quant à lui titulaire d'un brevet européen désignant la France no 1 356 351 (ci-après « EP'351 »), ayant pour titre « indicateur de réveil pour enfant », déposé le 20 décembre 2001 sous priorité d'une demande suisse du 23 décembre 2000, et délivré le 2 décembre 2009. 3. Considérant que le réveil éducatif commercialisé par la société Lidl portait atteinte à ses droits de brevet, M. [K] [U] a, par acte d'huissier du 24 mai 2019, fait délivrer à la société Lidl une sommation de cesser d'offrir à la vente le réveil  SKS 4 A1 et de lui communiquer diverses informations de nature commerciale et comptable. Ce courrier a été transmis par la société Lidl à la société Kompernaß qui, au terme des échanges ayant suivi avec M. [U], a, par acte d'huissier du 26 mai 2020, fait assigner ce dernier devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins d'obtenir l'annulation du brevet EP'351. 4. Par des conclusions en réplique du 14 janvier 2021, M. [U] a formé une demande reconventionnelle en contrefaçon de la partie française du brevet EP'351. 5. Par une ordonnance du 6 août 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de production de pièces formée par M. [U]. 6. Le 17 décembre 2021, est intervenue la cession du brevet EP'351 au profit de la société [U]'Kids, laquelle a, par des conclusions du 21 décembre 2021, déclaré intervenir volontairement à l'instance initiée par la société Kompernaß, en même temps qu'expirait le brevet EP'351. 7. C'est dans ce contexte que, par de nouvelles conclusions d'incident du 19 janvier 2022, la société Kompernaß a saisi le juge de la mise en état aux fins d'obtenir, au visa des articles 31, 32 et 789 du code de procédure civile, L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, et 63(1) de la Convention sur le Brevet Européen, de : A titre principal - Déclarer la société [U]'kids irrecevable en son intervention volontaire et en toutes ses demandes ; - Déclarer M. [U] irrecevable en ses demandes d'interdiction ; A titre subsidiaire - Déclarer la société [U]'kids irrecevable en ses demandes d'interdiction; - Déclarer M. [U] irrecevable en ses demandes ; En tout état de cause - Condamner in solidum la société [U]'kids et M.[U] au paiement à la société Kompernaß de la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Les condamner également in solidum en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Par des conclusions d'incident en réplique notifiées électroniquement le 11 mars 2022, la société [U]'Kids et M. [U] demandent pour leur part au juge de la mise en état de rejeter l'ensemble des demandes et fins de non-recevoir présentées par la société Kompernaß, la condamner aux dépens, ainsi qu'à leur payer la somme de 3.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles. 9. L'incident a été plaidé à l'audience du 11 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 10. La société Kompernaß soutient d'abord que la cession n'est pas publiée au RNB de sorte qu'en application des dispositions de l'article L.613-9 du code de la propriété intellectuelle les demandes de la société [U]'Kids sont, selon elle, irrecevables. La société Kompernaß soutient ensuite que le brevet a en tout état de cause cessé de produire tout effet depuis le 20 décembre 2021 de sorte que les demandes d'interdiction, de rappel et de destruction présentées par les conclusions du 21 décembre 2021 par la société [U]'Kids sont de la même manière irrecevables. La société Kompernaß conclut encore à l'irrecevabilité des demandes de production de pièces concernant des pays autres que la France présentées par la société [U]'Kids, l'acte de cession ne visant que la partie française du brevet EP'351. La société Kompernaß conclut enfin à l'irrecevabilité des demandes de M. [U] qui, aux termes de la cession par laquelle il a cédé tous ses droits sur le brevet avec effet rétroactif au 1er novembre 2017, n'a plus aucune qualité à solliciter l'indemnisation de quelque préjudice que ce soit. 11. Pour s'opposer aux prétentions de la société Kompernaß, la société [U]'Kids relève d'abord que la cession a fait l'objet d'une publication au BOPI le 28 janvier 2022 ce qui selon elle régularise la procédure. Elle ajoute qu'elle est parfaitement recevable à solliciter l'interdiction, le rappel et la destruction des produits faisant l'objet de la présente instance. Elle soutient encore qu'elle est parfaitement recevable, aux fins d'identification des réseaux de contrefaçon à solliciter des informations concernant d'autres pays que la France. M. [U] fait quant à lui valoir que ses demandes sont fondées sur sa qualité d'inventeur, et non de propriétaire de l'invention, qualité qu'il a effectivement perdue par suite de la cession. Appréciation du juge de la mise en état 12. Il résulte de l'article L. 613-9 que "Tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre, dit Registre national des brevets, tenu par l'Institut national de la propriété industrielle.Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte, mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits. Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le Registre national des brevets, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre." Cette disposition est constamment interprétée comme excluant le droit d'agir en contrefaçon de tout cessionnaire ou licencié exclusif d'un brevet tant que l'acte d'où il tient ses droits n'a pas été publié (Cass. Com., 7 juillet 2004, pourvoi no 02-19.041; Cass. Com., 3 avril 2012, pourvoi no 11-14.848). Le cessionnaire est en revanche recevable à agir dès la publication de la cession et ce, avec effet rétroactif de sorte que l'action peut concerner les faits antérieurs à la cession, pour peu que l'acte de cession le spécifie (Cass. Com., 11 janvier 2000, pourvoi no 97-10.838, Bull. 2000, IV, no 6). 13. Il est en outre rappelé qu'aux termes de l'article 126 du code de procédure civile, "Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance." Il en résulte que la société [U]'Kids est recevable à agir en contrefaçon depuis le 28 janvier 2022, date de la publication de la cession, et qu'en l'état des termes de la cession qui le prévoient expressément, elle est également recevable à agir pour les faits qui lui sont antérieurs. 14. Selon l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle en outre, "Toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation." En l'occurrence, la société [U]'Kids a perdu le droit exclusif d'exploiter l'invention objet du brevet EP'351 le 20 décembre 2021 et a ainsi perdu toute qualité à solliciter des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction de tous produits soupçonnés de porter atteinte à son brevet expiré. Seules demeurent ainsi recevables les demandes visant à obtenir la réparation du préjudice subi et résultant des faits antérieurs à cette date. 15. La société [U]'Kids et M. [U] demandent en l'occurrence au tribunal aux termes des leurs dernières conclusions d' "ORDONNER à Kompernaß sous astreinte de 500€ par jour de retard de communiquer à la société [U] Kids les livres et pièces comptables correspondant à la vente du « réveil éducatif enfant » litigieux à compter de 2019 à Lidl SNC ainsi qu'à tous les autres clients de Kompernaß dans les pays où le brevet EP 1 356 351 était encore en vigueur le 22 mai 2019 à savoir : Belgique, Suisse, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, et Suède ;". 16. En effet, ainsi que le prévoit l'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, "Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime." 17. En l'occurrence, M. [U] et la société [U]'Kids interviennent ensemble à l'occasion de la présente instance. Aussi, la société [U]'Kids, pour la partie française du brevet, et M. [U], pour les autres parties nationales du brevet EP'351, apparaissent recevables en leurs demandes de communication de pièces, dont le bien-fondé dépendra du sort de l'action en nullité de la partie française du brevet, la nullité de cette portion française étant susceptible d'apparaître comme source d'un empêchement légitime au sens des dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle. 18. M. [U] apparaît recevable enfin à solliciter l'indemnisation que lui cause l'action en nullité du brevet qui protége son invention, sous réserve évidemment de rapporter la preuve d'une faute commise par la société Kompernaß, d'un préjudice et d'un lien de causalité. 19. En définitive, seules seront déclarées irrecevables les demandes reconventionnelles d'interdiction, de rappel des circuits commerciaux et de destruction des produits argués de contrefaçon, présentées par la société [U]'Kids. 20. Les dépens de l'incident et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civle seront réservés. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mise en état, Déclare irrecevables les demandes de la société [U]'Kids et de M. [U] aux fins de "ORDONNER à la société Kompernaß de CESSER d'offrir à la vente, mettre dans le commerce, utiliser, importer ou détenir en France aux fins précitées tous produits objet du brevet européen numéro EP135635181 et notamment de cesser de présenter à la vente le « réveil éducatif enfant » annoncé sous la référence no313843 et sous la marque SILVERCREST constitué d'un indicateur de réveil pour enfant comportant : - un cadran avec « seulement deux figures représentatives respectivement d'une position de réveil et d'une position de sommeil » « en position debout et en position couchée », à savoir un mouton debout ou allongé, - les dites figures de mouton étant « accentuées par deux couleurs différentes » à savoir une peau marron pour le jour et bleu ciel pour la nuit, - ainsi que par la présence complémentaire de plusieurs « indicateurs de réglage de temps » sur le cadran, à savoir un soleil, une lune, des étoiles et un ciel clair ou foncé, - les dites figures de mouton étant alternativement allumées ou éteintes par des éléments lumineux activés par des éléments de minuterie ou horlogerie incorporés dans un boitier et actionnés par des boutons de réglage ;" et "ORDONNER à Kompernaß de rappeler et détruire à ses frais les produits contrefaisants proposés à la vente en France sous astreinte de 500€ par jour de retard et par infraction ;" Ecarte toutes les autres fins de non-recevoir soulevées par la société Kompernaß ; Rapelle que la présente décision est exécutoire immédiatement ; Réserve les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état (dématérialisée) du 15 décembre 2022 à 14 heurespour clôture et fixation, au terme du calendrier suivant : - 7 juillet 2022 (date relais) pour la régularisation de leurs écritures par M. [U] et la société [U]'Kids tenant compte de la présente décision; - 7 octobre 2022 (date relais) pour les dernières conclusions au fond de la société Kompernaß, - 7 décembre 2022 (date relais) pour les dernières conclusions au fond de M. [U] et la société [U]'Kids. Faite et rendue à Paris le 21 Juin 2022. La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/09430 No Portalis 352J-W-B7D-CQPIP No MINUTE : Assignation du : 12 juillet 2019 rendu le 30 juin 2022 DEMANDERESSE S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Me Patrice DE CANDE de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 DÉFENDERESSES Société H&M HENNES & MAURITZ GBC AB [Adresse 5] [Localité 1] (SUÈDE) S.A.R.L. H&M HENNES & MAURITZ [Adresse 3] [Localité 4] représentées par Me Axel MUNIER de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice -président Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Alix FLEURIET, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 07 mars 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort La société LOUIS VUITTON MALLETIER, immatriculée le 8 novembre 1985, est spécialisée dans le négoce et la commercialisation sous toutes ses formes de bagages, articles de voyage, maroquinerie, habillement pour hommes et femmes, parfums, accessoires, et plus généralement tous produits de luxe commercialisés ou susceptibles d'être commercialisés par le groupe LVMH (LOUIS VUITTON MOET HENNESSY). Elle fait valoir que la lettre "V", qui est non seulement la première lettre du nom VUITTON, mais également celle du verbe "voyager", la maison LOUIS VUITTON étant historiquement liée à l'univers du voyage, a fait l'objet d'un usage intensif, tant dans la communication de la société LOUIS VUITTON MALLETIER que sur ses produits, depuis 1929. La société LOUIS VUITTON MALLETIER est notamment titulaire d'une marque figurative internationale désignant l'Union européenne : no1241672, enregistrée le 24 novembre 2014, sous priorité d'une demande française no144108646 du 28 juillet 2014,et enregistrée pour désigner des produits dans les classes 9, 14, 18 et 25, dont, en classe 14, les colliers et pendentifs. Le groupe suédois H&M est spécialisé depuis 1947 dans la création et la commercialisation d'articles de mode. La société H&M HENNES &MAURITZ est la filiale française du groupe H&M et distribue en France les produits de marque "H&M". Son fournisseur est la société de droit suédois H&M HENNES & MAURITZ GBC AB. La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir qu'elle a découvert, au mois d'octobre 2017, que le groupe H&M commercialisait, notamment sur son site Internet marchand accessible à l'adresse www.hm.com un lot de trois colliers détachables les uns des autres, pouvant être portés séparément, dont l'un comportait un pendentif qui reproduirait la marque no1241672 : En date des 16, 19 et 26 octobre 2017, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait constater, par huissier de justice, la vente de ce modèle en deux coloris (doré et argenté), tant sur la partie française du site internet <www.hm.com> qu'à destination du public étranger. La société LOUIS VUITTON fait valoir que ce même collier était toujours offert à la vente en mai 2019 sur le site www.hm.com, faisant dresser un procès-verbal de constat d'huissier les 21 et 28 mai 2019. Autorisée par deux ordonnances du 12 juin 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait procéder, le 14 juin suivant, à des opérations de saisie-contrefaçon tant au siège de la société H&M à [Localité 4] qu'au sein de ses entrepôts situés au Bourget. Par exploits d'huissier de justice des 12 juillet 2019 et 1er août 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait assigner les sociétés H&M HENNES &MAURITZ et H&M HENNES & MAURITZ GBC AB devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020, en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2021, la société LOUIS VUITTON MALLETIER demande au tribunal de: Juger irrecevables et mal fondées les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB en l'intégralité de leurs demandes, notamment celles visant à voir prononcer la nullité des effets de l'enregistrement de la marque internationale no1241672 et de la marque française no14 4 108 646 ainsi que celles visant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 14 juin 2019, condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une amende civile et à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un comportement procédural déloyal ; Débouter les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ; Juger qu'en commercialisant les colliers vendus sous les références 0566147001 et 0566147002, les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB ont commis au préjudice de la société LOUIS VUITTON MALLETIER des actes de contrefaçon de la marque internationale no 1241672 désignant l'Union Européenne en ce que celle-ci vise les « colliers », ainsi que des actes de concurrence déloyale et parasitaire; Leur faire interdiction de poursuivre de tels actes sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; Ordonner aux sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB de faire procéder, à leurs frais et sous contrôle d'huissier, à la destruction des produits contrefaisants encore en leurs stocks et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; Condamner in solidum les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB à verser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER les sommes suivantes à titre de provision à valoir sur le montant des dommages-intérêts définitif qui sera fixé par le tribunal : - 300.000 euros en réparation du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon; - 200.000 euros en réparation du préjudice moral résultant des actes de contrefaçon ; - 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; Ordonner aux sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification à l'une d'entre elles du jugement à intervenir, de communiquer à la société LOUIS VUITTON MALLETIER, - le nombre total de colliers litigieux (dans tous les coloris, doré ou argenté, et ce quelles que soient les références) vendus depuis l'origine, au moins depuis l'année 2017, sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne, tant en magasins que sur l'internet ; - le prix d'achat desdits colliers auprès des fournisseurs, - le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés, - les stocks restants. Juger que le tribunal réserve les droits de la société LOUIS VUITTON MALLETIER sur l'évaluation définitive du préjudice qu'elle a subi et ordonner le sursis à statuer s'agissant de l'évaluation de ce préjudice ; Ordonner la publication du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, dans trois parutions au choix de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, aux frais avancés des sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB, sans que le coût total de ces publications ne puisse excéder la somme de 30.000 euros hors-taxes ; Ordonner la parution du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, sur le site accessible à l'adresse hm.com en page d'accueil en partie haute et immédiatement accessible sans lien hypertexte, avec reproduction de la marque no 1241672 et des modèles contrefaisants et ce pendant une durée de 30 jours, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard suivant la signification du jugement à intervenir ; Condamner in solidum les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB à rembourser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER les frais de constat des 16,19 et 26 octobre 2017 et des 21 et 28 mai 2019 ainsi que des saisies-contrefaçon du 14 juin 2019 ; Condamner in solidum les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB à verser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner in solidum les sociétés H & M HENNES & MAURITZ SARL et H & M HENNES & MAURITZ GBC AB aux dépens ; Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 octobre 2021, les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ demandent au tribunal de: Prononcer la nullité des effets de l'enregistrement international de marque no 1241672 désignant l'Union européenne pour les « colliers, pendentifs » désignés en classe 14 ; Prononcer la nullité de la marque française enregistrée no 14 4 108 646 pour les «colliers, pendentifs » désignés en classe 14 ; Dire qu'une copie certifiée conforme de la copie exécutoire du jugement à intervenir, une fois celui-ci devenu irrévocable, sera transmise à l'initiative du Greffe du Tribunal ou de la partie la plus diligente, (i) à l'Office de l'Union européenne pour la Propriété Intellectuelle et (ii) à l'Institut National de la Propriété Industrielle, aux fins de mention au registre des marques de l'Union européenne, de transmission au Bureau international des marques de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, et d'inscription au Registre national des marques, ainsi qu'aux fins de toutes publications requises par les textes ; Dire et juger que dans le cadre de la présentation au président du Tribunal, le 12 juin 2019, de deux requêtes à fin de saisie-contrefaçon, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a violé le principe de loyauté procédurale, particulièrement le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, (i) en s'abstenant de faire état de faits et d'éléments de preuve pertinents, indispensables au respect du contradictoire et à la bonne exécution des mesures demandées, (ii) en présentant une affirmation mensongère, et (iii) en mettant en oeuvre un stratagème déloyal au détriment de la société H&M Hennes & Mauritz SARL visée par les mesures demandées ; et que ces violations sont constitutives d'un comportement procédural abusif et vexatoire, ayant causé un préjudice aux sociétés H&M Hennes & Mauritz SARL et H&M Hennes & Mauritz GBC AB et engageant à ce titre sa responsabilité ; En conséquence, Prononcer la nullité des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis par Mes [T] [M] et [Y] [I], huissiers de justice à Paris, en date du 14 juin 2019 et clôturés le 19 juin 2019, au vu des deux ordonnances No 19/01577 et 19/01578 rendues le 12 juin 2019 par le président du tribunal sur requêtes de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, produits dans la présente instance par la société LOUIS VUITTON MALLETIER comme Pièces LVM no24 et 25 ; Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une indemnité de 10.000 euros à chacune des sociétés H&M Hennes & Mauritz SARL et H&M Hennes & Mauritz GBC AB, soit une somme globale de 20.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son comportement procédural déloyal ; Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des condamnations prononcées à l'encontre de la société LOUIS VUITTON MALLETIER ; En toute hypothèse, Dire et juger que la société LOUIS VUITTON MALLETIER est irrecevable, en tout cas mal fondée, en l'ensemble de ses demandes ; l'en débouter ; Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une indemnité de 35.000 euros à chacune des sociétés H&M Hennes & Mauritz SARL et H&M Hennes & Mauritz GBC AB, soit une somme globale de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procdure civile ; Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la SAS SPE BARDEHLE PAGENBERG, Avocats au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2021. Le présent jugement est contradictoire. MOTIFS DU JUGEMENT : Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle des sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 : La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir que cette demande est irrecevable, la marque française no144108646 n'étant pas opposée aux sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ, lesquelles se trouvent dès lors dépourvues d'intérêt à agir, la demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française n'ayant pas de lien suffisant avec la demande principale en contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672. La société LOUIS VUITTON MALLETIER oppose que les nouvelles dispositions de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, issues de l'ordonnance du 13 novembre 2019, ne changent pas le principe qu'il n'est possible d'agir reconventionnellement en nullité de l'enregistrement que d'une marque qui est opposée au titre de la contrefaçon par le demandeur. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ répliquent qu'elles sont recevables à solliciter la nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 qui désigne les colliers et pendentifs en classe 14, laquelle est connexe à la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international no1241672 pour désigner les mêmes produits, ainsi qu'à la demande principale en contrefaçon, à laquelle elle se rattache par un lien suffisant en application de l'article 70 du code de procédure civile, le lien de connexité étant d'autant plus fort que la marque française en cause a servi de base à l'enregistrement international de la marque no1241672, laquelle en revendique la priorité ; que la finalité poursuivie par la demande de nullité de l'enregistrement de la marque française est de priver la société LOUIS VUITTON MALLETIER de son droit de marque sur le signe en cause pour désigner les produits concernés sur le territoire français ; que la demande reconventionnelle contestée n'excéde pas celle de la demande en nullité des effets de l'enregistrement international no1241672 dans l'Union européenne. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ considèrent qu'il est de bonne justice de faire instruire et juger ensemble ces demandes. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Selon l'article 70 dudit code, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout. Enfin, aux termes de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019 : "I.-Ne peuvent être formées que devant l'Institut national de la propriété industrielle : 1o Les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs des motifs énumérés à l'article L. 711-2, aux 1o à 5o, 9o et 10o du I de l'article L. 711-3, au III du même article ainsi qu'aux articles L. 715-4 et L. 715-9 ; 2o Les demandes en déchéance fondées sur les articles L. 714-5, L. 714-6, L. 715-5 et L. 715-10. II.-Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire. Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants : 1o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-7 et L. 716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale ; 2o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées alors que soit des mesures probatoires, soit des mesures provisoires ou conservatoires ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque sont en cours d'exécution avant l'engagement d'une action au fond. III.-Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article". Une partie n'a d'intérêt à agir, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, qu'à l'encontre d'une marque qui lui est expréssement opposée. En l'espèce, la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne forme qu'une action en contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 et ne se prévaut pas de ses droits sur la marque française no144108646 du 28 juillet 2014, même si elle a servi de priorité à la marque no1241672. Par conséquent, la demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 ne se rattache pas à la demande principale de la société LOUIS VUITTON MALLETIER par un lien suffisant. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ ne justifient d'aucun intérêt à agir à l'encontre d'une marque qui ne leur est pas opposée, celles-ci ne pouvant prédire que la société LOUIS VUITTON MALLETIER aurait l'intention de leur opposer la marque française dans le cadre d'un litige futur. Enfin, les nouvelles dispositions de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle n'autorisent aucunement la possibilité de contester à titre reconventionnel l'enregistrement d'une marque qui n'est pas invoquée en demande. Par conséquent, il convient de déclarer les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ irrecevables en leur demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646. Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 en ce qu'elle est dirigée contre les pendentifs désignés en classe 14 : La société LOUIS VUITTON MALLETIER soutient que cette demande reconventionnelle des sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ est irrecevable, dès lors que la vente des pendentifs ne leur est pas reprochée, mais seulement celle des colliers, son action en contrefaçon portant seulement sur les colliers désignés en classe 14 par la marque no1241672, tandis que la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'a pas connaissance que les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ vendraient des pendentifs seuls. La société LOUIS VUITTON MALLETIER considère que la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international de sa marque ne peut porter que sur les seuls produits invoqués désignés par cette marque, et qu'elle n'était obligée de parler des pendentifs qu'en ce qu'ils étaient incorporés dans les colliers litigieux qui sont seuls concernés par l'action en contrefaçon de marque. La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir qu'elle n'a jamais adopté de positions incompatibles ou contradictoires dans le cadre de la présente instance. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ répliquent que leur demande reconventionnelle est recevable. Elles indiquent, à cet égard, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER incrimine, non seulement un collier qu'elles ont commercialisé mais également un pendentif, affirmant depuis l'introduction de l'instance, à propos du produit incriminé, "que le pendentif constitue la contrefaçon par reproduction de la marque V" et que, de fait, si le produit dont la commercialisation est reprochée aux défenderesses est un lot de trois colliers, la société LOUIS VUITTON MALLETIER considère comme contrefaisante la forme du pendentif de l'un de leur colliers. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ concluent donc qu'il résulte des propres énonciations de la demanderesse qu'elle oppose, en réalité, l'enregistrement international no1241672 non pas seulement en ce qu'il couvre les colliers mais aussi les pendentifs. Elles ajoutent qu'aux termes de son assignation, la société LOUIS VUITTON MALLETIER, qui faisait état d'un pendentif contrefaisant, se bornait à faire valoir que les colliers commercialisés par les défenderesses contrefaisaient sa marque internationale désignant l'Union européenne, sans plus de précision, et que ce n'est qu'aux termes de ses premières conclusions en réplique qu'elle a limité ses demandes, en réponse aux critiques adverses, pour ne plus invoquer que les colliers désignés par la marque invoquée, afin de créer artificiellement un obstacle à la demande reconventionnelle en nullité des effets internationaux de la marque désignant l'Union européenne en ce qu'elle porte sur les colliers et les pendentifs. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ considèrent donc que la société LOUIS VUITTON MALLETIER a adopté des positions contradictoires et incompatibles entre elles, de sorte que les conditions de l'estoppel sont réunies et que la demanderesse est irrecevable à soutenir dorénavant qu'elle n'invoque sa marque que dans la mesure où elle vise les colliers. Enfin, les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ font valoir qu'une demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement d'une marque est recevable en ce qu'elle vise des produits identiques ou similaires à ceux opposés au principal. En application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile précité, le défendeur à une action en contrefaçon de marque peut avoir un intérêt à agir en nullité de l'enregistrement de cette marque, non seulement pour des produits identiques à ceux opposés désignés par la marque, mais aussi pour des produits similaires. Un pendentif est un bijou que l'on porte suspendu à une chaîne de cou, tandis qu'un collier s'entend d'un bijou de cou, constitué de divers éléments ou encore d'une chaîne en métal. Un collier peut également être constitué d'une chaîne dans laquelle est incorporé un bijou ou un élément ornemental. Par conséquent, il est incontestable que les colliers et les pendentifs sont des produits similaires. A cet égard, aux termes de ses dernières conclusions, la société LOUIS VUITTON MALLETIER décrit le produit litigieux commercialisé par les sociétés défenderesses qui porterait atteinte à ses droits sur la marque no1241672 comme "un lot de trois colliers, détachables les uns des autres, pouvant être portés séparément, dont l'un comportait un pendentif reproduisant manifestement la marque V". Aussi, la société LOUIS VUITTON soutient que sa marque est contrefaite en ce que l'un des colliers incorpore un pendentif qui est protégé par ses droits de marque. Il s'ensuit que les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ justifient d'un intérêt évident à agir en nullité des effets de l'enregistrement international de la marque no1241672 désignant l'Union européenne pour les pendentifs désignés par la marque en classe 14, qui sont indirectement visés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER, même si cette derrnière n'oppose formellement, aux termes de ses écritures postérieures à son assignation, que les colliers dans la même classe de produits. Aussi, la fin de non-recevoir soulevée par la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera rejetée. Sur la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 pour les colliers et pendentifs en classe 14 : Sur l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous e) sous iii) du règlement (CE) 207/2009: Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ font valoir que les effets de l 'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 sont nuls pour les colliers et pendentifs en classe 14, par application de l'article 7, paragraphe 1, point e) sous iii) du règlement (CE) 207/2009 avant modification par le règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015. Elles font valoir, à cet égard, que le signe, objet de cet enregistrement, est constitué exclusivement par la forme d'un pendentif, partie significative d'un collier; que cette forme donne au pendentif, et au collier comprenant ce pendentif, une valeur substantielle, dès lors que la caractéristique essentielle de cette forme est d'évoquer l'initiale V, représentée par la marque de manière conventionnelle ; que, compte tenu de la demande du public pertinent pour un pendentif évoquant cette initiale ou pour un collier comprenant un tel pendentif, le choix des consommateurs d'acheter le pendentif ou le collier en cause est, dans une très large mesure, déterminé par ces caractéristiques ; que cette forme exerce en elle-même une influence si importante sur l'attractivité de ce pendentif ou du collier qui comprend ce pendentif, qu'en réserver le bénéfice à la seule société LOUIS VUITTON MALLETIER reviendrait à fausser les conditions de concurrence sur le marché, cette forme devant demeurer accessible à ses concurrents, afin qu'ils soient libres de proposer au plus grand nombre des produits (pendentifs, colliers, bracelets) présentant cette forme ou une forme similaire et que, permettre à cette société de conserver un monopole sur la représentation conventionnelle de l'une des 26 lettres de l'alphabet latin viendrait à entraver l'exercice de la libre concurrence sur un marché ancien, revenu en vogue antérieurement à l'enregistrement de la marque en cause. La société LOUIS VUITTON MALLETIER réplique que les conditions de l'article 7-1-e-iii du règlement 207/2009 ne sont pas réunies. Elle fait valoir, à cet égard, que le signe, objet de la marque, n'est pas la forme d'un produit, par exemple un collier, mais un signe susceptible d'être apposé et reproduit sur tous types de produits, afin de certifier l'indication d'origine des produits ; que, quelque soit le produit sur lequel il est apposé, reproduit ou dans lequel il est incorporé, il ne peut davantage être considéré comme une partie significative d'un produit ; qu'en toute hypothèse, ce signe ne confère pas sa valeur substantielle à un produit, notamment à un collier ou un pendentif, laquelle résulte avant tout tout de sa qualité, des matières utilisées et de la renommé du fabricant ; que ce signe participe de la valeur du produit, comme toute marque d'un produit, mais ne constitue pas la valeur substantielle de ce produit ; que ce signe est avant tout, une marque et n'a aucune fonction technique, utilitaire ou fonctionnelle ; qu'enfin, le monopole accordé à la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne fausse pas le libre jeu de la concurrence, la protection accordée à une telle marque ne s'étendant pas à tout signe qui évoquerait la lettre V. Aux termes de l'article 198 "Invalidation des effets d'un enregistrement international" du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne : 1. La nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union peut être prononcée. 2. La demande en nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union tient lieu de demande en déchéance en vertu de l'article 58 ou de demande en nullité en vertu de l'article 59 ou 60. 3. Lorsque, conformément à l'article 64 ou à l'article 128 du présent règlement et au présent article, la nullité d'un enregistrement international désignant l'Union a été prononcée par une décision définitive, l'Office en informe le Bureau international conformément à l'article 5, paragraphe 6, du protocole de Madrid. 4. La Commission adopte des actes d'exécution précisant les éléments à mentionner dans la notification à adresser au Bureau international conformément au paragraphe 3 du présent article. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 207, paragraphe 2. Selon l'article 59 "Causes de nullité absolue" du règlement, la nullité de la marque de l'Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon: a) lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7; b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. 2. Lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement à l'article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée. 3. Si la cause de nullité n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés. L'article 59 du règlement 2017/1001 codifie à droit constant l'article 52 du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire. Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mars 2019 (Textilis Ltd, Ozgur Keskin C/ Svenskt Tenn AB), affaire C-21/18, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : 29 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié doit être interprété en ce sens qu'il est applicable à des marques enregistrées antérieurement à l'entrée en vigueur de ce règlement modifié. 30 Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que des règles de fond du droit de l'Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu'un tel effet doit leur être attribué (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C-4/10 et C-27/10, EU:C:2011:484, point 26 ainsi que jurisprudence citée). 31 En l'occurrence, il est constant que le règlement 2015/2424, qui est entré en vigueur le 23 mars 2016, ne comporte aucune disposition prévoyant expressément que l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié aurait vocation à s'appliquer aux marques de l'Union européenne enregistrées avant cette date. 32 De plus, il ne ressort ni de la finalité du règlement 2015/2424 ni de l'économie de ce règlement que le législateur de l'Union a eu l'intention de conférer une portée rétroactive à l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié. Une telle interprétation ressort également du considérant 12 du règlement 2015/2424, qui rappelle l'attachement du législateur de l'Union au principe de sécurité juridique. 33 Il convient par conséquent de répondre à la première question que l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas applicable à des marques enregistrées antérieurement à l'entrée en vigueur de ce règlement modifié. Aussi, la marque no1241672 ayant été enregistrée le 24 novembre 2014, il y a lieu de faire application de l'article 7, paragraphe 1, sous e) iii) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, dans sa version non modifiée par le règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 entré en vigueur le 23 mars 2016. Selon ce texte, "Motifs absolus de refus" , sont refusés à l'enregistrement (...) les signes constitués exclusivement (...) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit. Il est rappelé que cet article est rédigé de la même manière que l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 89/104 sur les marques qui dispose que : "Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés (...) e) les signes constitués exclusivement : - par la forme imposée à la nature même du produit, - par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique, - par la forme qui donne une valeur substantielle au produit". Interprétant ces dernières dispositions, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 18 septembre 2014 (Hauck c/ Stokke), affaire C-205/13, que l'article 3, paragraphe 1, sous e), troisième tiret, de la première directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le motif de refus d'enregistrement prévu à cette disposition peut s'appliquer à un signe constitué exclusivement par la forme d'un produit ayant plusieurs caractéristiques pouvant lui conférer différentes valeurs substantielles. La perception de la forme du produit par le public ciblé ne constitue qu'un seul des éléments d'appréciation aux fins de déterminer l'applicabilité du motif de refus en cause. Dans un arrêt antérieur du 6 mars 2014 (Pi-Design AG, Bodum France SAS, Bodum Logistics A/S, C/ Yoshida Metal Industry Co. Ltd), affaires C-337/12 P à C-340/12 P ,la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : 42 Il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence bien établie, le droit des marques constitue un élément essentiel du système de concurrence dans l'Union. Dans ce système, chaque entreprise doit, afin de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 38 et jurisprudence citée). 43 Un signe représentant la forme d'un produit figure parmi les signes susceptibles de constituer une marque à la condition qu'il soit, d'une part, susceptible de représentation graphique et, d'autre part, propre à distinguer le produit ou le service d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Cela résulte, en ce qui concerne la marque communautaire, de l'article 4 du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, Rec. p. I-5089, points 30 et 31, ainsi que Lego Juris/OHMI, précité, point 39). 44 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que chacun des motifs de refus d'enregistrement énumérés à l'article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 doit être interprété à la lumière de l'intérêt général qui le sous-tend (voir, notamment, arrêts précités Henkel/OHMI, point 45, et Lego Juris/OHMI, point 43). Dans un arrêt du 14 mars 2019 (Textilis c Svenskt Tenn AB), affaire C21/18, la Cour de justice de l'Union européenne rappelle, au point 35, qu'"en l'absence de toute définition dans le règlement 207/2009 de la notion de "forme", la détermination de la signification et de la portée de ce terme doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la règlementation dont il fait partie", tandis que la Cour a rappelé, dans un arrêt du 12 juin 2018 (Louboutin C/Van Haren Schoenen ), affaire C-163/16, point 21, que "dans le contexte du droit des marques, la notion de « forme » s'entend généralement, ainsi que l'a souligné la Commission européenne, comme désignant un ensemble de lignes ou de contours qui délimite le produit concerné dans l'espace". La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 23 avril 2020 (Gömböc Kutató, Szolgáltató és Kereskedelmi Kft. C/Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala), affaire C-237/19, que : 38 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que le motif de refus d'enregistrement prévu à cette disposition est applicable à un signe qui consiste exclusivement dans la forme du produit et à l'égard duquel c'est uniquement en raison de la perception ou de la connaissance du public pertinent relative au produit graphiquement représenté que l'autorité compétente considère que la forme donne une valeur substantielle à ce produit. 39 Conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, sont refusés à l'enregistrement ou sont susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés les signes exclusivement constitués par la forme qui donne une valeur substantielle au produit. 40 L'application de ce motif de refus d'enregistrement repose ainsi sur une analyse objective, destinée à démontrer que la forme en cause exerce, en raison de ses propres caractéristiques, une influence si importante sur l'attractivité du produit que le fait d'en réserver le bénéfice à une seule entreprise fausserait les conditions de concurrence sur le marché concerné. 41 Par conséquent, pour que le motif de refus d'enregistrement, prévu à l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, puisse être appliqué, il faut qu'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit en cause est, dans une très large mesure, déterminé par une ou plusieurs caractéristiques de la forme dont le signe est exclusivement constitué. 42 Les caractéristiques du produit non liées à sa forme, telles que les qualités techniques ou la notoriété de ce produit, sont, en revanche, dépourvues de pertinence. 44 (...) À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si la perception présumée du signe en cause par le consommateur moyen n'est pas en soi un élément décisif dans le cadre de l'application du motif de refus énoncé à cet article 3, paragraphe 1, sous e), iii), elle peut, néanmoins, constituer un élément d'appréciation utile pour l'autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles de ce signe (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C-205/13, EU:C:2014:2233, point 34). 46 (...) Le fait qu'une telle caractéristique ne concerne pas, en tant que telle, les mérites esthétiques de la forme, n'exclut pas l'application de l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95. Il importe de rappeler, à cet égard, que la notion de « forme qui donne une valeur substantielle au produit » n'est pas limitée à la forme de produit ayant exclusivement une valeur artistique ou ornementale. La question de savoir si la forme donne une valeur substantielle au produit peut être examinée sur le fondement d'autres éléments pertinents, y compris, notamment, la spécificité de cette forme par rapport à d'autres formes généralement présentes sur le marché concerné (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C-205/13, EU:C:2014:2233, points 32 et 35). 47 Il résulte des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que la perception ou la connaissance du public pertinent relative au produit graphiquement présenté par un signe, qui est exclusivement constitué par la forme de ce produit, peut être prise en compte afin d'identifier une caractéristique essentielle de cette forme. Le motif de refus figurant à cette disposition peut être appliqué s'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit en cause est dans une très large mesure déterminé par cette caractéristique. Enfin, aux termes d'un arrêt du 24 octobre 2018 (Pirelli Tyre C/EUIPO), rendu sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous e) ii), du règlement 40/94, transposable cependant à l'article 7, paragraphe 1, sous e) iii) du règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne, le Tribunal de l'Union européenne a également retenu que, pour qu'un signe relève du motif de refus d'enregistrement, il suffit qu'une partie d'un produit représenté par ce signe soit, sur le plan quantitatif et qualitatif, une partie significative de ce produit. L'article 7, paragraphe 1, sous e), iii) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, dans sa version non modifiée, impose donc, en premier lieu, d'apprécier si le signe représenté par la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 est exclusivement constitué par la forme d'un produit, ou d'une partie significative de ce produit, sur le plan quantitatif et qualitatif. En l'espèce, il est rappelé que cette marque a notamment été enregistrée pour désigner, en classe 14, les "colliers et pendentifs". La marque no1241672 est reproduite de la façon suivante dans son certificat d'enregistrement : Il s'agit d'un signe figuratif bidimensionnel, qui a en réalité une configuration tridimensionnelle, au regard de la forme bombée des branches. Force est de constater qu'au regard des produits susvisés désignés par l'enregistrement de la marque, ce signe reproduit, sans contestation possible, la forme d'un pendentif, ou d'une partie significative d'un collier, dès lors qu'il incorpore un tel pendentif qui en constitue l'élément dominant et que les colliers comportant des éléments décoratifs comme des pendentifs sont particulièrement courants sur le marché de la bijouterie. Il est observé, à cet égard, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER a commercialisé une gamme de colliers et de sautoirs "Essential V" incorporant ce signe comme pendentif sur une chaîne dorée ou argentée de forme épurée. Par ailleurs, il est rappelé, selon l'arrêt Gömböc Kutató, Szolgáltató és Kereskedelmi Kft. C/Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala, de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 avril 2020, qu'il convient de rechercher s'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit représenté par la marque est, dans une très large mesure, déterminé par une ou plusieurs caractéristiques de la forme dont le signe est exclusivement constitué, et que la question de savoir si la forme donne une valeur substantielle au produit peut être examinée sur le fondement d'éléments pertinents, comme notamment la spécificité de la forme représentée par le signe par rapport à d'autres formes généralement présentes sur le marché concerné, étant précisé que les qualités techniques ou la notoriété du produit sont dépourvues de pertinence. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ font valoir, à juste titre, qu'une des caractéristiques de la forme exclusivement constituée par le signe est de reproduire la lettre V, la forme bombée des branches, destinée à donner un simple effet de relief au pendentif, n'ayant à l'évidence aucune incidence dans le choix du produit par le public. A cet égard, il est amplement justifié d'une tendance ancienne et toujours présente dans la bijouterie d'acquérir des pendentifs ou des colliers comportant des pendentifs en fonction du fait qu'ils reproduisent une lettre représentant l'initiale d'un prénom, comme en particulier la lettre V, soit pour identifier son détenteur ou, dans un contexte affectif, pour porter un signe évoquant une personne chère. Aussi, de ce premier chef, le produit représenté par le signe déposé à titre de marque par la demanderesse va conférer une première valeur substantielle au produit en déterminant un choix courant du consommateur d'acquérir un pendentif ou un collier incorporant ce pendentif reproduisant l'initiale d'un prénom. Par ailleurs, il n'est pas discutable que le signe litigieux représente la forme d'un V de la manière la plus dénudée et simple possible, étant strictement identique à la vingt-deuxième lettre majuscule de l'alphabet latin. Or, à la différence de certains opérateurs économiques offrant à la vente des pendentifs ou des colliers comportant des pendentifs avec une reproduction stylisée et fantaisiste des lettres de l'alphabet, les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ caractérisent également l'existence d'une tendance alimentée par diverses personnalités ayant une influence médiatique de porter des colliers ou des pendentifs reproduisant des lettres dans leur plus simple représentation de l'alphabet latin, celle-ci étant motivée par la simple fonction identitaire du signe (pièces 16.1.1, 16.1.2 et 16.1.6 des défenderesses). Aussi, en l'état de cette tendance à laquelle adhère une partie substantielle des consommateurs, soucieux d'acquérir des pendentifs, non décoratifs ou ornementaux, représentant une simple lettre épurée, il y a lieu de retenir que le choix du consommateur d'acheter le produit représenté par la marque sera, dans ce cas, déterminé par cette caractéristique reproduite par la forme du signe litigieux, ce qui constitue une seconde caractéristique du produit représenté par le signe litigieux lui conférant une valeur substantielle. Si la société LOUIS VUITTON MALLETIER se prévaut du point 60 de l'arrêt Gömböc, aux termes duquel la Cour de justice de l'Union européenne indique "qu'à cet égard, il convient de relever qu'il est nullement exclu que la valeur substantielle de ce type d'articles puisse résulter d'éléments autres que la forme, tels que, notamment, l'histoire de leur conception, leur mode de fabrication, selon que celle-ci industrielle ou artisanale, les matières, éventuellement rares ou précieuses, qu'ils contiennent ou encore l'identité de leur créateur", pour soutenir que la décision d'achat des consommateurs d'acquérir des pendentifs ou des colliers reproduisant la marque litigieuse serait essentiellement déterminée par la qualité des produits et la notoriété du titulaire de la marque, il convient d'observer que la précision faite au point 60 concerne un signe exclusivement constitué par la forme d'un produit ayant une "valeur artistique ou ornementale", ainsi qu'il est précisé au point 58. Or, en l'espèce, le signe exclusivement constitué par la forme banale d'un pendentif en "V" ne présente aucune valeur artistique ou ornementale, étant rappelé que le point 46 de l'arrêt rappelle que la forme qui donne une valeur substantielle au produit n'est pas limitée à la forme d'un produit ayant exclusivement une telle valeur. Il est, par ailleurs, rappelé, d'une part, que la notoriété intrinsèque du produit constitué par la marque ou ses qualités particulières de conception sont des motifs inopérants, ainsi qu'en a décidé la Cour de justice de l'Union européenne. D'autre part, les causes de nullité absolues de l'enregistrement édictées par l'article 7, paragraphe 1, sous e) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, ont justement pour objectif d'assurer le respect de l'intérêt général commandant le droit des marques, dans un cadre concurrentiel et d'empêcher un opérateur économique de s'arroger un monopole sur la reproduction des lettres de l'alphabet en pendentifs intégrés dans des colliers. Par conséquent, la marque internationale no1241672 représentant un signe constitué exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit, à travers la forme particulière des pendentifs et des colliers intégrant de tels pendentifs, il y a lieu de prononcer la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de cette marque, pour les pendentifs et les colliers en classe 14. Les demandes formées par la société LOUIS VUITTON MALLETIER au titre de la contrefaçon de cette marque seront donc rejetées. Sur la concurrence déloyale et parasitaire : La société LOUIS VUITTON MALLETIER font valoir que les faits de concurrence déloyale résultent de la volonté des défenderesses de commercialiser un collier se rapprochant fortement de celui qu'elle offre à la vente, le collier H&M étant pratiquement un surmoulage du collier ESSENTIAL V. La société LOUIS VUITTON MALLETIER considère, ensuite, que les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ ont commis des actes de parasitisme en cherchant à profiter de sa notoriété, la société LOUIS VUITTON MALLETIER faisant de la lettre V l'une de ses signatures emblématiques et ce, plus encore, avec la nouvelle configuration de celle-ci adoptée en 2014, sa ligne ESSENTIAL V représentant 26% du chiffre d'affaires de la collection bijoux fantaisie et 30% du nombre de bijoux fantaisie vendus. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ répliquent que la concurrence déloyale invoquée par la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne repose pas sur des faits distincts de la contrefaçon , tandis que la comparaison des produits en cause n'est pas pertinente, les colliers vendus par les défenderesses étant par lot de trois et seul un collier reproduit un "V", tandis que la forme du collier ESSENTIAL V commercialisé par la société LOUIS VUITTON MALLETIER est banale. Elles soutiennent qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur, lequel n'est pas le même pour les deux produits, qui relèvent de réseaux de distribution distincts et s'adressent à une clientèle différente, nettement plus argentée pour les colliers commercialisés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER. Sur les faits de parasitisme reprochés, les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ soutiennent que la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'identifie pas le savoir-faire et le travail intellectuel qu'elle aurait mis en oeuvre pour concevoir des colliers d'une grande banalité, tandis que la société LOUIS VUITTON MALLETIER est entrée dans un marché de la vente des colliers comprenant un pendentif en forme d'initiales qui était bien antérieur et à l'égard duquel elle ne s'en distingue aucunement. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à des produits qui ne sont pas protégés par un droit privatif n'est pas fautif. Or, le collier comprenant un pendentif en forme de V commercialisé par la demanderesse n'est pas protégé par un droit de marque et s'inscrit dans l'art antérieur des colliers intégrant des pendentifs représentant des lettres de prénoms, tandis que sa forme, identique au V dans la calligraphie romaine, ne présente aucune originalité particulière. Il n'est pas justifié d'une faute commise par les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit du public, les réseaux de distribution des produits n'étant pas identiques, tandis que les colliers litigieux se distinguent des colliers commercialisés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER en ce que, sur ces derniers, est apposé le signe "LV" les rattachant directement et exclusivement à cette société. Le fait que les prix pratiqués par les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ soient nettement inférieurs à ceux proposés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'est, au demeurant, pas en tant que tel fautif. Enfin, il n'est pas plus établi que les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ auraient cherché à se placer, sans bourse délier, dans le sillage de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, les produits ESSENTIAL V s'inscrivant dans une tendance de la bijouterie ancienne, tandis que leur forme épurée ne peut résulter d'investissements intellectuels substantiels. Par conséquent, la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera déboutée de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Sur les demandes reconventionnelles des sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ au titre du comportement déloyal imputé à la société LOUIS VUITTON MALLETIER : Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ font valoir que, lors de la présentation de ses deux requêtes afin de saisie-contrefaçon du 12 juin 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER aurait commis des manquements au principe de la loyauté procédurale dans l'établissement de la preuve en ayant délibérément caché que les faits litigieux remontaient à 2017 au moins, tout en affirmant qu'elle n'en a eu connaissance que courant 2019, peu de temps avant le dépôt de ses requêtes, puis en mettant en oeuvre un stratagème déloyal ayant pour finalité de décrédibiliser la société H&M HENNES & MAURITZ devant le tribunal, en affirmant qu'elle aurait dissimulé volontairement une partie de la masse contrefaisante lors des opérations de saisie-contrefaçon. La société LOUIS VUITTON MALLETIER conteste les manquements au principe de loyauté qui lui sont reprochés, n'ayant été l'auteur d'aucun stratagème. Elle reconnaît que la commercialisation des produits litigieux avait débuté en 2017 mais pensait qu'elle était de courte durée ; que, cependant, cette commercialisation a perduré jusqu'en 2019 et qu'elle était donc fondée à solliciter des mesures de saisie-contrefaçon à cette date, le fait d'avoir constaté la commercialisation du produit antérieurement sans en faire état dans les requêtes étant sans incidence sur la délivrance des ordonnances autorisant les saisies-contrefaçon. Elle ajoute que la société H&M HENNES & MAURITZ a effectivement fourni à l'huissier instrumentaire des informations inexactes, cherchant à minimiser l'ampleur de la masse contrefaisante, de sorte que cette société ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Se prévalant des dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 du code de procédure civile,les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ sollicitent la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés à la requête de la société LOUIS VUITTON MALLETIER et la réparation du préjudice qu'elles indiquent avoir subi. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un procès équitable. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Au regard de l'article 497 du code de procédure civile, la compétence exclusive du juge qui a rendu l'ordonnance sur requête pour connaître du recours en rétractation, même si le juge du fond est saisi de l'affaire, ne fait pas obstacle à ce que celui-ci, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon. Il est observé, à la lecture des requêtes déposées le 12 juin 2019 par la société LOUIS VUITTON MALLETIER ayant donné lieu aux opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 14 juin suivant, tant dans les locaux de la société H& M HENNES & MAURITZ que dans son établissement secondaire se trouvant au BOURGET, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER s'est prévalue de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 pour les colliers et pendentifs en classe 14. Elle justifiait donc d'un titre au soutien de ses demandes. Par ailleurs, si, dans les requêtes, la société LOUIS VUITTON MALLETIER reconnaissait avoir "récemment" découvert la commercialisation du collier qui contreferait sa marque par les défenderesses, se prévalant de constats d'huissier des 21 et 28 mai 2019, l'omission supposée de la connaissance de la commercialisation de ce collier en 2017 n'a eu aucune incidence sur l'obtention des ordonnances ayant autorisé les saisies-contrefaçon dès lors que la preuve de la poursuite de sa commercialisation en 2019 était apportée. Aussi, au regard de la justification d'un titre de marque et de la présentation de faits de nature à pouvoir constituer une contrefaçon de la marque, les ordonnances contestées ont été valablement délivrées. Les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ, qui ne caractérisent l'existence d'aucune intention dolosive ou "déloyale" de la demanderesse dans la délivrance des ordonnances rendues les 12 juin 2019, ne peuvent qu'être déboutées de leur demande de nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 14 juin 2019, la validité de ces mesures s'appréciant au jour où les ordonnances les autorisant ont été délivrées. Enfin, les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ, si elles contestent l'affirmation de la société LOUIS VUITTON MALLETIER selon laquelle une partie de la masse contrefaisante aurait été cachée, ne justifient d'aucun fait de dénigrement ou de nature à porter atteinte à leur image commis publiquement à leur préjudice, le moyen selon lequel les éléments découlant de la saisie-contrefaisante seraient incomplets n'étant invoqué que dans le cadre de cette procédure. N'établissant l'existence d'aucun préjudice de ce chef, les demandes indemnitaires des sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ seront rejetées. Sur les demandes accessoires : Partie succombante, la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ 20.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire, compte tenu de l'ancienneté du litige, et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée, à l'exception de la transcription de la présente décision aux registres européen et international des marques du fait de la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672, compte tenu de son caractère irréversible. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré, Déclare les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ irrecevables en leur demande en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646, Déclare les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ recevables à agir en nullité des effets de l'enregistrement international de la marque no1241672 désignant l'Union européenne pour les pendentifs désignés par la marque en classe 14, Prononce la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672, pour les pendentifs et les colliers en classe 14, Ordonne la transcription du présent jugement sur les registres européen et international des marques, Déboute la société LOUIS VUITTON MALLETIER de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque no1241672 , Déboute la société LOUIS VUITTON MALLETIER de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, Déboute les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ de leur demande de nullité des opérations de saisies-contrefaçon du 14 juin 2019, Déboute les sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ de leur demande indemnitaire pour comportement procédural abusif, Condamne la société LOUIS VUITTON MALLETIER aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SAS SPE BARDEHLE PAGENBERG, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, Condamne la société LOUIS VUITTON MALLETIER à payer aux sociétés H&M HENNES & MAURITZ GBC AB et H&M HENNES & MAURITZ 20.000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire du jugement, à l'exception de sa transcription sur les registres des marques. Fait et jugé à Paris le 30 juin 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
CAPP/JURITEXT000046652045.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 19/14044 No Portalis 352J-W-B7D-CRHSX No MINUTE : Assignation du : 13 août 2019 rendu le 27 juillet 2022 DEMANDERESSES S.A.S. CELLULOPACK [Adresse 2] [Localité 7] S.A.S. PROPLAST [Adresse 1] [Localité 6] S.A.S.U. NUTRIPACK [Adresse 1] [Localité 6] représentées par Me Thierry LAUTIER du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J097 DÉFENDERESSES S.A.S. RESCASET CONCEPT [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 Société PACKBENEFIT SL (anciennement ONEWORLD PACKAGING SL) [Adresse 8] [Localité 5] (ESPAGNE) représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Gilles BUFFET, Vice- président Alix FLEURIET, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition. A l'audience du 14 mars 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société de droit français CELLULOPACK, fondée en 2013, est spécialisée dans le domaine des emballages fabriqués à partir de fibres de cellulose moulée. Elle est titulaire du brevet français FR 3 024 844 (ci-après FR' 844), ayant pour titre « procédé de fabrication d'un emballage biodégradable et compostable », déposé le 18 août 2014, délivré le 9 septembre 2016 et maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités. Le 17 août 2015, la société CELLULOPACK a également déposé une demande de brevet européen sous priorité du brevet FR' 844 publiée sous le numéro EP 2 987 623 (ci-après EP' 623), dont elle s'est finalement désistée. La société CELLULOPACK expose que le brevet FR' 844 est exploité par la commercialisation de sa gamme de barquettes « RESTOKOMPOST ». La société PROPLAST est à la tête d'un groupe français spécialisé dans l'emballage et le conditionnement. Le 3 juin 2019, à la suite d'une cession de quote-part, inscrite au Registre national des brevets, la société PROPLAST est devenue copropriétaire du brevet français FR' 844 à 50 %. La société NUTRIPACK est une filiale de la société PROPLAST. Le 3 juin 2019, les sociétés CELLULOPACK et NUTRIPACK ont signé un contrat de fourniture et d'approvisionnement prévoyant que la société NUTRIPACK, qui se présente comme bénéficiant d'une licence sur le brevet FR' 844, s'approvisionnera auprès de la société CELLULOPACK, en attendant d'avoir consenti des investissements de nature à lui permettre de fabriquer elle-même, au sein de ses locaux, les barquettes protégées par le brevet. La société PACKBENEFIT, anciennement dénommée OneWorld Packaging, est une société de droit espagnol, créée en 2013, spécialisée dans la conception et la fabrication d'emballages durables. La société RESCASET CONCEPT est une société de droit français, filiale du groupe Guillin, exerçant son activité dans la distribution d'emballages spécifiques à la restauration collective et aux industries agro-alimentaires. Elle distribue en France, sous sa gamme « RESTIPULP », des barquettes fabriquées par la société PACKBENEFIT. La société CELLULOPACK soutient que ces barquettes reproduisent les caractéristiques du brevet français FR' 844 et précise que, grâce à cette gamme de produits, la société RESCASET CONCEPT a remporté un appel d'offres auprès de la ville de [Localité 9], en mars 2019, pour la fourniture de barquettes à destination des cantines scolaires de la ville. Le 13 mai 2019, la société CELLULOPACK (alors seule titulaire du brevet français FR' 844) a obtenu l'autorisation de faire procéder à deux saisies-contrefaçon, l'une à l'Unité centrale de production de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9], l'autre à la Direction des finances de la ville de [Localité 9]. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 17 juillet 2019. Par actes d'huissier de justice délivrés le 13 août 2019, les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST ont fait assigner les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon du brevet FR' 844. Le 12 octobre 2020, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ont obtenu l'autorisation de faire procéder à une nouvelle saisie-contrefaçon, dans les locaux de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9]. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 21 octobre 2020. Par actes d'huissier de justice délivrés le 20 novembre 2020, les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST ont de nouveau fait assigner les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de brevet. Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction. Par des conclusions d'incident notifiées le 2 décembre 2020, la société PACKBENEFIT a demandé au juge de la mise en état de procéder au "séquençage" de l'affaire par la disjonction de l'examen de la validité du brevet, de celui de la contrefaçon. Subsidiairement, elle sollicitait la protection de ses pièces couvertes par le secret des affaires. Par ordonnance du 25 février 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de disjonction de l'instance relative à la validité du brevet FR 3 024 844, de celle relative à la contrefaçon de ce brevet et rejeté en l'état la demande de la société PACKBENEFIT aux fins de protection des données couvertes par le secret des affaires. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juillet 2021, les sociétés CELLULOPACK , PROPLAST et NUTRIPACK demandent au tribunal de: Sur la recevabilité à agir de la société Nutripack, Déclarer la société Nutripack recevable à agir en contrefaçon contre les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ; Rejeter la fin de non-recevoir des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ; Sur la reproduction des revendications 1 à 7 du brevet FR 3 024 844, A titre principal, Dire que les barquettes de la gamme «RESTIPULP 100% compostable » en particulier les barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, sont fabriquées en mettant en oeuvre le procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ; A titre subsidiaire, Enjoindre aux sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de prouver que le procédé mis en oeuvre pour fabriquer les barquettes de la gamme «RESTIPULP 100% compostable », en particulier les barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, est différent du procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ; Renvoyer l'affaire à une audience de mise en état pour conclusions sur ce point des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ; Le cas échéant, ordonner la mise en place d'un cercle de confidentialité composé des conseils des parties et d'un représentant de chacune des parties, pour les seuls besoins de la production des preuves de la mise en oeuvre par les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept d'un procédé différent du procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ; Sur les actes de contrefaçon commis, Dire qu'en important, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-3 c) du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ; Dire qu'en important, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon des revendications 11 et 12 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-3 a) du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ; Dire qu'en livrant et en offrant de livrer en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon de la revendication 13 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-4 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ; Écarter des débats les pièces B&B no 2, 7, 43, 46, 66 à71, 81-82 et 84-85 ; En conséquence, Interdire aux sociétés PackBenefit et Rescaset Concept la poursuite de ces actes de contrefaçon, notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement et la détention aux fins précités et la livraison et l'offre de livraison de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C et de tous produits présentant les mêmes caractéristiques ; Assortir cette interdiction d'une astreinte d'un (1) euro par produit contrefaisant fabriqué offert, mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l'une quelconque de ces fins, ou livré ou offert d'être livré à compter de la signification du jugement à intervenir ; Assortir en outre cette interdiction d'une astreinte de mille (1 000) euros par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification du jugement à intervenir ; Ordonner le rappel des circuits commerciaux de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, et ce sous astreinte de 1 (un) euros par produit et par jour de retard passé un délai de huit (8) jours après la signification du jugement à intervenir ; Ordonner la destruction, sous contrôle d'huissier de justice, de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C en possession de PackBenefit et de Rescaset Concept ou dont elles sont propriétaires, ainsi que de toutes barquettes ainsi rappelées des circuits commerciaux, aux seuls frais de PackBenefit et de Rescaset Concept, et ce sous astreinte de mille (1 000) euros par jour de retard dans un délai de huit (8) jours après la signification du jugement à intervenir ; Ordonner, avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenues par PackBenefit et Rescaset Concept utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment : a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits contrefaisants et de tous les produits de même forme, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits ; c) la marge brute réalisée pour ces produits ; sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira au tribunal, afin de permettre aux sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ; Rappeler que cette mesure d'instruction est exécutoire de plein droit, nonobstant appel ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Cellulopack, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de quarante-cinq mille (45 000) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Proplast, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de vingt-deux mille cinq cents (22 500) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Nutripack, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de vingt deux mille cinq cents (22 500) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Cellulopack, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de dix mille (10 000) euros ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Proplast, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de dix mille (10 000) euros ; Ordonner la publication complète du jugement à intervenir sur le site internet habituel des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept aux adresses www.packbenefit.eco et www.groupeguillin.fr, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant le texte suivant : « Les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont été condamnées par le Tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon des droits de propriété intellectuelle des sociétés Cellulopack et Proplast » et ce pendant une durée minimale de six (6) mois, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ; Ordonner la publication par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux choisis par les sociétés Cellulopack et Proplast, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à hauteur de sept mille cinq cents (7 500) euros par publication, hors T.V.A. ; Dire et juger que le tribunal sera juge de l'exécution du jugement à intervenir, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ; Sur les demandes des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande en nullité et de défaut de force probante des éléments de preuve rapportés par les demanderesses ; Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande en nullité du brevet FR 3 024 844 ; Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ; Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, à l'encontre des sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack ; En tout état de cause, Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à payer aux sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack la somme de cent mille (100 000) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à parfaire ; Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront les frais de constat et ceux engagés pour les opérations de saisies-contrefaçon, et autoriser Maître Thierry Lautier, Avocat à la Cour, Reed Smith LLP, à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ; Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, dans toutes ses dispositions nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 octobre 2021, la société PACKBENEFIT demande au tribunal de: In limine litis Juger nulles les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 juillet 2019 ou à tout le moins dénuées de force probante, y compris les procès-verbaux de saisie et leurs annexes, ainsi que les rapports d'analyse et d'essai consécutifs sur les barquettes saisies (Pièces adverses 3.30 et 3.31) ; Juger nuls les rapports d'essai sur les barquettes saisies le 21 octobre 2020 du laboratoire CTCPA (Pièces adverses no3.44 à 3.47) et le procès-verbal de constat dans les locaux de CELLULOPACK (Pièce adverse no3.50), ou à tout le moins dénués de force probante ; Ordonner en conséquence de l'annulation des deux saisie-contrefaçons réalisées le 17 juillet 2019 : - la restitution des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, de leurs conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, sous astreinte de 50 euros par document non restitué et par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification du présent jugement, - la destruction par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 17 juillet 2019, de leurs annexes et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à leurs frais, Sur la nullité du brevet FR 3 024 844 Juger nulles les revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet FR 3 024 844 pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive ; Ordonner l'inscription de la décision à intervenir sur le Registre National des Brevets dès qu'elle sera devenue définitive, sur réquisition du Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais solidaires des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK ; Subsidiairement, sur l'absence de contrefaçon Juger irrecevable l'action de NUTRIPACK faute de qualité à agir en tant que licenciée ; Rejeter la demande de contrefaçon du brevet FR 3 024 844 ; Rejeter la demande de renversement de la charge de la preuve, ou à défaut ordonner le renvoi à la mise en état pour la mise en place de manière contradictoire des modalités d'un cercle de confidentialité pour assurer la protection de ses secrets d'affaires de la société PACKBENEFIT A titre très subsidiaire, en cas de jugement de condamnation Débouter les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK de leurs demandes indemnitaires, ou à défaut fixer le préjudice subi à plus juste proportion, qui ne saurait dépasser la somme de 10 000 euros si le brevet est jugé comme étant exploité par la société CELLULOPACK, et à défaut à 13 600 euros au titre de la redevance indemnitaire ; En tout état de cause Débouter les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK de leurs entières demandes, fins et conclusions ; Condamner les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à verser la somme de 50 000 euros à la société PACKBENEFIT à titre de dommages et intérêts par application de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre toute amende civile qu'il lui plaira d'ordonner ; Condamner chacune des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à verser la somme de 40 000 euros à la société PACKBENEFIT en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, Avocat aux offres de droit. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 octobre 2021, la société RESCASET CONCEPT demande au tribunal de : Débouter les sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; Déclarer la société Nutripack irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir ; Prononcer la nullité du brevet FR 3 024 844 dans son ensemble pour insuffisance de description ; Prononcer la nullité des revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet FR 3 024 844 pour défaut de nouveauté ; Prononcer la nullité du brevet FR 3 024 844 dans son ensemble pour défaut d'activité inventive ; Ordonner la transcription du jugement à intervenir auprès du Registre National des Brevets, sur réquisition de Monsieur le greffier en chef du tribunal ; Prononcer la nullité : des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 17 juillet 2019 ; du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2020 ; de la signification de l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2020 ; de la dénonciation du procès-verbal de saisie-contrefaçon et du procès-verbal de constat du 13 novembre 2020 ; Dire et juger que la preuve des actes de contrefaçon allégués n'est pas rapportée ; En tout état de cause, Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à payer à la société RESCASET CONCEPT la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour saisies-contrefaçon abusives ; Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK au paiement de la somme de 10 000 euros chacune à titre d'amende civile pour saisies-contrefaçon abusives ; Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à payer à la société RESCASET la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront distraits au profit de Me Anne-Charlotte LE BIHAN conformément à l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2021. I - Recevabilité de l'action de la société NUTRIPACK Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPTS soutiennent que la société NUTRIPACK est irrecevable à agir en contrefaçon du brevet FR' 844, ne justifiant pas de sa qualité de licenciée de ce brevet. Elles considèrent en effet que l'existence de la licence invoquée ne résulte ni du contrat de cession de quote-part conclu le 3 juin 2019, entre les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, ni du contrat de fourniture et d'approvisionnement signé à la même date avec la société NUTRIPACK, pas plus que de l'acte confirmatif de licence sur le brevet FR' 844 en date du 30 septembre 2020, produit aux débats par les sociétés demanderesses, qui ne saurait créer artificiellement et rétroactivement des droits au profit de la société NUTRIPACK. Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK font quant à elles valoir : - en premier lieu, que seule l'existence de la licence contestée doit être établie, sa validité n'intéressant en rien les défenderesses ; - en deuxième lieu, qu'en application de l'article L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, l'inscription du contrat de licence n'est pas une condition de recevabilité de l'action du licencié ; - en troisième lieu, que l'exigence d'un écrit n'est qu'une condition de validité du contrat et n'est donc pas nécessaire pour justifier de son existence ; - en quatrième lieu, que l'existence du contrat de licence est incontestable, les sociétés CELLULOPACK et PACKBENEFIT, copropriétaires du brevet FR' 844, étant parties à l'instance. Elles contestent en tout état de cause que la signature de l'acte confirmatif de licence le 30 septembre 2020, en cours de procédure, a eu pour objectif de "régulariser une situation irrégulière", son seul but étant de "constater l'existence de la licence et donc l'intention des parties". Elles soutiennent ainsi qu'il s'agit d'un contrat écrit de licence, signé par les copropriétaires du brevet d'une part, et la société NUTRIPACK, filiale à 100 % de la société PROPLAST, d'autre part, prévoyant l'étendue des droits concédés, ainsi que sa prise d'effet, sa durée et les actes concernés. Cet acte permet donc, selon elles, de vérifier l'étendue des droit concédés et constitue un contrat distinct des contrats du 3 juin 2019. A titre surabondant, elles font valoir que les trois contrats qu'elles produisent aux débats doivent être interprétés ensemble, comme formant un groupe de contrats, afin de constater que la commune intention des parties était bien de concéder des droits de licence sur le brevet FR' 844 à la société NUTRIPACK. Enfin, elles indiquent que la forme que peut prendre l'intervention du licencié à l'instance, pour demander réparation de ses préjudices, n'est pas précisée et qu'il est constamment jugé que celle-ci peut s'opérer dès l'introduction de l'instance, comme c'est le cas en l'espèce. L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. L'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : " L'action en contrefaçon est exercée par le titulaire du brevet. Sauf stipulation contraire du contrat de licence, elle est également ouverte au titulaire d'une licence exclusive à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet. Le titulaire d'une licence non exclusive peut exercer l'action en contrefaçon, si le contrat de licence l'y autorise expressément, à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet. Le titulaire d'une licence obligatoire ou d'une licence d'office, mentionnées aux articles L. 613-11, L. 613-15, L. 613-17, L. 613-17-1 et L. 613-19, peut exercer l'action en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire du brevet n'exerce pas cette action. Le titulaire du brevet est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le titulaire d'une licence, conformément aux alinéas précédents. Tout titulaire d'une licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le titulaire du brevet, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre. La validité d'un brevet ne peut pas être contestée au cours de l'action en contrefaçon engagée par le titulaire d'une licence si le titulaire du brevet n'est pas partie à l'instance ". Il résulte de l'article L. 613-9 du même code que : " Tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre, dit Registre national des brevets, tenu par l'Institut national de la propriété industrielle. Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte, mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits. Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le Registre national des brevets, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ". Enfin, l'article L. 613-8 du même code dispose que : " Les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet sont transmissibles en totalité ou en partie. Ils peuvent faire l'objet, en totalité ou en partie, d'une concession de licence d'exploitation, exclusive ou non exclusive. Les droits conférés par la demande de brevet ou le brevet peuvent être invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence imposées en vertu de l'alinéa précédent. Sous réserve du cas prévu à l'article L. 611-8, une transmission des droits visés au premier alinéa ne porte pas atteinte aux droits acquis par des tiers avant la date de transmission. Les actes comportant une transmission ou une licence, visés aux deux premiers alinéas, sont constatés par écrit, à peine de nullité ". Il résulte de ces textes que si un licencié peut intervenir dans une action en contrefaçon de brevet, bien que le contrat de licence dont il bénéficie n'ait pas fait l'objet d'une inscription, encore faut-il qu'il justifie de sa qualité de licencié. Pour en justifier, les demanderesses versent aux débats : - le contrat de cession de quote-part conclu le 3 juin 2019, entre les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ; - le contrat de fourniture et d'approvisionnement signé à la même date par les sociétés CELLULOPLAST et NUTRIPACK ; - un acte confirmatif de licence sur le brevet FR' 844 en date du 30 septembre 2020, aux termes duquel les sociétés CELLULOPLAST et PROPLAST confirment avoir concédé à la société NUTRIPACK une licence sur ce brevet à compter du 3 juin 2019. Il ressort du contrat de cession de quote-part du 3 juin 2019 que la société CELLULOPACK a cédé à la société PROPLAST la moitié de sa quote-part de propriété sur le brevet FR' 844. L'article 8.3 de ce contrat stipule que la société PROPLAST s'engage à respecter et à faire respecter par la société NUTRIPACK les termes du contrat de fourniture et d'approvisionnement conclu le même jour. Aux termes de l'article 10 de ce contrat, intitulé "Licence", il est convenu que : - les parties copropriétaires du brevet ne peuvent concéder à un tiers une licence qu'à la condition qu'une convention écrite soit conclue avec le tiers licencié et les parties copropriétaires du brevet (...) et avec l'accord préalable écrit de l'autre partie (point 10.1) ; - chacune des parties est autorisée à conférer une licence d'exploitation sur le brevet (...) À condition de conclure préalablement entre les parties copropriétaires et la société fille licenciée une convention de licence écrite lui imposant notamment de respecter les termes de l'article 13 du contrat intitulé "confidentialité" (point 10.4). Il résulte du préambule du contrat de fourniture et d'approvisionnement signé le 3 juin 2019 par les sociétés CELLULOPLAST et NUTRIPACK que la société NUTRIPACK est autorisée et habilitée par la société PROPLAST à exploiter le brevet et le savoir-faire pour la production des emballages issus du procédé de fabrication couvert par le brevet FR' 844. Il est précisé que la société NUTRIPACK entend ainsi réaliser les investissements nécessaires aux fins de se doter, sur son propre site, des équipements requis pour la production de tels emballages, mais que, ces investissements étant très conséquents, elle souhaite dans l'intervalle s'approvisionner auprès de la société CELLULOPACK. C'est ainsi qu'elles se sont rapprochées aux fins de déterminer ensemble "la durée, les termes et les modalités suivant lesquels la société NUTRIPACK confiera à la société CELLULOPACK la production des produits visés au contrat". L'article 3 du contrat stipule à cet égard qu'il demeurera aussi longtemps que la société NUTRIPACK aura besoin de s'approvisionner en produits auprès de la société CELLULOPACK. S'il s'évince de ce contrat que la société CELLULOPACK a marqué son intention de concéder une licence d'exploitation de son brevet FR' 844 à la société NUTRIPACK, celui-ci ne peut s'interpréter comme un contrat de licence, mais bien comme un contrat de fourniture ayant pour objet l'approvisionnement en barquettes de la société NUTRIPACK, par la société CELLULOPACK, et ce dans l'attente que la société NUTRIPACK consente les investissements nécessaires à la fabrication des produits litigieux. C'est ainsi qu'aucun contrat de licence n'a été signé entre les copropriétaires du brevet FR' 844 et la société NUTRIPACK, comme le prévoient pourtant les stipulations de l'article 10.4 du contrat de cession de quote-part du 3 juin 2019. Par ailleurs, l'acte "confirmatif de licence sur le brevet FR' 844", signé pour les besoins de la cause, le 30 septembre 2020, en cours de procédure, par les sociétés demanderesses, ne peut avoir pour effet, de manière rétroactive, de constater des droits de licence qui n'ont jamais été concédés sur ledit brevet, au profit de la société NUTRIPACK. En outre, le fait même que la présente instance a été introduite par la société NUTRIPACK, avec les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, copropriétaires du brevet, ne peut suffire à considérer qu'elles lui ont bien concédé une licence d'exploitation sur celui-ci. En l'absence de démonstration de sa qualité de licenciée sur le brevet FR' 844, la société NUTRIPACK est déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de celui-ci. II - La demande de rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT Les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK sollicitent le rejet des pièces no2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT, au motif que, constituant des articles émanant du site Internet Wikipedia, elles ne présentent pas des garanties probatoires suffisantes. Elles ajoutent former cette demande "par souci de cohérence et parallélisme des formes", la société RESCASET CONCEPT sollicitant elle-même le rejet des articles issus du site Wikipedia qu'elles produisent également aux débats. Il est précisé à titre liminaire que les demandes de nullité ou de rejet des pièces produites aux débats par les sociétés demanderesses, qui visent à démontrer l'existence d'une contrefaçon de leur brevet, seront traitées lors de l'examen des demandes en contrefaçon du brevet FR' 844. Il convient néanmoins de préciser que si la valeur probante des articles extraits du site Internet Wikipedia doit être appréciée au cas par cas et avec circonspection, compte tenu de leur origine, le site Wikipedia permettant à tout internaute d'y apporter un contenu ou de modifier un article déjà existant, sans pour autant que les informations qu'y s'y trouvent fassent l'objet d'une vérification, il n'y a pas lieu de les écarter par principe, les parties étant libres en tout état de cause, de discuter ces contenus ou de produire des pièces de nature à les remettre en cause. Les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK sont par conséquent déboutées de leur demande tendant au rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT. III - Présentation et portée du brevet FR'844 Présentation du brevet FR'844 Le brevet français FR'844 a pour titre "Procédé de fabrication d'un emballage biodégradable et compostable". Dans sa partie descriptive, le brevet FR'844 expose que l'invention concerne un procédé de fabrication d'un emballage pour produits alimentaires, de type barquette, étanche aux liquides et aux graisses, et qui est entièrement biodégradable, compostable, scellable et supportant un passage au four (page 1, ligne 4 à 8). Il est rappelé que dans le domaine de l'emballage alimentaire, le récipient comprend au moins deux parois, une paroi externe associée à une paroi interne, la paroi externe étant généralement rigide et pouvant comprendre des impressions, tandis que la paroi interne se présente sous la forme d'un film permettant de protéger la paroi externe (page 1, lignes 9 à 16). Les emballages alimentaires étant souillés par des résidus et leur réutilisation étant impossible, il est ajouté qu'ils ont vocation à être détruits purement et simplement ou à être recyclés par compostage, mais que la présence de films plastiques non biodégradables et/ou non compostables au sein de tels emballages ne permet pas de les orienter vers le compostage (page 1, ligne 23, à page 2, ligne 2). Il est rappelé à cet égard que le compostage est un procédé qui consiste à placer des produits fermentables dans des conditions (températures, humidité, oxygénation, présence de micro-organismes du sol etc.) permettant leur biodégradation, soit la décomposition des matériaux organiques par des micro-organismes (bactéries, champignons, animaux, unicellulaires) (page 2, lignes 10 à 16). Un matériau biodégradable n'est pas nécessairement compostable car il doit également se désintégrer pendant un cycle de compostage d'une durée de 3 mois (page 3, lignes 1 à 3). Pour répondre aux spécifications de la réglementation sur les emballages valorisables, précisément de la norme NF 13432, qui définit les caractéristiques qu'un matériau doit posséder pour être compostable et biodégradable, et pour résoudre la difficulté qu'il y a à recycler des emballages conçus avec deux ou plusieurs matériaux (carton et film par exemple), et en particulier les emballages souillés, diverses solutions ont pu être développées selon la nature des matériaux entrant dans la composition des emballages (page 2, lignes 17 à 21). Ainsi, par exemple, la présence dans l'emballage d'un film plastique délaminable et pelable permet de jeter ledit film et de procéder au compostage du matériau d'emballage externe, étant précisé qu'une telle étape de séparation du film complexifie le retraitement de l'emballage (page 3, lignes 19 à 24). Quant aux emballages à base de cellulose ou de matériau cellulosique tel que le papier, le carton ou la pâte de cellulose, s'ils sont aisément biodégradables et compostables, ils ne présentent pas les qualités nécessaires pour le contact direct avec les aliments, liquides ou solides, chauds ou froids (page 3, lignes 8 à 13). Ainsi, il existe un besoin d'un procédé simple, rapide et économique pour la fabrication d'un emballage apte au contact alimentaire, qui soit étanche aux huiles et à l'eau, qui soit résistant aux températures mises en oeuvre lors du chauffage ou du réchauffage des aliments contenus, qui soit operculable de manière fiable, étanche et entièrement biodégradable et compostable (page 4, lignes 3 à 9). Le brevet porte donc sur un procédé de fabrication d'un emballage compostable dont les différentes étapes sont divulguées par la revendication 1. Le brevet se compose de 13 revendications dont seules sont opposées les revendications 1 à 7 et 11 à 13 ainsi libellées : 1. Procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes : a) fournir un emballage compostable en matériau perméable à l'air, b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, c) chauffer le film à une température comprise entre 80 et 150o C, et au moins égale à la température de fusion du film, d) appliquer une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau, e) refroidir l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé. 2. Procédé selon la revendication 1 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable à l'air est en cellulose compressée. 3. Procédé selon la revendication 2 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable est de type barquette munie d'un fond, de parois latérales et éventuellement d'un rebord destiné au scellage d'un éventuel opercule. 4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3 dans lequel la température de fusion du film en polyester compostable est comprise entre 75 et 150o C, plus particulièrement entre 80 et 140o, plus particulièrement encore entre 85 et 130oC , plus particulièrement encore aux environs de 120o C. 5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4 dans lequel le film compostable en polyester présente une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa, particulièrement entre 15 et 25 MPa ; plus particulièrement entre 20 et 25 MPa. 6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5 dans lequel le film compostable en polyester présente ainsi un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, plus particulièrement compris entre 300 et 500 %, plus particulièrement entre 350 et 400 et plus particulièrement encore aux environs de 350. 7. Procédé selon l'une des revendications 1 à 6 dans lequel le film en polyester compostable est imperméable à l'eau et aux huiles. 11. Emballage susceptible d'être obtenu par un procédé selon l'une des revendications précédentes. 12. Emballage selon la revendication 11 comprenant un fond, des parois latérales et un rebord périphérique, contenant un produit alimentaire et operculé par un film protecteur thermoscellé au niveau du rebord périphérique. 13. Utilisation d'un emballage selon la revendication 11, pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective. Il comprend la figure suivante : Portée du point B de la revendication 1 du brevet FR' 844 Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent que les valeurs précises des paramètres mécaniques de contrainte de traction à rupture et d'allongement en traction à rupture du film, objets du point B de la revendication 1 du brevet FR' 844, sont secondaires. Précisément, selon elles, la lecture du brevet permet à l'homme du métier de comprendre que l'invention revendiquée repose sur trois éléments essentiels : - la perméabilité à l'air de l'emballage initial, - la capacité du film en polyester à se déformer sous l'effet de la température, sans pour autant se rompre, - et l'aspiration de l'air par le dessous de l'emballage en profitant de la perméabilité de l'air, et que partant, c'est en lien avec ces éléments, ici les deux derniers, qu'il doit s'appliquer à interpréter les propriétés mécaniques (contrainte de traction à rupture et allongement en traction à rupture) que le film doit revêtir pour être apte à remplir une double fonction, celle de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et celle de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée (liaison chaude ou froide, aliments solides ou liquides). A cet égard, elles soutiennent que, quand bien même l'un des paramètres du film utilisé pour procéder à la fabrication d'emballages alimentaires n'entrerait pas dans la plage revendiquée par le point b) de la revendication 1, il n'en demeurerait pas moins que ce procédé de fabrication devrait être considéré comme entrant dans le champ du brevet FR' 844 s'il apparaît que le film a rempli la double fonction susmentionnée, celle de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et celle de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée. Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT considèrent qu'en transformant une caractéristique essentielle du brevet en son prétendu effet technique, les sociétés demanderesses tentent d'étendre l'objet revendiqué au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Il convient de déterminer l'étendue de la protection en interprétant les revendications du brevet par référence à la description et aux dessins, c'est-à-dire, s'il y a obscurité ou ambiguïté, en dissipant l'obscurité ou l'ambiguïté et, en toute hypothèse, en donnant au texte de la revendication sa pleine signification, afin qu'elle soit comprise. Cette interprétation, qui ne peut être cherchée que dans la description et les dessins, doit conduire à dégager la substance de l'invention revendiquée, sans pour autant apporter un élément que la revendication ne contenait ni ne suggérait de quelque manière que ce soit. Pour rappel, la revendication 1 du brevet FR'844 est ainsi libellée : 1. Procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes : a) fournir un emballage compostable en matériau perméable à l'air, b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, c) chauffer le film à une température comprise entre 80 et 150o C, et au moins égale à la température de fusion du film, d) appliquer une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau, e) refroidir l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé. Au point b) de la revendication 1 précitée, sont précisées les caractéristiques et valeurs des paramètres que le film doit présenter pour entrer dans le champ de protection du brevet FR' 844, de sorte que : - les propriétés du film ne peuvent être considérées comme secondaires ou non essentielles ; - le brevet étant suffisamment clair sur ces points, il n'est pas nécessaire pour l'homme du métier de se livrer à une quelconque interprétation. Ainsi, l'homme du métier qui lira la revendication 1, par référence à la description du brevet, et comprendra que le film doit revêtir des propriétés mécaniques lui permettant de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée, n'en sera pas moins incité à respecter les plages prévues par le point b) de la revendication 1 pour mettre en oeuvre l'invention. Au demeurant, considérer que le brevet couvrirait également un procédé de fabrication d'un emballage alimentaire composé d'un film dont les propriétés mécaniques n'entrent pas dans les plages prévues au point b) de la revendication 1, aboutirait incontestablement à augmenter l'étendue de la protection conférée par le brevet tel qu'il a été déposé. Partant, il convient de retenir que le film couvert par le brevet présente nécessairement des propriétés mécaniques dont les valeurs sont comprises dans les plages revendiquées par le point b) de la revendication 1. IV - La validité du brevet FR' 844 Les sociétés PACKBENEFIT SL et RESCASET CONCEPT contestent la validité du brevet FR'844 pour insuffisance de description, et la validité de ses revendications 1 à 7 et 11 à 13 pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive. Il convient au préalable de définir l'homme du métier, ainsi que de déterminer le périmètre de ses connaissances générales. A - La définition de l'homme du métier et de ses connaissances générales Les sociétés CELLULOPACK SL et PROPLAST proposent de définir l'homme du métier comme un spécialiste de la fabrication d'emballages aptes au contact alimentaire, biodégradables et compostables. Elles excluent le fait qu'il puisse s'agir d'un spécialiste de toutes sortes d'emballages. Elles ajoutent qu'il n'est pas davantage fabriquant de films compostables, de sorte qu'il ne peut être attendu de lui qu'ils procèdent à des essais de traction sur lesdits films pour en mesurer les propriétés mécaniques. Elles admettent que, parmi les connaissances de l'homme du métier, figurent le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli, édité en 2005, traitant notamment des films compostables, ainsi que les normes de détermination des paramètres mécaniques des films plastiques, notamment les méthodes normées ASTM et ISO. Elles contestent en revanche que les sites Internet Design Technology et Technology Student, traitant des notions de vide et d'aspiration, entrent également dans le champ des connaissances générales de l'homme du métier. La société PACKBENEFIT définit l'homme du métier comme un ingénieur spécialiste de la fabrication d'emballages alimentaires recyclables, doté de connaissances générales dans le domaine de l'emballage, notamment sur les films compostables et les techniques classiquement utilisées pour le scellage de films alimentaires sur les emballages. Ces connaissances intègrent selon elle les normes et les manuels et ouvrages de référence. La société RESCASET CONCEPT définit l'homme du métier comme un professionnel de la fabrication des emballages alimentaires compostables. Précisément, les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT font valoir que font partie des connaissances générales de l'homme du métier : - en matière de films compostables : le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005 ; - en matière d'essais de traction : le fascicule "Essais mécaniques des plastiques - caractéristiques instantanées" des techniques de l'Ingénieur, daté du 10 juillet 1999, et les méthodes normées (notamment ASTM D638, ASTM D882, ASTM D1708, ISO 527), pour la détermination des paramètres des films en plastique ; - en matière de procédés de scellage de film : les connaissances figurant dans le rapport de consultation privée de M. [O], expert auprès de la cour d'appel de Toulouse, consacré notamment aux techniques de thermoformage ; - les différents procédés de scellage de film ; - sur les notions "d'aspiration" et de "vide" : les sites Internet de référence, notamment les documents Design Technology et Technology Student. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). En outre, l'homme du métier peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626). En l'occurrence, l'homme du métier est un spécialiste de la fabrication d'emballages aptes au contact alimentaire, biodégradables et compostables. Figurent ainsi parmi ses connaissances générales, le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005, ainsi que les méthodes normées permettant de déterminer les propriétés mécaniques des films plastiques, dès lors qu'il est conduit à en faire usage, et ce quand bien même il n'est pas lui-même fabricant de films plastiques. Entrent également dans le périmètre de ses connaissances les différents procédés de scellages de films, notamment ceux figurant dans le rapport de consultation privée de M. [O], expert auprès de la cour d'appel de Toulouse, consacré notamment aux techniques de thermoformage. Il en est de même des sites Internet de référence, notamment les documents Design Technology et Technology Student, relatifs aux notions de vide et d'aspiration, lesquels ont été archivés avant le dépôt de la demande de brevet FR' 844. B - Le grief de l'insuffisance de description Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT soutiennent que le brevet FR'844 est nul, à titre principal, pour insuffisance de description. Elles indiquent en particulier que lorsque les caractéristiques revendiquées incluent des paramètres essentiels à la résolution du problème technique, l'invention ne peut être suffisamment décrite que si ces paramètres peuvent être mesurés, sur la base des enseignements du brevet, au moyen d'une méthode de nature à produire des valeurs constantes. Or, selon elles, les paramètres essentiels à la résolution du problème technique posé, inclus dans la revendication 1 du brevet FR'844, ne peuvent pas être mesurés sur la base des enseignements du brevet au moyen d'une méthode de nature à produire des valeurs constantes, de sorte qu'il est impossible pour l'homme du métier de savoir quels sont les films adaptés à la mise en oeuvre de l'invention. Ces paramètres étant incorporés dans toutes les revendications du brevet, l'insuffisance de description dont souffre la revendication 1 s'étend à l'ensemble des revendications du brevet. En réponse à l'argumentation développée par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPLAST, elles font valoir que le brevet ne cite aucun exemple de film commercial présentant des propriétés mécaniques entrant dans le périmètre de protection du brevet, mais se contente d'énumérer trois grandes familles de matériaux présentant des propriétés mécaniques différentes selon qu'elles proviennent d'un fabriquant ou d'un autre, ceux-ci proposant de larges gammes de produits. Quant aux fiches techniques de films produites en demande, permettant de s'assurer que ceux-ci présentent des propriétés entrant dans les plages de valeurs revendiquées, la société PACKBENEFIT soutient qu'il n'est pas démontré qu'elles étaient accessibles sur Internet à la date du dépôt du brevet et qu'elles faisaient dès lors partie des connaissances générales de l'homme du métier à cette date. Enfin, elles considèrent que les "essais de routine" auxquels l'homme du métier serait susceptible de se livrer, selon les sociétés demanderesses, afin de déterminer les propriétés de traction d'un film, indépendamment des valeurs revendiquées, s'apparentent au contraire à un véritable programme de recherche, impliquant un effort excessif, dès lors que les propriétés mécaniques du film ne sont pas les seuls éléments à considérer pour obtenir les résultats escomptés, entrant également en jeu le choix de la température de chauffage et l'épaisseur du film, outre l'ajustement de la puissance d'aspiration en fonction des caractéristiques mécaniques du film et de la porosité de l'emballage. Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent que les lacunes ou imprécisions dont pourrait souffrir l'exposé de l'invention ne le rendent pas nécessairement insuffisant, dès lors que l'homme du métier peut les déduire sans effort excessif du reste de la description, des dessins, ainsi que de ses connaissances générales dans le domaine technique en cause, notamment celles accessibles dans les ouvrages de référence. Elles rappellent que l'homme du métier n'étant pas un fabricant de films compostables mais un spécialiste de la fabrication d'emballages alimentaires biodégradables et compostables, il choisira les films commerciaux dont il a besoin pour mettre en oeuvre l'invention en se référant aux valeurs indiquées dans leur fiche technique, sans avoir à procéder lui-même à des essais de traction. Elles soutiennent que ce faisant, il n'est pas nécessaire de préciser la méthode de mesure des paramètres en question, les sociétés défenderesses ne démontrant pas au demeurant que le recours à des normes différentes de mesure des paramètres en cause aurait pour effet d'aboutir à des valeurs significativement différentes. Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent ainsi que l'homme du métier dispose ici de suffisamment d'éléments pour savoir quel film utiliser pour réaliser l'invention, dès lors que : - le brevet FR' 844 donne des exemples de films en polyester compostables possédant les propriétés ci-dessus rappelées ; - l'homme du métier est en tout état de cause à même d'identifier des films susceptibles de convenir pour une telle application en faisant appel à ses connaissances générales, et notamment à l'ouvrage de référence de Bastioli identifiant plusieurs films commerciaux présentant les caractéristiques revendiquées et permettant de réaliser l'invention ; - l'homme du métier, qui a connaissance des normes précitées, pourrait, s'il le souhaitait, procéder aisément à des tests sur le film choisi par ses soins, pour vérifier sa capacité à se déformer par chauffage sans se rompre. L'article L. 612-5 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ainsi, aux termes de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle : " Le brevet est déclaré nul par décision de justice : b) s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (...) ". L'exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l'homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l'on est en droit d'attendre de lui, la possibilité de mettre en oeuvre l'invention en faisant un effort raisonnable de réflexion. Pour rappel, la revendication 1 du brevet FR'844 enseigne un procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes : « a) (...), b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %». Il est constant que les propriétés en traction d'un matériau correspondent à un ensemble de paramètres mécaniques qui définissent le comportement du matériau lorsqu'il est soumis à une force tendant à l'étirer. Sont ainsi testés la contrainte de traction à rupture du matériau et l'allongement de traction à rupture. Il résulte de la norme internationale ISO 527-1 relative à la détermination des propriétés en traction des plastiques, dans sa première partie intitulée "Principes généraux", que : - la contrainte de traction à rupture, également appelée résistance à la traction, correspond à la contrainte à laquelle l'éprouvette du matériau, soumise à un test de traction, se rompt. Elle est exprimée en mégapascals (Mpa) ; - l'allongement de traction à rupture (encore appelée déformation à la rupture), est la déformation au dernier point enregistré avant la réduction de la contrainte à une valeur inférieure ou égale à 10 % de la résistance lorsque la rupture se produit avant le seuil d'écoulement. Cette valeur est exprimée en pourcentage. Ces paramètres peuvent être mesurés suivant différentes normes, en fonction notamment du matériau en cause, lesquelles normes définissent les conditions de détermination de ces propriétés en traction. Plusieurs normes peuvent être appliquées à un même matériau. Ainsi, s'agissant des matériaux plastiques, sont notamment applicables les normes ISO 527, ASTM D882 (pour les plastiques sous forme de feuilles et de films minces - moins de 1,0 mm d'épaisseur) ou encore ASTM D638 (pour les plastiques non renforcés et renforcés de toute épaisseur jusqu'à 14 mm). Il convient de préciser que chaque norme expose une méthode précise, permettant de mesurer les paramètres de traction précités, prenant en compte les dimensions recommandées pour les éprouvettes, les conditions de préparation et de conditionnement des dites éprouvettes ou encore la vitesse d'essai, l'ensemble de ces facteurs ayant une répercussion sur le résultat. Ainsi, lorsque, en faisant application d'une même norme, des résultats comparatifs sont requis, ces facteurs doivent être soigneusement contrôlés et enregistrés, ce que précisent les différentes normes produites par la société RESCASET (pièces no 8 à 14 de la société RESCASET). Il en va de même lorsque des résultats comparatifs sont requis pour un même matériau, en faisant application de deux normes différentes. Cependant, si les sociétés défenderesses démontrent que les méthodes d'essai sont différentes selon les normes respectées, elles ne démontrent aucunement qu'en respectant scrupuleusement lesdites normes, les valeurs des paramètres obtenues pour un même matériau seraient significativement différentes. Par ailleurs, ainsi que le soutiennent les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, l'homme du métier, qui n'est pas un spécialiste de la fabrication de films plastiques, sera incité à se procurer des films trouvés dans le commerce dont les valeurs correspondent aux valeurs entrant dans le champ de la revendication du brevet FR'844. A cet égard, elles justifient qu'il est offert de trouver sur Internet les fiches techniques de certains films plastiques dont les valeurs des paramètres de contrainte de traction à rupture, allongement de traction à rupture et température de fusion entrent dans le champ de la caractéristique b) de la revendication 1 du brevet FR'844 (pièces no 2.14 à 2.16 des sociétés CELLULOPACK SL, PROPLAST et NUTRIPLAST). S'il est vrai qu'il n'est pas certain qu'au moment du dépôt du brevet, lesdites fiches techniques étaient bien accessibles sur Internet, il doit être considéré qu'elles étaient nécessairement fournies avec le film lors de son achat. En tout état de cause il n'est pas contesté que dans le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005, sur lequel les parties s'accordent pour considérer qu'il entre dans le périmètre des connaissances générales de l'homme du métier, sont présentés plusieurs films commerciaux entrant dans le champ de la caractéristique b) de la revendication 1 du brevet FR'844 (pièce no 2.9 des sociétés CELLULOPACK SL, PROPLAST et NUTRIPLAST). Par ailleurs, quand bien même l'homme du métier n'est pas un spécialiste de la fabrication des films en plastique, il est conduit à en utiliser aux fins de fabrication d'emballages alimentaires et a dès lors nécessairement connaissance des normes précitées, lesquelles sont au demeurant d'un accès aisé, les normes ASTM étant mises au point par l'ASTM International, organisme américain de normalisation, et les normes ISO, par l'Organisation Internationale de Normalisation, fédération mondiale d'organismes nationaux de normalisation. Partant, il lui est possible, s'il le souhaite, de vérifier les valeurs indiquées sur un film commercial, en faisant procéder à des essais au moyen de la mise en oeuvre de l'une de ces normes, voire de plusieurs d'entre elles. Ainsi, l'homme du métier est mis en mesure, sans effort excessif, d'exécuter l'invention telle qu'elle est divulguée par le brevet FR'844. Les revendications du brevet FR'844 ne souffrent en conséquence d'aucune insuffisance de description. C - Le grief du défaut de nouveauté Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET rappellent que le document BOWDEN a été opposé par l'INPI et par l'OEB comme privant de nouveauté la revendication 1 du brevet FR' 844 et soutiennent que la société CELLULOPACK l'a reconnu en plaçant l'intégralité de son contenu dans le préambule de la revendication 1 de son extension européenne, partie consacrée aux caractéristiques dont la combinaison est connue de l'état de la technique. Elles font en effet valoir que le document BOWDEN divulgue l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR' 844 en ce qu'il enseigne les caractéristiques suivantes : - la fourniture d'un emballage compostable à usage alimentaire ( = A) ; - l'utilisation d'un film placé au-dessus du récipient moulé et qui sera appliqué par l'effet de la chaleur pour faire adhérer la feuille au récipient (= B) ; - ce film est compostable ou biodégradable avec une température de fusion d'environ 123-190 oC ou plus et, en particulier, il peut être un copolyester aliphatique aromatique, biodégradable, tel que le BASF Ecoflex (il peut donc s'agir d'un film en polyester compostable) (= B) ; - le BASF Ecoflex a une température de fusion d'environ 145 à 170 oC (= B) ; - il a, comme cela résulte du manuel Bastioli, une contrainte de traction à rupture d'environ 25 Mpa et un allongement de traction à rupture d'environ 500 % (= B) ; - dans un mode de réalisation, un film BASF biodégradable et compostable de 1,75 mil, tel que l'Ecoflex 1340, est chauffé en surface à une température de 145 à 160 oC en 15 secondes (= C) ; - le film est chauffé jusqu'à environ sa température de fusion avant d'être appliqué sur le récipient chauffé (= C) ; - le "film est chauffé en surface puis un vide est appliqué pour tirer le film dans le récipient" ; l'adhésion du film au récipient le "rend apte à retenir les liquides chauds ou froids dans des applications commerciales et domestiques", ce qui confirme que le chauffage et l'aspiration du film ont pour effet de souder le film sur le récipient (= D) ; - "le film et le récipient refroidissent ensuite à une température inférieure au point de fusion" (= E). Elles soulignent le fait que les sociétés demanderesses, qui font valoir que les points A et D du brevet FR' 844 n'ont pas été divulguées par le document BOWDEN admettent a contrario qu'il en décrit les caractéristiques B, C et E. La société PACKBENEFIT fait valoir que le document BOWDEN divulgue le fait que le film puisse être constitué d'un mélange comportant de 50 % à 90 % de pâte de cellulose vierge, matériau connu pour être perméable à l'air, et elle ajoute, de même que la société RESCASET, qu'il privilégie également les emballages ayant une teneur en farine/fibre de bois et/ou en pâte à papier égale à 30, 40 ou 50 % en poids du mélange final, matériaux connus aussi pour être perméables à l'air, de sorte que la caractéristique A de la revendication 1 du brevet FR' 844 a bien été divulguée par ce document. S'agissant de la caractéristique D, elles exposent que le document BOWDEN divulgue un passage de l'air au travers du récipient, ce qui est attesté par la consultation privée de M. [O], expert près la cour d'appel de Toulouse, qui a schématisé de la manière suivante la machine de formage sous-vide mentionnée par le document BOWDEN : Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET soutiennent que le document BOWDEN divulgue, comme le schéma ci-dessus le représente, une aspiration par le dessous de la barquette, et qu'il est "physiquement absurde" d'arguer du fait que "l'aspiration pourrait se faire depuis un orifice disposé n'importe où autour de l'enceinte" (conclusions de la société PACKBENEFIT page 56). En effet, disent-elles, pour qu'un film soit aspiré dans la partie la plus profonde du récipient, comme le mentionne le document BOWDEN, autrement dit se déplace du haut vers le bas dans le récipient, la dépression (ou zone de vide) qui crée l'aspiration doit être positionnée au dessous, car dans le cas contraire, l'aspiration aurait pour effet de tirer le film vers le haut et de l'éloigner du fond du récipient ou encore de venir le plaquer contre la bouche d'aspiration. Par ailleurs, elles critiquent le rapport d'expertise privée établi par M. [Y] et produit aux débats par les sociétés défenderesses, lequel nie toute utilisation de la notion de vide dans le procédé revendiqué par le brevet FR' 844, alors même que d'une part, le brevet évoque lui-même l'application d'un vide par le dessous de la barquette, lors de l'étape D, afin de plaquer par dépression le film sur toute la surface supérieure de la barquette, et que d'autre part, il est contraire aux lois de la physique de soutenir que l'aspiration telle que décrite pourrait s'effectuer à l'air libre (en dehors de toute enceinte) car en ce cas "l'aspiration se produirait partout sauf entre le film et l'emballage" puisque par définition, c'est le seul endroit où l'air se confronterait à une résistance à vaincre (la traversée de l'emballage en carton). Il existe ainsi toujours une enceinte plus ou moins hermétique pour créer une aspiration ou un vide. A cet égard, elles soutiennent qu'il résulte des extraits de la vidéo annexée au procès-verbal de constat d'essai du 13 novembre 2020, mis en oeuvre par la société CELLULOPACK, que lors de l'application du vide, l'emballage est positionné dans un caisson sensiblement hermétique qui est défini par le caisson à vide, la plaque contenant les alvéoles, dans lesquelles sont disposées les barquettes, le cadre à travers lequel est tendu le film, qui vient s'abaisser pour se positionner contre la périphérie de la plaque à alvéoles pour les fermer hermétiquement par l'apposition du film au dessus de celles-ci. En outre, elles font valoir que les barquettes doivent nécessairement être disposées dans un support, qui peut porter le nom de moule, alvéole ou nid, puisqu'il est important qu'elles ne se déforment pas sous l'effet de l'aspiration appliquée par le dessous. Et enfin, elles rappellent qu'en tout état de cause, les termes mêmes du brevet FR' 844 n'excluent pas que l'homme du métier puisse avoir recours à une machine traditionnelle à vide, puisqu'il lui laisse la liberté d'user de tout moyen approprié pour qu'il soit procédé à l'aspiration par le dessous de la barquette. Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST indiquent en premier lieu que les sociétés défenderesses tentent de faire valoir la théorie du "file wrapper estoppel" en pointant du doigt les échanges qui ont eu lieu entre la société CELLULOPACK et l'OEB dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet EP' 623, alors qu'il est constamment jugé par les juridictions françaises que la procédure suivie devant les offices est inopérante dans le cadre du débat judiciaire en contrefaçon de brevet, de sorte que toute modification de revendication opérée dans le cadre des procédures d'examen ou d'opposition devant un office n'implique en rien un quelconque aveu de nullité du titre de la part du titulaire. Selon elles, si le juge judiciaire est amené à examiner des questions de portée et de validité d'un brevet, qui auraient déjà été débattues au cours de procédures d'examen ou d'opposition devant les offices, son pouvoir d'appréciation reste limité, la prise en compte des positions défendues au cours de la procédure devant les offices n'étant qu'optionnelle et lesdites positions ne pouvant constituer que de simples éléments factuels, qui ne lient pas le juge. De plus, le juge n'est susceptible d'en tirer les conséquences que sur le seul sujet de la portée du brevet en cause. En tout état de cause, elles indiquent que le document BOWDEN était cité dans le rapport de recherche préliminaire de la demande de brevet FR' 844 et que l'INPI a délivré le brevet au regard de ce document. Elles précisent que dans l'opinion écrite jointe au rapport de recherche, l'INPI avait cru déceler la caractéristique D de son brevet dans le document BOWDEN au seul motif qu'il aurait divulgué "une aspiration pour thermosceller le film sur la surface de l'emballage". Or, cette caractéristique n'est pas une "aspiration" quelconque, mais une aspiration qui s'opère par le dessous du récipient. C'est ainsi qu'à la suite de la réponse apportée par la société CELLULOPACK sur ce point, l'INPI a finalement délivré le brevet litigieux. Elles ajoutent que le rapport de recherche européen a présenté les mêmes lacunes que celui rendu par l'INPI ; que c'est pour ce motif qu'après avoir apporté une réponse à l'OEB sur le document BOWDEN, l'examinateur a poursuivi son analyse en se fondant sur d'autres antériorités. Elles rappellent que la demande de brevet européen de la société CELLULOPACK n'a pas été rejetée par l'OEB mais qu'elle a, de son propre chef, abandonné cette demande avant sa délivrance, du fait du marché essentiellement français auquel elle se destinait. En second lieu, s'agissant du document BOWDEN, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent qu'il ne divulgue pas la caractéristique D du brevet FR' 844, ni, de manière certaine, sa caractéristique A. Selon elles, le document BOWDEN décrit un mode de réalisation utilisant une technique de filmage sous vide ("vacuum forming filming technique"), permettant au film d'être tiré efficacement sur la surface du récipient. Techniquement, "un conteneur est placé dans un nid qui est un réceptacle conforme aux contours des surfaces externes, et les trous de vide à l'intérieur du nid sont nombreux et répartis de manière à faciliter le mouvement du film dans la partie la plus profonde du récipient". Le document évoque ensuite une machine de formage sous vide devant être utilisée, sans apporter toutefois plus de détails. Elles en déduisent que l'homme du métier comprendra dès lors que la machine à laquelle il est fait référence est une machine traditionnelle de formage sous vide, comprenant une enceinte hermétique et fermée, dans laquelle un vide est créé afin d'éliminer l'air de façon générale dans l'enceinte. Or, selon elles, cette technique ne divulgue en rien la technique d'aspiration par le dessous de l'emballage revendiquée dans la caractéristique D de la revendication 1 du brevet FR' 844, laquelle ne se réfère pas simplement à un phénomène physique de cheminement de l'air, qui peut survenir en toutes occasions, mais à une technique d'aspiration de l'air par le dessous de l'emballage, faisant l'économie de l'usage d'une enceinte hermétique. A cet égard, elles critiquent les conditions dans lesquelles le rapport d'expertise privé, produit par la société PACKBENEFIT, a été réalisé à sa demande, les questions posées à M. [O] présentant de façon volontairement erronée la caractéristique D de la revendication 1 du brevet FR' 844 (notamment par l'usage de la notion d'"aspiration au travers du récipient" à la place de "par le dessous de l'emballage"). Elles considèrent cependant que l'expert n'a fait que confirmer le fait que le document BOWDEN ne divulgue pas une technique d'aspiration par le dessous, mais bien une technique de vide réalisée à l'intérieur d'une enceinte hermétique fermée dans laquelle se trouvent l'emballage et le film. Et elles précisent que si l'expert a volontairement placé sur son schéma les orifices d'aspiration de l'air en bas de l'enceinte, afin de la rapprocher au plus près du brevet FR' 844, ceux-ci pourraient être disposés, en l'absence de précision sur ce point dans le document BOWDEN, à n'importe quel endroit sur le pourtour de l'enceinte. Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK produisent également un rapport établi par un expert privé, M. [Y], écartant toute identité entre les deux techniques d'application du film en litige. Concernant la caractéristique A de la revendication 1 du brevet FR' 844, laquelle divulgue l'utilisation d'un emballage compostable en matériau perméable à l'air, elles considèrent qu'elle n'est pas nécessairement antériorisée par le document BOWDEN, dès lors qu'il enseigne l'usage d'un récipient en amidon pré-gélatinisé dont rien n'indique que son éventuelle perméabilité à l'air serait suffisante pour permettre une aspiration efficace par le dessous et uniquement par le dessous de celui-ci. L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Le brevet est déclaré nul par décision de justice ; a) si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L.611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 (...) ». Aux termes de l'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle : « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (...)». Il est constamment jugé que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique (Cass. com., 12 mars 1996, no 94-15283). La prise en compte des éléments de la procédure de délivrance du brevet EP' 623 Il est relevé en premier lieu que les sociétés défenderesses ne sollicitent pas qu'il soit fait application de la théorie développée aux Etats-Unis, dite du "file wrapper estoppel", qui développe l'idée qu'un brevet ne peut couvrir, en application de la théorie des équivalents, ce à quoi il a été renoncé au cours de la procédure de délivrance. En revanche, il est vrai qu'elles incitent le tribunal à considérer que la société CELLULOPACK a admis la nullité de la revendication 1 du brevet FR' 844 en plaçant l'intégralité de son contenu dans le préambule de la revendication 1 de son extension européenne (EP' 623), partie non caractérisante de ladite revendication. Or, la modification du libellé des revendications, par le déposant, au cours de la procédure de délivrance du brevet, en considération des remarques émises dans le cadre des rapports de recherche et observations des offices, ne peut être considérée comme un acquiescement aux objections soulevées par l'examinateur ou un aveu par le déposant de la nullité de son titre. Les positions défendues au cours de la procédure devant les offices ne peuvent constituer que de simples éléments factuels, à considérer parmi d'autres, ne liant pas le juge. Le document BOWDEN Le document BOWDEN est une demande internationale de brevet publiée le 31 mai 2007 sous le numéro WO 2007/062265 A2, ayant pour titre "Procédé pour filmer des récipients biodégradables ou compostables". Dans le résumé de l'invention, il est précisé qu'elle propose des procédés améliorés pour filmer des conteneurs biodégradables ou compostables convenant pour contenir des boissons ou des aliments chauds (page 5 paragraphe 2). Précisément, il s'agit d'un procédé pour filmer un récipient biodégradable, comprenant : (a) la fourniture d'un récipient biodégradable chauffé, dans lequel la température du récipient est approximativement la température de fusion d'un film biodégradable ; (b) chauffer le film biodégradable; et (c) appliquer le film biodégradable chauffé à la surface du récipient. Il convient de préciser à titre liminaire que si le brevet FR' 844 n'intègre pas dans ses revendications le chauffage de l'emballage, en parallèle de celui du film, comme c'est le cas du document BOWDEN, il en est néanmoins fait état, notamment en page 12 ("De manière avantageuse, la barquette est aussi chauffée, et via une aspiration le film est thermoscellé au matériau de la barquette"). Ainsi, si cette étape du procédé enseigné par le document BOWDEN peut à première vue constituer une différence marquante avec le procédé enseigné par le brevet FR' 488, il n'en est rien, ce dernier document n'excluant pas, au contraire, le recours au chauffage du récipient. Par ailleurs, il n'est pas contesté par les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST que ce document fait partie de l'état de la technique, ni au surplus qu'il divulgue les caractéristiques B, C et E du brevet FR' 844. Il est en effet relevé que le procédé enseigné par le document BOWDEN prévoit, dans l'un de ses modes de réalisation, l'application d'un film au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, notamment un film Ecoflex 1340, résine polyester compostable ("dans certains cas, il est utilisé un film moulé par soufflage à partir d'une résine produite par BASF (Allemagne), comme l'Ecoflex 1340, laquelle est biodégradable et peut être compostable dans une application commerciale"). Et il précise que les films fabriqués à partir de cette résine à base de polyester ont une grande tolérance à la chaleur avec des températures de fusion allant de 145 o à 170 o, ce qui correspond en partie à la plage de température revendiquée au point B de la revendication 1 du brevet FR' 844. Il résulte également du "Manuel des polymères biodégradables" de Bastioli que l'Ecoflex présente une contrainte de traction à rupture égale à 25 Mpa et un allongement en traction à rupture égal à 500 %, ces valeurs étant également comprises dans les plages revendiquées au point B de la revendication 1 du brevet FR' 844. Il résulte également du document BOWDEN que le film est chauffé en surface à une température de 145 à 160 o C en 15 secondes, autrement dit, comme l'indique le point C de la revendication 1 du brevet FR' 844, à une température partiellement comprise entre 80 et 150 oC, et au moins égale à la température de fusion du film (à tout le moins lorsque celle-ci est donc limitée à 160 oC). En outre, le document BOWDEN prévoit que le film et le contenant refroidissent à une température inférieure au point de fusion. Il s'en déduit logiquement que ce refroidissement intervient lorsque le film s'est figé dans sa configuration soudée à l'emballage. Il divulgue ainsi le point E de la revendication 1 du brevet FR' 844 enseignant que la dernière étape du procédé consiste dans le refroidissement de l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé. Concernant les caractéristiques de l'emballage, le point A de la revendication 1 du brevet FR' 488 enseigne qu'il est compostable et dans un matériau perméable à l'air. Il est toutefois observé qu'aucun degré de perméabilité n'est précisé. Si les sociétés demanderesses font valoir qu'il se déduit des termes du brevet que la perméabilité du récipient doit être suffisamment élevée pour permettre une aspiration efficace du film par le dessous, force est de constater que le degré de perméabilité de la barquette dépend également de la puissance de l'aspiration qui sera exercée. Le document BOWDEN précise à ce sujet que dans un mode de réalisation, précisément lorsqu'est utilisé un système d'aspiration pour mettre en forme le film autour de l'article moulé, le fait d'augmenter la teneur en farine/fibre de bois et/ou pâte de à papier (matériaux constitués de cellulose, particulièrement perméable à l'air) à 30 %, 40 % ou 50 % en poids du mélange final, peut faciliter le processus de mise sous vide. Ce document divulgue ainsi le point A de la revendication 1 du brevet FR' 844 en enseignant un mode de réalisation dans lequel la composition de l'emballage présente une certaine perméabilité à l'air, de nature à en faciliter l'aspiration. S'agissant du point D de la revendication 1 du brevet FR' 844, il est constaté qu'il enseigne l'application d'une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau, sans toutefois préciser selon quel procédé cette aspiration doit être opérée. Il est ainsi indiqué en page 12 du brevet que "l'aspiration par le dessous peut être appliquée par tout moyen approprié" et ajouté qu' "il est dans les compétences de l'homme du métier d'adapter une chaîne de pelliculage à cette fin". Le document BOWDEN prévoit parmi plusieurs applications du film sur la barquette, le recours à la technique de filmage sous vide, sans qu'aucune figure ne vienne toutefois en préciser le fonctionnement. Dans le premier exemple fourni, "le récipient est transféré dans le nid de la machine à vide et le porte film est fermé sur le récipient (...) Un vide est appliqué et le film ramolli est aspiré dans le récipient " (page 72). Il résulte du rapport de M. [O] que, dans la technique de formage sous vide mentionnée dans le document BOWDEN, l'air passe nécessairement au travers du récipient à filmer pour tirer le film à l'intérieur du récipient. En effet, les trous présents dans le réceptacle ne peuvent permettre de tirer le film au fond du récipient que si précisément l'air passe au travers du récipient. De même, la prévision d'une modification du matériau du récipient, afin de le rendre plus perméable et de faciliter sa mise sous vide, implique nécessairement un tel passage. Il en conclut que le document BOWDEN "évoque donc clairement le principe d'une aspiration au travers de la matière du récipient". Et il ajoute que toute autre aspiration, notamment en utilisant un vide d'air autour du récipient, serait d'une moindre efficacité et ne permettrait pas aisément d'éviter les plis préjudiciables aux emballages destinés à l'agro-alimentaire. Il est également relevé que c'est de manière artificielle que les sociétés demanderesses, en s'appuyant sur le rapport de M. [Y], soutiennent que leur procédé ne fait pas appel au vide mais à un transfert de l'air par aspiration par le dessous de la barquette, alors même que le vide est couramment appliqué au moyen d'une aspiration. Ici, un vide est généré entre le film et le récipient, la surface extérieure du film se trouvant alors seule exposée à la pression de l'air. Cela est confirmé par la description même du brevet FR' 844 ("Enfin, lors de l'étape D, un vide est appliqué (flèches en pointillé) par le dessous de la barquette (...)" page 15, lignes 31-32) Par ailleurs, ainsi que le figure M. [O] dans son schéma (ci-dessus représenté), qui propose une représentation de la machine à vide décrite dans le document BOWDEN, l'air est nécessairement aspiré par le bas de la machine, soit par le dessous de la barquette, afin de permettre au film de se thermosceller au fond de l'emballage. Toute autre disposition des bouches d'aspiration aurait pour effet de conduire le film à venir se plaquer contre celles-ci, et non contre le récipient. Il résulte de ces éléments que le document BOWDEN et le brevet FR' 844 présentent un fonctionnement similaire d'aspiration de l'air s'opérant nécessairement par le dessous de la barquette. Pour autant, elles mettent en oeuvre des procédés qui diffèrent dans leur agencement, le document BOWDEN prévoyant, dans l'hypothèse de l'application d'un film non liquide (c'est le cas en l'espèce) l'introduction de l'emballage dans une machine à vide, ce qui n'est pas le cas du brevet FR' 844. Ce document BOWDEN ne peut dès lors être regardé comme privant de nouveauté la revendication 1 du brevet FR' 844, non plus que les revendications dépendantes suivantes. D - Le grief du défaut d'activité inventive L'article L611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu' "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive." Pour apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l'état de la technique, l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier. Le document BOWDEN combiné aux connaissances générales de l'homme du métier La revendication 1 La société PACKBENEFIT soutient que si le tribunal venait à considérer que l'invention ne se trouve pas toute entière dans l'antériorité BOWDEN, en raison des procédés de filmage différents qu'elles décrivent, il devra retenir que l'homme du métier aurait été incité à utiliser une aspiration par le dessous, indépendamment de toute enceinte fermée, car il s'agit d'aspirer le film vers le fond de l'emballage. En l'espèce, l'état de la technique le plus proche est constitué par le document BOWDEN, qui relève du même domaine technique que le brevet FR' 844 et vise à répondre au même besoin, celui de permettre le filmage d'un emballage alimentaire compostable de manière à le rendre étanche et résistant aux températures élevées. Il a par ailleurs été démontré précédemment qu'il divulgue les caractéristiques A, B, C et E du brevet FR' 844 et qu'il présente un fonctionnement similaire à celui enseigné par le brevet FR' 844. Il convient dès lors de déterminer si, en faisant usage de ses seules connaissances générales, l'homme du métier aurait été en capacité de mettre au point un procédé de thermoformage, sans avoir recours à une machine à vide. Souhaitant mettre en oeuvre un procédé plus économique, l'homme du métier, en partant du document BOWDEN, aurait nécessairement été incité d'une part, à maintenir le principe de l'application d'une aspiration de l'air contenu entre le film et le récipient, et ce par le dessous de la barquette, afin de permettre au film d'être aspiré au fond de l'emballage, et d'autre part, à écarter le recours à une machine à vide hermétiquement fermée, dès lors qu'il résulte de ses connaissances générales que l'application du film au dessus de la barquette suffit à créer, entre le film et le récipient, un espace qui sera quasiment hermétiquement fermé, à tout le moins suffisamment pour qu'une différence de pression existe entre l'air qui se situe au dessus du film et celui qui se situe entre le film et le récipient, de sorte que par l'application d'une aspiration par le dessous de la barquette, une dépression s'opérera nécessairement entre le film et ladite barquette. Il s'en évince que la revendication 1 du brevet FR' 844 est nulle pour défaut d'activité inventive. La revendication 2 Pour rappel, la revendication 2 est ainsi libellée : " Procédé selon la revendication 1 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable à l'air est en cellulose compressée ". En l'espèce, il est relevé que le document BOWDEN divulgue un récipient qui, dans un mode de réalisation, est fabriqué à partir d'un mélange d'amidon et de papier, dans lequel "la solution d'amidon et de papier prégélifiée est produite à partir d'environ 50, 60, 75, 85 ou 90 % de pâte de cellulose vierge (en poids du pré-gel) et environ 5 à 15 %, de préférence 10 %, de pomme de terre à chair ferme ou d'un autre amidon naturel (comme l'amidon de maïs), et environ 5 à 90 % d'eau (en poids du pré-gel)(...)". Il enseigne ainsi que le récipient peut être fabriqué à partir de cellulose jusqu'à 90 %. Par ailleurs, la description du brevet FR' 844 indique que les "barquettes en cellulose compressée sont bien connues de l'homme du métier et elles peuvent être soit fabriquées par des techniques connues soit achetées dans le commerce " (page 5, lignes 16-119). Il est ainsi admis que, sans aucune activité inventive, l'homme du métier qui souhaiterait faire usage d'une barquette particulièrement perméable à l'air, pourrait avoir recours à une barquette en cellulose compressée. La revendication 2 est donc nulle. La revendication 3 Pour rappel, la revendication 3 est ainsi libellée : " Procédé selon la revendication 2 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable est de type barquette munie d'un fond, de parois latérales et éventuellement d'un rebord destiné au scellage d'un éventuel opercule ". Le document BOWDEN énumère divers récipients, notamment des barquettes, présentant incontestablement un fond et des parois latérales. Par ailleurs, ainsi que le soulignent les sociétés défenderesses, la présence d'un rebord destiné au scellage d'un opercule n'étant enseignée par la revendication 3 que de manière optionnelle, celle-ci souffre d'un défaut d'activité inventive. La revendication3 est donc nulle. Les revendications 4, 5 et 6 Pour rappel, les revendications 4, 5 et 6 sont ainsi libellées : " 4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3 dans lequel la température de fusion du film en polyester compostable est comprise entre 75 et 150o C, plus particulièrement entre 80 et 140o, plus particulièrement encore entre 85 et 130oC , plus particulièrement encore aux environs de 120o C 5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4 dans lequel le film compostable en polyester présente une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa, particulièrement entre 15 et 25 MPa ; plus particulièrement entre 20 et 25 MPa. 6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5 dans lequel le film compostable en polyester présente ainsi un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, plus particulièrement compris entre 300 et 500 %, plus particulièrement entre 350 et 400 et plus particulièrement encore aux environs de 350 ". Ces revendications, qui présentent des plages de valeurs des paramètres du film plus limitées que celles figurant dans la revendication 1, n'ont pas pour effet d'en étendre la portée. Elles sont donc également nulles. La revendication 7 Pour rappel, la revendication 7 est ainsi libellée : " Procédé selon l'une des revendications 1 à 6 dans lequel le film en polyester compostable est imperméable à l'eau et aux huiles ". Le document BOWDEN, dont l'objet est de rendre l'emballage apte à contenir des boissons ou denrées alimentaires, divulgue un tel film, de sorte que la revendication 7 est également nulle. La revendication 11 Pour rappel, la revendication 11 est ainsi libellée : " Emballage susceptible d'être obtenu par un procédé selon l'une des revendications précédentes ". Dès lors qu'il est considéré que le procédé selon la revendication 1 n'est le fruit d'aucune activité inventive, au regard du document BOWDEN combiné avec les connaissances générales de l'homme du métier, l'emballage susceptible d'être produit au moyen de ce procédé ne l'est pas davantage. La revendication 11 est donc nulle. La revendication 12 Pour rappel, la revendication 12 est ainsi libellée : " Emballage selon la revendication 11 comprenant un fond, des parois latérales et un rebord périphérique, contenant un produit alimentaire et operculé par un film protecteur thermoscellé au niveau du rebord périphérique ". Le procédé de l'operculage, qui consiste à recouvrir l'ouverture d'un contenant au moyen d'un film, afin d'en assurer la fermeture, faisait d'ores et déjà partie des connaissances générales de l'homme du métier lors du dépôt de la demande de brevet EP' 488, de même que les différentes techniques de thermoscellage. Il est d'ailleurs indiqué dans le document BOWDEN qu'il est possible de fabriquer divers articles, notamment des barquettes de cuisson et plateaux repas micro-ondables. Or, ceux-ci sont généralement munis d'un opercule thermoscellé au niveau du rebord situé en périphérie des parois latérales de la barquettes. En combinant le document BOWDEN à ses connaissances générales, l'homme du métier pouvait ainsi, sans faire preuve d'activité inventive, parvenir au résultat divulgué par la revendication 12. Celle-ci est donc nulle. La revendication 13 Pour rappel, la revendication 13 est ainsi libellée : " Utilisation d'un emballage selon la revendication 11, pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective ". Dès lors qu'il a été démontré que le document BOWDEN divulguait un procédé de fabrication d'emballages, dont la composition du film et du récipient antériorisait celle enseignée par le brevet FR' 844, il s'en déduit nécessairement que les dit emballages présentaient déjà, au moins dans l'un des modes de réalisation de l'invention, des aptitudes pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective, telles que revendiquées par la revendication 13. Celle-ci est donc également nulle. Il résulte des éléments qui précèdent que l'ensemble des revendications du brevet FR' 844, opposées aux sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK sont déclarées nulles pour défaut d'activité inventive. En conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner l'action en contrefaçon poursuivie par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, pas plus que les demandes préalables de nullité des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 juillet 2019, y compris les procès-verbaux de saisie et leurs annexes, outres les rapports d'analyse et d'essai consécutifs sur les barquettes saisies, ainsi que des rapports d'essai sur les barquettes saisies le 21 octobre 2020 du laboratoire CTCPA et le procès-verbal de constat dressé dans les locaux de la société CELLULOPACK . V - La demande reconventionnelle en procédure abusive La société PACKBENEFIT soutient que, n'ignorant pourtant pas que les revendications du brevet FR' 844 sont nulles, au regard du déroulement de la procédure de dépôt de la demande de brevet EP' 623 à l'OEB, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ont instrumentalisé la justice en détournant la procédure de contrefaçon de brevet pour laisser planer un doute, à l'égard de la clientèle, sur la licéité de ses produits, ainsi que pour la contraindre à révéler ses secrets de fabrication en vue d'assurer sa défense. La société RESCASET CONCEPT fait quant à elle valoir que la société CELLULOPACK a fait procéder à des opérations de saisies-contrefaçon abusives, ayant pour seul objectif que de jeter le discrédit sur elle, sur le long terme, auprès de la Ville de [Localité 9]. Elle expose qu'elle a en effet choisi de solliciter l'autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, non pas au sein de ses locaux, pourtant situés sur le territoire français, mais auprès de la Ville de [Localité 9], sa cliente, en sachant pourtant que cela ne lui permettrait pas de recueillir davantage d'éléments de preuves relatifs au procédé de fabrication mis en oeuvre, à l'origine de la contrefaçon ou à ses données comptables. Elle ajoute qu'elle n'a pas hésité non plus, quelques mois après la réalisation des premières opérations de saisie-contrefaçon, de demander à être autorisée à faire procéder à une seconde mesure de saisie-contrefaçon auprès de la même cliente, ce qui a nécessairement généré chez celle-ci des suspicions de contrefaçon. Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK s'opposent à ces demandes. Elles soutiennent en effet qu'aucune faute constitutive d'un abus de droit d'agir ne peut leur être imputée s'agissant des opérations de saisie-contrefaçon réalisées à [Localité 9] ou de l'introduction de la présente action en contrefaçon du brevet FR' 844, lequel jouit d'une présomption de validité. Par ailleurs, les sociétés défenderesses ne démontrent selon elles aucune intention de nuire ou manoeuvre déloyale de leur part, pas plus qu'elles ne justifient avoir subi un préjudice spécifique. Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il est constamment jugé que l'article 32-1 du code de procédure civile ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt au prononcé d'une amende civile à l'encontre de l'adversaire. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Les saisies-contrefaçon, qui permettent au titulaire d'un droit de faire procéder à des mesures d'investigation dans des locaux privés ou administratifs, aux fins d'obtenir la preuve d'actes délictueux allégués, constituent des mesures exorbitantes, de sorte qu'il ne peut y être abusivement procédé. En premier lieu, l'introduction de la présente action en contrefaçon du brevet EP' 488 ne peut être considérée comme abusive au motif que les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ne pouvaient ignorer que la validité de leur brevet était incertaine au regard du déroulement de la procédure de dépôt de la demande de brevet EP' 623 à l'OEB, le brevet FR' 844 dont elles sont titulaires bénéficiant d'une présomption de validité, tandis que le juge n'est pas lié par les remarques émises dans le cadre des rapports de recherche et observations des offices. En second lieu, la société CELLULOPACK a été autorisée à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon : - dans un premier temps, à l'Unité centrale de production de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9] et à la Direction des finances de la ville de [Localité 9] ; - dans un second temps, dans les locaux de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9]. Or, s'il est vrai que la société CELLULOPACK ne démontre pas qu'elle était plus susceptible d'obtenir, dans les locaux de la ville de [Localité 9], plutôt que dans les locaux de la société RESCASET CONCEPT, des éléments de preuve des faits de contrefaçon allégués ou tout autre élément de nature comptable, il n'en reste pas moins que cette dernière ne justifie pas avoir subi un préjudice particulier résultant de l'exécution de ces mesures de saisie-contrefaçon, notamment une dégradation de ses relations commerciales avec la ville de [Localité 9]. Par conséquent, il convient de débouter les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT de leur demande reconventionnelle. VI - Les demandes accessoires Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, parties succombantes, sont condamnées in solidum aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société PACKBENEFIT la somme de 40 000 euros et à la société RESCASET CONCEPT la somme de 60 000 euros. Compte tenu de la nature et de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription au Registre national des brevets de l'annulation des revendications 1 à 7 et 11 à 13 brevet FR' 844. PAR CES MOTIFS Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe, Déclare la société NUTRIPACK irrecevable à agir en contrefaçon du brevet français FR 3 024 844 ; Déboute les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK de leur demande tendant au rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT ; Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet français FR 3 024 844 dont sont titulaires les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ; Dit que la présente décision, une fois définitive, sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Déboute les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ; Condamne in solidum les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST à payer à la société PACKBENEFIT la somme de 40 000 euros et à la société RESCASET CONCEPT la somme de 60 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO et de Maître Anne-Charlotte LE BIHAN ; Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription au Registre national des brevets de l'annulation des revendications 1 à 7 et 11 à 13 brevet FR 3 024 844. Fait et jugé à Paris le 21 juillet 2022 LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/01620 - No Portalis 352J-W-B7E-CRVRI No MINUTE : Assignation du : 12 Février 2020 rendu le 07 Juin 2022 DEMANDERESSE S.A. ETAM LINGERIE [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSE S.A.S.U. COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE - CIVAD [Adresse 1] [Localité 6] représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #B0515 et par Maître Thomas DESCHRYVER den la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, avocat au barreau de LILLE COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 07 Avril 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La SA ETAM LINGERIE a pour activité la commercialisation d'articles de lingerie et de tenues d'intérieur en boutiques et sur le site internet < www.etam.com>. La SAS CIVAD (« COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE »), au nom commercial BLANCHEPORTE, exerce une activité de vente à distance d'articles d'habillement et de linge de maison sur son catalogue et sur son site internet <www.blancheporte.fr>. Ayant découvert en octobre 2019, la commercialisation sur le site internet <www.blancheporte.fr> d'une collection de sous-vêtements, composée de quatre articles, confectionnée avec une dentelle dont elle estime qu'elle reproduit la dentelle ICONE sur laquelle elle revendique des droits d'auteur, la SA ETAM LINGERIE a procédé à : - un achat simple de plusieurs articles de lingerie sur le site internet <www.blancheporte.fr> le 31 octobre 2019 ; - un constat d'achat sur ce site internet dont le procès-verbal a été dressé le 14 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4] ; - un constat de réception dudit achat dont le procès-verbal a été dressé le 22 novembre 2019 par Maître [W] [C]. Puis, autorisée par ordonnance sur requête du 6 janvier 2020, la SA ETAM LINGERIE a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège social de la SAS CIVAD sis à [Localité 6] dont le procès-verbal a été dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5]. C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 12 février 2020, la SA ETAM LINGERIE a fait assigner la SAS CIVAD devant le tribunal judiciaire de PARIS en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire. Par ordonnance sur incident du 6 novembre 2020, le juge de la mise en état a débouté la SAS CIVAD de sa demande tendant à voir déclarer la SA ETAM LINGERIE irrecevable en son action en contrefaçon de droits d'auteur, condamné la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné la SAS CIVAD aux dépens de l'incident. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, la SA ETAM LINGERIE demande au tribunal de : « Vu le livre I du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, Vu l'article L. 122-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle, Vu l'article L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 1240 du code civil, A titre principal, - Dire la société ETAM LINGERIE recevable et bien fondée en ses demandes ; - Dire que la société ETAM LINGERIE est titulaire des droits d'auteur sur la dentelle ICONE, qui bénéficie de la protection conférée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle ; - Dire que la société CIVAD, en important, en exportant, en offrant à la vente et en vendant les produits litigieux : - Shorty dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.198) - Culotte midi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.199) - Culotte maxi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.200) - Culotte tanga dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.201) reproduisant servilement la dentelle ICONE de la société ETAM LINGERIE, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de ladite dentelle ; - Dire que la société CIVAD s'est également rendue coupable d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société ETAM LINGERIE ; En conséquence, - Interdire à la société CIVAD l'importation, l'exportation, la fabrication, la commercialisation, l'offre à la vente et la vente des produits litigieux visés ci-dessus ainsi que tout autre produit reproduisant la dentelle ICONE de la société ETAM LINGERIE, quelle que soit la référence sous laquelle il serait commercialisé et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal de céans restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte; - Ordonner à la société CIVAD de procéder au retrait des produits litigieux visés ci-dessus des circuits commerciaux puis à la remise à leur frais desdits produits à la société ETAM LINGERIE sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au-delà d'un délai d'un mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme globale de 100.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de sa dentelle ICONE ; - Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme de 60.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ; A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le caractère protégeable de la dentelle ICONE ne serait pas retenu : - Dire que la société CIVAD s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société ETAM LINGERIE en reprenant des éléments graphiques clairement empruntés aux créations de la société ETAM LINGERIE et en confectionnant grâce à ces différents emprunts des produits de lingerie de surcroît très similaires à ceux de la marque ETAM. En conséquence, - Interdire à la société CIVAD l'importation, l'exportation, la fabrication, la commercialisation, l'offre à la vente et la vente des produits litigieux et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal de céans restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ; - Ordonner à la société CIVAD de procéder au retrait des produits litigieux visés ci-dessus des circuits commerciaux puis à la remise à leur frais desdits produits à la société ETAM LINGERIE sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au-delà d'un délai d'un mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme de 120.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; En tout état de cause, - Ordonner, à titre de complément de dommages-intérêts, la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques au choix de la société ETAM LINGERIE et aux frais avancés de la société CIVAD, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder, à la charge de la défenderesse, la somme de 6 000 euros hors taxes ; - Condamner la société CIVAD à publier à ses frais, durant une période d'un mois, le dispositif du jugement à intervenir en première page du site internet accessible à l'adresse www.blancheporte.fr dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le public, dans une taille de caractère d'une valeur au moins égale à 12, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours courant à partir de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la société CIVAD à verser à la société ETAM LINGERIE la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire (désormais de droit) du jugement à intervenir dans toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - Condamner la société CIVAD aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'huissiers engagés pour les opérations de constat d'achat et de saisie-contrefaçon, et autoriser la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la SAS CIVAD demande au tribunal de : « Vu les dispositions des articles L. 113-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, Vu les livres I et III du code de la propriété intellectuelle, Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil, Vu les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile, Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, A TITRE PRINCIPAL, Sur les prétendus actes de contrefaçon : - DIRE que la dentelle dénommée ICONE évoquée par la société ETAM LINGERIE au soutien de son action n'est pas originale et dès lors non protégeable au titre du droit d'auteur ; - DIRE que les modèles de culottes commercialisées par la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE ne reproduisent pas la dentelle dénommée ICONE évoquée par la société ETAM LINGERIE au soutien de son action au titre de la contrefaçon ; En conséquence, - REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de la contrefaçon ; Sur les prétendus actes de concurrence déloyale et de parasitisme invoqués à titre subsidiaire : - CONSTATER l'absence de faute de la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE ; En conséquence, - REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de la concurrence déloyale et le parasitisme. Sur les prétendus actes de concurrence déloyale et de parasitisme : - DECLARER IRRECEVABLES les demandes de la société ETAM LINGERIE au titre de la concurrence déloyale et le parasitisme en l'absence de faits distincts. - DIRE qu'il n'existe aucun risque de confusion pour les consommateurs entre les modèles de lingerie commercialisés par la société ETAM LINGERIE et les modèles suivants commercialisés par la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE : o Shorty dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.198) o Culotte midi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.199) o Culotte maxi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.200) o Culotte tanga dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.201). En tout état de cause, - REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de concurrence déloyale et le parasitisme ; A TITRE SUBSIDIAIRE, - CONSTATER que les demandes indemnitaires de la société ETAM LINGERIE ne sont pas justifiées ; - REJETER toutes les demandes indemnitaires de la société ETAM LINGERIE ; EN TOUTE HYPOTHÈSE, - CONDAMNER la société ETAM LINGERIE à payer à la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE à la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - DIRE n'y avoir lieu à publication judiciaire du jugement à intervenir; - DIRE n'y avoir lieu aux injonctions sollicitées par la société ETAM LINGERIE qui sont sans objet ; - DIRE n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir; - CONDAMNER la société ETAM LINGERIE aux entiers frais et dépens d'instance ». La clôture a été prononcée le 28 octobre 2021 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 7 avril 2022. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l'originalité de la dentelle ICONE La SA ETAM LINGERIE expose que l'originalité de la dentelle ICONE réside dans la combinaison de quatre motifs symétriques et géométriques distincts, – en particulier une bande à chevrons et à fleurs, une bande de fleurs ajourées de forme arrondie, une bande en quadrillage droit composée de carrés réguliers qui contraste avec le reste de la dentelle, et une bande de losanges inspirée du motif jacquard et aztèque –, dont les caractéristiques reflètent la personnalité de son auteur qui a procédé à des choix libres et créatifs. En réponse à la défenderesse, elle indique ne pas avoir procédé à une description technique de la dentelle ICONE, mais avoir caractérisé l'effort créatif et les choix arbitraires que révèle la combinaison des motifs susvisés. La SA ETAM LINGERIE conteste également l'appartenance au fonds commun de la dentelle alléguée en défense en ce qu'elle ne revendique pas des droits sur un genre de dentelle, mais sur une combinaison de motifs. Elle ajoute que les antériorités qui lui sont opposées sont inopérantes car l'originalité de la dentelle s'apprécie dans son ensemble et non au regard des motifs pris isolément. La SAS CIVAD soutient que la demanderesse fait une description technique rendant inopérante toute démonstration de l'originalité de la dentelle ICONE dont les motifs, qui sont banals et appartiennent au fonds commun de la dentelle ou de la broderie à motifs géométriques, ne présentent pas un agencement particulier traduisant des choix arbitraires de son auteur. Aux termes de l'article L. 111-1 alinéas 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, ce droit appartient aux auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. L'article L. 112-2, 7o et 14o du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérés comme oeuvres de l'esprit : - les oeuvres de dessin ; - les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l'habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d'ameublement. L'originalité d'une oeuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité. Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'oeuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter la preuve de l'absence d'originalité de l'oeuvre. En l'espèce, la SA ETAM LINGERIE revendique au titre de l'originalité de la dentelle ICONE « la combinaison des quatre motifs symétriques et géométriques distincts suivants : ? Une bande à chevrons et à fleurs : - Un premier chevron plein en point zigzag doublé. - Une seconde ligne en chevron, moins présente, suit ce premier chevron et est constituée d'un enchaînement de ronds pleins en grille. - Un réseau très fin relie ces deux chevrons. - Dans le creux de chaque chevron plein se trouve, de manière symétrique, un point fantaisie constitué d'une fleur. - Cette fleur est toujours située au même endroit, de manière symétrique. Cela peut être, soit en creux du chevron plein, soit en-dessous de son extrémité. - Cette fleur est constituée d'un bouton rond plein, entouré de six pétales également ronds mais ajourés. - Une bande de 0.5 millimètres en point zigzag large doublé vient délimiter cette partie. ? Une bande de fleurs ajourées de forme arrondie. ? Une bande en quadrillage droit (carrés réguliers), qui contraste par rapport au reste de la dentelle : - Cette seconde bande est délimitée par une ligne droite et une ligne en chevron. - La ligne chevron est doublée afin de donner une impression de relief. - La ligne droite arrête le quadrillage par le recours à un point bourdon. - La ligne en chevron est suivie par une fine ligne de mini ronds pleins. - Tout au long de cette bande se trouve des petites croix formées par quatre carrés. - Ces croix sont disposées de manière rectiligne et symétrique tous les cinq carrés. - Le centre de cette croix carrée est soit plein, soit rond, et ce de manière alternée et identique. ? Une bande de losanges, inspirée du motif jacquard et aztèque tout en s'en détachant fortement : - Cette partie est formée par une suite de petits losanges pleins et horizontaux ainsi que d'une bande à double chevron. - La première ligne du chevron se distingue par un fil épais, bordée d'une suite continue de petits ronds ajourés. - Cette première ligne est suivie par une seconde ligne en chevron plein et plat sans aucun relief. - Chaque losange plein se trouve lui-même au centre d'un second losange. - Un réseau très fin de fils relie l'ensemble. L'assiette de l'originalité de cette oeuvre se situe donc dans la combinaison de ces 4 caractéristiques successives, prises ensemble ». Si, comme le souligne très justement la défenderesse, cette description technique de la dentelle ICONE ne permet pas en soi de caractériser l'originalité alléguée, la SA ETAM LINGERIE ajoute que : « - La dentelle ICONE présente de nombreuses caractéristiques qui, combinées selon des espacements et un agencement particuliers, reflètent la personnalité de son auteur qui a clairement procédé à des choix libres et créatifs démontrant ainsi ses capacités créatives. - les stylistes de la société ETAM LINGERIE, tout en s'inspirant de styles de dentelles préexistants, ont cherché à développer des motifs uniques dans une combinaison particulière, personnelle et originale afin de conférer à la dentelle ICONE un caractère très distinctif par rapport aux autres dentelles classiquement utilisées sur le marché de la lingerie en 2014/2015. - Un travail minutieux a donc été mené pour penser cette dentelle dans ses moindres détails, en réalisant de nombreux choix libres et créatifs, tant pour la conception de ses éléments graphiques que pour sa mise au point. - La physionomie particulière de cette dentelle tient à la combinaison et l'agencement des motifs ci-dessous décrits mais également, au fait que les stylistes ont pris le parti d'exploiter certains passages de fils spécifiques plus ou moins épais pour conférer une impression de relief à l'ensemble et contraster avec le fond, ainsi que celui de créer des parties opaques mais aussi transparentes. - En outre, cette dentelle présente une impression d'ensemble très graphique, différente des impressions florales encore très largement rependues lors de sa création. En étant très géométrique, cette dentelle se démarque par sa modernité ». Dès lors, au-delà de la simple description de la dentelle ICONE, la demanderesse liste les caractéristiques dont la combinaison témoigne selon elle de l'effort créatif de son auteur. Il ressort de l'examen du dessin de dentelle ICONE quatre compositions géométriques distinctes, de structures variées, dont l'agencement spécifique et le rythme créent un mouvement sur la longueur du tissu de dentelle. La densité du tissage, propre à chacune des quatre compositions géométriques, crée un jeu de contraste moderne entre transparence et opacité. Sa complexité et sa modernité témoignent de choix esthétiques arbitraires qui lui confèrent une physionomie particulière portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Le dessin de dentelle ICONE présente alors une combinaison qui se détache tant des exemples du fond commun de la dentelle ou de la broderie à motifs géométriques produits par la défenderesse, que de la robe ROBERTO CAVALLI ayant inspiré le body KHOL dont les motifs géométriques et leur agencement diffèrent. Dès lors, le dessin de dentelle ICONE est original et bénéficie de la protection par le droit d'auteur. Sur la contrefaçon de droits d'auteur La SA ETAM LINGERIE expose que les produits litigieux sont composés en partie basse d'une dentelle qui reproduit servilement la combinaison originale de sa dentelle ICONE, à savoir la bande à chevrons et à fleurs, la bande de fleurs ajourées de forme arrondie, la bande en quadrillage droit et la bande de losanges. En réplique, la SAS CIVAD soutient n'avoir repris qu'une partie des éléments de la dentelle ICONE et non le jeu de symétrie ou de miroir. Elle ajoute que la dentelle litigieuse et la dentelle ICONE présentent des différences de motifs, dont la proportion et la combinaison diffèrent également, des différences de reliefs et de contrastes dès lors la densité et la matière des fils utilisés ne sont pas les mêmes, ainsi que des différences de couleurs, de sorte qu'il s'en dégage une impression d'ensemble différente. Selon l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, il ressort de l'examen comparatif du tissu de dentelle ICONE et des articles de lingerie litigieux BLANCHEPORTE versés aux débats que la dentelle composant ces derniers reproduit à l'identique la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE revendiquée par la SA ETAM LINGERIE, en particulier les quatre bandes de compositions géométriques, dont la structure est complexe et moderne, ainsi que leur agencement. Cette reproduction sans autorisation est constitutive d'une contrefaçon de droits d'auteur. La différence de proportion entre les éléments de la dentelle litigieuse et ceux de la dentelle ICONE, ainsi que la différence de densité, d'épaisseur, de matière et de couleur des fils utilisés, invoquées par la défenderesse ne sont pas de nature à écarter la contrefaçon, laquelle s'apprécie par les ressemblances et non par les différences. Dès lors, en important, en offrant à la vente et en commercialisant le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, la SAS CIVAD a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SAS ETAM LINGERIE. Sur la concurrence déloyale et parasitaire La SA ETAM LINGERIE soutient que la SAS CIVAD a commis des actes de concurrence déloyale en ce que les produits litigieux, qui s'inscrivent dans les mêmes couleurs, reprennent à l'identique la ceinture élastique du body KHOL et reproduisent en partie haute la bande de motifs à losanges de la dentelle ICONE, laquelle ajoutée à la reprise de la combinaison de la dentelle ICONE en partie basse, crée un risque de confusion dans l'esprit du public. Elle invoque un effet de gamme par des produits de lingerie très similaires aux siens et estime que les produits litigieux constituent des produits d'appel. Elle ajoute que la défenderesse a également commis des actes de parasitisme en se plaçant dans son sillage afin de bénéficier sans bourse délier de ses importants investissements créatifs et publicitaires pour la gamme de lingerie ICONE. La SAS CIVAD répond que la demanderesse n'invoque pas des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon de la dentelle ICONE et qu'en tout état de cause cette dernière ne caractérise aucune faute ni aucun risque de confusion. Elle fait également valoir sa bonne foi en ce qu'elle s'est contentée de choisir une dentelle proposée par un fournisseur chinois sans identifier spontanément les ressemblances avec les produits commercialisés par la SA ETAM LINGERIE, et souligne avoir immédiatement cessé à titre conservatoire la commercialisation des produits litigieux après la saisie-contrefaçon du 6 janvier 2020. Elle conteste également tout effet de gamme ainsi que la qualification de « produit d'appel » des produits litigieux donnée par la demanderesse. Elle ajoute que la ceinture élastique du body KHOL est banale et que la SA ETAM LINGERIE ne peut se prévaloir d'aucun monopole. Sur le parasitisme allégué, la SAS CIVAD répond que la demanderesse ne rapporte pas la preuve des investissements réalisés dès lors que seule une attestation sur l'honneur de l'un de ses salariés, Monsieur [Y] [X], directeur financier et administratif, est produite et que ces chiffres ne sont corroborés par aucune pièce comptable. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue un acte de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. En l'espèce, la SA ETAM LINGERIE échoue à établir un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre la ceinture élastique des produits litigieux et la ceinture élastique du body KHOL, lequel est lui-même inspiré d'une robe ROBERTO CAVALLI tel qu'il ressort de la fiche technique de ce body produite par la SA ETAM LINGERIE (sa pièce no25). De surcroît, la demanderesse ne démontre pas que la ceinture élastique qu'elle oppose permet à la clientèle d'identifier, à elle seule, le body KHOL et qu'elle constitue une valeur économique individualisée. En outre, aucun risque de confusion dans l'esprit de la clientèle n'est établi entre la partie haute des produits litigieux et la bande de motifs à losanges de la dentelle ICONE, prise isolément, étant par ailleurs observé que la SA ETAM LINGERIE n'est pas fondée à invoquer à nouveau, au titre de la concurrence déloyale, la reprise de la combinaison de la dentelle ICONE, laquelle ne constitue pas des faits distincts de la contrefaçon de droits d'auteur. De même que la demanderesse ne peut revendiquer un monopole ni sur la répétition de motifs, laquelle est courante pour constituer un tissu de dentelle, ni sur les couleurs blanche, noire, poudrée, bleu et les couleurs vives, lesquelles ne sont pas appropriables. De plus, l'effet de gamme invoqué par la SA ETAM LINGERIE ne peut résulter de la commercialisation d'une même gamme de produits, dont aucun risque de confusion dans l'esprit de la clientèle n'est de surcroît établi. Par ailleurs, la SA ETAM LINGERIE, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, ne démontre pas que les produits litigieux constituent des produits d'appel. Il s'ensuit que la concurrence déloyale alléguée n'est pas caractérisée. Quant au parasitisme allégué, le moyen de la SA ETAM LINGERIE tiré de ce que la défenderesse s'est inscrite dans son sillage afin de profiter sans bourse délier de ses investissements créatifs et publicitaires pour la gamme de lingerie ICONE ne constitue pas des faits distincts de ceux déjà invoqués au soutien de sa demande indemnitaire au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, pour laquelle seront notamment prises en considération les économies d'investissements réalisées par la défenderesse en application de l'article L. 331-1-3, alinéa 1, 3o du code de la propriété intellectuelle. A cet égard, la SA ETAM LINGERIE ne peut solliciter deux fois l'indemnisation d'un même préjudice. En conséquence, au regard de tout ce qui précède, la SA ETAM LINGERIE sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire. Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon La SA ETAM LINGERIE sollicite le paiement de la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article L. 331-1-3 du code de propriété intellectuelle. A ce titre, elle fait valoir la banalisation et la dévalorisation de sa dentelle ICONE, le succès de sa gamme ICONE qui a été commercialisée en janvier 2015 et qui a été reconduite chaque saison jusqu'en 2020, générant plus de 130 millions d'euros de chiffres d'affaires, l'atteinte portée aux investissements créatifs et publicitaires importants qu'elle a exposés pour la gamme ICONE, son manque à gagner et le chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse. Elle sollicite également des mesures d'interdiction, de retrait des circuits commerciaux, de remise des produits litigieux et de publication. La SAS CIVAD, qui conteste le chiffrage réalisé par la SA ETAM LINGERIE, sollicite le rejet de ces demandes. L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. Aux termes de l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publication du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par des extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit. En l'espèce, aux termes de l'attestation de Madame [Z] [O], responsable juridique de la SAS CIVAD, en date du 3 mars 2021, jointe à l'attestation du commissaire aux comptes de la SAS CIVAD du 4 mars 2021 (pièce CIVAD no59) : « les ventes de produits référencés 700 198, 700 199, 700 200, 700 201, argués de contrefaçon, réalisées par Blancheporte entre le 26/06/2019 et le 16/01/2020 s'élèvent à 3.151 produits (lot de 2 articles chacun), avec lesquelles a été réalisé un chiffre d'affaires HT de 28.628, 17 euros ». A cet égard, il ressort des deux bons de livraisons des 31 octobre et 18 novembre 2019 (pièces ETAM no18 et 21) que chaque produit litigieux est composé de deux articles, ce que confirme l'attestation susvisée par la mention « 3.151 produits (lot de 2 articles chacun) ». Il s'ensuit une vente de 6.302 articles contrefaisants sur la période du 25 juin 2019 au 16 janvier 2020 pour un chiffre d'affaires HT de 28.628,17 euros. La SAS CIVAD indique dans ses conclusions avoir réalisé une marge brute de 23.000 euros. La SA ETAM LINGERIE indique quant à elle réaliser une marge brute moyenne de 79,84 % sur les articles de lingerie de la gamme ICONE. Les parties s'adressant au moins en partie à un même public féminin, la SA ETAM LINGERIE a nécessairement subi un manque à gagner résultant de la commercialisation par la SAS CIVAD d'articles de lingerie dont la dentelle reproduit en partie basse la combinaison originale de la dentelle ICONE. Si la SA ETAM LINGERIE indique dans ses conclusions avoir réalisé les chiffres d'affaires suivants avec la gamme de lingerie ICONE : ? la somme de 3.945.336 euros HT au titre de l'année 2015, soit 1 % du chiffre d'affaires global ; ? la somme de 39.963.141 euros HT au titre de l'année 2016, soit 9 % du chiffre d'affaires global ; ? la somme de 46.242.170 euros HT au titre de l'année 2017, soit 10 % du chiffre d'affaires global ; ? la somme de 44.104.124 euros HT au titre de l'année 2018, soit 8 % du chiffre d'affaires global ; Cette dernière ne produit aucune pièce pour justifier des chiffres d'affaires qu'elle allègue. La pièce no12 qu'elle vise dans ses conclusions est une attestation sur l'honneur en date du 19 décembre 2019 de son directeur financier et administratif qui ne fait aucunement état des chiffres d'affaires réalisés. Cette attestation est uniquement relative au « coût marketing média relatif à la gamme ICOME » et au « coût de la masse salariale intervenant dans la chaîne de création des modèles ICONE objets du litige opposant ETAM LINGERIE aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG ». En outre, tandis qu'elle invoque la commercialisation de la gamme de lingerie ICONE jusqu'en 2020, la commission des actes litigieux par la SAS CIVAD en 2019 et 2020 pendant que la gamme de lingerie ICONE était toujours disponible à la vente et dit avoir été contrainte d'abandonner cette gamme plus tôt que prévu en raison d'actes de contrefaçon massifs et répétés, force est de constater que la SA ETAM LINGERIE n'a communiqué aucun élément chiffré pour les années 2019 et 2020. En tout état de cause, la commercialisation des produits contrefaisants par la SAS CIVAD entraîne également la banalisation et l'avilissement de la dentelle ICONE, causant ainsi un préjudice moral à la SA ETAM LINGERIE. Concernant les investissements réalisés, la SA ETAM LINGERIE produit une attestation sur l'honneur de son directeur financier et administratif, Monsieur [Y] [X], en date du 19 décembre 2019 (sa pièce no12) faisant état : · du « coût marketing média relatif à la gamme ICONE », en particulier : - la somme de 938.250 euros pour les années 2015 et 2016 ; - la somme de 560.160 euros pour l'année 2017 ; - la somme de 200.828 euros pour l'année 2018 ; - la somme de 205.630 euros pour l'année 2019 ; · du « coût de la masse salariale d'ETAM LINGERIE intervenant dans la chaîne de création des modèles ICONE objets du litige opposant ETAM LINGERIE aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG », en particulier : - la somme de 4.226.000 euros pour l'année 2014 ; - la somme de 4.452.000 euros pour l'année 2015 ; - la somme de 4.819.000 euros pour l'année 2016 ; - la somme de 5.854.000 euros pour l'année 2017 ; - la somme de 5.445.000 euros pour l'année 2018 ; - la somme de 5.517.000 euros du 1er janvier au 30 novembre 2019. Dès lors, s'agissant des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels retirées par la SAS CIVAD, force est de constater que la SA ETAM LINGERIE n'établit pas elle-même les investissements créatifs et promotionnels prétendument réalisés pour la gamme de lingerie ICONE. L'attestation sur l'honneur de son directeur financier et administratif (sa pièce no12) est dénuée de valeur probante quant aux frais prétendument exposés faute d'avoir été établie ou certifiée par l'expert-comptable ou le commissaire aux comptes de la SA ETAM LINGERIE, étant observé que cette dernière s'est également abstenue de produire une telle pièce en dépit des contestations émises à cet égard par la défenderesse. Par ailleurs, les investissements exposés par la SA ETAM LINGERIE pour la création de la dentelle ICONE, qui est seule opposée au titre de la contrefaçon, sont inconnus. Cette dernière se borne à produire une attestation relative aux investissements créatifs pour les modèles de sa gamme de lingerie ICONE objets du litige l'opposant aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG. Au vu de l'ensemble de ces éléments, après une appréciation distincte des chefs de préjudice conformément aux dispositions de l'article L. 331-1-3 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par la SA ETAM LINGERIE résultant de la contrefaçon de droits d'auteur à hauteur de la somme de 40.000 euros. Des mesures d'interdiction, de destruction et de publication seront ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. La SA ETAM LINGERIE sera déboutée de ses demandes de retrait des circuits commerciaux et de remise des produits litigieux, des mesures d'interdiction et de destruction étant ordonnées. Sur les demandes accessoires Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. La SAS CIVAD, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5], dont distraction au profit de la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires. Dès lors, les procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception des 14 et 22 novembre 2019 de Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4], n'ayant pas été dressés sur autorisation judiciaire, les frais exposés ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile, mais des frais irrépétibles indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception dressés les 14 et 22 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4]. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger à l'exception des mesures de destruction et de publication en raison de leur caractère irréversible. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, DIT que le dessin de dentelle ICONE est original et bénéfice de la protection par le droit d'auteur ; DIT qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, la SAS CIVAD a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SA ETAM LINGERIE ; CONDAMNE la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ; FAIT INTERDICTION à la SAS CIVAD d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, et ce à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ; ORDONNE la destruction, sous le contrôle d'un huissier de justice, de tous les shortys référencés 700.198, de toutes les culottes midi référencées 700.199, de toutes les culottes maxi référencées 700.200 et de toutes les culottes tanga référencées 700.201, restant en stock au sein de la SAS CIVAD, aux frais de cette dernière, à charge pour elle d'en justifier à la SA ETAM LINGERIE, et ce dans un délai de 30 jours une fois le jugement devenu définitif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ; ORDONNE la publication de l'insertion suivante : « Par décision du 7 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que la SAS CIVAD, au nom commercial BLANCHEPORTE, a porté atteinte aux droits d'auteur dont la SA ETAM LINGERIE est titulaire sur la dentelle ICONE et l'a condamnée à réparer les préjudices résultant de la contrefaçon », aux frais de la SAS CIVAD, sur le site internet <www.blancheporte.fr >, en partie supérieure de la page d'accueil du site, de façon visible, sans mention ajoutée, en police de caractères « times new roman » de taille 12, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 1000 x 1000 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNICATION JUDICIAIRE » en lettres capitales de taille 14, pendant une durée de quinze jours à compter de la mise en ligne et dans un délai de 48 heures une fois le jugement devenu définitif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ; DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ; DEBOUTE la SA ETAM LINGERIE de ses demandes de retrait des circuits commerciaux et de remise des produits litigieux ; DEBOUTE la SA ETAM LINGERIE de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception dressés les 14 et 22 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4] ; CONDAMNE la SAS CIVAD aux dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5], dont distraction au profit de la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ; DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire pour les mesures de destruction et de publication. Fait et jugé à Paris le 07 Juin 2022. La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000046652047.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/15509 - No Portalis 352J-W-B7F-CVUWS No MINUTE : Assignation du : 08 Décembre 2021 rendu le 02 Août 2022 DEMANDERESSE S.A.S. GROUPE LA CENTRALE [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maître Arnaud CASALONGA de la SAS CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0177 DÉFENDERESSE S.A.R.L. LE GARAGE DE LA CENTRALE [Adresse 5] [Adresse 5] [Localité 1] CORSE défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 23 mars 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 et prorogé en dernier lieu au 02 août 2022 Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. La société Groupe la centrale (ci-après « La Centrale »), qui fournit un service de petites annonces pour automobiles d'occasion, reproche à la société « Le Garage de la centrale » d'utiliser cette expression dans sa dénomination sociale, son enseigne physique, ainsi que sur Facebook et Instagram, pour désigner ses services de réparation et de vente de véhicules. Elle qualifie ces faits de contrefaçon par risque de confusion et par atteinte à une marque renommée, ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire. 2. Elle se prévaut ainsi des marques suivantes, dont elle est titulaire : - la marque verbale française « La Centrale » no3036751 déposée le 23 juin 2000 et enregistrée pour désigner divers produits et services, dont elle invoque les suivants : « journaux et périodiques, en particulier journaux et périodiques de petites annonces permettant la mise en relation de personnes concernant l'acquisition et/ou la transmission de biens mobiliers et/ou immobiliers » ; « publicité en particulier conseils en publicité, publicité en ligne sur un réseau de communications informatiques, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, diffusion d'annonces publicitaires en ligne sur un réseau de communications informatiques », « publication de textes publicitaires sur tout moyen de communication », « rédaction d'annonces et / ou de textes publicitaires », « vente aux enchères » ; « finances en particulier services de financement, de crédit » ; « publication de textes et messages autres que des textes publicitaires sur tout support » ; « télécommunications en particulier communications télématiques, transmission d'informations contenues dans des banques de données, transmission de messages et d'images assistées par ordinateur, communication par terminaux d'ordinateurs » ; - la marque verbale de l'Union européenne « La Centrale » no001919182 déposée le 24 octobre 2000 et enregistrée le 10 mars 2003 pour désigner divers produits et services, dont elle invoque les mêmes que ci-dessus ; - la marque semi-figurative française « La Centrale » (en capitales blanches sur fond rouge) no99801180 déposée le 5 juillet 1999 et enregistrée (la même année) pour désigner divers produits et services dont elle invoque les suivants : « publicité » ; « services de télécommunication, y compris communication télématique, transmission d'informations contenues dans des banques de données, transmission de messages et d'images assistée par ordinateur. » « édition de textes ou de messages. Conseils techniques et renseignements juridiques pour particuliers ». 3. La société La Centrale, après avoir adressé en vain à la société Le Garage de la centrale trois mises en demeure de cesser les usages litigieux, l'a assignée en contrefaçon et concurrence déloyale le 8 décembre 2021. La défenderesse a été assignée à l'adresse de son siège, confirmé par l'huissier qui y a constaté une « enseigne » et « le nom du destinataire sur la boîte aux lettres », mais sans pouvoir signifier l'acte à sa personne ni à une personne présente car le local était fermé. L'assignation est donc régulière, mais sans avoir été délivrée à la personne du destinataire, qui n'a pas comparu ; le jugement est ainsi réputé contradictoire, mais seulement parce qu'il est susceptible d'appel. 4. La défenderesse n'ayant pas comparu, l'instruction a été close à l'audience d'orientation le 3 février 2022, et l'affaire plaidée le 23 mars 2022. 5. Dans son assignation, la société Groupe la centrale demande de condamner la société Le Garage de la centrale ? à titre principal, à lui payer, ? pour la contrefaçon de ses trois marques, et « sauf à parfaire » 30 000 euros en réparation de son préjudice commercial et 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, ? pour concurrence déloyale et parasitaire, 30 000 euros de dommages et intérêts ; ? subsidiairement, à lui payer 30 000 euros pour concurrence déloyale et parasitaire ? en tout état de cause, ? lui interdire la reproduction ou l'imitation de ses marques y compris en tant que dénomination sociale, nom commercial, enseigne, « en relation avec des services identiques ou similaires » à ceux de ces marques et « pour des produits ou services ayant trait au secteur automobile », sous astreinte de 1 000 euros « par infraction constatée et par jour de retard » ; ? la publication du jugement dans 5 revues ou journaux, ? outre 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens qui « comprendront les frais de constat », et l'exécution provisoire. 6. Elle allègue d'abord la renommée de ses marques, « et ce bien antérieurement à 2012 » (date de création de la société défenderesse), faisant valoir que cette renommée aurait été reconnue par la cour d'appel de Paris en 2006, que son magazine hebdomadaire de petites annonces était exploité depuis 1970, que le site internet qui en est le prolongement serait le premier site de petites annonces de voitures d'occasion et « le site de référence », avec 1,7 millions de visiteurs uniques en 2006, 4 233 000 visiteurs uniques mensuels en 2018 et 308 000 annonces, que sa marque serait réputée pour son sérieux et sa qualité, et qu'elle va jusqu'à faire établir des sondages et lier des partenariats pour améliorer ses services et leur fiabilité. 7. Elle estime ensuite que le signe « Le Garage de la centrale » utilisé par la défenderesse, dans lequel l'élément dominant serait « la centrale », reproduit à l'identique « l'élément unique, distinctif et dominant » de la marque verbale mais aussi de la marque semi-figurative car il est exploité sur fond de couleur avec texte blanc ; que le public peut penser à une déclinaison des marques, et ce d'autant plus qu'il s'agit du secteur automobile dans lequel leur renommée serait grande. 8. Sur les produits et services concernés, elle soutient en substance que la diffusion d'annonces de vente de véhicules sur l'internet constitue une édition de textes ou messages à caractère publicitaire ; qu'ainsi, la défenderesse a exploité le signe litigieux pour des produits identiques à ceux pour lesquels les marques sont enregistrées ; que pour le reste, elle exerce des activités de vente, financement, entretien et réparation de véhicules sans permis, ainsi que de commerce de véhicules et d'équipement automobiles ; que ces activités sont similaires ou complémentaires aux services de financement et de vente aux enchères pour lesquels les marques sont enregistrées 9. Elle allègue alors d'une part une atteinte à la renommée de sa marque, tenant d'abord à ce que cet usage à l'identique de sa marque amènerait le consommateur à établir un lien, dont il résulterait « indéniablement » une dilution du caractère distinctif des marques par une « dispersion » de leur identité et de « leur emprise sur l'esprit du public » ; et ensuite à ce que la défenderesse tirerait indûment profit de « la renommée de la société La Centrale en matière automobile », et ce sans juste motif car non autorisé ; outre qu'elle se verrait ainsi associée à des services de moins bonne qualité que les siens. 10. Et elle allègue d'autre part un risque de confusion au regard de la similitude entre les signes et entre les services, d'autant plus grand selon elle que la défenderesse ferait « en sorte d'amalgamer ses activités avec celles de la société Aixam », qui vend des véhicules, en apposant sa dénomination « Le Garage de la centrale » sur l'enseigne dédiée à Aixam, et en étant aussi référencée sur le site d'Aixam, ce qui amènerait le public à croire que les services exploités sous le signe litigieux sont dans le secteur automobile, et donc « en relation avec les services proposés par » la demanderesse. 11. Elle invoque enfin des faits distincts de concurrence déloyale tenant à l'imitation de son nom commercial, son enseigne et ses noms de domaine ; et de parasitisme tenant à l'utilisation des termes « La Centrale » pour des activités dans le secteur automobile. Elle les invoque encore à titre subsidiaire. 12. Elle allègue alors en premier lieu un préjudice moral « forfaitaire » de 20 000 euros tenant à la dilution et la banalisation de ses marques dont elle rappelle la renommée, en deuxième lieu un préjudice « forfaitaire » de 30 000 euros tenant d'une part à la perte de valeur distinctive et attractive de ses marques, qui provoque une baisse de leurs valeurs patrimoniales, et d'autre part au bénéfice réalisé indûment par la défenderesse ; en troisième lieu un préjudice « forfaitaire » de 30 000 euros tiré des faits distincts de concurrence déloyale, tenant au risque de confusion et au profit indû fait sur sa notoriété. 1) Demandes en contrefaçon de marque a. contrefaçon de marque renommée 13. Les droits conférés par les marques nationales et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en ces termes, s'agissant en particulier de l'atteinte à une marque de renommée : 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. » 14. La protection des marques jouissant d'une renommée, codifiée en droit interne, en des termes en substances identiques, à l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). i. renommée 15. Interprétant les dispositions en substance identiques de la première directive rapprochant les législations des États membres sur les marques, qui doivent en outre être interprétées de manière uniforme avec les disposition du règlement, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que pour bénéficier d'une protection élargie à des produits ou à des services non similaires, une marque enregistrée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97). 16. Au plan territorial, il suffit que la renommée existe dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 ; et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27). 17. Si la demanderesse n'invoque aucune preuve de la date qu'elle allègue pour le commencement de l'exploitation de sa marque (1970 selon elle), elle justifie de l'enregistrement des noms de domaine lacentrale.fr et lacentrale.com, respectivement les 22 aout 1996 et 17 janvier 1997. L'exploitation de ces noms de domaines pour des petites annonces d'automobiles est affirmée par deux articles tirés de sites internet et datés de 2006 (pièce La Centrale no13), le premier certes non identifié et le second inconnu (e-marketing.fr). Ils sont toutefois corroborés par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2006 (RG 05/02283) ayant retenu la « notoriété » de la marque « La Centrale » pour un journal d'annonces automobiles, ce qui ne concerne pas directement les sites internet mais permet de confirmer à tout le moins l'existence d'une exploitation de la marque La Centrale, au moins à partir de 2006, pour désigner un service de petites annonces de vente d'automobiles. 18. La demanderesse se fonde encore sur une série d'articles extraits de sites internet (ses pièces no13 et 15) dont le premier cité dans l'assignation émane du site d'un organe de presse connu, Challenges (assignation p. 11). Mais cet article n'est qu'un « communiqué », comme le dit son en-tête, c'est-à-dire une publicité, et non un rapport neutre et objectif de la réalité. Tous les autres articles cités par la demanderesse, sauf un, ont un ton franchement promotionnel qui les assimile à de la propagande commerciale, ce qui comme pour les deux articles de 2006 évoqués au paragraphe précédent permet éventuellement de supposer l'existence d'une activité sous la marque (puisqu'on en fait la promotion) mais ne constitue assurément pas la preuve de son succès. Le seul article pertinent, dans l'ensemble aggloméré en pièce no15, est un article du site auto-moto.com, dont l'objet n'est pas la promotion des services de la demanderesse, mais plus généralement « les répercussions du confinement sur le marché de l'occasion » ; l'auteur de l'article s'y sert du « site de référence qu'est La Centrale » pour constater le nombre d'annonces de vente de véhicules d'occasion pendant le confinement. Pour le reste, l'auteur de l'article n'est pas nommé, et la demanderesse n'offre pas de justifier la renommée ou la grande fiabilité du site auto-moto.com. Cet article, unique, est donc un indice faible de la renommée de la marque en 2020. 19. La demanderesse se fonde enfin sur l'importance de la fréquentation de son site internet en visant sans plus de précision sa pièce no14, identifiée au bordereau comme un « rapport sur la ‘digitalisation du commerce des véhicules d'occasion' - février 2019 ». La lecture de ce document révèle plus précisément qu'il s'agit d'un rapport établi pour le compte de « L'Association nationale pour la formation automobile » (ANFA), qui constate et analyse le commerce des véhicules d'occasion. Pour cela, il cite à de nombreuses reprises « La Centrale » avec « Le Bon coin » comme les intermédiaires les plus important dans la vente de véhicules d'occasion. En particulier, un tableau (p. 35) révèle que le site lacentrale.fr est le deuxième site le plus visité pour la vente de véhicules d'occasion, avec 4,2 millions de visiteurs uniques mensuels. Il est certes loin derrière le site le plus visité (leboncoin.fr, 25,4 millions) et très proche du 3e site le plus visité (paruvendu.fr, 4,1 millions) mais, d'une part, ces trois premiers sites devancent très nettement les suivants (le 4e n'est visité que par 0,8 millions de personnes par mois), et d'autre part une fréquentation mensuelle de 4 millions de personnes est en elle-même très importante rapportée à la population française totale. Il résulte donc de ce tableau qu'à travers le site lacentrale.fr, la marque La Centrale fait l'objet d'une exploitation très intense pour des services de publication de petites annonces et d'édition de messages, plus précisément des petites annonces automobiles, attirant chaque mois un nombre de personnes non seulement très élevé en soi, mais également très supérieur à la plupart de ses concurrents directs. Plus généralement, le rapport cite La Centrale (avec Le Bon Coin) à de nombreuses reprises, comme les intermédiaires de référence dans la vente de véhicules d'occasion. 20. Ainsi, à la date de ce rapport (février 2019), au regard de la relative ancienneté de son usage (13 ans au moins), de sa présence très importante dans le secteur de la publication de petites annonces en France, tant en termes relatifs qu'absolus, de sa capacité à servir de référence des pratiques d'un segment de ce secteur (les petites annonces automobiles), dont le public pertinent est le même, à savoir le grand public, la marque verbale française La Centrale jouissait d'une forte renommée auprès de ce public. Cette renommée étant importante sur l'ensemble du territoire français, qui est une partie substantielle du territoire de l'Union européenne, la marque verbale de l'Union jouit également d'une renommée. Enfin, la marque semi-figurative française, qui est exploitée comme la marque verbale (notamment sur le site internet de la demanderesse), jouit de la même renommée. ii. atteinte à la marque renommée 21. Le juge qui considère que la condition tirée de la renommée est remplie doit procéder à l'examen de la seconde condition prévue au texte, à savoir l'existence d'une atteinte sans juste motif à la marque antérieure ; à cet égard, il convient d'observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l'existence d'une atteinte sera aisément admise (CJCE General Motors Corporation, précité, point 30). 22. L'atteinte peut être de trois types : premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (CJCE, 27 novembre 2008, Intel corporation, C-252/07, point 27). 23. Une telle atteinte suppose (sans que cela suffise à la caractériser) qu'en raison d'un certain degré de similitude entre les signes, le public concerné effectue un rapprochement entre eux, c'est-à-dire qu'il établisse un lien, même s'il ne les confond pas. L'appréciation de ce lien repose notamment sur le degré de similitude entre les signes, le degré de ressemblance ou de dissemblance entre les produits ou services, le public concerné, l'intensité de la renommée, le degré de caractère distinctif de la marque (CJCE, Intel, précité, points 30 et 31, et point 42). 24. Ces critères font également partie des facteurs pertinents pour apprécier plus généralement l'existence (ou le risque) d'une atteinte (CJCE, Intel, précité, point 68). usages en l'espèce et services concernés 25. La demanderesse a fait constater par un huissier de justice, le 20 juillet 2021 (sa pièce no10) qu'une page Facebook intitulée « La Centrale de l'occasion - distributeur exclusif Aixam » a pour « photo de couverture » la photographie d'un grand panneau au bord d'une route indiquant en 3 lignes : « Garage de la centrale - mécanique générale toutes marques - voitures sans permis Aixam ». Une photographie du même panneau apparait également sur une page Instagram au même nom (« La Centrale de l'occasion ») dont la demanderesse a fait une copie (sa pièce no9), qui contient d'autres photographies montrant un garage avec une grande enseigne horizontale indiquant « Garage de la centrale » en lettres blanches sur fond orange. Cette même enseigne horizontale apparait sur l'impression d'écran du site Google maps réalisée par la demanderesse (sa pièce no7) qui révèle que ce garage se situe à l'adresse de la société Le Garage de la centrale. 26. Il est ainsi établi que la société défenderesse fait usage à titre d'enseigne du signe « Garage de la centrale » en lettres blanches sur fond orange, pour des services de « mécanique générale » donc de réparation automobile, et de vente de véhicules de marque Aixam. 27. Par ailleurs, il ressort d'une copie d'écran de la page Facebook précitée (pièce no8), laquelle reproduit comme « photo de couverture » l'enseigne du bord de route de la société défenderesse, qu'elle contient plusieurs annonces de vente de véhicules d'occasion. Certaines de ces annonces mentionnent l'adresse de la société défenderesse telle qu'elle apparait sur l'extrait du site Google maps (« face au Leclerc drive de [Adresse 4] ») et leurs photographies permettent également de voir l'enseigne horizontale « Garage de la centrale ». Il en résulte que malgré le nom différent de cette page Facebook (« La Centrale de l'occasion »), il s'agit d'annonces éditées par la société défenderesse, Le Garage de la centrale. Enfin, le constat d'huissier précité montre qu'une page Instagram au nom de M. [F] [V], gérant de la société défenderesse selon son extrait Kbis (pièce no6), et qui mentionne sous ce nom « Garage de la centrale », contient une annonce de vente d'un scooter d'occasion. 28. Il est ainsi également établi que la société défenderesse fait usage du signe « Garage de la centrale » pour désigner un service de vente de véhicules d'occasion. Cet usage n'est en revanche pas réalisé pour désigner un service de publicité : en effet, en mettant en ligne des annonces pour vendre des véhicules d'occasion, la société Le Garage de la centrale fait la publicité de ses véhicules à vendre, sans fournir elle-même de service de publicité, de rédaction ou de diffusion de petites annonces. Il pourrait s'agir d'un service de publication de messages ou d'annonces si les véhicules proposés à la vente n'étaient pas ceux de la société défenderesse, mais ceux de tiers, auxquels elle fournirait alors un service complet de dépôt, publicité, et représentation pour l'acte de vente ; mais cela n'est ni démontré ni même allégué par la demanderesse. Enfin, les usages examinés ci-dessus sont évidemment sans rapport avec les autres services invoqués par la demanderesse : finance ou télécommunications. lien et atteinte 29. L'expression « Le Garage de la centrale » est composée de la désignation du service (le garage) et de sa qualification par un complément du nom (de la centrale). L'élément distinctif et dominant de ce signe est donc cette deuxième partie, qui, exceptée la préposition ‘de', est identique aux marques. Le signe est donc visuellement, phonétiquement et conceptuellement très proche des marques verbales « La Centrale ». Il l'est tout autant de la marque semi-figurative dès lors qu'il est exploité en lettres blanches sur fond orange, ce qui est assez fortement similaire aux lettres blanches sur fond rouge de la marque. 30. Cette construction en « établissement DE la centrale » indique en outre une appartenance ou une proximité, ce qui est propice aux déclinaisons ou aux partenariats. 31. Or non seulement les marques sont renommées auprès du grand public, qui est aussi le public pertinent des services désignés par le signe litigieux (réparation et vente de véhicules), mais elles sont en particulier renommées pour des services de diffusion d'annonces (s'agissant des marques verbales) et d'édition de messages (s'agissant de la marque figurative, qui n'est pas enregistrée pour la diffusion d'annonces) lorsqu'ils sont en lien avec la vente de véhicules d'occasion. Le public est donc d'autant plus susceptible d'associer aux marques le signe litigieux exploité dans ce secteur. 32. Ainsi, malgré l'absence de similitude entre les services de réparation et de vente de véhicule et les services pour lesquels les marques sont enregistrées, il résulte de la renommée de celles-ci auprès du grand public, y-compris dans le domaine de l'automobile, de la forte similitude entre les marques et le signe, et de la façon dont celui-ci est construit, que le public établit un lien entre eux. 33. Par les usages décrits ci-dessus, non autorisés par le titulaire de la marque, et qui ont lieu dans la vie des affaires, pour des produits ou services, la société Le Garage de la centrale s'associe à la renommée des marques, dont elle se revendique implicitement une déclinaison, un service supplémentaire, ou un réparateur et vendeur partenaire. Elle profite ainsi de leur renommée, de façon parasitaire, pour développer sa propre activité. Il s'agit donc d'un profit indûment tiré de la renommée des marques. En outre, par l'impression donnée au public que la marque La Centrale s'étend à des activités ou des partenariats dans d'autres domaines liés aux véhicules d'occasion, ces usages portent atteinte, bien que de façon plus marginale, au caractère distinctif des marques. En revanche, leur renommée, qui est parasitée mais non altérée ou discréditée, ne subit pas de préjudice. 34. Ces atteintes, de deux ordres, tenant au préjudice causé au caractère distinctif et au profit indûment tiré de la renommée des trois marques en cause, caractérisent une contrefaçon. 35. Il n'y a alors pas lieu d'examiner les moyens tenant à la contrefaçon par imitation, qui ont la même fin (caractériser une contrefaçon des mêmes marques), reposent sur les mêmes faits, et fondent les mêmes allégations quant au préjudice. b. préjudice et mesures réparatoires 36. En application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, également applicable en vertu de l'article L. 717-2 aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 37. Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Elle n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 38. L'article L. 716-4-11 du même code prévoit qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. 39. Les deux chefs de préjudice que la demanderesse attribue distinctement, pour le premier à la dilution et la banalisation de ses marques, et pour le second à la perte de leur valeur distinctive et attractive, sont en réalité deux façons de désigner le même préjudice. L'usage de la marque pour désigner d'autres services que ceux de son titulaire provoque en effet une « dilution », qui est la même chose qu'une « banalisation », et qui correspond précisément à un affaiblissement du pouvoir distinctif de la marque. 40. Cette perte, ici, est relativement faible, dans la mesure où, d'une part, l'usage litigieux est limité à un seul établissement dont la chalandise est locale et ce pendant une durée que la demanderesse n'établit pas, et où, d'autre part, il concerne des services non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, qui ne sont donc que marginalement affectés par le mésusage de la marque. Il peut être évalué à 5 000 euros. 41. Le profit indûment tiré de la renommée des marques, qui est l'atteinte principale aux marques dans la présente espèce, a causé un préjudice moral à leur titulaire, qui peut être évalué à 10 000 euros au regard de l'activité réelle mais modérée de la défenderesse. 42. La société Le Garage de la centrale doit donc être condamnée à payer à la société La Centrale une somme de 15 000 euros au total ; outre l'interdiction de poursuivre les usages illicites, sous astreinte. 43. Le préjudice est entièrement réparé par l'octroi de dommages et intérêts, sans qu'il soit besoin d'ordonner en outre une publication. La demande en ce sens est donc rejetée. 2o) Demandes en concurrence déloyale et parasitaire 44. Les faits allégués au soutien de cette prétention sont exactement les mêmes que ceux qui ont caractérisé la contrefaçon des marques ; ils n'en sont « distincts » qu'en ce qu'ils caractériseraient une faute distincte tenant à l'emploi parasitaire et à la création d'un risque de confusion avec le nom commercial, l'enseigne et le nom de domaine de la demanderesse. Toutefois, ces signes distinctifs sont composés de la marque, et la demanderesse ne justifie pas qu'ils aient malgré cette identité une valeur distincte de celle de cette marque, qui aurait été séparément affectée par le risque de confusion allégué. Elle échoue donc à démontrer un préjudice distinct qui n'aurait pas déjà été indemnisé par la réparation du dommage causé par la contrefaçon. 45. La demande est, par conséquent, rejetée. 3o) Dispositions finales 46. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 47. Le cout d'un constat d'huissier, qui ne fait pas partie des frais énumérés par l'article 695 du même code, n'entre pas dans les dépens ; il fait partie des autres frais exposés pour la procédure, relevant de l'article 700. 48. La défenderesse, qui perd le procès pour l'essentiel, doit être tenue aux dépens et indemniser la demanderesse de ses frais, lesquels peuvent être raisonnablement estimés au regard des diligences qui ressortent de l'assignation et des pièces, et en l'absence d'élément contraire, à 5 000 euros. 49. L'exécution provisoire est de droit, et aucun motif ne commande de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, CONDAMNE la société Le Garage de la centrale à payer 15 000 euros à la société Groupe la centrale en réparation de son préjudice causé par la contrefaçon de ses marques françaises no3036751 et no99801180, et de l'Union européenne no001919182 ; Lui ENJOINT de cesser l'usage de tout signe distinctif contenant les termes « la centrale », y-compris à titre de dénomination sociale, de nom commercial, et d'enseigne, et ce dans un délai de 60 jours passé la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; REJETTE la demande en publication ; REJETTE la demande en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la société Le Garage de la centrale aux dépens ainsi qu'à payer 5 000 euros à la société Groupe la centrale au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022 La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000046652053.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/05962 No Portalis 352J-W-B7E-CSKIV No MINUTE : Assignation du : 15 juin 2020 rendu le 27 juillet 2022 DEMANDERESSE S.A.S. HAPPN [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 DÉFENDERESSE S.A.S. PENGYOU & CO [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Me Philippe MARTINI-BERTHON de la SELARL MARCHAIS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0280 COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice -président Alix FLEURIET, Juge Linda BOUDOUR, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à disposition. A l'audience du 15 mars 2022 tenue en audience publique devant Alix FLEURIET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 12 mai 2022 et prorogée en dernier lieu au 27 juillet 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort _____________________________ EXPOSE DU LITIGE La société HAPPN a pour activité principale la programmation informatique sur mobile dans le secteur du service de rencontres. Elle est notamment titulaire de la marque française semi-figurative "hapnn" déposée le 1er août 2014 et enregistrée sous le no 4109777 pour désigner notamment les produits et services des classes 9 et 45 (et 35 ; 38 ; 41 ; 42). Classe 9 : Logiciels et programmes d'ordinateurs ; logiciel utilisé comme interface de programmation d'applications (API) ; logiciels informatiques téléchargeables ou préenregistrés sous forme d'applications pour ordinateurs, dispositifs portables de communications électroniques ; logiciels téléchargeables sous formes d'applications mobiles pour dispositifs portables de communications électroniques permettant aux utilisateurs de partager leur position géographique et de localiser d'autres utilisateurs, et permettant aux utilisateurs de se rencontrer, télécharger, visualiser, annoter, partager des données, informations, images et contenus ; Classe 45 : Services de mise en relation d'individus dans un but social ; services de réseautage social, de rencontres, de rendez-vous à savoir services de rencontre ; services personnels et sociaux d'assistance aux individus, basés sur les réseaux Internet et les réseaux de téléphonie mobile, visant à leur permettre de faire des rencontres, de constituer, créer, gérer, élargir leur réseau social. La société HAPPN a créé une application éponyme consistant à mettre en relation, par un système de géolocalisation, des utilisateurs qui se sont croisés dans la "vraie vie" qui peuvent se retrouver virtuellement dans l'application. La société PENGYOU & CO a pour activité la mise en place de plateformes de mise en relation de personnes. A ce titre, elle est éditrice de l'application de rencontre dénommée FEELS. Reprochant à la société PENGYOU & CO d'avoir mis en ligne un site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, dont l'exploitation et la diffusion portent gravement atteinte à sa marque, son image, son identité et son concept, la société HAPPN a fait dresser, par huissier de justice, un procès-verbal de constat sur ce site Internet le 23 mars 2020 et lui a adressé une lettre de mise en demeure de cesser tout usage du nom de domaine <shithappns>, ainsi que de porter atteinte à l'image de marque de la société HAPPN, son discours marketing, son produit et sa marque. Cette mise en demeure a été réitérée le 25 mars suivant. Le site Internet a été immédiatement mis hors ligne accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, à réception de ces courriers. Par acte d'huissier de justice signifié le 15 juin 2020, la société HAPPN a fait assigner la société PENGYOU & CO, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de sa marque, en concurrence déloyale par dénigrement et parasitisme. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 octobre 2021, la société HAPPN demande au tribunal de : La recevoir en l'intégralité de ses demandes ; Dire et juger que la société PENGYOU & CO s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de marque en imitant la marque française HAPPN enregistrée sous le no 4109777 ; Dire et juger que la société PENGYOU & CO s'est rendue coupable d'actes de concurrence parasitaire à son encontre ; Dire et juger que la société PENGYOU & CO s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale par dénigrement à son encontre ; En conséquence, Condamner la société PENGYOU & CO à lui verser une somme de 100 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de sa marque ; Condamner la société PENGYOU & CO à lui payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence parasitaire ; Condamner la société PENGYOU & CO à lui payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dénigrement à l'égard d'un concurrent ; Faire interdiction à la société PENGYOU & CO de poursuivre l'utilisation du signe shithappns, dans la vie des affaires, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, notamment à titre de marque, d'identifiant commercial, nom de domaine, d'enseigne numérique, dans le cadre de son activité, à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ; Ordonner à la société PENGYOU & CO de cesser tout usage du site internet www.shithappns.fr dans le cadre de son activité ; Ordonner à la société PENGYOU & CO de publier, à ses frais avancés, le dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site internet, https://www.feels-app.com/pendant une période de deux (2) mois à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé ce délai, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte et selon les modalités suivantes : la publication devra être effectuée de façon visible, sans mention ajoutée, et en police de caractère ARIAL, de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadre de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNIQUE JUDICIAIRE », en lettres capitales et en police de caractères ARIAL de taille 16 ; Condamner la société PENGYOU & CO à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; Condamner la société PENGYOU & CO aux entiers dépens de la présente instance. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2021, la société PENGYOU & CO demande au tribunal de: Sur la prétendue contrefaçon de la marque - À titre principal Prononcer l'absence d'usage dans la vie des affaires de la marque HAPPN par la défenderesse ; En conséquence, Débouter la société HAPPN de ses demandes au titre de la prétendue contrefaçon de sa marque HAPPN ; - À titre subsidiaire Prononcer l'absence d'imitation de la marque HAPPN ; Prononcer l'absence d'identité et de similarité des produits ou des services désignés par la marque HAPPN et de ceux prétendument proposés par le site web <www.shithappns.fr> ; Prononcer l'absence de risque de confusion dans l'esprit du public ; En conséquence, Débouter la société HAPPN de ses demandes au titre de la prétendue contrefaçon de sa marque HAPPN ; - À titre infiniment subsidiaire Prononcer l'absence de préjudice subi par la demanderesse au titre des prétendus actes de contrefaçon de sa marque HAPPN ; En conséquence, Ramener à de plus justes proportions les demandes de la société HAPPN au titre de la prétendue contrefaçon de sa marque HAPPN en évaluant celles-ci à l'euro symbolique ; Sur la prétendue concurrence déloyale par dénigrement et sur la prétendue concurrence parasitaire : - À titre principal Prononcer l'absence d'identification de la demanderesse sur le site <www.shithappns.fr>; Prononcer l'absence d'avantage concurrentiel retiré par la défenderesse de son site <www.shithappns.fr> ; Prononcer l'absence de commission d'acte de concurrence parasitaire en raison de l'absence de démonstration de celui-ci ; En conséquence, Débouter la société HAPPN de ses demandes au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement et actes parasitaires ; - A titre subsidiaire Prononcer l'absence de préjudice subi par la Demanderesse au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement et actes parasitaires ; En conséquence, Débouter la société HAPPN de ses demandes au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement et actes parasitaires ; - À titre infiniment subsidiaire Prononcer l'absence de préjudice subi par la demanderesse au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement et actes parasitaires ; En conséquence, Ramener à de plus justes proportions les demandes de la société HAPPN au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par dénigrement et actes parasitaires en évaluant celles-ci à l'euro symbolique ; En tout état de cause Condamner la société HAPPN à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société HAPPN aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL MARCHAIS & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2021. Le jugement sera contradictoire. La contrefaçon de la marque "happn" no 4109777 La société HAPPN reproche à la société PENGYOU & CO des actes de contrefaçon de sa marque semi-figurative "happn" no 4109777 par l'utilisation de la dénomination "shithappns" pour désigner une application concurrente "shithappns" et faire la promotion de son application de rencontres "Feels". Elle soutient en premier lieu que l'usage de ce signe, qui constitue une imitation de sa marque et permet de faire la promotion de services identiques aux services couverts par sa marque, constitue bien un usage dans la vie des affaires visant à procurer à la société PENGYOU & CO un avantage économique et génère un risque de confusion entre les services proposés, par association. La finalité commerciale poursuivie par la société PENGYOU & CO et le contexte dans lequel elle fait usage du signe "shithappns" excluent selon elle le bénéfice de la liberté d'expression invoqué par celle-ci, l'atteinte portée à sa marque n'étant ici ni légitime ni proportionnée. La société PENGYOU & CO réplique qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon de la marque "happn" no 4109777. En premier lieu, elle fait valoir qu'elle n'a pas fait usage du signe "shithappns" dans la vie des affaires, dès lors qu'aucune application "Shithappns" n'existe et que le site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, site fictif, ne renvoie à aucune application et ne fait nullement mention ou référence à son application "Feels". Elle expose par ailleurs que ce site Internet est un site au ton humoristique, qui a une visée pédagogique, informationnelle et polémique, dès lors qu'il a été créé dans le but de diffuser un message de prévention, portant sur la nécessité de respecter les gestes barrières, ainsi que les mesures de confinement. Elle souligne à cet égard le fait qu'il renvoie vers un document du ministère de la santé exposant les gestes barrières à adopter. Aussi, elle soutient qu'elle n'a fait qu'exercer sa liberté d'expression dans un but d'intérêt général. Et elle ajoute qu'en tout état de cause, l'usage du signe "shithappns" n'a pas eu pour effet de lui procurer un quelconque avantage économique, ayant elle-même investi d'importantes sommes depuis le lancement de son application "Feels", pour en promouvoir l'activité. En second lieu, elle soutient que le site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, ne propose aucun produit ou service similaire à ceux couverts par la marque "happn" et que, s'agissant de son application "Feels", dite de "social discovery" visant la génération Z, elle n'est pas concurrente de l'application "happn", qui est une "dating app", ciblant un segment de consommateurs plus âgés. Elle fait également valoir que le signe "shithappns" ne constitue pas une imitation de la marque "happn", une multitude d'éléments différenciant ces deux signes, notamment d'un point de vue conceptuel, de sorte qu'aucun risque de confusion ne peut être généré dans l'esprit du public, ni atteinte portée à la fonction essentielle d'identification d'origine des services qu'elle propose, et ce d'autant que l'expression "shithappns", qui signifie "vide de merde", présente un caractère descriptif et usuel. Si elle admet cependant qu'en cliquant sur un bouton "ASSISTANCE", présent sur le site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, un renvoi est opéré sur son site Internet accessible à l'adresse <https://www.feels-app.com/fr>, elle soutient que c'est seulement pour respecter l'obligation posée par la Loi pour la confiance en l'économie numérique, d'informer l'internaute sur l'identité de l'éditeur du site. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque". La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d'autant plus grand que celle-ci est plus distinctive, et inversement ( CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20). L'usage du signe dans la vie des affaires Pour que le titulaire d'une marque soit habilité à interdire l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à cette marque, il faut que cet usage ait lieu dans la vie des affaires (CJCE, 16 novembre 2004, Anheuser-Busch, C-245/02, Rec. p. I-10989, point 62 ; CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal e.a., C-487/07, Rec. p. I-5185, point 57). Dans un arrêt rendu le 12 novembre 2012, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'usage du signe a bien lieu dans la vie des affaires, dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJCE, 12 novembre 2012, aff. C-206/01, Arsenal, point 40). Au cas présent, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 23 mars 2020 que, sur le site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, il est fait usage du signe semi-figuratif suivant : comme logo situé en haut de page, ainsi que du signe verbal "shithappns", à plusieurs reprises, dans les textes présents sur le site Internet. Le signe est également utilisé dans le nom de domaine. Aux termes de son procès-verbal, l'huissier de justice constate qu'en bas de la page d'accueil du site Internet litigieux, figure un bouton "ASSISTANCE", lequel, lorsqu'il est activé, renvoie directement sur le site Internet accessible à l'adresse <https://www.feels-app.com/fr>, qui constitue une application de rencontres, tout comme l'application "happn". Par ailleurs, il ressort d'un extrait du compte Twitter de l'application "Feels" (@feels-the-app), qu'elle a "suivi" la publication d'un internaute relayant la page du site Internet "shithappns.fr" de la manière suivante : de sorte que cette publication s'affiche désormais sur la page d'accueil Twitter de l'application "Feels", le signe "shithappns" y étant clairement apparent, tandis que le commentaire de l'internaute incite à cliquer sur le bouton "ASSISTANCE" pour trouver "une vraie app de dating". S'il est vrai qu'aucune application dénommée "shithappns" n'existe et que ce signe ne désigne pas lui-même les services proposés par la société PENGYOU & CO, c'est bien néanmoins par le truchement du site Internet "shithappns.fr", qu'il est renvoyé à son application "Feels". A cet égard, il ne peut être sérieusement soutenu par la société PENGYOU & CO que le renvoi à son application par l'intermédiaire du bouton "ASSISTANCE", présent sur le site Internet "shithappns.fr", a été mis en place pour respecter l'obligation posée par la Loi pour la confiance en l'économie numérique, d'informer l'internaute sur l'identité de l'éditeur du site, dès lors que : - d'une part, le site Internet "feels.com" sur lequel est opéré le renvoi ne fait aucunement apparaître l'identité de son éditeur, la société PENGYOU & CO ; - d'autre part, cette information aurait pu, comme il en est l'usage, prendre la forme d'une mention, en bas de page du site, de l'identité et des coordonnées de la société PENGYOU & CO. C'est donc bien dans le contexte de son activité commerciale que celle-ci, pour promouvoir son application de rencontres concurrente de l'application "happn" et en tirer un avantage économique, a fait usage du signe "shithappns" et consenti des efforts certains dans la création du site Internet litigieux. Le caractère fictif de ce site et l'absence de commercialisation d'un service directement sous le signe "shithappns" litigieux ne sauraient en effet constituer un écran faisant obstacle à l'engagement de la responsabilité de son éditeur, dès lors qu'il a aménagé un renvoi vers son propre site Internet à but commercial. Ce signe a donc été utilisé dans la vie des affaires. La comparaison des services et le public pertinent Il est rappelé que la marque semi-figurative française "happn" no 4109777 a été enregistrée dans les classes no 9, 35, 38, 41, 42 et 45, pour désigner notamment en classe 45, les "services de mise en relation d'individus dans un but social ; services de réseautage social, de rencontres, de rendez-vous à savoir services de rencontre ; services personnels et sociaux d'assistance aux individus, basés sur les réseaux Internet et les réseaux de téléphonie mobile, visant à leur permettre de faire des rencontres, de constituer, créer, gérer, élargir leur réseau social". Il est démontré que les services offerts par la société PENGYOU & CO, par le biais de son application "Feels", à laquelle il a été renvoyé par le truchement du site Internet ayant pour nom de domaine "shitthappns.fr", sont des services de mise en relation d'individus dans un but social, de réseautage social et de rencontres, basés sur les réseaux Internet. Les services en cause sont par conséquent identiques. Le public pertinent est constitué de personnes souhaitant, par le biais du site Internet, rencontrer d'autres personnes, dans le but d'élargir leur réseau social et/ou de rencontrer un partenaire, temporairement ou à plus long terme. Il s'agit donc d'un public d'attention particulièrement élevée. La comparaison des signes Les signes en cause sont les suivants : La marque no 4109777 Les signes litigieux Shithappns Visuellement, les signes "shithappns", utilisés par la société PENGYOU & CO, englobent en totalité la marque "happn", en y adjoignant, en accroche le terme "shit", composé de 4 lettres, ainsi qu'un "s" final. S'agissant du signe semi-figuratif, il est écrit en lettres minuscules dans une police ressemblant à celle qui caractérise la marque et, de ce point de vue, s'en rapproche. Il est cependant composé d'un fond gris, là où la marque présente un fond bleu. Par ailleurs, devant l'élément verbal composant le signe, apparaît un élément figuratif représentant un cercle sur les contours duquel se dressent 16 courtes branches présentant chacune une boule en leur extrémité, et à l'intérieur duquel se situe un motif de forme arrondie et ajourée, duquel, à gauche et à droite sortent deux branches symétriques de forme arrondie, et qui est surplombé par un second motif, plus petit, aux contours trop flous pour en permettre une description précise. Il existe ainsi des différences visuelles notables entre les signes en litige. D'un point de vue phonétique, la marque est composée de deux syllabes, alors que le signe "shithappns" en contient trois. Le terme "shit", figurant en position d'attaque, sera bien perçu du public, tandis que le "s", bien que non muet dans la langue anglaise, n'aura pas vocation à être retenu. Enfin, d'un point de vue conceptuel, les signes en litige sont très différents. Le terme "happn" qui apparaît comme une contraction du terme "happen", évoque, même pour un public francophone, l'idée de "ce qui arrive", "ce qui survient", tandis que le terme "shithappns" pourra être perçu par une partie du public pertinent, non anglophone, comme l'association des mots "shit", signifiant littéralement "merde" et "happns", qui est la contraction du verbe "happen" conjugué à la troisième personne du singulier ("it happens"). Mais, pour une large partie du public pertinent, d'une tranche d'âge plutôt jeune et dès lors relativement anglophone, habituée à visionner des films et des séries en version originale et à entendre régulièrement des expressions courantes de la langue anglaise, le vocable "shithappns" sera compris comme signifiant "vie de merde", son sens courant. Le risque de confusion Quand bien même les signes "happn" et "shithappns" présentent des dissemblances d'un point de vue visuel, auditif et conceptuel, il n'en reste pas moins d'une part, qu'ils visent des services identiques de sites de rencontres, et d'autre part, que la marque "happn" est particulièrement distinctive et bien identifiée, sur le marché des sites de rencontres, par le public pertinent, dont l'attention est élevée et qui, pour une large partie, comprendra l'expression "shithappns" dans son sens courant ("vie de merde"), autrement dit comme un jeu de mots détournant la marque "happn", dans un contexte de pandémie et de confinement qui lui donne tout son sens. Au regard de ces éléments, il existe donc un risque que le public pertinent soit amené à croire que la société HAPPN a lancé une nouvelle application au regard de ce contexte ou mis en place un partenariat avec une société concurrente. Le public pertinent pourrait dès lors attribuer à la société HAPPN le service offert par la défenderesse. Il s'ensuit une atteinte à la fonction essentielle d'identification d'origine des services désignés en classe 45 par la marque opposée. Le risque de confusion est dès lors établi. L'exception tirée de l'atteinte à la liberté d'expression L'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (...). 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » La Cour européenne des droits de l'homme considère que : " L'étendue de la marge d'appréciation dont disposent les Etats contractants en la matière varie en fonction de plusieurs éléments, parmi lesquels le type de « discours » ou d'information en cause revêt une importance particulière. Ainsi, si l'article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression en matière politique par exemple, les Etats contractants disposent d'une large marge d'appréciation lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression dans le domaine commercial (Mouvement raëlien c. Suisse [GC], no 16354/06, § 61), étant entendu que l'ampleur de celle-ci doit être relativisée lorsqu'est en jeu non l'expression strictement « commerciale » de tel individu mais sa participation à un débat touchant à l'intérêt général (Hertel c. Suisse, 25 août 1998, § 47, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI)." (affaire Ashby Donald et autres c/ France du 10 janvier 2013, requête no36769/08). Ainsi, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est interprété de telle sorte que les limitations à la liberté d'expression ne sont admises qu'à la condition qu'elles soient prévues par la loi, justifiées par la poursuite d'un intérêt légitime et proportionnées au but poursuivi, c'est-à-dire rendues nécessaires dans une société démocratique. Or, en l'espèce, s'il est établi que le site Internet accessible à l'adresse "shithappns.fr" renvoie par l'activation d'un lien à une page du site du ministère de la santé, traitant du coronavirus, et rappelle les règles de distanciation sociale, outre l'importance de respecter le confinement, il est également incontestable que l'usage du signe "shithappns", outre le fait qu'il poursuive un objectif commercial (la promotion du site "Feels.com"), ne véhicule aucun message politique rendant l'atteinte portée à la marque "happn", par le risque de confusion qu'il induit, légitime ou nécessaire dans une société démocratique. L'exception tirée d'une atteinte à la liberté d'expression de la société PENGYOU & CO sera donc écartée. Ainsi, en faisant usage du signe "shithappns", dans la vie des affaires, pour promouvoir son site de rencontre "Feels.com", la société PENGYOU & CO a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "happn" no 4109777. La concurrence déloyale par dénigrement La société HAPPN soutient que la société PENGYOU & CO a démontré la volonté de ternir l'image de l'application happn, dans le seul but de promouvoir son application concurrente "Feels". Elle fait valoir que, pour ce faire, elle a fait usage de l'expression "shithappns", hautement péjorative, et détourné de manière particulièrement négative tout l'univers de l'application, son concept d'hyper-géolocalisation, ses slogans et sa communication, dans le contexte de la crise sanitaire, marqué par les risques de contamination. Elle insiste notamment sur le champ lexical très négatif et anxiogène utilisé par la société défenderesse. La société PENGYOU & CO conteste en premier lieu toute identification de la société HAPPN et de ses produits et services par le site "shithappns.fr". Elle expose également que ce site Internet est destiné à traiter un sujet d'actualité en en reprenant les éléments polémiques, et ce dans le but de communiquer des informations d'intérêt général, lesquelles ne présentent aucun lien avec la société HAPPN et son application éponyme. Elle ajoute que ce sujet est traité sur un ton humoristique mais nullement dénigrant et précise à cet égard que s'il était considéré que ce site Internet avait pour objet de critiquer les applications de rencontres, il serait alors nécessaire de retenir qu'elle dénigre également son propre produit et que dès lors, elle n'en tirerait aucun avantage concurrentiel. Elle indique que c'est d'ailleurs précisément le cas et indique au demeurant que si elle avait souhaité tirer profit d'une application concurrente, elle se serait tournée vers des applications plus appréciées par les consommateurs français, telles Tinder, Meetic, Badoo ou AdopteUnMec. Enfin, le fait qu'elle a elle-même consenti d'importants investissements en vue de promouvoir son application Feels" permet d'écarter le moyen invoqué par la société HAPPN tiré du fait qu'elle aurait profité de ses investissements sans bourse délier. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (Cass., com., 9 janvier 2019, no 17-18.350). Le dénigrement consiste dans la diffusion publique d'informations préjudiciables relatives à une entreprise ou aux produits et services qu'elle propose. En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 23 mars 2020 qu'apparaissent, sur le site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr>, les textes et slogans suivants : - "Au détour d'une rue, en courant, devant un hôpital, au marché... On a tous échangé un regard anxieux avec une personne non masquée en train de tousser. Grâce à Shithappns, retrouvez les inconscients que vous croisez et découvrez qui vous a contaminé" ; - "Les mauvaises rencontres se font souvent à des moments où on pouvait s'y attendre. Shithappns c'est l'application qui vous permet de retrouver des personnes écervelées qui risquent de vous contaminer, ces idiots qui font malheureusement partie de votre quotidien !" ; - " A chaque fois qu'une personne infectée non masquée vous a toussé au nez ou s'est approchée trop près, dans la vraie vie, son profil apparaît dans votre Timeline et notre algorithme vous informe s'il vous a contaminé : A vous de saisir votre chance pour bien le remercier ! " ; - " Et oui ! Nous pensons que c'est la malchance qui réunit deux personnes qui n'ont rien à faire au même endroit, au même moment. Ce serait dommage de pas savoir qui vous a contaminé, non ? Nous vous offrons une nouvelle façon de repérer les idiots qui, sans raison valable, sont sortis, se sont découverts une passion pour le jogging ou se sont baladés avec le chien qu'ils ont adopté il y a 3 jours : la Shithappns MAP " ; - "Votre Timeline est unique. Elle vous montre les personnes qui se sont trop approchées de VOUS. Mais les Virus ne tombent pas du ciel. Adoptez les gestes barrières, gardez 1m de distance, portez un masque et lavez-vous les mains...au moins le temps du confinement ! Et c'est promis, dans quelques semaines vous pourrez de nouveau discuter, postillonner et vous rencontrer en toute liberté ! Et même glander chez vous sans vous y sentir obligés !". Il est relevé que les textes et slogans précités, bien qu'employant certains termes peu amènes, et associant l'application fictive "Shithappns" (dont tout internaute appartenant au public pertinent de la marque "happn" aura saisi le rapprochement avec l'application du même nom), avec l'idée de pouvoir retrouver les personnes qui les ont contaminés, ne consistent cependant aucunement dans la divulgation d'une information ou d'un fait précis, atteignant la réputation de la société HAPPN ou celle de son application éponyme. Force est en effet de constater que sont critiquées, sur un ton humoristique, les personnes qui, durant la période de confinement ayant débuté en mars 2020, se sont illustrées par leur légèreté, leur inconscience des risques de propagation du virus de la covid 19 lorsqu'elles ne respectaient pas les gestes barrières et la distanciation dont l'importance était pourtant sans cesse rappelée par les médias, de même que les personnes qui, de plus ou moins bonne foi, ont saisi toutes les opportunités offertes par les textes en vigueur pour pouvoir déjouer les horaires de confinement auxquels tout citoyen, à quelques exceptions près, devait se plier ; que compte tenu du ton employé, il ne peut être sérieusement compris par les internautes, lisant ces textes, que l'application happn ne serait téléchargée et utilisée que par les personnes ainsi décrites, ou qu'elle constituerait un vecteur de propagation du virus. Et il est relevé au surplus que la présence même d'informations dont tout internaute aura saisi qu'elles sont manifestement fausses, telles que "son profil apparaît dans votre Timeline et notre algorithme vous informe s'il vous a contaminé", ne pouvait inciter à prendre ces propos au sérieux. Il s'en déduit que ces passages du site Internet accessible à l'adresse <www.shithappns.fr> ne sauraient être considérés comme jetant le discrédit sur la société HAPPN et son application éponyme, de sorte qu'aucune faute s'analysant en du dénigrement n'est ici caractérisée. Les demandes formées par la société HAPPN sur le fondement de la concurrence déloyale par dénigrement sont par conséquent rejetées. Le parasitisme La société HAPPN soutient que la société PENGYOU & CO a, de manière fautive, volontairement repris, en les détournant, les éléments caractéristiques de l'identité de l'application happn, en particulier sa charte graphique, son discours marketing étudié et recherché, ses slogans accrocheurs et sa fonction d'hypergéolocalisation en temps réel, fruits d'investissements financiers et humains très conséquents, afin d'en tirer profit, la page de présentation du site Internet "shithappns.fr" permettant un renvoi directement à l'application concurrente Feels. La société PENGYOU & CO réplique que le site Internet "shithappns.fr" est un site humoristique destiné à attirer l'attention du public sur le respect du confinement et des gestes barrières, qui ne propose aucun service ni produit et ne mentionne ni la société HAPPN, ni des éléments concernant ses activités. Par ailleurs, il n'est pas démontré selon elle en quoi l'application "Feels" profiterait de l'association de son produit à ce site d'information et de prévention. En outre, elle soutient que si la société HAPPN lui reproche d'avoir repris des éléments de son application, force est de constater qu'ils sont extrêmement communs, s'agissant de sa charte graphique, de l'agencement du site, de son discours marketing ou du recours à la géolocalisation. Enfin, la société HAPPN ne fait pas, selon elle, la démonstration de ses efforts commerciaux et de son savoir-faire, ni du préjudice qu'elle aurait subi. Fondé sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, constitue un acte de parasitisme le fait pour un professionnel de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de sa notoriété acquise, de son travail de création et des recherches et investissements réalisés. En l'espèce, la société HAPPN justifie d'importants investissements : - en termes de développement et de maintenance de son site Internet "happn.com", par la production d'un attestation de son expert-comptable, en date du 23 mars 2021, indiquant qu'elle a engagé pour ce faire la somme de 104 524,88 euros ; - en termes de communication, par la production d'un attestation de son expert-comptable en date du 8 mars 2021, indiquant qu'elle a dépensé en 2019 et en 2020, les sommes de 6 924 622,58 euros HT et 8 605 999 euros HT, afin de promouvoir et de mettre en avant la marque "happn". Il est précisé à cet égard que derrière la référence ici faite par l'expert-comptable à "la marque "happn"", doit être entendue plus largement la promotion des produits et services offerts par la société HAPPN, en particulier de son application. Il est en effet relevé qu'il a établi le 23 mars 2021, une attestation distincte indiquant que depuis 2015, la société HAPPN a engagé la somme de 43 574,11 euros HT exclusivement au titre des marques happn, la société demanderesse précisant à ce sujet que cette somme concerne spécifiquement les investissements réalisés en vue de la protection et de la défense de ses marques, dont fait partie la marque française happn no 4109777. Il convient également de rappeler que le fait que la société PENGYOU & CO ait elle-même consenti des investissements en vue de promouvoir son application n'exclut en rien qu'elle ait pu, en parallèle, réaliser des économies d'investissements promotionnels, en s'inscrivant dans le sillage de la société HAPPN. A cet égard, pour déterminer si la société PENGYOU & CO a copié ou s'est sensiblement inspirée des éléments caractéristiques de l'identité du site "happn.com", pour créer le site Internet "shithappns.fr", il y a lieu de procéder à la comparaison des deux sites Internet litigieux, tels qu'ils ont été constatés par procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 23 mars 2020 : Le site "happn.com" Le site "shithappns.fr" Le site "happn.com" Le site "shithappns.fr" Le site "shithappns.fr" reproduit la charte graphique et l'agencement du site Internet "happn.com", sans que la société PENGYOU & CO ne justifie du fait que ces éléments seraient communs à d'autres sites de rencontre, les ressemblances ici constatées allant bien au-delà de la simple déclinaison des couleurs bleue et blanche, effectivement banale dans le domaine des réseaux sociaux (Twitter, Facebook...), ou du positionnement du texte à gauche de la page et de la photographie du téléphone à droite, l'exemple d'un tel agencement, versé aux débats par la société PENGYOU & CO en pièce no 14, présentant des différences notables (le fond de la page est rose et présente une découpe de biais, l'image apparaissant sur l'écran du téléphone n'en occupe pas tous l'espace etc). Ici, il est en effet question notamment de la reprise de l'effet noir transparent appliqué sur la photographie de la page d'accueil, permettant de faire ressortir le texte, ainsi que du positionnement et de la présentation identique des textes, des icones de renvoi à App Store et Google Play et du bouton "Assistance" précédé d'un point d'interrogation sur les deux sites, situé en bas à droite de la page. De la même manière, il apparaît que les textes et slogans présents sur le site "shithappns.fr" constituent un détournement des textes et slogans figurant sur le site "happn.com" : Le site "happn.com"Le site "shithappns.fr" " Retrouvez qui vous croisez " "Retrouvez qui vous a contaminé" "Au détour d'une rue, en terrasse, au boulot, en soirée... On a tous échangé un regard avec une personne qui nous a marqués. Grâce à happn, retrouvez les personnes qui vous avez croisées et saisissez votre chance !" "Au détour d'une rue, en courant, devant un hôpital, au marché... On a tous échangé un regard anxieux avec une personne non masquée en train de tousser. Grâce à Shithappns, retrouvez les inconscients que vous croisez et découvrez qui vous a contaminé" "Les recontres se font souvent au moment où on s'y attend le moins. happn, c'est l'application qui vous connecte à toutes ces personnes que vous croisez chaque jour, celles qui font partie de votre quotidien !" "Les mauvaises rencontres se font souvent à des moments où on pouvait s'y attendre. Shithappns c'est l'application qui vous permet de retrouver des personnes écervelées qui risquent de vous contaminer, ces idiots qui font malheureusement partie de votre quotidien !" "A chaque fois que vous croisez un membre de happn dans la vraie vie, son profit apparaît dans votre Timeline ! À vous de saisir votre chance !" "A chaque fois qu'une personne infectée non masquée vous a toussé au nez ou s'est approchée trop près, dans la vraie vie, son profil apparaît dans votre Timeline et notre algorithme vous informe s'il vous a contaminé : A vous de saisir votre chance pour bien le remercier ! " " Et oui ! Nous pensons que c'est la chance qui réunit deux personnes au même endroit, au même moment, ce serait dommage de pas en profiter, non ? Nous vous offrons une nouvelle façon de retrouver plus facilement les personnes qui sortent, vivent et apprécient les mêmes lieux que vous : la happn MAP" " Et oui ! Nous pensons que c'est la malchance qui réunit deux personnes qui n'ont rien à faire au même endroit, au même moment. Ce serait dommage de pas savoir qui vous a contaminé, non ? Nous vous offrons une nouvelle façon de repérer les idiots qui, sans raison valable, sont sortis, se sont découverts une passion pour le jogging ou se sont baladés avec le chien qu'ils ont adopté il y a 3 jours : la Shithappns MAP " "Votre Timeline est unique. Elle vous montre les personnes que VOUS avez croisées sur votre chemin. Mais les Cruchs tombent pas du ciel". "Votre Timeline est unique. Elle vous montre les personnes qui se sont trop approchées de VOUS. Mais les Virus ne tombent pas du ciel ". Or, ces ressemblances ne peuvent résulter du fruit du hasard. Les textes écrits lors de la création du site "shithappns.fr" ont nécessairement trouvé leur source dans ceux rédigés pour le site "happn.com", dont il n'est nullement démontré, là encore, qu'ils seraient banals et similaires à d'autres textes et slogans présents sur d'autres sites de rencontre. Il s'en déduit que la société PENGYOU & CO a, en reprenant ou s'inspirant de très près des éléments qui constituent l'identité du site "happn.com", spécifiquement sa charte graphique, la présentation de ses photographies, la physionomie générale du site et son discours marketing - la géolocalisation, courante dans le domaine des sites et applications de rencontre, étant exclue des éléments précités - s'est volontairement inscrite dans le sillage de la société HAPPN, afin de développer le site "shithappns.frs", artifice destiné à promouvoir son application de rencontre concurrente "Feels", et ce en réalisant des économies d'investissements publicitaires et promotionnels. Les actes de parasitisme sont caractérisés. Les mesures de réparation La société HAPPN forme des demandes d'interdiction, de publication de la présente décision, outre des demandes indemnitaires. Précisément, elle fait valoir que les faits de contrefaçon de la marque "happn", commis par la société PENGYOU & CO, ont porté atteinte à sa valeur patrimoniale, ainsi qu'à son image et ont contribué à sa dilution sur le marché. Elle ajoute que la société PENGYOU & CO, en s'inscrivant dans son sillage pour promouvoir son application "Feels" a également porté atteinte aux investissements qu'elle a consentis non seulement en termes de développement et de maintenance de son site Internet, mais aussi en termes de communication autour de son produit. La société PENGYOU & CO réplique que la société HAPPN ne démontre en rien les importants investissements qu'elle dit avoir réalisés pour promouvoir sa marque, ni la prétendue perte de valeur patrimoniale de celle-ci. Elle rappelle à cet égard que le site à l'url <www.shithappns.fr> n'a été mis en ligne que pendant deux jours et n'a fait l'objet d'aucune visibilité particulière, sa fréquentation ayant été inexistante en dehors de celle des concepteurs du site, de certains membres de la société PENGYOU & CO et de quelques tiers. La demande d'interdiction Les faits de contrefaçon de la marque "happn" no 4109777 et de parasitisme étant caractérisés, il convient de faire droit aux demandes d'interdiction formées par la société HAPPN. La société PENGYOU & CO ayant cependant démontré avoir cessé tous les actes reprochés, ce qui n'est pas contesté par la société HAPPN, aucune astreinte n'a lieu d'être prononcée. Les demandes indemnitaires En vertu de l'article L. 717-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dues si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. La société HAPPN demande l'allocation de la somme forfaitaire de 100 000 euros, en réparation de ses préjudices résultant de la contrefaçon de sa marque, et de la somme de 150 000 euros, en réparation de son préjudice résultant des faits de parasitisme commis par la société PENGYOU & CO. Les investissements réalisés par la société HAPPN en vue de protéger et de promouvoir ses marques, ainsi que les services qu'elle propose, ont été mentionnées précédemment. La société HAPPN démontre par la production d'un important dossier de presse (notamment pièce no 8 bis) que son application occupe une position importante à côté des leaders du marché des sites de rencontre en France, ce qui confère à sa marque une valeur patrimoniale indéniable. Or, il ne peut être contesté qu'en contrefaisant sa marque et en suscitant un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent quant à l'existence d'une affiliation commune entre les services proposés par les sociétés HAPPN et PENGYOU & CO, ou d'un partenariat entre elles, il a été porté atteinte à la capacité de la marque "happn" à identifier de manière précise et certaine les services offerts par la société HAPPN, et partant, à la valeur patrimoniale de celle-ci, sur un marché hautement concurrentiel et lucratif. S'en suit également une dilution de la marque "happn". De la même manière, en imitant et en détournant les éléments caractéristiques de l'univers du site "happn.com", elle a porté atteinte aux investissements consentis, en termes de développement dudit site Internet, ainsi qu'en termes promotionnels. Il est néanmoins retenu que le site "shithappns.fr" n'est resté actif que deux jours et n'a été consulté que 551 fois, ce dont il se déduit que la société PENGYOU & CO n'a pu attraire à elle, par sa déloyauté, qu'un nombre relativement limité d'internautes. Au regard de ces éléments, il convient d'allouer à la société HAPPN les sommes de : - 10 000 euros en réparation de ses préjudices, résultant de la contrefaçon de la marque "happn" no 4109777 (5 000 euros au titre du préjudice patrimonial et 5 000 euros au titre du préjudice moral) ; - 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la commission d'actes de parasitisme. La demande de publication Le préjudice subi par la société HAPPN étant suffisament réparé par les dommages et intérêts et les mesures d'ores et déjà prononcées, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de publication de la présente décision, laquelle apparaît disproportionnée. Les demandes accessoires La société PENGYOU & CO, partie succombante, est condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société HAPPN la somme de 7 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire est de droit. PAR CES MOTIFS Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe, DIT qu'en faisant usage du signe "shithappns", dans la vie des affaires, pour promouvoir son site de rencontre "Feels.com", la société PENGYOU & CO a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "happn" no 4109777 ; DIT que la société PENGYOU & CO a commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme au préjudice de la société HAPPN; CONDAMNE la société PENGYOU & CO à payer à la société HAPPN la somme de 10 000 euros, en réparation de ses préjudices résultant des actes de contrefaçon de la marque "happn" no 4109777 ; CONDAMNE la société PENGYOU & CO à payer à la société HAPPN la somme de 10 000 euros, en réparation de ses préjudices résultant de la commission d'actes de parasitisme ; FAIT INTERDICTION, en tant que de besoin, à la société PENGYOU & CO de poursuivre l'utilisation du signe shithappns, dans la vie des affaires, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, notamment à titre de marque, d'identifiant commercial, nom de domaine, d'enseigne numérique, dans le cadre de son activité ; ORDONNER à la société PENGYOU & CO, en tant que de besoin, de cesser tout usage du site internet <www.shithappns.fr> dans le cadre de son activité ; DÉBOUTE la société HAPPN de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte ; DÉBOUTE la société PENGYOU & CO de sa demande de publication de la présente décision ; DÉBOUTE la société HAPPN de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale par dénigrement ; CONDAMNE la société PENGYOU & CO à payer à la société HAPPN la somme de 7 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société PENGYOU & CO aux dépens de l'instance; RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit. Fait et jugé à Paris le 27 juillet 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
CAPP/JURITEXT000046652052.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 18/01742 No Portalis 352J-W-B7C-CMJSX No MINUTE : Assignation du : 22 Janvier 2018 rendu le 31 août 2022 DEMANDERESSES Société SCHAMME BODY MINUTE (BODY MINUTE [Localité 276], Intervenante Volontaire [Adresse 132] [Localité 216] Société BODY'MINUTE EURL LAUGERO -ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 337]), Intervenante volontaire [Adresse 126] [Localité 29] Société BODY'MINUTE SARL MYLDEL (BODY MINUTE [Localité 354]), Intervenante volontaire [Adresse 77] [Localité 2] Société BODY'MINUTE SARL AVBEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 213]), Intervenante volontaire [Adresse 213] [Localité 28] Société BODY'MINUTE SARL JSA INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 356]-[Localité 197]), Intervenante volontaire [Adresse 75] [Localité 197] Société BODY'MINUTE SARL RAEP (BODY MINUTE [Localité 16]), Intervenante volontaire [Adresse 70] [Localité 16] Société BODY'MINUTE SARL RAEP (BODY MINUTE [Localité 151]), Intervenante volontaire [Adresse 94] [Localité 151] Société BODY'MINUTE SARL HARMONIC INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 259]), Intervenante volontaire [Adresse 285] [Adresse 285] [Localité 259] Société BODY-MINUTE SARL INSTITUT SAUNIER (BODY MINUTE [Localité 258]), Intervenante volontaire [Adresse 302] [Localité 258] Société BODY'MINUTE SAS IDSG (BODY MINUTE [Localité 318]), Intervenante volontaire [Adresse 296], [Adresse 296] [Localité 261] Société BODY'MINUTE SARL INSTITUT AURELIE C (BODY MINUTE [Localité 179]), Intervenante volontaire [Adresse 106] [Localité 179] Société BODY'MINUTE SAS BDM [Adresse 328] (BODY MINUTE [Localité 204]), Intervenante volontaire [Adresse 315] [Adresse 386] [Localité 204] Société BODY'MINUTE SARL INSTITUT GAUGAIN (BODY MINUTE [Localité 271]), Intervenante volontaire [Adresse 289] [Localité 271] Société BODY'MINUTE SARLU CHELAYA (BODY MINUTE [Localité 227]), Intervenante volontaire [Adresse 100] [Localité 227] Société BODY'MINUTE SARL PANO GEORGES (BODY MINUTE [Adresse 320]), Intervenante volontaire [Adresse 60] [Localité 175] Société BODY'MINUTE SARL PANO GEORGES (BODY MINUTE [Adresse 343]), intervenante volontaire [Adresse 343] [Localité 175] Société BODY'MINUTE SARLU BODY'LYSE (BODY MINUTE [Localité 36]), Intervenante volontaire [Adresse 286] [Adresse 286] [Localité 36] Société BODY'MINUTE SARL BODY ENJOY [Adresse 332] (BODY MINUTE [Adresse 332]), intervenante volontaire [Adresse 332] [Localité 138] Société BODY'MINUTE SARL BODY ENJOY(BODY MINUTE [Adresse 137]), intervenante volontaire [Adresse 137] [Localité 138] Société BODY'MINUTE EURL LVDA (BODY MINUTE [Localité 52]), intervenante volontaire [Adresse 274] [Adresse 274] [Localité 52] Société BODY'MINUTE SARL LOVAD (BODY MINUTE [Localité 198]), intervenante volontaire [Adresse 149] [Localité 198] Société BODY'MINUTE EURL AGRABA (BODY MINUTE [Localité 199]), intervenante volontaire Centre Commercial [Adresse 384] [Localité 199] Société BODY' MINUTE SARLU MEALI (BODY MINUTE [Localité 254]), intervenante volontaire [Adresse 306] [Adresse 306] [Localité 254] Société BODY'MINUTE SARL ALGK ([Localité 40]), intervenante volontaire [Adresse 101] [Localité 40] Société BODY'MINUTE SARL SOM'BODY (BODY MINUTE [Adresse 287]), intervenante volontaire [Adresse 287] [Adresse 287] [Localité 242] Société BODY'MINUTE SARL SOGIRMA (BODY MINUTE [Localité 65]), intervante volontaire [Adresse 127] [Localité 65] Société BODY'MINUTE BRAS DA FONSECA LYDIE (BODY MINUTE [Adresse 283]) [Adresse 283] [Adresse 283] [Localité 247] Société BRAS DA FONSECA LYDIE (BODY MINUTE [Adresse 316]), intervenante volontaire [Adresse 316] [Adresse 316] [Localité 247] Société ASK BEAUTE ([Adresse 272]), intervenante volontaire [Adresse 272], [Adresse 272] [Localité 89] Société BODYLOUP (BODY MINUTE [Adresse 136]), intervenant volontaire [Adresse 136] [Localité 89] Société BODY'LINA (BODY MINUTE [Localité 232]), intervenante volontaire [Adresse 66] [Localité 232] Société BODY'MINUTE SARL NGC (BODY MINUTE [Adresse 355]), intervenant volontaire [Adresse 355] [Localité 2] Société BODY'MINUTE SARLU HIAD (BODY MINUTE S[Localité 334]), intervenante volontaire [Adresse 120] [Localité 195] Société BODY'MINUTE SARLU HIAD (BODY MINUTE [Localité 260]), intervenante volontaire [Adresse 79] [Adresse 79] [Localité 260] Société BODY'MINUTE SARLU BMSC INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 98]), intervenante volontaire [Adresse 68] [Adresse 68] [Localité 98] Société BODY'MINUTE LG-INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 209]), intervenante volontaire [Adresse 329] [Adresse 329] [Localité 209] Société BODY'MINUTE SARLU BMPE INSTITUT (BODY MINUTE [Adresse 288] EST), intervenant volontaire [Adresse 288] [Adresse 288] [Localité 208] Société BODY'MINUTESARLU BMPS INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 208] SUD), intervenante volontaire [Adresse 317] [Adresse 317] [Localité 208] Société BODY'MINUTE SARL SPC INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 394]), intervenante volontaire [Adresse 303] [Adresse 303] [Localité 99] Société BODY'MINUTE SARL JD2N INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 208] CENTRE), intervenante volontaire [Adresse 130] [Localité 208] Société BODY'MINUTE SARL SHAINE (BODY MINUTE [Localité 239]), intervenante volontaire [Adresse 284] [Adresse 284] [Localité 239] Société BODY'MINUTE SAS DOMOTHERA (BODY MINUTE [Localité 81]), intervenante volontaire Géant Basso Cambo [Adresse 378] [Localité 81] Société BODY'MINUTE SARLU INSTITUT CYLA (BODY MINUTE [Localité 248]), intervenante volontaire [Adresse 108] [Localité 248] Société BODY'MINUTE SARLU DJAM (BODY MINUTE [Localité 344]), intervrnante volontaire [Adresse 7] [Localité 72] Société BODY'MINUTE SARLGCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 348]), intervenante volontaire [Adresse 49] [Localité 156] Société BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 45]), intervenante volontaire [Adresse 45] [Localité 153] Société BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 121]), intervenante volontaire [Adresse 121] [Localité 153] Société BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 290]), intervenante volontaire [Adresse 290] [Adresse 290] [Localité 153] Société BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 398]), intervention volontaire [Adresse 375] [Localité 153] Société BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 155]), intervenante volontaire [Adresse 67] [Localité 155] Société BODY'MINUTE SAS NAILTECH (BODY MINUTE [Adresse 277]), intervenante volontaire [Adresse 298] [Adresse 388] [Localité 216] Société BODY'MINUTE SIASSIA BENEDICTE (BODY MINUTE [Adresse 221]), intervenante volontaire [Adresse 221] [Localité 169] Société BODY'MINUTE SARL MACO ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 262]), intervenante volontaire [Adresse 152], [Localité 262] Société BODY'MINUTE SARL KNJ EPIL (BODY MINUTE [Localité 275]), intervenante volontaire [Adresse 125] [Localité 150] Société BODY'MINUTE SARL RIKAS (BODY MINUTE [Localité 235]), intervenante volontaire [Adresse 312] [Adresse 312] [Localité 235] Société BODY'MINUTE SARL VAL EPIL (BODY MINUTE [Localité 396]), intervenante volontaire [Adresse 309] [Adresse 309] [Localité 187] Société BODY'MINUTE SARL [Adresse 293] ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 181]), intervenante volontaire [Adresse 293] [Localité 181] Société BODY'MINUTE SARL FORUM EPIL (BODY MINUTE [Adresse 370]), intervenante volontaire [Adresse 370] [Adresse 370] [Localité 161] Société BODY'MINUTE SARL SOFT EPIL (BODY MINUTE [Localité 234]), intervenante volontaire [Adresse 39] [Localité 234] Société BODY'MINUTE SARL CORPUS SERVICES (BODY MINUTE [Localité 222]), intervenant volontaire [Adresse 63] [Localité 222] Société BODY'MINUTE SARL FAST EPIL (BODY MINUTE [Adresse 113]), intervenante volontaire [Adresse 113] [Localité 166] Société BODY'MINUTE SARL ALPHI BODY (BODY MINUTE [Adresse 340]) ,intervenante volontaire [Adresse 340] [Localité 34] Société BODY'MINUTE SARL CHAPERCLA (BODY MINUTE [Localité 211]), intervenante volontaire [Adresse 48] [Localité 211] Société BODY'MINUTE SARL IFH (BODY MINUTE [Adresse 351]), intervenante volontaire [Adresse 351] [Localité 115] 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[Localité 380]), intervenante volontaire [Adresse 268] [Adresse 268] [Localité 241] Société BODY'MINUTE PAGE MARIE LAURE (BODY MINUTE [Localité 185]), intervenante volontaire [Adresse 291] [Localité 185] Société BODY'MINUTE LUIS GANHAO SUSANA DOS SANTOS (BODY MINUTE [Adresse 69]), intervenante volontaire [Adresse 69] [Localité 173] Société BODY'MINUTE SARL SCLO (BODY MINUTE [Localité 123]), intervenante volontaire [Adresse 41] [Localité 123] Société BODY'MINUTE SARL LUNA & RODINA (BODY MINUTE [Localité 331]), intervenante volontaire [Adresse 292] [Adresse 292] [Localité 229] Société BODY'MINUTE SARL NESSBEAUTY (BODY MINUTE [Localité 183]), intervenante volontaire [Adresse 210] [Localité 183] Société BODY'MINUTE SARL INSTITUT DRISSI (BODY MINUTE [Adresse 359]), intervenante volontaire [Adresse 359] [Localité 168] Société BODY'MINUTE SARL INSTITUT DRISSI (BODY MINUTE [Localité 357] [Adresse 88]), intervenante volontaire [Adresse 88] [Localité 168] Société BODY'MINUTE LANGLOIS NATHALIE (BODY MINUTE [Localité 224]), intervenante volontaire [Adresse 148] [Localité 224] Société BODY'MINUTE SARL SAWYERSCOTT ( BODY MINUTE [Adresse 365]) intervenant volontaire [Adresse 21] [Localité 172] Société BODY'MINUTE SARL LLDN (BODY MINUTE [Localité 122]), intervention volontaire [Adresse 107] [Localité 122] Société BODY'MINUTE SARL HAIR LESLIE (BODY MINUTE [Localité 191]), Intervenante volontaire [Adresse 26] [Localité 191] Société BODY'MINUTE SARL RAMNES (BODY MINUTE [Localité 189]), Intervenante volontaire [Adresse 6] [Localité 189] Société BODY'MINUTE RCDH INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 250]), Intervenante volontaire [Adresse 3] [Localité 250] Société BODY'MINUTE SARL KIRCS (BODY MINUTE [Localité 314]), Intervenante volontaire [Adresse 295] [Adresse 387] [Localité 139] Société BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 245]), Intervenante volontaire [Adresse 313] [Adresse 313] [Localité 245] Société BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 193]), Intervenante volontaire [Adresse 46] [Localité 193] Société BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 251]), Intervenante volontaire [Adresse 307] [Localité 251] Société BODY'MINUTE SARL INSTITUTS [Adresse 327] (BODY MINUTE [Localité 228]), Intervenante volontaire [Adresse 55] [Localité 228] Société BODY'MINUTE SARL SO BE (BODY MINUTE [Adresse 339]), Intervenante volontaire [Adresse 339] [Localité 33] Société BODY'MINUTE SARL SO BE (BODY MINUTE [Adresse 335]), Intervenante volontaire [Adresse 335] [Localité 27] Société BODY'MINUTE SARL JPS BEAUTE (BODY MINUTE [Localité 405]), Intervenante volontaire [Adresse 15] [Localité 220] Société BODY'MINUTE SARL PAJ INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 323]) , Intervenante volontaire [Adresse 15] [Localité 220] Société BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE OKB), Intervenante volontaire [Adresse 131] [Localité 253] Société BODY'MINUTE OLIVHAIR SARL (BODY MINUTE [Adresse 401]), intervenante volontaire [Adresse 310] [Adresse 310] [Localité 205] Société BODY'MINUTE TBM SARL (BODY MINUTE [Adresse 402]), intervenante volontaire [Adresse 402] [Localité 205] Société BODY'MINUTE SRL VERONE BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 382]), intervenante volontaire, [Adresse 308] [Localité 178] Société BODY'MINUTE SARL VERONE BEAUTE (BODY MINUTE [Localité 180]), intervenante volontaire [Adresse 59] [Localité 180] Société BODY'MINUTE SARL VERONE BEAUTE (BODY MINUTE [Localité 178] CENTRE), intervenante volontaire [Adresse 159] [Localité 178] Société BODY'MINUTE SARL LE CEDRE ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 192]), intervenante volontaire [Adresse 300] [Adresse 300] [Localité 192] Société BODY'MINUTE SARL MISHA BEAUTE (BODY MINUTE [Localité 395]) et encore établissement secondaire [Adresse 129], Intervenante Volontaire [Adresse 15] [Localité 220] Société BODY'MINUTE SARL V.B.G.A (BODY MINUTE [Localité 118]), intrevenante volontaire [Adresse 109] [Localité 118] Société BODY'MINUTE SARL V.B.G.A 2 (BODY MINUTE [Localité 117]), intervenante volontaire [Adresse 407] [Localité 117] Société BODY'MINUTE SARL LANEPIL (BODY MINUTE [Adresse 366]), Intervenante Volontaire [Adresse 366] [Localité 168] Société BODY'MINUTE SARL VIVEPIL (BODY MINUTE [Adresse 369]), intervenante volontaire [Adresse 369] [Localité 173] Société LAUGERO ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 338]), Intervenante volontaire [Adresse 338] [Localité 30] Société AVBEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 371]) [Adresse 371] [Localité 177] Société HARMONIC INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 203]) [Adresse 110] [Localité 203] Société HARMONIC INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 144]) [Adresse 215] [Localité 144] Société ASK BEAUTE (BODY MINUTE [Localité 90]) [Adresse 54] [Localité 90] Société HAIR LESLIE (BODY MINUTE [Localité 194]) [Adresse 385] [Localité 194] Société HAIR LESLIE (BODY MNUTE [Localité 196]) [Adresse 51] [Localité 196] Société SO BE (BODY MINUTE [Adresse 341]) [Adresse 96] [Localité 31] Société SO BE (BODY MINUTE [Adresse 336]) [Adresse 336] [Localité 27] Société ELISE BEAUTY (BODY MINUTE [Localité 249]), intervenant volontaire [Adresse 23] [Localité 249] Société BODY'MINUTE SARL ZEN BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 270]), intervenante volontaire [Adresse 270] [Localité 35] Société BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 326]), intervenante volontaire [Adresse 326] [Localité 35] Société BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 269]), intervenante volontaire C/C GEANT CASINO [Adresse 269] [Localité 35] Société BODY'MINUTE SARL AB BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 342]), intervenante volontaire C/C AUCHAN [Adresse 133] [Localité 32] Société BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE (BODY ET NAIL MINUTE [Localité 37]), intervenante volontaire [Adresse 281] [Localité 376] [Localité 37] Société BODY'MINUTE SARL ALC INSTITUT, intervenante volontaire [Adresse 17] [Localité 31] Société BODY'MINUTE SARL SMILD (BODY MINUTE DE [Localité 225]), intervenante volontaire [Adresse 154] [Localité 225] Société STEPHANIE POUPARDIN (BODY MINUTE [Localité 226]), intervenante volontaire [Adresse 140] [Localité 226] Société BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 265]), intervenante volontaire [Adresse 146] [Localité 265] Société BODY ILES (BODY MINUTE GUADELOUPE [Localité 264]), intervenante volontaire [Adresse 299] [Localité 264] Société BODY ILES (BODY MINUTE GUADELOUPE [Localité 325]), intervenante volontaire [Adresse 305] [Localité 325] - GUADELOUPE Société BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 267]), intervenante volontaire [Adresse 321] [Localité 267] Société BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 266]), intervenante volontaire [Adresse 374] [Localité 266] Société SARL [Localité 1] BM (BODY MINUTE [Localité 1]), intervante volontaire [Adresse 12] [Localité 1] Société INSTITUT BMLV (BODY MINUTE [Localité 392] [Localité 324]), intervenante volontaire [Adresse 13] [Adresse 13] [Localité 246] Société INSTITUT BMSM (BODY MINUTE [Adresse 11]), intervenante volontaire [Adresse 11] [Localité 246] Société INSTITUT BMC (BODY MINUTE [Localité 311]), intervenante volontaire [Adresse 47] [Localité 256] Société BAZEPIL (BODY MINUTE [Localité 233]), intervenante volontaire [Adresse 71] [Localité 233] Société BAZESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 236]), intervenante volontaire [Adresse 53] [Localité 236] Société FLASH MINUTE (BODY MINUTE [Localité 188]), intervenante volontaire [Adresse 19] [Localité 188] Société LINEMINUTE (BODY MINUTE [Localité 230]), intervenante volontaire [Adresse 5] [Localité 230] Société [Localité 84] ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 81] [Localité 84]), intervenante volontaire [Adresse 61] [Localité 84] Société [Localité 377] ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 377]), intervenante volontaire [Adresse 294] [Adresse 280] [Localité 82] Société [Adresse 319] ESTHETIQUE BODY MINUTE [Localité 81] [Localité 273] [Adresse 319], intervenante volontaire [Adresse 319] [Adresse 319] [Localité 81] Société [Localité 393] ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 81] [Localité 83]), intervenante volontaire [Adresse 124] [Localité 83] Société [Adresse 282] ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Localité 81] [Adresse 282]), intervenante volontaire [Adresse 141] [Localité 81] Société WB ESTHETIQUE (BODY MINUTE [Adresse 403]), intervenante volontaire [Adresse 403] [Adresse 403] [Localité 81] Société BODY [Localité 379] (BODY MINUTE [Localité 112]/[Localité 379]), intervenante volontaire [Adresse 301] [Adresse 301] [Localité 112] Société HD INSTITUT (BODY MINUTE [Adresse 368]), intervenante volontaire [Adresse 368] [Localité 169] Société BODY [Localité 390] (BODY MINUTE [Localité 390]), intervenante volontaire [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 111] Société LM TIMO (BODY MINUTE [Localité 191]), intervenante volontaire [Adresse 76] [Localité 223] Société INSTITUT DU QUAI (BODY MINUTE [Localité 95]), intervenante volontaire [Adresse 87] [Localité 95] Société CIMP (BODY MINUTE [Adresse 50]), intervenante volontaire [Adresse 50] [Localité 172] Société BODY ECLA (BODY MINUTE [Adresse 350]), intervenante volontaire [Adresse 350] [Adresse 350] [Localité 134] Société MAPIELO (BODY MINUTE [Localité 74]), intervenante volontaire [Adresse 135] [Localité 74] Société ALBACHIARA (BODY MINUTE [Adresse 345]), intervenante volontaire [Adresse 24] [Localité 93] Société ALBACHIARA (BODY MINUTE [Adresse 347]), intervenante volontaire [Adresse 347] [Adresse 347] [Localité 93] Société SARL BEAUTY WOO (BODY MINUTE [Localité 190]), intervenante volontaire [Adresse 294] [Adresse 383] [Localité 190] Société K.D.B (BODY MINUTE [Localité 9]), intervenante volontaire [Adresse 147] [Localité 9] Société SARL [Adresse 279] RB (BODY MINUTE [Adresse 279]), intervenante volontaire [Adresse 279] [Localité 89] Société SARL LPN INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 145]), intervenante volontaire [Adresse 25] [Localité 145] Société INSTITUT DU COURS (BODY MINUTE [Adresse 353]), intervenante volontaire [Adresse 104] [Localité 177] Société SARL SHIRLEY'S INSTITUT (BODY MINUTE [Adresse 360]), intervenante volontaire [Adresse 86] [Localité 162] Société SARL MACASO (BODY MINUTE [Localité 78]), intervenante volontaire [Adresse 20] [Localité 78] Société SARL MALOUISA (BODY MINUTE [Adresse 297]), intervenante volontaire [Adresse 297] [Adresse 297] [Localité 78] Société LAULIA BODY (BODY MINUTE [Localité 206]), intervenante volontaire [Adresse 43] [Localité 206] Société SAS LG BODY (BODY MINUTE [Localité 244]), intervenante volontaire [Adresse 143] [Localité 244] Société SAS LG BODY (BODY MINUTE [Localité 238]), intervenante volontaire [Adresse 217] [Localité 238] Société AMAJO (BODY MINUTE [Adresse 278]), intervenante volontaire [Adresse 278] [Localité 184] Société SORAC BODY MINUTE (BODY MINUTE [Localité 231]), intervenante volontaire [Adresse 57] [Localité 231] Société SORAC BODY MINUTE (BODY MINUTE [Localité 219]), intervenante volontaire [Adresse 56] [Localité 219] Société ELISSABEAUTE (BODY MINUTE [Localité 237]), intervenante volontaire) [Adresse 8] [Localité 237] Société MALUCA (BODY MINUTE [Localité 218]), intervenante volontaire [Adresse 42] [Localité 218] Société BMM INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 92]), intervenante volontaire [Adresse 304] [Adresse 304] [Localité 92] Société BODY [Localité 160] (BODY MINUTE [Localité 160]), intervenante volontaire Centre commercial Shopping [Localité 160] Société SARL VIMAVINSTITUT (BODY MINUTE [Localité 89] [Localité 91]), intervenante volontaire [Adresse 389] [Localité 91] Société PASAL (BODY MINUTE [Adresse 346]), intervenante volontaire [Adresse 346] [Localité 93] Société LENA BODY (BODY MINUTE [Localité 257]), intervenante volontaire [Adresse 85] [Localité 257] Société RITO (BODY MINUTE LA DEFENSE 4TEMPS), Intervenante Volontaire [Adresse 312] [Adresse 312] [Localité 236] Société JULIE TRAINEAU (BODY MINUTE [Adresse 44]), Intervenante Volontaire [Adresse 44] [Localité 165] Société MEZACHE TASSADIT (BODY MINUTE [Adresse 361]) intervenante volontaire [Adresse 361] [Localité 170] Société SOPHIE MUSSATTI( BODY MINUTE [Adresse 363]) intervenante volontaire [Adresse 363] [Localité 164] Société SOPHIE MUSSATTI (BODY MINUTE [Adresse 372]) intervenante volontaire [Adresse 372] [Localité 165] Société EURL DJUL & BODY (BODY MINUTE [Adresse 102]), intervenant volontaire [Adresse 102] [Adresse 102] [Localité 252] Société SARL NESY ( BODY MINUTE [Localité 330]), intervenante volontaire [Adresse 207] [Localité 229] Société CHRISTAINE JOHANNA MONTEAGUDO (BODY MINUTE [Adresse 400]), intervenante volontaire [Adresse 212] [Localité 174] Société SHANNON ABIKER (BODY MINUTE [Adresse 22]), intervenant volontaire [Adresse 22] [Localité 164] Société MALLOW & CO (BODY MINUTE [Adresse 202]), intervenante volontaire [Adresse 202] [Localité 163] Société CLEMENCE PAUL (BODY MINUTE [Adresse 362]), intervenante volontaire [Adresse 362] [Localité 175] Société LANGLOIS NATHALIE (BODY MINUTE [Adresse 263]), intervante volontaire [Adresse 263] [Localité 172] représentées par Me Inès BELTRAMINI du Cabinet TRILLAT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0524 [Adresse 105] [Localité 167] S.A.R.L. DIFFULICE [Adresse 373] [Localité 10] (SUISSE) représentées par Me Emmanuel BAUD du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J001 DÉFENDERESSES S.AS BEIERSDORF [Adresse 18] [Localité 170] Société BEIERSDORF A.G. [Adresse 404] [Localité 64] (ALLEMAGNE) représentées par Me Christophe CHAPOULLIE du Cabinet HW & H, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R188 COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice -président Alix FLEURIET, Juge Linda BOUDOUR, Juge assistés de Caroline REBOUL, Greffière, A l'audience du 14 juin 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEUJRIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 25 août 2022, puis le 31 août 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort La société de droit français JCDA et la société de droit suisse DIFFULICE sont spécialisées dans le secteur cosmétique. La SAS JCDA fait valoir qu'elle a mis en place un réseau de 450 instituts de beauté à l'enseigne "BODY MINUTE", recevant sans rendez-vous, répartis sur l'ensemble du territoire français ainsi qu'en Suisse et au Luxembourg. Ces instituts sont gérés par des établissements franchisés ou des locataires-gérants. La société DIFFULICE est notamment titulaire : - de la marque verbale française "BODY MINUTE" no3164856, déposée le 17 mai 2002, et enregistrée pour désigner les produits suivants en classe 3 "Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices". Cette marque a été régulièrement renouvelée. - de la marque verbale française "SKIN MINUTE" no3608125, déposée le 29 octobre 2008, et enregistrée pour désigner les produits et services suivants : - en classe 3 : " Savons ; parfums ; produits de parfumerie ; huiles essentielles ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; cosmétiques ; produits cosmétiques pour épilation ; produits pour les soins des ongles". - en classe 44 : "Soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ; salons de beauté ; salons de coiffure ; massages". Cette marque a été régulièrement renouvelée. La société de droit allemand BEIERSDORF AG a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques, qu'elle distribue en France par l'intermédiaire de sa filiale, la SAS BEIERSDORF. La société BEIERSDORF AG est notamment titulaire de plusieurs marques désignant notamment les produits cosmétiques reproduites sous les formes suivantes : Par exploits d'huissier de justice du 22 janvier 2018, les sociétés JCDA et DIFFULICE ont fait assigner les société BEIERSDORF AG et BEIERSDORF devant le le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris à compter du 1er janvier 2020, en contrefaçon notamment des marques "SKIN MINUTE" no3608125 et "BODY MINUTE" no3164856 et en concurrence déloyale et parasitaire. De très nombreuses sociétés se présentant comme appartenant au réseau BODY MINUTE sont intervenues volontairement à l'instance par actes des 15 mars 2018, 16 mars 2018, 4 juillet 2018, 10 septembre 2018 et 21 septembre 2018. Par exploits d'huissier du 19 mars 2018, les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF ont fait assigner les sociétés JCDA et DIFFULICE devant cette juridiction, aux fins de voir déclarer nulles les marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 et subsidiairement, constater leur déchéance pour défaut d'usage sérieux. La jonction des procédures a été ordonnée. Par ordonnance du 4 juin 2020, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer sur l'entier litige dans l'attente d'une décision définitive de l'EUIPO sur la demande de nullité formée par les sociétés JCDA et DIFFULICE à l'encontre de la marque de l'Union européenne no428342 et invité les parties à faire part de leurs observations sur une mesure de médiation judiciaire. Par ordonnance du 15 octobre 2020, rectifiée le 5 novembre 2020, une mesure de médiation judiciaire a été ordonnée, laquelle n'a pas abouti. Aux termes de leurs dernières conclusions no2 notifiées par la voie électronique le 11 mars 2022, les sociétés JCDA et DIFFULICE demandent au tribunal de : Vu les articles L. 713-3 (b), L. 716-1, L. 716-7-1, L. 716-14, L. 716-15 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, Vu l'article 1240 du code civil, Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, In limine litis, ? DECLARER IRRECEVABLES les demandes des sociétés Beiersdorf en nullité et déchéance de la marque française « BODY MINUTE » no 12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 pour défaut de lien suffisant avec le litige ; ? DECLARER IRRECEVABLES CAR PRESCRITES les nouvelles demandes reconventionnelles des sociétés Beiersdorf au titre des déclarations de M.[G] [H] à la presse durant l'été 2021 ; A titre principal, ? DIRE ET JUGER que les sociétés Beiersdorf ont commis des actes de contrefaçon (i) à l'encontre de la société Diffulice, propriétaire des marques françaises « SKIN MINUTE» no 08/3 608 125 déposée le 29 octobre 2008 en classe 3 et en classe 44 et « BODY MINUTE » no 02/3 164 856 déposée le 17 mai 2002 en classe 3, et (ii) à l'encontre de la société JCDA, licencié exclusif de ces marques, en exploitant le signe « 1 MINUTE SKIN DETOX » pour une gamme de masques pour le visage ; ? DIRE ET JUGER que les sociétés Beiersdorf ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en commercialisant des produits de la gamme « 1 MINUTE SKIN DETOX » et « PURE SKIN », dont la présentation et le packaging reprennent les éléments identitaires utilisés par BODY MINUTE pour son offre de produits et services, à savoir, (i) en ce qui concerne les produits « 1 MINUTE SKIN DETOX », le terme « minute » en association avec un signe constitué d'une inscription en lettres blanches placée au sein d'un logo bleu de forme arrondie, qui plus est combiné aux termes « SKIN » et « DETOX », et, (ii) en ce qui concerne les produits « PURE SKIN », un signe constitué d'une inscription en lettres blanches placée au sein d'un logo bleu de forme arrondie en association avec la combinaison de couleurs rose et bleu, qui plus est combiné avec le terme « SKIN »; Par conséquent, ? ORDONNER à chacune des sociétés Beiersdorf A.G. et S.A.S de communiquer, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte de 1.000 euros par jour de retard, un état certifié par un Commissaire aux comptes présentant les quantités annuelles des produits « 1 MINUTE SKIN DETOX » fabriqués, commandés, importés, fabriqués ou commercialisés sur le territoire français, le chiffre d'affaires et la marge sur coûts variables réalisés depuis la date de leur première fabrication et/ou introduction en France, jusqu'à la date de cessation des actes de contrefaçon, ainsi que le chiffre d'affaires correspondant à la commercialisation en France des produits vendus sous un logo NIVEA rond bleu depuis 2013 et juste avant le changement de logo ; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf à payer à la société Diffulice (i) un montant de 100.000 euros, à parfaire, à titre de provision pour le préjudice subi résultant des actes de contrefaçon commis par les sociétés Beiersdorf; et (ii) un montant de 400.000 euros correspondant à la perte de valeur de ses marques générée par les actes de contrefaçon ; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf à payer à la société JCDA un montant de 50.000 euros, à parfaire, à titre de provision pour le préjudice subi par JCDA du fait des actes de contrefaçon commis par les sociétés Beiersdorf ; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf à payer à chacune des sociétés Diffulice et JCDA un montant de 250.000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant des actes de contrefaçon commis par les sociétés Beiersdorf ; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf à payer aux sociétés Diffulice et JCDA un montant global de 4.000.000 euros en réparation de leur préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis par les sociétés Beiersdorf ; ? FAIRE INTERDICTION aux société Beiersdorf, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement à intervenir, d'exploiter, dans le domaine des produits cosmétiques et des services de soins de beauté, sous quelque forme que ce soit (notamment, dans la présentation des produits ou services, sur le packaging et/ou emballage des produits, dans la communication ou publicité associée à la commercialisation des produits ou services) : - le signe « 1 MINUTE SKIN DETOX », seul ou en combinaison avec d'autres mots ou signes ; - le terme « minute », dès lors qu'il est utilisé à titre de marque ; - le terme « minute » (i) en association avec un signe constitué d'une inscription en lettres blanches placée au sein d'un logo bleu de forme arrondie, et/ou (ii) en association avec la combinaison de couleurs rose et bleu ; ? ORDONNER aux sociétés Beiersdorf, sous astreinte de 1.000 par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement à intervenir, dans le domaine des produits cosmétiques et des services de soins de beauté, le rappel et la remise entre les mains des sociétés JCDA et Diffulice : - de tout produit, emballage, packaging et/ou document ou support publicitaire sur lesquels est reproduit le signe « 1 MINUTE SKIN DETOX » ; - de tout produit, emballage, packaging et/ou document ou support publicitaire sur lesquels est reproduit le terme « minute », dès lors qu'il est utilisé à titre de marque ; - de tout produit, emballage, packaging et/ou document ou support publicitaire sur lesquels est reproduit le terme « minute » (i) en association avec un signe constitué d'une inscription en lettres blanches placée au sein d'un logo bleu de forme arrondie, et/ou (ii) en association avec la combinaison de couleurs rose et bleu ; ? SE RESERVER la liquidation des astreintes ; ? ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir dans cinq publications ou sites Internet au choix des sociétés JCDA et Diffulice, aux frais avancés par les sociétés Beiersdorf, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5.000 euros hors taxes ; Sur les demandes des sociétés Beiersdorf dont la recevabilité est contestée, dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait ces demandes recevables: ? REJETER la demande en annulation, pour défaut de caractère distinctif, de la marque française «BODY MINUTE» no12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 appartenant à la société Diffulice ; ? REJETER la demande de déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de la marque française « BODY MINUTE » no 12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 appartenant à la société Diffulice ; ? REJETER les demandes reconventionnelles des sociétés Beiersdorf pour dénigrement de la marque et des produits NIVEA au titre des déclarations faites par M. [G] [H] dans la presse; En tout état de cause : ? REJETER la demande de « donner acte » aux sociétés Difficule et JCDA de leur décision de procéder en 2022 au changement de l'enseigne du réseau "Body Minute" et abandonner l'usage à cette fin d'un logo rond bleu avec une inscription en lettres blanches ; ? REJETER la demande en annulation, pour défaut de caractère distinctif, des marques françaises appartenant à la société Diffulice « BODY MINUTE » no 02/3 164 856 déposée le 17 mai 2002 en classe 3 et « SKIN MINUTE » no 08/3 608 125 déposée le 29 octobre 2008 en classes 3 et 44 ; ? REJETER la demande de déchéance, pour défaut d'usage sérieux, des marques françaises « BODY MINUTE » no 02/3 164 856 déposée le 17 mai 2002 en classe 3 et « SKIN MINUTE » no 08/3 608 125 déposée le 29 octobre 2008 en classes 3 et 44, toutes appartenant à la société Diffulice ; ? REJETER les demandes reconventionnelles des sociétés Beiersdorf pour dénigrement de la marque et des produits NIVEA et pour violation de la confidentialité de la médiation; ? REJETER la demande reconventionnelle des sociétés Beiersdorf pour procédure abusive; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf in solidum à verser à la société Diffulice et à la société JCDA la somme de 150.000 euros pour procédure abusive; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf in solidum à verser à la société Diffulice et à la société JCDA la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; ? CONDAMNER les sociétés Beiersdorf aux entiers dépens ; ? ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, en ce compris la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières conclusions no4 notifiées par la voie électronique le 16 février 2022, les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF demandent au tribunal de : Vu le Code de procédure civile, et notamment les articles 31, 32, 70, 122, 131-14, 328 à 330 et 446-2; Vu le Code civil, et notamment les articles 1231-1, 1240 et 1241 ; Vu le Code de la consommation, et notamment les articles L. 623-1 et s. ; Vu le Code de la propriété intellectuelle, et notamment les articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 713-3, L.7135-5, L. 714-3, L. 714-5, L.716.5, L. 716-7-1 ancien ; Vu la Directive CE no2008/95 du 22 octobre 2008, et notamment l'article 6 ; Vu le Règlement no207/2009 du 26 février 2009, et notamment l'article 9 ; A TITRE LIMINAIRE: DONNER ACTE aux sociétés Diffulice et de JCDA de leur décision, annoncée dans leurs conclusions, qu'elles vont procéder en 2022 au changement de l'enseigne du réseau Body Minute, et abandonner l'usage à cette fin d'un logo rond bleu, avec une inscription en lettres blanches ; A. Sur l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des instituts BODY MINUTE : JUGER que les 185 sociétés intervenant volontairement à la procédure ne démontrent pas avoir chacune d'une part, ni un droit commun d'agir ; d'autre part, ni un intérêt individuel à intervenir ; En conséquence : DECLARER irrecevable en son intervention volontaire à titre accessoire chacune des 185 sociétés intervenantes ; B. Sur la nullité ou subsidiairement la déchéance des marques BODY MINUTE No02/3 164 856 et SKIN MINUTE No08/3 608 125 de Diffulice : ? A titre principal, sur la nullité pour défaut de caractère distinctif : JUGER que : ? les termes «MINUTE», «SKIN» et « BODY » utilisés seuls ou de manière combinée sont dépourvus de caractère distinctif pour désigner les produits et services de beauté ; ? la marque verbale française BODY MINUTE No02/3 164 856, déposée le 17 mai 2002, est dépourvue de caractère distinctif pour l'ensemble des produits qu'elle désigne en classe 3 de la classification internationale ; ? que la marque verbale française SKIN MINUTE No08/3 608 125, déposée le 29 octobre 2008, est dépourvue de caractère distinctif pour l'ensemble des produits et services visés en classes 3 et 44 de la classification internationale ; En conséquence : DECLARER nulles pour défaut de caractère distinctif les marques BODY MINUTE No02/3 164 856 et SKIN MINUTE No08/3 608 125 de la société DIFFULICE pour l'ensemble des produits et services désignés ; ? A titre subsidiaire, sur la déchéance pour non-usage JUGER que : ? la marque française BODY MINUTE No02/3 164 856, déposée le 17 mai 2002 et enregistrée le 25 octobre 2002 (Publication au BOPI No 02/43) ; ? la marque verbale française SKIN MINUTE No08/3 608 125, déposée le 29 octobre 2008 et enregistrée le 3 avril 2009 ; n'ont fait l'objet d'aucun usage sérieux pour les produits et services désignés par leurs enregistrements pendant la période suspecte ; En conséquence : PRONONCER la déchéance pour défaut d'usage sérieux des droits de la société DIFFULICE sur : ? la marque française BODY MINUTE No02/3 164 856, pour tous les produits visés, et ce avec effet au 26 octobre 2007, à savoir le lendemain du cinquième anniversaire de la publication de son enregistrement, ou subsidiairement, le 25 mars 2013, soit cinq années avant la date de l'assignation délivrée par les sociétés BEIERSDORF à la société DIFFULICE le 25 mars 2018 ; ? la marque française SKIN MINUTE No08/3 608 125, pour tous les produits et services visés et non exploités, et ce avec effet au 4 avril 2014, soit le lendemain du cinquième anniversaire de la publication de son enregistrement, ou subsidiairement, le 25 mars 2015, soit trois années avant la date de l'assignation délivrée par les sociétés BEIERSDORF à la société DIFFULICE le 25 mars 2018. ? En toutes hypothèses JUGER que la décision à intervenir sera inscrite au Registre National des Marques sur réquisition du greffier ou des parties et, en tant que de besoin, autoriser les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF SAS à faire procéder à ladite inscription à défaut de diligence de la société DIFFULICE dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement à intervenir ; C. Subsidiairement, sur l'absence d'actes de contrefaçon DEBOUTER les sociétés JCDA et Diffulice de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ; ET Y AJOUTANT : JUGER que : ? les griefs de contrefaçon par imitation des marques BODY MINUTE et SKIN MINUTE et le produit argué de contrefaçon doivent être appréhendés globalement, à savoir tel que ce dernier était commercialisé, sous sa dénomination complexe intégrale et la présentation, pour le premier produit « NIVEA ESSENTIALS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX » ou pour les deux autres produits « NIVEA MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX », dont il ressort qu'il n'existe aucune similitude visuelle, phonétique et encore moins conceptuelle, du fait: o de la dominance de la marque ombrelle, qui exerce la fonction d'identification d'origine du produit, excluant tout risque de confusion avec un autre acteur que NIVEA, o que ce nouveau logo constitue, à tout le moins l'usage sous une forme modifiée, n'en altérant pas le caractère distinctif de la marque IR No366.968, déposée le 24 avril 970, dont elle constitue une modernisation et une présentation épurée, qui est antérieure aux marques invoquées ; o que les éléments « MINUTE » et « SKIN » (i) sont utilisés au sein d'une expression complexe, à des fins descriptives, dans leurs sens usuel courant, pour indiquer le temps de pose (1 MINUTE) du masque sur la peau et (ii) ne sont donc pas utilisés à titre de marque ; o surabondamment, que la construction prétendument singulière des marques BODY MINUTE et SKIN MINUTE, du fait de l'inversion de leurs termes, ne se retrouve pas dans l'usage reproché ; ? la société Diffulice est mal fondée à invoquer l'existence d'une famille de marque, dès lors que le produit des sociétés Beiersdorf ne reprend pas la construction des marques appartenant à la série invoquée ; En conséquence : DEBOUTER la société Diffulice de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de la contrefaçon ; JUGER irrecevable, la demande de droit à l'information en ce qu'elle porte sur « les produits vendus sous un logo NIVEA rond bleu, depuis 1993, ainsi que juste avant la modification de son logo », lesquels ne sont pas argués de contrefaçon, ni ne font l'objet d'aucune demande au principal ; DEBOUTER les sociétés Diffulice et JCDA de leurs demandes au titre du droit à l'information ; D. Sur l'absence d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ? qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits « NIVEA ESSENTIALS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX » et « NIVEA MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX» avec les produits commercialisés sous la marque SKIN MINUTE ; ? que les éléments revendiqués comme étant leurs trois « Eléments identitaires » par les sociétés Diffulice et JCDA sont indéterminés et insusceptibles d'être rattachés ou appropriés par un acteur particulier dans le domaine des cosmétiques ; ? que l'usage de l'expression « 1 MINUTE » dans son acception courante au sein de la dénomination du produit « NIVEA ESSENTIALS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX» n'est pas fautif, ni n'engage la responsabilité des sociétés Beiersdorf ; ? Beiersdorf avec sa crème NIVEA, produit iconique qui a fêté son centenaire en 2011, et dont le nouveau logo est utilisé depuis 2013 dans le monde entier, capitalise sur l'image de son produit emblématique, dispose d'un droit antérieur et d'une légitimité d'emploi, ? que l'usage d'un logo rond bleu identifie les produits comme provenant de Beiersdorf; ? que les sociétés Diffulice et JCDA ne rapportent pas la preuve (i) d'un usage intensif et ancien des couleurs rose et bleu sur des produits cosmétiques, ni (ii) de l'attribution qui serait faite par les consommateurs de ce code couleur à leurs produits ; ?que le terme « SKIN », qui signifie « peau » en anglais, immédiatement compris par les consommateurs et utilisé par l'ensemble des acteurs des cosmétiques, y compris par les sociétés Beiersdorf ne peut être monopolisé par la société JCDA dans le domaine des produits cosmétiques ; surtout que le « Skin care » constitue le c?ur de métier des concluantes depuis un siècle et pour lequel, elles jouissent d'une renommée et d'une très bonne image; ? que les sociétés Diffulice et JCDA ne démontrent pas l'existence de valeurs économiques qui auraient été appropriées indûment par les sociétés BEIERSDORF ; ? qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits « NIVEA PURE SKIN » de Beiersdorf, ni encore de lien avec les prétendus « éléments identitaires » de Diffulice et JCDA, alors surtout que : o Beiersdorf avec sa crème NIVEA, produit iconique qui a fêté son centenaire en 2011, et dont le nouveau logo est utilisé depuis 2013 dans le monde entier, capitalise sur l'image de son produit emblématique, dispose d'une antériorité et légitimité d'emploi, o le bleu est la couleur principale de Beiersdorf pour NIVEA depuis 1925, o l'usage d'un logo rond bleu identifie les produits comme provenant de Beiersdorf; o la « combinaison des couleurs rose et bleue », n'est pas déterminée, et relève du concept, qui est de libre parcours, o Diffulice et JCDA ne disposent pas d'un droit quelconque sur l'emploi de l'association des couleurs bleu et rose, et encore moins opposable à Beiersdorf, dont les produits ont depuis toujours une identité visuelle avec des éléments de bleu, et dont le public cible est féminin, alors qu'il est constant que le rose est la couleur de la féminité ; o selon les demanderesses les couleurs ne seraient pas distinctives etidentifiantes; En conséquence : REJETER les demandes des sociétés Diffulice et JCDA fondées sur la reprise alléguée par les produits « PURE SKIN » de leurs éléments identitaires consistant en la combinaison des couleurs rose et bleu, la présence d'un logo rond bleu et le terme SKIN, ces moyens n'étant pas repris au dispositif de leurs conclusions ; JUGER qu'aucune faute ne peut être reprochée aux sociétés BEIERSDORF avec la commercialisation des produits NIVEA ESSENTIALS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX et NIVEA PURE SKIN ; DEBOUTER la société JCDA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ; E. Les demandes reconventionnelles des sociétés BEIERSDORF ? Les actes de dénigrement de la marque et des produits NIVEA JUGER qu'en faisant diffuser un tract dans les instituts BODY MINUTE, relayé sur le site internet et les pages Facebook de BODY MINUTE, la société JCDA a commis des actes de dénigrement (i) des marques NIVEA de la société BEIERSDORF AG, (ii) des produits NIVEA conçus par BEIERSDORF AG et commercialisés en France par la société BEIERSDORF SAS, (iii) mais encore en divulguant l'existence et la teneur du présent litige avant toute décision ; JUGER qu'en diffusant une pétition sur le site internet et les pages Facebook de BODY MINUTE, la société JCDA a commis des actes de dénigrement (i) des marques NIVEA de la société BEIERSDORF AG, ii) des produits NIVEA conçus par BEIERSDORF AG et commercialisés en France par la société BEIERSDORF SAS, (iii) mais encore en divulguant l'existence et la teneur du présent litige avant toute décision ; JUGER qu'en révélant, dans trois articles de presse parus (i) dans le magazine Entreprendre le 1er juillet 2021, (ii) sur le site internet de Economie Matin le 28 juillet 2021 et (iii) dans le Figaro le 13 septembre 2021, l'existence de la procédure en cours dans laquelle des actes de contrefaçon sont reprochés aux sociétés Beiersdorf, les sociétés Diffulice et JCDA ont commis des actes de concurrence déloyale par dénigrement ; En conséquence, REJETER la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Diffulice et JCDA fondée sur la prescription de l'action en diffamation ; CONDAMNER les sociétés Diffulice et JCDA à payer à chacune des sociétés Beiersdorf une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des différents actes de dénigrement. ? La violation de la confidentialité de la médiation JUGER que les sociétés Diffulice et JCDA étaient tenues d'une obligation de confidentialité relative à l'existence et au contenu de la procédure de médiation entre les parties; JUGER que les sociétés Diffulice et JCDA ont violé cette obligation en divulguant dans trois articles de presse parus (i) dans le magazine Entreprendre le 1 er juillet 2021, (ii) sur le site internet de Economie Matin le 28 juillet 2021 et (iii) dans le Figaro le 13 septembre 2021, des informations relatives à l'existence de la médiation et au contenu des échanges intervenus entre les parties; faits de divulgation qui sont fautifs et préjudiciables aux sociétés BEIERSDORF; En conséquence : CONDAMNER solidairement les sociétés Diffulice et JCDA à payer aux sociétés BEIERSDORF la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de cette violation ; ? L'abus du droit d'agir JUGER que la société JCDA a commis un abus de droit en engageant à l'encontre des sociétés BEIERSDORF une action en concurrence déloyale et parasitisme alors même qu'elle était pleinement consciente du mal fondé de ses demandes ; En conséquence : CONDAMNER la société JCDA à payer à chacune des sociétés BEIERSDORF la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; F. En tout état de cause ORDONNER l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel ou constitution de garantie ; CONDAMNER solidairement la société DIFFULICE et la société JCDA à payer aux sociétés BEIERSDORF la somme de 150.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. CONDAMNER solidairement la société DIFFULICE et la société JCDA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe Chapoullié, avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières conclusions no6 aux fins d'intervention volontaire accessoire notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2021, les sociétés du réseau BODY MINUTE demandent au tribunal de: Vu les articles L. 713-3 (b), L. 716-1, L. 716-7-1, L. 716-14, L. 716-15 et L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 1240 du Code civil, In limine litis, ? DECLARER RECEVABLE les interventions volontaires des 185 Sociétés Franchisées; ? DECLARER IRRECEVABLES les demandes des sociétés Beiersdorf en nullité et déchéance de la marque française « BODY MINUTE » no 12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 pour défaut de lien suffisant avec le litige ; ? DECLARER IRRECEVABLES les demandes des sociétés Beiersdorf en nullité et en interdiction d'usage de la marque française « BODY MINUTE » no15/4 174 937 et de la marque internationale visant l'Union européenne « Relax Minute » no1 281 005 pour défaut de lien suffisant avec le litige ; A titre principal, ? ACCUEILLIR L'INTEGRALITE DES DEMANDES DES DEMANDERESSES à l'encontre des sociétés Beiersdorf ; En tout état de cause : ? REJETER la demande en annulation des sociétés Beiersdorf, pour défaut de caractère distinctif, de la marque française « BODY MINUTE » no 12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 appartenant à la société Diffulice ; ? REJETER la demande de déchéance des sociétés Beiersdorf, pour défaut d'usage sérieux, de la marque française « BODY MINUTE » no 12/3 911 199 déposée le 6 avril 2012 en classes 8 et 44 appartenant à la société Diffulice ; ? REJETER les demandes reconventionnelles des sociétés Beiersdorf en annulation et en interdiction d'usage de la marque « BODY MINUTE » internationale visant la France no 15/4 174 937 et de la marque BODY MINUTE internationale visant l'Union européenne no1 281 005 sur le fondement d'atteinte à sa marque renommée NIVEA (marque internationale visant la France no366908 déposée le 24 avril 1970 en classe 3) et sur le fondement de parasitisme; ? REJETER la demande en annulation des sociétés Beiersdorf, pour défaut de caractère distinctif, des marques françaises « BODY MINUTE » no 02/3 164 856 déposée le 17 mai 2002 en classe 3 et « SKIN MINUTE » no 08/3 608 125 déposée le 29 octobre 2008 en classes 3 et 44; ? REJETER la demande de déchéance des sociétés Beiersdorf, pour défaut d'usage sérieux, des marques françaises « BODY MINUTE » no 02/3 164 856 déposée le 17 mai 2002 en classe 3 et « SKIN MINUTE » no 08/3 608 125 déposée le 29 octobre 2008 en classes 3 et 44, toutes appartenant à la société Diffulice . La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 mars 2022. L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 juin 2022. Le présent jugement est contradictoire. MOTIFS DU JUGEMENT : Sur la demande de "donner acte" formulée par les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF : Les sociétés BEIERSDORF demandent au tribunal de donner acte aux sociétés DIFFULICE et JCDA de leur décision de procéder en 2022 au changement de l'enseigne du réseau "BODY MINUTE" et d'abandonner l'usage à cette fin d'un logo rond bleu, avec une inscription en lettres blanches. Les sociétés JCDA et DIFFULICE s'opposent à cette demande. Il a été jugé que la disposition d'un jugement se bornant à donner acte de la décision d'une seule partie est, en tant que telle, dépourvue de toute valeur juridique, un contrat judiciaire ne se formant qu'autant que les parties s'obligent dans les mêmes termes (Cass.1ère civ., 25 juin 2008, no07-10.511). Une demande de donner acte est dépourvue de toute portée juridique (Cass. 3e civ, 16 juin 2016, no15-16.469). Dans leurs écritures, les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir qu'elles ont procédé au changement de l'enseigne du réseau "BODY MINUTE" compte tenu du litige en cours et du logo bleu revendiqué par les défenderesses, afin de rassurer d'éventuels investisseurs et d'offrir une certaine sérénité aux franchisés. Elles ajoutent que cette demande de "donner acte"démontre la volonté des sociétés BEIERSDORF de bloquer toute marge de manoeuvre et de développement des demanderesses et de sécuriser définitivement l'appropriation par les sociétés BEIERSDORF du logo rond bleu. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de "donner acte" formulée par les sociétés BEIERSDORF, les sociétés JCDA et DIFFULICE n'ayant jamais manifesté leur volonté ferme et définitive de ne plus utiliser, pour identifier l'enseigne du réseau "BODY MINUTE", le logo bleu qu'elles exploitaient auparavant et qui était notamment reproduit sur la marque semi-figurative française de la société DIFFULICE no4174937 qui n'est pas discutée dans le cadre de la présente procédure. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire des sociétés exploitantes du réseau "BODY MUNUTE" : Les sociétés BEIERSDORF font valoir que les 185 instituts exerçant sous l'enseigne "BODY MINUTE" sont irrecevables en leur intervention volontaire accessoire. Elles opposent, à cet égard, que si les intervenants volontaires ne formulent plus de demandes distinctes, leur intervention à l'instance demeure irrecevable, à défaut de droit d'agir à titre commun, lequel ne concerne que les actions de groupe prévues aux articles L.623-1 et L.623-2 du code de la consommation, et d'absence d'intérêt à agir individuel, les contrats de franchise ne portant que sur l'exploitation des marques "EPIL MINUTE" no758656 et "BODY MINUTE" no724776 qui ne sont pas concernées par la présente action, étant précisé que tout changement d'enseigne sera supporté par les sociétés JCDA et DIFFULICE. Les sociétés exploitantes du réseau "BODY MINUTE" répliquent qu'elles ont un intérêt évident à soutenir les sociétés JCDA et DIFFULICE dans le cadre de la présente instance. Elles rappellent que la marque "BODY MINUTE" constitue le coeur de leur commerce, laquelle est omniprésente dans leurs instituts et reproduite pour identifier les produits de la gamme "MINUTE" (BODY MINUTE, SKIN MINUTE et EPIL MINUTE) et qu'il est donc impératif pour ces sociétés de protéger les produits et les marques de cette gamme. Elles soulignent également que leur intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, les contrats de franchise prévoyant le droit d'exploiter la marque française "BODY MINUTE" no724776, tandis que, pour les sociétés ayant bénéficié d'un contrat de location-gérance de la société JCDA, leurs contrats prévoient que le fonds de commerce s'intègre dans le réseau "BODY MINUTE". Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. L'article 328 du code de procédure civile dispose que l'intervention volontaire est principale ou accessoire, tandis que l'article 330 du même code prévoit que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. Les intervenantes volontaires représentent, pour une très large proportion, des sociétés ayant conclu un contrat de franchise avec la société JCDA à l'exception de 17 entités liées par un contrat de location-gérance avec cette société. Or, concernant les contrats de franchise communiqués, il est relevé que, pour le signe "BODY MINUTE", ils ne prévoient un droit d'usage pour les franchisés que sur la marque "BODY MINUTE" no724776 et aucune stipulation contractuelle concernant la marque "SKIN MINUTE" no3608125. Par ailleurs, pour les contrats de location-gérance, ils renvoient au respect par les locataires-gérants de contrats de licence qui ne sont pas communiqués. Par conséquent, les sociétés franchisées et titulaires de contrats de location-gérance avec la société JCDA, licenciée des marques déposées par la société DIFFULICE, ne justifient pas d'un intérêt direct à intervenir à la procédure pour soutenir les demandes des sociétés JCDA et DIFFULICE dès lors que les sociétés BEIERSDORF ne sollicitent à titre reconventionnel que la nullité ou subsidiairement la déchéance des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 déposées par la société DIFFULICE, les intervenantes volontaires ne disposant pas de droits sur ces marques en vertu des conventions conclues avec la société JCDA. Aussi, il convient de les déclarer irrecevables en leur intervention volontaire. Sur les demandes reconventionnelles des sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF en nullité de l'enregistrement des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 et, subsidiairement, en déchéance des droits de la société DIFFULICE sur ces marques : Le tribunal observe, en premier lieu, que les sociétés BEIERSDORF ne contestent plus, aux termes de leurs dernières écritures, la validité de la marque française "BODY MINUTE" no3911199. Aussi, la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés JCDA et DIFFULICE tirée de l'irrecevabilité des demandes des sociétés BEIERSDORF en nullité et déchéance des droits sur cette marque est sans objet. Sur la nullité de l'enregistrement des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 pour absence de distinctivité : Les sociétés BEIERSDORF soutiennent que ces marques sont dépourvues de caractère distinctif pour les produits et/ou services visés à leur enregistrement. A ce titre, elles font valoir que ces marques sont constituées, pour le premier terme, d'un mot anglais basique : "BODY" et "SKIN", automatiquement compris par le public concerné, qui indique la désignation des produits et/ou services, soit pour le corps (BODY) ou pour la peau (SKIN) et, pour le second terme, d'un mot transparent "MINUTE", identique en anglais et en français, qui décrit l'une de leurs qualités promises, à savoir la rapidité d'application pour les produits et/ou l'instantanéité pour les services. Les sociétés BEIERSDORF soulignent que le terme "MINUTE", qui désigne une unité de temps très courte ou une action très rapide, décrit une qualité des produits ou services désignés par les marques, de sorte qu'il présente un caractère purement descriptif, un tel caractère étant rappelé par le contrat de licence conclu entre les sociétés JCDA et DIFFULICE le 19 juillet 2016. Elles font valoir que, concernant la marque "BODY MINUTE" no3164856, le terme "MINUTE" est insusceptible de donner prise à un droit privatif sur les produits désignés en classe 3, le mot "BODY" étant également descriptif des produits désignés puisqu'il renvoie à leur destination d'application et leur fonction, à savoir le corps, l'expression "BODY MINUTE" étant comprise directement et automatiquement par le public concerné comme renvoyant à des produits pour le corps ayant pour caractéristique un effet rapide sur celui-ci. Les sociétés BEIERSDORF affirment, en conséquence, que la marque "BODY MINUTE" est descriptive de la destination et des qualités alléguées des produits désignés par la marque et n'est pas apte à remplir la fonction d'identité d'origine de la marque dont l'enregistrement doit être annulé pour défaut de caractère distinctif. Concernant la marque "SKIN MINUTE" no3608125, les sociétés BEIERSDORF font valoir qu'elle présente également un caractère purement descriptif pour les produits et services désignés en classe 3 et 44, celle-ci, qui est seulement constituée de la juxtaposition des mots "SKIN" et "MINUTE", véhiculant exactement la même signification de produits et services destinés à la peau (SKIN) dont l'application, l'effet ou la prestation est rapide (MINUTE). Les sociétés JCDA et DIFFULICE répliquent que, pour apprécier le caractère distinctif d'un signe, il convient de l'analyser dans son ensemble et non pas d'examiner ses différentes parties prises séparément. Elles soutiennent que, non seulement le terme "MINUTE", élément dominant au sein des marques, est distinctif, mais surtout que la combinaison des termes composant chacune des marques contestées est également distinctive. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soulignent que les produits et services désignés par les marques ne renvoient pas à la notion de rapidité, mais plutôt à la sérénité et au temps pour soi, le terme "MINUTE"apparaissant contradictoire avec les caractéristiques des produits ou services visés par les marques, de sorte que la combinaison avec les termes "BODY" et "SKIN" apparaît arbitraire. Elles rappellent qu'elles ont déposé de nombreuses marques contenant le terme "MINUTE" pris isolément ou en combinaison avec d'autres termes, que l'appropriation du terme "MINUTE" sous forme de marques enregistrées pour désigner certains produits ou services par les demanderesses est légitime, ce terme n'étant pas nécessaire pour désigner les produits ou services en question, tandis que les demanderesses étaient les premières à le déposer et à l'utiliser systématiquement dans le cadre de leur activité. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soulignent que le signe "BODY MINUTE" présente un fort pouvoir distinctif puisqu'il évoque, dans l'esprit du consommateur, le réseau éponyme, le terme "MINUTE" n'étant pas nécessaire pour évoquer une éventuelle caractéristique de rapidité et d'efficacité d'un produit ou d'un service. Elles soutiennent que, pris ensemble, les termes composant les marques ne constituent pas des ensembles sémantiques ayant une signification en langue française ou anglaise, mais constituent des combinaisons de fantaisie possédant un caractère distinctif, les signes "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE", qui ne font pas nécessairement penser à des produits ou services de beauté, étant composés de termes, qui, à supposer qu'ils soient purement descriptifs pris individuellement, créent, lorsqu'ils sont réunis, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des informations individuellement apportées. Aux termes de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no 2019-1169 du 13 novembre 2019, laquelle était applicable au moment du dépôt des marques contestées, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage. En vertu de l'article L. 714-3, alinéa premier du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 de ce code. Il est rappelé que le principe de distinctivité de la marque tend à assurer à la fois la libre disponibilité des signes exclusivement descriptifs de produits ou services et la fonction de garantie d'identité d'origine de la marque. Une marque est considérée comme descriptive si le signe concerné présente avec les produits et services en cause un rapport suffisamment direct et concret pour permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, dans le signe, une description de ces produits ou services ou de leurs caractéristiques objectives ou qualités essentielles. La Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt du 12 février 2004 (affaire C-363/99), a dit pour droit, aux points 98 à 100 : 98 En règle générale, la simple combinaison d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé reste elle-même descriptive desdites caractéristiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive. En effet, le simple fait d'accoler de tels éléments sans y apporter de modification inhabituelle, notamment d'ordre syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu'une marque composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques desdits produits ou services. 99 Toutefois, une telle combinaison peut ne pas être descriptive, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, à condition qu'elle crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion desdits éléments. S'agissant d'une marque verbale, qui est destinée à être entendue autant qu'à être lue, une telle condition devra être satisfaite en ce qui concerne l'impression à la fois auditive et visuelle produite par la marque. 100 Ainsi, une marque constituée d'un mot composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive desdites caractéristiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, sauf s'il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n'est pas lui-même descriptif au sens de la même disposition. En l'espèce, il est rappelé que la marque verbale française "BODY MINUTE" no3164856 a été enregistrée pour désigner les produits suivants en classe 3 "Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices", tandis que la marque verbale française "SKIN MINUTE" no3608125 a été enregistrée pour désigner les produits suivants en classe 3: " Savons ; parfums ; produits de parfumerie ; huiles essentielles ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; cosmétiques ; produits cosmétiques pour épilation ; produits pour les soins des ongles" et les services suivants en classe 44 "Soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ; salons de beauté ; salons de coiffure ; massages". Pour la marque "BODY MINUTE" no3164856, il est observé que le terme "BODY" évoquera dans l'esprit du public français, qui comprend les mots en langue anglaise d'usage courant, le corps humain au sens large. Aussi, il ne désignera pas spécifiquement des savons, des produits de parfumerie, des huiles essentielles, des cosmétiques, des lotions pour les cheveux et des dentifrices, soit des produits en lien avec l'hygiène, les soins du corps et la parfumerie, mais renverra également notamment aux produits relatifs avec l'activité physique (sport) ou la relaxation, des compléments alimentaires pour fortifier le corps et des produits destinés à soulager des douleurs..., soit tous produits en rapport avec le bien-être corporel. Par conséquent, le terme "BODY" ne peut être considéré comme purement descriptif des produits visés en classe 3 à l'enregistrement de la marque "BODY MINUTE" no3164856. En toute hypothèse, l'association des termes "BODY" et "MINUTE" pris dans cet ordre, par son caractère inédit, est inhabituelle par rapport aux produits et services désignés par la marque, et va générer dans l'esprit du public une impression globale suffisamment éloignée de celle produite par les termes qui le composent, primant sur ceux-ci. En ce qui concerne la marque "SKIN MINUTE" no3608125, le tribunal observe également, qu'à retenir que le terme "SKIN" désigne expressément et sans ambiguïté la peau et se rapporte à des produits appliqués sur l'épiderme, ne peuvent cependant être nécessairement assimilés à ces produits les huiles essentielles, les lotions pour les cheveux, les dentifrices, des cosmétiques concernant d'autres parties du corps que la peau, et les produits de soins des ongles, tandis que les services de soins d'hygiène et de beauté, les salons de beauté et de coiffure ne renvoient pas seulement aux soins et à l'embellissement de la peau, étant précisé que les services de massages, qui sont en lien avec la recherche du bien-être corporel au sens large, ont une finalité différente. Par ailleurs, comme déjà évoqué concernant la marque "BODY MINUTE" no3164856, l'association des termes "SKIN" et "MINUTE" pour désigner des produits et services larges en lien avec le soin et la beauté du corps, constitue un signe présentant un caractère inhabituel différent de l'impression générée par les termes le composant. Aussi, les marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 doivent être tenues pour distinctives, étant cependant relevé que la marque "BODY MINUTE", plus globale dans son acception, présente une distinctivité plus forte que la marque "SKIN MINUTE", qui est plus limitative en ce qu'elle désigne seulement la peau. Il convient donc de débouter les sociétés BEIERSDORF de leur demande de nullité de l'enregistrement de ces marques. Sur la demande reconventionnelle en déchéance des droits sur les marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125: Les sociétés BEIERSDORF rappellent que, dans le cadre d'une famille de marques, l'usage d'une marque de cette famille ne peut être invoqué pour justifier de l'usage d'une autre marque de la même famille. Elles font valoir que la société DIFFULICE revendique une "famille de marques MINUTE" comprenant l'ensemble de ses marques comportant le mot "MINUTE" y compris ses marques verbales et semi-figuratives dans différentes versions. Les sociétés BEIERSDORF font valoir que la période à prendre en considération pour la justification de l'usage des marques querellées court du 26 mars 2013 au 25 mars 2018, la demande de déchéance ayant été formée par l'assignation du 26 mars 2018 délivrée par les défenderesses. Les sociétés BEIERSDORF soutiennent que l'ensemble des pièces versées aux débats par les sociétés JCDA et DIFFULICE ne rentrant pas dans cette période doivent être rejetées et qu'elles échouent à rapporter la preuve de l'usage sérieux pendant cette période des marques pour les produits et services désignés. Les sociétés BEIERSDORF soutiennent que, concernant la marque "BODY MINUTE" no3164856, il n'est justifié d'aucun usage sérieux pour la parfumerie, les huiles essentielles, les lotions pour les cheveux et les dentifrices, et que la marque a été utilisée comme enseigne et non à titre de marque, un tel usage impliquant une reproduction de la marque sur les produits concernés, lequel n'est pas établi. Concernant la marque "SKIN MINUTE" no3608125, les sociétés BEIERSDORF font valoir qu'une marque verbale de l'Union européenne éponyme no8285546 déposée pour désigner des produits et services des classes 3 et 44 a donné lieu à une décision de déchéance de l'EUIPO du 23 avril 2021 qui a limité l'enregistrement de cette marque aux savons et cosmétiques en classe 3 et aux soins des cheveux et de la peau pour les êtres humains en classe 44. Les sociétés BEIERSDORF soutiennent que la société DIFFULICE échoue à rapporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque "SKIN MINUTE" pour les produits et services désignés à son enregistrement. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soutiennent que les marques en cause ont fait l'objet d'un usage sérieux et intensif, durant la période considérée, pour tous les produits et services visés dans leurs enregistrements respectifs. Elles indiquent, à cet égard, que l'usage d'un signe à titre de marque utilisé comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne peut être admis en présence d'un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne et les produits commercialisés et les services fournis, cela même en l'absence d'apposition du signe sur des produits ou des services. Elles font valoir qu'elles peuvent prouver l'usage des marques enregistrées en produisant des preuves d'usage d'une version modernisée de cette marque n'en altérant pas le caractère distinctif, comme par exemple l'usage d'une marque sous une forme semi-figurative dans la mesure où les éléments visuels présentent un rôle mineur et ne modifient pas substantiellement le signe exploité. Les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir que les marques en cause ont été exploitées sous une forme semi-figurative n'en altérant pas le caractère distinctif pendant la période de référence et que l'usage de ces marques est sérieux, cet usage ayant même été intensif. Aux termes de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur depuis le 15 décembre 2019 modifiée par l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019, encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : 1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; 2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ; 3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; 4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation. Pour échapper à la déchéance, le titulaire des marques verbales "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 doit donc rapporter la preuve d'une exploitation sérieuse et non équivoque, à titre de marques, sur le territoire français, sur la période du 26 mars 2013 au 25 mars 2018, la demande reconventionnelle en déchéance des droits sur ces marques ayant été formée par les sociétés BEIERSDORF par assignation du 26 mars 2018. Dans leurs conclusions (points 163 et 181), les sociétés BEIERSDORF limitent expressément le point de départ de la période à prendre en compte pour l'examen de la déchéance au 26 mars 2013. Aussi, le tribunal ne pourra prendre en considération que cette période, même si le dispositif des écritures énonce des dates différentes. Doit seul être considéré comme sérieux l'usage de la marque dans la vie des affaires et dans sa fonction de garantie d'identité d'origine des produits et services pour lesquels elle est déposée, aux fins de créer, de développer ou de conforter ses parts de marché dans le secteur économique considéré. Cet usage doit donc être suffisant et non seulement symbolique et au seul but de maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque s'apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque. La marque doit donc en premier lieu être utilisée à titre de marque, c'est à dire pour indiquer l'origine du produit ou du service en cause. La marque doit également être utilisée soit par le titulaire, soit par un tiers agissant avec son consentement pour tous les produits et services indiqués dans le certificat d'enregistrement. Dans un arrêt du 25 octobre 2012 (affaire C-553/11), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : 18 Par sa première question et sa troisième question, sous a), qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que le titulaire d'une marque enregistrée puisse, aux fins d'établir l'usage de celle-ci au sens de cette disposition, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque. 19 À cet égard, il y a lieu, d'une part, de rappeler que le caractère distinctif d'une marque, au sens des dispositions de la directive 89/104, signifie que cette marque permet d'identifier le produit pour lequel l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises (voir, par analogie, arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C-468/01 P à C-472/01 P, Rec. p. I-5141, point 32; du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C-64/02 P, Rec. p. I-10031, point 42; du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C-304/06 P, Rec. p. I-3297, point 66, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C-311/11 P, point 23). 20 Il convient, d'autre part, de relever qu'il ne découle aucunement du libellé de l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104 que la forme différente sous laquelle la marque est utilisée ne peut pas elle-même être enregistrée comme marque. En effet, la seule condition énoncée à cette disposition est celle selon laquelle la forme utilisée ne peut différer de la forme sous laquelle cette marque a été enregistrée que par des éléments qui n'altèrent pas le caractère distinctif de cette dernière. 21 Quant à la finalité de l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, il y a lieu de relever que cette disposition, en évitant d'exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, vise à permettre au titulaire de cette dernière d'apporter au signe, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. 22 Or, cette finalité serait compromise si, pour l'établissement de l'usage de la marque enregistrée, il était exigé une condition supplémentaire selon laquelle la forme différente sous laquelle cette marque est utilisée ne devrait pas avoir elle-même fait l'objet d'un enregistrement en tant que marque. En effet, l'enregistrement de nouvelles formes d'une marque permet, le cas échéant, d'anticiper les changements susceptibles d'intervenir dans l'image de la marque et, ainsi, de l'adapter aux réalités d'un marché en évolution. 23 En outre, il ressort du douzième considérant de la directive 89/104 que les dispositions de cette directive doivent être «en harmonie complète avec celles de la convention de Paris». Dès lors, il y a lieu d'interpréter l'article 10, paragraphe 2, sous a), de ladite directive conformément à l'article 5, C, paragraphe 2, de cette convention. Or, rien dans cette dernière disposition ne laisse entendre que l'enregistrement d'un signe en tant que marque a pour conséquence que l'usage de celui-ci ne peut plus être invoqué pour établir l'usage d'une autre marque enregistrée dont il diffère seulement d'une manière telle que le caractère distinctif de cette dernière n'en est pas altéré. 24 Il s'ensuit que l'enregistrement en tant que marque de la forme sous laquelle une autre marque enregistrée est utilisée, forme qui diffère de celle sous laquelle cette dernière marque est enregistrée, tout en n'altérant pas le caractère distinctif de celle-ci, ne fait pas obstacle à l'application de l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104. 25 Cette interprétation n'est pas en contradiction avec celle qui résulte de l'arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, précité, et notamment avec le point 86 de celui-ci, mentionné dans la décision de renvoi. 26 Dans l'affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour était saisie d'un litige dans le cadre duquel une partie invoquait la protection d'une «famille» ou d'une «série» de marques similaires, aux fins de l'appréciation du risque de confusion avec la marque dont l'enregistrement était demandé. Ce litige relevait de l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), disposition qui correspondait, à la date des faits dudit litige, à l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, le libellé de ces dispositions étant en substance identique. 27 Ayant jugé, au point 63 de l'arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, précité, que, en présence d'une «famille» ou d'une «série» de marques, le risque de confusion résulte plus précisément du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l'origine des produits ou des services couverts par la marque dont l'enregistrement est demandé, en estimant, à tort, que celle-ci fait partie de cette famille ou série de marques, la Cour a considéré que, afin d'établir l'existence d'une «famille» ou d'une «série» de marques, l'usage d'un nombre suffisant de marques susceptible de constituer cette «famille» ou cette «série» doit être démontré. 28 La Cour a poursuivi en jugeant, au point 64 de l'arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, précité, que l'on ne saurait attendre d'un consommateur, en l'absence d'usage d'un nombre suffisant de marques susceptible de constituer une «famille» ou une «série», qu'il détecte un élément commun dans ladite famille ou série de marques et/ou qu'il associe à cette famille ou série une autre marque contenant le même élément commun. Dès lors, pour qu'il existe un risque que le public se méprenne quant à l'appartenance à une «famille» ou à une «série» de la marque dont l'enregistrement est demandé, les autres marques faisant partie de cette famille ou série devraient être présentes sur le marché. 29 C'est dans ce contexte particulier de la prétendue existence d'une «famille» ou d'une «série» de marques qu'il convient de comprendre l'affirmation de la Cour, au point 86 de l'arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, précité, selon laquelle l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94, et partant l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, ne permet pas d'étendre, par la preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre marque enregistrée, dont l'usage n'a pas été démontré, au motif que cette dernière ne serait qu'une légère variante de la première. En effet, l'usage d'une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l'usage d'une autre marque, dès lors que le but est d'établir l'utilisation d'un nombre suffisant de marques d'une même «famille». 30 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question et à la troisième question, sous a), que l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que le titulaire d'une marque enregistrée puisse, aux fins d'établir l'usage de celle-ci au sens de cette disposition, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque. Aussi, à supposer que la marque "BODY MINUTE" no3164856 appartienne à une famille de marques de la société DIFFULICE comprenant le signe commun "MINUTE", de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une marque différente pour justifier de l'exploitation d'une autre marque, même avec des différences légères, il n'en demeure pas moins que le titulaire de la marque est fondé à se prévaloir de l'usage d'une marque exploitée, même enregistrée, qui ne diffère de la marque contestée que par des éléments n'en altérant pas le caractère distinctif. Il est constant que de tels éléments peuvent consister en des ajouts de signes visuels aux signes verbaux déposés à titre de marque, dès lors qu'ils n'altèrent pas la perception de ces derniers par les consommateurs. Il en va ainsi de la reproduction des marques verbales en association avec un logo basique de forme arrondie, décliné en plusieurs couleurs, qui n'a pas un rôle essentiel dans la perception des marques, une telle forme et les couleurs ne présentant intrinsèquement aucun caractère distinctif. Il est justifié que, pour la période du 26 mars 2013 au 25 mars 2018, la marque verbale "BODY MINUTE" no3164856 était reproduite sur de nombreux supports et des produits sous les formes suivantes : Ces cercles de différentes couleurs dans lesquels est reproduit le signe verbal "BODY MINUTE" n'ont aucune incidence sur la perception du signe par le consommateur, le mettant au contraire en valeur. Il y a donc lieu de retenir que la marque verbale "BODY MINUTE" no3164856 a été exploitée sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. Il résulte des très nombreuses pièces communiquées par les demanderesses que cette marque a été largement exploitée comme une marque ombrelle apposée sur des gammes de produits reproduisant des marques filles, comme par exemple HAND MINUTE, EPIL MINUTE ou HAIR MINUTE; que les produits reproduisant la marque "BODY MINUTE" ont été, durant la période considérée, massivement commercialisés dans les instituts du réseau "BODY MINUTE", qui s'élevaient au nombre de 394 en 2017 sur le territoire national; que la marque "BODY MINUTE" jouit d'une forte notoriété, un sondage communiqué établissant une notoriété de 52% chez les femmes urbaines de 18-45 ans ciblées principalement par la marque en 2014, et une augmentation de 9 points en 2018 pour passer à 61%; que cette évolution de la notoriété de la marque résulte d'investissements conséquents consentis en matière de communication et de développement du réseau des instituts de beauté "BODY MINUTE"; que sont communiquées de nombreuses factures d'achat établies par la société JCDA à destination des franchisés portant sur des produits référencés "BODY MINUTE" ; qu'il résulte notamment des extraits du site "archive.org", des photographies des présentoirs des instituts "BODY MINUTE" et des pages du site Internet exploité par la société JCDA que la marque litigieuse était reproduite sur des produits désignant les soins pour l'épilation, les soins pour la peau, les savons, les cires blanches pour les zones sensibles,les contours des yeux anti-âge, les bandes de cire blanche, et des shampoings. Il est donc justifié par les sociétés JCDA et DIFFULICE d'une exploitation sérieuse, pour la période du 26 mars 2013 au 25 mars 2018, de la marque verbale "BODY MINUTE" no3164856 pour les savons, cosmétiques et lotions pour les cheveux, produits visés par son enregistrement. En revanche, il n'est pas justifié d'un usage, pour la période considérée, de la marque pour désigner les produits de parfumerie, les huiles essentielles et les dentifrices. Aussi, il convient de prononcer la déchéance des droits de la société DIFFULICE sur la marque "BODY MINUTE" no3164856 à compter du 26 mars 2018 pour ces seuls produits. Concernant la marque verbale "SKIN MINUTE" no3608125, il est établi qu'elle a été exploitée sous différentes présentations visuelles qui n'en n'ont pas altéré le caractère distinctif, les éléments visuels mettant au contraire la marque en valeur : Les sociétés JCDA et DIFFULICE justifient notamment que, pour les années 2014 à 2017, les ventes des produits marqués "SKIN MINUTE" se sont élevées à 2.946.279,10 euros HT en 2014, 3.217.064,36 euros HT en 2015, 4.059.430,18 euros HT en 2016 et 3.160.738,48 euros HT en 2017 ; que, selon une attestation du 16 mai 2019 corroborée par des éléments comptables, le président de la société JCDA a détaillé les montants des ventes pour les huiles sèches, crèmes de massage et savons commercialisés sous la marque "SKIN MINUTE" pour les années 2014 à 2018 pour des montants conséquents; que les captures d'écran obtenues via WayBack Machine établissent qu'étaient présentés sur le site Internet "bodyminute.com", des produits cosmétiques sous l'appelation "SKIN MINUTE", à tout le moins en 2016 et 2017; qu'une importante communication a été faite en décembre 2015 auprès des instituts du réseau "BODY MINUTE" pour inciter les clientes à acheter les produits "SKIN MINUTE" et suivre les programmes de soins présentés sous la marque, ces produits ayant également fait l'objet de publicité dans de nombreux magazines pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2018. Il est justifié d'un usage sérieux de la marque "SKIN MINUTE" no3608125 durant la période de référence pour les savons, les cosmétiques et produits cosmétiques pour l'épilation, un tel usage étant en revanche insuffisamment caractérisé pour les parfums, produits de parfumerie, huiles essentielles, lotions pour les cheveux, dentifrices et produits pour les soins des ongles, produits également visés à l'enregistrement de la marque. En ce qui concerne les services de soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains, salons de beauté, salons de coiffures et massages, la communication faite par la société JCDA, même si elle évoque une "méthode SKIN MINUTE", ne porte en réalité que sur des produits désignés par la marque, même s'ils sont complémentaires, étant observé qu'est communiqué un encart publicitaire distinguant les soins en institut dénommés "BODY MINUTE" des soins à domicile intitulés "SKIN MINUTE". Enfin, il est relevé que certains soins prodigués en instituts sont désignés par la marque "SKIN minute LAB", laquelle présente un caractère distinctif propre par l'adjonction du terme "LAB" évoquant les laboratoires, de sorte qu'il ne peut être considéré que ce signe serait une déclinaison de la marque "SKIN MINUTE" no3608125 sous une forme n'en altérant pas le caractère distinctif. Aussi, il convient de dire la société DIFFULICE déchue de ses droits sur la marque verbale "SKIN MINUTE" à compter du 26 mars 2018 pour les produits suivants en classe 3 : les parfums, produits de parfumerie, huiles essentielles, lotions pour les cheveux, dentifrices et produits pour les soins des ongles, et pour les services suivants en classe 44 : soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ; salons de beauté ; salons de coiffure ; massages. Sur la contrefaçon des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125: Les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir que les sociétés BEIERSORF ont déposé, en 2017, et exploité, à titre de marque, un signe complexe "1 MINUTE SKIN DETOX" pour désigner des masques de beauté pour le visage, ayant également lancé deux nouveaux produits intitulés "PURE SKIN". Les sociétés JCDA et DIFFULICE soutiennent que l'exploitation du signe "1 MINUTE SKIN DETOX" par les défenderesses constitue une contrefaçon par imitation des marques antérieures "SKIN MINUTE" no3608125 et "BODY MINUTE" no3164856 pour les produits désignés à leur enregistrement, les similitudes entre ces marques, le signe contesté et l'identité des produits sur lesquels ils portent créant un risque de confusion manifeste dans l'esprit du public d'attention moyenne. Les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir qu'il n'y pas lieu de prendre en considération l'ensemble des éléments du packaging des produits litigieux, le signe "1 MINUTE SKIN DETOX" se détachant plus particulièrement pour attirer l'attention du consommateur. Rappelant que les produits concernés sont identiques à ceux désignés par les marques, elles font valoir que l'élément dominant des marques "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE" est le terme "MINUTE", que le signe contesté présente d'importantes similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles avec les marques, évoquant le même concept d'immédiateté dans le domaine de la beauté, étant rappelé que le signe en cause reproduit l'élément verbal "SKIN" de la marque no3608125, lequel présente une signification similaire au terme "BODY" de la marque no3164856. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soulignent que le terme "MINUTE", qui désigne une famille de marques, est particulièrement distinctif pour les produits cosmétiques et notamment pour les masques de beauté, dans la mesure où la rapidité n'est pas leur caractéristique habituelle, le signe "MINUTE" étant, compte tenu de l'usage intensif des marques de la famille "MINUTE", immédiatement rattachable à "BODY MINUTE". Elles insistent sur la notoriété des marques opposées et ajoutent que les termes "SKIN" et "MINUTE" reproduits dans le signe litigieux ne sont pas utilisés par les sociétés BEIERSDORF au sein du signe litigieux au sens courant et usuel de ces termes, dès lors que le choix a été fait d'utiliser des mots de la langue anglaise et de créer un usage à titre de marque de l'association particulière "MINUTE SKIN DETOX", créant une combinaison inhabituelle qui n'est pas descriptive des caractéristiques du produit, le signe "1 MINUTE SKIN DETOX" ayant d'ailleurs été déposé à titre de marque. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soulignent que l'effet technique divulgué sous le signe litigieux est dépourvu de toute base scientifique. Elles font enfin valoir que, dans deux projets de décisions rendus le 26 décembre 2017, l'INPI a reconnu que la demande d'enregistrement de la marque "1 MINUTE SKIN DETOX" était susceptible de créer un risque de confusion avec les marques antérieures "SKIN MINUTE" et "BODY MINUTE". Les sociétés BEIERSDORF répliquent qu'il convient d'appréhender le produit argué de contrefaçon dans son ensemble dès lors qu'il comporte un signe complexe et que la jurisprudence impose de prendre en considération tous les facteurs pertinents de l'espèce, la comparaison des signes nécessitant d'opérer une comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble. Elles ajoutent que doit être pris en compte comme facteur pertinent la reproduction sur le produit litigieux de la marque ombrelle "NIVEA" qui est clairement dominante, et également l'élément "MASQUE" dont les caractéristiques sont décrites par la suite du signe "1 MINUTE SKIN DETOX" avec laquelle il forme un tout.Les sociétés BEIERSDORF soulignent que, dans le cadre des demandes formées au titre de la concurrence déloyale, les demanderesses sollicitent du tribunal de prendre en considération le logo bleu figurant sur les produits litigieux, ayant toujours auparavant considéré que le risque de confusion provenait de l'utilisation par les sociétés BEIERSDORF du logo rond bleu dans lequel était apposé le signe NIVEA. Les sociétés BEIERSDORF concluent que l'appréciation du risque de confusion invoqué au détriment des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125 doit être effectuée par une prise en compte globale des produits dont la dénomination complexe est "NIVEA ESSENTIALS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX" ou "NIVEA MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX". Sur la comparaison des signes, les sociétés BEIERSDORF soutiennent que l'élément dominant du signe figurant sur le packaging des produits litigieux est la marque ombrelle "NIVEA" figurant dans un rond bleu qui est très distinctive et, compte tenu de sa notoriété, exerce la fonction d'identification de l'origine des produits, tandis que le terme "ESSENTIALS' renvoie à la gamme dans laquelle s'incrivent les produits incriminés, et que la troisième partie du signe "MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX" est purement descriptive des qualités du produit. Elles ajoutent que la contrefaçon n'est pas réalisée lorsque le signe, utilisé dans un sens courant, n'a pas pour finalité de désigner l'origine commerciale des produits, mais de décrire ses caractéristiques ou qualités, la dénomination d'un produit cosmétique, qui répond à une obligation règlementaire et d'information du consommateur, ne pouvant constituer un usage à titre de marque. Elles considèrent que chacun des termes de l'expression : "MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX" est utilisé à des fins descriptives afin d'informer des qualités et effets du produit, le terme "MINUTE" étant utilisé dans son sens usuel et courant pour indiquer le temps de pose du masque pour le visage, rappelant que plusieurs opérateurs du marché des cosmétiques exploitent ce terme pour indiquer une efficacité rapide de leurs produits, tandis que l'expression "SKIN DETOX" indique la fonction du produit, le signe "SKIN" étant couramment utilisé dans le domaine des cosmétiques. Enfin, les sociétés BEIERSDORF soulignent, en toute hypothèse, que la comparaison du signe "1 MINUTE SKIN DETOX" avec les marques opposées montre d'importances différences visuelles, phonétiques et conceptuelles et qu'aucun risque de confusion dans l'esprit du public n'est possible, la notoriété des marques "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE" n'étant pas démontrée et le tribunal n'étant pas tenu par les décisions de l'INPI. Aux termes de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019, en vigueur depuis le 15 décembre 2019, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres, le risque de confusion doit faire l'objet d'une appréciation abstraite par référence au dépôt d'une part en considération d'un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d'autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d'exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l'enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants. Dans un arrêt du 12 juin 2007, affaire C-334/05P (point 41), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit qu'il importe de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre de l'examen de l'existence d'un risque de confusion, l'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n'exclut pas que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, ordonnance Matratzen Concord/OHMI, précitée, point 32, et arrêt Medion, précité, point 29). Dans un arrêt ultérieur du 19 mars 2015, affaire C-182/14 P, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit : 31 Ainsi que l'a rappelé à bon droit le Tribunal au point 21 de l'arrêt attaqué, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (voir, notamment, arrêts OHMI/Shaker, C-334/05 P, EU:C:2007:333, point 35, et Nestlé/OHMI, C-193/06 P, EU:C:2007:539, point 34). 32 L'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n'exclut pas que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, notamment, arrêts OHMI/Shaker, EU:C:2007:333, point 41, et United States Polo Association/OHMI, C-327/11 P, EU:C:2012:550, point 57). Les sociétés JCDA et DIFFULICE établissent que les défenderesses offraient à la vente sur Internet sur leur site marchand "nivea.fr" au 2 janvier 2018 le produit suivant, lequel a fait l'objet d'une promotion publicitaire et était présenté sur la plate-forme Youtube le 18 décembre 2017 (pièces 22, 23 et 24) : Ce produit concerne un masque pour le visage, soit un produit identique aux produits cosmétiques visés en classe 3 par l'enregistrement des marques verbales "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125. Aussi, le public pertinent à prendre en considération est constitué de consommateurs, essentiellement des femmes, d'attention moyenne, s'agissant de produits cosmétiques d'usage courant. Sur la comparaison des signes tels qu'invoqués en demande : "BODY MINUTE", "SKIN MINUTE" et Sur le plan visuel, la marque "BODY MINUTE" est composée des deux mots "BODY" et " MINUTE" et la marque "SKIN MINUTE" des deux mots "SKIN" et "MINUTE", tandis que le signe litigieux est constitué du chiffre 1 et trois mots "MINUTE", "SKIN" et "DETOX" , le signe étant présenté de telle façon que le chiffre 1 est situé sur la meme ligne que "MINUTE". Aussi, la similarité visuelle avec la marque "BODY MINUTE" est moyenne, en l'état du seul mot commun "MINUTE". Elle sera plus élevée avec la marque "SKIN MINUTE" compte tenu de la présence, dans le signe contesté, de ces deux termes, qui occupent une place importante dans le signe, même dans un ordre différent. Sur le plan sonore, la marque "BODY MINUTE" est constituée de 5 syllables : "BO-DY-MI-NU-TE", la marque "SKIN MINUTE" de 4 syllabes : "SKIN-MI-NU-TE", et le signe contesté de 7 syllabes "UNE-MI-NU-TE-SKIN-DE-TOX". Pour le consommateur, la ressemblance auditive avec la marque "BODY MINUTE" est moyenne, en l'état seulement de trois syllabes communes "MI-NU-TE" qui ne sont pas situées au même endroit dans le signe et dont l'élément d'attaque du signe est "UNE" et non "BO-DY" comme dans la marque. Concernant la marque "SKIN MINUTE", la ressemblance est plus importante, les signes ayant en commun les deux groupes de syllabes "MI-NU-TE" et "SKIN", même si elles sont inversés, et que l'attaque du signe contesté est également différente. Sur le plan conceptuel, la marque "BODY MINUTE" évoque des soins rapides pour le corps humain. Les sociétés JCDA et DIFFULICE ne peuvent sérieusement soutenir que le terme "MINUTE" aurait intrinsèquement une distinctivité importante; au contraire, ce terme, compris par tous comme se rapportant à une courte durée, bien qu'indéfinie, décrit les qualités annoncées de rapidité d'action des produits pour le corps commercialisés sous la marque,la société DIFFULICE n'ayant pas un monopole sur ces qualités, étant rappelé que la distinctivité de la marque a été retenue par le tribunal en raison tant du caractère global du terme "BODY" qui a une signification excédant ces produits que du caractère inhabituel de son association avec le terme "MINUTE". Par ailleurs, la marque "SKIN MINUTE" évoque des soins se rapportant à la peau présentant une efficacité rapide. Il est rappelé encore, que le signe "MINUTE" ne peut pas être dissocié du terme "SKIN" auquel il se rattache, la distinctivité ne pouvant porter que sur cette association. En outre, ainsi qu'il a été évoqué, la distinctivité du signe "SKIN MINUTE" est plus faible que celle du signe "BODY MINUTE", le signe "SKIN MINUTE" présentant un champ sémantique plus restreint, en ce qu'il se limite à la peau. En revanche, le signe litigieux "1 MINUTE SKIN DETOX" doit s'entendre, pour le public pertinent comme composé de deux entités verbales ayant une signification propre : "1 MINUTE" et "SKIN DETOX". Conceptuellement, il n'existe aucun motif pour détacher le chiffre 1 du terme "MINUTE" dès lors qu'ils présentent une unité de sens. Il en va de même avec "SKIN" et "DETOX", le mot "DETOX" se rapportant à la finalité du produit sur la peau "SKIN". Au regard de ces considérations, il apparaît que, pour le consommateur, le signe "1 MINUTE SKIN DETOX" évoquera un produit agissant précisément en "une minute" pour "la détoxification de la peau". Il s'ensuit que le signe contesté, beaucoup plus précis que les marques "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE", présente un caractère essentiellement descriptif de la qualité attendue du produit pour un masque pour le visage, le signe "1 MINUTE SKIN DETOX" étant d'ailleurs précédé de l'élément verbal "MASQUE", qui jouera un rôle dans la perception du produit par le consommateur, lequel renforce le caractère descriptif du signe. Par conséquent, à retenir une similitude du signe contesté et des marques "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE" visuelle et auditive, celle-ci étant cependant beaucoup plus faible pour la marque "BODY MINUTE", cette similitude est amoindrie par une différence conceptuelle. Enfin, à titre d'autres facteurs pertinents à prendre en considération dans le cadre de la comparaison des signes, il est relevé que le masque pour la peau commercialisé par les sociétés BEIERSDORD reproduit, de manière très apparente, dans sa partie haute, un logo bleu dans lequel est inscrit le signe "NIVEA" suivi du signe "ESSENTIALS", de sorte que le consommateur sera amené à considérer que le produit en cause fait partie d'une gamme de produits cosmétiques commercialisés sous la marque ombrelle "NIVEA" qui présente un caractère distinctif et une renommée incontestable. Il résulte donc de la comparaison des signes que le signe contesté ne va pas générer dans l'esprit du public pertinent un risque de confusion avec les marques, incluant un risque d'association des signes, les éléments d'identification du produit commercialisé par les sociétés BEIERSDORF en garantissant l'origine, laquelle ne peut être confondue avec celle des produits commercialisés sous les marques "BODY MINUTE" et "SKIN MINUTE" qui présentent également une renommée incontestable établie ci-dessus en France, ce qui renforce la distinction qui s'opérera dans l'esprit du consommateur. Aucun élément n'est de nature à laisser supposer qu'il existerait un accord entre les parties pour que les sociétés BIERSDORF exploitent, avec le consentement du titulaire des marques, une déclinaison de celles-ci. Les sociétés JCDA et DIFFULICE seront donc déboutées de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125. Sur la concurrence déloyale et parasitaire : Les sociétés JCDA et DIFFULICE exposent que l'identité du réseau "BODY MINUTE" se fonde sur les principaux éléments suivants : un logo arrondi/ovale à fond bleu avec des lettres blanches reproduisant le signe "BODY MINUTE" pour désigner les instituts de beauté, les produits de beauté éponymes et la communication associée, le terme "MINUTE", au coeur du concept du réseau "BODY MINUTE" pour désigner les instituts de beauté "BODY MINUTE" et leurs dérivés NAIL MINUTE (pour les services de manucure) et HAIR MINUTE (pour les services de coiffure) et la communication associée, la combinaison des couleurs rose et bleue pour les instituts de beauté "BODY MINUTE", les produits cosmétiques vendus dans ces instituts et la communication associée. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soutiennent que la combinaison d'un logo bleu constitué d'une forme de rond bleu, du terme "MINUTE" et du code couleur bleu-rose est essentielle et déterminante dans l'identité des instituts et des produits "BODY MINUTE" de sorte qu'elles sont légitimes à chercher à protéger les éléments de cette combinaison contre la reprise ou l'imitation par les sociétés BEIERSDORF. Elles soulignent que ces éléments identitaires ne sont pas banals, leurs concurrents utilisant d'autres logos et combinaisons de couleurs et ne reproduisant pas le terme "MINUTE" mais des mots différents pour désigner leurs offres de services et de produits. Les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir que les sociétés BEIERSDORF ont ouvert leurs premiers instituts de beauté NIVEA sous le signe "NIVEA HAUS" : en Allemagne, Autriche, à Dubai et au Canada et qu'elles ont communiqué sur ces instituts en France, de sorte qu'il est fort probable qu'elles ouvrent prochainement en France des instituts de beauté utilisant le même logo, ce qui génèrera une confusion pour les consommatrices avec le réseau "BODY MINUTE" établi en France depuis 20 ans à travers 450 franchisés. Elles exposent que les masques "1 MINUTE SKIN DETOX" de NIVEA reprennent un logo bleu, les termes "MINUTE", "SKIN" et "DETOX", d'une manière similaire au packaging des produits de la sous-gamme "SEBO-DETOX" de la gamme "SKIN MINUTE" de "BODY MINUTE" : que la brosse électrique pour le visage et le gel nettoyant "PURE SKIN" lancés en 2017 reprennent, en combinaison, deux éléments identaires du réseau "BODY MINUTE": la combinaison des couleurs bleue et rose et le logo de forme arrondie sur fond bleu constituant la marque sous laquelle le réseau "BODY MINUTE" propose, vend et promeut ses services et produits depuis plus de 20 ans, ainsi que le terme "SKIN" faisant partie du nom de la gamme "SKIN MINUTE" : Les sociétés JCDA et DIFFULICE soutiennent, au regard de ces éléments, que le risque de confusion entre les produits "NIVEA" et "SKIN MINUTE" est avéré et que l'attitude des sociétés BEIERSDORF est fautive, dès lors qu'en qualité de nouveaux entrants sur un marché, elles ont l'obligation de ses démarquer de leurs concurrents et des signes ou éléments par lesquels ils sont déjà identifiés auprès de la clientèle. Elles considèrent que les similitudes entre les éléments du packaging de ces produits "NIVEA" et les éléments constitutifs de l'identité du réseau "BODY MINUTE" et ses produits cosmétiques sont très significatives, alors que ces éléments ne sont pas communs sur le marché et ne sont pas, non plus, nécessaires ou imposés par la fonction du produit. Les sociétés JDCA et DIFFULICE considèrent que, dans la mesure où les produits "SKIN MINUTE" sont vendus non seulement dans les instituts "BODY MINUTE" mais également dans les grandes surfaces où sont également vendus des produits "NIVEA", le risque est grand qu'un consommateur se méprenne et achète un produit "MINUTE SKIN" plutôt qu'un produit "SKIN MINUTE" en pensant qu'ils proviennent d'un seul et même opérateur économique. Les sociétés JCDA et DIFFULICE concluent que les sociétés BEIERSDORF se sont rendues coupables d'actes de concurence déloyale en reprenant les éléments caractéristiques de l'identité des produits et services "BODY MINUTE". Elles soutiennent enfin que les sociétés BEIERSDORF ont également commis des actes de parasitisme, en profitant des investissements réalisés par les demanderesses, pour se placer dans leur sillage et bénéficier de leur notoriété, les demanderesses ayant utilisé les premières le logo caractéristique du réseau "BODY MINUTE". Les sociétés BEIERSDORF contestent les actes de concurrence déloyale qui leur sont reprochés. Elles font valoir, en premier lieu, que les demanderesses n'ont jamais cessé de changer de codes couleurs et de logos, de sorte qu'elles ne peuvent se prévaloir d'aucun élément identitaire, l'identité visuelle des marques et des produits "BODY MINUTE" ayant été profondément bouleversée de 2009 à 2015. Les sociétés BEIERSDORF rappellent, ensuite, que le rose est la couleur de la féminité, tandis que le bleu est la couleur dominante qu'elles exploitent depuis 1925. Elles considèrent qu'il n'est pas possible qu'un acteur économique puisse se prévaloir d'un droit exclusif d'usage sur les couleurs rose et bleue, pour des produits cosmétiques féminins, sans en définir les modalités et contours et sans disposer d'un droit de marque enregistré correspondant. Les sociétés BEIERSDORF rappellent, par ailleurs, que le signe "MINUTE" est dépourvu de toute distinctivité, purement usuel et utilisé par de nombreux acteurs sur le marché des cosmétiques et que les produits "NIVEA ESSENTIELS MASQUE 1 MINUTE SKIN DETOX" et "PURE SKIN" n'imitent pas les éléments identitaires invoqués en demande, rappelant que la société BEIERSDORF commercialise les produits "NIVEA" en France depuis 1991. Les sociétés BEIERSDORF font valoir qu'elles justifient d'une antériorité d'usage sur le logo rond bleu, ayant déposé une marque internationale visant la France le reproduisant qui a été enregistrée le 24 avril 1970 et qu'elles ont intensifié l'usage d'un rond bleu associé à "NIVEA" à partir de 2010 tandis qu'en 2011, les demanderesses proposaient plusieurs gammes de produits identifiés par un logo rond d'une couleur différente en fonction de la gamme avec une dénomination descriptive de la destination des produits (HAND Minute, HAIR Minute, EPIL Minute ou encore SKIN Minute). Les sociétés BEIERSDORF concluent qu'elles disposent d'une légimité sur le logo remontant à 1925 et consacré par plusieurs dépôts de marque, tandis que les sociétés JCDA et DIFFULICE ne peuvent prétendre à aucun droit privatif sur les signes "SKIN" et "DETOX" qui sont banals et très utilisés par de nombreux concurrents. Elles rappellent que les combinaisons de couleurs invoquées sont également banales et largement exploitées dans le secteur des cosmétiques. Enfin, sur les faits de parasitisme reprochés, les sociétés BEIERSDORF relèvent que les agissements reprochés sont identiques à ceux invoqués au titre de la concurrence déloyale et que les sociétés JCDA et DIFFULICE ne démontrent pas les investissements qui auraient été réalisés pour les éléments identitaires revendiqués, tandis que les sociétés BEIERSDORF ont elles-mêmes réalisé, lors de l'adoption de leur nouveau logo, ainsi que pour le lancement des produits contestés, des investissements particulièrement conséquents. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Sur la concurrence déloyale : Les sociétés JCDA et DIFFULICE revendiquent, comme éléments propres identifiant spécifiquement les services et produits du réseau "BODY MINUTE", lesquels auraient été imités fautivement par les sociétés BEIERSDORF, en particulier pour les produits "1 MINUTE SKIN DETOX" et "PURE SKIN", un logo arrondi ou ovale avec des lettres blanches, lequel a été décliné comme suit de 1998 à 2018 : l'élément verbal "MINUTE" décliné dans différentes marques exploitées (BODY MINUTE, NAIL MINUTE, HAIR MINUTE) et la combinaison des couleurs rose et bleue exploitée pour le design des instituts "BODY MINUTE" et les produits commercialisés sous ce signe : Concernant le logo rond bleu, les sociétés BEIERSDORF justifient, en premier lieu, que la société BEIERSDORF AG a notamment déposé : - une marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne : no366908, laquelle a été enregistrée le 24 avril 1970 pour désigner en classe 3 les cosmétiques, notamment la crème pour la peau, laquelle a été renouvelée. - une marque semi-figurative de l'Union européenne no 12591 le 1er avril 1996 : laquelle a été notamment enregistrée pour désigner les cosmétiques en classe 3, qui a été également renouvelée. - une marque semi-figurative de l'Union européenne : no10256782, déposée le 12 septembre 2011 et enregistrée pour désigner notemment les cosmétiques en classe 3, laquelle a été renouvelée. Il est par ailleurs, établi que, dès 1925, la société BEIERSDORF AG avait adopté le signe suivant pour désigner sa crème hydratante: Les sociétés BEIERSDORF justifient que, bien qu'elles n'aient pas utilisé un rond bleu assorti de lettres blanches comme marque ombrelle avant 2013, ce rond était cependant reproduit dans sa communication est les publicités faites autour du signe "NIVEA" pour des crèmes cosmétiques dès les années 1930. Aussi, il est établi que l'usage d'un tel rond de couleur bleue sur lequel est reproduit le signe "NIVEA" en lettres blanches, est antérieur à 1998 et 1999, dates auxquelles les demanderesses ont adopté les signes "EPIL MINUTE" et "BODYMINUTE" en lettres blanches dans un rond bleu. Par conséquent, les sociétés JCDA et DIFFULICE ne peuvent se prévaloir d'aucun droit de priorité sur un rond bleu, compte tenu de l'ancienneté d'usage pour le signe "NIVEA". En second lieu, concernant l'élément verbal "MINUTE", les demanderesses ne se prévalent d'aucune marque reproduisant ce seul terme, tandis que les sociétés BEIERSDORF établissent que ce signe, essentiellement descriptif pour désigner une durée rapide d'action des produits cosmétiques, est reproduit par d'autres opérateurs économiques qui le joignent avec des chiffres pour préciser la durée de la pose : "1 MINUTE" (LANCOME), "PERFECT IN 1 MINUTE" (PUPA), "5 MINUTES" (ERBORIAN)... Il est d'ailleurs observé que, pour le masque pour visage dénommé "1 MINUTE SKIN DETOX", commercialisé sous la marque "NIVEA", les sociétés BEIERSDORF ont adopté cette même pratique, manifestement usuelle dans le secteur. Ensuite, concernant l'utilisation combinée des couleurs bleue et rose pour désigner des produits cosmétiques, il est rappelé que le bleu a toujours été utilisé pour mettre en valeur le signe "NIVEA" tandis que la couleur rose, qui évoque de manière habituelle l'univers féminin et la peau, est banale, cette couleur étant également utilisée par d'autres distributeurs de produits cosmétiques, comme notamment SEPHORA, MONTSAVON, MIXA, SANEX. Les sociétés JCDA et DIFFULICE ne peuvent donc prétendre à aucun droit privatif sur la combinaison de couleurs revendiquée. Les sociétés JCDA et DIFFULICE ne justifient en aucun cas que la disposition et le choix des éléments de nature à rallier la clientèle sur les produits "1 MINUTE SKIN DETOX" et "PURE SKIN" commercialisés sous le signe "NIVEA" seraient de nature à induire un quelconque risque de confusion avec leurs produits, étant observé, d'une part, que, concernant ce premier produit, les demanderesses se bornent artificiellement à isoler des éléments, alors que l'appréciation d'un risque de confusion doit se faire globalement, en comparant les produits les uns après les autres en prenant en considération l'ensemble des éléments de leur packaging, et d'autre part, que les termes "SKIN" et "DETOX" ou leur association sont de libre usage. Par conséquent, les actes de concurrence déloyale reprochés aux sociétés BEIERSDORF ne sont pas constitués et les sociétés JCDA et DIFFULICE seront déboutées de leurs demandes formées à ce titre. Sur le parasitisme : Les sociétés JCDA et DIFFULICE ne justifiant d'aucun acte au titre du parasitisme distinct de ceux invoqués au titre de la concurrence déloyale, la demande formée à ce titre ne peut prospérer. L'ensemble des demandes des sociétés JCDA et DIFFULICE au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire étant rejeté, leur demande de publication judiciaire du jugement est rejetée. Sur les demandes reconventionnelles des sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF au titre du dénigrement : Sur la prescription : Les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir que les sociétés BEIERSDORF leur reprochent, sur le fondement du dénigrement, des déclarations qui ont pu être communiquées dans la presse par le président de la société JCDA, dans les magazines Entreprendre, Economie Matin et Le Figaro, faisant grief au fondateur de "BODY MINUTE" d'avoir révélé l'existence des procédures contentieuses en cours, et de leur avoir imputé un comportement contrefaisant et déloyal. Les sociétés JCDA et DIFFULICE soutiennent que les propos invoqués ne pourraient être que de nature à porter atteinte à la considération des sociétés BEIERSDORF et relèvent donc de la diffamation. Se prévalant de la prescription abrégée de trois mois de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la diffamation, les sociétés JCDA et DIFFULICE font valoir que la demande indemnitaire formée au titre du dénigrement par les sociétés BEIERSDORF est prescrite, les conclusions formant cette demande ayant été notifiées le 15 décembre 2021, soit plus de trois mois après la publication des articles de presse en cause. Les sociétés BEIERSDORF répliquent que le fait de reprocher à une société des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale ou le non-respect d'une norme, caractérise un acte de dénigrement, les appréciations, mêmes excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise n'entrant pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Elles concluent qu'elles ne sont donc pas prescrites en leurs demandes. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la diffamation dispose que l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait. Des propos tenus publiquement faisant état d'une procédure judiciaire en cours et portant une appréciation, même excessive, sur le comportement d'une société concurrente s'analysent en un dénigrement des prestations offertes par celles-ci, dont la demande de réparation est soumise à l'application de la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, et ne relèvent pas des règles procédurales de la diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881. Par conséquent, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes des sociétés BEIERSDORF relatives aux déclarations du président de la société JCDA retranscrites dans la presse. Sur le dénigrement : Les sociétés BEIERSDORF font valoir que, fin avril 2018, les sociétés JCDA et DIFFULICE ont réalisé une campagne de dénigrement d'une particulière gravité à l'encontre des marques "NIVEA" et des produits commercialisés sous ce signe consistant en la diffusion d'un tract «#Jesoutienslesestheticiennes » distribué dans les instituts "BODY MINUTE" et accessible sur Internet dénonçant le présent litige et le prétendu rapprochement des produits et marques "NIVEA" avec l'identité visuelle des produits et marques des demanderesses, l'émission d'une pétition et les déclarations du président de la société JCDA dans la presse en juillet 2021, lequel a notamment violé la confidentialité de la médiation qui avait été ordonnée dans le cadre de la mise en état. Les sociétés JCDA et DIFFULICE répliquent que les actes incriminés relèvent de la liberté d'expression, sont modérés et n'excèdent pas l'exercice normal d'une critique professionnelle dans le cadre d'une concurrence rude et en réponse aux violentes agressions dont le réseau "BODY MINUTE" était l'objet par les sociétés BEIERSDORF; que les actes litigieux s'inscrivaient à l'évidence, non dans une intention malveillante, mais dans la volonté de défendre leurs intérêts commerciaux et ceux des franchisés. Elles soulignent que le trac litigieux édité par la société JCDA n'avait pour objet que de porter un message appelant la clientèle à soutenir moralement les esthéticiennes des instituts "BODY MINUTE" et ne présentait aucun caractère outrancier, que la pétition diffusée en ligne ne portait aucune atteinte à l'image des défenderesses, que la communication sur la procédure contentieuse n'est pas fautive et qu'aucune violation de la confidentialité de la médiation ne peut leur être reprochée. Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il est constamment jugé que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important que l'information divulguée soit matériellement exacte ( Cass. Com., 24 septembre 2013, no12-19.790, Bull. 2013, IV, no139). La divulgation à la clientèle d'un fabricant, d'une action en contrefaçon n'ayant pas donné lieu à une décision de justice, dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu'elle ne repose que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constitue un dénigrement fautif. (Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-18.350). Hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du code civil (Civ 1ère., 2 juillet 2014, pourvoi no13-16.730). La liberté d'expression ne peut autoriser toute forme de dénigrement. Il résulte d'un procès-verbal de constat d'huissier du 3 mai 2018 que le tract suivant était mis à la disposition des clientes par les établissements "BODY MINUTE ": Ce tract invitait fortement le public à considérer que le groupe BEIERSDORF, présenté comme un géant boursier, reproduisait l'ensemble des signes distinctifs de "BODY MINUTE' et imitait ses produits; le destinataire du tract était invité à rejoindre un comité de soutien des esthéticiennes du réseau "BODY MINUTE"à travers la remise d'un coupon aux instituts du réseau ou à se manifester à partir d'un lien Internet de "BODY MINUTE". L'émission d'un tel tract en 2018, qui conclut par un message alarmiste : "Ils arrivent en France", reprenant sans réserves les positions de la société JCDA qui étaient contestées devant le tribunal, présentait un caractère massif, compte tenu du nombre important d'instituts du réseau "BODY MINUTE" en France, et était relayé, sur le site Internet "bodyminute.com", par le message suivant : "Au secours les filles ! une multinationale veut nous faire la peau ! Je soutiens les esthéticiennes. Aidez-nous à signer la pétition BODY MINUTE". Par ailleurs, aux termes de l'interview retranscrite dans le magazine Entreprendre le 1er juillet 2021 dans un article intitulé "NIVEA veut notre peau !", qui fait état de "harcèlement judiciaire, procédés odieux et déclaration de guerre" du groupe BEIERSDORF, qui "tente de mettre à genoux BODY MINUTE", le dirigeant de la société JCDA fait état du contexte procédural pendant entre les parties, en des termes véhéments : "Ils ont essayé de m'attaquer sur tous les fronts", "la détermination du groupe allemand s'est tranformée en harcèlement judiciaire aux allures de mise à mort", "ils ont usé de procédés odieux et se croient réellement tous permis. Je tiens le coup car nous étions là avant, le concept de la "Minute" était le nôtre et nous sommes victimes d'une tentative sans scrupule d'appropriation et d'accaparation du concept", "En 2017, NIVEA lance cinq nouveaux produits sous la marque Minute Skin qui ressemble étrangement à Skin Minute... plus que la ressemblance, c'est du plagiat pur et simple. C'était une déclaration de guerre ouverte sans pitié dont la finalité était sans équivoque : tout nous prendre pour nous anéantir". Des propos d'une nature similaire ont également été reproduits dans un article publié le 28 juillet 2021 sur le site "economiematin.fr": "Les multinationales n'ont pas tous les droits !" Aussi, il est établi que la société JCDA a, en jetant publiquement sans réserves le discrédit sur les prestations proposées par les sociétés BEIERSDORF, commis des actes de dénigrement à leur préjudice. S'il est établi que des informations relatives à la médiation judiciaire ont été dévoilées, les sociétés BEIERSDORF ne justifient pas d'un préjudice spécifique de ce chef. Par conséquent, il convient de condamner la société JCDA à payer aux sociétés BEIERSDORF 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable aux actes de dénigrement, étant observé que la preuve n'étant pas rapportée que la société DIFFULICE aurait participé à la commission de tels actes, de sorte que la demande est rejetée à l'égard de cette dernière. Sur la procédure abusive : L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Les sociétés JCDA et DIFFULICE ne peuvent sérieusement soutenir que l'action introduite par les sociétés BEIERSDORF serait abusive, dès lors que celles-ci n'ont introduit leur action qu'à titre reconventionnel sur la procédure initialement engagée par les demanderesses. Par ailleurs, les sociétés JCDA et DIFFULICE ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits avant d'engager leur action. Par conséquent, il convient de débouter l'ensemble des parties de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive. Sur les demandes accessoires : Parties succombantes, les sociétés JCDA et DIFFULICE seront condamnées in solidum aux dépens et à payer aux sociétés BEIERSDORF, sous la même solidarité imparfaite, 80.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire, compte tenu de l'ancienneté du litige, et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne les mesures de transcription sur le registre des marques de l'INPI, compte tenu de leur caractère irréversible. PAR CES MOTIFS Le tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré, DIT n'y avoir lieu de "donner acte" aux sociétés JCDA et DIFFULICE de leur décision qu'elles vont procéder en 2022 au changement de l'enseigne du réseau "BODY MINUTE", et d'abandonner l'usage d'un logo rond bleu, avec une inscription en lettres blanches, DÉCLARE irrecevables en leurs interventions volontaires accessoires les sociétés SCHAMME-BODY MINUTE, BODY'MINUTE EURL LAUGERO ESTHETIQUE, BODY'MINUTE SARL MYLDEL, BODY'MINUTE SARL AVBEAUTE, BODY'MINUTE SARL JSA INSTITUT, BODY'MINUTE SARL RAEP INSTITUT DE [Localité 16], BODY'MINUTE SARL RAEP INSTITUT DE [Localité 151], BODY'MINUTE SARL HARMONIC INSTITUT, BODY-MINUTE SARL INSTITUT SAUNIER, BODY'MINUTE SAS IDSG, BODY'MINUTE SARL INSTITUT AURELIE C, BODY'MINUTE SAS BDM [Adresse 328], BODY'MINUTE SARL INSTITUT GAUGAIN, BODY'MINUTE SARLU CHELAYA, BODY'MINUTE SARL PANO GEORGES [Adresse 320], BODY'MINUTE SARL PANO GEORGES [Adresse 343], BODY'MINUTE SARLU BODY'LYSE, BODY'MINUTE SARL BODY ENJOY [Adresse 332], BODY'MINUTE SARL BODY ENJOY [Adresse 137], BODY'MINUTE EURL LVDA, BODY'MINUTE SARL LOVAD, BODY'MINUTE EURL AGRABA, BODY' MINUTE SARLU MEALI, BODY'MINUTE SARL ALGK, BODY'MINUTE SARL SOM'BODY, BODY'MINUTE SARL SOGIRMA, BODY'MINUTE BRAS DA FONSECA LYDIE ([Adresse 283]), BODY'MINUTE BRAS DA FONSECA LYDIE, BODY'MINUTE SOCIETE ASK BEAUTE, SOCIETE BODYLOUP, SOCIETE BODY'LINA, BODY'MINUTE SARL NGC, BODY'MINUTE SARLU HIAD ([Localité 334]), BODY'MINUTE SARLU HIAD ([Localité 260]), BODY'MINUTE SARLU BMSC INSTITUT, BODY'MINUTE LG-INSTITUT, BODY'MINUTE SARLU BMPE INSTITUT, BODY'MINUTESARLU BMPS INSTITUT, BODY'MINUTE SARL SPC INSTITUT, BODY'MINUTE SARL JD2N INSTITUT, BODY'MINUTE SARL SHAINE, BODY'MINUTE SAS DOMOTHERA, BODY'MINUTE SARLU INSTITUT CYLA, BODY'MINUTE SARLU DJAM, BODY'MINUTE SARLGCA ESTHETIQUE, BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE [Adresse 45], BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE [Adresse 399], BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE [Adresse 290], BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE [Adresse 398], BODY'MINUTE GCA ESTHETIQUE [Localité 155], BODY'MINUTE SAS NAILTECH, BODY'MINUTE SIASSIA BENEDICTE, BODY'MINUTE SARL MACO ESTHETIQUE, BODY'MINUTE SARL KNJ EPIL, BODY'MINUTE SARL RIKAS, BODY'MINUTE SARL VAL EPIL, BODY'MINUTE SARL [Adresse 293] ESTHETIQUE, BODY'MINUTE SARL FORUM EPIL, BODY'MINUTE SARL SOFT EPIL, BODY'MINUTE SARL CORPUS SERVICES, BODY'MINUTE SARL FAST EPIL, BODY'MINUTE SARL ALPHI BODY, BODY'MINUTE SARL CHAPERCLA, BODY'MINUTE SARL IFH ([Adresse 351]), BODY'MINUTE SARL IFH ([Localité 397]), BODY'MINUTE SARL IFH ([Adresse 352]), BODY'MINUTE SARL IFH ([Localité 391]), BODY'MINUTE SAS BODYRELAX, BODY'MINUTE JPGRS JESICA PERRAN, BODY'MINUTE SARL MANAEL ESTHETIQUE, BODY'MINUTE SARL MATEPIL, BODY'MINUTE SARL REDCY, BODY'MINUTE SARL BODY LADY, BODY'MINUTE SARL BODY LADY, BODY'MINUTE SARL BODY LADY,BODY'MINUTE SARL NORASON, BODY'MINUTE SARL NORASON ([Adresse 367]), BODY' MINUTE SARL LAUYANNE, BODY'MINUTE SARL BLM, BODY'MINUTESARL BLC, BODY'MINUTE SAS MELBEAUTE, BODY'MINUTE SAS AEROBEAUTY, BODY'MINUTE PAGE MARIE LAURE, BODY'MINUTE LUIS GANHAO SUSANA DOS SANTOS, BODY'MINUTE SARL SCLO, BODY'MINUTE SARL LUNA & RODINA, BODY'MINUTE SARL NESSBEAUTY, BODY'MINUTE SARL INSTITUT DRISSI ([Localité 357] 9 MAGENTA), BODY'MINUTE SARL INSTITUT DRISSI ([Adresse 88]), BODY'MINUTE LANGLOIS NATHALIE, BODY'MINUTE SARL SAWYERSCOTT ([Adresse 365]), BODY'MINUTE SARL LLDN, BODY'MINUTE SARL HAIR LESLIE, BODY'MINUTE RAMNES SARL, BODY'MINUTE RCDH INSTITUT, BODY'MINUTE SARL KIRCS, BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 245]), BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 193]), BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE [Localité 251]), BODY'MINUTE SARL INSTITUTS [Adresse 327], BODY'MINUTE SARL SO BE (LA VALENTINE), BODY'MINUTE SARL JPS BEAUTE, BODY'MINUTE SARL PAJ INSTITUT, BODY'MINUTE SARL DAMELIA (BODY MINUTE OKB), BODY'MINUTE OLIVHAIR SARL, BODY'MINUTE TBM SARL, BODY'MINUTE SRL VERONE BEAUTE ([Adresse 382]), BODY'MINUTE SARL VERONE BEAUTE ([Localité 180]), BODY'MINUTE SARL VERONE BEAUTE ([Adresse 381]), BODY'MINUTE SARL LE CEDRE ESTHETIQUE, BODY'MINUTE SARL MISHA, BODY'MINUTE SARL V.B.G.A BODY MINUTE [Localité 118], BODY'MINUTE SATL V.B.G.A 2 BODY MINUTE [Localité 117], BODY'MINUTE SARL LANEPIL, BODY'MINUTE SARL VIVEPIL, LAUGERO ESTHETIQUE, AVBEAUTE, HARMONIC INSTITUT, HARMONIC INSTITUT, ASK BEAUTE, HAIR LESLIE (BODY MINUTE [Localité 194]), HAIR LESLIE (BODY MNUTE [Localité 196]), SO BE (BODY MINUTE [Adresse 335]), SO BE (BODY MINUTE [Adresse 341]), SO BE (BODY MINUTE [Adresse 336]), ELISE BEAUTY , BODY'MINUTE SARL ZEN BEAUTE , BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 326]), BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE (BODY MINUTE [Adresse 269]), BODY'MINUTE SARL AB BEAUTE BODY MINUTE [Adresse 342], BODY'MINUTE SARL ABC BEAUTE, BODY ET NAIL MINUTE [Localité 37], BODY'MINUTE SARL ALC INSTITUT, BODY'MINUTE SARL SMILD, STEPHANIE POUPARDIN, BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 265]), BODY ILES (BODY MINUTE GUADELOUPE [Localité 264]), BODY ILES (BODY MINUTE GUADELOUPE [Localité 325]), BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 267]), BODY ILES (BODY MINUTE MARTINIQUE [Localité 266]), SARL [Localité 1] BM, INSTITUT BMLV, INSTITUT BMSM BODY MINUTE [Adresse 11], INSTITUT BMC, BAZEPIL, BAZESTHETIQUE , FLASH MINUTE, LINEMINUTE, [Localité 84] ESTHETIQUE, [Localité 377] ESTHETIQUE, [Adresse 319] ESTHETIQUE BODY MINUTE [Localité 81] [Localité 273] [Adresse 319], [Localité 393] ESTHETIQUE, [Adresse 282] ESTHETIQUE, WB ESTHETIQUE, BODY [Localité 379], HD INSTITUT, BODY [Localité 390], LM TIMO, INSTITUT DU QUAI , CIMP, BODY ECLA, MAPIELO, ALBACHIARA (BODY MINUTE [Adresse 345]), ALBACHIARA ([Adresse 347]), SARL BEAUTY WOO, K.D.B, SARL [Adresse 279] RB, SARL LPN INSTITUT, INSTITUT DU CORPS, SARL SHIRLEY'S INSTITUT, SARL MACASO, SARL MALOUISA, LAULIA BODY, SAS LG BODY, SAS LG BODY, AMAJO, SORAC BODY MINUTE , SORAC BODY MINUTE, ELISSABEAUTE , MALUCA, BMM INSTITUT (BODY MINUTE [Localité 92]), BODY [Localité 160], SARL VIMAVINSTITUT, PASAL , LENA BODY, RITO, JULIE TRAINEAU, MEZACHE TASSADIT, SOPHIE MUSSATTI (BODY MINUTE [Localité 357] CISEAUX), SOPHIE MUSSATTI (BODY MINUTE [Adresse 372]), EURL DJUL & BODY , SARL NESY, CHRISTAINE JOHANNA MONTEAGUDO, SHANNON ABIKER, MALLOW & CO, CLEMENCE PAUL, LANGLOIS NATHALIE, DIT sans objet la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés JCDA et DIFFULICE tirée de l'irrecevabilité des demandes formées par les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF en nullité ou déchéance des droits sur la marque française "BODY MINUTE" no3911199, DÉBOUTE les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF de leur demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3911199, PRONONCE la déchéance des droits de la société DIFFULICE sur la marque verbale française "BODY MINUTE" no3164856 à compter du 26 mars 2018 pour la parfumerie, les huiles essentielles et les dentifrices, en classe 3, PRONONCE la déchéance des droits de la société DIFFULICE sur la marque verbale française "SKIN MINUTE" no3608125 à compter du 26 mars 2018 pour les produits suivants en classe 3 : les parfums, produits de parfumerie, huiles essentielles, lotions pour les cheveux, dentifrices et produits pour les soins des ongles, et pour les services suivants en classe 44 : soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ; salons de beauté ; salons de coiffure ; massages. DÉBOUTE les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF du surplus de leurs demandes concernant la déchéance des droits de la société DIFFULICE sur ces marques pour les autres produits désignés par leur enregistrement, ORDONNE la transmission de cette décision, une fois celle-ci définitive, à l'INPI pour transcription sur ses registres, à l'initiative de la partie la plus diligente, DÉBOUTE les sociétés JCDA et DIFFULICE de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon des marques "BODY MINUTE" no3164856 et "SKIN MINUTE" no3608125, DÉBOUTE les sociétés JCDA et DIFFULICE de leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, DÉBOUTE les sociétés JCDA et DIFFULICE de leur demande de publication du jugement, DÉBOUTE les sociétés JCDA et DIFFULICE de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes des sociétés BEIERSDORF formées au titre du dénigrement dans le cadre des propos tenus par le dirigeant de la société JCDA dans la presse, CONDAMNE la société JCDA à payer aux sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF 50.000 euros à titre de domages-intérêts en réparation des actes de dénigrement commis à leur préjudice, DÉBOUTE les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF de leur demande indemnitaire formée à l'encontre de la société DIFFULICE au titre du dénigrement, REJETTE les demandes indemnitaires formées par les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF au titre de la violation de la confidentialité de la médiation, DÉBOUTE les sociétés JCDA et DIFFULICE de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, DÉBOUTE les sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF de leur demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive, CONDAMNE in solidum les sociétés JCDA et DIFFULICE aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Christophe CHAPOULLIE, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, CONDAMNE in solidum les sociétés JCDA et DIFFULICE à payer aux sociétés BEIERSDORF AG et BEIERSDORF 80.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement, sauf en ce qui concerne les mesures de transcription du jugement au registre des marques de l'INPI. Fait et jugé à Paris le 31 août 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
CAPP/JURITEXT000046652046.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 18/04816 No Portalis 352J-W-B7C-CMZLU No MINUTE : Assignation du : 20 avril 2018 rendu le 21 juillet 2022 DEMANDERESSE SOCIETE D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION (SERF) [Adresse 4] [Localité 3] représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 DÉFENDERESSE S.A.S. AMPLITUDE [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Thomas BOUVET du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant, vestiaire #J0001 & Me Colin DEVINANT du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Gilles BUFFET, Vice- président Alix FLEURIET, Juge Nathalie SABOTIER,1ère vice-présidente ajointe assistés de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à disposition. A l'audience du 12 avril 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSE DU LITIGE : La SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION (SERF), immatriculée le 16 mai 1973 au RCS de Lyon, a pour activité la recherche médicale et mécanique, notamment la recherche de toutes thérapeutiques chirurgicales. La société SERF expose qu'elle a développé la technologie de la double mobilité du cotyle de hanche et qu'elle est aujourd'hui leader sur le marché des prothèses totales de hanche à double mobilité. La société SERF était titulaire du brevet français FR 98 14303, publié sous le no2 785 523 (FR 523), intitulé "Cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche" déposé à l'INPI le 10 novembre 1998 et délivré le 23 février 2001. Maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités, le brevet a expiré le 10 novembre 2018. La société SERF expose que ce brevet a été exploité par la commercialisation des produits de la gamme "NOVAE TH". La société AMPLITUDE, immatriculée le 17 janvier 2002 au RCS de Romans, a pour activités la fabrication de prothèses (dispositifs médicaux implantables) et la commercialisation d'articles médicaux chirurgicaux. La société SERF fait valoir que la société AMPLITUDE commercialisait, sous l'appelation SATURNE II, des cupules métalliques pour prothèses totales de hanche potentiellement contrefaisantes des revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Autorisée par ordonnance présidentielle du 13 mars 2018, la société SERF a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 21 mars 2018 dans les locaux de la société AMPLITUDE. Par exploit d'huissier de justice du 20 avril 2018, la société SERF a fait assigner la société AMPLITUDE devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, en contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Le 9 juillet 2019, la société SERF a présenté au directeur de l'INPI une requête en limitation du brevet FR 523. Le 17 décembre 2019, le directeur de l'INPI a accepté cette requête en limitation. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 novembre 2021, la société SERF demande au tribunal de : Vu les articles L. 615-2 et suivants, 613-3 et suivants, 615-7 et suivants et L.615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 700 du code de procédure civile, ? DIRE ET JUGER que le produit SATURNE II est constitutif de contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du Brevet SERF ; PAR CONSEQUENT : ? CONDAMNER la société AMPLITUDE au paiement de la somme provisionnelle de cinq cent trente-quatre mille quatre-vingt-un euros et quatre-vingt-six centimes (534 081,86) euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du Brevet FR 98 14303, en réparation du préjudice économique subi par la société SERF ; sursoir à statuer sur l'évaluation du dommage définitif jusqu'à la production des informations nécessaires par AMPLITUDE ; ? CONDAMNER la société AMPLITUDE à produire les états des cupules SATURNE II, ou équivalentes, fabriquées ou importées en France et de celles vendues en France ; à produire pour les mêmes cupules, les prix de vente et la marge brute (marge sur coûts variables, ces coûts variables incluant les frais de main-d'oeuvre, de matières premières et le cas échéant de sous-traitance, et les frais de transports), sur le fondement de l'article L. 615-5-2 CPI ; cette injonction sera sanctionnée du paiement d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de 7 jours civils après la signification de la décision à intervenir ; ? CONDAMNER la société AMPLITUDE au paiement de la somme forfaitaire de cinquante mille (50 000) euros sur le fondement de la contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du brevet FR 98 14303, en réparation du préjudice moral subi par la société SERF ; ? ORDONNER la publication par extraits du jugement dans 3 (trois) journaux du choix de SERF, aux frais de la société AMPLITUDE à hauteur d'un cout de 15.000 € HT par insertion; ? CONDAMNER la société AMPLITUDE à verser une indemnité de quatre-vingt mille (80.000) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; ? CONDAMNER la société AMPLITUDE aux entiers dépens qui seront recouvrés selon l'article 699 CPC. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er décembre 2021, la société AMPLITUDE demande au tribunal de : Vu les articles L. 612-5 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle : Dire et juger que les revendications no 1 et 2 du brevet no 2 785 523 sont nulles pour insuffisance de description et défaut de nouveauté ou, à tout le moins, défaut d'activité inventive; À titre subsidiaire, dire que la société Amplitude ne se rend pas coupable de contrefaçon du brevet S.E.R.F. no 2 785 523 ; En conséquence, débouter la société S.E.R.F. de son action en contrefaçon du brevet no 2 785 523 à l'encontre de la société Amplitude ; Débouter la société S.E.R.F. de toutes ses autres demandes ; À titre très subsidiaire, rejeter les demandes en réparation de la société S.E.R.F. ; En tout état de cause : Ecarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir au vu de son incompatibilité avec la nature de l'affaire et des conséquences irrémédiables qu'elle aurait vis-à-vis de la société Amplitude ; Condamner la société S.E.R.F. à payer à la société Amplitude la somme de 100. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société S.E.R.F. en tous les dépens de l'instance et dire que ceux-ci seront recouvrés selon l'article 699 du code de procédure civile. La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021. Le présent jugement est contradictoire. MOTIFS DU JUGEMENT : Sur la portée du brevet FR 523: Conformément à l'article L.611-10 1o du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. Selon les articles L.612-5 et L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter et les revendications, qui doivent être claires et concises et se fonder sur la description, définissent l'objet de la protection demandée. Il est rappelé que la hanche est une articulation permettant de joindre la cuisse au bassin. Elle est constituée de deux os : l'os iliaque (os du bassin) et le fémur (os de la cuisse), le point d'articulation étant la cavité cotyloïdienne, logée dans une partie de l'os iliaque qui possède une forme concave lui permettant de recevoir l'extrémité supérieure du fémur : Un cartilage, essentiel à l'articulation, permet à la tête du fémur de pivoter sans difficulté ni douleur à l'intérieur de la cavité cotyloïdienne, du fait de la diminution des contraintes mécaniques imposées à l'articulation, une membrane synoviale sécrétant un liquide qui assure la lubrification du cartilage. L'une des causes les plus fréquentes de dysfonctionnement de la hanche résulte d'une dégradation progressive du cartilage situé à l'interface de la tête du fémur et la cavité cotyloïdienne, cette dégradation générant des douleurs et des raideurs de l'articulation limitant l'amplitude des mouvements. Pour conserver une fonction articulaire non douloureuse, la pose d'une prothèse de hanche peut s'avérer nécessaire. En cas d'atteinte modérée, une prothèse dite "partielle" est possible, dans laquelle la tête fémorale est remplacée par une bille d'acier de même diamètre avec une cavité cotyloïdienne laissée intacte. Pour des atteintes plus importantes, comme liées à l'arthrose, il est nécessaire de procéder à une prothèse dite "totale" dans laquelle la partie fémorale et la cavité du bassin sont remplacées par un élément fémoral présentant une tige médullaire destinée à être fixée à l'intérieur de l'os du fémur, et dont l'extrémité libre est munie d'une tête sphérique et, au niveau de la composante cotyloïdienne, le cotyle naturel est remplacé par une cupule prothétique : Les prothèses dites "à double mobilité", inventées en 1975, comprennent : - une cupule métallique implantée dans la cavité cotyloïdienne du bassin, - une cupule intermédiaire (insert) en matériau autolubrifiant, le plus souvent synthétique, montée avec capacité de pivotement dans la cupule métallique, - la tête sphérique de l'élément fémoral montée avec capacité de pivotement dans la cupule intermédiaire. La première mobilité correspond au mouvement de la tête fémorale dans l'insert et la seconde mobilité au mouvement de l'insert dans la cupule métallique implantée dans la cavité cotyloïdienne : La société SERF fait valoir que la mise au point de la double mobilité correspond à un double besoin : limiter le risque de luxation par rapport à une prothèse à simple mobilité et conserver une grande amplitude de mouvement, pratiquement équivalente à celle d'une hanche naturelle, tandis que, dans le cadre des prothèses à double mobilité, la luxation intervient lorsque l'insert contenant la tête fémorale se dégage de la cavité cotyloïdienne. Le domaine technique de l'invention couverte par le brevet FR 523 concerne les prothèses totales de hanche à double mobilité. L'invention porte sur une cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche. Le brevet indique qu'un élément cotyloïdien connu, notamment par le document FR 2 710 835 au nom de la demanderesse, est constitué par une cupule en matériau favorisant le glissement, le plus souvent en polyéthylène de haute densité qui délimite la cavité dans laquelle la tête sphérique est montée pivotante. La cupule en polyéthylène est insérée dans une cupule métallique fixée dans la cavité cotyloïdienne, permettant ainsi d'obtenir une double mobilité par pivotement de la tête sphérique de l'élément fémoral à l'intérieur de la cupule en polyéthylène et par pivotement de cette cupule à l'intérieur de la cupule métallique. Le brevet illustre une cupule de l'art antérieur : représentant une cupule métallique avec une partie sphérique 3 prolongée sur une partie de sa périphérie par une partie 4 en forme de tronçon de cylindre, l'extrémité de cette partie 4 portant une patte 5 servant à la fixation de la cupule métallique, par des vis corticales, dans l'os sain. Le brevet souligne que la portion cylindrique 4 de la cupule métallique dépasse par rapport au plan équatorial 6 de la surface en forme de calotte sphérique. Il expose que la forme du bord extérieur de la cupule métallique, qui résulte de l'intersection de deux plans, peut être une cause de conflit avec les tissus environnants; qu'en outre, la portion de cylindre 4 sert, dans une certaine position, à l'appui d'une partie de la cupule en polyéthylène et que cet appui, se faisant pour partie sur une portion sphérique et pour partie sur une portion cylindrique, n'est pas parfaitement satisfaisant, dans la mesure où les efforts ne sont pas uniformément répartis, ce phénomène étant d'autant plus important que la portion cylindrique se situe dans la zone arrière du cotyle qui est celle où les efforts qui induisent une luxation sont les plus importants. La société AMPLITUDE reproduit dans ses écritures le schéma suivant montrant la façon dont les forces s'exercent sur la cupule, lorsque la tête fémorale est dans une position extrême: ce qui renforce le risque de luxation. Au regard de ces difficultés résultant de l'état de la technique antérieur, le brevet mentionne que l'invention qu'il divulgue vise à fournir une cupule métallique dont la structure évite les risques de conflit avec les tissus environnants, qui assure une bonne répartition des efforts résultant du contact avec la cupule en polyéthylène et qui limite de façon importante les risques de luxation. Il enseigne une cupule caractérisée en ce que la portion de surface sphérique correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et en délimitant l'entrée. Le brevet fait valoir qu'il résulte de cette structure que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants, la cupule en matière synthétique étant en appui contre la cupule métallique pratiquement exclusivement sur des surfaces sphériques, dès lors que la portion cylindrique est extrêmement limitée et qu'il en résulte ainsi une bonne répartition des contraintes. Il souligne que la partie arrière du cotyle est constituée par une portion sphérique et que le fait d'améliorer le contact entre la cupule en matière synthétique et la cupule métallique dans cette zone diminue le risque de luxation. Le brevet indique que la cupule métallique 12 selon l'invention comprend une portion 13 de suface sphérique correspondant à une demi-sphère, laquelle est prolongée à partir de son plan équatorial 16 par une courte portion cylindrique 14 s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et en délimitant l'entrée, la hauteur de cette portion cylindrique 14 correspondant sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (figures 2, 3 et 4 du brevet) : Eu égard à la demande de limitation du brevet qui a été acceptée par l'INPI le 17 décembre 2019, cette limitation ayant un effet rétroactif au jour du dépôt de la demande de brevet, les revendications 1 et 2, modifiées, du brevet, qui sont seules invoquées par la société SERF, sont les suivantes, la revendication 2 étant dans la dépendance de la revendication 1 : 1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule." 2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)". Sur la validité des revendications 1 et 2 du brevet FR 523: Sur la limitation du brevet : La société AMPLITUDE fait valoir que l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle n'autorise le propriétaire du brevet qu'à en limiter la portée en modifiant une ou plusieurs revendications ; que les modifications consistant en des clarifications, des rectifications de fautes d'expression ou encore des améliorations de la rédaction sont prohibées ; que, si les tiers sont irrecevables à intervenir aux procédures de limitation devant l'INPI et à en relever appel, ils sont recevables à contester la limitation, dans le cadre de demandes reconventionnelles en nullité du brevet limité ; qu'il appartient au juge judiciaire de contrôler, a posteriori, si les conditions posées par les articles L.613-24 et R.613-45 du code de la propriété intellectuelle à une limitation des revendications ont bien été appliquées ; qu'en l'espèce, les modifications apportées par la société SERF aux revendications 1 et 2 du brevet FR 523 ne constituent pas des limitations, mais des améliorations de la rédaction ; que la limitation autorisée par décision du directeur de l'INPI du 16 décembre 2019 est donc contraire aux dispositions de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle de sorte que les revendications 1 et 2 du brevet doivent être annulées. La société SERF réplique que la limitation opérée ne modifie pas l'ordonnancement de la protection de l'invention par le brevet litigieux, les parties caractérisantes des revendications restant les mêmes ; que la demande présentée à l'INPI portait bien sur une limitation du brevet FR 523 ; qu'il n'existe aucune nullité sans texte; que le fait qu'une limitation ait été délivrée par l'INPI en contradiction avec l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle ou les directives de l'INPI n'est pas en soi une cause de nullité du brevet ; qu'en aucun cas, la société AMPLITUDE ne soutient que les revendications modifiées auraient augmenté la protection offerte par le brevet. Aux termes de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle, le propriétaire du brevet peut à tout moment soit renoncer à la totalité du brevet ou à une ou plusieurs revendications, soit limiter la portée du brevet en modifiant une ou plusieurs revendications. La requête en renonciation ou en limitation est présentée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle dans des conditions fixées par voie réglementaire. Le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle examine la conformité de la requête avec les dispositions réglementaires mentionnées à l'alinéa précédent. Toutefois, la requête en limitation d'un brevet présentée alors qu'une opposition a été préalablement engagée est irrecevable tant que la décision statuant sur cette opposition est susceptible de recours, à moins que la limitation ne soit requise à la suite d'une demande en nullité du brevet présentée à titre principal ou reconventionnel devant une juridiction. De même, si une procédure de limitation d'un brevet est en cours à la date à laquelle une opposition est formée à l'encontre de ce brevet, l'Institut national de la propriété industrielle clôt la procédure de limitation, à moins que la limitation ne soit requise à la suite d'une demande en nullité du brevet présentée à titre principal ou reconventionnel devant une juridiction. Les effets de la renonciation ou de la limitation rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet. Les dispositions du présent article s'appliquent aux limitations effectuées en application des articles L. 613-25 et L. 614-12 . Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. L'article R.613-45 du code de la propriété intellectuelle dispose que la requête en renonciation ou en limitation est faite par une déclaration écrite. Sous réserve de sa recevabilité, elle peut être présentée par le titulaire du brevet à tout moment, même lorsque les effets du brevet ont cessé. La requête doit, pour être recevable : 1o Emaner du titulaire du brevet inscrit, au jour de la requête, sur le Registre national des brevets, ou de son mandataire, lequel, sauf s'il a la qualité de conseil en propriété industrielle ou d'avocat, doit joindre à la requête un pouvoir spécial de renonciation ou de limitation. Si le brevet appartient à plusieurs personnes, la renonciation ou la limitation ne peut être effectuée que si elle est requise par l'ensemble de celles-ci ; 2o Etre accompagnée de la justification du paiement de la redevance prescrite ; 3o Ne viser qu'un seul brevet ; 4o Etre accompagnée, si des droits réels, de gage ou de licence ont été inscrits au Registre national des brevets, du consentement des titulaires de ces droits ; 5o Etre accompagnée, lorsque la limitation est requise, du texte complet des revendications modifiées et, le cas échéant, de la description et des dessins tels que modifiés. 6o Le cas échéant, être présentée, lorsque la limitation est requise, après la publication du nouveau fascicule de brevet attestant de la conformité à la décision de révocation ou d'annulation partielles en application de l'article R. 612-73. Lorsque la limitation est demandée, si les revendications modifiées ne constituent pas une limitation par rapport aux revendications antérieures du brevet ou si elles ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 612-6, notification motivée en est faite au demandeur. Un délai lui est imparti pour régulariser sa requête ou présenter des observations. A défaut de régularisation ou d'observations permettant de lever l'objection, la requête est rejetée par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle. Les renonciations et limitations sont inscrites au Registre national des brevets. Un avis d'inscription est adressé au demandeur de la renonciation ou de la limitation. En l'espèce, il est observé que la limitation sollicitée par la société SERF par requête du 9 juillet 2019, ayant pour objet, selon la requérante de "consolider la portée" de son brevet "invoqué dans une action en contrefaçon en cours devant le tribunal de grande instance de Paris", bien qu'expiré, a porté, selon la requête : - sur l'intégration de la caractéristique selon laquelle l'implant dont la cupule est protégée est un implant de prothèse totale à double mobilité, conformément à la description, page 1, lignes 18-21, - sur l'intégration de la caractéristique selon laquelle la cupule est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne, conformément au passage de la description page 4, lignes 11-12, - sur le remplacement de l'expression "destinée à servir à l'engagement" par l'expression "servant à l'engagement", conformément à la description page 4, ligne 16. Les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 avant limitation étaient les suivantes : 1 "Cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche, du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique destinée à servir à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équitorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule." 2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau la constituant". Ces revendications modifiées, à la suite de la décision définitive du directeur de l'INPI du 17 décembre 2019 acceptant la requête en limitation présentée, sont les suivantes : 1.« Cupule métallique (12) (pour) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) (destinée à servir) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule ». 2. « Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau (la) constitutif(ant) de la cupule (12) ». La société AMPLITUDE oppose que la requête déposée devant le directeur de l'INPI n'avait pas pour objet de limiter la portée du brevet, mais avait seulement pour finalité une réécriture partielle des revendications, afin d'en clarifier la portée, ce qui n'est pas autorisé par l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle. La société AMPLITUDE se prévaut d'un arrêt du 9 janvier 2019, no de pourvoi 17-14.906, de la chambre commerciale de la Cour de cassation. Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que l'examen des moyens de fond tendant à l'annulation du brevet pour l'une des causes énumérées aux articles L. 612-6, L. 613-24 et R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle relève du pouvoir juridictionnel, non du juge de la légalité de la décision rendue par le directeur général de l'INPI sur une requête en limitation, mais du juge de la validité du brevet et qu'il en résulte que le pouvoir juridictionnel du juge de la validité du brevet s'étend aux moyens tirés, non seulement d'une extension ou de l'absence de limitation des revendications, mais également de leur manque de clarté ou de leur absence de support dans la description. La société AMPLITUDE soutient, au regard de cet arrêt, qu'il appartient au tribunal de décider si la nullité de la limitation pour violation de l'article L.613-24, dès lors que la demande de limitation ne porte, en réalité, que sur une simple amélioration de rédaction des revendications, entraîne la nullité de la seule limitation ou celle des revendications limitées, l'arrêt précité "semblant" indiquer qu'il peut s'agir de la nullité de ces revendications. Il est répondu que cet arrêt doit être interprété au regard de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle qui énumère les cas de nullité du brevet, lesquels doivent être tenus pour limitatifs (Cass.com, 2 juin 1992, no90-21.629). Il s'ensuit qu'en cas de violation de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle par le biais de revendications modifiées ne constituant pas une limitation du brevet, celles-ci ne peuvent encourir la nullité que si elles ont pour effet de corriger une insuffisance d'exposition suffisamment claire et complète de l'invention pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, d'étendre l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou d'accroître l'étendue de la protection conférée par le brevet. La société AMPLITUDE soutient, à juste titre, au regard de la première réponse faite sur la demande de limitation des revendications du brevet par le directeur de l'INPI le 16 septembre 2019, que la requête ne visait, en réalité, qu'à améliorer la rédaction des revendications. Cependant, si une telle limitation est susceptible d'être annulée, la société AMPLITUDE ne se prévaut expressément d'aucun motif de nullité découlant de la modification des revendications au sens de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle, et ne demande pas au tribunal de ne prendre en considération que les revendications dans leur rédaction initiale avant dépôt de la requête en limitation. Par conséquent, le motif de nullité invoqué des revendications 1 et 2 du brevet FR 523 tiré de la violation de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle sera écarté. Sur l'insuffisance de description : La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 doivent être annulées pour insuffisance de description car elles comprendraient des notions trop ambiguës ou trop imprécises pour permettre à l'homme du métier de comprendre l'objet protégé ou de savoir avec certitude si l'invention est ou non mise en oeuvre. Elle rappelle que la partie caractérisante de la revendication 1 porte sur une "courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule", et qu'en dépit du caractère essentiel de cette caractéristique, le brevet ne donne aucune définition de ce qu'il faut entendre par l'expression "courte" en rapport avec la portion cylindrique de la cupule, le brevet n'enseignant pas à l'homme du métier les moyens de dimensionner la partie cylindrique de la cupule, tandis que la revendication 1 ne permet pas à l'homme du métier de résoudre les arbitrages entre éviter les conflits avec les éléments environnants et éviter les luxations, qui sont deux objectifs techniques de l'invention. La société AMPLITUDE soutient que la revendication 2 dépendante souffre également d'une insuffisance de description en ce qu'elle reprend la caractéristique imprécise de "courte portion cylindrique" et en ce que le brevet ne donne aucune définition de ce qu'il faut entendre par l'expression "matériau constitutif de la cupule" et par l'adverbe "sensiblement", ce qui empêche l'homme du métier de connaître les limites de la protection revendiquée. Elle fait valoir que cette revendication est déficiente car elle est imprécise concernant la méthode de mesure de l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, l'homme du métier ignorant s'il doit prendre en compte ou non le revêtement de la cupule et à quoi correspond l'épaisseur de la cupule lorsqu'elle comporte des macrostructures. Elle ajoute que la caractéristique selon laquelle la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur de la cupule ne produit aucun effet technique et que la revendication 2 ne peut être mise en oeuvre sur toute sa portée, lorsque l'homme du métier réalise notamment une cupule de grande épaisseur. La société SERF réplique que la suffisance de description de l'invention s'apprécie par rapport à l'ensemble des éléments du brevet et que, si le brevet expose, dans la description ou dans un dessin, un mode de réalisation, cela est suffisant pour satisfaire à l'exigence de suffisance de description, étant rappelé que c'est uniquement au regard des compétences de l'homme du métier que la suffisance de description s'apprécie, dès lors que lui sont fournis les moyens rendant possible, à l'aide de ses connaissances générales et par de simples opérations d'exécution, de réaliser l'invention. La société SERF oppose que la notion de "portion courte" s'entend, pour l'homme du métier, comme un terme comparatif par rapport à la hauteur de la portion cylindrique de l'art antérieur et qu'il découle donc directement et sans ambiguïté pour l'homme du métier que la portion cylindrique du brevet FR 523 doit être plus courte que celle de l'art antérieur, le terme "court" s'entendant comme tel que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants. La société SERF conclut que l'homme du métier est en mesure de réaliser l'objet de la revendication no1 du brevet qui n'est affectée d'aucune insuffisance de description, la portion de courte longueur étant réalisable à partir de l'exemple fourni dans la description et les dessins, la description précisant que la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, ce qui constitue un mode de réalisation de la revendication 1. Concernant la revendication 2, la société SERF fait valoir que l'insuffisance de description s'apprécie revendication par revendication, même s'il existe un lien de dépendance entre elles. Elle ajoute que l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule est une notion claire, l'homme du métier pouvant faire la distinction entre ce matériau et un éventuel revêtement de la prothèse, celui-ci se référant à la hauteur de la portion cylindrique pour déterminer l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule. Elle ajoute que l'homme du métier, qui connaît nécessairement l'épaisseur des cupules de l'art antérieur, ainsi que les dimensions de l'os iliaque, ne peut être incité à réaliser une cupule métallique d'une épaisseur disproportionnée par rapport aux cupules de l'art antérieur, laquelle doit être compatible avec les contraintes inhérentes à la morphologie du patient. La société SERF fait valoir que le brevet est cantonné à la protection d'une seule forme de structure bien définie et ne protège aucune large plage de variantes, l'étendue de la portée de la protection de la revendication 2 étant définie par l'épaisseur elle-même de la cupule métallique, bien connue de l'homme du métier, de sorte que la revendication 2 peut être mise en oeuvre sur toute sa portée. L'article L.612-5 du code de la propriété intellectuelle dispose, en son alinéa 1er, que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. En vertu de l'article L.613-25 b) dudit code, le brevet est déclaré nul par décision de justice s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Il est rappelé que le brevet doit contenir les éléments permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet, notamment la description et les dessins, complétées par ses propres connaissances techniques. Aussi, le brevet est suffisamment décrit s'il fournit à l'homme du métier les moyens lui permettant, grâce à ses connaissances générales et à partir de simples opérations d'exécution, de réaliser l'invention. L'homme du métier est celui du domaine technique dont relève l'invention. Il sera défini comme un ingénieur en mécanique spécialiste des prothèses orthopédiques, en particulier des prothèses de hanche, qui a donc une connaissance préalable des prothèses totales de hanche à double mobilité. Il est rappelé que la revendication 1 du brevet FR 523, dans sa version reproduite par la société AMPLITUDE, résultant de la requête acceptée par l'INPI, est rédigée comme suit : 1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule." La société AMPLITUDE oppose que la notion de "courte portion cylindrique" est imprécise, tandis que le brevet ne donne aucun élément permettant d'obtenir la dimension de la partie cylindrique de la cupule métallique enseignée par le brevet. Or, il est relevé que le brevet mentionne, dans sa description, page 2, lignes 22-24, de manière dépourvue d'ambiguïté, que, suivant une caractéristique de l'invention, la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule. Pour l'homme du métier, comme pour le profane, le terme "sensiblement" s'entend comme "approximativement", soit un même ordre de grandeur. Le brevet ne prévoit pas que la hauteur de la portion cylindrique correspondrait exactement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, sinon il l'aurait expressément prévu. La notion de "sensiblement" ne pose pas de difficultés de compréhension pour l'homme du métier. Par ailleurs, l'homme du métier, compte tenu de ses connaissances générales sur les prothèses de hanche, connaît les différents matériaux métalliques utilisés pour réaliser la cupule, et donc leur épaisseur ; l'homme du métier, qui ne peut se méprendre sur la notion d'épaisseur de la cupule, sera amené à exclure de ce critère les éléments de revêtements de la cupule destinés à une meilleure insertion de la cupule dans la cavité cotyloïdienne. L'homme du métier est également éclairé par la description, page 2, lignes 25-27, qui indique que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants, l'homme du métier comprenant donc de manière claire que le terme "courte portion cylindrique" doit s'entendre comme comprise dans ce plan. Il résulte du mode de réalisation de l'invention présenté dans la figure 3 annexée au brevet: que la ligne 14 délimite la hauteur de la portion cylindrique et qu'après mesure, cette portion est d'environ 3,5 mm pour une épaisseur de la cupule de 4 mm, la description rappelant encore que la hauteur de la portion cylindrique 14 correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (page 4, lignes 7-8). Par ailleurs, le brevet précise que la cupule en matière synthétique est en appui contre la cupule métallique pratiquement exclusivement sur des surfaces sphériques, de sorte que la portion cylindrique est extrêmement limitée (page 2, lignes 27-30). Au regard de ces éléments et de ses connaissances techniques, l'homme du métier peut, sans effort excessif, à travers des essais simples, réaliser l'invention, étant à même d'apprécier les rapports de dimension de la cupule métallique et de la portion cylindrique, qui sont clairement explicités par le brevet, pour obtenir le résultat que le brevet tend à atteindre, qui est de limiter les risques de conflit avec les tissus extérieurs et les risques de luxation, étant précisé que le brevet rappelle l'état de la technique antérieur dont il s'éloigne qui prévoyait un tronçon cylindrique beaucoup plus haut. Par conséquent, la revendication 1 du brevet FR 523 est suffisamment décrite. Concernant la revendication dépendante no2 dans sa rédaction modifiée reprise par la société AMPLITUDE : "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)", cette revendication ne souffre pas d'ambiguïté. Il est rappelé que l'homme du métier n'aura pas l'idée d'intégrer le revêtement de la cupule dans son appréciation de l'épaisseur, tandis que la notion de matériau constitutif de la cupule renvoit à des alliages métalliques normalement utilisés pour réaliser des prothèses de hanche et connus de l'homme du métier; il peut donc en déterminer l'épaisseur et, en fonction des différents types de cupules, calculer la hauteur de la portion cylindrique correspondante, le champ du brevet ne portant que sur des cupules cohérentes avec les dimensions de l'os iliaque. La revendication 2 du brevet est donc également suffisamment décrite. Sur le défaut de nouveauté : La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nulles pour défaut de nouveauté au regard de quatre documents de l'art antérieur : - la demande de brevet français ISTRIA no2 548 012 publiée le 4 janvier 1985, - le brevet français MEDINOV no 2 719 465 publié le 10 novembre 1994, - la demande de brevet français ANVAR no2 361 861 publiée le 17 mars 1978, - la demande de certificat d'addition RAMBERT/BOUSQUET no2 437 199 publiée le 25 avril 1980. La société SERF oppose que les documents invoqués par la société AMPLITUDE ne sont pas destructeurs de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Selon l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen(...)". La nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui doit être prise telle quelle, sans avoir besoin d'être interprétée. L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. Il incombe donc à la société AMPLITUDE de justifier d'une antériorité destructrice de la nouveauté des revendications 1 et 2 opposées du brevet FR 523 avant sa date de dépôt intervenue le 10 novembre 1998. Sur le document ISTRIA no2 548 012 : Cette demande de brevet, déposée le 15 juin 1983, intitulée "Prothèse de hanche et un équipement correspondant pour sa mise en oeuvre", comprend une cupule cotyloïdienne, comportant un logement intérieur (1h) pour donner appui à une pièce intermédiaire fixe ou mobile (2a) dans laquelle s'articule une tige fémorale (2), caractérisée en ce qu'elle présente une forme extérieure générale sphérique (1a), suivie d'une portée cylindrique (1b) dans sa partie de plus grand diamètre, la portée cylindrique et la forme sphérique étant filetées (filet unique), de sorte que la cupule est remarquable par son filetage sphérique (1i) qui assure les avantages recherchés, avec le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant au maximum la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place : Il est relevé que ce brevet enseigne une forme extérieure de la cupule permettant un filetage de fixation extérieur se développant tant sur la partie sphérique que la partie cylindrique, ce qui présente un avantage pour la fixation, permettant le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant ainsi la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place de la cupule. Son objet porte donc sur des modalités assurant la meilleure fixation de la cupule dans la cavité cotyloïdienne. Par ailleurs, ce document ne concerne pas spécifiquement une prothèse à double mobilité, le logement intérieur (1h) donnant appui à une pièce intermédiaire fixe ou mobile (2a) dans laquelle s'articule une tige fémorale, la question de la mobilité n'étant pas davantage abordée dans le document. Aussi, il n'est pas établi que la demande ISTRIA porte sur le même domaine technique que l'invention couverte par le brevet FR 523. A cet égard, pour apprécier le critère de nouveauté, ne peut être pris en considération que le document invoqué à titre de priorité, tel qu'il est rédigé avec ses caractéristiques découlant des revendications, des dessins et de la description. Ce document ne peut pas faire l'objet d'interprétations sur des éléments non clairement divulgués découlant d'attestations de tiers, notamment de l'inventeur du brevet, dont la lecture du brevet peut différer de ce que l'homme du métier pourra clairement comprendre au regard de ses connaissances générales. Or, le document ISTRIA ne divulgue aucune courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule, ce document prévoyant, au contraire, que sur la face (1c) en bout de la portée cylindrique sont percés des trous borgnes équidistants (1d) sur une profondeur (p), ce qui implique que la portion cylindrique doit présenter une certaine hauteur. Il n'indique pas plus que la portion cylindrique présenterait une hauteur sensiblement égale à l'épaisseur du matériau constituant la cupule. Enfin, le document ISTRIA, qui, il est rappellé, s'intéresse essentiellement aux meilleures modalités de fixation de la cupule dans la cavité osseuse, ne prévoit pas que l'invention divulguée aurait pour objet de limiter les riques de luxation. Aussi, le document ISTRIA n'est pas destructeur de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Sur le document MEDINOV : Ce brevet, déposé le 4 mai 1994, est intitulé "Implant cotyloïdien perfectionné". Il décrit un implant comprenant en combinaison une cupule métallique sensiblement hémisphérique adaptée pour être impactée dans une cavité cotyloïdienne et dans laquelle est ménagée une fente méridienne, et une coupelle hémisphérique métallique rigide, ininterrompue, de diamètre légèrement supérieur à celui de la cupule, dans laquelle ladite coupelle peut être introduite par écartement élastique de lèvres délimitant la fente, puis maintenue dans une position déterminée par rapport à la cupule par un serrage élastique exercé par la cupule sur la coupelle,la coupelle recevant un insert orientable logeant une tête d'articulation d'une prothèse fémorale: Il est observé qu'à la différence de la revendication 1 du brevet FR 523, la cupule métallique ne sert pas à l'engagement et au pivotement d'une cupule en matière synthétique, le document MEDINOV prévoyant, au contraire, que la cupule métallique sert à l'engagement d'une coupelle hémisphérique métallique fixe, intermédiaire entre la cupule et l'insert synthétique. Il existe donc deux éléments distincts dont l'enboitement permet de recevoir l'insert synthétique dans lequel est logé la tête de l'élément fémoral. Par ailleurs, le document MEDINOV mentionne que, dans une variante de réalisation, cette coupelle présente une surface intérieure hémisphérique qui est prolongée vers l'extérieur par une partie cylindrique, de l'ordre de 4 à 6 milimètres afin d'augmenter l'effet anti-luxation de l'articulation et la partie cylindrique n'est pas intégrée dans la cupule mais dans la coupelle intermédiaire; ce document enseigne que, pour l'essentiel, c'est le positionnement particulier de la coupelle intermédiaire qui permet d'éviter les risques de luxation. Par conséquent, le document MEDINOV n'antériorise pas les revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Sur le document ANVAR : Il porte sur une demande de brevet déposée le 19 août 1976, qui concerne la réalisation d'une prothèse permettant de conserver le col et la tête fémorale, comportant une cupule cotyloïdienne métallique mince, de forme sensiblement sphérique, dont la surface extérieure a une dimension sensiblement égale à celle du néocotyle et qui est munie d'une bride périphérique d'appui sur l'os autour du cotyle et d'interdiction du basculement de la cupule, une cupule fémorale également métallique et mince prolongée par une jupe et sensiblement en forme de doigt de gant et une cupule intermédiaire en matériau plastique, relativement épaisse, ayant une surface extérieure sphérique, susceptible de pivoter dans la cupule cotyloïdienne, et une surface interne comportant une partie centrale sphérique prolongée par une portion cylindrique qui s'emboîte sur la cupule fémorale de façon à ne permettre à cette dernière qu'un déplacement en rotation autour de l'axe de symétrie des cupules : La description du brevet ANVAR indique que la cupule 4 métallique, mince, a la forme d'une demi-sphère de dimension correspondant à celle du cotyle 2, prolongée par un bord annulaire cylindrique 5 muni à son extrémité extérieure d'une bride 6 qui vient en appui contre le sourcil cotyloïdien, taillé à cet effet (page 2, lignes 24-27). Mais, ainsi que l'objecte la société SERF à juste titre, le document ANVAR ne prévoit pas que la cupule intermédiaire 10 sert au montage d'une tête sphérique d'un élément fémoral, la tête fémorale dans ce document n'étant pas sphérique, mais allongée, l'invention divulguée ayant justement pour objet de conserver le col et la tête fémorale. Par conséquent, ce document n'enseigne pas une prothèse de hanche à double mobilité telle qu'envisagée par le brevet FR 523 impliquant une tête sphérique d'un élément fémoral, avec possibilité de pivotement de celle-ci dans la cupule en matière synthétique insérée dans la cupule métallique, et concerne donc un domaine technique différent. Aussi, le document ANVAR n'apparaît pas pertinent et destructeur de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523. Sur le certificat d'addition RAMBERT/BOUSQUET no 2 437 199 : Cette demande, déposée le 29 septembre 1978, porte sur une "Prothèse partielle pour articulation". Elle enseigne une calotte sphérique 2 coiffée d'une cupule 11 en une matière présentant un faible coefficient de frottement par rapport à la matière constitutive de la calotte 2, la cupule 11 pouvant être réalisée en acier inoxydable ayant éventuellement reçu un revêtement approprié tel qu'un revêtement d'oxyde de chrome. La cupule 11 présente une portée sphérique extérieure 12 destinée à prendre appui dans la cavité cotyloïdienne à la place de la portée sphérique extérieure 6 de la calotte 2, et une portée hémisphérique intérieure 13 destinée à recevoir et loger la portée sphérique extérieure 6 de la calotte 2. Comme c'est le cas de la partie intérieure de la calotte 2, la cupule 12 présente en bordure de son extrémité ouverte, un listel ou épaulement 14 raccordé à la portée hémisphérique 13 par une partie cylindrique 15. Il en résulte une grande liberté de mouvement entre la cupule 12 et la calotte 2, ce qui amplifie considérablement la liberté de mouvement entre la tête 3 et la cupule 12 qui constitue l'organe d'appui dans la cavité cotyloïdienne du patient, cette présentation présentant donc le double avantage d'éliminer pratiquement, d'une part, tout risque de luxation et tout risque de mouvement de la cupule 12 contre la cavité cotyloïdienne puisque l'angulation possible entre la tête sphérique 3 et la cupule 12 dépasse pratiquement les possibilités d'angulation du patient : Or, la portion cylindrique 15 ne délimite pas l'entrée de la cupule, contrairement à ce qu'enseigne le brevet FR 523, dans sa revendication 1, "la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule", l'entrée de la cupule étant, dans le document de l'art antérieur opposé, délimitée par l'épaulement 14 de diamètre inférieur à celui de la partie sphérique de manière à assurer la retenue de la cupule 12 sur la calotte 2, tout en permettant son engagement et son désengagement à force notamment grâce à l'élasticité relative de la matière plastique constituant la calotte 2 (page 4, lignes 21-25). Il s'ensuit que l'épaulement, qui est une réduction du diamètre, assure un guidage et un maintien de la partie sphérique de la calotte 2, tandis que, dans le brevet FR 523, la cupule en matière synthétique n'est pas guidée ou retenue par la partie cylindrique de la cupule métallique. Il en résulte encore que la demande RAMBERT/BOUSQUET n'antériorise pas les revendications 1 et 2 du brevet FR 523. En conclusion, au regard des documents opposés en défense, les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nouvelles. Sur l'activité inventive : La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nulles pour défaut d'activité inventive. Elle soutient que l'homme du métier, cherchant à perfectionner les prothèses de hanche à double mobilité, notamment pour éviter tout conflit avec les tissus environnants, ne serait pas parti de l'art antérieur présentant précisément ce problème technique, mais d'autres prothèses à double mobilité ne comportant pas ce défaut et divulguant le plus de caractéristiques communes avec l'invention décrite par le brevet ; que l'art antérieur le plus proche du brevet litigieux comprend les antériorités ISTRIA, RAMBERT/BOUSQUET ou ANVAR, étant précisé que l'art antérieur directement visé par le brevet FR 523 n'est pas déterminé ; que le document ISTRIA doit être qualifié d'art antérieur le plus proche, comme présentant de nombreuses similitudes avec le brevet FR 523 et que, pris en combinaison avec le document MEDINOV, il enseigne la présence de courtes portions cylindriques d'une hauteur correspondant sensiblement à l'épaisseur de la cupule ; qu'à partir de l'antériorité RAMBERT/BOUSQUET, qui enseigne une prothèse à double mobilité et cherche à résoudre les mêmes problèmes techniques que le brevet litigieux, l'homme du métier aurait à l'évidence cherché, au regard des enseignements des documents ISTRIA et MEDINOV, une autre manière de réduire les risques de luxation et à éviter la détérioration de la cupule intermédiaire en matière synthétique causée par l'angle de l'épaulement du document RAMBERT/BOUSQUET, en remplaçant l'épaulement par une portion cylindrique, laquelle est déjà prévue par cette antériorité, l'homme du métier sachant, sans réaliser d'invention, que la portion cylindrique du brevet SERF devait être maintenue courte et sensiblement de l'épaisseur de la cupule ; que, si le document ANVAR ne décrit pas une prothèse à véritable double mobilité, l'homme du métier sait cependant, s'il souhaite réaliser une cupule pour prothèse totale à double mobilité, qu'il peut utiliser la cupule ANVAR avec une tête fémorale prothétique, l'homme du métier envisageant naturellement de combiner les différents éléments de prothèse qu'il utilise ; que l'homme du métier connaissait les prothèses à double mobilité de nombreux documents de l'art antérieur et que, du fait de leurs avantages, il aurait été incité à utiliser la cupule de l'antériorité ANVAR avec une prothèse totale à double mobilité chaque fois que l'élément fémoral ne peut être conservé tandis que l'intérêt d'utiliser une portion cylindrique pour réduire les risques de luxation lui était enseigné au moins par les documents MEDINOV et ISTRIA, de sorte que l'homme du métier était incité à utiliser la cupule de l'antériorité ANVAR dans des prothèses totales à double mobilité et à veiller que le périmètre de cette cupule représente une portion cylindrique courte, ce qui l'amenait à l'invention couverte par les revendications 1 et 2 du brevet FR 523. La société SERF réplique que l'état de la technique le plus proche à prendre en considération au titre de l'examen de l'activité inventive est celui qui vise à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet et qui correspond à une utilisation semblable ou qui appelle le moins de modifications structurelles et que le problème technique à prendre en considération consiste en l'objectif permettant, à partir de l'art antérieur le plus proche, d'aboutir à l'effet technique que permet l'invention objet du brevet, par le jeu de modifications ou d'adaptations, cette étape consistant à savoir si l'homme du métier, face au problème technique, aurait été incité, par un enseignement de l'état de la technique, à modifier ou adapter l'état de la technique le plus proche pour aboutir à l'effet technique permis par l'invention objet du brevet ; que la question est de savoir si l'homme du métier qui n'a pas connaissance de l'invention aurait été incité à la mettre au point par des éléments objectifs extérieurs ; que le document ISTRIA ne peut pas servir d'art antérieur le plus proche, ne visant pas à obtenir un effet anti-luxation, qui n'est pas envisagé, et ne correspondant pas à une utilisation semblable, son objectif étant en particulier d'assurer la meilleure fixation de la cupule dans la partie osseuse sans possibilité de déplacement; que rien n'aurait incité l'homme du métier à modifier l'enseignement du document ISTRIA pour parvenir au brevet FR 523, l'alésage cylindrique étant décrit comme permettant d'offrir des possibilités de débattements nécessaires à la pièce intermédiaire ; que le document MEDINOV enseigne que l'effet anti-luxation résulte du positionnement incliné d'une coupelle intermédiaire et que la prolongation par une partie cylindrique de cette coupelle, notamment de l'ordre de 4 à 6 mm, permet seulement d'augmenter l'effet anti-luxation initialement généré par l'inclinaison de la coupelle intermédiaire ; qu'au contraire, ce document dissuade l'homme du métier de croire en un effet anti-luxation suffisant découlant par la présence d'une portion cylindrique de la partie sphérique de la coupelle, laquelle est au moins équivalente à 4 fois l'épaisseur de la coupelle ; que le document RAMBERT/BOUSQUET, susceptible de constituer l'art antérieur le plus proche, présente des différences structurelles importantes avec le brevet FR 523, ne comportant pas une demi-sphère prolongée à partir de son plan équatorial par une courte portion cylindrique délimitant l'entrée de la cupule, tandis que si le document RAMBERT/BOUQUET cherche à diminuer les risques de luxation, il reste muet sur l'objectif d'éviter des conflits avec les tissus environnants ; que rien n'aurait incité l'homme du métier à prolonger la portion de surface sphérique interne de la cupule métallique, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule, afin d'éviter les conflits entre les tissus environnants et les risques de luxation, dès lors que l'effet anti-luxation cherché par le document RAMBERT/BOUSQUET découle, d'une part, du recours à la double mobilité et, d'autre part, de l'utilisation d'un épaulement et que l'homme du métier n'aurait pas envisagé de remplacer cet épaulement, le document MEDINOV n'enseignant pas un effet anti-luxation suffisant du fait de la présence d'une portion cylindrique ; qu'enfin, le document ANVAR concerne une prothèse partielle de hanche dans laquelle on conserve le col du fémur et une partie de la tête fémorale, aucun effet anti-luxation n'étant recherché ; que l'homme du métier n'aurait pas été incité à modifier le document ANVAR pour parvenir au brevet FR 523. En application de l'article L 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. L'état de la technique le plus proche divulgue, dans une seule référence, la combinaison de caractéristiques qui constitue le point de départ le plus prometteur pour effectuer un développement conduisant à l'invention. Lorsqu'il s'agit de sélectionner l'état de la technique le plus proche, il importe en premier lieu que cet état de la technique vise à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l'invention ou au moins qu'il appartienne au même domaine technique que l'invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié. Dans la pratique, l'état de la technique le plus proche est généralement celui qui correspond à une utilisation semblable et qui appelle le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée. Il est rappelé que le brevet FR523 concerne le domaine des prothèses totales de hanche à double mobilité. L'objectif poursuivi par ce brevet est de trouver une structure de cupule métallique destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne, qui permet d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants, qui assure une bonne répartition des efforts résultant du contact avec la cupule en polyéthylène et qui limite de façon importante les risques de luxation. Le document ISTRIA porte sur une cupule cotyloïdienne ayant pour effet de permettre une fixation et un ancrage solide dans la partie osseuse, ne devant pas se dégrader avec le temps et parfaitement et fermement positionnée dans la cavité osseuse, sans possibilité de déplacement; la cupule cotyloïdienne doit correspondre autant que ce peut à la cavité du cotyle normal, de façon à limiter la résection osseuse nécessaire à l'implantation, cette cupule présentant une forme extérieure d'allure générale sphérique suivie d'une portée cylindrique; la portée cylindrique et la forme sphérique sont filetées, de sorte que la cupule est aussi remarquable par son filetage sphérique qui assure les avantages recherchés, avec le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant au mimum la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place. En aucun cas, ce document ne mentionne la recherche d'un quelconque effet anti-luxation de la cupule dont elle enseigne les caractéristiques, et ne tend donc pas à la recherche d'un même résultat ou d'un résultat proche que le brevet FR 523. Par ailleurs, il n'enseigne pas spécifiquement une prothèse totale de hanche à double mobilité, en ce qu'il indique que la cupule comporte un logement intérieur pouvant donner appui à une pièce fixe ou mobile, sans développer cepoint. Aussi, l'homme du métier, cherchant à envisager une cupule cotyloïdienne de prothèsede hanche à double mobilité permettant d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants, assurer une répartition adaptée des efforts résultant du contact avec la cupule intermédiaire et produisant un fort effet anti-luxation, ne sera pas amené à consulter le document ISTRIA. Concernant le document ANVAR, il est rappelé que la cupule intermédiaire 10 sert à l'insertion, non d'une tête sphérique dans le fémur, mais du col et de la tête fémorale qui ont été préservés, tandis qu'il ne porte pas sur une prothèse de hanche à double mobilité, la cupule 16 ne pouvant se déplacer à l'intérieur de la cupule 10 qu'en rotation autour de l'axe du col du fémur. Ce document vise à remédier à l'inconvénients généré par les prothèses conservant le col du fémur et partiellement la tête fémorale, lié aux douleurs en limitant les conséquences d'une infection grâce notamment au fait que les éléments fixés sont peu sollicités, et est taisant sur un quelconque effet anti-luxation de la cupule, qui n'est pas le sujet de ce brevet. Aussi, le document ANVAR, qui est structurellement éloigné du brevet FR 523, n'est pas plus pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive du brevet FR 523 et l'homme du métier ne sera pas amené à le prendre en considération. L'art antérieur le plus évident est constitué par le document RAMBERT/BOUSQUET en ce qu'il porte sur une prothèse de hanche à double mobilité, et qui vise un résultat très proche de celui du brevet FR 523 en ce que le but recherché est d'obtenir une grande mobilité entre la portée sphérique de la partie fémorale de la prothèse et la calotte sphérique qui coiffe cette portée sphérique et se trouve en appui contre la cavité cotyloïdienne, sans augmenter les risques de luxation, ainsi que le document MEDINOV qui enseigne un implant comprenant en combinaison une cupule sensiblement hémisphérique impactée dans une cavité cotyloïdienne dans laquelle est fixée une coupelle hémisphérique métallique rigide de diamètre légèrement supérieur à celui de la cupule, et qui cherche à prévenir les risques de luxation. Cependant, concernant le document RAMBERT/BOUSQUET, il est rappelé que l'entrée de la cupule est délimitée par un épaulement et non une courte portion cylindrique, lequel assure la retenue de la tête sphérique 3 après que celle-ci ait été engagée (description, page 2, lignes 34-36). C'est cet épaulement (par réduction du diamètre de la cupule au niveau de son entrée) qui est décrit comme permettant d'éviter les risques de luxation. Force est de constater que ce document n'incitait nullement l'homme du métier à remplacer "l'épaulement", par un simple prolongement de la sphère, pour parvenir au même effet de prévention des luxations. Par ailleurs, le document MEDINOV enseigne que le risque de luxation est évité par la combinaison d'une cupule métallique sensiblement hémisphérique pourvue d'une fente méridienne (i), d'une coupelle hémisphérique métallique rigide (ii), et d'un insert orientable (iii) destiné à recevoir la tête d'articulation d'une prothèse fémorale, et dans laquelle le positionnement de la coupelle dans la cupule avec des angles d'antéversion et de couverture appropriées, choisis par le chirurgien, est déterminant pour obtenir l'effet recherché (description, page 3, lignes 10-15). Force est là encore de relever que l'homme du métier ne pouvait parvenir à l'invention revendiquée sans faire preuve d'activité inventive, et n'était en particulier nullement conduit à remplacer la cupule et la coupelle positionnées selon un angle déterminé par le chirurgien du document Medinov, par la seule cupule telle qu'enseignée par le brevet. Par conséquent, l'homme du métier, en partant de la cupule RAMBERT/BOUSQUET et en y ajoutant l'enseignement du document MEDINOV, ne pouvait arriver au résultat enseigné par le brevet FR 523, étant, enfin, précisé qu'aucun de ces documents n'envisage le problème, auquel le brevet FR 523 entend répondre, d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants. Il y a donc lieu de retenir que la revendication 1 du brevet FR 523 est inventive. Etant dans sa dépendance, la revendication 2 de ce brevet l'est donc également. Sur la contrefaçon : La société SERF fait valoir que la société AMPLITUDE commercialise une cupule SATURNE II qui constituerait une contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 523 ; que la société AMPLITUDE ne peut sérieusement faire valoir que cette cupule ne ferait que reproduire les caractéristiques de l'art antérieur ; que la hauteur de la portion cylindrique de la cupule litigieuse correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau ; qu'en toute hypothèse, la cupule SATURNE II reproduit par équivalence les caractéristiques techniques de la revendication 2 du brevet, la hauteur de la portion cylindrique de ce produit reproduisant les mêmes fonctions pour parvenir au même résultat. La société AMPLITUDE réplique que la cupule SATURNE II ne peut contrefaire le brevet FR 523 car elle est identique aux cupules de l'art antérieur, notamment celles enseignées par les documents ANWAR et ISTRIA ; que la revendication 2 du brevet FR 523 n'est pas reproduite en ce que la hauteur de la partie cylindrique présente une différence significative avec l'épaisseur de la cupule ; que la société SERF ne peut, en aucun cas, se prévaloir d'une contrefaçon de la revendication 2 du brevet par équivalence, la présence d'une portion cylindrique venant prolonger la partie hémisphérique d'une cupule étant connue de l'art antérieur, notamment des antériorités ANWAR et ISTRIA permettant d'éviter les risques de luxation. Aux termes de l'article L.615-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon. La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur. Toutefois, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. Il est rappelé que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont les suivantes : 1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule." 2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)." La cupule SATURNE II commercialisée par la société AMPLITUDE est reproduite comme suit, aux termes de la fiche technique du produit appréhendé lors des opérations de saisie-contrefaçon du 21 mars 2018 : La fiche technique du produit mentionne qu'il s'agit d'une cupule double mobilité sans ciment cylindro-sphérique, ayant un double revêtement TI + HAP (titane et hydroxyapatite). Il s'agit d'une cupule métallique d'un implant cotyloïdien pour prothèse totale de hanche à double mobilité. La cupule a vocation a être implantée dans une cavité cotyloïdienne et comporte une cavité en forme de portion de surface sphérique permettant d'engager et de faire pivoter un insert (cupule) en matière synthétique qui sert au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique d'un élément fémoral. Il résulte du plan illustrant en coupe la cupule SATURNE II recueilli lors des opérations de saisie-contrefaçon que : la cupule comporte une portion de surface sphérique correspondant à une demi-sphère, de diamètre externe de 63 millimètres et de diamètre interne 56 millimètres, qui est prolongée, à partir de son plan équatorial (partie C du plan), par une courte portion cylindrique de 3 millimètres, plus ou moins 0,1 millimètre, laquelle s'étend sur toute la périphérie de la cupule et en délimite l'entrée. Le représentant de la société AMPLITUDE, lors des opérations de saisie-contrefaçon, a d'ailleurs confirmé que la portion cylindrique était de 3 millimètres, étant observé que la fiche technique du produit met également en avant que le produit SATURNE II concerne une "cupule cylindro-sphérique avec 3mm de débord cylindrique". Il est relevé que la fiche technique des cotyles à double mobilité NOVAE commercialisées par la société SERF mettant en oeuvre la technologie divulguée par le brevet FR 523 indique également que "toutes les cupules NOVAE ont une forme hémisphérique à laquelle un cylindre de 3 mm a été ajouté pour composer une géométrie de type cylindro-sphérique". La revendication 1 du brevet FR 523 est donc reproduite par la cupule SATURNE II. L'allégation selon laquelle cette cupule se bornerait à reprendre l'état de la technique antérieur des documents ANWAR et ISTRIA est sans intérêt, seule comptant la comparaison du produit en cause et des revendications opposées d'un brevet jugé valable. Concernant la revendication 2 qui précise que la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, il est relevé, après examen du plan du produit SATURNE II, que l'épaisseur de la cupule est de 3,5 millimètres, revêtement inclus. Il convient de déduire l'épaisseur de la couche correspondant au double revêtement de 80 micromètres de spray titane et 80 micromètres de hydroxyapatite, mentionné dans la fiche tehnique du produit, soit 0,16 millimètres, de sorte que l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule est de 3,34 millimètres. Il s'ensuit que, sans contestation possible, la hauteur de la portion cylindrique (3 millimètres) correspond "sensiblement", au sens du brevet, à l'épaisseur du matériau de la cupule (3,34 millimètres), la hauteur de la portion cylindrique représentant 90% de l'épaisseur de ce matériau. Par conséquent, la société AMPLITUDE a également contrefait la revendication 2 du brevet FR 523. Aussi, en commercialisant les cupules SATURNE II, la société AMPLITUDE a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 et 2 de ce brevet, au préjudice de la société SERF. Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon : La société SERF fait valoir qu'elle est fondée à solliciter la production forcée des éléments nécessaires permettant de connaître le nombre exact de cupules SATURNE II vendues par la défenderesse et les bénéfices réalisés. Sur sa demande de provision, la société SERF soutient qu'au regard du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la vente de cupules contrefaisantes doit être estimée à 1.388 unités. Elle indique que le prix de vente de ses cupules est de 519,98 euros HT et que sa marge brute est de 74%, soit une marge sur toute vente manquée de 384 euros. La société SERF fait valoir qu'elle avait les capacités de fabriquer la totalité de la masse contrefaisante, ayant conclu un accord de distribution avec la société DEPUY SYNTHES sur le marché américain, et qu'elle a fourni à cette société plus de 6.000 cupules, tandis qu'il n'est pas justifié de l'existence de produits de substitution sur le marché. La société SERF évalue le gain manqué du fait de la contrefaçon à 534.081,86 euros et soutient qu'elle a subi un préjudice moral d'atteinte à son image de leader sur le marché des prothèses de hanche à double mobilité. La société AMPLITUDE réplique que la société SERF ne justifie pas de ses parts sur le marché de la prothèse totale de hanche à double mobilité, ne détenant aucun monopole ou quasi-monopole, de sorte que la marge qu'elle aurait manquée ne peut être assise sur la totalité de la masse contrefaisante. Elle ajoute que le taux de marge réalisé par la société SERF n'est pas justifié, les attestations de son expert-comptable étant incomplètes en ce qu'elles ne précisent pas le chiffre d'affaires net réalisé sur la vente des produits de la gamme NOVAE et NOVAE SUNFIT TH et ne tenant pas compte des remises et rabais consentis. La société AMPLITUDE considère que les conséquences économiques de la contefaçon ne peuvent donc que se limiter, compte tenu de la faible importance des caractéristiques brevetées dans le succès de la cupule SATURNE II, qu'à une redevance indemnitaire dont le taux ne peut dépasser 2% du chiffre d'affaires net qu'elle a réalisé. Concernant la prise en compte des bénéfices réalisés par la société AMPLITUDE, le taux de 70% avancé par la société SERF est injustifié tandis que seule la part attribuable à la contrefaçon dont les bénéfices ont été dégagés par les ventes peut être prise en considération, les produits de la gamme SATURNE II s'inscrivant dans la continuité des produits de la gamme SATURNE I, tandis que les caractéristiques en cause ne constituent pas l'élément majeur du succès commercial des produits SATURNE II. Sur le préjudice moral invoqué, la société AMPLITUDE fait valoir que la société SERF ne justifie d'aucune atteinte à son image de leader sur le marché de la prothèse de hanche à double mobilité ni que l'image que les chirurgiens et les établissements de santé ont de la société SERF se serait détériorée depuis la commercialisation des cupules SATURNE II. Aux termes de l'article L.615-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. Aux termes de l'article L. 615-5-1-1 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction peut ordonner, d'office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d'instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n'a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 615-5. Il est rappelé que le brevet FR 523 a expiré le 10 novembre 2018. Il résulte des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 21 mars 2018 que les ventes de la cupule SATURNE II au "28 février 2018 depuis le lancement" se sont élevées à 492 unités pour un chiffre d'affaires total HT de 247.325,78 euros. Il résulte du tableau des ventes appréhendé lors de la saisie que la première vente du produit contrefaisant a été faite le 17 octobre 2017. L'état des stocks des cupules SATURNE II représentait au 28 février 2018 1.006 unités. Il sera fait droit à la demande de production des éléments financiers sollicités par la société SERF permettant d'établir l'étendue de la masse contrefaisante au jour de l'expiration du brevet et les bénéfices réalisés par la société AMPLITUDE, dans les conditions fixées au dispositif du présent jugement, la société AMPLITUDE n'indiquant pas en avoir cessé la commercialisation après les opérations de saisie-contrefaçon. Sur la provision sollicitée par la société SERF au titre des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, Il est établi de manière certaine que la société AMPLITUDE a vendu a minima 492 cupules SATURNE II au 28 février 2018. Les ventes postérieures qui seraient intervenues ne sont pas, à ce stade, connues avec certitude. La société SERF justifie que le prix unitaire réglementé auprès de l'assurance maladie de ses cupules NOVAE-SUNFIT TH est de 548,58 euros TTC, soit 519,98 euros HT, par produit. La société AMPLITUDE ne démontre pas que le prix de vente net réel de ces cupules serait inférieur, n'établissant pas que la société SERF effectuerait des rabais sur ce prix, qui sert de base de remboursement par la sécurité sociale. Il résulte de deux attestations de l'expert-comptable de la société SERF du 2 novembre 2020, qui n'appellent pas de critique sérieuse, que la marge sur coûts standards sur les produits de la gamme NOVAE-SUNFIT TH était de 73,8% en 2017 et 73,9% en 2018, ce chiffre représentant le chiffre d'affaires - coûts de revient/chiffre d'affaires. Il s'en suit un taux de marge moyen à prendre en considération de 73,85%. La société AMPLITUDE ne peut invoquer que la société SERF ne peut prétendre qu'à une redevance indemnitaire sur les ventes, dès lors qu'en l'absence de contrefaçon, eu égard au monopole conféré par le brevet, le taux de report aurait été de 100%. Il est précisé que la société SERF justifie avoir conclu en 2018 un accord de distribution avec la société DEPUY SYNTHES portant sur des cupules reproduisant les revendications du brevet FR 523 et qu'elle était donc en capacité de fournir le même volume de produits que ceux de la société AMPLITUDE comptabilisés lors des opérations de saisie-contrefaçon. Par ailleurs, les cupules SATURNE II, qui marquent une rupture avec les cupules SATURNE I, reproduisent les revendications 1 et 2 du brevet, tandis qu'il apparaît indiscutable que l'attractivité des cupules SATURNE II découle des avantages techniques conférés par le brevet. Aussi, au regard du volume justifié de ventes de produits SATURNE II au 28 février 2018, il est établi que, si les cupules en cause avaient été vendues par la société SERF, celle-ci aurait réalisé une marge brute de 188.930,57 euros (492 x (519,98 x 73,85/100)). Par conséquent, en l'attente des autres éléments financiers de la société AMPLITUDE dont la production a été ordonnée, il convient de la condamner à payer à la société SERF une provision de 188.930,57 euros à valoir sur son préjudice économique imputable à la contrefaçon. Par ailleurs, en portant atteinte au monopole de la société SERF sur l'invention issue de son brevet, ce qui a eu pour effet de la banaliser en laissant croire aux autres opérateurs économiques qu'elle était libre de droits, la société SERF a également subi un préjudice moral imputable à la contrefaçon, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 25.000 euros. La mesure de publication judiciaire sollicitée n'apparaît pas nécessaire, en raison de l'expiration des droits du breveté. Sur les demandes accessoires : La société AMPLITUDE, qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à la société SERF 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Nécessaire, compte tenu de l'ancienneté des faits, et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée d'office par le tribunal. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré, Rejette la demande reconventionnelle en nullité des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 785 523 formée par la société AMPLITUDE, Dit qu'en détenant et en mettant dans le commerce en France les cupules SATURNE II, la société AMPLITUDE a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 785 523 au préjudice de la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION, Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION une indemnité provisionnelle de 188.930,57 euros à valoir sur la réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, Enjoint à la société AMPLITUDE de communiquer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION les états de cupules SATURNE II, fabriquées ou importées en France et de celles vendues en France, jusqu'au 10 novembre 2018, et à communiquer également, pour ces cupules, les prix de vente et la marge brute (marge sur coûts variables, incluant les frais de main d'oeuvre, de matières premières, et le cas échéant de sous-traitance et les frais de transports), sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral imputable à la contrefaçon, Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION sur la base des éléments financiers communiqués et à défaut par voie judiciaire après assignation, Déboute la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION de sa demande de publication judiciaire, Condamne la société AMPLITUDE aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Yves BIZOLLON, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, Fait à Paris, le 21 juillet 2022 LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/09278 - No Portalis 352J-W-B7F-CUZM7 No MINUTE : Assignation du : 19 Mai 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 05 Juillet 2022 DEMANDEUR AU FOND DEFENDEUR A L'INCIDENT Monsieur [U] [V] [Adresse 2] [Adresse 2] représenté par Maître Gachucha COURREGE de la SELARL M&C Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0159 DEFENDERESSE AU FOND DEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. DRAEGER [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0945 et par Maître Hervé BENICHOU, avocat au barreau de PERIGUEUX, avocat plaidant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge assisté de Lorine MILLE, greffière A l'audience sur incident du 19 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 05 juillet 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. Ancien salarié de la société Draeger (anciennement « Editions d'art Yvon »), qui commercialise des cartes postales, agendas, calendriers et posters, et pour laquelle il était chargé de prendre des photographies, M. [U] [V], après avoir été licencié pour motif économique le 9 mars 2021, l'a assignée le 19 mai 2021 en nullité de la clause « phototèque » de son contrat de travail de 1988, et contrefaçon de droits d'auteur sur lesdites photographies. 2. Par conclusions d'incident du 26 octobre 2021, la société Draeger a soulevé la nullité de l'assignation et, subsidiairement, des fin de non-recevoir. Par conclusions d'incident du 2 février, M. [V] a lui-même demandé la communication forcée de certains documents. Le juge de la mise en état a, par avis du 22 février 2022, renvoyé au tribunal les fins de non-recevoir, et l'incident a, pour le reste, été entendu à l'audience du 19 mai 2022. 3. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 7 avril 2022, la société Draeger soulève la nullité de l'assignation, subsidiairement des fins de non-recevoir, résiste à la demande de communication de pièces, et réclame 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 4. Elle soutient que l'assignation ne contient pas un exposé en fait et en droit, en ce que les oeuvres invoquées ne seraient pas identifiées, leur caractère original non démontré, pas plus que la qualité de M. [V] sur ces oeuvres, ni leur reproduction par elle. 5. Contre la communication de documents, elle estime qu'il s'agit pour le demandeur de suppléer sa carence dans l'administration de la preuve ; que l'exception de nullité et les fin de non-recevoir qu'elle a soulevées font également obstacle à cette demande. 6. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 28 avril 2022, M. [U] [V] demande en substance d'écarter l'exception de nullité et les fins de non-recevoir, et de condamner sous astreinte la société Draeger à lui communiquer dans un délai de 15 jours le nombre de cartes postales, d'éphémérides, d'agendas, de recharges d'agendas, et d'enveloppes, reproduisant ses photographies, vendus depuis le 1er janvier 2015, et le chiffre d'affaires correspondant ; outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'incident. 7. Il estime notamment que parmi les pièces visées à l'assignation, qui font corps avec elle selon lui, se trouvent d'abord des « listings d'exploitation » établis par la société Draeger contenant une nomenclature des photographies se retrouvant sur les cartes postales où elles sont employées, ensuite 8 calendriers ou éphémérides contenant chacun 365 photographies, soit 2 920 au total. 1) Demande en nullité de l'assignation 8. En application de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. Il en est déduit par la jurisprudence qu'en matière de contrefaçon de droits d'auteur, l'assignation doit identifier la ou les oeuvres sur lesquelles les droits sont revendiqués, leur originalité, et les actes de contrefaçon allégués. Car le défendeur ne peut utilement se défendre si le demandeur ne lui permet pas de distinguer précisément le périmètre des droits qu'il lui oppose. 9. En vertu de l'article 115, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. 10. Il ressort de l'assignation que M. [V] affirme être l'auteur de l'intégralité des photographies exploitées par la société Draeger dans ses produits, sans toutefois en identifier aucune individuellement, ni procéder à aucun renvoi explicite à une pièce claire permettant aisément de les identifier. Une telle affirmation, qui ne permet pas au défendeur de se défendre, faute de certitude sur l'identification de cette intégralité de photographies exploitées par lui, revient à une absence totale d'identification des droits invoqués. Il en va a fortiori de même de l'originalité de ces oeuvres. Ce qui cause au défendeur le grief de ne pas savoir contre quoi il doit se défendre. L'assignation est donc nulle et il faut examiner si cette nullité a été couverte par des conclusions ultérieures. 11. Dans ses dernières conclusions au fond, signifiées le 2 février 2022, M. [V] précise qu'il fonde sa demande d'une part sur 2 920 photographies présentes dans des « calendriers / éphémérides » communiqués et identifiés au bordereau de pièces, d'autre part sur des photographies reproduites en cartes postales, dont l'identification est faite par renvoi à des « listings d'exploitation » communiqués et identifiés au bordereau de pièces (conclusions du 2 février 2022, p. 5, point 7). 12. S'agissant des photographies des calendriers, chacune, identifiée par la date de la page du calendrier où elle se trouve et par le lieu représenté, figure dans un tableau où est brièvement exposé ce qui en fait, selon l'auteur, l'originalité (conclusions du 2 février 2022, pp. 9-99). Le défendeur est ainsi en mesure tant d'identifier ces photographies que de contester s'il le souhaite leur originalité, la paternité de M. [V] et l'exploitation qui lui est imputée. La nullité, à leur égard, est donc couverte. 13. S'agissant des photographies des cartes postales, aucune image n'est donnée, ni dans les conclusions, ni dans les pièces, celles-ci ne concourant à identifier les oeuvres que par une nomenclature censée être connue de la défenderesse pour avoir été établie par elle. À cet égard, la société Draeger répond qu'il n'est pas démontré que ces listings émanent bien d'elle, sans pour autant contester explicitement que tel est le cas. Elle reproche donc à son adversaire de ne pas prouver un fait, sans alléguer pour autant le fait contraire alors qu'elle le connait. Un tel procédé tend à indiquer que la contestation a un caractère artificiel, et renforce corrélativement la crédibilité des éléments de preuve apportés par l'autre partie. 14. Or M. [V] affirme sans être contredit que le nom figurant dans les méta-données des fichiers en cause est celui d'un salarié de la société Draeger, chargé de leur élaboration, et que chaque numéro figurant dans ces fichiers est présent sur chaque carte postale correspondante, comme il le démontre sur l'exemple d'une carte postale représentant l'arc de triomphe de Paris. Il est ainsi suffisamment démontré que la société Draeger est à l'origine des listings communiqués par M. [V], et qu'elle est donc la mieux à même d'identifier, grâce à eux, chaque photographie invoquée. 15. Les oeuvres invoquées par le demandeur sont donc aisément identifiables par le défendeur. Il est toutefois observé que si le défendeur dispose des visuels de ces photographies, tel n'est pas le cas du tribunal, qui sera sans doute en peine d'apprécier l'originalité des oeuvres si leur image n'est pas produite aux débats. 16. S'agissant enfin de l'originalité des oeuvres utilisées dans les cartes postales, le défendeur invoque de manière générale le jeu de lumière, et l'applique en particulier à 3 photographies (conclusions du 2 février 2022, pp. 99-100) ; ce qui peut par extrapolation s'appliquer à l'ensemble des photographies, l'auteur pouvant alléguer les mêmes caractéristiques originales pour l'ensemble de ses oeuvres (sans préjudice du bienfondé de cette allégation). 17. Enfin, les actes de contrefaçon sont allégués, le demandeur ayant même inversé le raisonnement naturel en matière de droits d'auteur : au lieu d'identifier d'abord ses oeuvres pour alléguer ensuite des actes de contrefaçon, il a d'abord identifié les actes d'exploitation reprochés à la société Draeger, pour identifier ensuite ses oeuvres, comme étant celles représentées dans les produits vendus par celle-ci. 18. Quant à la titularité, le demandeur allègue être l'auteur de ces oeuvres, ce qui suffit à la validité de l'assignation : l'examen de la réalité de cette allégation relève du fond. 19. Par conséquent, bien que l'assignation fût nulle, la nullité a été couverte par la régularisation ultérieure, et l'exception de nullité est écartée. 2) Demande en communication de documents 20. L'article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, transposant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. 21. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées comprennent, selon les cas, des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice. 22. M. [V] réclame seulement des informations relatives aux quantités vendues et le chiffre d'affaires correspondant, ce qu'aucun motif légitime n'empêche ici. La résistance de la défenderesse rend nécessaire une astreinte, qui courra toutefois après un délai prolongé en raison de la période estivale. 3) Dispositions finales 23. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 24. La présente décision ne mettant pas fin à l'instance, il n'y a pas lieu à décision sur les dépens. Une indemnité de procédure reste en principe possible, mais il n'y a pas lieu d'en prononcer au cas présent. 25. Enfin, il faut ordonner, en tant que de besoin, le renvoi des fin de non-recevoir au tribunal, comme déjà annoncé. Comme annoncé également, il convient que les parties intègrent dans leurs conclusions de fond les développements relatifs à ces « fin de non-recevoir » (sans préjudice de leur qualification réelle le cas échéant). PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, RENVOIE les fin de non-recevoir au tribunal ; ÉCARTE l'exception de nullité de l'assignation ; ORDONNE la communication à M. [V], par la société Draeger, du nombre de cartes postales, d'éphémérides, d'agendas, de recharges d'agendas et d'enveloppes, reproduisant les photographies de M. [V], vendus depuis le 1er janvier 2015, ainsi que le chiffre d'affaires réalisé au titre de ces ventes ; et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification de la présente décision puis sous astreinte de 100 euros par jour qui courra pendant 90 jours au maximum ; Se réserve (à lui ou au tribunal selon l'avancée de la procédure) la liquidation de l'astreinte ; REJETTE les demandes des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. RENVOIE l'affaire à l'audience (dématérialisée) de mise en état du 20 octobre 2022 pour les conclusions de la société Draeger. Faite et rendue à Paris le 05 Juillet 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/12470 - No Portalis 352J-W-B7F-CVIPD No MINUTE : Assignation du : 01 Octobre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE AU FOND DEFENDERESSE A L'INCIDENT Société CANADA GOOSE INTERNATIONAL AG [Adresse 3] [Localité 1] (SUISSE) représentée par Maître Olympe VANNER de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 DEFENDERESSES AU FOND DEMANDERESSES A L'INCIDENT S.A.S. SWEET PANTS [Adresse 4] [Adresse 4], [Adresse 4] [Localité 2] S.A.S. SWEET PANTS RETAIL [Adresse 4] [Adresse 4], [Adresse 4] [Localité 2] représentées par Maître Alexandra ABRAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0223 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge, assisté de Lorine MILLE, greffière. A l'audience sur incident du 19 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 05 juillet 2022 et prorogée en dernier lieu au 13 septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. La société de droit suisse Canada goose international ag (ci-après « Canada Goose »), qui vend des vêtements, reproche d'une part aux sociétés Sweet pants et ‘Sweet pants retail' de désigner des vêtements et des services de vente au détail de vêtements par un signe qui contreferait deux de ses marques de l'Union européenne par risque de confusion et par atteinte à leur renommée ; et demande d'autre part la nullité de trois marques françaises détenues par la société Sweet pants en ce qu'elles désignent ces mêmes produits et services, au motif encore d'un risque de confusion et d'une atteinte à la renommée de ses deux marques. 2. Par le présent incident, les sociétés Sweet pants soulèvent l'irrecevabilité des demandes en raison de la forclusion par tolérance de leurs trois marques. Droits invoqués en demande 3. La société Canada goose invoque les marques semi-figuratives de l'Union européenne suivantes, dont elle est titulaire, ? no 010494979, « Canada goose arctic program » déposée le 15 décembre 2011, enregistrée le 17 mai suivant, ? invoquée en ce qu'elle désigne notamment les « vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25 ; ? représentée ci-dessous, et que le tribunal peut décrire ainsi : en couleur, un anneau blanc à bords rouges dans lequel il est écrit en rouge, en capitales, en haut « canada goose », en bas « arctic program », et sont dessinés en rouge sur chaque côté 5 petites feuilles d'érable ; anneau qui entoure un disque bleu sur lequel est dessinée une masse blanche irrégulière comme une carte, contenant 4 petits vides irréguliers ; disque au centre duquel, sur la masse blanche, est représenté en rouge un symbole de cible dont partent, invisibles sous la masse blanche mais visibles sur le disque bleu, 12 rayons rouges fins divisant le disque en autant de quartiers égaux, à la manière de longitudes partant d'un pôle) : ? no015731458, « Canada goose arctic program », déposée le 5 aout 2016, enregistrée le 22 février 2018, ? invoquée en ce qu'elle désigne notamment les « services de magasins de vente au détail de vêtements de dessus, de vêtements, d'articles vestimentaires, de chaussures, de chapellerie ; Services de magasins de vente au détail en ligne de vêtements de dessus, de vêtements, d'articles vestimentaires, de chaussures, de chapellerie », en classe 35 ? et représentée ci-dessous (en noir et blanc, identique pour le reste à la première marque) : Naissance et objet du litige 4. Elle a fait adresser à la société Sweet pants, le 7 octobre 2016, un courrier l'avertissant du risque de confusion du logo représenté ci-dessous, que celle-ci exploitait et avait déposé comme marque, avec sa marque « Canada goose arctic program » (en couleur), et la mettant en demeure notamment de modifier les enregistrement de ses marques et de s'abstenir d'exploiter ce logo pour des vêtements d'extérieur. Ce à quoi la société Sweet pants a répondu qu'elle contestait le risque de confusion, proposait de s'abstenir d'utiliser le signe pour des manteaux destinés à des conditions extrêmes, et qu'en échange la société Canada goose s'abstienne elle-même d'utiliser sa marque pour des pantalons de jogging. 5. Puis, après avoir adressé une autre mise en demeure le 26 janvier 2021 à la société Sweet pants et à la société Sweet pants retail, la société Canada goose les a assignées le 1er octobre 2021 en nullité de trois marques françaises, et en contrefaçon, demandant sur ce fondement une interdiction, une destruction, des informations comptables et commerciales, une provision de 50 000 euros, et la publication du jugement. 6. Les 3 marques dont elle demande la nullité sont les marques françaises suivantes, qui appartiennent à la société Sweet pants : ? no 3 905 569, déposée le 16 mars 2012, enregistrée le 6 juillet suivant, représentée ci-dessous, en ce qu'elle est enregistrée pour les « vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25 ? no 4 589 269, déposée le 10 octobre 2019, enregistrée le 14 février 2020, représentée ci-dessous, en ce qu'elle est enregistrée pour les « vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25 et les « services de magasins de vente au détail, de vente par correspondance et de vente utilisant des moyens de télécommunication (Internet) d'articles de vêtements de dessus, de vêtements, d'articles vestimentaires et de chapellerie, articles chaussants », en classe 35 ? no 4 589 265, déposée le 10 octobre 2019, enregistrée le 14 février 2020, représentée ci-dessous, la demande en nullité visant les mêmes produits et services que la marque précédente ; 7. Le signe dont l'usage est critiqué correspond à la deuxième marque ci-dessus (4 589 269). 8. Par conclusions du 17 février 2022, les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la connaissance par la demanderesse de l'usage de leurs marques depuis plus de 5 ans. C'est l'objet du présent incident. Prétentions et moyens des parties dans le cadre de l'incident 9. Dans leurs dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 18 mai 2022, les sociétés Sweet pants et Sweet pants retail demandent de déclarer irrecevables les demandes en nullité et les demandes en contrefaçon, de rejeter l'ensemble des demandes, et de condamner la demanderesse au principal à leur payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 10. Se fondant sur les articles L. 716-2-8 et L. 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle, elles font valoir l'usage croissant et massif de leurs marques en France et dans le monde à partir de 2012, accompagné d'une communication intense, dans le même secteur et parfois dans les mêmes magasins que Canada goose, laquelle exercerait en outre une surveillance du marché, de sorte qu'elle n'a pas pu, selon elles, ignorer cet usage ; elles estiment également que la société Canada goose, ayant envoyé sa première mise en demeure le 7 octobre 2016, avait nécessairement connaissance de l'usage de la marque avant le 1er octobre. 11. Elles soutiennent que la forclusion concerne non seulement la marque enregistrée en 2012 mais également les marques enregistrées en 2020, car toutes étaient exploitées, et que si l'existence d'une marque enregistrée est une condition à la forclusion, le point de départ du délai de forclusion ne serait pas nécessairement la date de l'enregistrement, mais pourrait être un évènement antérieur, et en particulier la date de la connaissance de l'usage de cette marque. 12. En outre, poursuivent-elles, si le signe dont il a été fait usage en pratique correspond à la marque 4 589 269 de 2020 et non exactement à la marque de 2012, il ne s'agirait toutefois que de différences minimes n'altérant pas le pouvoir distinctif de celle-ci, de sorte que, comme pour l'appréciation de l'usage sérieux d'une marque dans le cadre de la déchéance, il faudrait considérer que l'usage de ce signe légèrement différent valait usage de la marque pour caractériser la forclusion. Ainsi, selon elles, les trois marques seraient protégées par la forclusion, et raisonner autrement, par exemple en ne retenant la forclusion que pour la marque de 2012 et pas pour les deux autres serait non seulement contraire à l'objectif de sécurité juridique des tiers poursuivi par les textes mais aboutirait également à une situation contradictoire où une marque serait protégée mais pas le signe qui est utilisé ni la marque plus récente correspondant à ce signe. 13. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mai 2022, la société Canada goose international ag résiste à la fin de non-recevoir ainsi qu'à la demande reconventionnelle, et réclame elle-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 14. Elle soutient d'abord que la forclusion par tolérance, qui doit selon elle est interprétée strictement, ne peut courir, au plus tôt, qu'à compter de l'enregistrement de la marque concernée, et pour l'usage postérieur à cet enregistrement ; ensuite que l'usage doit être celui d'un signe identique à la marque ; qu'en effet, les conditions de la forclusion devraient être appréciées individuellement pour chaque enregistrement, que raisonner autrement reviendrait à contourner les dispositions prévoyant que l'on ne peut opposer la tolérance que pour une marque enregistrée et pour l'usage postérieur à l'enregistrement, et que l'analogie avec la déchéance ne serait pas pertinente car dans le cas de la déchéance, admettre l'usage sous une forme modifiée est favorable au titulaire de la marque et réduit le domaine de cette exception tandis que pour la tolérance, admettre l'usage sous une forme modifiée reviendrait à aggraver la sanction. 15. Elle conteste en toute hypothèse avoir eu connaissance de l'usage de la marque en France avant le 1er octobre 2016, contestant la pertinence des éléments rapportées, notamment en ce qu'ils seraient hors délai, ne permettraient pas d'identifier l'usage précisément pour les produits concernés, en France ; en ce qu'elle-même n'était alors pas personnellement présente en France et commercialisait ses produits uniquement par des revendeurs multimarques qui ne lui auraient rien dit à propos de Sweet pants, et que ce ne serait qu'à l'occasion de son entrée dans le marché français fin 2016 qu'elle aurait découvert la marque litigieuse. 16. À titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir qu'à supposer que l'usage du signe vaut usage de la marque de 2012, cet usage n'a concerné que les pantalons de jogging, de sorte que la forclusion ne serait acquise que pour ces produits, et que les demandes resteraient recevables pour les autres produits et services. 17. L'incident a été entendu à l'audience du 19 mai 2022. Cadre juridique 18. Aux termes de l'article 9 de la directive 2015/2436 rapprochant les législations des États membres sur les marques, « Le titulaire d'une marque antérieure [dont une marque de l'Union européenne], qui a toléré, dans un État membre, l'usage d'une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité, sur la base de cette marque antérieure, pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l'enregistrement de la marque postérieure n'ait été demandé de mauvaise foi. » Cette disposition a été transposée en droit français, en des termes similaires et non expressément incompatibles, à l'article L. 716-2-8 du code de la propriété intellectuelle. 19. Et l'article 16, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne prévoit une limitation au droit conférée par la marque, selon laquelle lors d'une procédure en contrefaçon, le titulaire d'une marque de l'Union européenne ne peut interdire l'usage d'une marque nationale enregistrée postérieurement lorsque cette marque postérieure n'aurait pas été déclarée nulle en vertu, notamment, de l'article 9 de la directive 2015/2436. 20. Les faits de la présente espèce (dans la mesure où leur période est déterminable malgré l'absence totale d'indication en ce sens dans la partie de l'assignation relative à la contrefaçon) dépendent également, pour partie, des dispositions antérieures abrogées par la directive et le règlement précités ; mais ces dispositions, bien qu'organisées différemment, prévoyaient un régime identique (article 9 de la directive 2008/95, transposé, en des termes très succincts mais non expressément incompatibles, aux articles L. 714-3 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur version antérieure au 11 décembre 2019), de sorte qu'il n'est pas nécessaire de les citer, et l'interprétation donnée aux dispositions antérieures doit être appliquée aux nouvelles. 21. Les parties s'opposent en premier lieu sur la possibilité que le délai de forclusion par tolérance d'une marque postérieure débute avant l'enregistrement de cette marque quand l'usage du signe qui la constitue avait débuté et était déjà connu de celui à qui l'on oppose la forclusion ; en deuxième lieu sur la possibilité de justifier une telle forclusion par l'usage d'un signe non strictement identique à la marque postérieure ; enfin sur la connaissance par la société Canada goose, au 1er octobre 2016, de l'usage du signe exploité par les sociétés Sweet pants. Point de départ et enregistrement de la marque 22. Interprétant l'ancien article 9 de la première directive 89/104 rapprochant les législations des États membres sur les marques, d'une façon qui reste applicable aux dispositions actuelles, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la première condition nécessaire pour faire courir le délai de forclusion par tolérance est l'enregistrement de la marque postérieure dans l'État membre concerné (CJUE, 22 septembre 2011, Budejovický Budvar, C-482/09, dispositif point 2). 23. Et elle a explicitement précisé que le délai de forclusion par tolérance ne peut courir à partir du simple usage d'une marque postérieure, même si le titulaire de celle-ci procède par la suite à son enregistrement (même arrêt, point 54). 24. Ainsi, contrairement à ce qu'affirment les sociétés Sweet pants, le délai de la forclusion ne peut courir avant l'enregistrement de la marque. Ce délai est de 5 ans. L'action en nullité formée le 1er octobre 2021 des marques enregistrées en 2020 n'est donc pas forclose, et la fin de non-recevoir à leur égard est, par conséquent, écartée. Usage de la marque postérieure sous une forme qui diffère de l'enregistrement 25. Ni l'article 9 de la directive 2015/2436 et avant elle des directives précédentes, ni les dispositions analogues du règlement, ne définit la notion d'usage de la marque postérieure, condition à la forclusion par tolérance. À la connaissance du tribunal (et des parties, qui n'ont proposé aucune jurisprudence sur ce point), cette notion n'a pas été spécialement interprétée pour les besoins de ces dispositions par la Cour de justice ; ni par les juridictions nationales. 26. Le considérant 29 de la directive envisage la forclusion par tolérance car « il importe, pour des raisons de sécurité juridique, de prévoir que, sans porter atteinte à ses intérêts en tant que titulaire d'une marque antérieure, ce dernier ne peut plus demander la nullité ou s'opposer à l'usage d'une marque postérieure à la sienne dont il a sciemment toléré l'usage pendant une longue période, sauf si la marque postérieure a été demandée de mauvaise foi. » À titre de comparaison, le considérant 32 insiste sur le fait que « une marque enregistrée ne devrait être protégée que dans la mesure où elle est effectivement utilisée », ce qui justifie l'exigence d'un usage sérieux, posée à l'article 16. 27. Il n'en ressort pas que l'usage exigé du titulaire d'une marque seconde, pour être protégé face à une marque antérieure, soit apprécié de façon plus stricte que l'usage exigé du titulaire de toute marque pour la maintenir valide. En définitive, pour assurer l'objectif de cette disposition, qui est d'assurer l'équilibre entre les droits du titulaire de la marque antérieure et la sécurité juridique du titulaire d'une marque postérieure, l'élément déterminant est que le premier puisse apprécier la gravité de l'atteinte que lui cause et lui causera à l'avenir l'usage fait par le second, et l'identifier sans ambigüité comme étant un usage d'une ou plusieurs marques postérieures. 28. Un tel objectif n'impose pas nécessairement une identité parfaite de la forme sous laquelle la marque postérieure est utilisée et de la forme sous laquelle elle est enregistrée ; il faut seulement qu'il soit évident qu'il s'agit bien de la même marque, et que l'atteinte qu'elle cause à la marque antérieure soit stable, donc que son pouvoir distinctif soit le même et tienne aux mêmes éléments. À ces conditions, il est indifférent pour le titulaire de la marque antérieure que la marque postérieure soit utilisée à l'identique ou sous une forme légèrement modifiée. 29. En revanche, une exigence de stricte identité serait excessive dans la vie des affaires, qui peut amener à de légères modifications des éléments de communication et d'identification d'une entreprise. La protection accordée à une marque postérieure par la forclusion serait alors illusoire si elle était perdue du seul fait d'une modification marginale du signe sans incidence sur sa capacité distinctive. 30. Il serait enfin peu cohérent de permettre au titulaire d'une marque de la préserver de la déchéance en l'exploitant sous une forme légèrement modifiée, comme le permet expressément l'article 16, paragraphe 5, sous a) de la directive, mais sans le protéger contre une marque antérieure dont le titulaire n'aurait pas agi après un long délai. La protection accordée par la marque postérieure serait ainsi éternellement diminuée, inférieure à celle des autres marques, ce qui nuit à la sécurité juridique de tous les acteurs. 31. L'équilibre recherché par l'article 9, interprété à la lumière du considérant 29 et de l'ensemble de la directive, ne peut alors être atteint qu'en assimilant également à l'usage au sens de cet article le cas d'usage visé à l'article 16, paragraphe 5, sous a) de la directive, à savoir « l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée aussi au nom du titulaire sous la forme utilisée ». 32. Par ailleurs, il est évident que si la tolérance s'apprécie enregistrement par enregistrement, et qu'ainsi la tolérance d'une marque ‘A' ne vaut pas tolérance d'une marque ultérieure ‘B', même si celle-ci (B) est identique à la forme sous laquelle celle-là (A) a été utilisée en pratique, réciproquement l'existence d'une marque ultérieure ‘B' identique à la forme exploitée d'une marque ‘A' est absolument sans effet sur l'acquisition de la tolérance à l'égard de celle-ci. Cela peut certes mener à une situation paradoxale où une marque B est potentiellement annulable alors que l'usage du signe auquel elle correspond exactement est protégé par la forclusion acquise par la marque A qui en est une forme légèrement différente ; mais ce paradoxe ne traduit, en réalité, que l'inutilité du second dépôt (B) quasi-identique au premier, sans créer de situation concrète déséquilibrée ou imprévisible pour les personnes concernées. 33. Au cas présent, le signe utilisé (indiqué dans le courrier de mise en demeure, tel que reproduit ci-dessus au paragraphe 4), est presque identique à la marque de 2012 : il s'agit d'un anneau couleur crème à bords rouges dans lequel il est écrit en bleu, en capitales, en haut « sweet pants® », en bas « since 1982 », et sont dessinées, à gauche et à droite, 3 petites étoiles rouges ; anneau qui entoure un disque bleu marine dans lequel est dessinée une feuille simple, étroite et lancéolée, légèrement penchée vers la droite, du même bleu marine, dont seuls les contours et les nervures, blancs, sont ainsi visibles. Ce signe ne diffère ainsi de la marque qu'en ce que celle-ci est figurée sur un fond bleu marine identique au disque central, et que le texte du bas de l'anneau n'est pas « since 1982 » mais la répétition de « sweet pants », à l'envers. 34. Dans cette marque, le texte du bas de l'anneau, qui est la répétition de la partie verbale, et est représenté à l'envers, est peu susceptible d'attirer l'attention du public et est ainsi non distinctif. Quant au fond, il est quasiment dénué d'importance dès lors qu'il est destiné à faire partie du vêtement sur lequel le signe est apposé, et est donc a priori dénué de toute valeur distinctive. 35. La marque a ainsi été utilisée sous une forme qui diffère seulement par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif. Elle a donc fait l'objet d'un usage au sens de l'article 9 de la directive. Il est admis par les parties que cet usage est continu depuis 2012. Il reste alors à déterminer si et dans quelle mesure la société Canada goose en avait connaissance au moins 5 ans avant l'assignation. Connaissance de l'usage 36. Par une lettre datée du 7 octobre 2016, les conseils canadiens de la société Canada goose ont écrit que celle-ci avait « récemment appris » (« recently became aware ») l'usage du signe litigieux et son enregistrement dans plusieurs pays pour des « vêtements » (« clothing products »). 37. Il faut d'abord observer que cet adverbe (récemment) est vague et peut exprimer une durée allant jusqu'à quelques mois. Il est en revanche peu banal de l'employer pour exprimer une durée inférieure à une semaine. Mais la société Canada goose n'allègue pas plus précisément l'évènement qui aurait, dans cet intervalle particulièrement court du 1er au 7 octobre 2016, porté l'usage du signe Sweet pants à sa connaissance. Les changements qu'elle allègue, notamment quant à son entrée sur le marché européen, sont soit postérieurs (« fin d'année 2016 »), soit antérieurs (« fin septembre »). Aucun fait ne permet donc de déterminer la date exacte à laquelle elle a acquis cette connaissance. 38. C'est donc au regard des éléments extérieurs rassemblés par les sociétés Sweet pants qu'il faut apprécier la connaissance de l'usage par la société Canada goose. Tout en partant du postulat qu'ils ont suffi à porter l'usage à sa connaissance au moins « récemment » avant le 7 octobre 2016. Ce qu'il faut rechercher n'est donc pas l'intensité en soi de chacun des critères, mais leur intensité relative par rapport au 7 octobre 2016, date où il est acquis qu'ils étaient suffisant. 39. Or aucun élément parmi ceux qui sont allégués par les parties ne décrit un changement sensible de l'exposition de la société Canada goose à l'usage de la marque entre le 1er et le 7 octobre 2016. Il ressort des éléments invoqués par les sociétés Sweet pants et admis par la société Canada goose une évolution progressive sur plusieurs années. L'augmentation la plus récente de l'exposition de la société Canada goose à la marque Sweet pants est la préparation de l'ouverture du site internet européen, soit le milieu de l'année 2016, l'ouverture du site ayant eu lieu « fin septembre » ; ce qui est compatible avec le courrier du 7 octobre. 40. Il est ainsi établi que la société Canada goose avait déjà connaissance de l'usage de la marque 3 905 569 au 30 septembre 2016, et qu'elle l'a donc toléré pendant plus de cinq ans avant son assignation du 1er octobre 2021 ; comme elle le soulève, néanmoins, la forclusion encourue ne peut concerner que les produits qui ont fait l'objet de l'usage dont elle avait connaissance. Par ailleurs les parties s'opposent sur les conséquences quant à l'action en contrefaçon du signe car celui-ci correspond aussi à une marque postérieure. Portée de la forclusion lien entre la forclusion de l'action en nullité et la forclusion de l'action en contrefaçon 41. L'article 16 du règlement prive le titulaire d'une marque de l'Union européenne du droit de s'opposer à l'usage d'une marque nationale postérieure si l'action en nullité de celle-ci est forclose. L'une entraine donc nécessairement l'autre. Et dans la stricte mesure où la forme sous laquelle la marque est utilisée ne diffère de la forme sous laquelle elle est enregistrée que par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif, l'usage de cette forme modifiée ne peut pas être interdite ; ce qui, comme examiné plus haut (paragraphes 27 et 28) n'aggrave pas la situation du titulaire de la marque antérieure. 42. L'action en contrefaçon visant l'usage du signe en cause est donc forclose comme l'action en nullité de la marque 3 905 569, mais seulement pour les produits et services ayant fait l'objet d'un usage continu et connu de la société Canada goose pendant 5 ans. produits et services concernés 43. Les demandes relatives à des marques enregistrées doivent par principe être examinées par rapport à l'enregistrement : si la marque est enregistrée pour désigner une catégorie de produits, le tribunal ne peut, en principe, limiter les effets de cette marque à une sous-catégorie parmi cette catégorie ; une telle limitation malgré l'enregistrement pourrait certes s'envisager dans des cas particuliers où la catégorie retenue serait si vaste qu'elle engloberait en réalité des produits non similaires entre eux (ainsi, éventuellement, d'une marque qui serait enregistrée pour les « logiciels » en général), mais tel n'est pas le cas en l'espèce, où la catégorie des « vêtements » est certes vaste, mais cohérente. 44. L'usage de la marque postérieure (la marque 3 905 569 de 2012) pour des pantalons de jogging, qui sont des vêtements, suffit donc à caractériser un usage pour des vêtements, qui est la catégorie pour laquelle elle est enregistrée. 45. La marque est aussi enregistrée pour la chapellerie. Les sociétés Sweet pants allèguent certes avoir utilisé la marque pour des casquettes à compter de septembre 2016, visant une pièce 5-1 (leurs conclusions p. 26). Toutefois, dans cette pièce de 570 pages dont aucune n'est précisément invoquée, je n'ai pu identifier la mention de casquettes qu'à une seule reprise, dans un article certes de septembre 2016, mais au ton promotionnel, et sans aucune autre preuve d'usage ni de l'intensité de celui-ci, de sorte que, vu la tardiveté de ce commencement d'usage et sans autre preuves, il ne peut être supposé que l'usage dont la société Canada goose avait connaissance le 30 septembre 2016 incluait la chapellerie. 46. La marque est également enregistrée pour des chaussures, mais les sociétés Sweet pants n'allèguent pas l'avoir utilisée à cette fin. Il n'y a donc pas eu tolérance pour les chaussures. 47. La marque est enfin enregistrée pour des « services de magasin de vente au détail, de vente par correspondance et de vente utilisant des moyens de télécommunication (Internet) d'articles de vêtements de dessus, de vêtements, d'articles vestimentaires et de chapellerie, articles chaussants » en classe 35. Toutefois, comme le soulève la société Canada goose, la marque a été utilisée pour désigner des produits, et non le service consistant à vendre ces produits. Il n'y a donc pas d'usage en classe 35, et donc pas de tolérance. 48. Les demandes en nullité de la marque 3 905 569 et en contrefaçon à raison du signe sous la forme duquel elle a été utilisée sont donc irrecevables, mais seulement en ce qu'elles visent les vêtements. 49. Le tribunal reste alors saisi en premier lieu de la demande en nullité de la marque de 2012 en ce qu'elle désigne les chaussures et la chapellerie, en deuxième lieu de la demande en nullité des deux autres marques (enregistrées en 2020), en troisième lieu des demandes en contrefaçon, qui sont exclusivement fondées sur les allégations suivantes, portant sur des faits qui seraient commis à la fois sur un site internet et dans des magasins (assignation, pp. 28-29) : - des « services de vente au détail en ligne de vêtements et d'articles de chapellerie » et - « l'offre à la vente, la vente et la promotion de vêtements et d'articles de chapellerie ». 50. Il appartiendra à cet égard au tribunal de trancher notamment, au fond, la question de l'existence d'une fourniture de services de vente, en tenant compte de ce que la société Canada goose a elle-même affirmé (ses conclusions d'incident pp. 34-35) que le fait de disposer d'un magasin ou d'un site internet pour vendre ses produits sous sa marque ne s'assimile pas à la fourniture d'un service de vente. Dispositions finales 51. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 52. L'incident ne met pas fin à l'instance et n'a pas donné lieu à des dépens propres ; mais il a mis fin à l'essentiel des demandes, de sorte qu'il est nécessaire, en équité, d'indemniser la partie gagnante des frais importants qu'elle a dû exposer. 53. Enfin, pour assurer une bonne administration de la justice, qui requiert dans la mesure du possible de maintenir la connaissance acquise d'une affaire, il faut faire suivre cette instance à la section 2. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état DÉCLARE irrecevable la demande en nullité de la marque française 3 905 569 en ce qu'elle est enregistrée pour les vêtements ; ÉCARTE la fin de non-recevoir visant la demande en nullité de cette marque en ce qu'elle est enregistrée pour les chaussures et la chapellerie ; DÉCLARE irrecevables les demandes en contrefaçon (interdiction, communication d'éléments comptables et commerciaux, provision, publication, destruction) dans la mesure où elles se fondent sur l'usage de cette marque, notamment sous la forme du signe reproduit ci-dessus au paragraphe 4, et ce pour désigner des vêtements ; ÉCARTE la fin de non-recevoir visant les demandes en contrefaçon pour le surplus, c'est-à-dire dans la mesure où elles se fondent sur l'usage de cette marque mais pour désigner des services en classe 35 et des articles de chapellerie ; ÉCARTE la fin de non-recevoir visant les demandes en nullité des marques françaises 4 589 269 et 4 589 265 ; CONDAMNE la société Canada goose à payer aux sociétés Sweet pants et Sweet pants retail 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RENVOIE l'affaire à l'audience dématérialisée de mise en état du 20 octobre 2022 (section 2), pour conclusions au fond des sociétés Sweet pants ; clôture envisagée en novembre ou décembre. Faite et rendue à Paris le 13 septembre 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
CAPP/JURITEXT000046652057.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/00048 No Portalis 352J-W-B7E-CRMJW No MINUTE : Assignation du : 23 Décembre 2019 rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE Société STOLLER EUROPE S. L. [Adresse 4] [Localité 1] (ESPAGNE) représentée par Maître Julien HORN de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSE S.A.S. AXIOMA [Adresse 3] [Localité 2] représentée par Maître Sabine LIPOVETSKY de la SELARL HARLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0449 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière lors des débats et de Quentin CURABET, greffier lors de la mise à disposition. A l'audience du 20 avril 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2022 et prorogé en dernier lieu au 13 Septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige Synthèse de l'objet du litige 1. La société de droit espagnol Stoller Europe est titulaire d'une marque verbale de l'Union européenne « Rezist » déposée le 20 aout 2015, enregistrée le 21 décembre suivant, sous le numéro 014496897 (ci-après la marque Rezist UE) pour désigner divers produits dont elle invoque ici : - en classe 1, les produits chimiques destinés à l'industrie, les engrais, et, - en classe 5, les fongicides. 2. Elle reproche à la société Axioma d'avoir déposé en 2018 et d'utiliser depuis une marque verbale française « Rezist » (numéro 4497215, ci-après la marque Rezist FR) pour désigner des biostimulants, produits qu'elle estime identiques ou à tout le moins fortement similaires aux engrais, produits chimiques destinés à l'industrie, et fongicides. À titre reconventionnel, la société Axioma conteste la validité de la marque première Rezist UE à l'égard des engrais (et engrais azotés) pour caractère trompeur, invoque sa déchéance à l'égard des autres produits pour défaut d'usage, et allègue une pratique commerciale trompeuse. Le débat se fonde principalement sur les notions d'engrais et de biostimulants et leur rapport à celle de résistance. Procédure et prétentions des parties 3. Après plusieurs courriers de mise en demeure exigeant sans succès la renonciation à la marque et l'arrêt de l'usage, outre 1 500 puis 3 000 euros pour couvrir les frais juridiques, la société Stoller Europe a assigné la société Axioma le 23 décembre 2019 en contrefaçon et nullité de sa marque française. 4. Les parties s'opposent par ailleurs devant l'Office européen de la propriété intellectuelle après le dépôt en octobre 2020 par la société Axioma de nouvelles marques de l'Union européenne « Rezist » pour des biostimulants, contre lesquelles la société Stoller Europe a formé opposition. 5. L'instruction de la présente instance a été close le 25 novembre 2021 et l'affaire plaidée le 20 avril 2022. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 septembre 2021, la société de droit espagnol Stoller Europe, ? résiste à l'ensemble des demandes reconventionnelles, et en particulier : ? soulève l'irrecevabilité de la demande en déchéance de sa marque Rezist, pour « tardiveté » et y résiste au fond s'agissant des « produits chimiques destinés à l'industrie » en classe 1 ? soulève l'irrecevabilité de la demande en concurrence déloyale, et y résiste au fond ? résiste à la demande en nullité de sa marque Rezist ; ? et demande elle-même de ? déclarer nulle la marque Rezist FR de la société Axioma, numéro 4497215, ? interdire à celle-ci l'usage de ce signe, sous astreinte, ? la condamner à lui payer ? 100 000 euros en réparation du « préjudice subi du fait des actes de contrefaçon » de sa marque, ? 30 000 euros pour l'atteinte à la valeur distinctive de cette marque ? ordonner la publication du jugement sur le site internet de la défenderesse ? outre 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens (avec recouvrement par son avocat), et l'exécution provisoire. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 novembre 2021, la société Axioma demande, ? contre la marque Rezist UE, de ? la déclarer partiellement nulle, pour les « engrais, engrais azotés » en classe 1 ? en prononcer la déchéance partielle, pour les « produits chimiques destinés à l'industrie » en classe 1 et les « fongicides » en classe 5, pour défaut d'usage sérieux ? de rejeter la demande en nullité de sa marque française Rezist et les demandes fondées sur la contrefaçon de la marque européenne Rezist ; ? et reconventionnellement encore, de condamner la société Stoller europe à lui payer 30 000 euros de dommages et intérêts au titre d'une concurrence déloyale caractérisée par des pratiques commerciales trompeuses ; ? outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens. 1) Demandes reconventionnelles en nullité et déchéance de la marque Rezist UE a. Nullité de la marque à l'égard des engrais, pour caractère trompeur Moyens des parties 8. Pour la société Axioma, la marque Rezist est trompeuse au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous g) du règlement 2017/1001 pour désigner des engrais, car elle laisse entendre que les engrais, qui n'ont pour fonction principale que d'apporter des substances nutritives aux plantes, auraient aussi une action de « résistance » sur la plante ; qu'or seuls les produits biostimulants, biocontrôles ou phytosanitaires, qui nécessitent une autorisation de mise sur le marché, pourraient prétendre avoir un tel effet ; qu'alléguer une résistance du fait d'une nutrition améliorée reviendrait à alléguer une meilleure résistance contre le cancer ou un virus du fait d'une alimentation saine et équilibrée ou grâce à un complément alimentaire, ce qui serait faux et dangereux, « d'autant plus dans la période actuelle » ; que ce type d'allégation serait une pratique connue et combattue, comme l'affirme le président d'un syndicat de fabricants d'intrants agricoles ; qu'il serait au demeurant expressément interdit par le décret 80-478 du 16 juin 1980 portant application de l'article L. 412-1 du code de la consommation. 9. La société Stoller Europe soutient que les engrais, qui sont des fertilisants visant à améliorer l'état nutritionnel et physiologique des plantes, leur permettent indirectement de les fortifier et d'améliorer leurs défenses naturelles et donc de résister aux agressions extérieures, comme la vitamine D chez les humains, et d'augmenter leur capacité de « résilience », c'est-à-dire à conserver leur forme initiale malgré les chocs ; que le terme « rezist » est ainsi seulement évocateur d'une qualité du produit ; que pour retenir le caractère trompeur, il faut au contraire une tromperie réelle ou un risque de tromperie manifeste ; qu'ici le risque existe d'autant moins que le public est constitué d'exploitants professionnels qui connaissent bien ces produits et leurs propriétés et ne croiront pas que les engrais ont « une action de résistance directe contre les agressions extérieures » ; que l'avis du syndicat produit par la société Axioma n'identifie pas le produit ou l'allégation visée, et n'engage que lui ; outre que la société Axioma contredirait ses propres actes car elle avait déposé elle-même initialement la marque Rezist FR pour des engrais, et la conserve encore pour des biostimulants, qui y sont fortement similaires selon elle. Réponse du tribunal Cadre juridique 10. En vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous g) du règlement 207/2009, lu en combinaison avec l'article 52, paragraphe 1, sous a) du même règlement (applicable à raison de la date d'enregistrement de la marque en cause, mais dont les dispositions à ce sujet sont en substance identiques à celles du nouveau règlement 2017/1001 comme du premier règlement 40/94), est déclarée nulle, sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, la marque de l'Union européenne qui est de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. 11. Il résulte de l'article 7, paragraphe 2, du règlement que la nullité est encourue même si les motifs de nullité n'existent que dans une partie de l'Union. 12. Ce motif de nullité suppose que l'on puisse retenir l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur (CJCE, 30 mars 2006, Emmanuel, C-259/04, point 47). 13. Par ailleurs, de manière générale, l'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Problème posé 14. La marque « Rezist » exprime de façon transparente l'idée de résistance. Aucune partie n'allègue que, utilisée pour désigner des engrais, cette idée serait fantaisiste au point d'empêcher le consommateur de prêter au produit une qualité associée à cette idée (pour un tel cas, voir par exemple Cass. Com., 21 janvier 2014, no 12-24.959). Il est donc admis que la marque Rezist laisse au moins entendre au consommateur que le produit ainsi désigné a un effet, d'une façon ou d'une autre, sur la résistance de la plante, sans plus de précision. Comme le soulève la société Stoller, la marque n'indique pas en elle-même que le produit protège directement la plante contre une menace particulière ; la notion de résistance est très générale, et il n'est pas allégué que pour les consommateurs d'engrais, c'est-à-dire principalement les agriculteurs professionnels, la notion de résistance ait un sens plus précis. Cette notion associée à des engrais indique donc à tout le moins que le produit améliore la capacité de la plante à se développer ou survivre dans des conditions défavorables, mais sans que l'on puisse en déduire aucune allégation plus précise sur la nature ou les caractéristiques du produit. 15. La nullité d'une marque, à la différence de sa déchéance, s'apprécie à l'égard de son enregistrement et non à l'égard de la façon dont elle est exploitée. La marque en cause est enregistrée pour des engrais (en général), et pour des engrais azotés. Elle n'encourt donc la nullité, respectivement pour chacune de ces deux catégories, que si en aucun cas, respectivement, un engrais en général ou un engrais azoté (sans plus de précision) ne peut améliorer la capacité de la plante à se développer ou survivre dans des conditions défavorables. 16. La société Axioma s'appuie en substance sur deux moyens, qui seront examinés successivement : en premier lieu, seuls d'autres produits que les engrais auraient le droit d'alléguer un effet sur la résistance (les biostimulants, les biocontrôles, les produits phytosanitaires) ; en second lieu, en toute hypothèse les engrais n'auraient pas d'effet sur la résistance. Tromperie sur la nature du produit, par l'allégation d'une caractéristique associée exclusivement à d'autres produits ou interdite au produit désigné 17. La violation de la règlementation relève en principe d'un autre motif de nullité que celui qui a été invoqué, mais l'on peut analyser ce premier moyen comme sous-entendant que le consommateur, professionnel, est au fait de la règlementation et s'attend à ce qu'elle soit respectée, de sorte qu'il s'attend à ce qu'une allégation réservée à certains produits corresponde à ce produit, et qu'il risque donc sérieusement d'être trompé sur la nature du produit par une marque portant cette allégation exclusive mais désignant un autre produit. Dans ce cadre, analyser le régime juridique des produits en cause est pertinent pour apprécier le caractère trompeur de la marque. Les parties ne proposent que des définitions des engrais, et non des autres produits invoqués, pas plus qu'elles n'exposent précisément le régime applicable à chacun, sur lequel la société Axioma se fonde pourtant. Il faut alors rechercher à leur place ce qui ressort de cette règlementation pour le consommateur de ces produits. 18. Les engrais et les biostimulants sont définis par le droit national et par le droit de l'Union européenne : en droit national, l'article L. 255-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction en vigueur à la date d'enregistrement de la marque (21 décembre 2015), définissait de manière générale les « matières fertilisantes » comme « des produits destinés à assurer ou améliorer la nutrition des végétaux ou les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols », et distinguait entre autres, au sein de cette catégorie : - « les engrais destinés à apporter aux plantes des éléments directement utiles à leur nutrition », - « les matières dont la fonction, une fois appliquées au sol ou sur la plante, est de stimuler des processus naturels des plantes ou du sol, afin de faciliter ou de réguler l'absorption par celles-ci des éléments nutritifs ou d'améliorer leur résistance aux stress abiotiques ». 19. Cet article précise depuis que les matières dont la fonction est de stimuler les processus naturels des plantes ou du sol comprennent « notamment les biostimulants tels que définis par le règlement (UE) 2019/1009 », c'est-à-dire, aux termes de l'article 47 de ce règlement : « un produit qui stimule les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu'il contient, dans le seul but d'améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère: a) l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs; b) la tolérance au stress abiotique; c) les caractéristiques qualitatives; d) la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère. » 20. En droit de l'Union, jusqu'au 14 juillet 2019, les biostimulants étaient régis par le règlement 1107/2009 concernant les produits phytopharmaceutiques, car ce règlement, en vertu de son article 2, paragraphe 1, sous b) s'appliquait notamment aux produits « composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à (...) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ». Depuis le 15 juillet 2019, en application des articles 47 et 53, point a), du règlement 2019/1009 relatif aux fertilisants UE, les biostimulants sont explicitement exclus du règlement 1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques, au même titre que les substances nutritives, dont ils suivent ainsi le régime. 21. Jusqu'au 15 juillet 2022, le règlement 2003/2003 relatif aux engrais définissait l'engrais comme « une matière ayant pour fonction principale d'apporter des substances nutritives aux plantes », et, sans définir la notion de fertilisant, distinguait entre « élément fertilisant majeur » (azote, phosphore, potassium) et « élément fertilisant secondaire » (calcium, magnésium, sodium et soufre) ; tandis que le nouveau règlement 2019/1009, sans définir la notion d'engrais, définit celle de fertilisant comme une matière destinée à être appliquée « sur des végétaux (...) ou sur des champignons (...) dans le but d'apporter aux végétaux ou aux champignons des éléments nutritifs ou d'améliorer leur efficacité nutritionnelle ». 22. Enfin, le considérant 22 de ce nouveau règlement 2019/1009 relatif aux fertilisants UE expose que « Certaines substances, certains mélanges et certains micro-organismes, dénommés biostimulants des végétaux, ne sont pas, en tant que tels, des apports en éléments nutritifs, mais stimulent néanmoins les processus naturels de nutrition des végétaux. Lorsque ces produits visent uniquement à améliorer l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs des végétaux, la tolérance au stress abiotique, les caractéristiques qualitatives ou à augmenter la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère, ils sont par nature plus proches de fertilisants que de la plupart des catégories de produits phytopharmaceutiques. Leur action s'ajoute à celle des engrais afin d'optimiser l'efficacité de ces engrais et de réduire la dose d'apport en éléments nutritifs. » 23. Ainsi, tant en droit de l'Union qu'en droit national, et tant en 2015 qu'aujourd'hui, les biostimulants sont conçus, à l'instar des engrais, comme des substances « exerçant une action sur [la] croissance [des végétaux] » (règlement 1107/2009), des produits « destinés à assurer ou améliorer la nutrition des végétaux » (code rural et de la pêche maritime) ; et la définition spécifique du biostimulant en fait un produit « qui stimule les processus de nutrition des végétaux ». Ces deux catégories de produits (engrais et biostimulant) ont donc trait à la nutrition des végétaux. 24. Ce qui fait la spécificité du biostimulant par rapport à l'engrais est qu'il agit « indépendamment des éléments nutritifs qu'il contient, dans le seul but d'améliorer » certaines caractéristiques du végétal (règlement 2019/1009), servant de manière générale à « stimuler des processus naturels des plantes ou du sol » (code rural et de la pêche maritime). Si la « résistance », ou « tolérance » au stress abiotique fait partie des effets possibles d'un biostimulant, il ne s'agit pas de la seule caractéristique qu'il peut viser à améliorer, et il n'est pas indiqué qu'il s'agirait d'un effet exclusif aux biostimulants. 25. Il ne ressort pas davantage de la règlementation des produits phytopharmaceutiques (et non « phytosanitaires » comme le dit la société Axioma, terme qui est employé, dans le règlement 1107/2009, pour désigner non pas des produits mais ce qui concerne la santé des plantes en général) que ceux-ci bénéficieraient d'un monopole règlementaire sur tout effet de résistance, c'est-à-dire, conformément à la définition dégagée ci-dessus au paragraphe 14, permettant à la plante de se développer ou survivre dans des conditions défavorables. 26. Quant au biocontrôle, défini par l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, il concerne des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Là encore, il n'existe pas, à la connaissance du tribunal, d'exclusivité quant à ce qui touche à la résistance des plantes en général. 27. En définitive, ce qui fait la spécificité de chacun de ces produits, au regard de la règlementation qui lui est applicable, est sa composition et son mode d'action, et non directement son effet. La « résistance » n'évoque donc pas, pour le consommateur, une nature de produit pré-déterminée. 28. Enfin, s'agissant de l'interdiction supposée faite aux engrais de revendiquer un effet sur la résistance, la société Axioma s'appuie sur le décret 80-478, qui règlemente les modes de commercialisation des matières fertilisantes (et supports de culture), lequel interdirait aux engrais de revendiquer tout effet sur la résistance des plantes. En réalité, l'article 9 dont elle se prévaut ne fait qu'interdire « l'emploi, sous quelque forme que ce soit, de toute indication, de tout signe, de toute dénomination de fantaisie, de tout mode de présentation ou d'étiquetage, de tout procédé de publicité, d'exposition, d'étalage ou de vente susceptible de créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur, notamment sur la nature, la composition, les qualités substantielles, les propriétés spécifiques, le mode de fabrication, les conditions d'emploi, l'origine, la masse ou le volume des produits mentionnés au présent décret ainsi que sur l'usage auquel ces produits sont destinés. » Autrement dit, cet article interdit les marques trompeuses, ce qui n'apporte rien de plus dans le présent débat que les règles énoncées en préambule à ce sujet. Cet article, pas plus que le reste du décret, ne mentionne quels effets il serait interdit d'indiquer en commercialisant un engrais. 29. Sur ce même grief d'interdiction, elle s'appuie encore sur l'avis du président d'un syndicat de fabricants de fertilisants (sa pièce no18), avis qui cite le même article 9 du décret 80-478 et souligne que la « résistance au stress abiotique » est une des caractéristiques pouvant être améliorée par les biostimulants. Cet avis est erroné dans sa lecture du décret (cf paragraphe précédent), et porte pour le reste sur une acception restreinte de la notion de résistance, que la marque n'induit pas, outre qu'il suppose que les biostimulants seraient les seuls produits à pouvoir revendiquer un effet sur la tolérance au stress abiotique, ce qui ne ressort pas de la règlementation applicable (cf paragraphes 18 à 24). 30. Ainsi, la règlementation applicable à la date d'enregistrement de la marque (ou, au demeurant, la règlementation actuelle) ne prévoit pas que l'allégation d'un effet sur la capacité d'une plante à se développer ou survivre dans des circonstances défavorables soit réservée à d'autres produits que les engrais, ou soit interdite à ceux-ci. Tromperie sur les caractéristiques du produit, par l'allégation d'une caractéristique impossible 31. Pour fonder son second moyen, tenant à l'impossibilité, en pratique, que des engrais aient un effet sur la résistance d'une plante, la société Axioma recourt seulement à l'analogie avec la santé humaine, à savoir qu'une alimentation saine et équilibrée, ou un complément alimentaire, n'aurait aucun effet sur la capacité de l'organisme à résister « au cancer ou à un virus ». 32. Une telle analogie, que rien n'étaye, ne saurait évidemment constituer la preuve qu'un engrais ne peut pas aider une plante à se développer ou survivre dans des conditions défavorables, c'est-à-dire résister ; au demeurant, elle relève là encore d'une appréciation erronée de la notion de résistance telle qu'induite par la marque (il ne s'agit pas de résister à un problème particulier, tel qu'un virus ou un cancer, mais de résister en général : sur cette définition de la notion de résistance telle qu'évoquée par la marque au cas présent, cf paragraphe 14). 33. À titre surabondant, on peut encore observer que si les biostimulants peuvent avoir pour but d'améliorer la tolérance au stress abiotique, leur mode d'action selon leur définition est de « stimule[r] les processus de nutrition » (article 47 du règlement 2019/1009 précité). Il est alors paradoxal de soutenir qu'un engrais n'a pas d'effet sur la résistance d'une plante car il n'agit que sur sa nutrition, tout en soutenant qu'un biostimulant, dont le mode d'action concerne lui aussi la nutrition de la plante, a un tel effet. 34. L'absence de tout effet des engrais sur la résistance des plantes qui les reçoivent n'est donc pas démontrée. Conclusion 35. Ainsi, il n'est pas démontré que l'évocation d'un effet sur la capacité d'une plante à se développer ou survivre dans des conditions défavorables évoque nécessairement un autre produit qu'un engrais, ni qu'un tel effet soit impossible à atteindre par un engrais. La marque Rezist, qui à l'égard du consommateur d'engrais suscite seulement la croyance en cet effet, et aucun autre, n'est donc pas trompeuse. La demande en nullité est, par conséquent, rejetée. b. Déchéance à l'égard des produits chimiques destinés à l'industrie et des fongicides, pour défaut d'usage Moyens des parties 36. La société Axioma estime en substance que parmi les produits que désigne la marque, seuls les engrais peuvent, à la rigueur, être tenus pour exploités ; qu'or les engrais ne sont pas similaires aux produits chimiques destinés à l'industrie, que l'INPI l'aurait déjà jugé à plusieurs reprises ; et qu'il en va évidemment de même pour les fongicides. 37. La société Stoller Europe estime que la société Axioma a attendu que s'écoule le délai de 5 ans depuis l'enregistrement de la marque pour former sa demande reconventionnelle en déchéance, qui serait donc artificiellement tardive, et devrait être déclarée irrecevable. Sur le fond, elle soutient que les engrais font partie des produits chimiques destinés à l'industrie, car ils sont destinés à « l'agro-industrie » et à « l'agro-alimentaire », qui seraient des branches de l'industrie ; de sorte que sa marque ferait l'objet d'un usage sérieux pour les produits chimiques destinés à l'industrie ; que l'EUIPO a retenu la similarité entre engrais et produits chimiques destinés à l'industrie (11 juillet 2019, no B 3 053 258) ; que cet usage serait démontré par des factures dont certaines mentionnent « fertilisant liquide », une attestation de son directeur financier, sa communication sur les produits revêtus de la marque et leur utilisation comme engrais, sa présence à un salon d'exposition, ou d'une autre publication sur Facebook montrant en outre que son engrais serait utilisé sur des terrains de foot, donc pour « l'industrie du sport ». Réponse du tribunal 38. Aux termes de l'article 58, paragraphe 1, sous a) du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage. 39. Ni dans le règlement, ni en droit interne, aucune règle ne prévoit de délai impératif, après la demande principale en contrefaçon, dans lequel la demande reconventionnelle en déchéance devrait être formée. La demande reconventionnelle en déchéance est donc recevable nonobstant son caractère tardif allégué. 40. Il est constant que la marque de l'Union européenne Rezist de la société Stoller Europe n'est exploitée que pour des engrais. L'existence d'un usage sérieux s'apprécie produit par produit, et il importe donc peu que les produits pour lesquels la marque est utilisée soient similaires ou non à ceux pour lesquels la déchéance est demandée. Il faut en revanche examiner si, comme le soutient la société Stoller Europe, les engrais pour lesquels la marque est exploitée sont aussi des produits chimiques destinés à l'industrie. 41. Les engrais sont destinés à l'agriculture. L'agriculture, au sens large, est l'une des trois grandes catégories dans lesquelles l'activité économique est classiquement divisée, aussi appelée « secteur primaire » (on y intègre aussi l'extraction, dans les mines et gisements) ; les deux autres catégories sont l'industrie (secteur secondaire) et les services (secteur tertiaire). Les engrais peuvent être composés exclusivement de produits chimiques, encore que ce ne soit pas toujours le cas ; de tels engrais sont alors des produits chimiques destinés à l'agriculture, ce qui est une catégorie de produits expressément prévue dans la classification de Nice. Ils ne peuvent donc pas être confondus avec la catégorie, distincte, des produits chimiques destinés à l'industrie, et la société Stoller Europe procède ici par des confusions artificielles (« l'agro-industrie », « l'industrie du sport ») qui n'ont aucun sens pour distinguer des produits. 42. En toute hypothèse, elle n'indique pas en quoi ses engrais, concrètement, seraient des produits chimiques, catégorie qui implique une obtention par des procédés de transformation et de synthèse d'une ou plusieurs matières, alors que les engrais peuvent aussi bien être composés de produits organiques (et, il ressort même de la présentation de ses produits que ceux-ci sont censés pouvoir être utilisés en agriculture biologique). 43. Aucun usage n'est donc démontré pour les produits chimiques destinés à l'industrie. S'agissant des fongicides, la société Stoller Europe n'allègue aucun usage. Or la marque, qui désigne ces produits, a été enregistrée le 21 décembre 2015. La déchéance doit donc être prononcée à l'égard de ces produits, à compter du 21 décembre 2020. 2) Demande en nullité de la marque Rezist FR Moyens des parties 44. La société Stoller Europe fait valoir que les marques sont identiques, et désignent des produits identiques, ou à tout le moins très fortement similaires. À ce sujet, elle estime que l'EUIPO a déjà jugé similaires les engrais et fongicides, d'une part, et les engrais et biostimulants d'autre part ; qu'engrais et biostimulants ont la même nature (des fertilisants, produits chimiques agricoles), la même origine (les entreprise du secteur de l'agro-industrie), sont distribués dans les mêmes circuits de vente spécialisés, par les mêmes acteurs, parfois dans la même gamme voire dans le même produit, la société Axioma elle-même ayant présenté des engrais sur son site internet ; ont encore la même destination (les terres agricoles), la même clientèle (les exploitants agricoles), la même fonction (améliorer la qualité, la croissance et le rendement des plantations), et sont complémentaires, comme le montrerait le changement de règlementation européenne par lequel les biostimulants ont été intégrés au nouveau règlement sur les matières fertilisantes. Elle estime à la fois faux et inopérant l'argument selon lequel la marque visée serait exploitée avec une marque ombrelle « Axioma ». 45. La société Axioma, qui admet que les signes déposés sont identiques, conteste en revanche toute similitude entre biostimulants et engrais, en soutenant que les premiers ne contiennent pas de nutriments et ne nourrissent pas la plante mais lui permettent de mieux résister aux stress environnementaux (dits abiotiques), tandis que les engrais ne visent qu'à améliorer la croissance de la plante ; que leurs modes de fabrication requièrent des compétences très différentes et ne peuvent donc être fabriqués par les mêmes sociétés ; qu'ils sont commercialisés selon des modes différents, la règlementation imposant une autorisation de mise sur le marché aux biostimulants ; qu'ils s'adressent à des consommateurs différents. 46. Au sujet des consommateurs, elle expose qu'il s'agit principalement des professionnels de l'agriculture, de l'horticulture et de la sylviculture ; qu'ils sont dans tous les cas d'attention élevée, car le biostimulant est un produit technique, avec un impact fort sur le rendement agricole, présentant des risques de toxicité. Elle ajoute que la marque est évocatrice, qu'elle-même l'exploite avec sa marque ombrelle « Axioma » qui serait très distinctive et connue du public, et qu'ainsi, en tenant compte de tous ces facteurs, et notamment de ce que la faible similitude entre les produits vient compenser la forte similitude entre les signes, il n'y aurait aucun risque de confusion (« autant théorique que pratique ») entre les marques. Réponse du tribunal 47. Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, transposé en droit interne à l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle en des termes en substance identiques, « 1. Une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle: a) lorsqu'elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée; b) lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les marques désignent, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion; ce risque de confusion comprend le risque d'association avec la marque antérieure. » 48. La marque française Rezist de la société Axioma, dont la nullité est demandée, est enregistrée pour désigner, depuis une renonciation partielle du 14 octobre 2020, exclusivement les « produits chimiques destinés à l'agriculture, à savoir des biostimulants » en classe 1, et les fongicides en classe 5. Elle avait initialement été enregistrée, le 5 avril 2019, pour désigner en outre les engrais, et les « produits chimiques destinés à l'agriculture » en général. 49. La façon dont la marque est exploitée est, comme le soulève la société Stoller, indifférente pour apprécier l'atteinte de la marque à un droit antérieur : la comparaison des marques s'effectue uniquement au regard de leur enregistrement, et il est constant ici qu'elles sont identiques. Fongicides 50. À la date d'enregistrement de la marque visée par la demande en nullité, la marque antérieure était encore valablement enregistrée pour désigner des fongicides, car la déchéance n'est prononcée qu'à compter du 21 décembre 2020. Identique et désignant des produits identiques, la marque de la société Axioma doit donc être annulée s'agissant des fongicides. Biostimulants 51. Les biostimulants sont, comme les engrais, définis comme produits fertilisants selon la règlementation française ; et ils le sont aussi selon la règlementation européenne depuis le 15 juillet 2019, au motif qu'ils « ne sont pas, en tant que tels, des apports en éléments nutritifs, mais stimulent néanmoins les processus naturels de nutrition des végétaux », que « lorsque ces produits visent uniquement à améliorer l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs des végétaux, la tolérance au stress abiotique, les caractéristiques qualitatives ou à augmenter la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère, ils sont par nature plus proches de fertilisants que de la plupart des catégories de produits phytopharmaceutiques » et que « leur action s'ajoute à celle des engrais afin d'optimiser l'efficacité de ces engrais et de réduire la dose d'apport en éléments nutritifs » (considérant 22 du règlement 2019/1009). 52. Ces produits font donc partie de la même catégorie de produits (les fertilisants), ont une même destination (les plantes), ont le même objectif général (améliorer le développement des végétaux), auquel ils concourent par un fonctionnement potentiellement concurrent (le considérant 2 du règlement 2019/1009 rappelant par exemple que les produits améliorant l'efficacité nutritionnelle peuvent avoir pour effet positif une réduction des volumes d'engrais utilisés) ; ils sont utilisés par le même public spécifique, les exploitants agricoles. Et contrairement à ce qu'affirme la société Axioma, ils peuvent être fabriqués par les mêmes sociétés, puisqu'elle-même affirmait sur son site internet en fabriquer (pièce Stoller no25, capture d'écran du site internet Axioma-france.com au 11 janvier 2019). Ainsi, bien que différents par leur mode d'action, les biostimulants et les engrais ont manifestement entre eux une forte similarité, et c'est également à cette conclusion qu'est arrivé l'Office européen (décision du 14 juin 2010, no B 1 502 163, citée par la société Stoller). 53. Confrontés à des signes identiques, utilisés pour des engrais et pour des biostimulants, qui sont très similaires entre eux, les exploitants agricoles sont ainsi très susceptibles de croire que ces produits ont été fabriqués sous la responsabilité de la même entreprise ; il existe donc un risque de confusion dans l'esprit du public et la marque doit être annulée s'agissant des « produits chimiques destinés à l'agriculture, à savoir des biostimulants ». 54. Par conséquent, la marque Rezist de la société Axioma est entièrement annulée. 3) Demandes en contrefaçon de la marque Rezist UE a. Atteinte à la marque (principe de responsabilité) Moyens des parties 55. La société Stoller Europe rappelle que les biostimulants sont similaires aux engrais, et soutient que la société Axioma commercialise trois biostimulants différents sous un signe identique à sa marque, et plus récemment sous un signe semi-figuratif où le ‘z' est remplacé par un éclair, ce qui reste identique à la marque selon elle dès lors qu'il s'agit d'éléments purement décoratifs et que l'élément distinctif « Rezist » est immédiatement perceptible ; que seul le produit vendu sous le signe semi-figuratif est exploité sous la marque ombrelle « Axioma », mais que celle-ci est bien plus petite que le signe « Rezist », et que le consommateur d'attention moyenne pourra percevoir les produits comme l'évolution de la gamme de la société Stoller, ou une combinaison. 56. La société Axioma admet utiliser le signe Rezist dans la vie des affaires pour présenter une gamme de trois biostimulants, mais ajoute que cet usage est très limité, destiné presque exclusivement non pas aux clients finaux mais aux distributeurs, qui ont même aujourd'hui des mandats exclusifs, ont voulu commercialiser des biostimulants homologués et non de simples engrais de sorte qu'ils n'ont pas pu confondre, et procèderaient à cette commercialisation sous d'autres marques. Elle rappelle que les biostimulants, dont la règlementation serait différente jusqu'en juillet 2022, sont selon elle très différents des engrais ; que la marque est évocatrice, que les produits sont exploités en association avec sa marque ombrelle « Axioma », pour un public de professionnels dont l'attention est élevée, de sorte qu'il n'y aurait pas, en pratique, de risque de confusion, et qu'aucune confusion réelle n'a été rapportée par la demanderesse. Réponse du tribunal 57. Les droits sur les marques de l'Union européenne sont prévus par l'article 9 du règlement 2017/1001 (applicables à raison de la date des faits litigieux), rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée » ; b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ; » 58. L'atteinte au droit exclusif conféré par la marque de l'Union européenne est qualifiée en droit interne de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1. 59. En application de ces dispositions, le titulaire d'une marque est habilité à interdire l'usage, sans son consentement, d'un signe identique ou similaire à sa marque par un tiers, lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services (CJUE, 15 décembre 2011, Frisdranken Industrie Winters, C-119/10, point 25). 60. Il a été démontré ci-dessus (paragraphes 51 et 52) qu'au sens du droit des marques, les biostimulants étaient fortement similaires aux engrais. Le fait que le régime juridique de commercialisation de ces produits fût différent (avant l'application du nouveau règlement 2019/1009) est un facteur secondaire qui est largement compensé par l'identité de leur destination et de leur objectif général, la relative proximité de nature entre eux, qui sont désormais, depuis l'application de l'article 47 du nouveau règlement le 15 juillet 2019, et étaient déjà en France, considérés comme relevant d'une même catégorie (les fertilisants), ainsi que par leur mode d'action certes différent, mais similaire (relatif à la nutrition des plantes). Enfin, si elle allègue une grande différence de technicité dans l'élaboration de ces produits, la société Axioma ne le démontre pas, ni même n'explicite à quoi tiendrait cette différence, et il a été observé qu'elle-même présentait sur son site internet à la fois des biostimulants et des engrais. 61. Il est constant que la société Axioma exploite le signe Rezist, identique à la marque, pour désigner, dans la vie des affaires, 3 produits biostimulants ; ainsi qu'un signe semi-figuratif « Rezist » en lettres blanches sur fond bleu, dans lequel le ‘z' est remplacé par un éclair jaune. Ce signe n'est pas identique à la marque, mais il y est très fortement similaire : l'éclair ne gêne pas la lecture de l'élément verbal « Rezist », et le signe est ainsi auditivement et conceptuellement identique à la marque, tandis qu'il est assez fortement similaire au plan visuel en raison de la prédominance de l'élément verbal dans le signe pris dans son ensemble. 62. Sur les images des produits en cause, communiquées par la société Stoller Europe, et non contestées par la société Axioma, la marque Axioma n'est pas visible, hormis sur le produit revêtu du signe semi-figuratif (dont la photographie d'un bidon est communiquée par la défenderesse elle-même, sa pièce no17), où il est, comme le souligne la demanderesse, d'une taille nettement plus petite que le signe Rezist. Surtout, rien n'indique, dans ces images, que seule la marque ombrelle désignerait l'origine du produit, et la défenderesse ne l'allègue pas ; en réalité, à supposer même que le consommateur accorde plus d'importance à la marque ombrelle qu'au signe Rezist, il reste amené à croire qu'il s'agit d'une combinaison de produits comme le suggère la demanderesse, ou plus simplement d'une collaboration entre la société Axioma et l'entreprise responsable de la marque Rezist, voire même que la société Axioma est la responsable de cette marque. 63. Ainsi, la grande similarité des produits, et l'identité ou la très forte similarité des signes, compensent largement la faible distinctivité de la marque, et laissent entendre au public que ces produits ont une origine commune, suscitant un risque de confusion, même pour un public à l'attention supérieure à la moyenne. Il y a donc une atteinte à la fonction essentielle de la marque, et la contrefaçon est caractérisée. b. Interdiction et réparation Moyens des parties 64. La société Stoller demande l'interdiction de tout usage du signe. Puis, estimant à 215 000 euros HT le chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse sur les produits Rezist entre 2018 et fin 2021, soit un bénéfice de plus de 100 000 euros avec un taux de marge qu'elle retient à 50%, et demande que ce montant lui soit versé à titre de dommages et intérêts ; elle y ajoute une somme de 30 000 euros pour réparer la perte de valeur distinctive de sa marque, faisant valoir à cet égard que la recherche du terme ‘rezist' sur Google montre d'abord des résultats relatifs à Axioma, que ses ventes en France ont diminué concomitamment à la mise en vente des produits Rezist de la défenderesse. Elle demande enfin la publication du jugement. 65. La société Axioma fait valoir que son chiffre d'affaires pour les produits Rezist n'a été, de 2018 au 31 mars 2021, que de 133 901 euros HT, soit à peine plus de 10 % de son chiffre d'affaires total ; elle affirme ne réaliser aucun bénéfice en raison de ses couts de structure, de recherche et développement, et de conformité règlementaire, donnant pour exemple qu'au 5 novembre (2021) elle avait réalisé un chiffre d'affaires de 500 000 euros pour 1 400 000 euros de charges de structures ; et estime les calculs de la demanderesse fantaisistes. Elle conteste la banalisation de la marque, ainsi que le lien de causalité avec la baisse des ventes alléguées, faisant valoir le contexte sanitaire et économique de l'année 2020 où, affirme-t-elle, de nombreuses cultures ont dû être jetées (en raison notamment de la fermeture des restaurants). Réponse du tribunal Interdiction 66. En application des articles 125, paragraphe 1, 126, paragraphe 1, et 130 du règlement 2017/1001, le présent tribunal, situé dans l'État où se trouve le domicile du défendeur, est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis sur le territoire de tout État membre ; et, sauf raison particulière, il doit interdire au défendeur de poursuivre les actes de contrefaçon dans l'ensemble de l'Union (CJUE, 12 avril 2011, DHL Express, C-235/09, dispositif, interprétant les dispositions identiques du premier règlement 40/94). 67. Aucune raison ne justifie au cas présent de ne pas enjoindre à la société Axioma de cesser tout usage des signes Rezist, dans leur version verbale ou semi-figurative ; pour en assurer l'effectivité, cette injonction doit être assortie d'une astreinte continue par jour de retard, d'un montant journalier élevé, mais qui doit laisser au débiteur un délai de 30 jours, délai qui est suffisant pour retirer tous les supports commerciaux nécessaires ainsi que pour signaler à tous les distributeurs la nécessité pour eux d'en faire de même. Réparation 68. En application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, également applicable en vertu de l'article L. 717-2 aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 69. Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Elle n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 70. Les trois critères à prendre en considération distinctement concourent à l'estimation du préjudice ; il ne s'agit pas de trois chefs de préjudice différents devant se cumuler. Ainsi, le bénéfice du contrefacteur n'est pas en lui-même égal à un préjudice pour le titulaire du droit contrefait ; il aide, en revanche, à estimer l'ampleur des conséquences économiques négatives, de l'affaiblissement de la marque, et du préjudice moral éventuellement subi. 71. Ici, la société Axioma a communiqué une attestation de son expert-comptable (sa pièce no19), admise par la demanderesse, selon laquelle la vente des produits Rezist a permis un chiffre d'affaires total de 133 901 euros HT entre 2018 et le 31 mars 2021. Elle n'a pas jugé utile d'actualiser ces montants dans ses dernières conclusions, de sorte que, comme le fait la demanderesse, il faut a minima prolonger ces données en retenant l'hypothèse la plus haute, c'est-à-dire en retenant que le chiffre d'affaires des trois premiers mois de 2021 (à savoir 19 819 euros) constitue le minimum de la période suivante. Bien que la société Axioma ait allégué, dans la partie sur le principe de la contrefaçon, que ses produits étaient désormais distribués par des tiers sous d'autres marques, il ressort de ses propres contrats de distribution que lesdits produits sont toujours désignés, entre autres, sous le signe Rezist. L'usage de ce signe s'est donc poursuivi de façon au moins aussi importante qu'auparavant. Ce qui permet d'estimer, d'avril 2021 à aout 2022, soit 17 mois, un chiffre d'affaires supplémentaire de 112 308 euros ; soit un total de 246 209 euros. 72. De son côté, la société Stoller allègue une baisse de chiffre d'affaires, sans plus de précision. Or il est constant que les produits des parties ne sont pas exactement de même nature, relevaient à l'origine de régimes d'autorisation potentiellement différents et relèvent toujours de catégories proches mais distinctes qui doivent être indiquées au consommateur, lequel fait un choix économique déterminé au moins en partie par la nature du produit. Il ne peut donc être déduit de la seule perte de chiffre d'affaires de la demanderesse que sa cause unique serait la vente de produits différents par la défenderesse. Une situation de concurrence partielle existe néanmoins entre les produits des parties, au regard de l'effet favorable sur l'utilisation d'engrais que peuvent avoir les produits optimisant la nutrition des plantes (tel que constaté par le 2e considérant du règlement 2019/1009 rappelé ci-dessus au paragraphe 52). Il peut en être déduit un effet défavorable correspondant à une petite partie du chiffre d'affaires de la défenderesse, d'environ 10%, auquel il faut déduire les couts variables qu'aurait exposés la demanderesse pour réaliser le chiffre d'affaires correspondant, ce qui permet de retenir une perte de bénéfice de 12 000 euros pour la société Stoller Europe du fait de la contrefaçon. 73. Les conséquences économiques négatives subies par la société Stoller Europe incluent également la perte de valeur distinctive de la marque. Cette perte doit elle aussi être appréciée au regard de l'ampleur de la contrefaçon, donc au regard du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés par le contrefacteur ; le bénéfice de celui-ci, au cas présent, est quasi-inexistant, en raison de l'ampleur des couts de recherches qu'il allègue sans être contesté ; mais le chiffre d'affaires réalisé n'en a pas moins causé une dilution de la marque par l'usage indû de celle-ci, de sorte qu'il peut être déduit ici une perte de valeur de la marque s'élevant à 30 000 euros. 74. La société Axioma doit par conséquent être condamnée à payer 42 000 euros à la société Stoller Europe en réparation de son préjudice du fait de la contrefaçon. 75. Le préjudice est ici réparé entièrement par les dommages et intérêts, et cessera avec l'interdiction ; il n'y a donc pas lieu à publication. 4) Demande reconventionnelle en concurrence déloyale pour pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 76. La société Axioma reproche à la société Stoller Europe d'avoir promu ses produits jusqu'en octobre 2019, sur son site internet, de façon trompeuse au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation, en leur attribuant des propriétés que les engrais ne possèderaient pas et qui seraient celles des produits phytopharmaceutiques, à savoir la résistance ou la lutte contre « la maladie », d'empêcher « les attaques d'organismes pathogènes externes », de favoriser « un meilleur état nutritionnel et sanitaire ». Elle ajoute que le distributeur de ces produits les présentait aussi en 2018 comme renforçant « le système immunitaire induit des plantes » et réduisant leur « sensibilité au stress ». Elle fait valoir qu'après qu'elle l'a signalé à la société Stoller en octobre 2019, celle-ci a modifié son site internet, ce qui mettrait en évidence sa mauvaise foi ; que ces produits sont encore présentés dans une rubrique du site internet intitulée « résistance naturelle » et que continue à être allégué un effet sur la « résistance systémique acquise (SAR) », par l'amélioration de « l'état nutritionnel et physiologique des plantes en relation avec leur défense naturelle » et le fait que le produit est conçu « pour nourrir et donc améliorer le système de défense naturel de la plante, chargé de favoriser la production de molécules de défense naturelles contre le stress biotique. » Enfin, elle souligne que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a estimé, dans un rapport, que les allégations d'effets phytopharmaceutiques relèvent d'allégations trompeuses ou d'un défaut d'autorisation de mise sur le marché. 77. Elle en déduit un préjudice de 30 000 euros tiré d'un trouble commercial tenant à un avantage concurrentiel illicite, le public ayant pu se tourner vers la société Stoller pour acheter des produits qu'il croyait dotés d'une action phytopharmaceutique, à son préjudice ainsi qu'à celui des autres acteurs détenant les autorisations nécessaires, et alors que l'obtention de ces autorisations de mise sur le marché lui a imposé des investissements importants. 78. Contre la fin de non-recevoir qui lui est opposée, elle soutient que son intérêt à agir réside dans le fait que les biostimulants auraient un lien plus étroit avec les produits « phytosanitaires » qu'avec les engrais, et qu'en présentant faussement des produits comme favorisant la résistance des cultures aux agressions extérieures, la société Stoller porterait « atteinte [à son] marché économique » ; que sa demande reconventionnelle aurait un lien suffisant avec la demande initiale car elle concerne les mêmes parties, et la même marque en critiquant un usage de celle-ci comme la demande en contrefaçon. Elle précise que sa demande en concurrence déloyale est limitée aux produits vendus sous cette marque et ne concerne pas les autres produits, cités seulement à titre d'illustration. 79. La société Stoller Europe conteste la recevabilité de cette demande, en ce que la société Axioma n'aurait pas d'intérêt à invoquer le trouble commercial subi par les vendeurs de produits phytopharmaceutiques puisque les biostimulants ne sont eux-mêmes pas de tels produits, outre que les autorisations de mise sur le marché des produtis Rezist de la société Axioma n'ont été délivrées à celle-ci qu'en octobre et novembre 2019 ; et en ce que cette demande n'aurait pas de lien suffisant avec la demande initiale car elle porte sur la présentation générale de certains de ses produits sur l'internet et non sur l'usage de la marque fondant la demande initiale. 80. Sur le fond, elle soutient d'abord que ses engrais, en améliorant l'état nutritionnel et physiologique des plantes, permettent de les fortifier et d'améliorer leurs performances et leur système de défense naturel ; que par l'apport au bon moment et au bon endroit des oligo-éléments, qui sont impliqués dans un grand nombre de fonctions métaboliques, les plantes sont plus actives dans la production naturelle de molécules de défense ; qu'ainsi, les effets revendiqués sont une conséquence naturelle de l'utilisation de ses engrais, de sorte que ces allégations ne sont pas fausses. Elle soutient ensuite qu'en toute hypothèse, la présentation de ses produits n'est pas susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur au sens de l'article L. 120-1 du code de la consommation ; qu'en effet, elle a toujours indiqué sur ses étiquettes et sa fiche technique, accessible sur son site internet, que ses produits étaient des engrais. Elle précise enfin que si elle a modifié sa présentation sur l'internet en ajoutant que ses produits étaient des « engrais sans aucune action phytosanitaire », c'était uniquement pour « éviter à l'avenir toute velléité de contestation abusive. » Réponse du tribunal Recevabilité 81. Les articles 31 et 32 du code de procédure civile prévoient qu'est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d'agir, et que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. 82. Par ailleurs, l'article 70 du même code n'autorise les demandes reconventionnelles ou additionnelles que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 83. La société Axioma se prévaut de la distorsion de concurrence qu'aurait causée la pratique commerciale trompeuse qu'elle allègue ; elle vend des produits dont les caractéristiques correspondent à celles que la pratique commerciale litigieuse attribue, à tort selon elle, aux produits de la société Stoller ; ces deux sociétés sont donc au moins partiellement en situation de concurrence (comme cela a aussi été établi au regard du mode de fonctionnement de leurs produits respectifs, cf paragraphe 72), et la première a bien un intérêt légitime au succès de sa prétention. 84. La demande reconventionnelle se fonde sur une pratique commerciale trompeuse dans la commercialisation des produits revêtus de la marque objet des prétentions originaires, pour des motifs similaires à ceux qui ont fondé la demande reconventionnelle en nullité pour caractère trompeur de cette marque. Il s'agit donc d'une branche du même litige tenant aux conditions d'exploitation de cette marque fondée en partie sur les mêmes considérations juridiques et scientifiques, qu'il est utile de juger ensemble. Dès lors, cette demande reconventionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant. 85. La fin de non-recevoir est donc écartée. Bien fondé 86. En application de l'article L. 121-2, 2o, a) et b), et de l'article L. 121-1, alinéas 1 et 4, du code de la consommation, constitue une pratique commerciale trompeuse, et donc une pratique déloyale interdite, la pratique commerciale qui repose sur des allégations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur la nature d'un bien ou d'un service, ou sur ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation. Ces dispositions s'appliquent aussi bien aux professionnels qu'aux non-professionnels (article L. 121-5). 87. Ces dispositions assurent la transposition de la directive 2005/29 s'agissant des pratiques commerciales vis à vis des consommateurs, mais relèvent du seul droit interne s'agissant des pratiques commerciales vis à vis des professionnels, qui ne sont pas inclues dans le champ d'application de la directive. 88. Il ressort de la règlementation applicable aux fertilisants et aux produits phytopharmaceutiques que la distinction entre ces produits se fonde sur leur composition et leur mode d'action, et non directement sur leur effet. Ainsi, le règlement 1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques s'applique aux produits « composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant » et destinés à certains usages, dont celui d'exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, mais à l'exception des substances nutritives (article 2, paragraphe 1). Le règlement 2019/1009 définit les fertilisants comme les matières qui apportent aux végétaux ou aux champignons des éléments nutritifs ou améliorent leur efficacité nutritionnelle (pour le rappel plus développé de cette règlementation, voir ci-dessus paragraphes 18 à 26, et la même conclusion, paragraphe 27). Cette règlementation n'impose donc pas en elle-même que certains effets soient réservés à certains produits. 89. Et la société Axioma n'expose pas en quoi les engrais seraient insusceptibles, en apportant à la plante les nutriments nécessaires, d'améliorer sa résistance à « la maladie » et aux « organismes pathogènes externes », son « état nutritionnel et sanitaire », éventuellement « en relation avec [sa] défense naturelle », d'améliorer encore son « système immunitaire induit », ou de réduire sa « sensibilité au stress ». En particulier, elle n'indique pas en quoi les plantes seraient dépourvues de défenses naturelles, ou en quoi le plein développement de ces défenses ne dépendrait pas de la quantité et la qualité appropriée de certains éléments contenus dans les engrais de la société Stoller. Si elle critique la référence à une « résistance systémique acquise (SAR) », elle n'a pas jugé utile d'éclairer le tribunal sur la portée de cette affirmation, sur les conditions d'une telle résistance, et sur les raisons pour lesquelles un engrais serait impropre à la permettre. La demanderesse reconventionnelle n'apporte donc pas la preuve, qui lui incombe, de la fausseté des allégations critiquées, ou au moins de leur absence de vraisemblance. 90. En revanche, en ne présentant son produit que par les effets revendiqués sur la « résistance naturelle à la maladie pour [les] cultures », parce qu'il « prévient et empêche les attaques d'organismes pathogènes externes », « contribue à la lutte contre les maladies », et plus généralement favorise « un meilleur état nutritionnel et sanitaire », sans indiquer dans ce descriptif ni nulle part ailleurs dans la page internet de présentation du produit qu'il s'agit d'un engrais sans action phytosanitaire (pièce Axioma no10), la société Stoller a présenté ces informations d'une façon qui était de nature à induire en erreur l'acheteur potentiel, qui pouvait croire que les effets revendiqués étaient obtenus par un mode d'action relevant d'un produit phytopharmaceutique ou d'un biostimulant, et non d'un simple engrais. Que l'information sur la nature du produit figure seulement dans la fiche technique et non avec les allégations empêche à cette information, qui est essentielle et doit être connue dès la découverte du produit, de jouer son rôle et permet précisément à la société Stoller de créer une ambigüité trompeuse sur la nature du produit. Il s'agit d'une pratique commerciale trompeuse, donc déloyale. 91. Cette pratique a pris fin en octobre 2019, par l'ajout sur le site internet de la société Stoller de la mention, dans la description, de façon visible, de ce qu'il s'agit d'un engrais « sans aucune action phytosanitaire ». 92. Or, comme le soulève la société Stoller sans être contredite, il résulte de la pièce no6 de la société Axioma que celle-ci n'a obtenu les autorisations de mise sur le marché pour ses biostimulants que les 17 octobre, 18 octobre, et 27 novembre 2019. Bien qu'elle ait exploité le signe Rezist antérieurement, puisque la première mise en demeure a été adressée en juin 2019, que la promotion d'un biostimulant Rezist a été faite sur sa page Facebook en mai 2019 (pièce Stoller no7) et qu'un chiffre d'affaires a été réalisé pour des produits vendus sous ce signe dès 2018 (voir la partie sur la contrefaçon, paragraphe 71), les autorisation de mise sur le marché sur lesquelles la société Axioma fonde sa demande en concurrence déloyale n'ont été délivrées qu'après la fin de la pratique commerciale déloyale. Celle-ci ne lui a donc causé aucun préjudice. 93. Par conséquent, la demande en concurrence déloyale est rejetée. 5) Dispositions finales 94. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 95. La société Axioma, qui perd le procès, doit être tenue aux dépens, ainsi qu'à indemniser la demanderesse des frais qu'elle a dû exposer pour le procès, mais en tenant compte de la complexité parfois inutile apportée par certains de ses moyens infondés ; soit, en l'absence d'élément financier produit par les parties, à hauteur de 20 000 euros. 96. Enfin, vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, applicable à raison de la date de l'assignation, l'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire, et nécessaire au regard de l'enjeu immédiat du litige sur l'activité des parties, est ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription de la décision aux registres des marques. Par ces motifs Le tribunal, REJETTE la demande en nullité de la marque de l'Union européenne Rezist (014496897) pour les engrais et engrais azotés (en classe 1) ; PRONONCE la déchéance partielle de cette marque en ce qu'elle désigne les produits chimiques destinés à l'industrie en classe 1, et les fongicides en classe 5, et ce à compter du 21 décembre 2020 ; ANNULE la marque française Rezist (4497215) pour l'ensemble des produits qu'elle désigne ; ORDONNE à la société Axioma de cesser tout usage du signe « Rezist » (verbal et semi-figuratif) dans le territoire de l'Union européenne, ainsi que de mettre en oeuvre les mesures appropriées pour faire cesser cet usage par ses distributeurs, et ce dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra pendant au maximum 180 jours ; Se réserve la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE la société Axioma à payer à la société Stoller Europe 42 000 euros de dommages et intérêts du fait de la contrefaçon de la marque de l'Union européenne Rezist ; DIT que la présente décision sera transmise à l'Office européen de la propriété intellectuelle et à l'Institut national de la propriété industrielle, à l'initiative de la partie la plus diligente, lorsqu'elle sera définitive ; REJETTE la demande reconventionnelle de la société Axioma en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Axioma aux dépens (qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société Stoller Europe dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile), ainsi qu'à payer 20 000 euros à la société Stoller Europe au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire (sauf en ce qui concerne la transmission aux offices). Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 Le Greffier La Présidente
CAPP/JURITEXT000046652043.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 14/10026 - No Portalis 352J-W-B66-CDCV3 No MINUTE : Assignation du : 17 Juin 2009 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 05 Juillet 2022 DEMANDEURS Monsieur [H] [X] [Adresse 15] [Localité 26] S.A.R.L. FIVE MUSIC MULTIMEDIA dit FIVE MUSIC [Adresse 20] [Localité 25] représentés par Maître Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0974 DEFENDEURS S.A.S. HEBEN MUSIC, représentée par la SELARL MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [N] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société HEBEN MUSIC [Adresse 2] [Localité 24] représentée par Maître Vincent JARRIGE de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0373 S.C. SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE [Adresse 7] [Localité 21] représentée par Maître Jean-Marc MOJICA de la SELEURL MoRe AvocaTs, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0457 S.A.R.L. HEBONY PRODUCTION, représentée par la SELARL MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [J], ès-qualités de mandataire ad-hoc de la société HEBONY PRODUCTION [Adresse 2] [Localité 24] Société PRODUCTION & BROADCASTING anciennement dénommée PUBLISHING [K] [M] [Adresse 17] [Localité 24] Monsieur [A] [K] [Adresse 6] [Localité 16] représentés par Maître Gabrielle ODINOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0271 Société UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING venant aux droits de UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE [Adresse 4] [Localité 18] représentée par Maître Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0329 S.A.S.U. M6-THEMATIQUE venant aux droits de la société S.A.S. JEUNESSE INTERACTIVE [Adresse 19] [Localité 22] S.A.S. LAGARDERE THEMATIQUES, venant aux droits de la S.A.S. CANAL J intervenante volontaire [Adresse 10] [Localité 18] représentées par Maître Nicolas BRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0046 Monsieur [E] [M] [Adresse 11] [Localité 18] défaillant Monsieur [D] [F] [Adresse 9] [Localité 26] défaillant Monsieur [P] [T] [Adresse 8] [Localité 18] défaillant Monsieur [R] [I] [Adresse 3] [Localité 14] défaillant Monsieur [G] [B] [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 12] défaillant Monsieur [U] [Y] [Adresse 5] [Localité 26] défaillant Monsieur [S] [Z] [Adresse 13] [Localité 23] défaillant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge assisté de Lorine MILLE, greffière A l'audience sur incident du 23 juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 05 Juillet 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Réputée contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. Par acte du 17 juin 2009, M. [H] [X] et la société de production Five music multimédia (ci-après Five music) dont il est le gérant, ont fait assigner les défendeurs en contrefaçon de leurs oeuvres, de leur interprétation, et de leur phonogramme, ainsi qu'en invoquant des faits de parasitisme, l'objet du litige portant sur diverses oeuvres liées au personnage « Bébé Lilly » ou à son univers. 2. Par ailleurs des demandes étaient spécifiquement formées à l'encontre des société Heben music et Hebony production au visa de dispositions du code du travail, M. [X] prétendant avoir été salarié de ces sociétés ; mais le 7 octobre 2011, le juge de la mise en état s'est déclaré d'office incompétent pour statuer sur ces demandes au profit du conseil des prud'hommes de Bobigny, qui les a rejetées par un jugement du 25 septembre 2013 dont M. [X] a fait appel, 3. Par ordonnance du 27 novembre 2015, confirmée par la cour d'appel le 9 décembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer « jusqu'au prononcé de la décision de la cour d'appel de Paris (11 ème chambre section du Pôle 6) dans l'instance d'appel opposant Monsieur [X] à Maître [O] en qualité de liquidateur de la société Heben music (noRG 13/11000) ». Il a également écarté une exception de péremption. 4. La cour d'appel de Paris a statué sur l'appel contre le jugement des conseils de Prud'hommes le 13 octobre 2017 ; sa décision a cependant été cassée par arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2019 ; et l'arrêt de renvoi a été prononcé le 21 janvier 2021. 5. Parallèlement, M. [X] avait assigné le 15 décembre 2008 la société Heben music en nullité (puis, en transfert) de marques « Bébé lilly » ; le jugement du tribunal ayant rejeté ses demandes a été confirmé le 27 janvier 2015 par un arrêt que la Cour de cassation a toutefois cassé le 11 janvier 2017 ; l'arrêt de renvoi a à nouveau été cassé le 14 janvier 2020 ; et par arrêt du 25 mars 2022, la cour d'appel de Paris a finalement ordonné le transfert des marques à M. [X]. 6. Le juge de la mise en état, s'étonnant de l'absence de diligence dans cette affaire, et ayant le 10 décembre 2021, après avoir provoqué les explications des parties, enjoint aux demandeurs de conclure pour le 20 janvier suivant, ceux-ci ont fait valoir que la décision à intervenir dans l'affaire sur les marques simplifierait le litige ; il leur a donc été laissé un délai de 2 mois à compter de cette décision. Toutefois, le 24 mai 2022, à la veille de l'échéance qui leur avait été rappelée le 19, les demandeurs ont expliqué devoir attendre, notamment, l'inscription du transfert des marques au registre, et envisager de demander un certain nombre de documents. Estimant les motifs invoqués dilatoires hormis la demande de documents, le juge de la mise en état leur a enjoint de formaliser leur demande de communication de pièces pour le 1er juin, sous peine de radiation. 7. Et, par conclusions du 1er juin 2022, M. [X] et la société Five music ont demandé la communication forcée de documents par la Sacem ainsi que par des tiers. 8. Puis, par conclusions du 13 juin 2022, la société M6-thématique, venant aux droits de la société Jeunesse interactive, a demandé la péremption de l'instance. 9. L'incident a été entendu à l'audience du 23 juin, où les parties ont indiqué que les pièces demandées se rapportaient à la marque Bébé lilly et non à l'instance initiale sur les droits d'auteurs, qu'elles n'étaient pas prêtes sur cette question, et ont convenu qu'il était préférable de statuer d'abord et sans délai sur la péremption. La décision a alors été mise en délibéré à bref délai. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société M6-thématique, venant aux droits de la société Jeunesse interactive, demande la péremption de l'instance à compter du 13 octobre 2019 et réclame à M. [X] et à la société Five music 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (avec recouvrement par son avocat). 11. Elle fait valoir que le sursis à statuer a pris fin lors du prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 octobre 2017 dans le litige social, le juge de la mise en état ayant expressément motivé le refus d'attendre une décision définitive ; que l'annulation ultérieure de cet arrêt ne change pas le fait qu'il a bien été prononcé et a donc mis fin au sursis ; que si les demandeurs entendaient prolonger le sursis, ils auraient dû le demander par conclusions motivées ; qu'au cas contraire, cela reviendrait à modifier le dispositif de l'ordonnance de sursis. 12. Et elle estime qu'aucune diligence n'a été accomplie après cette date ; qu'en effet, les demandeurs n'ont adressé des messages que pour demander des renvois, fondées sur des procédures distinctes sans effet sur la présente instance ; enfin qu'ils n'ont jamais conclu malgré des injonctions en ce sens (23 janvier 2018, 3 juillet 2018). 13. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 juin 2022, la Sacem demande la péremption de l'instance au 13 octobre 2019, demande de déclarer sans objet son appel en intervention forcée, du fait de la péremption antérieure, subsidiairement résiste à la demande de communication de pièces mais indique avoir communiqué à M. [X] un « relevé de droits », et demande d'inviter « au besoin » M. [X] à mettre en cause les ayants droits ou co-auteurs des oeuvres visées à sa demande de pièces ; et demande 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 14. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 juin 2022, la société Universal music publishing, venant aux droits de la société Universal music publishing mgb France, demande également la péremption de l'instance. 15. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 juin 2022, M. [X] et la société Five music contestent la péremption de l'instance, demandent d'ordonner à des tiers la communication d'informations relatives à des phonogrammes et vidéogrammes, ainsi qu'à des sites internet, d'ordonner à la Sacem de leur communiquer les montants de droits perçus et répartis sur un certain nombre de vidéogrammes et phonogrammes, et de condamner la société M6 thématique et la société Universal « à lui régler à chacun la somme de 5 000 euros » au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 16. Ils font valoir que l'arrêt de la cour d'appel devant mettre fin au sursis ayant été annulé, et les parties remises dans la situation antérieure, il n'a pu produire aucun effet, notamment pas mettre fin au sursis, et ainsi que la décision d'appel visée à l'ordonnance de sursis n'est pas l'arrêt du 13 octobre 2017, mais l'arrêt de renvoi du 21 janvier 2021. 17. Ils estiment en tout état de cause qu'en communiquant au juge de la mise en état le 2 juillet 2018 les dernières décisions intervenues dans les procédures parallèles, en se rendant à l'audience de mise en état du 3 juillet 2018 pour discuter du maintien du sursis, en communiquant encore le 16 avril 2019 à la demande du juge les mémoires ampliatifs déposés devant la Cour de cassation, ils ont effectué des diligences montrant leur volonté de poursuivre l'instance ; qu'au demeurant ces instances parallèles étaient utiles à l'avancée de la présente instance ; qu'aucune injonction de conclure ne leur a jamais été adressée. 18. En vertu de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. L'article 392, deuxième alinéa, précise que le délai de péremption de l'instance continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement. 19. L'ordonnance du 27 novembre 2015 a ordonné le sursis à statuer « jusqu'au prononcé de la décision de la cour d'appel de Paris » dans l'instance d'appel opposant M. [X] à la société Heben music. Il est constant que cette décision a été prononcée le 13 octobre 2017. Le sursis a donc pris fin de plein droit à cette date, et le délai de péremption a recommencé à courir. 20. Que cette décision ait ultérieurement été annulée la prive certes, en tant qu'acte juridique, de ses effets ; mais la fin du sursis à statuer ne dépendait pas de l'arrêt lui-même ; elle dépendait d'un évènement, à savoir le prononcé de l'arrêt. Cet évènement est un fait, qui a eu lieu, quel que soit le devenir ultérieur de l'acte qu'il a fait naitre ; et si le droit peut faire disparaitre rétroactivement des actes, il est sans pouvoir sur les faits passés. Ainsi, le délai de péremption de l'instance a recommencé à courir à la survenance de l'évènement prévu, c'est-à-dire le 13 octobre 2017. 21. Cependant, par bulletin du 23 janvier 2018, le juge de la mise en état a convoqué les parties à une audience de mise en état tenue le 3 juillet 2018 « pour vérification du motif du sursis » ; et, par bulletin du 3 juillet 2018, il a décidé un « renvoi pour vérification de l'état du dossier (maintien sursis) », après que les demandeurs lui ont adressé, le 2 juillet, « les dernières décisions rendues dans ce dossier, qui fondent le maintien du sursis à statuer - arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 2016 ; - arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 octobre 2017 ; - pourvoi en cassation contre l'arrêt [du 13 octobre 2017] ; - arrêt de la cour d'appel Paris du 30 mars 2018 ; - arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 juin 2018 ; - pourvoi en cassation contre l'arrêt [du 30 mars 2018] ». 22. Il en résulte que le juge de la mise en état, en janvier 2018, intervenant pour la première fois depuis l'ordonnance du 27 novembre 2015, n'a pas estimé que le sursis avait pris fin, mais a voulu en vérifier le « motif », ce qui l'a amené, le 3 juillet 2018, à en décider le « maintien ». C'est ainsi le juge de la mise en état qui a décidé d'attendre l'évolution des autres procédures, et de ne demander aux parties que de se présenter pour « vérification de l'état du dossier » (23 octobre 2018), « faire le point et suite du calendrier » (12 décembre 2019 et 11 juin 2020), « faire le point sur les procédures en cours » (17 septembre 2020). 23. Cette situation n'est donc pas celle où le juge de la mise en état ne demande rien aux parties et où, celles-ci n'agissant pas, la péremption court ; il s'agit d'une situation différente, où le juge de la mise en état décide lui-même de maintenir son instance dans la dépendance d'autres instances et de demander aux parties des diligences limitées visant seulement à le tenir informé des diligences qu'elles accomplissent dans ces autres procédures. Le juge exprime ainsi lui-même l'opinion que les diligences accomplies dans d'autres instances font également avancer la sienne à condition de l'en tenir informé. 24. La société M6 indique certes que les bulletins de mise en état exigeaient des conclusions, sous la menace d'une radiation ou d'une clôture. Mais cette exigence et cette menace, qui se trouvaient sans exception sur tous les bulletins de convocation en mise en état jusqu'en 2020, correspondent à l'évidence à une trame, qui ne traduit pas nécessairement l'intention du juge de la mise en état, dont la décision et le message s'insèrent automatiquement au milieu des mentions type, d'une façon qui manifestement, ici, est incohérente. Ainsi les bulletins des 3 juillet et 23 octobre 2018 indiquent respectivement : 3 juillet 2018 : « Je vous prie de bien vouloir adresser vos conclusions au greffe par la voie électronique, impérativement avant les dates indiquées ci dessous : pour vérification de l'état du dossier (maintien sursis) En l'absence de ces conclusions, l'affaire pourra faire l'objet d'une radiation ou d'une clôture. » 23 octobre 2018 : « Je vous prie de bien vouloir adresser vos conclusions au greffe par la voie électronique, impérativement avant les dates indiquées ci dessous : pour vérification de l'état du dossier En l'absence de ces conclusions, l'affaire pourra faire l'objet d'une radiation ou d'une clôture. » 25. Il n'a pas pu être demandé aux parties de prendre des conclusions « pour vérification de l'état du dossier ». Il s'agit là de l'objectif de l'audience de mise en état à venir, pas du contenu attendu de conclusions. Ces phrases apparemment comminatoire sont donc en réalité des mentions automatiques qui, manifestement incohérentes avec la décision du juge, sont ici sans portée, ce que les parties ont pu aisément comprendre. Ce sont donc bien les seules mentions décidées par le juge de la mise en état qu'il faut prendre en compte, et ces mentions invitaient les parties à tenir pour utiles dans la présente instance les diligences accomplies dans une autre instance. 26. Dans ces conditions, il ne peut être reproché aux parties de s'être limitées à ce qui leur était demandé et d'avoir elles aussi cru dans le lien avec ces autres instances. Autrement formulé, par une exception au cas général créée par le juge de la mise en état, il faut considérer dans la présente instance que les diligences accomplies par les demandeurs dans d'autres instances, dont ils ont tenu le juge informé, sont des diligences au sens de l'article 386 du code de procédure civile, interruptives de la péremption. Raisonner autrement reviendrait à sanctionner les parties par une sorte de piège procédural qui violerait le droit à l'accès au juge, protégé par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. 27. Par conséquent, la péremption n'est pas acquise et les demandes en ce sens sont rejetées. 28. L'instance se poursuivant, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens, et l'équité permet d'écarter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 29. S'agissant de la demande de communication de documents, qui vise d'autres parties, potentiellement sur d'autres faits que ceux qui sont l'objet du litige, et sur laquelle les parties n'étaient pas en état lors de l'audience du 23 juin 2022, il faut en renvoyer l'examen. Cet écart incertain entre les faits à l'origine du présent litige et ceux motivant la demande de communication de documents impose également que, au vu de l'ancienneté anormale de la présente affaire, les demandeurs concluent d'abord au fond, sans attendre, ce qui permettra également d'apprécier le bienfondé de leur demande de communication de pièces. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, REJETTE les demandes de péremption de l'instance ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RENVOIE l'incident sur la demande de communication de pièces à l'audience de mise en état du 15 septembre 2022 pour être fixé à une audience de plaidoirie (ou jugé sans audience si les parties y consentent) ; ENJOINT à M. [X] et à la société Five music de conclure sur le fond pour le 15 septembre 2022, sous peine de radiation. Faite et rendue à Paris le 05 Juillet 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/10839 - No Portalis 352J-W-B7F-CU7A3 No MINUTE : Assignation du : 09 Août 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S.U. CAMELEON GROUP [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Maître Jérémy CARDENAS de la SCP HERALD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0014 DEFENDERESSES S.A.R.L. COMMUNISIS FRANCE [Adresse 3] [Localité 4] Société COMMUNISIS LIMITED [Adresse 5] [Localité 6] (ROYAUME-UNI) représentées par Maître Gaëtan CORDIER du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #J0014 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge, assisté de Lorine MILLE, greffière. A l'audience sur incident du 19 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 05 juillet 2022 et prorogée en dernier lieu au 13 septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. La société Caméléon, qui avait fourni jusqu'en 2020 au groupe Communisis des présentoirs pour magasins, n'ayant pas bénéficié d'une nouvelle commande pour l'année 2021 et affirmant avoir découvert que Communisis faisait désormais fabriquer par un tiers des présentoirs identiques aux siens, pourtant déposés en tant que deux dessins ou modèles communautaires (no 002752394-0001 et -0002), a fait pratiquer deux saisies-contrefaçon et, le 9 aout 2021, a assigné la société Communisis France sarl et la société de droit anglais Communisis limited en contrefaçon de ces modèles communautaires, parasitisme et rupture brutale des relations commerciales. 2. Par conclusions d'incident du 2 février 2022, les sociétés Communisis ont soulevé l'incompétence du présent tribunal. Par ailleurs, dans leurs conclusions au fond signifiées ultérieurement le même jour, elles soulèvent l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon et demandent reconventionnellement la nullité des dessins ou modèles, 50 000 euros de dommages et intérêts, et 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. L'incident a été entendu le 19 mai 2022. 3. Dans leurs dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 14 avril 2022, les sociétés Communisis demandent de déclarer le tribunal incompétent en renvoyant les parties à mieux se pourvoir, de prononcer l'irrecevabilité de « la demande » et de condamner la société Caméléon à lui payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens « conformément aux dispositions de l'article 699 » du même code. 4. Elles soutiennent que le litige relève de la responsabilité contractuelle, car un lien contractuel unit les parties et car est alléguée la contrefaçon de droits dont la titularité serait prévue par leurs conditions générales d'achat, de sorte qu'il s'agit bien, selon elles, d'un manquement allégué à des « relations contractuelles ». Elles se prévalent alors de leurs conditions générales d'achat, qui donnent selon elles compétence exclusive aux tribunaux anglais, et dont elles revendiquent l'application, d'une part car les conditions générales de vente de la société Caméléon, qui constituent certes légalement le socle unique de la négociation commerciale, ne priment pas sur les conditions d'achat lorsque celles-ci existent, et d'autre part car la société Caméléon a signé le « formulaire de création de vendeur » et exécuté les bons de commande qui, l'un comme les autres, renvoyaient à ces conditions générales d'achat par un lien URL. Elles contestent à cet égard que la dernière version de celles-ci date de 2014, et affirment qu'au contraire le lien renvoie aux conditions régulièrement actualisées, la version actuellement accessible datant de janvier 2022. 5. Subsidiairement, elles font valoir que leurs conditions générales d'achat prévoient la cession de « toute propriété intellectuelle découlant du contrat », de sorte que les modèles invoqués seraient désormais leur propriété, et non plus celle de la société Caméléon, dès lors dépourvue du droit d'agir. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 avril 2022, la société Caméléon soulève l'irrecevabilité des demandes des sociétés Communisis, résiste à l'exception d'incompétence et à la fin de non-recevoir, et réclame elle-même 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la part des sociétés Communisis, prises solidairement (outre les dépens). 7. Elle n'explicite pas la fin de non-recevoir qu'elle soulève de façon générale au dispositif de ses conclusions. 8. Sur la compétence, elle se prévaut de l'article 42 du code de procédure civile, l'un des défendeurs ayant son domicile en France, et de la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris en matière de dessins ou modèles communautaires, qui est selon elle d'ordre public. Elle soutient en outre que le litige, portant sur une contrefaçon, est de nature délictuelle ; qu'à cet égard, il a été jugé que le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle avait le droit de l'invoquer contre celui qui l'utilisait sans son consentement, même s'il lui était lié par un contrat (CJUE, C-666/18) ; que les conditions générales de chaque partie se contredisent, de sorte que les clauses respectives d'attribution de compétence seraient sans effet ; qu'en outre, la clause attributive de compétence des conditions générales de la société Communisis ne serait pas apparente au sens de l'article 48 du code de procédure civile, car les bons de commande dont celle-ci se prévaut renvoient à 3 documents différents, et en Anglais. 9. Sur la titularité des droits sur le dessin ou modèle invoqué, elle rappelle que les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale en vertu de l'article L. 441-1 III du code de commerce, et expose que ses conditions générales de vente, qui sont jointes à chaque envoi d'une proposition et d'un devis, ainsi qu'à chaque facture, prévoient qu'elle reste titulaire des droits de propriété intellectuelle, ce qui est contradictoire avec la clause 12.3 des conditions générales d'achat alléguées par la société Communisis, qui ne pourrait dès lors s'appliquer en vertu de l'article 1119 alinéa 2 du code civil ; qu'en outre, aucun des documents nécessaires pour donner effet à la cession (prévus à la clause 12.3 de Communisis) n'ont été établis, de sorte que même à supposer cette clause opposable, le transfert de droit n'aurait pas eu lieu faute de signature d'aucun document tel qu'un contrat de cession. Elle ajoute qu'en vertu de l'article 17 du règlement 6/2002, la personne au nom de qui le dessin ou modèle est enregistré en est présumé titulaire ; et qu'en vertu de son article 28, l'ayant cause ne peut se prévaloir des droits tant que le transfert n'a pas été inscrit au registre. 1) Sur la compétence du tribunal judiciaire de Paris a. Preuve de l'existence d'une clause d'élection de for 10. Les sociétés Communisis invoquent une clause attribuant compétence aux tribunaux du Royaume-Uni. Elles s'appuient, pour le prouver, sur des bons de commande établis par la société Communisis France et un « formulaire de création de vendeur » créé par la société Communisis limited dans lequel la société Caméléon a simplement renseigné ses coordonnées. L'unique bon de commande qu'elles communiquent (pièce Communisis no3) indique ainsi que la commande est soumise aux « conditions générales d'achat applicables de Communisis », à choisir selon la situation parmi 3 documents supposément accessibles sur une page internet dont le lien est donné. Le formulaire de création de vendeur (pièce Communisis no1) indique quant à lui que les transactions avec Communisis seront menées selon les conditions générales d'achat de Communisis, accessibles sur une page internet dont le lien est indiqué. 11. Mais les sociétés Communisis n'apportent aucun moyen de vérifier le contenu de la page internet à laquelle renvoient leurs documents. Elles communiquent uniquement (leur pièce no2) deux pages (1 et 31) d'un document à l'origine et à la date invérifiables, qui est donc absolument inapte à démontrer qu'il s'agit bien du document que la société Caméléon est supposée avoir accepté en accomplissant les commandes. Le lien URL lui-même n'est pas le même sur le formulaire de création de vendeur et sur le bon de commande, et rien n'indique qu'il s'agit du même document à chaque fois. Le contenu des conditions générales de vente alléguées par les sociétés Communisis n'est donc pas démontré. b. Existence d'une clause contradictoire 12. La société Caméléon allègue elle-même une clause attribuant compétence aux juridictions de Nantes ou de Paris (clause 12 de ses conditions générales de vente). 13. L'article L. 1119 du code civil, applicable ici dans la mesure où il régit les conflit entre plusieurs contrats et qu'au moins un des contrats en conflit ici est de droit français, prévoit que les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ; et qu'en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. 14. La société Caméléon n'a certes communiqué aucun document suffisant à prouver que la relation contractuelle était exclusivement soumise à ses propres conditions générales de vente. Elle ne communique en effet que des factures et des courriels de la fin d'année 2020 ; or, les factures sont établies après l'exécution de la prestation, ce qui rappelle son intention de soumettre les relations à ces conditions contractuelles, mais ne permet pas de prouver que l'autre partie y a bien consenti ; et les courriels de la fin d'année 2020 concernent des échanges pré-contractuels lors desquels elle a bien indiqué que les relations seraient soumises à ses conditions générales de ventes, mais ces échanges n'ont pas abouti, et n'ont été suivis d'aucune relation contractuelle. La société Caméléron, qui pas jugé utile de communiquer les échanges des années antérieures, dans lesquels le cadre contractuel de la relation prévu à l'article L. 441-3 du code de commerce aurait pu être inscrit, n'apporte ainsi aucune preuve de ce que les société Communisis aient pu jamais accepter ses conditions générales de vente. 15. Pour autant, toutes les factures successives versées aux débats ont, systématiquement, été accompagnées des conditions générales de vente de la société Caméléon, qui a ainsi rappelé tout au long de la relation contractuelle son intention de les appliquer. En l'absence de tout accord plus général que le seul « formulaire de création de vendeur » (qui ne contient que des coordonnées et ne fixe aucun cadre commercial), les bons de commande, et les factures, aucun de ces documents ponctuels ne peut primer à lui seul sur l'autre, de sorte que les clauses incompatibles, comme les deux clauses attributives de juridiction, sont sans effet. c. Compétence exclusive en matière de contrefaçon i. Principe de compétence exclusive prévue par le règlement 6/2002 et clause élisant un for non européen 16. En toute hypothèse, la demanderesse au principal invoque l'atteinte au droit conféré par un dessin ou modèle communautaire, c'est-à-dire une contrefaçon. La Cour de justice de l'Union européenne a déjà eu l'occasion de rappeler que la notion de contrefaçon, au sens de l'atteinte à un droit de propriété intellectuelle, dont la protection est encadrée par la directive 2004/48, est indépendante de la qualification en droit interne du régime de responsabilité applicable, contractuel ou délictuel (CJUE, 18 décembre 2019, IT development, C-666/18, point 41, et par analogie, points 46 à 49 et dispositif). 17. L'article 81 du règlement 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires confère une compétence exclusive aux « tribunaux des dessins ou modèles communautaires » pour les actions en contrefaçon d'un dessin ou modèle communautaire. Il prévoit le cas des clauses attributives de juridiction par l'articulation de l'article 79, paragraphe 3, sous b) et de l'article 82, paragraphe 4, qui ensemble et par renvoi à l'article 17 de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, devenu, dans les États membres, l'article 25 du règlement 1215/2012 (dit « Bruxelles I bis »), n'autorisent de telles clauses que si elles désignent un tribunal des dessins ou modèles communautaire. 18. Or, il ressort de l'article 80 du règlement 6/2002 que les tribunaux des dessins ou modèles communautaires se trouvent dans les États membres de l'Union européenne ; et le Royaume-Uni n'est plus membre de l'Union européenne. Ni l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (« l'accord de retrait »), conclu le 24 janvier 2020, ni l'accord de commerce et de coopération conclu le 31 décembre 2020, ne prévoit de dérogation à cet égard, ni plus généralement que les dessins ou modèles communautaires continueraient de faire effet en tant que tels au Royaume-Uni, ce qui aurait éventuellement pu l'assimiler à un État membre au sens du règlement 6/2002 ; au contraire, l'article 54, paragraphe 1, sous b), de l'accord de retrait prévoit que le dessin ou modèle communautaire enregistré devient, à la fin de la période de transition le 31 décembre 2020, un droit enregistré au Royaume-Uni, donc un titre national, qui dépend de règles et procédures nationales. Aucun tribunal des dessins ou modèles communautaire ne se trouve donc au Royaume-Uni, ce qui prive d'effet la clause attribuant compétence à un tribunal de cet État pour connaitre d'une action en contrefaçon de dessin ou modèle communautaire. ii. Compatibilité avec les conventions internationales 19. Il faut alors vérifier si la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for, dont l'Union européenne et le Royaume-Uni sont parties, engagement international primant sur le droit interne de l'Union, permet également d'écarter la clause en cause. 20. Cette convention concerne, dans les situations internationales, les accords qui désignent des tribunaux « pour connaitre des litiges nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé » (article 3). 21. Les sociétés Communisis allèguent une clause de cession du droit de propriété intellectuelle fondant la demande, de sorte qu'à la supposer établie, le litige portant sur l'usage de ce droit serait bien un litige né à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. 22. Toutefois, en vertu de son article 2, paragraphe 2, sous o), la convention n'est pas applicable à la contrefaçon des droits de propriété intellectuelle autres que les droits d'auteur et les droits voisins, «à l'exception des litiges portant sur une contrefaçon fondés sur une violation du contrat entre les parties relatif à de tels droits, ou qui auraient pu être fondés sur une violation de ce contrat ». 23. Il est constant ici que les faits litigieux concernent l'usage d'un dessin ou modèle pendant l'année 2021, et que pour cette année, les sociétés Communisis n'ont pas souhaité acheter de produit à la société Caméléon (cela est également démontré par les courriels en pièce Caméléon no5 et no7). Aucun contrat n'est en outre allégué dont la durée aurait été supérieure à un an et aurait pu se poursuivre en 2021 ; au contraire, les échanges de novembre 2020 relatifs au renouvèlement pour l'année 2021 de la relation contractuelle (pièce Caméléon no4) révèlent que cette relation était annuelle. La relation contractuelle avait donc pris fin, et aucune obligation contractuelle n'est alléguée qui aurait survécu. En particulier les parties n'allèguent aucune clause qui serait encore applicable à cette date et dont les faits litigieux pourraient s'analyser en une violation (par exemple, une autorisation limitée d'usage encore en cours et dont la limite serait enfreinte). Le présent litige portant sur une contrefaçon de droits de propriété intellectuelle n'est donc pas fondé ni n'aurait pu être fondé sur une violation du contrat entre les parties relatif à de tel droits. 24. Il faut alors déterminer si l'existence d'une cession du droit fondant la demande en contrefaçon s'analyse en un contrat dont la violation fonde le litige. L'existence, la validité et la portée d'une telle cession ont bien une incidence sur ce litige, et peuvent rendre la demande irrecevable, de sorte que la défense des sociétés Communisis se fonde sur ce contrat. Dans ce cadre, une partie du litige (la défense) se fonde sur un contrat, tandis que l'autre (la demande) porte sur une contrefaçon insusceptible au cas présent d'être fondée sur la violation d'un contrat. Il pourrait alors être soutenu que lorsque la défense se fonde sur la violation du contrat (ici, ce serait la violation par le demandeur de la clause de cession en continuant de se prétendre propriétaire), le litige se fonderait bien sur la violation du contrat et relèverait alors du champ d'application de la convention de La Haye. 25. Toutefois, la version anglaise de la convention, qui est son autre langue officielle, révèle que le fondement du litige doit s'entendre exclusivement comme celui de la demande, indépendamment des moyens de défense. En effet, l'expression « à l'exception des litiges portant sur une contrefaçon fondés sur une violation du contrat (...) » y est rédigée « except where infringement proceedings are brought for breach of a contract (...) » ; ce qui indique que le fondement du litige au sens de cette disposition est le fondement sur lequel le procès est intenté (« proceedings are brought »), ce qui n'inclut pas le fondement des moyens de défense. 26. Une telle interprétation est aussi cohérente avec les dispositions symétriques de l'article 2, paragraphe 3, selon lesquelles un litige n'est pas exclu du champ d'application de la convention lorsqu'une matière normalement exclue est soulevée seulement à titre préalable et non comme un objet du litige, en particulier lorsqu'elle est soulevée à titre de défense. Il faut donc comprendre ces dispositions comme s'intéressant à l'objet du litige tel que formé par la demande (et, le cas échéant, en ce qui la concerne, la demande incidente), sans égard aux moyens de défense. 27. Dès lors, à supposer qu'une cession du dessin ou modèle communautaire ait été prévue par les parties dans un contrat contenant une clause d'élection de for, la convention de La Haye ne serait pas pour autant applicable au présent litige portant sur une contrefaçon et non susceptible d'être fondé sur la violation d'une obligation contractuelle. 28. Le droit interne à l'Union européenne s'applique donc à la présente situation même si elle concerne un État étranger, et il faut rechercher si, en application de ce droit, le tribunal judiciaire de Paris est compétent. iii. Détermination du tribunal des dessins ou modèles compétent 29. Parmi les différents tribunaux des dessins ou modèles communautaires, il résulte de l'article 79, paragraphe 3, sous a), et de l'article 82, paragraphe 1 du règlement 6/2002 que l'action en contrefaçon est portée devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile, à savoir la France dans le cas de la société Communisis France. 30. Et il résulte des dispositions combinées de l'article 79, paragraphes 1 et 3 du règlement 6/2002, et de l'article 8, point 1), du règlement 1215/2012 dit « Bruxelles I bis », qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Ce qui est le cas des demandes dirigées contre les deux sociétés Communisis, dont l'une a son siège en France. 31. Le tribunal des dessins ou modèles communautaires de France, à savoir le tribunal judiciaire de Paris, est donc compétent. d. Conclusion 32. Ainsi, aucune clause attributive de compétence n'est démontrée ; même à supposer que fût le cas, elle serait contradictoire avec la clause incluse dans les conditions générales de vente, qui font partie ici du champ contractuel au même titre que les conditions générales d'achat, de sorte qu'en application de l'article 1119, alinéa 2 du code civil français, applicable par ce tribunal dès lors qu'un de ces contrats est de droit français, elle devrait être écartée ; en toute hypothèse, la présente action, qui est une action en contrefaçon, ne pouvait pas être formée devant des juridictions non européennes, et la convention régissant les clauses d'élection de for désignant un État étranger tel que le Royaume-Uni n'est pas applicable à la présente action. Et en vertu des règles de compétence exclusive des tribunaux des dessins ou modèles communautaire pour les actions telles que celle-ci, le tribunal judiciaire de Paris est compétent. 33. Enfin, il en va de même de la demande en rupture abusive des relations contractuelles, pour laquelle d'une part les sociétés Communisis ne contestent pas expressément la compétence du présent tribunal, ni, d'autre part, n'allèguent que le contrat dans lequel la clause attributive de juridiction serait insérée prévoirait les modalités de la fin des relations contractuelles. Ladite clause, à la supposer établie, ne concerne donc pas davantage cette demande. 34. Par conséquent, l'exception d'incompétence est écartée. 2) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, fondée sur le transfert du dessin ou modèle invoqué 35. L'article 19 du règlement 6/2002 ne donne qu'au titulaire du dessin ou modèle communautaire le droit exclusif de l'utiliser ou de l'interdire ; et l'article L. 521-2 du code de la propriété intellectuelle, également applicable aux dessins ou modèles communautaires, réserve l'action civile en contrefaçon au propriétaire du dessin ou modèle. 36. L'article L. 1119 du code civil, déjà cité, prévoit que les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ; et qu'en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. 37. La société Communisis se prévaut d'une clause 12 de ses conditions générales d'achat qui prévoirait une cession automatique de « tous les droits de propriété intellectuelle découlant du contrat ». 38. Au cas présent, il résulte de l'absence de toute preuve du contenu des conditions générales d'achat invoquées, que l'existence d'une clause de cession de droit, au même titre que la clause d'élection de for, n'est pas démontrée. 39. En toute hypothèse, même si la société Caméléon n'a pas pris la peine de démontrer avoir opposé ses conditions générales de vente autrement que dans ses factures, il est toutefois observé que ces conditions ont été répétées systématiquement dans chaque facture successive, commande après commande, ce qui implique que la société Caméléon a maintenu l'intention de les opposer nonobstant les conditions générales d'achat mentionnées dans le « formulaire de création de vendeur », dépourvu de portée générale, et les bons de commandes. Or ces conditions générales de vente contiennent une clause 12 stipulant que les droits de propriété intellectuelle restent la titularité de la société Caméléon. Dès lors, à supposer même que la clause de cession invoquée par les sociétés Communisis soit démontrée, les relations contractuelles des parties se sont déroulées avec la répétition par chacune de documents contractuels dont les stipulations étaient radicalement contradictoires, de sorte que la clause de cession invoquée par les sociétés Communisis doit être écartée et que plus généralement la preuve du consentement de la société Caméléon à la cession de son dessin ou modèle n'est pas rapportée. 40. Par conséquent, la demanderesse au principal est bien propriétaire du dessin ou modèle fondant la demande en contrefaçon, et la fin de non-recevoir à ce titre est écartée. 3) Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Caméléon 41. La société Caméléon n'expose pas en quoi les sociétés Communisis devraient être déclarées irrecevables en leurs demandes reconventionnelles. Celles-ci, qui portent sur la validité des droits invoqués au soutien de la prétention originaire, et sur la réparation du préjudice que leur aurait causé ce procès, n'étaient pas soumise à un délai, et ne relèvent pas, plus généralement, d'une fin de non-recevoir d'ordre public que le tribunal devrait soulever d'office. La fin de non-recevoir visant les demandes reconventionnelles est donc écartée. 4) Dispositions finales 42. Vu l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Communisis, qui perdent l'incident, doivent indemniser la société Caméléon des frais exposés à ce titre, qui peuvent être évalués à 7 000 euros. 43. Les défenderesses au principal ont conclu deux fois, la demanderesse n'a encore jamais répondu. Il faut lui laisser un délai jusqu'à fin octobre pour ce faire ; puis, après une éventuelle ultime réplique des défenderesses, envisagée en novembre, la clôture pourrait avoir lieu en décembre. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : ÉCARTE l'exception d'incompétence ; ÉCARTE la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Communisis tirée du défaut de qualité à agir ; ÉCARTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Caméléon ; CONDAMNE in solidum les sociétés Communisis France et Communisis limited à payer 7 000 euros à la société Caméléon au titre de l'article 700 du code de procédure civile. RENVOIE l'affaire à la mise en état dématérialisée du 20 octobre 2022 pour ultimes conclusions de la société Caméléon. Faite et rendue à Paris le 13 septembre 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/13841 - No Portalis 352J-W-B7F-CVNNT No MINUTE : Assignation du : 28 Octobre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 11 août 2022 DEMANDERESSES AU FOND DEFENDERESSES A L'INCIDENT Société F-LIBRI S.R.O. [Adresse 6] [Localité 1] (RÉPUBLIQUE TCHÈQUE) Madame [H] [E] [Adresse 5] [Localité 2] (RÉPUBLIQUE TCHÈQUE) représentée par Maître Catherine VERNERET de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #T0007 DEFENDERESSE AU FOND DEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.R.L. AMAZON EU [Adresse 3], [Localité 4] (GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG) représentée par Maître Florentin SANSON de la CMS FRANIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN1701 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge, assisté de Lorine MILLE, greffière. A l'audience sur incident du 23 juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 septembre 2022. Les avocats ont été avisés par message du 10 août 2022 que le délibéré était avancé au 11 août 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. Mme [H] [E] et la société F-Libri, titulaires respectivement des marques verbales françaises « Mamie parle nous de toi » déposée le 10 avril 2019 sous le numéro 4542191, enregistrée le 2 août suivant et « Papy, parle nous de toi » déposée le 29 juin 2021 sous le numéro 4781234, enregistrée le 3 décembre suivant, qui désignent toutes deux notamment des livres, reprochent à la société Amazon EU de vendre elle-même des livres dont le titre contreferait ces marques, et en pratiquant une concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société F-Libri qui édite des livres sous les deux marques. 2. Après une mise en demeure suivie d'un échange qui ne les a pas satisfaites, elles ont assigné cette société le 28 octobre 2021, qui a, par conclusions d'incident du 24 mars 2022, soulevé la nullité de l'assignation. 3. Dans ses dernières conclusions d'incident du 23 juin 2022, la société Amazon EU demande de déclarer l'assignation nulle, de rejeter l'intégralité des demandes formulées par la société F-Libri et par Mme [E] ainsi que de les condamner à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 4. Elle affirme que l'assignation ne contient pas un exposé en fait et en droit. Plus précisément, elle explique que cet acte ne lui permet pas de déterminer les faits qui lui sont reprochés et, en particulier, quels sont les produits prétendument contrefaisants, qui ne seraient identifiés que partiellement (notamment sans nom d'auteur, nom de vendeur, et sans ISBN), par des copies d'écran floues, et de façon contradictoire avec le contenu d'un constat d'huissier contenant d'autres références ; et quels sont les actes de parasitisme et de concurrence déloyale allégués. 5. Dans leurs conclusions d'incident du 19 mai 2022, la société F-Libri et Mme [E] résistent aux demandes de la société Amazon EU ainsi qu'à l'exception de nullité de l'assignation. Elles demandent elles-mêmes qu'il soit enjoint à la société Amazon EU de conclure au fond, outre 5 000 euros pour procédure abusive, 5 000 euros au titre de l'article 700, et les dépens. 6. S'agissant de la validité de l'assignation, la société F-Libri et Mme [E] estiment notamment que les produits argüés de contrefaçon sont parfaitement identifiés dès lors qu'ils sont désignés par leurs titres respectifs, leur thème principal ainsi que les reproductions de leurs pages de couverture insérées dans l'assignation. De la même manière, elles affirment que les faits de parasitisme sont clairement définis puisque l'assignation mentionne la reprise quasi identique par la société Amazon EU des titres et couvertures des ouvrages publiés par la société F-Libri. Elles ajoutent que les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Amazon EU sont identifiés dès lors que l'assignation fait état de la mise en avant par la société Amazon EU de ses propres ouvrages aux dépens de ceux de d'éditeurs indépendants. 7. Elles estiment enfin que cette exception de nullité est abusive car dilatoire. 8. L'incident a été plaidé à l'audience du 23 juin 2022. 1) Validité de l'assignation 9. Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit fondant la demande. En matière de marques, il s'en infère que le demandeur à l'action en contrefaçon doit, d'une part, désigner la ou les marques qu'il estime contrefaites et d'autre part indiquer de manière suffisament claire les produits prétendument contrefaisants. Le défendeur ne peut en effet utilement se défendre que s'il lui est permis d'identifier les droits privatifs qui lui sont opposés ainsi que les actes litigieux dont il serait responsable. De la même manière, en matière de parasitisme et de concurrence déloyale, il importe que le demandeur identifie les faits et actes à l'origine de ses prétentions. 10. L'article 114 du code de procédure civile dispose que s'agissant des irrégularités de forme, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. 11. Au soutien de leurs demandes en contrefaçon de marques, la société F-Libri et Mme [E] indiquent dans leur assignation que les marques en cause bénéficient d'une protection au titre des articles L.713-2 et L.716-4 du code de la propriété intellectuelle. Il s'agit de moyens de droit ; au demeurant, l'absence de moyen de droit n'est pas critiquée. 12. Il ressort en outre de l'assignation que Mme [E] prétend être titulaire des marques verbales françaises « Mamie, parle nous de toi » et « Papy, parle nous de toi ». La société F-Libri indique publier, avec l'aval de Mme [E], des livres dont les intitulés reprennent ces marques. Les droits invoqués au soutien de la demande sont donc explicités. 13. En revanche, si les demanderesses ont inséré dans leur assignation, sous la forme de captures d'écran, vingt-deux références d'ouvrage qu'elles disent contrefaisants, ces captures d'écran, dont la qualité visuelle est très mauvaise dans l'assignation délivrée (tel que constaté par le tribunal sur l'exemplaire qui a été placé), ne permettent de distinguer que le titre (et parfois, avec difficulté) et la couverture du livre, sans que soit lisible ni l'auteur, ni l'éditeur, ni le vendeur, ni même l'ISBN. Or les titres de livres en cause sont d'une certaine banalité, et très similaires entre eux (c'est au demeurant un des aspects du litige), ce qui rend chacun de ces titres peu apte à identifier de manière certaine le produit visé. 14. Il était alors nécessaire d'identifier ces livres en indiquant au moins leur auteur en plus du titre (sans parler de l'ISBN, qui aurait permis une identification incontestable, et dont les demanderesses n'allèguent pas qu'elles ne le connaissaient pas). Cette identification certaine était d'autant plus nécessaire en l'espèce que la défenderesse, au-delà de son activité de vente de livres, met également sa plateforme à disposition de tiers qui vendent les leurs, ce qui lui impose de connaitre précisément les produits visés dans l'assignation pour rechercher si c'est de son fait ou du fait d'un tiers qu'ils sont présents sur son site. Dans ces conditions, le défendeur à qui l'on reproche la vente de ces produits insuffisamment identifiés n'est pas en mesure de savoir clairement ce qui lui est reproché, ce qui revient à une absence de moyens de fait, et lui a fait à l'évidence grief au cas présent, où rien n'indique que la société Amazon ait eu la possibilité de réparer par elle-même l'imprécision de l'assignation. 15. S'agissant de leurs demandes en matière de parasitisme et de concurrence déloyale, les livres litigieux sont identifiés de la même manière, c'est-à-dire insuffisamment. 16. Ainsi dépourvue de moyens de fait au soutient de certaines prétentions, d'une façon qui a empêché la société Amazon de se défendre utilement, l'assignation est nulle, indépendamment de ce que d'autres prétentions puissent être, elles, soutenues par des moyens de fait et de droit. 17. Il s'ensuit que la demande pour abus est infondée et doit être rejetée. 2) Dispositions finales 18. Aux termes de l'article 696 du code de la procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 19. Les demanderesses perdent le procès. Elles sont donc tenus aux dépens ; et doivent indemniser la défenderesse de ses frais, qui peuvent être estimés, au regard du travail nécessité par le manque de clarté et de cohérence de l'assignation, à 3 000 euros. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, DÉCLARE nulle l'assignation ; DÉBOUTE la société F-Libri et Mme [E] de leurs demandes indemnitaires au titre d'une procédure abusive ; CONDAMNE la société F-Libri et Mme [E] aux dépens ainsi qu'à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de la procédure civile ; Faite et rendue à Paris le 11 août 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE No RG 22/55128 - No Portalis 352J-W-B7G-CXGVO Assignation du : 16 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 20 septembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société MERCK SHARP & DOHME LLC [Adresse 4] [Adresse 8] [Localité 1] Société MSD FRANCE [Adresse 3] [Localité 7] représentées par Maître Laetitia BENARD du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0022 DEFENDERESSES Société MYLAN IRELAND LIMITED [Adresse 5] DUBLIN/ IRLANDE Société VIATRIS SANTE [Adresse 2] [Localité 6] représentées par Maître Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #A0948 Après avoir entendu les conseils des parties à l'audience du 20 Juillet 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige : 1. La société Merck Sharp & Dohme Llc est une filiale du laboratoire pharmaceutique américain Merck & Co., Inc. (Rahway, New Jersey, Etats-Unis), titulaire des droits de propriété intellectuelle du groupe objets du présent litige. La société MSD France est quant à elle la filiale de la société Merck & Co. Inc. en charge de la commercialisation des spécialités pharmaceutiques du groupe sur le territoire français. 2. La société Merck Sharp & Dohme Llc est ainsi titulaire du brevet européen désignant la France no1 412 357 (ci-après EP 357), déposé le 5 juillet 2002, ayant pour titre «Beta-amino-tétrahydroimidazo(1,2-a)pyrazines et Beta-amino-tétrahydrotrioazolo(4,3-a)pyrazines utilisées en tant qu'inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase dans le traitement ou la prévention du diabète ». Le brevet EP 357 est issu d'une demande internationale no 03/004498 (WO 498), également déposée le 5 juillet 2002, sous priorité de la demande US no 20010303474P du 6 juillet 2001. La publication de la délivrance du brevet EP 357 est intervenue le 22 mars 2006 et ce brevet a expiré le 5 juillet 2022. 3. Le brevet EP 357 couvre des composés inhibiteurs de l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV, ainsi que des compositions pharmaceutiques contenant ces composés, utiles dans le traitement et la prévention de maladies dans lesquelles l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV (DP-IV) est impliquée, telles que le diabète et en particulier le diabète de type 2. 4. Une autorisation de mise sur le marché pour un produit "objet de ce brevet" a été octroyée au sein de l'Union européenne le 8 avril 2008, sous le noEU/1/08/455/01, et ce, pour la combinaison de phosphate monohydraté de sitagliptine et de chlorydrate de metformine (Résumé des caractéristiques du produit : pièce Merck no202). La spécialité pharmaceutique correspondant à cette AMM est commercialisée sous la dénomination Janumet® et cette AMM a donné lieu au dépôt de la demande de certificat complémentaire de protection no 08C0033 (ci-après CCP 033), délivré par l'INPI le 17 décembre 2010. Ce CCP expirera le 8 avril 2023. 5. L'autorisation de mise sur le marché pour le principe actif sitagliptine (seul) a été octroyée dans l'Union européenne sous le no EU/1/07/383/001 le 23 mars 2007. La spécialité pharmaceutique couvrant la sitagliptine est commercialisée sous la dénomination Januvia®. Cette AMM a donné lieu au dépôt de la demande de CCP no 07C0041 (ci-après CCP 041), le CCP ayant finalement été délivré par l'INPI le 26 septembre 2016. Ce CCP, qui devait initialement expirer le 23 mars 2022, a été prorogé de 6 mois jusqu'au 23 septembre 2022, au regard des études pédiatriques menées sur la sitagliptine. 6. Le 16 février 2022, la société Mylan Ireland Limited a obtenu la délivrance de deux autorisations de mise sur le marché en France pour les spécialités « Sitagliptine/ chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et «Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé ». La société Viatris Santé est désignée comme étant l'exploitante de ces spécialités génériques en France. Par une lettre du 29 avril 2022, le Comité économique des produits de santé a informé la société MSD France de ce que la société Viatris Santé avait sollicité la délivrance d'un prix pour ces spécialités génériques ainsi que leur inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et des services publics. 7. Le 10 juin 2022, faisant suite à la mise en demeure de ne pas commercialiser les produits pour lesquels elle avait obtenu ces AMM que lui avaient adressée les conseils des sociétés Merck le 24 mai 2022, la société Viatris Santé a répondu en ces termes : « Nous confirmons que, tant que le CCP français relatif à la sitagliptine sera en vigueur, nous n'avons pas l'intention de lancer de produit contenant de la sitagliptine ou une combinaison de sitaglitptine et de metformine en France avant l'expiration du CCP sur le mono produit en septembre 2022. Nous considérons que le CCP français de combinaison couvrant la sitagliptine et la metformine qui expire en avril 2023 est nul à tout le moins au vu de l'article 3(c) du Règlement CCP. En outre, nous notons que le Tribunal fédéral des brevets a jugé en juin 2021 que le CCP allemand de combinaison couvrant la sitagliptine et la metformine était nul sur ce fondement». 8. C'est dans ce contexte que les sociétés Merck ont sollicité et obtenu, par une ordonnance du 15 juin 2022, l'autorisation de faire citer les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l'audience du 20 juillet 2022 à 10 heures, aux fins d'obtenir l'interdiction de la commercialisation de la spécialité Sitagliptine/ chlorhydrate de Metformine Mylan jusqu'à l'expiration du CCP 033, soit le 8 avril 2023. 9. Aux termes de leurs conclusions développées oralement à l'audience du 20 juillet 2022, les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France demandent au juge des référés de : - Les DECLARER recevables et bien fondées leurs demandes à l'encontre de Mylan Ireland Limited et Viatris Santé ; - DIRE que les spécialités génériques « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et « Sitagliptine/ Chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé » reproduisent le certificat complémentaire de protection no 08C0033 de sorte que l'imminence de contrefaçon des droits de Merck Sharp & Dohme Llc n'est pas sérieusement contestable ; - DIRE que la commercialisation illicite imminente des spécialités génériques « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé » constitue un acte de concurrence déloyale à l'encontre de MSD France ; - INTERDIRE aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé jusqu'au 8 avril 2023 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché, utiliser et détenir aux fins précités, des compositions pharmaceutiques reproduisant le certificat complémentaire de protection no 08C0033, sous astreinte de 1.000 € par comprimé fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, mis sur le marché, utilisé ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de signification de l'ordonnance à intervenir ; - ORDONNER aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé de rappeler et/ou retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant le certificat complémentaire de protection no 08C0033, sous astreinte de 100 € par comprimé non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48 heures suivant la date de signification de l'ordonnance à intervenir ; - AUTORISER les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSDFrance à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant le certificat complémentaire de protection no 08C0033 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais des sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d'actes de contrefaçon et par conséquent de : . autoriser les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France à faire procéder par tout huissier instrumentaire de leur choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant le certificat complémentaire de protection no 08C0033 dans les locaux de la société Viatris Santé et en tous endroits dans lesquels les opérations révèleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ; . autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France, autres que les subordonnés des Demanderesses ; . autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude ; . autoriser l'huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; . dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant le certificat complémentaire de protection no 08C0033, à saisir dans les lieux de la saisie ; . autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ; - ORDONNER aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de signification de l'ordonnance à intervenir, à communiquer à la société Merck Sharp & Dohme Llc, tous documents ou informations détenus par les sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant le certificat complémentaire de protection no08C0033, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs de ces produits, (ii) les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d'achat de ces produits ; - DIRE que le président sera compétent pour statuer, s'il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu'il a fixées ; - DÉBOUTER les sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - CONDAMNER les sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé à payer aux sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France la somme de 150.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER les sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me Laëtitia Bénard, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; - RAPPELER que l'exécution provisoire de l'ordonnance à intervenir est de droit. 10. Dans leurs conclusions développées oralement à l'audience du 20 juillet 2022, les société Mylan Ireland Ltd et Viatris Santé demandent au juge des référés de : - Déclarer irrecevables, et à tout le moins mal fondées, les demandes à l'encontre de la société Mylan Ireland Limited, - Déclarer irrecevable la société MSD France, et à tout le moins mal fondée en ses demandes, - Juger qu'il existe des contestations sérieuses sur la validité et la contrefaçon du CCP opposé et débouter les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, - Débouter les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France de leurs demandes d'interdiction, de rappel, de saisie réelle des produits litigieux, et de droit à l'information, En tout état de cause, - Condamner in solidum les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France à payer 100.000 € aux sociétés Viatris Sante et Mylan Ireland Limited au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner in solidum les sociétés Merck Sharp & Dohme Llc et MSD France aux entiers dépens dans les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile. 11. Plaidée à l'audience du 20 juillet 2022 la décision a été mise en délibéré au 20 septembre suivant. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) L'office du juge des référés 12. L'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que " Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...)" 13. Selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 14. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, saisi de demandes présentées au visa de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. 15. Il convient donc d'examiner les moyens soulevés aux fins de contester la validité du titre après la présentation de l'invention objet du brevet de base et le rappel des règles relatives à la délivrance des certificats complémentaires de protection. 2o) Rappel des règles relatives aux CCP 16. Délivré le 17 décembre 2010, le CCP 033 est régi par le règlement (CE) no 469 / 2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments. 17. Il y a lieu de rappeler que les règles édictées par ce règlement sont précédées des considérants suivants : "(3) Les médicaments, et notamment ceux résultant d'une recherche longue et coûteuse, ne continueront à être développés dans la Communauté et en Europe que s'ils bénéficient d'une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche. (4) À l'heure actuelle, la période qui s'écoule entre le dépôt d'une demande de brevet pour un nouveau médicament et l'autorisation de mise sur le marché dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche. (5) Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique. (...) (9) La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu'elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d'un brevet et d'un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d'exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans la Communauté, du médicament en question. (10) Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu'il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l'autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament." 18. Les dispositions suivantes du règlement apparaissent en outre pertinentes pour statuer sur le présent litige : "Article premier Définitions Aux fins du présent règlement, on entend par : a) «médicament»: toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal ; b) «produit»: le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament; c) «brevet de base»: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat ; d) «certificat»: le certificat complémentaire de protection; Article 3 Conditions d'obtention du certificat Le certificat est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande visée à l'article 7 et à la date de cette demande : a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur; b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas ; c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ; d) l'autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament. Article 13 Durée du certificat 1. Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d'une période de cinq ans. 2. Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet. Article 15 Nullité du certificat 1. Le certificat est nul : a) s'il a été délivré contrairement aux dispositions de l'article 3 ;" 19. Par un arrêt du 25 juillet 2018 (aff. C-121/17, Teva UK c/ Gilead Sciences Inc.), rendu en grande chambre, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé sa jurisprudence relative aux conditions de validité des certificats complémentaires de protection en ces termes (précisant les modalités du test dit de la "divulgation" qu'il convient d'effectuer pour déterminer les conditions de validité d'un CCP et en particulier déterminer si un produit est couvert par le brevet de base) : "34 La Cour a itérativement souligné le rôle essentiel des revendications aux fins de déterminer si un produit est protégé par un brevet de base au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company, C-493/12, point 34 et jurisprudence citée). 35 En ce qui concerne, en particulier, le brevet européen, il convient de relever que, aux termes de l'article 69 de la CBE, l'étendue de la protection conférée par un tel brevet est déterminée par les revendications. Les indications figurant à l'article 1er du protocole interprétatif de cet article 69 précisent que ces revendications doivent permettre d'assurer à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. Ainsi, elles ne doivent ni uniquement servir de lignes directrices ni être lues comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par un brevet est déterminée par le sens étroit et littéral du texte des revendications. 36 À ce titre, la Cour a jugé que l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s'oppose pas, en principe, à ce qu'un principe actif répondant à une définition fonctionnelle figurant dans les revendications d'un brevet de base délivré par l'OEB puisse être considéré comme étant protégé par ce brevet, à la condition toutefois que, sur la base de telles revendications, interprétées notamment à la lumière de la description de l'invention, ainsi que le prescrivent l'article 69 de la CBE et le protocole interprétatif de celui-ci, il soit possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique (arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company, C-493/12, point 39). 37 Dès lors, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009, que lorsque le produit faisant l'objet du CCP est soit explicitement mentionné, soit nécessairement et spécifiquement visé dans les revendications de ce brevet. 38 À cette fin, conformément à la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt, il y a lieu d'avoir égard à la description et aux dessins du brevet de base, ainsi que le prescrit l'article 69 de la CBE, lu à la lumière du protocole interprétatif de celui-ci, dès lors que ces éléments permettent de déterminer si le produit faisant l'objet du CCP est visé dans les revendications du brevet de base et relève effectivement de l'invention couverte par ce brevet. 39 Cette exigence est conforme à l'objectif du CCP, consistant à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet de base en permettant à son titulaire de bénéficier d'une période d'exclusivité supplémentaire à l'expiration de ce brevet, destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l'exploitation commerciale de son invention en raison du laps de temps qui s'est écoulé entre la date du dépôt de la demande de brevet et celle de l'obtention de la première AMM dans l'Union. Le considérant 4 du règlement no 469/2009 précise à cet égard que l'octroi de cette période d'exclusivité supplémentaire a vocation à encourager la recherche et, pour ce faire, vise à permettre un amortissement des investissements effectués dans cette recherche (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company, C-493/12,points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée). 40 Le CCP n'a, en revanche, pas pour vocation d'étendre le champ de la protection conférée par ce brevet au-delà de l'invention couverte par ledit brevet. Il serait, en effet, contraire à l'objectif du règlement no 469/2009, rappelé au point précédent, d'octroyer un CCP pour un produit qui ne relève pas de l'invention couverte par le brevet de base, dans la mesure où un tel CCP ne porterait pas sur les résultats de la recherche revendiqués par ce brevet. 41 En outre, eu égard à la nécessité, rappelée au considérant 10 du règlement no 469/2009, de prendre en compte tous les intérêts en jeu, y compris ceux relatifs à la santé publique, admettre qu'un CCP puisse conférer une protection au titulaire du brevet de base au-delà de celle assurée par ce brevet au titre de l'invention qu'il couvre serait contraire à la mise en balance devant être faite, s'agissant de l'encouragement de la recherche dans l'Union au moyen d'un CCP, entre les intérêts de l'industrie pharmaceutique et ceux de la santé publique (voir, par analogie, arrêt du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK, C-577/13, point 36 et jurisprudence citée). 42 Il convient d'ajouter que, compte tenu des intérêts visés aux considérants 4, 5, 9 et 10 du règlement no 469/2009, il ne saurait être admis que le titulaire d'un brevet de base en vigueur puisse obtenir un CCP à chaque fois qu'il met sur le marché d'un État membre un médicament contenant, d'une part, un principe actif, protégé en tant que tel par son brevet de base, constituant l'objet de l'invention couverte par ce brevet et, d'autre part, une autre substance, laquelle ne constitue pas l'objet de l'invention couverte par le brevet de base (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK, C-577/13, point 37 et jurisprudence citée). 43 Il en résulte que, au regard des objectifs poursuivis par le règlement no 469/2009, les revendications ne sauraient permettre au titulaire du brevet de base de bénéficier, par l'obtention d'un CCP, d'une protection allant au-delà de celle conférée pour l'invention couverte par ce brevet. Ainsi, aux fins de l'application de l'article 3, sous a), de ce règlement, les revendications du brevet de base doivent être comprises à l'aune des limites de cette invention, telle qu'elle ressort de la description et des dessins de ce brevet. 44 Cette interprétation est confortée par l'article 4 du règlement no469/2009, qui précise que la protection conférée par le CCP s'étend au seul produit couvert par l'AMM du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l'expiration du CCP, mais uniquement « [d]ans les limites de la protection conférée par le brevet de base ». 45 Il en va de même de l'article 5 de ce règlement, en vertu duquel le CCP confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes obligations. Ainsi, si le titulaire du brevet pouvait, pendant la période de validité de celui-ci, s'opposer, sur le fondement de son brevet, à toute utilisation ou à certaines utilisations de son produit sous la forme d'un médicament consistant en un tel produit ou contenant celui-ci, le CCP délivré à l'égard de ce même produit lui conférera les mêmes droits pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l'expiration du certificat (arrêts du 24 novembre 2011, Medeva, C-322/10, point 39, ainsi que du 24 novembre 2011, Georgetown University e.a., C-422/10, point 32). 46 Il découle de ce qui précède que l'objet de la protection conférée par un CCP doit se limiter aux caractéristiques techniques de l'invention couverte par le brevet de base, telles que revendiquées par ce brevet. 47 S'agissant de la mise en oeuvre de cette règle, il convient, en premier lieu, de préciser que, conformément à un principe commun aux droits des brevets des États membres et reflété à l'article 1er du protocole interprétatif de l'article 69 de la CBE, c'est par référence au point de vue de l'homme du métier qu'il y a lieu d'interpréter les revendications d'un brevet et, partant, de déterminer si le produit qui fait l'objet d'un CCP relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet. 48 À cette fin, il s'agit de vérifier si l'homme du métier peut comprendre de façon univoque, sur le fondement de ses connaissances générales et à la lumière de la description et des dessins de l'invention contenus dans le brevet de base, que le produit visé dans les revendications du brevet de base est une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par ce brevet. 49 En second lieu, au regard de l'objectif du règlement no 469/2009 rappelé au point 39 du présent arrêt, aux fins d'apprécier si un produit relève de l'invention couverte par un brevet de base, il convient d'avoir uniquement égard à l'état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité de ce brevet, de sorte que le produit puisse être identifié de façon spécifique par l'homme du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet. 50 En effet, s'il était admis qu'une telle appréciation puisse être effectuée à l'aune de résultats issus de la recherche intervenue après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, un CCP pourrait permettre à son titulaire de bénéficier indûment d'une protection pour ces résultats alors même que ceux-ci n'étaient pas encore connus à la date de priorité ou de dépôt dudit brevet et, de surcroît, en dehors de toute procédure visant à l'obtention d'un nouveau brevet. Ceci contreviendrait, ainsi qu'il a été rappelé aux points 40 et 41 du présent arrêt, à l'objectif du règlement no 469/2009. 51 Dès lors, aux fins de déterminer si un produit faisant l'objet d'un CCP est protégé par un brevet de base, au sens de l'article 3, sous a), de ce règlement, ce produit doit pouvoir être identifié de façon spécifique par l'homme du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base et de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet. 52 Au regard de l'ensemble des considérations qui précèdent, un produit est « protégé par un brevet de base en vigueur », au sens de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009, pour autant que ce produit, même s'il n'est pas explicitement mentionné dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visé dans l'une des revendications de ce brevet. À cette fin, ledit produit doit nécessairement relever, pour l'homme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de l'invention couverte par ce brevet. L'homme du métier doit être en mesure d'identifier ce produit de façon spécifique à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet, et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet. 53 Une telle interprétation de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009 doit également être retenue dans une situation, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, où les produits faisant l'objet d'un CCP sont composés de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné. 54 Ainsi, s'agissant du point de savoir si une revendication, telle la revendication 27 du brevet de base en cause, couvre effectivement une combinaison, telle que la combinaison TD/emtricitabine faisant l'objet du CCP en cause, il revient à la juridiction de renvoi de déterminer si l'expression générale « autres ingrédients thérapeutiques », associée à l'incise « le cas échéant », répond à l'exigence selon laquelle le produit doit être nécessairement et spécifiquement visé dans les revendications du brevet de base. 55 En particulier, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément aux considérations figurant aux points 47 à 51 du présent arrêt, si, du point de vue de l'homme du métier, la combinaison des principes actifs composant le produit faisant l'objet du CCP en cause relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet et si chacun de ces principes actifs est identifiable de façon spécifique, sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité dudit brevet. 56 En l'occurrence, il ressort, d'une part, des indications contenues dans la décision de renvoi que la description du brevet de base en cause ne donne aucune indication quant à l'éventualité que l'invention couverte par ce brevet puisse concerner spécifiquement un effet combiné du TD et de l'emtricitabine en vue du traitement du VIH. Partant, l'homme du métier, sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité de ce même brevet, ne semble pas pouvoir être en mesure de comprendre en quoi l'emtricitabine relève nécessairement, en combinaison avec le TD, de l'invention couverte par ce brevet. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est bien le cas. D'autre part, il revient encore à cette dernière de déterminer si l'emtricitabine peut être spécifiquement identifiée par cet homme du métier à la lumière de l'ensemble des éléments contenus dans ledit brevet, sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet." Puis la Cour a dit pour droit que : "l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu'un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est « protégé par un brevet de base en vigueur », au sens de cette disposition, dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle n'est pas explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications. À cette fin, du point de vue de l'homme du métier et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base : – la combinaison de ces principes actifs doit relever nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de l'invention couverte par celui-ci et – chacun desdits principes actifs doit être spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet."(CJUE, 25 juillet 2018, aff. C-121/17, Teva UK c/ Gilead Sciences Inc.) 20. Dans ses conclusions présentées le 25 avril 2018, l'avocat général Wathelet avait d'ailleurs relevé que "il ressort de la jurisprudence de la Cour, en particulier dans les arrêts du 24 novembre 2011, Medeva (C-322/10), du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C-493/12), et du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK (C-577/13), que le seul moyen de vérifier si un brevet de base protège un principe actif au sens de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009 réside strictement dans le libellé ou l'interprétation du libellé des revendications du brevet délivré. Tout autre critère additionnel, comme l'exigence proposée par la juridiction de renvoi que le principe actif renferme « l'activité inventive du brevet » risque, à mon avis, d'engendrer une confusion avec les critères de brevetabilité d'une invention. Or, la question de savoir si un produit est protégé par un brevet au sens de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009 n'est pas la même que celle de savoir si ce produit est brevetable (...)". 21. L'arrêt Teva exclut donc clairement le critère du "coeur de l'activité inventive" comme pertinent pour l'interprétation de l'article 3 du règlement no 469/2009, ce que confirme l'arrêt Royalty Pharma Collection Trust contre Deutsches Patent- und Markenamt, du 30 avril 2020 (aff. C-650/17), dans un paragraphe d'observations préliminaires ainsi rédigé : "il convient d'observer que, dans la réponse qu'elle a apportée à la question posée dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C-121/17, points 34 et 35), la Cour n'a pas employé la notion de « c?ur de l'activité inventive », alors même que la juridiction de renvoi l'y invitait dans sa demande de décision préjudicielle. Au contraire, dans cet arrêt, la Cour a rappelé le rôle essentiel des revendications, en application de l'article 69 de la CBE et de l'article 1er du protocole interprétatif de cet article 69, confirmant ainsi que l'objet de la protection conférée par un CCP doit se limiter aux caractéristiques techniques de l'invention couverte par le brevet de base, telles que revendiquées par ce brevet (arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a., C-121/17, point 46), et non pas s'étendre au « c?ur de l'activité inventive ». Ce faisant, la Cour s'est clairement fondée sur une interprétation de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009, dans le cadre de laquelle la notion de « c?ur de l'activité inventive » n'est pas pertinente." (CJUE, 30 avril 2020, Royalty Pharma, aff. C-650/17, points 31 et 32) 22. Certes, ces décisions ne concernent expressément que les dispositions de l'article 3 sous a) du règlement no 469/2009. Toutefois, ainsi que l'a déjà retenu ce tribunal, il apparaît que la notion de "produit" ou de "principe actif" ne peut être définie différemment pour la mise en oeuvre de l'article 3 sous c). Il apparaît en particulier douteux que le produit doive constituer le "coeur de l'activité inventive" pour la mise en oeuvre de l'article 3 sous c), alors même que cela est désormais très clairement exclu pour l'article 3 sous a). 3o) Présentation du brevet EP 357 23. Le paragraphe [0001] de la description du brevet EP 357 précise le domaine technique dans lequel s'inscrit l'invention et rappelle que "Le diabète fait référence à un processus pathologique dérivé de multiples facteurs étiologiques et caractérisé par des taux élevés de glucose plasmatique ou d'hyperglycémie à jeun ou après administration de glucose lors d'un test de tolérance au glucose par voie orale. Une hyperglycémie persistante ou incontrôlée est associée à une morbidité et une mortalité accrues et prématurées. Souvent, une homéostasie anormale du glucose est associée à la fois directement et indirectement à des altérations du métabolisme des lipides, des lipoprotéines et des apolipoprotéines et à d'autres maladies métaboliques et hémodynamiques. Par conséquent, les patients atteints de diabète sucré de type 2 présentent un risque particulièrement accru de complications macrovasculaires et microvasculaires, y compris les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies vasculaires périphériques, l'hypertension, la néphropathie, la neuropathie et la rétinopathie. Par conséquent, le contrôle thérapeutique de l'homéostasie du glucose, du métabolisme des lipides et de l'hypertension est d'une importance cruciale dans la gestion clinique et le traitement du diabète sucré." (Soit en langue anglaise : "Diabetes refers to a disease process derived from multiple causative factors and characterized by elevated levels of plasma glucose or hyperglycemia in the fasting state or after administration of glucose during an oral glucose tolerance test. Persistent or uncontrolled hyperglycemia is associated with increased and premature morbidity and mortality. Often abnormal glucose homeostasis is associated both directly and indirectly with alterations of the lipid, lipoprotein and apolipoprotein metabolism and other metabolic and hemodynamic disease. Therefore patients with Type 2 diabetes mellitus are at especially increased risk of macrovascular and microvascular complications, including coronary heart disease, stroke, peripheral vascular disease, hypertension, nephropathy, neuropathy, and retinopathy. Therefore, therapeutical control of glucose homeostasis, lipid metabolism and hypertension are critically important in the clinical management and treatment of diabetes mellitus.") 24. Le paragraphe [0002] précise qu'il " existe deux formes de diabète généralement reconnues. Dans le diabète de type 1, ou diabète sucré insulino-dépendant (IDDM), les patients produisent peu ou pas d'insuline, l'hormone qui régule l'utilisation du glucose. Dans le diabète de type 2, ou diabète sucré non insulino-dépendant (DNID), les patients ont souvent des taux plasmatiques d'insuline identiques ou même élevés par rapport aux sujets non diabétiques ; cependant, ces patients ont développé une résistance à l'effet stimulant de l'insuline sur le métabolisme du glucose et des lipides dans les principaux tissus sensibles à l'insuline, qui sont les tissus musculaires, hépatiques et adipeux, et les taux plasmatiques d'insuline, bien qu'élevés, sont insuffisants pour surmonter l'effet prononcé de résistance à l'insuline." (Soit en langue anglaise : "There are two generally recognized forms of diabetes. In type 1 diabetes, or insulin-dependent diabetes mellitus (IDDM), patients produce little or no insulin, the hormone which regulates glucose utilization. In type 2 diabetes, or noninsulin dependent diabetes mellitus (NIDDM), patients often have plasma insulin levels that are the same or even elevated compared to nondiabetic subjects; however, these patients have developed a resistance to the insulin stimulating effect on glucose and lipid metabolism in the main insulin-sensitive tissues, which are muscle, liver and adipose tissues, and the plasma insulin levels, while elevated, are insufficient to overcome the pronounced insulin resistance.") 25. Selon le paragraphe [0003] " La résistance à l'insuline n'est pas principalement due à une diminution du nombre de récepteurs de l'insuline, mais à un défaut de liaison aux récepteurs post-insuline qui n'est pas encore compris. Cette résistance à la réactivité à l'insuline entraîne une activation insuffisante par l'insuline de l'absorption, de l'oxydation et du stockage du glucose dans les muscles et une répression inadéquate par l'insuline de la lipolyse dans le tissu adipeux et de la production et de la sécrétion de glucose dans le foie." (Soit en langue anglaise : "Insulin resistance is not primarily due to a diminished number of insulin receptors but to a post-insulin receptor binding defect that is not yet understood. This resistance to insulin responsiveness results in insufficient insulin activation of glucose uptake, oxidation and storage in muscle and inadequate insulin repression of lipolysis in adipose tissue and of glucose production and secretion in the liver.") 26. Le paragraphe [0004] enseigne ensuite que les traitements disponibles pour le diabète de type 2, qui n'ont pas beaucoup changé depuis de nombreuses années, ont des limites reconnues. En particulier, "les biguanides augmentent la sensibilité à l'insuline entraînant une certaine correction de l'hyperglycémie. Cependant, les deux biguanides, la phenformine et la metformine, peuvent induire une acidose lactique et des nausées/diarrhées. La metformine a moins d'effets secondaires que la phenformine et est souvent prescrite pour le traitement du diabète de type 2." (Soi en anglais : " The available treatments for type 2 diabetes, which have not changed substantially in many years, have recognized limitations. (...) The biguanides increase insulin sensitivity resulting in some correction of hyperglycemia. However, the two biguanides, phenformin and metformin, can induce lactic acidosis and nausea/diarrhea. Metformin has fewer side effects than phenformin and is often prescribed for the treatment of Type 2 diabetes.") 27. Les paragraphes [0005] et [0006] décrivent ensuite des études en cours sur de nouveaux composés, les glitazones, ainsi que de nouvelles méthodes de traitement par inhibition de l'alpha-glucosidase. 28. Le paragraphe [0007] fait quant à lui référence aux résultats de recherches en cours sur les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-IV et révèle leur effet d'augmentation de l'insuline sans augmentation du risque d'hypoglycémie : "Des composés qui sont des inhibiteurs de l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV ("DP-IV" ou "DPP-IV") sont également à l'étude en tant que médicaments pouvant être utiles dans le traitement du diabète, et en particulier du diabète de type 2. Voir par exemple WO 97/40832, WO 98/19998, brevet U.S. no 5 939 560, Bioorg. Méd. Chim. Lett., 6(10), 1163-1166 (1996); et Bioorg. Méd. Chim. Lett., 6(22), 2745-2748 (1996). L'utilité des inhibiteurs de la DP-IV dans le traitement du diabète de type 2 repose sur le fait que la DP-IV in vivo inactive facilement le glucagon like peptide-1 (GLP-1) et le peptide inhibiteur gastrique (GIP). Le GLP-1 et le GIP sont des incrétines et sont produits lors de la consommation d'aliments. Les incrétines stimulent la production d'insuline. L'inhibition de la DP-IV entraîne une inactivation réduite des incrétines, ce qui entraîne à son tour une efficacité accrue des incrétines dans la stimulation de la production d'insuline par le pancréas. L'inhibition de la DP-IV entraîne donc une augmentation du taux d'insuline sérique. Avantageusement, étant donné que les incrétines sont produites par l'organisme uniquement lors de la consommation d'aliments, l'inhibition de la DP-IV ne devrait pas augmenter le niveau d'insuline à des moments inappropriés, comme entre les repas, ce qui peut entraîner une glycémie excessivement basse (hypoglycémie). On s'attend donc à ce que l'inhibition de DP-IV augmente l'insuline sans augmenter le risque d'hypoglycémie, qui est un effet secondaire dangereux associé à l'utilisation de sécrétagogues d'insuline." (Soit en langue anglaise : "Compounds that are inhibitors of the dipeptidyl peptidase-IV ("DP-IV" or "DPP-IV") enzyme are also under investigation as drugs that may be useful in the treatment of diabetes, and particularly type 2 diabetes. See for example WO 97/40832, WO 98/19998, U.S. Patent No. 5,939,560, Bioorg. Med. Chem. Lett., 6(10), 1163-1166 (1996); and Bioorg. Med. Chem. Lett., 6(22), 2745-2748 (1996). The usefulness of DP-IV inhibitors in the treatment of type 2 diabetes is based on the fact that DP-IV in vivo readily inactivates glucagon like peptide-1 (GLP-1) and gastric inhibitory peptide (GIP). GLP-1 and GIP are incretins and are produced when food is consumed. The incretins stimulate production of insulin. Inhibition of DP-IV leads to decreased inactivation of the incretins, and this in turn results in increased effectiveness of the incretins in stimulating production of insulin by the pancreas. DP-IV inhibition therefore results in an increased level of serum insulin. Advantageously, since the incretins are produced by the body only when food is consumed, DP-IV inhibition is not expected to increase the level of insulin at inappropriate times, such as between meals, which can leadto excessively low blood sugar (hypoglycemia). Inhibition of DP-IV is therefore expected to increase insulin without increasing the risk of hypoglycemia, which is a dangerous side effect associated with the use of insulin secretagogues.") 29. Selon le paragraphe [0008] "De nouveaux composés sont nécessaires pour que des inhibiteurs améliorés de la DP-IV puissent être trouvés pour le traitement du diabète et potentiellement d'autres maladies et affections." ("New compounds are needed so that improved DP-IV inhibitors can be found for the treatment of diabetes and potentially other diseases and conditions.") 30. Ainsi, selon le paragraphe [0009] de la description du brevet, " La présente invention concerne des composés qui sont des inhibiteurs de l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV (« inhibiteurs de DP-IV ») et qui sont utiles dans le traitement ou la prévention de maladies dans lesquelles l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV est impliquée, telles que le diabète et notamment le diabète de type 2. L'invention concerne également des compositions pharmaceutiques comprenant ces composés et l'utilisation de ces composés et compositions dans la prévention ou le traitement de telles maladies dans lesquelles l'enzyme dipeptidyl peptidase-IV est impliquée." (Soi en langue anglaise : "The present invention is directed to compounds which are inhibitors of the dipeptidyl peptidase-IV enzyme ("DP-IV inhibitors") and which are useful in the treatment or prevention of diseases in which the dipeptidyl peptidase-IV enzyme is involved, such as diabetes and particularly type 2 diabetes. The invention is also directed to pharmaceutical compositions comprising these compounds and the use of these compounds and compositions in the prevention or treatment of such diseases in which the dipeptidyl peptidase-IV enzyme is involved.") 31. Le paragraphe [0033] précise que les composés de formule I incluent leurs sels pharmaceutiquement acceptables. ("It will be understood that, as used herein, references to the compounds of Formula I are meant to also include the pharmaceutically acceptable salts.") 32. Le paragraphe [0046] enseigne que les composés décrits sont utiles pour la prévention ou le traitement de diverses maladies, et en premier lieu le "diabète de type II et les troubles apparentés" et relate des résultats de tests : "Il est bien établi que les incrétines GLP-1 et GIP sont rapidement inactivées in vivo par la DP-IV. Des études sur des souris déficientes en DP-IV (-/-) et des essais cliniques préliminaires indiquent que l'inhibition de DP-IV augmente les concentrations à l'état d'équilibre de GLP-1 et de GIP, ce qui améliore la tolérance au glucose. Par analogie avec GLP-1 et GIP, il est probable que d'autres peptides de la famille du glucagon impliqués dans la régulation du glucose soient également inactivés par DP-IV (ex. PACAP, glucagon). L'inactivation de ces peptides par DP-IV peut également jouer un rôle dans l'homéostasie du glucose." (Soit en anglais : "Accordingly, the subject compounds are useful in a method for the prevention or treatment of the following diseases, disorders and conditions. Type II Diabetes and Related Disorders : It is well established that the incretins GLP-1 and GIP are rapidly inactivated in vivo by DP-IV. Studies with DP-IV (-/-) -deficient mice and preliminary clinical trials indicate that DP-IV inhibition increases the steady state concentrations of GLP-1 and GIP, resulting in improved glucose tolerance. By analogy to GLP-1 and GIP, it is likely that other glucagon family peptides involved in glucose regulation are also inactivated by DP-IV (eg. PACAP, glucagon). Inactivation of these peptides by DP-IV may also play a role in glucose homeostasis.") 33. Le paragraphe [0053] de la description enseigne un composé comprenant un inhibiteur de la DP-IV et d'autres produits, dont les biguanides, à savoir la metformine et la phenformine ("Examples of other active ingredients that may be administered in combination with a compound of Formula I, and either administered separately or in the same pharmaceutical composition, include, but are not limited to: (a) other dipeptidyl peptidase IV (DP-IV) inhibitors; (b) insulin sensitizers including (i) PPAR agonists such as the glitazones (e.g. troglitazone, pioglitazone, englitazone, MCC-555, rosiglitazone, and the like) and other PPAR ligands, including PPAR a/ dual agonists, such as KRP-297, and PPAR a agonists such as fenofibric acid derivatives (gemfibrozil, clofibrate, fenofibrate and bezafibrate), (ii) biguanides such as metformin and phenformin, and (iii) protein tyrosine phosphatase-1B (PTP-1B) inhibitors; (...)" 34. Le brevet EP 357 comporte 30 revendications, qui couvrent de nouveaux antidiabétiques tétrahydrotriazolopyrazine ß-amino-substitués, parmi lesquels la sitagliptine. La revendication 1 du brevet EP 357 (de type Markush) porte ainsi sur un composé de formule I et est rédigée comme suit : "1. Composé de formule I : dans laquelle : Ar est un phényle qui n'est pas substitué ou est substitué par 1 à 5 R<3> , dans lequel R<3> est indépendamment choisi dans le groupe constitué de : (1) un halogène, (2) un alkyle en C1 à 6, qui est linéaire ou ramifié et qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 halogènes, (3) un O alkyle en C1 à 6 , qui est linéaire ou ramifié et qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 halogènes et X est choisi dans le groupe constitué de : (2) CR<2> ; R<1> et R<2> sont indépendamment choisis dans le groupe constitué de : (1) un hydrogène, (3) un alkyle en C1 à 10 , qui est linéaire ou ramifié et qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 halogènes ou un phényle qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 substituants indépendamment choisis parmi un halogène, CN, OH, R<4> , OR<4> , NHSO2 R<4> , SO2 R<4> , CO2 H et un CO2 alkyle en C1 à 6 , dans lequel le CO2 alkyle en C1 à 6 est linéaire ou ramifié, (4) un phényle qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 substituants indépendamment choisis parmi un halogène, CN, OH, R<4> , OR<4> , NHSO2 R<4> , SO2 R<4> , CO2 H et un CO2 alkyle en C1 à 6 , dans lequel le CO2 alkyle en C1 à 6 est linéaire ou ramifié et (5) un hétérocycle à 5 ou 6 membres qui peut être saturé ou insaturé comprenant 1 à 4 hétéroatomes indépendamment choisis parmi N, S et O, l'hétérocycle n'étant pas substitué ou étant substitué par 1 à 3 substituants indépendamment choisis parmi un oxo, OH, un halogène, un alkyle en C1 à 6 et un O alkyle en C1 à 6 , dans lequel l' alkyle en C1 à 6 et le O alkyle en C1 à 6 sont linéaires ou ramifiés et facultativement substitués par 1 à 5 halogènes ; R<4> est un alkyle en C1 à 6 , qui est linéaire ou ramifié et qui n'est pas substitué ou qui est substitué par 1 à 5 groupements indépendamment choisis parmi un halogène, CO2 H et un CO2 alkyle en C1 à 6 , dans lequel le CO2 alkyle en C1 à 6 est linéaire ou ramifié ; et les sels pharmaceutiquement acceptables de ceux-ci et les diastéréoisomères individuels de ceux-ci." 35. La revendication 15 vise 33 composés distincts parmi lesquels la sitagliptine en septième position : "15. Composé qui est choisi dans le groupe constitué de : (...) 36. La revendication 26 vise de la même manière la sitagliptine en 4ème position parmi cinq composés. La revendication 28 vise exclusivement la sitagliptine ou ses sels pharmaceutiquement acceptables. 37. La revendication 30 couvre quant à elle un composition pharmaceutique telle que visée à la revendication 25 (correspondant au paragraphe [0053] précité de la description), comprenant un composé selon l'une quelconque des revendications 1 à 15 ou un sel pharmaceutiquement acceptable de celui-ci, la metformine et un transporteur pharmaceutiquement acceptable. 4o) Sur la recevabilité des demandes Moyens des parties 38. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé font valoir que les conditions des articles 834 et 835 du code de procédure civile ne sont pas remplies, de sorte que les demandes de la société MSD France sont selon elles irrecevables. Elles ajoutent que la seule détention d'une AMM, situation dans laquelle se trouve la société Mylan Ireland, n'est pas un acte de contrefaçon. Les défenderesses en déduisent que les demandes dirigées contre elles sont irrecevables. 39. Les sociétés Merck concluent quant à elles à la recevabilité de leurs demandes. Elles soutiennent en premier lieu que la société MSD est fondée à solliciter, au titre de la réparation du préjudice qui lui est propre, les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, de même qu'aux fins d'empêcher la réalisation d'un dommage imminent. Les sociétés Merck ajoutent que, conformément à une jurisprudence constante, le titulaire d'une AMM doit être regardé comme co-responsable de la contrefaçon. Appréciation du juge des référés 40. Selon l'Article 4 "Personnes ayant qualité pour demander l'application des mesures, procédures et réparations" de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, "Les États membres reconnaissent qu'ont qualité pour demander l'application des mesures, procédures et réparations visées au présent chapitre: a) les titulaires de droits de propriété intellectuelle, conformément aux dispositions de la législation applicable; b) toutes les autres personnes autorisées à utiliser ces droits, en particulier les licenciés, dans la mesure où la législation applicable le permet et conformément à celle-ci ;" 41. L'article L.615-2 du code de la propriété intellectuelle qui réalise la transposition en droit interne des dispositions précitées prévoit d'ailleurs que "L'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet. (...)Tout licencié est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le breveté, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre." 42. En sa qualité de distributrice des produits conçus et fabriqués par le groupe Merck, la société MSD France qui bénéficie nécessairement d'une licence, fût-elle verbale et à ce titre nulle conformément aux dispositions de l'article L.615-8 in fine du code de la propriété intellectuelle, est recevable à agir aux fins d'obtenir la mise en oeuvre des mesures propres à faire cesser le trouble qu'elle subit (ou empêcher la réalisation d'une atteinte imminente) sur le fondement du droit commun (articles 31, 122, 834 et 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil), dont l'existence sera examinée si les contestations portant sur la validité du brevet de base et du CCP n'apparaissent pas sérieuses. Les demandes de la société MSD France apparaissent donc recevables. 43. Aux termes de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;" Ces dispositions sont constamment interprétées comme incriminant les personnes qui agissent de concert et poursuivent l'objectif commun de parvenir au résultat protégé par l'invention, le fait de participer simplement pour partie à l'un des actes visés ci-dessus n'étant jamais de nature à exonérer cette personne du chef de la contrefaçon. Il en résulte que les demandes dirigées contre la société Mylan Ireland sont recevables. 5o) Sur les moyens de contestation de la validité du brevet EP 357 Moyens des parties 44. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent en premier lieu que le brevet de base est nul pour extension de l'objet au-delà de la demande telle que déposée. En particulier, elles soutiennent que l'objet des revendications 25 et 30 prises en combinaison avec la revendication 15 (la combinaison de sitagliptine et de metformine) n'est pas divulgué dans la demande, cette combinaison n'étant selon elle ni envisagée ni même préférée. Ces sociétés rappellent à cet égard que la demande divulgue une formule de markush comportant potentiellement des milliers de compositions et combinaisons, la sitagliptine étant elle-même divulguée parmi 33 exemples et pour une utilité médicale qu'elles décrivent comme pléthorique, allant du traitement de l'obésité à celui de la gingivite. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé ajoutent que la combinaison concerne potentiellement 15 classes de produits sans envisager de limite par un domaine thérapeutique particulier. En définitive, les sociétés défenderesses font valoir que rien dans la demande initiale ne dirigeait l'homme du métier vers la combinaison de sitagliptine et de metformine et moins encore pour le contrôle de la glycémie. 45. Les sociétés Viatris Santé et Mylan Ireland soutiennent ensuite que l'effet thérapeutique de la sitagliptine n'est ni démontré par le brevet, ni même plausible, et, en particulier que l'effet thérapeutique, tant de la sitagliptine, que sous la forme du sel de phosphate de sitagliptine (comme en atteste selon elles la procédure d'examen de la demande de brevet portant sur ce produit), que de la combinaison avec la metphormine, n'est démontré que par la production de documents postérieurs à la date de priorité, ce qui n'est admis ni par la jurisprudence de l'OEB, ni par celle des juridictions nationales françaises. Ces sociétés en déduisent que l'invention n'est pas suffisamment décrite ou, à défaut, dépourvue d'activité inventive comme ne faisant état d'aucun problème technique objectif à résoudre et de solution à ce problème technique (voir la décision de ce tribunal du 23 juin 2017, RG no11/11460). 46. Les sociétés Merck concluent quant à elles à la validité incontestable du brevet de base et rappellent d'ailleurs que la validité de ce brevet n'a été contestée par aucun génériqueur. Elles soutiennent à cet égard que le moyen tiré de l'extension indue développé par les sociétés défenderesses procède d'une lecture plus que discutable de la demande telle que déposée. En particulier, elles rappellent que tout le fascicule, et en premier lieu le titre même de la demande, mentionnent que l'objet de l'invention est le traitement du diabète. Elles ajoutent que les sociétés défenderesses, pour conclure à une sélection arbitraire dans deux listes, procèdent comme si la demande ne contenait que la revendication 1, alors que les revendications suivantes conduisaient l'homme du métier vers la formule de la sitagliptine spécifiquement exemplifiée, de même qu'à sa combinaison avec la metformine, présentée comme préférée. 47. Les sociétés Merck soutiennent ensuite que la description enseigne des tests ayant, à la date de priorité, démontré l'effet inhibiteur de l'enzyme DP-IV de la sitagliptine et, surtout, que le critère de la plausibilité tel qu'il résulte de l'arrêt dit Finastéride, ne s'applique qu'aux brevets de seconde application thérapeutique, ce qui n'est pas le cas du brevet EP 357. Ici, les sociétés Merck exposent que, conformément au seul critère applicable, l'homme du métier serait parvenu sans diffculté à réaliser l'invention objet du brevet de base, tandis que le fait qu'elles ont défendu la validité d'une demande de brevet portant sur un sel particulier de sitagliptine est sans emport sur la présente affaire du point de vue de l'appréciation de la suffisance de description ou de l'activité inventive du brevet EP 357. Appréciation du juge des référés Sur le grief d'extension indue 48. Selon l'article 138 "Nullité des brevets européens" de la Convention sur la délivrance de brevets européens signée à Munich le 5 octobre 1973, "(1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : (...)c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ;" Aux termes de l'article 123 "Modifications" de la Convention, "(2) Une demande de brevet européen ou un brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée." S'agissant des "Demandes divisionnaires européennes", il résulte de l'article 76 de cette même Convention que "(1) Toute demande divisionnaire de brevet européen doit être déposée directement auprès de l'Office européen des brevets conformément au règlement d'exécution. Elle ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ;" 49. Interprétant la notion d'extension non admissible au sens de l'article 123 (2) précité de la Convention de Munich, la Grande Chambre des recours de l'OEB a énoncé, aux points 9 et s. des motifs de sa décision G 1/93 du 2 février 1993 (JO OEB 1994, 541), que : "9. En ce qui concerne l'article 123(2) CBE, il est clair que l'idée sous-jacente de cette disposition est d'interdire à un demandeur de conforter sa position par l'ajout d'un élément non divulgué dans la demande telle qu'elle a été déposée, ce qui lui procurerait un avantage injustifié et pourrait porter préjudice à la sécurité juridique des tiers se fondant sur le contenu de la demande initiale. (...)" La jurisprudence des chambres de recours techniques soumet en outre la pratique dite de la "généralisation intermédiaire", qui consiste à puiser des caractéristiques isolées dans un ensemble de caractéristiques divulguées à l'origine uniquement de façon combinée, à des conditions strictes : "Comme indiqué au point 2.3 des motifs de la décision T 17/86 (JO OEB 1989, 297), une caractéristique technique revendiquée séparément de la combinaison avec d'autres caractéristiques qui a été divulguée peut être introduite dans une revendication sans contrevenir aux dispositions de l'article 123(2) CBE, à condition qu'il "apparaisse sans ambiguïté à l'homme du métier, à la lecture de la description d'origine, que cette caractéristique isolée permet, à elle seule, d'obtenir le résultat recherché (...)" (Décision du 25 novembre 1998, no T 0284/94, JO 1999, 464) 50. En l'occurrence, le brevet EP 357 est issu de la demande internationale WO 03/004498 qui porte le même titre, l'un et l'autre enseignant, dès les premiers paragraphes de leurs descriptions respectives, le rôle de l'inhibition de l'enzyme DP-IV dans le traitement du diabète et en particulier le diabète de type II. La description des deux fascicules comporte en outre un exemple 7 (sur 7 exemples) correspondant à la formule de la sitagliptine, laquelle est mentionnée en 7ème position parmi 33 composés au sein de la revendication dépendante 15 du brevet WO 03/004498. La revendication 31 du brevet WO 03/004498 enseigne enfin, pour le traitement de l'hyperglycémie (et d'autres pathologies sensibles à l'inhibition de l'enzyme DP-IV) l'administration d'un composé de la revendication 1 avec un ou plusieurs composés choisi parmi une liste comprenant en deuxième position des biguanides, la description précisant néanmoins, dès le paragraphe 4 in fine, que, parmi les biguanides, la metformine est souvent prescrite pour le traitement du diabète de type 2 étant celle qui comporte le moins d'effets secondaires. 51. Il en résulte que le brevet EP 357propose à l'homme du métier, par rapport au document WO 03/004498, non une sélection artificielle d'un composé à l'intérieur d'une liste, mais une réduction de cette liste à 7 composés qui étaient déjà spécifiquement exemplifiés, dont la sitagliptine, ce qui est autorisé (voir par exemple la décision du 26 avril 2016 no T 1075/12 ou encore T 615/95), tandis que ce même document WO 03/004498 suggérait déjà fortement à l'homme du métier la combinaison d'un inhibiteur de la DP-IV (exemplifié) avec la metformine, pour parvenir au résultat recherché tant par la demande internationale WO 03/004498 que par le brevet EP 357 de traitement du diabète, peu important que la demande WO 03/004498 (comme d'ailleurs le brevet EP 357) développent l'ensemble des pathologies associées à la DP-IV. Sur les griefs d'insuffisance de description et d'absence d'activité inventive 52. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 138 de la convention de Munich précitée, "Sous réserve des dispositions de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter". Selon l'article 83 de la convention de Munich, "l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter." Le brevet doit ainsi contenir les éléments permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet, complétées par ses propres connaissances techniques. Et l'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). 53. Il résulte en outre de l'article 56 de la même Convention qu' "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique." Aussi, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Enfin, les éléments de l'art antérieur ne sont considérés destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. 54. L'homme du métier est ici un pharmacologue spécialisé dans le traitement de l'hyperglycémie. 55. La description lui enseigne, à partir du paragraphe [0101] et en particulier aux paragraphes [0130] à [0132], la préparation de la sitagliptine. Les paragraphes [0071] et [0072] exposent les posologies efficaces d'inhibiteur de la DP-IV dans le traitement du diabète, et le paragraphe [0056], l'évaluation du rapport de poids de chacun des ingrédients actifs envisagés (inhibiteurs de l'enzyme DP-IV d'une part et composé de la seconde liste d'autre part), les composés de la seconde liste étant tous, précise la description (paragraphe [0076]), "disponibles dans le commerce, connus dans la littérature ou peuvent être commodément préparés par divers procédés familiers des personnes de métier." La revendication désigne l'un des composés des revendications 1 à 15 (qui incluent la sitagliptine parmi 33 composés - tandis que la revendication 28 ne mentionne que la sitagliptine) et la metformine. 56. Il ne fait ainsi aucun doute que le brevet contient les éléments permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet. 57. Comme le relèvent à juste titre les sociétés Merck, les principes évoqués par les sociétés défenderesses concernent les brevets de seconde application thérapeutique, ce que n'est pas le brevet EP 357, tandis qu'en tout état de cause le fascicule de brevet fait état d'études sur les inhibiteurs de la DP-IV dans le traitement du diabète de type II (paragraphes [0007], [0043] à [0047] inclus et précités de la description). Il en résulte que l'invention est suffisamment décrite et, dès lors qu'elle expose le problème objectif à résoudre (un traitement amélioré du diabète de type II- cf paragraphe [0008] précité) et la résolution de ce problème, ne souffre d'aucun défaut d'activité inventive. 6o) Sur les moyens de contestation de la validité du CCP 033 Moyens des parties 58. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent que le CCP ne remplit pas la condition de l'aricle 3 a) du règlement CCP (le produit est protégé par un brevet de base en vigueur). Elles exposent à ce titre que l'objet de l'AMM sur la base de laquelle le CCP a été délivré porte sur le sel de phosphate de sitagliptine et de metformine (Janumet), et non la combinaison de sitagliptine et de metformine. Aussi, au regard des arguments développés par les sociétés MSD pour obtenir la délivrance du brevet EP 263 (lequel a pour objet le sel dihydrogéno phosphate de sitagliptine), les sociétés Mylan et Viatris en déduisent que, le brevet EP 357 ne divulgant pas la forme phosphate de sitagliptine, le CCP 033 est nul. 59. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent encore que le CCP 033 ne remplit pas les conditions de l'article 3c (le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat). Selon elles, la combinaison de sel de phosphate de sitagliptine et de metformine constitue le même produit que la sitagliptine seule, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la metformine étant connue pour son efficacité contre le diabète depuis de nombreuses années et ne résultant pas de l'activité inventive du brevet de base EP 357. Ces sociétés ajoutent que, les conditions de délivrance d'un CCP s'appréciant à la date de sa demande de délivrance, le CCP 033 est le second pour avoir été précédé de la demande de délivrance du CCP 041. Elles ajoutent qu'en appliquant le test en deux volets de l'arrêt Gilead, le CCP 033 n'est pas valable, l'homme du métier ne pouvant selon elles spécifiquement identifier la combinaison de sel de phosphate de sitagliptine et de metformine dans les revendications du brevet de base. 60. Les sociétés Merck soutiennent quant à elles que le CCP 033 remplit les conditions des articles 3 a) et 3 c) du réglement. Elle soulignent d'abord que le règlement fait une distinction très claire entre le médicament ( la substance pouvant être administrée à des fins thérapeutiques) et le produit (un principe actif ou une combinaison de principes actifs) et que le premier moyen des sociétés Mylan et Viatris procède d'une confusion entre le médicament (le produit ou la combinaison de produits sous la forme d'un sel) et le produit (le principe actif). Aussi, selon elles, le brevet de base divulgue bien le produit objet du CCP qui ne s'entend ici que de la combinaison des principes actifs que sont la sitagliptine et la metformine, peu important que l'AMM porte, elle, sur les sels de ces principes actifs (ou produits). Elles soutiennent ensuite que, le "produit" étant explicitement mentionné dans les revendications et la description du brevet de base, en particulier la revendication 30, il n'y a pas lieu de procéder ici au test en deux volets enseigné par les arrêts Gilead et Royaltypharma. 61. Les sociétés Merck font enfin valoir que le CCP remplit la condition de l'article 3 c) et rappellent à cet égard qu'il est le premier CCP délivré et que la condition posée par cet article s'entend à l'évidence d'u CCP "délivré" sauf à rendre cette condition impraticable, le dépôt d'un CCP ne postulant jamais sa délivrance effective. Les sociétés Merck ajoutent que les autres conditions de l'article 3 du règlement sont remplies, le fait que l'AMM délivrée pour le médicament Janumet (sitagliptine seule) vise sa combinaison avec la metformine ne valant certainement pas délivrance d'une AMM pour commercaliser un médicament combinant ces deux produits. Appréciation du juge des référés 62. Comme vu au point 18 de la présente décision, le règlement no469/2009 définit différemment le médicament et le produit, le médicament désignant "toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme (...) en vue de (...) restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques", et le produit désignant lui"le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament". Il est ici constant que le "produit" est constitué de la composition de sitagliptine et de metformine et non de leurs sels (qui constituent le médicament Januvia). 63. Il est en outre observé que le brevet EP 263, dont la procédure d'examen est invoquée par les sociétés défenderesses, a été délivré pour un sel différent (le sel dihydrogénophosphate de sitagliptine) de celui objet du Résumé des caractéristiques du produit (pièce Merck no202), tandis qu'il il n'est pas allégué que la combinaison de phosphate monohydraté de sitagliptine et de chlorydrate de metformine (qui correspond à l'AMM), résulterait d'un criblage des sels excédant le travail de routine d'un formulateur. 64. Au demeurant, le paragraphe [0033] précité de la description mentionne que l'invention couvre les sels pharmaceutiquement acceptables des composés de la formule I. 65. Il en résulte que le "produit", ici la combinaison, "explicitement" mentionnée par la revendication 30, apparaît comme étant couverte par le brevet de base, de sorte que la condition de l'article 3 sous a) du règlement est remplie, sans qu'il soit besoin de rechercher si la combinaison de sitagliptine et de metformine relève nécessairement de l'invention à la lumière de la description, ni si chacun des composés est spécifiquement identifiable (ce qui est en tout état de cause le cas ainsi qu'il a été vu, y compris s'agissant des sels). 66. Selon l'article 3 sous c) du règlement, le certificat peut être délivré (et est donc valable) si "le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ;". Par son libellé même et en particulier l'emploi du passé sans référence à une "simple" demande, il ne fait aucun doute que cette condition s'entend d'un certificat délivré et non d'une demande de certificat. Le CCP 033 est indiscutablement le premier délivré, y compris pour la combinaison de sitagliptine et de metformine explicitement mentionnée par la revendication 30 du brevet de base EP 357. 67. Selon l'article 3 sous d) "l'autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament." Le fait que l'AMM délivrée pour le médicament Janumet (sitagliptine seule) vise sa possible combinaison avec la metformine ne vaut pas délivrance d'une AMM pour commercaliser un médicament combinant ces deux produits. 68. Il en résulte que les conditions posées par l'article 3 du règlement no469/2009 sont remplies et que les contestations élevées en défense pour soutenir tant la nullité du brevet de base que du CCP 08C0033 n'apparaissent pas sérieuses. 69. La contrefaçon n'est pas contestée en elle-même et résulte en tout état de cause du Résumé des caractéristiques des médicaments « Sitagliptine/ chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé » versés aux débats (pièce Merck no301) qui mentionne que chaque comprimé contient 50 mg de chlorydrate de sitagliptine monohydraté et 850 (ou 1000) mg de chlorydrate de metformine, avec comme indication thérapeutique le traitement des adultes diabétiques de type 2. 70. La société Mylan Ireland, en tant que titulaire de l'AMM, est avec la société Viatris Santé, responsable de la contrefaçon, caractérisée ici par l'imminence de la commercialisation des médicaments « Sitagliptine/ chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé » telle qu'elle est assumée par la lettre du 10 juin 2022 citée ci-dessus et qui annonce cette commercialisation dès le 23 septembre 2023 (point no7 de cette décision). 7o) Sur les mesures sollicitées Moyens des parties 71. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent que les mesures d'interdiction heurtent ici l'intérêt général de santé publique qui résulte de l'arrivée sur le marché d'un médicament générique. Elle ajoutent que le rappel des produits n'est pas justifié ayant toujours affirmé que les droits du breveté seraient respectés jusqu'au 23 septembre 2022. Elles soutiennent enfin que la mise en oeuvre d'un droit d'information aurait des conséquences irréparables ici en présence de deux sociétés concurrentes et de demandes d'informations portant sur des données hautement sensibles. 72. Les sociétés Merck soutiennent que la mise dans le commerce d'une spécialité générique entraîne une baisse immédiate des parts de marché et du chiffre d'affaires du titulaire du brevet, puis une baisse du prix de sa spécialité s'étendant à d'autres pays de l'Union européenne, et enfin, réalise une désincitation à l'innovation, tous éléments qui caractérisent selon elles, un préjudice irréparable que ne pourraient compenser des dommages-intérêts ultérieurs. Appréciation du juge des référés 73. Il est rappelé que le juge des référés peut prendre, conformément aux dispositions de l'article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle, « toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon» . 74. Ces mesures doivent être adaptées au litige et le juge des référés doit seulement en apprécier le bien fondé et l'opportunité au regard du principe de proportionnalité. Le caractère contrefaisant du médicament générique sitagliptine / metformine Mylan étant vraisemblable, et pour assurer les droits de ses titulaire et exploitant sur le CCP 08C0033 encore en vigueur, sans qu'aucun caractère disproportionné ne soit établi ici par les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, puisqu'elles ont seules décidé de prendre le risque financier de lancer leur médicament générique avant la date d'échéance de ce CCP, il sera ordonné une mesure d'interdiction de commercialiser en France ces produits contrefaisants, sous astreinte, et selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 75. En revanche, la mesure de rappel des produits sous astreinte, de même que celle aux fins de communication d'informations, apparaissent disproportionnées ici, la commercialisation des produits contrefaisants n'ayant pas débuté, comme le rappellent à juste titre les sociétés défenderesses. 76. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé supporteront les dépens et seront condamnées à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 30.000 euros chacune (soit 120.000 euros au total) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 77. Il est enfin rappelé qu'aux termes de l'article 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile, "le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé". PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, Dit dépourvus de sérieux les moyens de défense aux fins de nullité manifeste du brevet EP 1 412 357 et du certificat complémentaire de protection no 08C0033 dont est titulaire la société Merck Sharp & Dohme Llc, Constate que le médicament générique « Sitagliptine/ chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/850 mg, comprimé pelliculé » et « Sitagliptine/chlorhydrate de Metformine Mylan 50 mg/1000 mg, comprimé pelliculé » constitue une contrefaçon vraisemblable du certificat complémentaire de protection no 08C0033, laquelle engage la responsabilité civile de droit commun des sociétés défenderesses à l'égard de la société Msd France ; En conséquence, Ordonne aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé de cesser immédiatement toute offre en vente, vente, importation, transbordement, fabrication, utilisation, détention aux fins précitées, en France, des combinaisons sitagliptine / metformine reproduisant le CCP no08C0033 et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée (c'est à dire par boîte de comprimés), l'astreinte prenant effet à l'expiration du 3ème jour suivant la signification de la présente ordonnance et courant jusqu'à l'expiration du certificat complémentaire de protection no 08C0033, soit jusqu'au 8 avril 2023 inclus ; Se réserve la liquidation de cette astreinte ; Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ; Condamne les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé à payer à la société Merck Sharp & Dohme Llc la somme de 30.000 euros chacune et la même somme à la société Msd France, soit la somme globale de 120.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé aux dépens et autorise Maître Laetitia Bénard à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit et ne peut être écartée. Fait à Paris le 20 septembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE No RG 22/54208 - No Portalis 352J-W-B7G-CWQCN No : 2 - MEB Assignation du : 29 Mars 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 13 juillet 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier Monsieur [R] [G] [Adresse 1] [Localité 3] représenté par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1289 DEFENDERESSE S.A.S. BASE & CO [Adresse 2] [Localité 4] non comparante A l'audience du 14 Juin 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, EXPOSÉ DU LITIGE 1. M. [R] [G] est le titulaire inscrit de la marque verbale "Base & Co" déposée le 9 mai 2005, enregistrée et régulièrement renouvelée sous le no3357788, pour désigner en classe 35 les services de "Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Diffusion de matériel publicitaire (tract, prospectus, imprimés, échantillons). Services d'abonnement à des journaux (pour des tiers). Conseils en organisation et direction des affaires. Comptabilité. Reproduction de documents. Bureaux de placement. Gestion de fichiers informatiques. Organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité. Publicité en ligne sur un réseau informatique. Location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publications de textes publicitaires ; locations d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, relation publiques. Mercatique direct." Cette marque est exploitée par la SARL Base & Co qui exerce depuis 2005 une activité d'agence de publicité. 2. Se plaignant de l'immatriculation, le 7 mars 2022, au RCS d'Evry d'une société Base & Co ayant pour activités déclarées celles d'agence de publicité et de conseil en relations publiques et communication, M. [G], après l'avoir vainement mise en demeure de modifier sa dénomination sociale, a fait assigner en référé la société Base & Co devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l'audience du 14 juin 2022, afin qu'il lui soit fait défense sous astreinte de faire usage du signe "Base & Co" . Aux termes de son assignation, M. [G] demande au juge des référés de : - Interdire à la société Base & Co la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, y compris sa dénomination sociale, après un délai de 3 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, - Condamner la société Base & Co au paiement d'une somme de 3.000 euros au bénéfice de M. [R] [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. 3. Bien que régulièrement citée à une personne présente au domicile (Mme [F] épouse du président de la société), la société Base & Co n'a pas comparu. La présente décision, susceptible d'appel, sera réputée contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile. 4. A l'audience du 14 juin 2022, le juge des référés a soulevé le moyen tiré de l'absence de preuve d'usage dans la vie des affaires du signe objet du présent litige, ce à quoi le demandeur a répliqué que l'article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle incrimine l'usage du signe comme dénomination sociale. MOTIFS DE LA DÉCISION 5. Selon l'article Article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." Aux termes de l'article L. 716-4-6 "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon.(...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente." 6. L'article L. 713-3-1 de ce même code précise que "Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (...) 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;" 7. Ces différents textes réalisent la transposition en droit interne des dispositions des directives 89/104/CEE, 2008/95/CE et 2015/2436, rapprochant les législations des États membres sur les marques. 8. En l'occurrence, la demande porte sur l'emploi d'un signe strictement limité à la dénomination sociale du défendeur, sans qu'aucun autre fait ne soit démontré par le demandeur. Elle suppose donc que ce seul fait s'analyse en un « usage dans la vie des affaires » au sens des dispositions précitées. Il est également rappelé que le considérant 19 de la directive 2015/2436, qui a introduit pour la première fois, parmi les exemples d'usages que le titulaire peut interdire, l'usage à titre de dénomination sociale, précise qu'un tel usage devrait être compris comme tout usage « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ». 9. L'expression « faire usage » d'un signe doit donc être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c'est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive, comme l'a maintes fois jugé la Cour de justice de l'Union européenne, la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34 et la jurisprudence citée). 10. Or, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu'une société existe, elle est exploitée. 11. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n'est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue. Cette preuve n'est pas rapportée ici, où seule l'existence de la société Base & Co est démontrée par son extrait Kbis (pièce du demandeur no5), ce qui ne permet pas d'établir qu'elle exerce une activité ni la nature réelle de cette activité. Par conséquent, à défaut de preuve d'usage du signe litigieux, aucune contrefaçon vraisemblable n'apparaît caractérisée. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [G]. 12. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [G] supportera les dépens. Il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [G] ; Condamne M. [G] aux dépens ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 13 juillet 2022. Le Greffier, Le Président, Daouia BOUTLELIS Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 18/05382 No Portalis 352J-W-B7C-CM4VO No MINUTE : Assignation du : 03 Mai 2018 rendu le 08 Juillet 2022 Monsieur [L] [C] [Adresse 2] [Localité 6] représenté par Maître Jean-baptiste BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS,, vestiaire #K0082 DÉFENDEURS S.A.R.L. [Adresse 11] EDITIONS [Adresse 7] [Localité 4] S.A.R.L. GALERIE [I] [O] [Adresse 7] [Localité 4] représentées par Maître Pierre-olivier SUR de la SCP FTMS Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0147 E.P.I.C. LA MONNAIE DE PARIS [Adresse 1] [Localité 5] représentée par Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0141 Monsieur [D] [N] - intervenant forcé [Adresse 12] [Localité 3] (ITALIE) Société MAGIS S.R.L. - intervenante forcée [Adresse 13] [Localité 3] (ITALIE) représentés par Maître Eric ANDRIEU de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0047 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente Madame Elise MELLIER, Juge Madame Linda BOUDOUR, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 13 mai 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE [L] [C] est un sculpteur, grand prix de Rome 1968, ayant notamment réalisé des bustes de personnalités françaises et internationales, ainsi que de nombreux personnages en cire pour le musée [8] à [Localité 9], dont il a été le sculpteur attitré de 1973 à 198. [D] [N] est un artiste contemporain italien, chantre de l'art conceptuel et de l'hyperréalisme, principalement révélé par le galériste [I] [O] qui en assure la promotion et procède à la vente de ses oeuvres, notamment via la société [Adresse 11] Editions gérée par la Galerie [I] [O]. [L] [C] expose avoir été contacté à compter de 1999 par [I] [O], à la demande de [D] [N], afin de réaliser 9 sculptures en cire entre 1999 et 2006, lesquelles ont été ensuite exposées sous les intitulés : - « La Nona Ora » (version 1999), représentant le Pape [R], les yeux fermés ; - « La Rivoluzione Siamo Noi » (2000), représentant [D] [N] en taille réduite, en costume de laine suspendu à un porte-manteau ; - « Sans titre » ou « Le petit [N] de Rotterdam » (2000), représentant le visage de [D] [N] et ses deux mains transperçant le plancher d'une salle d'exposition pour rejoindre les spectateurs ; - « Him » (2001), représentant un petit garçon à genoux, dont le visage est celui d'Adolf Hitler ; - « Frank and Jamie » (2002), représentant deux policiers américains en uniforme, tête à l'envers et pieds au ciel ; - « [Y] » (2002), représentant le buste du mannequin [Y] [U], seins nus, façon « trophée de chasse » ; - « Betsy » (2003), représentant une grand-mère assise dans un congélateur, porte ouverte ; - « Now » (2004), représentant [B] [T] [W] dans son cercueil. Par courriers du début des années 2000 adressés à la Galerie [I] [O], [L] [C] a vainement sollicité que « toute diffusion au sujet de [ses] oeuvres mentionne [son] nom en tant que sculpteur-réalisateur des personnages de cire (cela au même titre que figure le nom du photographe, auteur des images qui sont diffusées) ». Établissement public industriel et commercial, la Monnaie de Paris a accueilli, du 21 octobre 2016 au 8 janvier 2017, une exposition intitulée « [N], not afraid of love », dans laquelle ont été exposées quatre des oeuvres précitées – i.e. « La Nona Ora » (effigie du pape [R]), « La Rivoluzione Siamo Noi », « Him » et « Le petit [N] de Rotterdam » –, là encore sans mention du nom de [L] [C] malgré la requête de ce dernier. S'estimant lésé dans sa qualité d'auteur, selon lui exclusif, des oeuvres précitées, M. [C] a, par actes des 24 avril et 3 mai 2018, fait assigner la Galerie [I] [O], la société [Adresse 11] Editions et la Monnaie de Paris devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de droits d'auteur. Par exploits d'huissier des 6 et 10 décembre 2018, la Monnaie de Paris a fait assigner en intervention forcée et en garantie, au titre du contrat de partenariat, de prêt d'oeuvre et de cession de droits conclus avec eux, M. [D] [N] et la société Magis S.r.l. pour les quatre oeuvres litigieuses exposées. Les deux procédures ont été jointes le 10 janvier 2019. Par jugement en date du 28 février 2020, le tribunal a rejeté à ce stade de son examen la demande d'irrecevabilité pour défaut de qualité à défendre soulevée par la Galerie [O] et la société [Adresse 11] Editions. Aux termes de ses conclusions no 1 signifiées par voie électronique le 8 mars 2021, M. [L] [C] demande au tribunal de : Vu les éléments de fait ci-dessus exposés et les pièces visées selon le bordereau annexé, Vu les dispositions des articles L. 111-1, L. 113-1, L. 121-1, L. 122-1, L. 122-2, L. 122-3, L. 122-4, L. 331-1-2, L. 331-1-3, L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, Vu les dispositions des articles 699 et 700 du code de la procédure civile, Vu la jurisprudence, - DIRE que Monsieur [L] [C] est l'auteur des oeuvres suivantes : - LA NONA ORA, 1999 - LA RIVOLUZIONE SIAMO NOI, 2000 - SANS TITRE, 2000 - HIM, 2001 - FRANK AND JAMIE, 2002 - [Y], 2002 - BETSY, 2003 - NOW, 2004 ; - DIRE que [D] [N], la Galerie [I] [O], la société [Adresse 11] EDITIONS, la Monnaie de Paris et [D] [N] ont porté atteinte au droit au nom et à la qualité d'auteur de [L] [C] ; - DIRE que la Galerie [I] [O] et la Monnaie de Paris ont porté atteinte au droit au respect de l'oeuvre sculpturale de [L] [C] représentant le Pape [R] ; - DIRE que la Galerie [I] [O], la société [Adresse 11] EDITIONS et la Monnaie de Paris se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon des droits patrimoniaux appartenant à [L] [C] sur les neuf oeuvres objet du présent litige ; Et en conséquence, de : - ORDONNER à la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] EDITIONS de produire tous documents ou informations qu'elle détient permettant d'évaluer le préjudice économique de [L] [C], c'est-à-dire, à parfaire selon les informations qui seront communiquées : - Le nombre de visites des pages du site internet www.[010].com sur les cinq dernières années ; - Le nombre de visites des pages du site internet www.[010].com spécifiquement dédiées à [D] [N] sur les cinq dernières années ; - Les commissions perçues par la Galerie [I] [O] au cours des cinq dernières années pour la location et la vente d'oeuvres créées par [L] [C] et attribuées à [D] [N] ; - Les bénéfices engrangés par la Galerie [I] [O] et / ou la société [Adresse 11] EDITIONS pour chaque vente d'ouvrages et d'objet d'art en relation avec [D] [N] depuis le site www.store.[010].com au cours des cinq dernières années ; et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de huit jours après la signification de la décision à intervenir ; - ORDONNER à la Monnaie de Paris de produire tous documents ou informations qu'elle détient permettant d'évaluer le préjudice économique de [L] [C], c'est-à-dire, à parfaire selon les informations qui seront communiquées : - Le tarif des entrées de l'exposition « [N] : Not Afraid Of Love » et le nombre d'entrées vendues pour cette exposition par tarif sur les années 2016 et 2017 ; - Le type et le nombre de produits dérivés de l'exposition « [N] : Not Afraid Of Love » produits et vendus par la Monnaie de Paris via tous moyens et sur une période allant du 21 octobre 2016 à aujourd'hui ; - Le pourcentage des recettes de l'exposition « [N] : NOT AFRAID OF LOVE » versé à la Galerie [O] et / ou aux Archives [N] par la Monnaie de Paris ; et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de huit jours après la signification de la décision à intervenir ; - SURSEOIR A STATUER sur la liquidation des postes de préjudices dans l'attente de la production de ces documents ; - DONNER ACTE à Monsieur [L] [C] qu'il formulera ses demandes indemnitaires définitives à réception des éléments devant être produits par la Galerie [I] [O], la société [Adresse 11] EDITIONS et la Monnaie de Paris ; En tout état de cause et dès à présent : - CONDAMNER [D] [N] à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 100 000 euros du fait de l'atteinte portée à droit à la paternité ; - CONDAMNER solidairement la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] EDITIONS à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 3 000 000 euros du fait de l'atteinte portée à son nom et à sa qualité ; - CONDAMNER la Monnaie de Paris à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 300 000 euros du fait de l'atteinte portée à son nom et à sa qualité ; - CONDAMNER [D] [N] à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 30 000 euros du fait de l'atteinte porté à l'intégrité de son oeuvre représentant le Pape [R] ; - CONDAMNER la Galerie [I] [O] à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 300 000 euros du fait de l'atteinte porté à l'intégrité de son oeuvre représentant le Pape [R] ; - CONDAMNER la Monnaie de Paris à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 100 000 euros du fait de l'atteinte porté à l'intégrité de son oeuvre représentant le Pape [R] ; - CONDAMNER solidairement la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] EDITIONS à payer à Monsieur [L] [C] la somme provisionnelle de 500 000 euros du fait de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux ; - CONDAMNER solidairement la Monnaie de Paris à payer à Monsieur [L] [C] la somme provisionnelle de 100 000 euros du fait de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux ; - ORDONNER à [D] [N] de toujours associer le nom de [L] [C] aux oeuvres en cause, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, sans limitation de durée du fait de l'imprescriptibilité du droit patrimonial ; - ORDONNER à la [D] [N], à Galerie [I] [O], à la société [Adresse 11] EDITIONS et à la Monnaie de Paris d'indiquer et / ou de faire figurer sur tous supports de quelque nature que ce soit, et notamment sur les sites internet www.[010].com et www.store.[010].com et www.monnaiedeparis.fr le nom et la qualité d'auteur de [L] [C] à l'occasion de toute représentation et / ou reproduction des oeuvres de ce dernier par la Galerie [I] [O] et / ou la société [Adresse 11] EDITIONS sous un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pour chaque oeuvre représentée ou reproduite ; - ORDONNER la publication du dispositif intégral jugement à intervenir pour une durée de six mois sur les pages d'accueil des sites internet de la Galerie [O], de la société [Adresse 11] EDITIONS et de la Monnaie de Paris respectivement accessibles aux adresses suivantes : www.[010].com ; www.store.[010].com ; www.monnaiedeparis.fr sous un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans trois journaux du choix de Monsieur [L] [C] aux frais solidairement avancés de [D] [N], des sociétés Galerie [O], [Adresse 11] EDITIONS et la Monnaie de Paris, sans que le coût total de ces publications ne puisse excéder vingt mille euros hors taxes ; - RÉSERVER sa compétence en ce qui concerne la liquidation des astreintes ; - PRONONCER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - CONDAMNER solidairement [D] [N], les sociétés Galerie [O], [Adresse 11] EDITIONS et La Monnaie de Paris à verser à [L] [C] la somme de 25 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à parfaire selon l'évolution du litige ; - CONDAMNER solidairement [D] [N], les sociétés Galerie [O], [Adresse 11] EDITIONS et la Monnaie de Paris aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Jean-Baptiste Bourgeois, avocat au Barreau de Paris, en ceux y compris les frais du procès-verbal de constat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de la procédure civile. Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 septembre 2020, la Monnaie de Paris demande au tribunal de : - DÉCLARER Monsieur [L] [C] irrecevable à agir en contrefaçon à l'encontre de la MONNAIE DE PARIS ; - CONDAMNER Monsieur [C] à verser à la MONNAIE DE PARIS la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Monsieur [C] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Normand et associés qui pourra les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; A titre subsidiaire, - DIRE que Monsieur [N] et la société MAGIS S.R.L relèveront et garantiront la MONNAIE DE PARIS de toutes condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et intérêts ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à rendre ; - STATUER ce que de droit sur les dépens ; En tout état de cause, - DÉBOUTER Monsieur [N] et la société MAGIS S.R.L de l'ensemble de leurs demandes formées contre la MONNAIE DE PARIS ; - DÉCLARER Monsieur [L] [C] irrecevable à agir en contrefaçon à l'encontre de la MONNAIE DE PARIS ; - CONDAMNER Monsieur [C] à verser à la MONNAIE DE PARIS la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Monsieur [C] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Normand et associés qui pourra les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; A titre subsidiaire, - DIRE que Monsieur [N] et la société MAGIS S.R.L relèveront et garantiront la MONNAIE DE PARIS de toutes condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et intérêts ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à rendre ; - STATUER ce que de droit sur les dépens ; En tout état de cause, - DÉBOUTER Monsieur [N] et la société MAGIS S.R.L de l'ensemble de leurs demandes formées contre la MONNAIE DE PARIS. Aux termes de leurs conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 11 juin 2021, la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] Editions demandent au tribunal de : Vu l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 6, 9, 32 et 122 du code de procédure civile, Vu l'article 1353 du code civil, - CONSTATER que, pour les huit oeuvres objet du procès, s'agissant d'art contemporain dit conceptuel, le concept imaginé et présenté dans le cadre d'une production non seulement originale mais exclusive, relève du seul [D] [N] ; - CONSTATER l'absence de [D] [N] à la présente procédure, fût-elle jointe à l'instance en garantie, avec laquelle elle ne se confond pas et en conséquence ; - DÉCLARER irrecevable l'action de [L] [C] pour défaut de qualité passive à être actionnées de la Galerie [O] et de la société [Adresse 11] Editions, dans la perspective de renverser la présomption légale de qualité d'auteur, qui appartient à un tiers à l'instance ; - DONNER ACTE aux concluantes de leurs plus expresses réserves quant à leur défaut de qualité passive à la présente instance ; À titre subsidiaire, - DÉBOUTER M. [L] [C] de l'ensemble de ses demandes, au regard de sa carence à prouver qu'il serait l'auteur exclusif des oeuvres dont il revendique la paternité ; - CONDAMNER le demandeur à verser 60 000 euros à celles-ci, au titre de l'art. 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Aux termes de leurs conclusions no 2 signifiées par voie électronique le 13 octobre 2021, M. [D] [N] et la société Magis S.r.l. demandent au tribunal de : Sur l'appel en garantie Vu les articles L. 111-1 et L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 334 et 335 du code de procédure civile, - CONSTATER que les oeuvres La Nona Ora, La Rivoluzione Siamo Noi, Him et Sans titre ont été divulguées sous le nom de [D] [N], - JUGER que [D] [N] est présumé être l'auteur des oeuvres litigieuses, - JUGER que l'appel en garantie ne crée pas de lien d'instance entre le demandeur à l'instance principale et le défendeur à l'instance en garantie, En conséquence, - JUGER que l'appel en garantie, dirigé contre le seul auteur des oeuvres litigieuses, n'a pas d'objet, - DÉBOUTER la Monnaie de Paris de son appel en garantie tant à l'encontre de la société Magis SRL que de [D] [N], Subsidiairement, - METTRE hors de cause la société Magis SRL, - JUGER que [D] [N] est l'auteur des oeuvres litigieuses, - DÉBOUTER la Monnaie de Paris de son appel en garantie tant à l'encontre de la société Magis SRL que de [D] [N], - CONDAMNER la Monnaie de Paris à payer à [D] [N] et à la société Magis, chacun, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - CONDAMNER la Monnaie de Paris en tous les dépens, Sur les demandes de [L] [C] dirigées contre [D] [N] dans l'instance principale Vu les articles 334 et 335 du code de procédure civile, - DÉCLARER [L] [C] irrecevable en ses demandes dirigées contre [D] [N], Subsidiairement, Vu les articles L. 111-1 et L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, - CONSTATER que les oeuvres Frank and Jamie, [Y], Betsy et Now ont été divulguées sous le nom de [D] [N], - DÉBOUTER [L] [C] de l'ensemble de ses demandes, - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. La clôture a été prononcée le 17 février 2022 et l'affaire a été plaidée le 13 mai 2022. Pour un exposé complet de l'argumentation des parties, il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la recevabilité à agir de M. [C] La Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] Editions soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité à agir de M. [C], au motif, selon elles, qu'il échoue à renverser la présomption légale instituée par l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle en application de laquelle, les oeuvres litigieuses ayant été divulguées exclusivement sous le nom de [D] [N], il en est l'unique auteur. Elles ajoutent que bien qu'elles aient été jointes par décision du tribunal, les deux instances initiales (instance principale et appel en garantie) constituent deux procédures distinctes, n'autorisant pas que les parties en cause puissent émettre des prétentions l'une contre l'autre. Reprenant l'adage « Divulgation vaut titre », la société Magis S.r.l. et [D] [N] considèrent démontrer suffisamment que ce dernier est bien l'auteur des oeuvres litigieuses, étant à l'origine des choix créatifs qui font leur originalité et leur essence, et concluent à l'irrecevabilité des demandes de M. [C] envers M. [N] dès lors qu'il ne l'a pas fait assigner, ce dernier n'étant intervenu à l'instance qu'en tant qu'appelé en garantie. Subsidiairement, [L] [C] serait, selon eux, dans l'impossibilité de réfuter la présomption légale de paternité, n'étant intervenu que comme façonnier, pour produire certains éléments des oeuvres conformément aux instructions et à la vision de [D] [N]. La Monnaie de Paris soutient pareillement que faute d'avoir la qualité d'auteur et d'être le titulaire des droits sur les oeuvres en cause, le demandeur doit être déclaré irrecevable à agir. [L] [C] ne répond pas spécialement sur les irrecevabilités qui lui sont opposées, mais soutient que c'est lui qui, de ses seules mains, a donné naissance aux oeuvres litigieuses, et leur a insufflé leur âme et leur intensité, n'ayant d'ailleurs pour certaines d'entre elles reçu aucune directive de M. [N]. En application de l'alinéa 1er de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous », comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Le droit de l'article susmentionné est conféré, selon l'article L. 112-1 dudit code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, la seule condition étant toutefois l'expression sous une forme tangible de la pensée de l'auteur, qui ne peut, pour donner prise au droit d'auteur, demeurer du seul domaine de l'idée, non appropriable. Et aux termes de l'article L. 113-1 du même code, « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ». L'auteur est donc légalement présumé être celui ayant divulgué l'oeuvre pour la première fois sous son nom et en tant que tel, dispensé d'apporter la preuve de sa qualité ; cette présomption, simple, étant réfragable, celui qui se revendique auteur en contradiction avec la première divulgation effectuée sous le nom d'un tiers peut toutefois la renverser en apportant la preuve qu'il est le véritable auteur, contre l'auteur en titre. Il est avant toute chose nécessaire de déterminer précisément le périmètre des droits revendiqués par [L] [C] et si ce dernier est identique à celui des droits pour leur part revendiqués par [D] [N], dans la mesure où, comme l'a clairement rappelé la Cour de justice de l'Union européenne, la notion d'oeuvre suppose l'existence d'un objet original, création intellectuelle propre à son auteur dont elle reflète la personnalité à travers des choix libres et créatifs, qui soit identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, excluant les sensations intrinsèquement subjectives (CJUE, 12 décembre 2019, C-683/17, Cofemel, pts 30, 32, 35). En l'espèce, les oeuvres litigieuses, sur lesquelles [L] [C] revendique aujourd'hui la titularité des droits à titre exclusif, sont ainsi désignées par lui aux termes du dispositif de ses écritures comme étant les oeuvres dénommées « La Nona Ora, 1999 », « La Rivoluzione Siamo Noi, 2000 », « Sans titre, 2000 », « Him, 2001 », « Frank and Jamie, 2002 » (2002) ; « [Y], 2002 », « Betsy, 2003 » et « Now, 2004 ». Dès lors qu'il ne limite pas les droits précisément revendiqués aux seules effigies de cire qu'il a sculptées à la demande de la Galerie [I] [O] pour le compte de [D] [N], mais les désigne par le nom sous lequel ces oeuvres ont été divulguées sans autre précision, il doit se comprendre que M. [C] sollicite la qualité d'auteur pour les oeuvres telles que divulguées au public, i.e. selon une certaine mise en scène. Sur ce point, [D] [N] fait à juste titre valoir que les oeuvres litigieuses ont toutes été divulguées sous son seul nom, aussi bien dans la presse où il est systématiquement présenté comme leur unique auteur, qu'à l'occasion des expositions lors desquelles elles ont été mises en contact avec le public. Et il n'est par ailleurs pas contesté que les directives précises de mise en scène des effigies de cire dans une configuration spécifique, tenant notamment à leur positionnement au sein des espaces d'exposition visant à jouer sur les émotions du public (surprise, empathie, amusement, répulsion, etc.), n'ont émané que de lui seul, [L] [C] n'étant nullement en mesure – ni du reste ne cherchant à le faire – de s'arroger la moindre participation aux choix relatifs au dispositif scénique de mise en situation des dites effigies (choix du bâtiment et de la dimension des pièces accueillant tel personnage, direction du regard, éclairage, voire destruction d'une verrière ou du parquet pour rendre la mise en scène plus réaliste et plus saisissante) ou au contenu du message éventuel à véhiculer à travers cette mise en scène. Les défendeurs soulèvent l'irrecevabilité à agir de M. [C] au motif qu'il a fait le choix de ne pas assigner [D] [N] et qu'il ne peut donc revendiquer des droits visant à évincer ce dernier du bénéfice de la présomption de titularité sans qu'il ne soit dans la procédure. Force est de constater que les prétentions initiales du demandeur, formées à l'encontre des défendeurs qu'il a seuls assignés, voient toutes leur recevabilité soumise à la démonstration par [L] [C] de sa qualité d'auteur des oeuvres litigieuses. Or cette qualité requiert, pour qu'elle lui soit reconnue, et étant observé qu'il ne revendique pas la qualité de co-auteur d'une oeuvre de collaboration ou d'une oeuvre composite mais bien la qualité d'unique auteur des oeuvres en cause, que la propre qualité d'auteur de [D] [N], qui bénéficie de la présomption de titularité sur ces oeuvres, lui soit déniée. La mise en cause de celui-ci apparaît en conséquence indispensable face à une revendication de droits opérée à son préjudice. Il est constant que l'appel en garantie simple ne crée de lien juridique qu'entre l'appelant en garantie et l'appelé, à l'exclusion de tout lien entre le demandeur à l'action principale et l'appelé en garantie (Cass.1re civ., 15 mai 2015, no 14-11.685). En l'espèce, M. [N], comme sa société Magis S.r.l., ne sont effectivement devenus défendeurs à la présente instance que suite à leur mise en cause par la Monnaie de Paris, laquelle les a appelés en garantie au titre des seules oeuvres litigieuses exposées – à savoir « La Nona Ora », « La Rivoluzione Siamo Noi », « Him » et « Le petit [N] de Rotterdam » – et sur le seul fondement de la responsabilité contractuelle. Si ces derniers sont de ce fait devenus parties à l'instance, l'intervention forcée constituant une demande incidente qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires sans qu'elle entraîne la création d'une nouvelle instance (Cass. 2e civ., 25 juin 2015, no 13-27.470 et no 14-21.713), aucun lien juridique n'est pour autant né du fait de cette intervention forcée entre eux et le demandeur principal, [L] [C]. Dès lors, faute d'avoir assigné en personne [D] [N], auteur présumé, au préjudice duquel il revendique la titularité des droits sur les oeuvres en cause, [L] [C] doit être déclaré irrecevable en toutes ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur. L'appel en garantie devenant, du fait de l'irrecevabilité des demandes, sans objet, il ne sera pas examiné. M. [L] [C], partie perdante, supportera seul la charge des dépens et ses propres frais. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. M. [L] [C] sera ainsi condamné à payer au titre des frais irrépétibles les sommes de : - 10 000 euros à la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] Editions ensemble ; - 10 000 euros à la Monnaie de Paris. [D] [N] et la société Magis S.r.l. n'ont présenté de demandes au titre des frais irrépétibles, aux termes du dispositif de leurs écritures, qu'à l'encontre de la Monnaie de Paris et seulement à titre subsidiaire, si les demandes en contrefaçon devaient être jugées recevables, donnant lieu à examen de l'appel en garantie. Au regard de la solution du présent litige, aucune indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ne leur sera donc allouée. L'exécution provisoire n'apparaît pas justifiée au cas d'espèce et ne sera pas prononcée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, DIT M. [L] [C] irrecevable en ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur ; CONDAMNE M. [L] [C] à verser les sommes de : - 10 000 euros à la Galerie [I] [O] et la société [Adresse 11] Editions ensemble, - 10 000 euros à la Monnaie de Paris, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE M. [L] [C] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Normand et associés, pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire. Fait et jugé à Paris, le 08 juillet 2022. Le Greffier Le Président
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/10831 - No Portalis 352J-W-B7E-CTD2D No MINUTE : Assignation du : 13 octobre 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 13 septembre 2022 Monsieur [F] [W] [Adresse 2] [Localité 3] représenté par Me Arnault GROGNARD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1281, et par Me Quentin MOUTIER de la SELARL ONELEGAL, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant DEFENDERESSE Société REAL GAMES [Adresse 4] [Localité 1] (ITALIE) représentée par Me Olivier SAMYN de l'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0169 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Arthur COURILLON-HAVY, juge, assisté de Quentin CURABET, greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, greffière lors de la mise à disposition. A l'audience sur incident du 06 juillet 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. M. [F] [W], qui a créé avec M. [Y] [M] un jeu vidéo divulgué en 2014 et intitulé « Real drift car racing », reproche à la société de droit italien Real games, dont l'associé unique et le dirigeant est M. [M], d'avoir cessé de lui payer les redevances qu'il estime dues au titre de l'exploitation du jeu en vertu d'un contrat de licence « tacite », à hauteur de la moitié des « recettes ». 2. Après plusieurs échanges entre les parties au cours des années 2017 à 2020, M. [W] a, le 7 septembre 2020, assigné la société Real games en paiement de redevances et dommages et intérêts en responsabilité contractuelle, subsidiairement dommages et intérêts et cessation de la commercialisation du jeu pour contrefaçon de droits d'auteur. Le juge de la mise en état a proposé, le 12 mars 2021, une médiation aux parties, mais constaté le 21 mai que cela n'avait pas abouti. 3. Puis, par ordonnance du 22 février 2022, le juge de la mise en état a écarté les exceptions de nullité et d'incompétences soulevées par la société Real games, sauf à préciser que la demande subsidiaire en contrefaçon ne pouvait porter que sur le dommage causé en France. 4. Enfin, par conclusions du 23 mai 2022, M. [W] a formé un nouvel incident, pour demander à la défenderesse de communiquer des informations relatives aux revenus tirés de l'exploitation du jeu. 5. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, M. [F] [W] demande d'ordonner à la défenderesse de lui communiquer sous astreintes, pour les périodes allant de juin à décembre 2017 et de mars 2019 à aujourd'hui, ? les rapports financiers se rapportant aux ventes réalisées sur les plateformes Google play et Apple store des deux versions du jeu « Real drift car racing » et « Real drift car racing lite » ; ? les recettes publicitaires générées par ces deux versions du jeu via la plate-forme Google play (AdMob) Et de la condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Contestant tout caractère tardif à sa démarche, il fait valoir qu'il avait déjà demandé des données financières et d'exploitation du jeu devant le juge des référés mais avait dû y renoncer face à une difficulté de signification en Italie et parce que le juge de la mise en état avait entre temps été saisi de l'instance au fond, de sorte qu'il a alors attendu la confirmation de la compétence du présent tribunal. Il soutient ensuite, au visa des articles 138, 142 et 143 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 331-1-2 et L. 332-1-1 du code de la propriété intellectuelle, que tant en droit commun qu'en droit d'auteur, les seules conditions à la mesure demandée sont, d'une part, que le principe d'action allégué soit vraisemblable et étayé, d'autre part que la mesure d'instruction soit proportionnée à la démonstration qu'elle poursuit (citant notamment un arrêt de la CJUE, référencé C-597/19). 7. Sur la vraisemblance du principe d'action, il estime à titre principal que la convention le liant à la défenderesse, prévoyant un partage par moitié des revenus, est démontrée par les intitulés des virements qu'il a reçus, ainsi que par des courriers, tandis que l'affirmation du caractère ponctuel de ces paiements n'apparait qu'après la naissance du différend en 2017 et serait donc inopérante. 8. À titre subsidiaire, sur le droit d'auteur, il soutient que le jeu en cause est une oeuvre complexe, dont l'originalité ne fait aucun doute ; qu'en effet, il a opéré des choix arbitraires observables dans les éléments graphiques, pris distinctement ou dans leur ensemble ; que les caractéristiques ornementales des véhicules ne sont pas stéréotypées, avec des couleurs vives et claires, des jeux d'ombres et lumière créant un effet métallisé donnant dynamisme et élégance, des formes de carrosserie, de jantes, des feux, des pare-brises et vitres, particulières, avec des logos ; que les garages du jeu ont des murs et sols gris avec des « tags », des éléments donnant un aspect usé, des poutres apparentes, le tout donnant un effet sombre contrastant avec la vivacité des véhicules ; que les vues extérieures présentent elles aussi des contrastes voulus et sont réalistes ; que l'argent est représenté avec un effet brillant. Sa titularité sur cette oeuvre est, selon lui, établie par sa désignation en tant que coauteur dans les crédits du jeu (par son surnom « Sipon »), mais aussi par l'accès qu'il a eu à plusieurs projets de création en association avec la société Real games, la reconnaissance de son rôle par M. [M] lui-même, qui a écrit que M. [W] était l'artiste des graphismes du jeu et a dû être remplacé dans ce rôle quand il n'était pas disponible ; et par les paiements effectués par la société Real games (et les exploitants précédents du jeu). S'agissant, expose-t-il, d'une oeuvre de collaboration dont les coauteurs disposent de droits indivis, M. [M] n'avait pas le pouvoir, seul, d'autoriser la société Real games à l'exploiter, celle-ci commettant donc une contrefaçon. 9. Sur la nécessité de la mesure demandée, il soutient qu'il n'a reçu que des redevances partielles pour la période de 2017 et aucune redevance pour la période postérieure à avril 2019 ; que les captures d'écran qu'il a obtenues de la plate-forme Apple store montrent des revenus de 23 400 et 26 700 euros pour chaque période, respectivement, mais qu'il s'agit d'une preuve précaire et n'allant que jusqu'au 31 mars 2020 ; qu'il n'a aucune information sur les ventes par la plate-forme Google play, dont l'accès lui a été retiré, ni des revenus publicitaires sur cette plate-forme ; que les ventes sur cette plate-forme sont pourtant les recettes les plus importantes du jeu 10. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 1er juillet 2022, la société Real games résiste aux demandes, subsidiairement demande de limiter la communication à la seule exploitation sur le territoire français, et réclame elle-même 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec recouvrement par son avocat. 11. Elle expose que la demande principale en responsabilité contractuelle relève du droit commun, qui ne prévoit pas de droit à l'information comme en droit d'auteur ; qu'au demeurant aucun contrat ne lie les parties, M. [W] ayant lui-même refusé la formalisation contractuelle de leur collaboration en juillet 2017 sans faire de contre-proposition, et les paiements de 50% des revenus ayant toujours été ponctuels, liés à une participation ponctuelle, précise-t-elle. 12. Sur le droit d'information fondé sur le droit d'auteur, elle soutient que la demande au fond n'est pas vraisemblable En premier lieu, s'agissant de la titularité des droits invoqués : le jeu serait une oeuvre collective n'appartenant pas à M. [W], car il aurait été développé à l'initiative et sous la direction de M. [M], qui aurait également fortement participé à la réalisation de ses graphismes, avec d'autres prestataires, et à partir d'éléments préexistants, soit créés par M. [M] (le moteur « UnityCar ») soit achetés à des tiers (11 modèles de voitures du jeu prêts à l'emploi), tandis que M. [W] n'aurait pas travaillé à plein temps sur le jeu, et sans véritable autonomie. 13. En deuxième lieu, la société Real games estime que l'originalité des oeuvres invoquées n'est pas vraisemblable, car M. [W] procèderait par voie d'affirmations générales, sans caractériser subjectivement ses partis pris et l'empreinte de sa personnalité, sans distinguer individuellement les oeuvres invoquées, ni l'originalité de chacune ; au contraire, poursuit-elle, ces créations viennent de véhicules existant réellement, et M. [W] n'aurait, dans l'ensemble, apporté que des ajouts insignifiants, et fourni qu'une prestation technique, contrôlée et selon les instructions de M. [M]. 14. L'incident a été entendu à l'audience du 6 juillet 2022. 1) Demande 15. Il résulte des articles 142, 138 et 139 du code de procédure civile que si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un élément de preuve détenu par une autre partie, le juge saisi de l'affaire peut, à sa demande, en ordonner la délivrance s'il estime cette demande fondée, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte. 16. En application de l'article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, si la demande lui est faite, et s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. 17. Au cas présent, l'existence de l'obligation de payer la moitié des revenus de l'exploitation du jeu devra faire l'objet d'une analyse qui parait incertaine à ce stade, en l'absence de contrat écrit, et alors qu'un tel partage, qui prévoirait sans limitation de durée l'attribution d'une partie très importante des produits d'exploitation, sans tenir compte des charges d'exploitations, parait a priori économiquement peu cohérent. 18. De même, l'étendue de l'apport de M. [W] dans la création, et le caractère original de celle-ci, font l'objet d'une contestation qui n'est pas dénuée de sérieux. 19. Plus généralement, il est plus opportun de trancher en premier lieu le principe de responsabilité, et de laisser dans un second temps les parties régler entre elles les conséquences pécuniaires en ordonnant la communication des éléments pertinents. 20. La communication demandée doit par conséquent être refusée. 21. Les frais exposés par les parties pour cet incident, où elles ont principalement développé la même argumentation que sur le fond, ne sont pas distinguables des frais exposés plus généralement pour le procès dans son ensemble. Il n'y a donc pas lieu à une indemnité de procédure spéciale. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état REJETTE les demande de communication ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ; RENVOIE l'affaire à la mise en état dématérialisée du 13 octobre 2022 pour dernières conclusions du demandeur, puis ultime réplique le 10 novembre et clôture le 17 novembre 2022 ; Faite et rendue à Paris le 13 septembre 2022 La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/15451 - No Portalis 352J-W-B7F-CVVWJ No MINUTE : Assignation du : 09 Décembre 2021 rendu le 11 Octobre 2022 DEMANDERESSE COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (C.I.V.C.) [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELEURL CABINET M-P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #R266 DÉFENDERESSE S.A.S. LIDY SERVICES [Adresse 4] [Localité 3] défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 22 Juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort _____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C.I.V.C.) institué par la loi du 12 avril 1941, modifiée par les lois des 2 juin 1944, 7 juin 1977 et 5 janvier 2006, a notamment pour mission d'assurer la protection des intérêts collectifs des groupements des professionnels participant à la production et la commercialisation des vins de Champagne (vignerons et négociants). 2. Le terme « Champagne » constitue une appellation d'origine contrôlée instituée par le Décret du 29 juin 1936, remplacé par le Décret no2010-1441 du 22 décembre 2010. Il s'agit également d'une appellation d'origine protégée au sens du Règlement (UE) no1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 (appendice 1 "Zones viticoles") . 3. La société Lidy Services dont le siège est à [Localité 5] a pour activité principale le transport routier de marchandises. 4. Le 15 octobre 2021, les douanes du Havre ont informé le C.I.V.C. de la mise en retenue de 1457 caisses de 24 bouteilles, soit 34.968 bouteilles au total, d'une boisson sucrée dénommée « Couronne fruit champagne ». Le 18 octobre suivant, les services douaniers ont révélé, au titre de la levée du secret professionnel, l'identité de l'expéditeur, la société Canhaidom Trading basée à Haïti, et du destinataire, la société Lidy Services. 5. Suivant ordonnances du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, le 2 novembre 2021, et de celui du tribunal judiciaire de Lille, le 3 novembre 2021, le C.I.V.C. a fait diligenter, le 9 novembre 2021, des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux des services de douane, dans ceux de la société Entreposage Havrais où était stockée la cargaison mise en retenue et dans ceux de la société Lidy Services. Ces opérations ont permis de confirmer la présence de 34.508 bouteilles de la boisson « Couronne fruit champagne » dans les locaux de la société Entreposage Havrais. 6. C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du 9 décembre 2021, le C.I.V.C. a assigné la société Lidy Services devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de l'appellation d'origine contrôlée « Champagne ». Bien que régulièrement citée par remise de l'acte à l'étude de l'huissier (le nom figure sur la boîte aux lettres), la société Lidy Services n'a pas constitué avocat. 7. Aux termes de son assignation, le C.I.V.C. demande au tribunal, au visa des articles L. 722-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de l'article L.643-1 du code rural et de la pêche maritime, de l'article 103 du Règlement (UE) no1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, de : - Le RECEVOIR en son action et le déclarer bien fondé ; - JUGER que l'importation et la commercialisation de boissons dont la dénomination de vente « COURONNE-FRUIT CHAMPAGNE » fait usage de l'appellation « Champagne » constitue un usage commercial exploitant la réputation de l'appellation d'origine « Champagne » prohibé par les articles L.643-1 du code rural et de la pêche maritime et 103 2) a) (ii) du Règlement (UE) 1308/2013 ; En conséquence : - INTERDIRE à la société Lidy Services d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser la boisson fruitée sous la dénomination « COURONNE-FRUIT CHAMPAGNE » faisant ainsi illicitement usage du nom de l'appellation d'origine « Champagne » en exploitant la réputation et/ou en détournant ou affaiblissant sa notoriété, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement ; - INTERDIRE à la société Lidy Services de faire usage du nom de l'appellation d'origine « Champagne » sous quelque forme et à quelque titre que ce soit pour des produits qui ne bénéficient pas du droit d'usage de cette appellation ; - JUGER que le tribunal se réserve la compétence pour liquider lesdites astreintes en application de la disposition de l'article L.131-3 du Code des procédures civiles d'exécution ; - ORDONNER, aux frais de la société Lidy Services, la destruction de l'intégralité des 34.508 bouteilles de « COURONNE FRUIT CHAMPAGNE » placées en retenue douanière le 15 octobre 2021, saisie le 9 novembre suivant et stockées dans les locaux de la société Entreposage Havrais ; - CONDAMNER la société Lidy Services à payer au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C.I.V.C.) la somme de dix mille euros (10.000 €), sauf à parfaire, en réparation du préjudice matériel et moral des groupements de base qu'il représente, résultant de l'atteinte portée à l'appellation d'origine « Champagne » ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues, au choix du C.I.V.C. et aux frais de la défenderesse, à raison de cinq mille euros (5.000 €) par insertion et ce, au besoin, à titre de dommages-intérêts complémentaires ; - CONDAMNER la société Lidy Services à payer au C.I.V.C. la somme de quinze mille euros (15.000 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - JUGER n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit du jugement ; - CONDAMNER la société Lidy Services aux entiers dépens, comprenant les frais de saisie-contrefaçon et les frais de stockage, dont distraction au profit de la SELARL M-P ESCANDE et ceci conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 9. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 10 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 22 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la contrefaçon Moyens des parties 10. Au soutien de ses prétentions, le C.I.V.C. rappelle que l'appellation « Champagne » constitue aussi bien une appellation d'origine protégée qu'une appellation d'origine contrôlée. Or, le C.I.V.C. explique que, conformément à l'article L.722-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue un acte de contrefaçon toute atteinte à une telle indication géographique. Plus précisément, le demandeur expose qu'aux termes de l'article L.643-1 du code rural et de la pêche maritime, toute utilisation d'une appellation d'origine contrôlée qui en détourne ou en affaiblit la notoriété est illicite. Enfin, au niveau européen, le demandeur rappelle que l'article 103.2 du Règlement (UE) no1308/2013 prohibe toute utilisation commerciale directe de l'appellation, y compris pour un produit différent, dès lors que ladite utilisation exploite la réputation de l'appellation d'origine protégée. Dès lors, le demandeur considère que porte atteinte à l'appellation « Champagne » le fait d'y avoir recours pour désigner une boisson ne respectant pas le cahier des charges prescrit et ainsi d'y associer la réputation de cette appellation. Le C.I.V.C. en déduit qu'en important la boisson litigieuse, la société Lidy Services a commis des actes de contrefaçon lui causant un préjudice. Appréciation du tribunal 11. Selon le 97ème considérant du règlement no 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, « Il convient de protéger les appellations d'origine et les indications géographiques contre toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes. Pour favoriser une concurrence loyale et ne pas induire en erreur les consommateurs, il convient que cette protection concerne également des produits et services ne relevant pas du présent règlement, y compris ceux qui ne figurent pas à l'annexe I des traités. » L'article 92 de ce réglement prévoit que "2. Les règles prévues au paragraphe 1 visent à : a) protéger les intérêts légitimes des consommateurs et des producteurs ; b) assurer le bon fonctionnement du marché intérieur des produits concernés, ainsi que c) promouvoir la production de produits de qualité visés dans la présente section, tout en autorisant les mesures nationales en matière de qualité." 12. L'article 93 de ce même règlement dispose, à son paragraphe 1, que : « Aux fins de la présente section, on entend par : a) "appellation d'origine", le nom d'une région, d'un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, d'un pays, qui sert à désigner un produit visé à l'article 92, paragraphe 1, satisfaisant aux exigences suivantes : i) sa qualité et ses caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents ; ii) il est élaboré exclusivement à partir de raisins provenant de la zone géographique considérée; iii) sa production est limitée à la zone géographique considérée ; ainsi que iv) il est obtenu exclusivement à partir de variétés de vigne de l'espèce Vitis vinifera ;(...) » 13. Aux termes, enfin, de l'article 103 "Protection" du règlement no 1308/2013, "1. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée peuvent être utilisées par tout opérateur commercialisant un vin produit conformément au cahier des charges correspondant. 2. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière" ou d'une expression similaire ; c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l'origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un contenant de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit, d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.(...) » 14. Il y a lieu de rappeler que ce règlement no 1308/2013 constitue un instrument de la politique agricole commune visant essentiellement à assurer aux consommateurs que des produits agricoles revêtus d'une indication géographique enregistrée au titre dudit règlement présentent, en raison de leur provenance d'une zone géographique déterminée, certaines caractéristiques particulières et, partant, offrent une garantie de qualité due à leur provenance géographique, dans le but de permettre aux opérateurs agricoles ayant consenti des efforts qualitatifs réels d'obtenir en contrepartie de meilleurs revenus et d'empêcher que des tiers ne tirent abusivement profit de la réputation découlant de la qualité de ces produits (CJUE, arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C-393/16, point 38). 15. En outre, par un arrêt du 9 septembre 2021 (aff. C-783/19,Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne contre GB), la Cour de justice de l'Union euroépenne a dit pour droit que "L'article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que l'« évocation » visée à cette disposition, d'une part, n'exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d'une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires et, d'autre part, est établie lorsque l'usage d'une dénomination produit, dans l'esprit d'un consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et l'AOP. L'existence d'un tel lien peut résulter de plusieurs éléments, en particulier, l'incorporation partielle de l'appellation protégée, la parenté phonétique et visuelle entre les deux dénominations et la similitude en résultant, et même en l'absence de ces éléments, de la proximité conceptuelle entre l'AOP et la dénomination en cause ou encore d'une similitude entre les produits couverts par cette même AOP et les produits ou services couverts par cette même dénomination." 16. Sur le plan du droit national, il résulte de l'article L. 431-1 du code de la consommation que "Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains." L'article L. 431-2 de ce même code précise qu' "Il est interdit : (...) 3o D'utiliser ou de tenter d'utiliser frauduleusement une appellation d'origine ou une indication géographique définie à l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle ; 4o D'apposer ou de faire apparaître, par addition, retranchement ou par une altération quelconque, sur des produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être mis en vente, une appellation d'origine ou une indication géographique définie à l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, en la sachant inexacte ;(...)" 17. En l'occurrence, les constatations de l'huissier au cours des opérations de saisie-contrefaçon diligentées à la demande du C.I.V.C. établissent la livraison à la société Lidy Service de 34.968 bouteilles en plasique transparent contenant une boisson de couleur orange présentée comme "rafraichissante", dénommée "Fruit Champagne" sous la marque "Couronne" (Brasserie de la Couronne"), provenant d'Haïti. Il ressort de ces pièces, en particulier des photographies annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon, que la boisson en cause n'est pas un vin de Champagne produit selon les modalités et au sein de la zone géographique visées par le Décret no2010-1441 du 22 novembre 2010 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Champagne". 18. En outre, en raison de l'apposition à l'identique de l'appellation d'origine "Champagne" sur les bouteilles litigieuses le consommateur européen moyen est amené à faire un lien direct et univoque avec l'appellation d'origine protégée. De la même manière, la très grande notoriété de l'appellation "Champagne" exclut que la société Lidy Services ait ignoré l'inexactitude de la mention portée sur les bouteilles. L'atteinte à l'appellation protégée "Champagne" est donc ici démontrée. 2o) Sur les mesures de réparation Moyens des parties 19. Au soutien de ses prétentions indemnitaires, d'interdiction et de destruction, le C.I.V.C. expose que le comité ainsi que l'ensemble des vignerons producteurs de vin de Champagne ont subi un préjudice moral et matériel conséquent lié à l'atteinte à l'image causé par l'usage de l'appellation « Champagne » pour désigner le soda « Couronne Fruit Champagne ». Le C.I.V.C. affirme en effet que le recours à cette appellation pour désigner ce produit contribue à diluer le pouvoir d'attraction de l'appellation « Champagne ». Au soutien de sa demande de mesures de publication, le C.I.V.C. fait valoir qu'une grande partie de son activité consiste à sensibiliser le public à la protection dont bénéficie l'appellation « Champagne ». Or, il estime que les actes de contrefaçon en cause réduisent à néant ces efforts et tendent à donner l'impression d'une absence de protection. En conséquence, le demandeur estime qu'une mesure de publication est nécessaire afin de réaffirmer le caractère protégé de l'appellation « Champagne » auprès du grand public. Appréciation du tribunal 20. Selon l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle, "Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l'Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. Pour l'application du présent chapitre, on entend par " indication géographique " : a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ; (...) c) Les appellations d'origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l'Union européenne ; (...)" Il en résulte que sont applicables à la réparation du préjudice causé par l'atteinte à une appellation d'origine les articles L.722-6 et L.722-7 du code de la propriété intellectuelle. 21. S'agissant du préjudice allégué, le demandeur ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice matériel. Il ressort en effet des pièces versées aux débats que l'intégralité des produits litigieux ont été placés en retenue par les services de douane français et n'ont par conséquent jamais été commercialisés sur le territoire national ou européen. Il s'en infère que la société Lidy Services n'a pu réaliser aucun bénéfice de cette infraction. Pour la même raison, le C.I.V.C. ne démontre pas en quoi les actes de la société Lidy Services ont eu un impact économique négatif sur le comité ou les entités qu'il représente. 22. S'agissant en revanche du préjudice moral, il apparait effectivement que la mise sur le marché des bouteilles litigieuses revêtues de l'appellation « Champagne » est de nature à avilir l'appellation en cause. Il reste toutefois que, la totalité de la cargaison de boisson « Couronne Fruit Champagne » ayant été retenue par les services de douane du Havre, aucun produit contrefaisant n'a été commercialisé en France ou en Europe par la société Lidy Services. Il en résulte que le produit contrefaisant n'a pas été diffusé auprès des consommateurs nationaux et européens et n'a donc porté qu'une atteinte limitée à l'image de l'appellation « Champagne ». La société Lidy Services sera ainsi condamnée au versement de la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice causé au C.I.V.C. 24. Il sera en outre fait interdiction à la société Lidy Services de poursuivre ses agissements contrefaisants et il y a lieu de faire droit à la demande de destruction des produits saisis. 25. Les autres dispositions du présent jugement réparant suffisamment le préjudice subi, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication présentée par le CIVC. 26. Partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure ci vile, la société Lidy Services sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer au CIVC la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 27. Aucune circonstance ne justifiant de l'écarter, il y a lieu de rappeler que le présent jugement est de plein droit revêtu de l'exécution provisoire, y compris en ce qui concerne la mesure de destruction des produits contrefaisants retenus. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, FAIT INTERDICTION à la société Lidy Services d'importer, d'offrir à la vente et de vendre la boisson « Couronne Fruit Champagne » et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction (c'est à dire par bouteille contrefaisante) constatée, courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement et pendant 180 jours ; ORDONNE, aux frais de la société Lidy Services, la destruction de l'intégralité du stock de boisson « Couronne Fruit Champagne » placé en retenue par les services de douane le 15 octobre 2021 et entreposé dans les locaux de la société Entreposage Havrais ; CONDAMNE la société Lidy Services à payer au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C.I.V.C.) la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'atteinte à l'appellation d'origine « Champagne » ; DEBOUTE le C.I.V.C. de sa demande de publication du jugement ; CONDAMNE la société Lidy Services aux dépens qui comprendront les frais de saisie-contrefaçon et de retenue, et autorise la Selarl M-P Escande à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Lidy Services à payer au C.I.V.C. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente est exécutoire de droit à titre provisoire, y compris en ce qui concerne la destruction des produits contrefaisants. Fait et jugé à Paris le 11 Octobre 2022. La Greffière La Présidente
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/11/2022 la SCP LE METAYER ET ASSOCIES Me Janvier BISSILA ARRÊT du : 10 NOVEMBRE 2022 No : 172 - 22 No RG 21/00061 No Portalis DBVN-V-B7F-GIUW DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 16 Décembre 2020 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265264508837111 Monsieur [W] [J] né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 11] (ALGERIE) [Adresse 3] [Localité 8] Ayant pour avocat Me Didier CAILLAUD, membre de la SCP LE METAYER&ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS D'UNE PART INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265261925812180 Monsieur [I] [Z] né le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 12] [Adresse 2] [Localité 9] Ayant pour avocat postulant Me Janvier Michel BISSILA, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Alain NOSTEN, membre de la SELARL GMBAvocats, avocat au barreau de PARIS Monsieur [M] [H] né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 10] [Adresse 5] [Localité 7] Ayant pour avocat postulant Me Janvier Michel BISSILA, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Alain NOSTEN, membre de la SELARL GMBAvocats, avocat au barreau de PARIS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 07 Janvier 2021 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 01 Septembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile. Lors du délibéré : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé. Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 NOVEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : Le 5 décembre 2009, la SARL La Brit, représentée par son gérant, M. [W] [J], a souscrit auprès de la Banque populaire Val de France un prêt d'un montant de 170 000 euros. L'acte de prêt, passé sous signature privée, indique que le remboursement du prêt a été garanti par un nantissement du fonds de commerce exploité par la société La Brit, ainsi que par le cautionnement de M. [J], celui de M. [M] [H] et celui de M. [I] [Z]. La société La Brit a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaires, par jugements du tribunal commerce d'Orléans des 4 décembre 2013 et 9 avril 2014. M. [J], qui s'était porté caution solidaire à l'égard de la Banque populaire Val de France à hauteur de 110 500 euros, a été condamné à régler à l'établissement bancaire, par jugement du tribunal de commerce d'Orléans en date du 7 mai 2015, la somme de 110 500 euros, cession du fonds de commerce nanti à déduire de cette somme, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement, outre une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Exposant avoir réglé en exécution de ce jugement une somme de 127 897,61 euros, M. [J] a fait assigner M. [I] [Z] et M. [M] [H] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans par acte du 3 juillet 2017, afin de les entendre chacun condamner à lui payer, en principal, la somme de 31 974,40 euros à titre de provision. Par ordonnance du 26 janvier 2018, le juge des référés a retenu que la demande de M. [J], qui ne démontrait ni que son paiement avait excédé sa part et portion, ni l'existence d'une solidarité entre les cautions, se heurtait à l'existence d'une contestation sérieuse, et a dit en conséquence n'y avoir lieu à référé. Par acte du 2 juillet 2018, M. [J] a fait assigner M. [Z] et M. [H] en paiement devant le tribunal de grande instance d'Orléans. Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a : -déclaré M. [W] [J] recevable en ses demandes, mais les a dites mal fondées, -débouté M. [W] [J] de ses demandes, -condamné M. [W] [J] à payer à M. [M] [H] et M. [I] [Z] chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamné M. [W] [J] aux entiers dépens Pour statuer comme ils l'ont fait, après avoir rappelé les termes de l'article 2310 du code civil, les premiers juges ont retenu en substance que si M. [J] avait réglé à la Banque populaire une somme supérieure à celle au paiement de laquelle il avait été condamné, c'était en raison des intérêts moratoires qui avaient couru en l'absence d'exécution immédiate et spontanée, et que dès lors qu'il n'avait pas été condamné à payer au-delà de sa part et portion, tenue comme étant le montant de son engagement, il ne pouvait exercer de recours contre ses cofidéjusseurs. M. [W] [J] a formé appel de cette décision par déclaration du 7 janvier 2021 en critiquant expressément tous les chefs du jugement. Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2021, M. [J] demande à la cour, au visa des articles 2309 et 2310 du code civil, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de : -le dire recevable et bien fondé en son appel, En conséquence, -réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 16 décembre 2020, Statuant à nouveau, -constater que MM. [I] [Z] et [M] [H] sont, chacun, redevables de la somme de 31 974,40 euros, en leur qualité de cofidéjusseurs et en ce qu'ils s'étaient engagés à hauteur de 25 % en principal de l'emprunt souscrit par la SARL La Brit, -condamner MM. [I] [Z] et [M] [H] au paiement, chacun, de la somme de 31 974,40 euros auprès de M. [W] [J], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 3 juillet 2017, A titre subsidiaire, -condamner MM. [I] [Z] et [M] [H] au paiement, chacun, de la somme de 28 750 euros auprès de M. [W] [J], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 3 juillet 2017, En tout état de cause, -condamner MM. [I] [Z] et [M] [H] à payer à M. [W] [J] la somme de 4 000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile, -les condamner aux entiers dépens dont distraction des frais au profit de Maître Didier Caillaud, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile Dans leurs dernières conclusions notifiées le 31 août 2022, M. [Z] et M. [H] demandent à la cour, au visa des articles 1310, 1355 et 2310 du code civil, -confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions, En conséquence, -débouter M. [W] [J] de l'ensemble de ses demandes, conclusions et fins, Y ajoutant, -condamner M. [W] [J] à payer à MM. [I] [Z] et [M] [H] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er septembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 22 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour. SUR CE, LA COUR : Sur la demande principale en paiement L'article 2310 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021, énonce que lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion, puis précise, à son alinéa second, que ce recours n'a lieu que lorsque la caution a payé dans l'un des cas énoncés à l'article précédent. Il n'est pas contesté, au cas particulier, que M. [J] a été « poursuivi en justice pour le paiement », au sens de l'article 2309 du code civil auquel renvoie l'article précité, de sorte qu'il dispose d'un recours contre ses cofidéjusseurs s'il a payé au créancier l'intégralité de la dette ou, du moins, une fraction excédant sa part contributive. Contrairement à ce que soutiennent les intimés en s'appropriant le raisonnement erroné du premier juge, la part contributive de M. [J] ne correspond pas au montant de son engagement. Lorsque, comme en l'espèce, les cautions se sont engagées pour des montants différents, la fraction de la dette devant être supportée par chacune des cautions à la suite du recours de celle qui a payé doit être déterminée en proportion de l'étendue de leur engagement initial (v. par ex. civ. 1, 2 février 1982, no 80-14.764). Autrement dit, la part contributive de chaque caution est proportionnelle au montant de son engagement initial. En garantie de la dette de la débitrice principale, il est établi que M. [J] s'est engagé à hauteur de 110 500 euros et MM. [Z] et [H] ne contestent pas s'être respectivement engagés envers la Banque populaire à hauteur de 55 250 euros. Pour déterminer la part contributive de chaque caution, il convient, d'abord, d'additionner les montants des engagements souscrits : 110 500 + 55 250 + 55 250 = 221 000. Il convient ensuite de rapporter chaque engagement pris individuellement au montant total des engagements, soit 110 500 / 221 000 = œ et 55 250 / 221 000 = Œ Il y a lieu enfin d'appliquer la proportion obtenue au montant de la dette garantie. En l'espèce, il n'est pas contesté que le montant de la dette garantie s'élève à la somme de 124 393,59 euros correspondant au montant de la créance de la Banque populaire admise au passif de la procédure collective de la société Brit au titre du prêt garanti. Il en résulte que M. [J] peut exercer un recours contre ses cofidéjusseurs s'il justifie avoir réglé à la société Banque populaire plus que la somme de 62 196,79 euros correspondant à sa part contributive ( œ de 124 393,59). Par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 7 mai 2015, M. [J] a été condamné à payer à la Banque populaire, en exécution de son engagement de caution, la somme principale de 110 500 euros, cession du fonds de commerce nanti à déduire de cette somme, avec intérêts au taux légal capitalisés annuellement à compter du prononcé du jugement, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, comprenant « les mesures conservatoires déjà prises ». Si la caution peut réclamer à ses cofidéjusseurs, outre la somme qu'elle a payée au titre de l'obligation principale, les intérêts produits par l'obligation garantie et les frais de justice exposés par le créancier pour recouvrer sa créance, M. [J], qui indique avoir réglé à la Banque populaire une somme de 127 097,61 euros comprenant les intérêts et les dépens auxquels il a été condamné, ne produit aucune décompte détaillé permettant à la cour de vérifier que cette somme de 127 097,61 euros qu'il justifie avoir réglée au créancier correspond exclusivement au principal, augmenté des intérêts et des frais de justice au sens de l'article 2305 ancien du code civil. Dans ces circonstances, le recours de M. [J] ne peut prospérer que dans la limite de la somme de 115 501,54 euros correspondant aux causes du commandement de payer valant saisie immobilière qui lui a été délivré le 5 février 2016 par la Banque populaire en exécution du jugement du 7 mai 2015, dont il est justifié qu'elles sont été réglées le 1er août 2016 à l'occasion de la vente de gré à gré de l'immeuble saisi, ensuite de laquelle le créancier s'est désisté de sa demande de vente forcée en indiquant avoir été intégralement réglé. Compte tenu des parts contributives de ses cofidéjusseurs, M. [J] peut donc réclamer à chacun de M. [Z] et de M. [H] une somme de 28 875,38 euros (Œ de 115 501,54 euros). Pour s'opposer au paiement, les intimés ne peuvent utilement faire valoir que le jugement rendu le 7 mai 2015 par le tribunal de commerce d'Orléans leur est inopposable, ce qui est indifférent, reprocher à M. [J] de ne pas les avoir appelés à l'instance ayant conduit à ce jugement, alors que rien ne l'y obligeait, et ne peuvent pas davantage exciper de ce que les cautions ne s'étaient pas engagées solidairement entre elles, ce qui est discutable et, en toute hypothèse, pareillement indifférent en l'espèce. A supposer que la Banque populaire ait failli à son devoir de conseil ou de mise en garde à l'égard de M. [Z] et M. [H], ce qui n'est pas établi, ou que M. [J] ait commis des fautes dans la gestion de la société La Brit de nature à engager sa responsabilité, ce qui n'est pas non plus démontré, aucune de ces hypothèses n'est de toute façon de nature à emporter la nullité ou l'extinction des engagements de caution des intimés. Dès lors qu'aucun des moyens développés par les intimés ne remet en cause le principe et l'entendue de leurs engagements de caution respectifs, M. [Z] et M. [H], qui ne justifient d'aucune cause de nature à priver M. [J] de son recours contributif, seront chacun condamnés à régler à l'appelant, par infirmation du jugement entrepris, la somme sus-énoncée de 28 875,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017, dans la limite de la demande. Sur les demandes accessoires MM. [Z] et [H], qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter les dépens de première instance et d'appel et seront déboutés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur ce dernier fondement, chacun de M. [Z] et de M. [H] sera condamné à régler à M. [J], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 2 500 euros. PAR CES MOTIFS INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées, STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant : CONDAMNE chacun de M. [I] [Z] et de M. [M] [H] à payer à M. [W] [J] la somme de 28 875,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017, CONDAMNE M. [I] [Z] à payer à M. [W] [J] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [M] [H] à payer à M. [W] [J] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes de M. [I] [Z] et M. [M] [H] formées sur le même fondement, CONDAMNE M. [I] [Z] et M. [M] [A] aux dépens de première instance et d'appel, ACCORDE à Maître Didier Caillaud, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 22/03334 - No Portalis 352J-W-B7G-CWNIS No MINUTE : Assignation du : 15 Mars 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. PLASTIGRAF [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1489 DÉFENDEURS Monsieur [H] [B] [Adresse 3] [Adresse 3] Madame [W] [F] [Adresse 1] [Adresse 1] représentés par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2140 et par Maître Paul BRENDER de la SELARL SEED AVOCAT, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant COMPOSITION Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 14 juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 Septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [H] [B] est un apiculteur retraité, particulièrement préoccupé, comme l'ensemble des apiculteurs, des menaces pesant sur les ruches françaises depuis 2004, époque de l'importation accidentelle des frelons asiatiques. Mme [W] [F] est architecte. Elle est la fille de M.[D] [F], qui a exercé, jusqu'à ce qu'il fasse valoir ses droits à la retraite en septembre 2018, en qualité de directeur des sites de production de la société Plastigraf, laquelle conçoit, fabrique, et commercialise des produits en matières plastiques réalisés par injection ou surmoulages techniques. 2. Les parties se sont rapprochées aux fins de fabriquer un piège à frelons asiatiques plus performant que ceux présents sur le marché. Le 16 janvier 2017, M. [B] et Mme [F] ont déposé une demande de brevet français, ayant pour titre "Dispositif sélectif de captures pour frelons asiatiques", dont la publication de la délivrance est intervenue le 21 juin 2019 sous le no FR 3 061 832. La société Plastigraf a quant à elle, le 30 octobre 2018, déposé une demande de brevet français ayant pour titre "Dispositif de piégeage de frelon asiatique sélectif" et mentionnant comme inventeur M. [N] [J], son gérant. La publication de la délivrance de ce brevet est intervenue le 6 novembre 2020 et celui-ci porte le no FR 3 087 628. 3. Estimant ce dernier dépôt frauduleux, M. [B] et Mme [F] ont, par acte d'huissier délivré le 4 janvier 2021, fait assigner la société Plastigraf devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication de la propriété du brevet FR 3 087 628. 4. A réception des conclusions de la société défenderesse qui les présentaient comme des particuliers lui ayant simplement fait part d'une idée de piège à frelons, M. [B] et Mme [F] ont, le 17 janvier 2022, sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section à laquelle l'affaire avait été distribuée, au visa des articles 789, 143 et 845 du code de procédure civile, l'autorisation de faire pratiquer une mesure d'instruction au siège de la société Plastigraf aux fins d'y faire rechercher par un huissier les preuves (en particulier les courriels) de leur qualité de concepteurs du piège finalement breveté par cette société, selon eux en fraude de leur qualité. 5. La mesure a été exécutée le 16 février 2022 et, par acte d'huissier délivré le 15 mars 2022, la société Plastigraf a fait assigner en référé Mme [F] et M. [B] devant le juge ayant autorisé la mesure aux fins d'obtenir la rétractation totale, et subsidiairement la modification, de l'ordonnance du 17 janvier 2022. 6. Dans ses dernières conclusions, notifiées électroniquement le 13 juin 2022, la société Plastigraf demande au juge des référés de rétracter totalement son ordonnance et subsidiairement de la modifier en cantonnant la recherche à certains mots-clefs et en ordonnant une expertise de tri. Elle sollicite la condamnation de Mme [F] et de M. [B] à lui payer la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 7. M. [B] et Me [F] concluent quant à eux au rejet de toutes les demandes de la société Plastigraf et sollicitent reconventionnellement la levée pure et simple du séquestre et, subsidiairement, demande que les pièces "ne faisant pas débat" soient identifiées par la société Plastigraf et leur soient remises par l'huissier, et que les autres pièces soient examinées par les conseils des parties. M. [B] et Me [F] sollicitent en tout état de cause la condamnation de la société Plastigraf à leur payer la somme de 2.600 euros pour résistance abusive et celle de 6.181,71 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 8. L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 juin 2022 et mise en délibéré au 13 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l'absence de rétablissement du contradictoire avant l'exécution de la mesure Moyens des parties 9. La société Plastigraf sollicite en premier lieu la rétractation totale de l'ordonnance en invoquant une violation de la contradiction. Ainsi, tout en affirmant que, le jour de l'exécution de la mesure, aucune des personnes présentes n'était habilitée à recevoir l'acte de notification, de sorte qu'elles ont toutes refusé de recevoir cette signification, la société Plastigraf fait grief à l'huissier de n'avoir remis aux mêmes personnes présentes aucune copie et d'avoir signifié l'ordonnance par remise de l'acte à son étude, sans laisser aucun avis de passage. Elle soutient que cette remise à l'étude ne pouvait en aucun cas pallier l'obligation de remise en mains propres de la requête et de l'ordonnance au sens de l'article L. 495 al. 3 du code de procédure civile. 10. M. [B] et Mme [F] soutiennent quant à eux que la procédure de saisie a été parfaitement régulière, l'huissier de justice s'étant trouvé confronté à un refus de collaboration qui ne saurait en aucun cas bénéficier à la société Plastigraf. Ils indiquent à cet égard que, sur instruction téléphonique de M. [J], personne sur place au moment de l'exécution de la mesure n'ayant accepté de recevoir l'acte, l'huissier l'a signifié à la société Plastigraf par dépôt à son étude. Ils ajoutent que l'ordonnance et la requête ont été portées à la connaissance des personnes présentes sur place ainsi que le mentione l'huissier dans son prcès-verbal. Ils ajoutent que l'ordonnance et la requête ont de la même manière été portées à la connaissance de M. [J] téléphoniquement par l'huissier. Appréciation du juge des référés 11. Selon l'article 143 du code de procédure civile, "Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible." Il résulte en outre de l'article 493 du même code que "L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse." Les articles 496 et 497 précisent que " (...) S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire." 12. Selon l'article 495 du code de procédure civile, "L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée." Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que l'ordonnance et la requête doivent impérativement être présentées à la personne à laquelle elles sont opposées avant le début des opérations. En effet, aux termes de l'article 503 alinéa 2 du code de procédure civile relatif aux conditions générales d'exécution des décision de justice, "En cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification." Il est ainsi constamment jugé que "La signification à l'étude de l'huissier de l'ordonnance ayant autorisé sur requête une mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut tenir lieu de remise de l'ordonnance et de la requête à celui à qui la mesure est opposée, exigée par l'article 495, alinéa 3, du même code." (Cass. Civ. 2ème , 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170 - cité par la demanderesse à la rétractation - et qui censure l'arrêt ayant refusé de rétracterla mesure exécutée à 7 h 40 après ouverture des locaux par un serrurier en l'absence de la gérante ; voir également Cass. Civ. 2ème , 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36, également cité par la demanderesse, qui censure la décision ayant autorisé l'huissier à procéder anonymement). 13. En l'occurrence, le procès-verbal établi par Maître [L] le 16 février 2022 mentionne que l'objet de la mission a été immédiatement, à 9 h 30, "décliné" à la personne présente sur place, puis à 9 h 43, par téléphone à M. [J], gérant de la Sarl Plastigraf, en lui indiquant que la minute de l'ordonnance était à sa disposition. Ce dernier lui a immédiatement demandé de suspendre sa mission "jusqu'à son retour de congé", ce que l'huissier a évidemment refusé. Le procès-verbal mentionne enfin que l'ordonnance a été signifiée à son étude, personne sur place, et sur instruction de M. [J], n'acceptant de recevoir l'acte. 14. Il en résulte que les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile ont été respectées ici (l'ordonnance et la requête ayant bien été présentées à la personne à laquelle la mesure était opposée), de sorte que ce moyen de rétractation doit être écarté. Sur la déloyauté Moyens des parties 15. La société Plastigraf soutient que M. [B] et Mme [F] se sont livrés dans leur requête à une présentation déloyale des faits, ne produisant pas les conclusions au fond de la société Plastigraf et ce faiant, en cachant au juge des requêtes un partie essentielle de l'historique des relations des parties. 16. M. [B] et Mme [F] contestent toute déloyauté et soutiennent que la présentation des faits par la société Plastigraf est mensongère. Appréciation du juge des référés 17. A la différence des dispositions relatives à la saisie-contrefaçon, celles issues du droit commun appliqué ici, sont interprétées en ce sens qu'il ne peut, alors qu'il est justifié des raisons fondant l'absence de contradictoire, être imposé de rechercher si le requérant a bien présenté tous les faits même ceux dont il conteste la teneur même : "Tenu d'apprécier les mérites d'une requête au regard des seules conditions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge qui, pour rétracter l'ordonnance sur requête, retient que le requérant a manqué à un devoir de loyauté dans l'exposé des faits ajoute une condition à la loi. Sa décision doit être censurée." (Cass. Civ. 2ème , 20 mars 2014, pourvoi no 12-29.568, Bull. 2014, II, no 77 et pourvoi no 13-11.135, Bull. 2014, II, no 76) 18. Il se déduit en outre des dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile que le requérant qui choisit de solliciter par requête des mesures d'instruction doit préciser les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Ces circonstances doivent être caractérisées dans l'ordonnance ou la requête (Cass. Civ. 2ème, 1er mars 2018, pourvois no17-10.107, et no17-10.368 ; Cass. Civ. 2ème, 4 mars 2021, pourvoi no19-25.092 ) et la Cour de cassation exerce un contrôle lourd sur la caractérisation de ces circonstances. Elle contrôle en particulier la correcte mise en balance du principe de la contradiction et du droit à la preuve, récemment consacré par la Haute juridiction . Elle veille dans ce cadre à ce que le formalisme de motivation nécessaire ne rende pas, de fait, l'accés aux preuves impossible (Voir par exemple : Cass. Civ. 2ème, 25 mars 2021, pourvoi no 19-23.448). 19. En l'occurrence, la requête expose que les pièces recherchées sont des courriels détenus uniquement par la société Plastigraf en raison du départ de M. [F] de l'entreprise, pièces de nature informatiques très aisément destructibles, tandis que, selon les requérants, la présentation des faits résultant des premières conclusions au fond de la société Plastigraf était "erronée", ce qui apparaît comme étant de nature à caractériser un risque de dépérissement des preuves s'il avait été procédé contradictoirement. 20. A titre surabondant, ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties telles qu'elles résultent de l'examen de leurs écritures respectives, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [B] et Mme [F] ne peuvent donc être regardés comme ayant fait preuve de déloyauté ici et la demande de rétractation pour ce motif ne pourra par conséquent qu'être rejetée. Sur le cantonnement de la recherche par mots-clefs Moyens des parties 21. La société Plastigraf soutient que les termes de recherche étaient trop larges et en particulier que les mots-clefs "brevet" et "piège" étaient trop généraux et pouvait amener la saisie de documents portant sur d'autres projets de recherche de la société Plastigraf sans lien avec le présent litige. Elle soutient également que les recherches par les mots-clefs "[W]" et "[H]" pouvait amener la saisie de nombreux documents sans aucun rapport avec les requérants. 22. Mme [F] et M. [B] soutiennent quant à eux que les termes de recherche étaient parfaitement proportionnés et rappellent d'ailleurs qu'en vingt ans d'existence la société Plastigraf n'a déposé qu'un seul et unique brevet, celui objet du présent litige. Appréciation du juge des référés 23. La notion de "mesures légalement admissibles" visée par l'article 145 du code de procédure civile a été précisée par la jurisprudence, tout à la fois de manière négative, en prohibant les mesures d'investigation générale (Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 1999, pourvoi no97-10.831, Bull. 1999, II, no 3 ; Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no 15-27.526), et, de manière positive, en énonçant que, seules constituent des mesures légalement admissibles les mesures circonscrites dans le temps et dans leur objet (Cass. Civ. 2ème, 6 janvier 2011, pourvoi no09-72.841 ; Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 2016, pourvoi no14-25.781 ; Cass. Civ 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no15-27.526 ; Cass. Civ. 2ème, 21 mars 2019, pourvoi no18-14.705), c'est à dire pour la recherche d'éléments strictement en rapport avec l'action envisagée. Une décision récente rappelle d'ailleurs ces principes: "15. L'arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l'ordonnance du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donc légalement admissibles. 16. En se déterminant ainsi, sans faire ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clefs visant exclusivement des termes génériques (Google, accord, entente, salarié, avis, Linkedin) et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d'instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l'atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision." (Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, pourvoi no 20-11.987, publié). 24. Force est en l'occurrence de constater que les termes "brevet" et "piège" n'avaient rien de générique appliqués à cette société qui ne revendique aucune activité dans les pièges et n'est propriétaire que d'un seul brevet. Il en va de même pour la recherche autorisée par les mots-clefs portant sur les seuls prénoms des requérants, s'agissant d'une entreprise qui emploie un nombre limité de salariés. Il n'y aura donc pas lieu à modification de la mesure. Sur la protection du secret des affaires Moyens des parties 25. La société Plastigraf motive ainsi sa demande de désignation d'un expertt : "des éléments hautement sensibles ne présentant aucun lien avec l'objet de la saisie pourraient avoir été captés dans le cadre de la saisie intégrale des comptes de messagerie de M. [P] et de M. [J]. Il est ainsi justifié – compte-tenu de leur nature confidentielle – que leur ouverture soit strictement encadrée sous l'autorité d'un expert judiciaire, dans les conditions qui suivent, pour éviter une divulgation qui menacerait de manière irrémédiable le secret des affaires de la société Plastigraf." (Ses conclusions page 44) 26. Mme [F] et M. [B] sotiennent qu'aucune atteinte à un ou plusieurs secrets d'affaire n'est démontrée par la société Plastigraf. Ils sollicitent donc la levée du séquestre qui couvre à l'heure actuelle l'ensemble des documents saisis. Subsidiairement, ils sollicitent un examen des pièces en plusieurs étapes : "Une première phase d'examen non contradictoire au cours de laquelle la société Plastigraf devra identifier les pièces saisies à la communication desquelles elle ne s'oppose pas ; les pièces ne faisant pas débat étant communicables directement par l'huissier instrumentaire ; une seconde phase d'examen contradictoire en présence des conseils des parties des pièces saisies restantes et dont la communication fait débat ; une troisième phase hors la présence des parties permettant au juge de trancher les désaccords persistants sur la communication suite à la seconde phase d'examen des pièces saisies." Appréciation du juge des référés 27. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret." 28. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ; 2o Une version non confidentielle ou un résumé ; 3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce." 29. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Plastigraf n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable à ce stade. Il convient néanmoins de lui accorder un délai jusqu'au 18 novembre 2022 pour présenter sa demande conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dans cette attente, les pièces seront maintenues sous séquestre provisoire. Sur les demandes reconventionnelles et les dispositions finales 30. L'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. (Cass. Civ. 2ème, 9 septembre 2010, pourvoi no 09-69.936, Bull. 2010, II, no 151 ; Cass. Civ. 2ème, 27 septembre 2018, pourvoi no 17-20.127, Bull. 2018, II, no 196 ; Cass. Civ. 2ème, 19 mars 2020, pourvoi no 19-11.323). La demande reconventionnelle des défendeurs à la rétractation en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive à la saisie apparaît donc irrecevable à ce stade. 31. Parties perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Plastigraf sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [B] et Mme [F] la somme de 3.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, REJETTE les demandes de la société Plastigraf aux fins de rétractation comme de modification de l'ordonnance du 17 janvier 2022 rendue à la requête de M. [B] et Mme [F], IMPARTIT un délai jusqu'au 18 novembre 2022 à la société Plastigraf pour remettre au juge des référés: 1o La version confidentielle des pièces saisies le 16 février 2022, 2o Une version expurgée de ces mêmes pièces, 3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires en application de chacun des critères de l'article L. 151-1 du code de commerce (l'information n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité; elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret (les préciser dans ce cas) ; DIT que les modalités du cercle de confidentialité déterminant les conditions d'examen et d'accès à ces pièces, seront fixées après transmission de ces éléments, dont les parties seront informées par message par le RPVA ; MAINTIENT dans cette attente le séquestre entre les mains de Maître [L] ; CONDAMNE la société Plastigraf aux dépens ; CONDAMNE la société Plastigraf à payer à M. [B] et Mme [F] la somme de 3.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022. La Greffière Le Juge des référés
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JUDICIAIRE No RG 22/55799 - No Portalis 352J-W-B7G-CXSTV Assignation du : 29 Juillet 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 06 octobre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES BIOGEN FRANCE SAS [Adresse 8] [Localité 4] BIOGEN MA Inc. [Adresse 2] [Localité 6] - USA représentées par Maître Benoit STROWEL de l'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS - #P0512 DÉFENDERESSES MYLAN Ireland Limited [Adresse 5] [Adresse 5] [Adresse 7] - IRLANDE S.A.S. VIATRIS SANTE [Adresse 1] [Localité 3] représentées par Maître Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #A0948, A l'audience du 07 Septembre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fanny ACHIGAR, Greffier, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit nord américain Biogen MA Inc. se présente comme l'une des premières entreprises de biotechnologies au monde, à la pointe de la recherche scientifique dans la lutte contre les maladies neurologiques graves, depuis sa création en 1978. La société Biogen France est sa filiale française bénéficiant du statut d'exploitant lui permettant de distribuer en France les spécialités du groupe. 2. La société Biogen MA est titulaire du brevet européen désignant la France no 2 653 873 (ci-après EP 873), ayant pour titre « Compositions et leurs utilisations pour le traitement de la sclérose en plaques ». Ce brevet, déposé le 7 février 2008 en tant que demande divisionnaire du brevet européen no 2 137 537 ( ci-après le brevet parent EP 537), revendique la priorité d'une demande américaine no 888921 P du 8 février 2007. Il a fait l'objet d'une décision de délivrance le 23 juin 2022, laquelle a pris effet le 20 juillet suivant, date de publication au Bulletin Européen des Brevets no 22/29 de la mention de sa délivrance. Dès sa prise d'effet, le brevet EP 873 a fait l'objet de quatre oppositions. 3. Ce brevet protège une composition de fumarate de diméthyle et de fumarate de monométhyle, dosée à 480 mg (et jusqu'à 720 mg par jour), pour le traitement de la sclérose en plaques. La société Biogen MA bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ce produit (gélules gastro-résistantes de Diméthyle fumarate dosé à 120 ou 240 mg 2 x par jour indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente) délivrée le 30 janvier 2014, cette spécialité étant distribuée sous le nom Tecfidera ®. 4. Le groupe Viatris est spécialisé dans le développement et la vente de médicaments génériques. Sa filiale, la société Mylan Ireland Limited a obtenu la délivrance par la Commission européenne le 13 mai 2022, via la procédure centralisée, d'une AMM pour les spécialités génériques "Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg, gélule gastro-résistante" et "Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg, gélule gastro-résistante" indiquées dans le traitement des patients adultes atteints de sclérose en plaques rémittente-récurrente. La société de droit français Viatris Santé est désignée comme exploitante en France de cette AMM. Les spécialités Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg et Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg ont également été inscrites au répertoire des spécialités pharmaceutiques dont la commercialisation en France est autorisée, les sociétés Biogen ayant été informées le 20 juillet 2022 de la demande des sociétés Mylan aux fins d'inscription du Diméthyle Fumarate Mylan au répertoire des spécialités remboursables aux assurés sociaux. 5. Aussi, par une lettre du 5 mai 2022, renouvelée le 27 juin 2022, la société BiogenFrance a notifié ses droits à la société Viatris Santé lui demandant de s'engager à ne pas commercialiser les spécialités génériques du Tecfidera ®. Ces lettres sont restées sans réponse. C'est dans ce contexte que les sociétés Biogen MA et Biogen France ont sollicité et obtenu, par une ordonnance du 28 juillet 2022, l'autorisation de faire assigner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé en référé devant le délégataire du président de ce tribunal, siégeant à l'audience du 7 septembre 2022 à 9 h 30, aux fins d'obtenir qu'il soit fait défense à ces sociétés de commercialiser les spécialités génériques "Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg, gélule gastro-résistante" et "Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg, gélule gastro-résistante". 6. A l'audience du 7 septembre 2022, les sociétés Biogen MA et Biogen France demandent au juge des référés de : Dans l'éventualité où la décision à intervenir serait rendue avant tout lancement des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg gélules gastro-résistantes, sur le territoire français: - Dire que ces spécialités reproduisent à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873 de sorte que l'imminence de la contrefaçon des droits de Biogen MA n'est pas sérieusement contestable ; - Dire que la commercialisation illicite imminente de ces mêmes spécialités génériques constitue un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société Biogen France ; - Faire défense aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, jusqu'au 7 février 2028 inclus, de fabriquer, exporter, importer, mettre sur le marche, offrir en vente, commercialiser, utiliser et détenir aux fins précitées, sur le territoire français les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, sous astreinte de 1.000€ à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, étant précisé que l'astreinte s'entend par boîte de Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes ou de Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg fabriquée, exportée, importée, mise sur le marche, offerte à la vente, utilisée ou détenue aux fins précitées, ces actes constituant des infractions distinctes ; Alternativement, dans l'éventualité ou la décision à intervenir serait rendue après le lancement des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg gélules gastro-résistantes, sur le territoire français : - Dire que ces spécialités génériques reproduisent à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873 de sorte que la vraisemblance de la contrefaçon des droits de Biogen MA n'est pas sérieusement contestable ; - Dire que la commercialisation illicite des mêmes spécialités génériques constitue un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société Biogen France ; - Faire défense aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé, jusqu'au 7 février 2028 inclus, de fabriquer, exporter, importer, mettre sur le marche, offrir en vente, commercialiser, utiliser et détenir aux fins précitées, sur le territoire français les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, sous astreinte de 1.000€ à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, étant précisé que l'astreinte s'entend par boîte de Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes ou de Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg fabriquée, exportée, importée, mise sur le marche, offerte à la vente, utilisée ou détenue aux fins précitées, ces actes constituant des infractions distinctes ; - Ordonner à la société Mylan Ireland Limited et à la société Viatris Santé de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, sous astreinte de 1.000€ par boîte non rappelée ou non retirée des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48h suivant la date de la signification de la décision à intervenir ; - Autoriser les sociétés Biogen MA et Biogen France à demander que les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, soient remises à tout huissier de leur choix, aux seuls frais in so/idum des sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuites des actes de contrefaçon et par conséquent de: ? autoriser les sociétés Biogen MA et Biogen France à faire procéder par tout huissier instrumentaire de leur choix, à la saisie réelle des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, dans les locaux de la société Viatris Santé et en tous endroits dans lesquels les opérations révéleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conserves sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ; ? autoriser l'huissier instrumentaire a se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des Biogen MA et Biogen France, autres que les subordonnés des Demanderesses ; ? autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude; ? autoriser l'huissier instrumentaire a poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-dela de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scelles sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scelles ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gelules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873 à saisir dans les lieux de la saisie ; ? autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ; - Enjoindre aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé d'avoir a communiquer, sous astreinte de 10.000€ par jour retard passé un délai de 8 (huit) jours suivant la signification de la décision à intervenir, tous documents ou informations détenus par elles afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou de toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen no 2 653 873, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs de ces produits, (ii) les quantités produits, importées, commercialisées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autre avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d'achat de ces produits ; En tout état de cause - Se réserver de liquider les astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - Débouter les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé in solidum a verser aux sociétés Biogen MA et Biogen France la somme totale de 100.000 € au titre de !'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé in solidum aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. - Rappeler que l'exécution provisoire de l'ordonnance à intervenir est de droit. 7. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé demandent quant à elles au juge des référés de : A titre principal, - Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. A titre subsidiaire, - Dire que les mesures sollicitées par les sociétés Biogen France et Biogen MA sont disproportionnées ; - Débouter en conséquence les sociétés Biogen France et Biogen MA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; A titre plus que subsidiaire, - Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de leurs demandes de rappel et de droit à l'information ; A titre infiniment subsidiaire, - Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira au juge des référés de fixer pour que les parties puissent échanger sur les mesures de protection du secret des affaires à fixer préalablement à toute communication d'information, tel que prévu par l'article L.153-1 du code de commerce. En tout état de cause, - Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner in solidum les sociétés Biogen France et Biogen MA à verser à la société Viatris Santé et Mylan Ireland la somme de 300.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner in solidum les sociétés Biogen France et Biogen MA aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Denis Schertenleib, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile. 8. Plaidée à l'audience du 7 septembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré au 6 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) L'office du juge des référés 9. L'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que " Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...)" 10. Selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, saisi de demandes présentées au visa de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. Il convient donc, après la présentation du titre, d'examiner les moyens soulevés aux fins de contester sa validité apparente. 2o) Présentation du brevet noEP 2 653 873 12. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet, "L'invention concerne certains composés pour traiter la sclérose en plaques." 13. Le paragraphe [0002] enseigne que la sclérose en plaques est une maladie auto-immune, dans laquelle le système immunitaire, qui en principe lutte contre les agents étrangers, s'attaque aux propres éléments de l'organisme. Dans le cas de la sclérose en plaques l'action du système immunitaire est dirigée centre le système nerveux central (SNC), constitué du cerveau et de la moelle épinière. La maladie se caractérise par une inflammation entraînant la perte de la gaine de myéline qui entoure les axones neuronaux (qui véhiculent l'influx nerveux entre les neurones), puis la perte d'axones et la mort éventuelle des neurones, des oligodenrocytes et des cellules gliales. 14. Le paragraphe [0003] rappelle que la sclérose en plaques sous sa forme récurrente-rémittente consiste en des attaques récurrentes de dysfonctionnement neurologique pouvant se produire, s'atténuer et se reproduire de manière aléatoire pendant de nombreuses années. La rémission est souvent incomplète et au fur et à mesure que les crises se succèdent, une évolution décroissante s'ensuit avec un déficit neurologique permanent croissant. 15. Le paragraphe [0004] précise qu'aucun des traitements immunothérapeutiques connus à la date de priorité ne permet d'inverser la progression de la maladie. Le paragraphe [0007] fait ensuite état de recherches en cours sur les effets neuroprotecteurs de composés naturels d'origine végétale, par leur effet d'activation des voies de réponse au stress cellulaire, en particulier la voie Nrf2, entraînant la régulation positive des gènes neuroprotecteurs. 16. Le paragraphe [0009] évoque ainsi les travaux de [E] et al. ("BG00012, a novel oral fumarate is effective in patients with relapsing remitting multiple sclerosis", SAGE JOURNALS: MULTIPLE SCLEROSIS, September 2006, Vol. 12, page 585, P325) qui ont mis en évidence, au cours d'essais cliniques de phase 2b l'efficacité de trois doses de BG00012 : 120 mg/jour, 360 mg/jour et 720 mg/jour (240 mg tid) qui se sont avérées réduire de manière significative l'activité des lésions cérébrales détectables par IRM chez les patients atteints de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR). 17. Le paragraphe [0010] mentionne ainsi que l'invention concerne une utilisation médicale pour traiter la SEP par administration du Dyméthyle Fumarate (DMF) ou du Monométhyle Fumarate (MMF) tel que défini dans les revendications. 18. Les paragraphes [0023] puis [0061] rappellent les résultats de tests ayant révélé les propriétés cytoprotectrices et anti-inflammatoires du DMF par activation de la voie Nrf2 en conjonction avec des effets neuroprotecteurs et, en particulier, des testes dans un modèle animal : l'encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) (Tuohyetal., J. [D]., 1988,141:1126-1130, Sobel et al. J. [D]., 1984,132:2393-2401 et Traugott, Cell [D]., 1989 119:114-129). La description précise que l'EAE récurrente chronique fournit un modèle expérimental bien établi pour tester les agents qui seraient utiles pour le traitement de la SEP. Ainsi, l'EAE de la souris est une maladie démyélinisante auto-immune induite présentant de nombreuses similitudes avec la SEP humaine dans ses manifestations cliniques. Le paragraphe [0067] enseigne que des dosages thérapeutiquement efficaces obtenus dans un modèle animal peuvent être convertis pour une utilisation chez un autre animal, y compris l'homme, à l'aide de facteurs de conversion connus dans la technique (voir, par exemple, Freireich et al., Cancer Chemother. Reports, 1966, 50 (4): 219- 244 et le tableau 2 pour les facteurs de dosage de surface spécifique équivalente). 19. Le paragraphe [0078] enseigne l'exemple 3 suivant : Pour l'induction de l'EAE, les souris ont reçu des injections sous-cutanées dans les flancs et la base de la queue de 50 µg de peptide MOG 35-55 dans du PBS émulsifié dans un volume égal d'adjuvant complet de Freund (CFA) contenant du Mycobacterium tuberculosis H37RA (Difco, Detroit Ml, États-Unis) à une concentration finale de 0,5 mg/ml. Deux injections de toxine coquelucheuse (List Biological Traduction libre du brevet EP 2 653 873 Laboratories Inc., Californie, États-Unis ; 200 ng par souris, injection intrapéritonéale) ont été administrées aux jours 0 et 2. [0082] Les résultats, représentés sur les figures 3 et 4, démontrent l'activation du MMF et du DMF de Nrf2 in vivo. 20. Aux fins de l'invention, le brevet se compose de 9 revendications, seules étant opposées les revendication 1 et 5 suivantes : "1. Composition pharmaceutique destinée à être utilisée dans le traitement de la sclérose en plaques, la composition comprenant: (a) fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle, et (b) un ou plusieurs excipients pharmaceutiquement acceptables, dans laquelle la composition est destinée à être administrée par voie orale à un sujet nécessitant un traitement contre la sclérose en plaques, et dans laquelle la dose de fumarate de diméthyle ou de fumarate de monométhyle à administrer est de 480 mg par jour. 5. Fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle destiné à être utilisé dans le traitement de la sclérose en plaques, dans lequel le fumarate de diméthyle ou le fumarate de monométhyle doit être administré par voie orale à un sujet nécessitant un traitement contre la sclérose en plaques à une dose de 480 mg par jour." 3o) Les moyens de contestation de la validité du brevet EP 873 Moyens des parties 21. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé invoquent deux moyens selon elles sérieux de nullité manifeste du brevet qui leur est opposé. Elles soutiennent en premier lieu que l'invention n'est pas décrite dans le brevet et en particulier qu'il ne peut être tiré du modèle animal EAE visé dans la description, aucune conclusion fiable sur le traitement de la sclérose en plaques, ce que l'homme du métier sait selon elles parfaitement depuis un article paru en avril 2006 (Friese et al., "The value of animal models for drug development in multiple sclerosis", Brain 2006, 129, 1940-1952), et ce que confirme au demeurant le témoignage du Profeseur [E] produit par les sociétés Biogen en pièce 7.7. Les sociétés défenderesses ajoutent que l'efficacité thérapeutique de la dose revendiquée de 480 mg de DMF n'est pas décrite dans le fascicule de brevet et qu'elle ne pouvait l'être, cette efficacité n'ayant été démontrée que postérieurement à la date de dépôt par les résultats, paru en 2011, des essais cliniques de phase III "Define" et "Confirm" au cours desquels cette dose de 480 mg a été testée pour la première fois auprès de patients atteints de sclérose en plaques. 22. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent ensuite que, si l'invention est suffisamment décrite, alors elle était évidente pour l'homme du métier. Elles rappellent à cet égard que le problème technique que l'invention propose de résoudre est celui d'une dose thérapeutiquement efficace de DMF pour le traitement de la sclérose en plaques et non, comme le soutiennent les sociétés Biogen, un quelconque traitement amélioré.Elles ajoutent que l'art antérieur le plus proche est incontestablement la présentation faite par le docteur [E] des résultats d'essais clinique de phase 2b portant sur l'administration à des patients atteints de sclérose en plaques de doses comprises entre 120 et 720 mg de DMF, ces résultats étant au demeurant visés dans la description du brevet. 23. Les sociétés Mylan font à cet égard valoir que, ayant connaissance de ces résultats, l'homme du métier était fortement incité à tester la dose de 480 mg laquelle n'a dès lors rien d'inventif. Elles soulignent en effet la survenue de plus nombreux effets indésirables avec la dose la plus élevée et le taux plus élevé d'interruption du traitement à cette dose, ce qui est hautement problématique pour une pathologie aussi grave que la sclérose en plaques et aurait incité l'homme du métier à diminuer la dose administrée, en dépit de son effet dose-dépendant. Les sociétés défenderesses ajoutent que l'homme du métier aurait relevé, à l'examen des résultats des essais de phase 2b, que les patients traités à la dose intermédiaire de 380 mg présentaient en moyenne un taux plus élevé de lésions avant même l'engagement des essais, ce qui l'aurait conduit à relativiser la moindre efficacité thérapeutique apparente de cette dose. Elles précisent encore qu'une autre incitation à réduire la dose de 720 mg provient de la difficulté pour tout patient, bien connue de l'homme du métier, de suivre un traitement en trois prises quotidiennes ("ter in die" ou "tid" dans la description), tandis que ce dernier n'aurait pas modifié la forme des comprimés testés en phase 2 (120 mg de DMF). Elles en déduisent que l'homme du métier aurait inévitablement testé la dose de 480 mg sous la forme de deux prises quotidiennes de deux comprimés dosés à 120 mg, dont il a l'attente raisonnable qu'elle soit efficace et sûre, au vu des résultats des essais cliniques de phase 2b, et qu'il n'y a là, aucune activité inventive. 24. Les sociétés Biogen MA et Biogen France soutiennent quant à elles que les contestations des sociétés Mylan sont dépourvues de sérieux. Elles font en premier lieu valoir que le brevet EP 873 a été délivré après un examen factuel et juridique approfondi et soulignent que l'argument de l'insuffisance de description n'a jamais été soulevé par les sociétés Mylan devant l'Office ce qui démontre selon elles le caractère "désespéré" de ce moyen. Elles rappellent à cet égard que le brevet parent EP 537 a été révoqué sur le fondement d'un grief d'extension indue, couvert par la nouvelle rédaction de la présente demande. 25. S'agissant de l'insuffisance de description, les sociétés Biogen soutiennent qu'elles n'ont nullement l'obligation, y compris pour un brevet de seconde application thérapeutique, de prouver l'efficacité de la dose couverte par l'invention par des essais cliniques de phase III. Elles en déduisent que ce moyen n'est pas sérieux et sera écarté. 26. S'agissant de l'activité inventive, les sociétés Biogen font valoir que le problème technique que l'invention propose de résoudre est celui d'un traitement amélioré de la sclérose en plaques par l'administration d'une dose quotidienne de 480 mg de DMF, laquelle, de façon surprenante, s'est révélée aussi efficace que la dose de 720 mg. Les sociétés demanderesses soutiennent que le raisonnement de destruction de l'activité inventive du brevet EP 873 est ici basé sur un raisonnement a posteriori interdit, et que contrairement aux affirmations des demanderesses, l'homme du métier n'était absolument pas incité à réduire la dose de 720 mg, qui s'était révélée être la plus efficace au cours des essais de phase 2 b conduits par le docteur [E]. Elles font sur ce point valoir que les effets secondaires décrits sont des effets secondaires que l'homme du métier aurait considéré comme "acceptables" au regard de la gravité de la sclérose en plaques. Elles qualifient en outre le recours à de multiples documents supposés détruire l'activité inventive du brevet d'approche "patchwork" qui ne pourra que conduire le juge des référés à constater que l'invention n'avait rien d'évident. Appréciation du juge des référés 27. Aux termes de l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, "la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich." Selon l'article 138 § 1 de cette Convention, "Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si: a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; (...)". 28. Il résulte en outre de l'article 56 de la Convention sur le brevet européen qu' "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique." 29. En matière de brevets de seconde application thérapeutique, ce qui est le cas du brevet EP 873, il est jugé que "Lorsqu'une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition, l'obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l'exigence de suffisance de description, il n'est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l'application thérapeutique revendiquée, de manière que l'homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique." ( Com., 6 décembre 2017, pourvoi no 15-19.726, Bull. 2017, IV, no 160) 30. Il en résulte que : - l'effet thérapeutique recherché doit être précisé dans les revendications, et - pour qu'il soit satisfait à l'exigence de suffisance de description, le brevet relatif à une seconde application thérapeutique doit comporter, par toute sorte de données, les informations établissant clairement et sans ambiguïté l'effet thérapeutique revendiqué, sans qu'il soit nécessaire de fournir à ce stade le résultat d'essais cliniques, l'effet thérapeutique étant alors considéré comme "plausible". 31. En l'occurrence, ainsi qu'il a été vu, les revendications 1 et 5 précisent l'effet thérapeutique recherché (le traitement de la sclérose en plaques) au moyen de l'administration orale d'une dose quotidienne de 480 mg de fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle, tandis que la description divulgue des tests réalisés sur des souris et les tableaux de conversion pour l'être humain. Surtout, la description mentionne des résultats d'essais cliniques de phase 2b portant sur des composés comprenant différents dosages de fumarate de diméthyle qui rendent indiscutablement "plausible" l'effet thérapeutique de la dose revendiquée. 32. Ceci étant, lorsqu'il est divulgué, avant la date de priorité ou de publication de la demande, qu'une étude clinique est en cours, l'homme du métier est conduit à considérer qu'il existe une espérance de succès suffisante dans le traitement, de nature à rendre l'invention dépourvue d'activité inventive. C'est en ce sens que se sont prononcées plusieurs décisions de ce tribunal comme des chambres de recours de l'Office européen des brevets et en particulier la décision suivante : "3.10 Le document D2 divulgue qu'une étude clinique de phase I évaluant le traitement combiné du cancer avec Yondelis (ET-743) et Doxil (PLD) était en cours. Par conséquent, à la date de publication de D2, l'information selon laquelle le traitement combiné en question était envisagé par les chercheurs pharmaceutiques avec une espérance de succès suffisante pour justifier un essai clinique de phase I était disponible. Dans ce contexte, il est souligné que les composés pharmaceutiques devant être utilisés dans un essai clinique sur des sujets humains ne sont pas sélectionnés sur la base d'une approche générale « try and see », mais sur la base de données scientifiques favorables existantes, pour des raisons à la fois éthiques et économiques. Un essai clinique n'est donc pas un simple exercice de criblage. 3.11 Contrairement à ce qui a été soutenu par les titulaires du brevet, le dossier ne contient aucune autre information qui aurait amené l'homme du métier à modifier cette appréciation et à estimer, à la date de priorité du brevet en litige, qu'il n'y avait finalement aucune espérance raisonnable de réussite pour la polythérapie avec ET-743 et PLD. 3.12 Il était connu que les deux médicaments étaient bien tolérés en monothérapie chez des patients humains (voir D16a pour PLD ; D2 et D7 : pages 1189 et 1190 pour ET-743) et présentaient des toxicités limitant la dose différentes pour la plupart des types de cancer. Ces informations ne vont au moins pas à l'encontre de l'association des médicaments, étant donné qu'il est avantageux de choisir des substances présentant des effets secondaires limitant la dose différents afin d'obtenir un bénéfice d'un traitement combiné (voir point 3.8 ci-dessus et D35 : page 292). Bien que des données expérimentales relatives à la sécurité de l'association ne soient pas disponibles, la simple absence de telles informations n'aurait pas été une raison pour l'homme du métier de s'attendre à l'échec de la polythérapie. À cet égard, les titulaires du brevet ont fait valoir que le taux de réussite des essais en oncologie était généralement très faible, d'environ 5 % (comme indiqué dans la déclaration d'expert D50 : page 2), et il était donc surprenant que les études qu'ils avaient conduites montraient que la polythérapie pouvait être réalisée avec succès à des doses sûres. 3.12.2 La chambre observe que la déclaration contenue dans le document D50 et citée par les titulaires du brevet concernant les faibles taux de succès des médicaments en oncologie fait référence à des essais effectués sur de nouveaux médicaments individuels plutôt que sur des traitements combinés avec des médicaments anticancéreux connus. En tout état de cause, l'argument des titulaires du brevet n'est pas recevable, étant donné que la considération générale selon laquelle tout essai clinique est susceptible d'échouer ne jette aucun doute supplémentaire sur la polythérapie particulière envisagée et n'est donc pas suffisante pour établir une activité inventive. La raison pour laquelle des études cliniques sont conduites est que leurs résultats sont incertains. Mais ce sont des essais de routine et le fait que leur résultat soit incertain ne transforme pas en soi leurs résultats en invention." (Décision de la chambre de recours technique du 4 octobre 2016, noT 2506/12 ; voir aussi T 239/16 du 13 septembre 2017) 33. Il est rappelé que l'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). L'homme du métier est donc ici une équipe pluridisciplinaire constituée d'un médecin ayant une expérience dans le traitement de la sclérose en plaques et d'un pharmacologue. 34. Ainsi que le mentionnent les paragraphes [0001] et [0010] de la description, le problème technique que propose de résoudre l'invention est celui d'un dosage efficace de DMF pour le traitement de la sclérose en plaques. 35. En l'occurrence, l'homme du métier sait, par la présentation des résultats des essais cliniques de phase II (Pièce Mylan no30), que la dose de 720 mg de DMF (240 mg "tid" pour "ter in die" soit 3 fois par jour) a permis de réduire significativement le nombre de nouvelles lésions par rapport au groupe sous placebo (résultats constatés par IRM après injection d'un produit de contraste "Gd+") et en particulier a permis de réduire de 32 % les lésions sur une année, tandis que la dose de 120 mg tid (360 mg) n'a pas montré de différence significative (en particulier pas d'augmentation moins importante du nombre de lésions) sur une année par rapport au groupe sous placebo. 36. L'homme du métier sait toutefois, par ce même document, que les patients traités par la dose à 360 mg présentaient 3 fois plus de lésions que les patients du groupe placebo et 2 fois plus que le groupe de patients ayant bénéficié de la dose à 720 mg. 37. L'homme du métier comprend donc que les résultats pour le groupe de patients ayant reçu la dose intermédiaire de 380 mg "ne sont pas statistiquement fiables" (pièce Mylan no30, diapositive no20 de la présentation du Pr [E]) en ce qu'ils rapportent une moindre efficacité de ce dosage par rapport aux autres groupes. Au contraire, rapporté au nombre de lésions prééxistantes, il comprend que les lésions ont augmenté presque de la même façon pour ce groupe que pour celui traité avec la dose quotidienne de 720 mg (cf ci-dessous extrait des conclusions des sociétés Mylan page 291) : 38. L'homme du métier sait également que 10 patients ont interrompu le traitement correspondant à l'administration de la dose quotidienne de 720 mg en cours d'étude, dont 6 en raison de ses effets indésirables, contre 6 et 8 interruptions dans les autres groupes de patients. L'homme du métier sait également que les patients ayant reçu la dose de 720 mg sont plus nombreux à rapporter des événements indésirables (pièce Mylan no30, diapositive no18). 39. L'homme du métier, qui a connaissance des effets indésirables de la dose à 720 mg et qui, en raison, des spécificités des patients du groupe traité au moyen de la dose à 360 mg, sait que cette dose est efficace, est fortement incité à réduire la dose de DMF à administrer. Il sait également, par ses connaissances générales ("Dosage frequency and drug-compliance behaviour - a comparative study on compliance with a medication to be taken twice or four times daily" par [W] et al., European Journal of Clinical Pharmacologie, éditions Springer-Verlag 1991), qu'il est préférable de choisir un dosage posologique limitant les prises à 2 par jour (" Pullar et al. found similar compliance with once- and twice-daily regimens, and showed a clear, significant decrease in compliance with a TID schedule" soit en français "Pullar et al. ont montré une observance similaire avec les schémas posologiques une et deux fois par jour, et ont montré une diminution claire et significative de l'observance avec un calendrier trois fois par jour"). Il ne changera pas la forme galénique du produit entre les 2 phases d'essais (pour ne pas en modifier la biodisponibilté) et est ainsi nécessairement amené à tester la dose de 2 comprimés de 120 mg 2 x par jour soit la dose de 480 mg par jour. 40. Il s'agit au demeurant de la conclusion à laquelle était parvenu l'organisme américain de contrôle des essais cliniques qui, dès le 30 août 2006, suggérait aux sociétés Biogen dans le cadre de la préparation des essais de phase 3 de tester la dose quotidienne de 480 mg de DMF (240 mg bid ) au vu des résultats des essais cliniques de phase 2: "Ms [X] : (...) in response to Biogen's question of whether the selection of dose is appropriate for the Phase 3 studies, the FDA states "We agree that tolerability issues appear to limit the maximum dose to be tested to 240 milligrams TID. You should, however, consider testing intermediate doses in the Phase 3 study, e.g., 240 milligrams BID or 120 milligrams TID. Such a dose might improve patient compliance and/or minimize dropouts from adverse effects during the study." (...) Dr [H] : (...) We had the 720-milligram dose as the high dose, and then we had the 360-milligram dose. That provided us with the opportunity, if 720-milligram was safe and effective, to take on the 480-milligram BID -- sorry -- 240-milligram BID. dose subsequently in Phase 3. (...) it (the phase 2 study) taught us that 720-milligram was safe and effective. It also shows that 360-milligram was safe. And, therefore, it gave us the opportunity to test a dose in between those two doses in the Phase 3 study." soit en langue française : "Mme [X] : (...) en réponse à la question de Biogen de savoir si la sélection de la dose est appropriée pour les études de phase 3, la FDA déclare : « Nous convenons que les problèmes de tolérabilité semblent limiter la dose maximale à tester à 240 milligrammes TID. Vous devriez quoi qu'il en soit envisager de tester une dose intermédiaire dans l'étude de phase 3, par exemple 240 milligrammes BID ou 120 milligrammes TID. Une telle dose pourrait améliorer l'observance du patient et / ou minimiser les abandons dus aux effets indésirables au cours de l'étude. (...) Dr [H] : (...) Nous avons eu la dose de 720 milligrammes comme dose élevée, puis nous avons eu la dose de 360 milligrammes. Cela nous a donné l'opportunité, si 720 milligrammes étaient sûrs et efficaces, d'affronter le BID de 480 milligrammes -- désolé -- le BID de 240 milligrammes. dose par la suite en phase 3. (...) elle (l'étude de phase 2) nous a appris que 720 milligrammes étaient sûrs et efficaces. Cela montre également que 360 milligrammes étaient sans danger. Et, par conséquent, cela nous a donné l'opportunité de tester une dose entre ces deux doses dans l'étude de phase 3." (Minutes du procès civil no1: 17-cv-116, volume 2, transcription des débats du 6 avril 2020 devant la juge Keeley, du District Nord de Virginie Occidentale - pièce Mylan no76). 41. De tout ce qui précède il résulte que, dès la publication des résultats des essais de phase 2b portant sur l'administration de différents dosages de DMF à des patients atteints de sclérose en plaques, l'homme du métier, aidé de ses connaissances générales, avait l'espoir raisonnable que la dose quotidienne de 480 mg était sûre et efficace pour le traitement de cette maladie. 42. Aussi, la critique tirée du défaut d'activité inventive du brevet EP 873 apparaît à ce stade comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l'apparente validité de ce titre qui justifie, au vu des risques encourus de part et d'autre, de rejeter les demandes présentées en référé par les sociétés Biogen MA et Biogen France, celles-ci apparaissant disproportionnées en référé. 4o) Dispositions finales 43. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Biogen MA et Biogen France seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 60.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe, rendue contradictoirement et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé en l'état du moyen sérieux de nature à remettre en cause l'apparente validité du brevet servant de fondement aux demandes des sociétés Biogen MA et Biogen France ; Condamne in solidum les sociétés Biogen MA et Biogen France aux dépens et autorise Maître Schertenleib, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Biogen MA et Biogen France à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé la somme de 120.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision. Fait à Paris le 06 octobre 2022. Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Nathalie SABOTIER