Unnamed: 0
int64 0
263k
| Journal
stringclasses 3
values | Author
stringlengths 9
368
| Year
stringclasses 67
values | Title
stringlengths 3
204
| section_rank
int64 0
59
| par_rank
int64 0
1.37k
| sent_rank
int64 0
1.06k
| text
stringlengths 1
4.97k
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
700 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 6 | 4 | Nous ne sommes jamais autorisés à disserter au sujet d’un autre mode de connaissance que le nôtre, mais rien ne nous autorise en retour à prendre notre expérience pour le prototype de toute expérience possible, de sorte que notre humanité, en régime critique, ne désigne rien de spécifique. |
701 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 0 | Cet obstacle n’empêche pas de réfléchir ou de penser notre humanité. |
702 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 1 | En tablant sur la capacité particulière de notre entendement à s’étendre de façon problématique au-delà du domaine sensible, de même qu’en entretenant la fiction d’un entendement divin qui nous échappe totalement, la critique n’abandonne pas sa prudence habituelle : elle offre à la raison, mais dans un registre autre que celui de la connaissance d’objets, l’occasion de s’envisager au prisme d’une extériorité assurée. |
703 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 2 | Cet autre point de vue déverrouille alors la possibilité de circonscrire en pensée les limites de notre pouvoir de connaître. |
704 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 3 | Pour la question anthropologique, cela revient à dire que l’humain, dans l’acception précise que confère la première Critique à ce terme, constitue l’inverse même d’un principe. |
705 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 4 | Il coïncide avec l’aboutissement du mouvement particulier de la connaissance de soi, laquelle, conformément à une tournure « anti-augustinienne » que l’on a souvent décelée chez Kant[105], s’acquiert moins par le moyen d’une plongée en soi que par un détour fictif en direction d’une figure étrangère. |
706 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 8 | 5 | À terme, est seul qualifié d’« humain » un pouvoir de connaître qui sait se maintenir avec discipline à l’intérieur de limites clairement tracées, et qui reconnaît l’impossibilité de déterminer objectivement l’espace laissé « vide[106] » en marge de ce territoire. |
707 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 0 | Contrairement à ce qu’allègue Husserl, cette place toujours laissée disponible n’est pas à envisager comme un terrain aménagé pour un second pouvoir de connaître qui mettrait en péril l’authentique universalité de la connaissance[107]. |
708 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 1 | La fonction remplie par cette ouverture ne concerne en réalité que les usages de notre raison : il s’agit, d’une part, de restreindre le champ de son usage théorique, et d’autre part, de préparer un autre usage — son usage pratique[108]. |
709 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 2 | On constate donc la portée considérable que revêt la clause anthropologique de la Critique. |
710 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 3 | Elle inaugure d’elle-même un mouvement vers des objectifs qui dépassent largement les dividendes pourtant infinis de la connaissance objective, puisque l’espace fixé au-delà des frontières de notre humanité ne fait en fin de compte qu’attendre, dans son isolement vis-à-vis les tribulations théoriques de l’entendement, son réinvestissement par une raison quant à elle orientée vers « la détermination du sujet et de son vouloir[109] ». |
711 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 4 | Comme le rappelle la préface de la seconde édition de la Critique, les excès de la raison spéculative et ses échecs répétés « menacent (…) de supprimer bel et bien l’usage pur (pratique) de la raison[110] ». |
712 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 5 | C’est pourquoi il se révèle impératif de protéger la raison contre ses propres objections théoriques lorsqu’elle désire servir « un objectif plus éloigné », selon l’expression de Kant, « à savoir déterminer ce qu’il faut faire, si la volonté est libre, s’il existe un Dieu et un monde futur[111] ». |
713 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 6 | Tel est l’intérêt véritable de la raison humaine, consciente de sa finitude et malgré tout obnubilée par le suprasensible[112]. |
714 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 7 | La limitation de notre pouvoir de connaître ne constitue en ce sens que le premier chapitre d’une intrigue anthropologique plus vaste : la question « qu’est-ce que l’homme ? |
715 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 8 | », comme on l’a si souvent fait remarquer, ne trouve que son commencement dans la question « que puis-je savoir ? |
716 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 9 | » et bascule par nécessité vers ces deux autres questions : « que dois-je faire ? |
717 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 10 | » et « que m’est-il permis d’espérer ? |
718 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 11 | »[113]. |
719 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 12 | Il vaut la peine de rappeler, même si la chose est entendue, que pour Kant la philosophie est tout entière magnétisée par ces dernières questions. |
720 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 13 | En tant que « science du rapport entre toute connaissance et les fins essentielles de la raison humaine », elle est une téléologie de la raison humaine[114]. |
721 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 4 | 10 | 14 | Si la limitation de la raison est ce à quoi l’on reconnaît l’humanité de cette dernière, sans doute vaudrait-il donc mieux, pour Kant, définir cette humanité à partir de sa destination pratique. |
722 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 0 | Dans cet article, je traite de la nature des processus cognitifs sous-tendant nos attributions d’états mentaux aux animaux non humains. |
723 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 1 | Selon la conception traditionnelle, nous n’avons qu’un accès indirect aux états mentaux d’autrui, qui doivent être inférés sur la base du comportement. |
724 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 2 | Cette conception traditionnelle influence autant les débats conceptuels concernant l’esprit des animaux que les recherches empiriques sur la cognition animale. |
725 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 3 | Or de récents travaux sur la cognition sociale humaine avancent plutôt une conception « interactionniste », selon laquelle les états mentaux peuvent parfois être directement perçus dans le comportement. |
726 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 4 | J’applique dans cet article la conception interactionniste à l’attribution d’états mentaux aux animaux. |
727 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 5 | Je conclus que celle-ci rend mieux compte des attitudes du sens commun à l’égard des états mentaux des animaux et est plus féconde pour la recherche empirique sur la cognition animale que la conception traditionnelle. |
728 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 0 | 0 | Introduction |
729 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 0 | Quelle est la nature de la connaissance que nous avons des états mentaux des animaux non humains ? |
730 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 1 | Lorsque nous voyons des animaux adopter différents comportements, nous leur attribuons régulièrement, sur la base de ces comportements, des états mentaux variés. |
731 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 2 | Par exemple, on dira d’un chien jappant à un arbre dans lequel un chat s’est réfugié avant d’en redescendre subrepticement qu’il pense qu’il y a un chat dans l’arbre, ou encore qu’une souris sursautant et prenant la fuite à la suite d’un bruit assourdissant est effrayée par le bruit. |
732 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 3 | Quelle est la nature des processus cognitifs sous-tendant ces attributions, et comment parvenir à déterminer si de telles attributions de pensées, d’émotions, de douleurs, etc. |
733 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 4 | sont justifiées ? |
734 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 5 | Ne pourrait-il s’agir que de métaphores anthropomorphiques décrivant des comportements mécaniques derrière lesquels ne se cache aucun esprit ? |
735 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 2 | 6 | La question est cruciale, dans la mesure où plusieurs philosophes établissent implicitement ou explicitement le statut moral des animaux sur la base de leur statut cognitif, c’est-à-dire qu’ils déterminent la nature de nos engagements moraux envers les animaux, en fonction des états mentaux que ceux-ci peuvent ou ne peuvent pas avoir[1][2]. |
736 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 4 | 0 | Comprendre la nature de nos attributions d’états mentaux aux animaux semble crucial, surtout compte tenu du fait qu’il paraît y avoir des obstacles substantiels à notre connaissance de l’esprit des animaux. |
737 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 4 | 1 | En effet, le problème traditionnel des autres esprits[3] semble amplifié de manière importante dans le cas des animaux, au moins en partie parce que ceux-ci n’ont pas de langage articulé pour nous informer de leurs états mentaux. |
738 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 4 | 2 | Ces difficultés se manifestent d’ailleurs non seulement dans les débats philosophiques sur la question, mais aussi à travers les controverses récurrentes au sein des études empiriques concernant la cognition animale. |
739 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 4 | 3 | Les désaccords chroniques en psychologie comparative entre les interprétations « rabat-joie » (killjoy), expliquant le comportement animal à partir de mécanismes cognitifs simples et de bas niveau, et les interprétations « romantiques », expliquant le comportement animal à l’aide de processus cognitifs complexes et de haut niveau[4], témoignent de ces difficultés. |
740 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 4 | 4 | S’il n’est pas réaliste d’espérer régler ces problèmes ici, il convient néanmoins de s’interroger sur la manière dont sont formulées les questions que visent à résoudre les enquêtes sur la cognition animale, ainsi que sur le point de départ théorique à partir duquel elles sont le plus souvent posées. |
741 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 6 | 0 | Le problème général de la connaissance de l’esprit d’autrui ainsi que les recherches sur les processus cognitifs sous-tendant nos attributions d’états mentaux sont la plupart du temps abordés à partir d’une certaine conception de la nature de notre relation avec les états mentaux d’autrui que j’appellerai la conception traditionnelle. |
742 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 6 | 1 | Selon celle-ci, les états mentaux sont des états internes cachés derrière le comportement et auxquels nous ne pouvons avoir accès que par le biais d’une inférence théorique ou d’une simulation. |
743 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 6 | 2 | Cette idée est souvent également associée à celle selon laquelle nous entrons ordinairement en interaction avec les états mentaux d’autrui à partir d’une posture d’observateur extérieur visant à décrire les états internes d’autrui comme un fait indépendant et objectif, de manière analogue au travail d’un·e scientifique cherchant à expliquer un phénomène naturel. |
744 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 6 | 3 | Cette conception est considérée comme évidente et constitue très souvent le point de départ théorique à partir duquel sont étudiées autant les questions conceptuelles entourant notre compréhension de l’esprit d’autrui que les questions empiriques concernant les processus cognitifs nous permettant de le comprendre, rassemblées sous le terme générique de « cognition sociale ». |
745 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 8 | 0 | Cette conception, contrairement à ce que peuvent laisser entendre ceux qui l’adoptent, n’est cependant pas théoriquement innocente et présuppose une conception de l’esprit abondamment critiquée au cours du xxe siècle, comme nous le verrons plus loin. |
746 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 8 | 1 | Plus récemment, ce modèle a été remis en question par un ensemble de théories de la cognition sociale affirmant que notre connaissance des états mentaux d’autrui s’établit avant tout dans une interaction sensorimotrice vécue à la deuxième personne et que nous pouvons dans certains cas percevoir directement les états mentaux d’autrui à travers leur comportement. |
747 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 8 | 2 | Ces théories interactionnistes constituent aujourd’hui une importante alternative aux conceptions dominantes concevant la cognition sociale soit comme des inférences théoriques ou de la simulation d’états mentaux. |
748 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 0 | À ma connaissance, elles n’ont cependant jamais été appliquées à la question de l’attribution d’états mentaux aux animaux[5]. |
749 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 1 | Le champ de la cognition sociale en sciences cognitives s’intéresse depuis longtemps aux processus cognitifs par lesquels les humains s’attribuent mutuellement des états mentaux. |
750 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 2 | Depuis au moins aussi longtemps, on s’interroge sur la cognition sociale des animaux et la manière dont leurs capacités cognitives concernant les états mentaux d’autrui diffèrent des capacités responsables de la cognition sociale humaine. |
751 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 3 | Ces interrogations portent principalement sur la question de savoir si certains animaux disposent au même titre que les humains d’une « théorie de l’esprit » (theory of mind), c’est-à-dire une capacité à attribuer des états mentaux représentationnels à autrui[6]. |
752 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 4 | Cependant, la cognition sociale humaine orientée vers les états mentaux des animaux est très peu étudiée. |
753 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 10 | 5 | Une telle étude pourrait nous apprendre des choses pertinentes concernant la nature de notre relation avec la cognition animale, et éventuellement concernant le bon point de départ théorique à partir duquel étudier la cognition animale. |
754 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 0 | Dans cet article, il ne sera pas directement question du problème traditionnel de l’esprit des animaux, c’est-à-dire de la question de savoir si nos attributions d’états mentaux aux animaux sont rationnellement justifiées ni même de la question de savoir quels types d’états mentaux les animaux peuvent ou ne peuvent pas avoir. |
755 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 1 | Je me pencherai plutôt sur la nature de notre relation cognitive avec l’esprit des animaux, c’est-à-dire sur la nature des processus par lesquels nous attribuons des états mentaux aux animaux. |
756 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 2 | Je suggère que les théories interactionnistes nous permettent de comprendre ces processus mieux que la conception traditionnelle évoquée plus haut. |
757 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 3 | Elles fournissent un point de départ théorique pertinent pour comprendre nos pratiques ordinaires d’attribution d’états mentaux, ainsi que pour encadrer l’étude empirique de la cognition animale. |
758 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 4 | Selon ce nouveau point de départ, les états mentaux des animaux ne sont pas conçus d’entrée de jeu comme des phénomènes cachés derrière leur comportement, mais plutôt comme des formes d’activités partiellement constituées par leur comportement et rendues manifestes à même notre interaction sensorimotrice avec eux. |
759 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 12 | 5 | Comme nous le verrons, ce nouveau point de départ éclaire d’une lumière différente nos investigations concernant la cognition animale et, s’il ne répond pas directement au problème de l’esprit des animaux, il relègue le spectre du scepticisme concernant la vie mentale des animaux à l’arrière-plan des débats philosophiques sur la cognition animale. |
760 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 14 | 0 | Dans la première section de cet article, je présenterai la conception traditionnelle de la cognition sociale, qui constitue le point de départ théorique le plus fréquent pour l’étude des processus cognitifs sous-tendant la cognition sociale, et j’expliquerai comment elle s’applique à l’étude de la cognition animale. |
761 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 14 | 1 | Dans la seconde section, j’introduirai les théories interactionnistes et montrerai comment elles remettent en question les postulats de la conception traditionnelle de la cognition sociale. |
762 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 14 | 2 | Finalement, j’explorerai dans la troisième section les implications qu’ont ces théories interactionnistes sur notre relation cognitive avec les états mentaux des animaux, ainsi que sur l’étude empirique de la cognition animale. |
763 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 0 | 14 | 3 | Je conclurai que, bien qu’elles ne parviennent pas à résoudre tous les problèmes théoriques associés à l’étude de la cognition animale, les approches interactionnistes de la cognition sociale rendent mieux compte que leur alternative traditionnelle de nos attributions ordinaires d’états mentaux aux animaux et constituent un point de départ théorique plus fructueux pour la recherche sur la cognition animale. |
764 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 0 | 0 | 1. |
765 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 0 | 1 | La conception traditionnelle de la cognition sociale |
766 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 2 | 0 | Le champ de la cognition sociale en sciences cognitives est traversé depuis plusieurs décennies par une opposition entre deux familles de théories visant à rendre compte des processus cognitifs rendant possible notre compréhension des états mentaux d’autrui. |
767 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 2 | 1 | La première, appelée la « théorie de la théorie » (theory theory) soutient que nous parvenons à connaître les états mentaux d’autrui par le biais d’inférences théoriques postulant des entités mentales, souvent des croyances, des désirs et des intentions, permettant d’expliquer et de prédire le comportement[7]. |
768 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 2 | 2 | La compréhension des états mentaux d’autrui est donc analogue au travail scientifique, dans lequel on postule l’existence d’entités théoriques sur la base de données empiriques, constituant ainsi une théorie permettant de décrire et de prédire le phénomène empirique auquel on s’intéresse. |
769 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 2 | 3 | La théorie de la simulation (simulation theory), quant à elle, soutient que nous comprenons les états mentaux d’autrui en simulant en nous-mêmes les états mentaux que nous aurions si nous nous trouvions dans sa situation[8]. |
770 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 2 | 4 | Nous utilisons ces simulations comme un modèle des états mentaux d’autrui nous permettant également d’expliquer et de prédire son comportement. |
771 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 0 |
Ces deux familles de théorie adoptent généralement toutes deux une certaine conception de notre relation cognitive avec l’esprit d’autrui, qu’elles prennent comme point de départ commun à partir duquel penser la cognition sociale. |
772 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 1 | Cette conception traditionnelle est constituée de deux thèses. |
773 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 2 | Selon la première thèse, les états mentaux d’autrui sont des états internes fondamentalement inaccessibles à la perception. |
774 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 3 | Les états mentaux causent le comportement, qui est lui-même observable, mais il y a toujours une distance épistémique entre le comportement observable et l’état mental qui le cause, cette distance ne pouvant être franchie que par une inférence théorique, ou par un processus cognitif additionnel comme une simulation. |
775 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 4 | Cette conception est bien résumée dans le manuel de psychologie sociale de Epley et Waytz[9] :
Other’s mental states are unobservable and
inherently invisible and it is precisely because people lack direct information about
other’s mental states that they must base their inferences on whatever information about
others that they do, in fact, have access to. |
776 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 5 | They must make a leap from the observable
behaviorto the unobservable mental states, a
leap employing either simulation or theoretical inference[10]. |
777 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 6 | Les conséquences de cette position sont également exprimées de manière
particulièrement frappante dans ce passage de Gopnik, qui figure parmi les principaux
défenseurs de la « théorie de la théorie », dans lequel elle décrit la scène d’un dîner
entre amis telle que perçue par le système perceptuel avant d’être interprétée par le
processus cognitif additionnel permettant l’attribution d’états mentaux :
Around me bags of skin are draped over chairs, and
stuffed into pieces of cloth ; they shift and protrude in unexpected ways […]. |
778 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 7 | Two dark
spots near the top of them swivel restlessly back and forth. |
779 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 8 | A hole beneath the spots
fills with food and from it comes a stream of noises[11]. |
780 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 9 | En d’autres termes, nos systèmes perceptuels n’ont accès qu’à des mouvements
corporels dénués de sens (des yeux qui bougent, des bouches qui s’ouvrent et se ferment en
produisant du bruit, etc. |
781 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 10 | ), sur la base desquels nous inférons ensuite des états mentaux
pour expliquer et prédire ces mouvements. |
782 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 11 | On parle de principe de non-observabilité pour
désigner la thèse selon laquelle les états mentaux sont inaccessibles sur le plan
perceptuel (unobservability principle)[12]. |
783 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 12 | Ce principe est présupposé par une majorité de chercheurs en
cognition sociale. |
784 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 13 | Par exemple, Leslie dit : « because the
mental states of others (and indeed of ourselves) are completely hidden from the senses,
they can only ever be inferred[13] », tandis que Mitchell caractérise les états mentaux comme
des « inherently unobservable constructs[14] ». |
785 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 14 | Il est important de
noter que ce principe n’est que rarement motivé ou justifié. |
786 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 4 | 15 | Il s’agit d’un point de
départ théorique qui est tenu pour évident et à partir duquel sont formulées des questions
empiriques à étudier. |
787 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 6 | 0 | La seconde thèse, formant avec le principe de non-observabilité la conception traditionnelle
de la cognition sociale, consiste en une certaine conception de la posture que nous
adoptons vis-à-vis des autres et de leurs états mentaux en contexte d’interaction normale. |
788 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 6 | 1 | Selon cette conception, qui est également traditionnellement adoptée dans le champ de
recherche de la cognition sociale, nous comprenons les autres en observant leur
comportement de manière à établir un modèle adéquat de leurs états mentaux, ce qui permet
en retour d’expliquer et de prédire leur comportement. |
789 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 6 | 2 | L’attribution d’états mentaux se
fait ainsi sur la base d’une observation extérieure, détachée et objective du comportement
d’autrui. |
790 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 6 | 3 | Cette « posture observationnelle » (observational
posture)[15] est souvent explicite dans la
théorie de la théorie, mais est également présente dans plusieurs versions de la théorie
de la simulation[16]. |
791 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 0 | Si la conception traditionnelle constitue un important présupposé dans notre manière de
concevoir notre relation avec les états mentaux humains, elle semble encore plus
profondément ancrée dans notre manière d’aborder les états mentaux des animaux. |
792 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 1 | Il est
clair que si les états mentaux humains sont non observables, les états mentaux animaux le
sont tout autant. |
793 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 2 | Comme nous le verrons plus loin, différents facteurs aggravants semblent
même produire d’importants obstacles additionnels à notre accès aux états mentaux des
animaux. |
794 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 3 | En conséquence, le scepticisme concernant la connaissance de l’esprit d’autrui,
qui ne relève pour les états mentaux humains que de la discussion philosophique abstraite,
se manifeste très concrètement dans l’étude de la cognition animale. |
795 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 4 | Par exemple, Pearce
affirme : « it is possible that [chimpanzee] Washoe has
similar mental experiences to a child, but it is also possible that Washoe has a very
different type of mental experience, or no mental experience at all[17] ». |
796 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 5 | La question de
savoir quels types d’états mentaux Washoe le chimpanzé possède est fondamentalement
problématique pour Pearce, dans la mesure où « it is not
possible to observe directly the mental states of an animal[18] ». |
797 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 8 | 6 | Il est certainement
juste de dire que le principe de non-observabilité, prépondérant dans l’étude de la
cognition humaine, est encore plus largement accepté dans l’étude de la cognition
animale. |
798 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 10 | 0 | La posture observationnelle joue également un rôle méthodologique important dans l’étude de la cognition animale. |
799 | Philosophiques | Rémi
Tison | 2023 | Interaction sociale et cognition animale | 1 | 10 | 1 | Il est en effet souvent déconseillé d’interagir avec les sujets animaux étudiés, qu’il faut plutôt observer de manière neutre et détachée[19]. |